The Project Gutenberg EBook of Les trois mousquetaires, by Alexandre Dumas This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Les trois mousquetaires Author: Alexandre Dumas Release Date: November 4, 2004 [EBook #13951] [Last updated: January 8, 2017] Language: French *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES TROIS MOUSQUETAIRES *** This Etext was prepared by Ebooks libres et gratuits and is available at http://www.ebooksgratuits.com in Word format, Mobipocket Reader format, eReader format and Acrobat Reader format. Alexandre Dumas LES TROIS MOUSQUETAIRES Table des matières INTRODUCTION CHAPITRE PREMIER LES TROIS PRÉSENTS DE M. D'ARTAGNAN PÈRE CHAPITRE II L'ANTICHAMBRE DE M. DE TRÉVILLE CHAPITRE III L'AUDIENCE CHAPITRE IV L'ÉPAULE D'ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS ET LE MOUCHOIR D'ARAMIS CHAPITRE V LES MOUSQUETAIRES DU ROI ET LES GARDES DE M. LE CARDINAL CHAPITRE VI SA MAJESTÉ LE ROI LOUIS TREIZIÈME CHAPITRE VII L'INTÉRIEUR DES MOUSQUETAIRES CHAPITRE VIII UNE INTRIGUE DE COEUR CHAPITRE IX D'ARTAGNAN SE DESSINE CHAPITRE X UNE SOURICIÈRE AU XVIIe SIÈCLE CHAPITRE XI L'INTRIGUE SE NOUE CHAPITRE XII GEORGES VILLIERS, DUC DE BUCKINGHAM CHAPITRE XIII MONSIEUR BONACIEUX CHAPITRE XIV L'HOMME DE MEUNG CHAPITRE XV GENS DE ROBE ET GENS D'ÉPÉE CHAPITRE XVI OÙ M. LE GARDE DES SCEAUX SÉGUIER CHERCHA PLUS D'UNE FOIS LA CLOCHE POUR LA SONNER, COMME IL LE FAISAIT AUTREFOIS CHAPITRE XVII LE MÉNAGE BONACIEUX CHAPITRE XVIII L'AMANT ET LE MARI CHAPITRE XIX PLAN DE CAMPAGNE CHAPITRE XX VOYAGE CHAPITRE XXI LA COMTESSE DE WINTER CHAPITRE XXII LE BALLET DE LA MERLAISON CHAPITRE XXIII LE RENDEZ-VOUS CHAPITRE XXIV LE PAVILLON CHAPITRE XXV PORTHOS CHAPITRE XXVI LA THÈSE D'ARAMIS CHAPITRE XXVII LA FEMME D'ATHOS CHAPITRE XXVIII RETOUR CHAPITRE XXIX LA CHASSE À L'ÉQUIPEMENT CHAPITRE XXX MILADY CHAPITRE XXXI ANGLAIS ET FRANÇAIS CHAPITRE XXXII UN DÎNER DE PROCUREUR CHAPITRE XXXIII SOUBRETTE ET MAÎTRESSE CHAPITRE XXXIV OÙ IL EST TRAITÉ DE L'ÉQUIPEMENT D'ARAMIS ET DE PORTHOS CHAPITRE XXXV LA NUIT TOUS LES CHATS SONT GRIS CHAPITRE XXXVI RÊVE DE VENGEANCE CHAPITRE XXXVII LE SECRET DE MILADY CHAPITRE XXXVIII COMMENT, SANS SE DÉRANGER, ATHOS TROUVA SON ÉQUIPEMENT CHAPITRE XXXIX UNE VISION CHAPITRE XL LE CARDINAL CHAPITRE XLI LE SIÈGE DE LA ROCHELLE CHAPITRE XLII LE VIN D'ANJOU CHAPITRE XLIII L'AUBERGE DU COLOMBIER-ROUGE CHAPITRE XLIV DE L'UTILITÉ DES TUYAUX DE POÊLE CHAPITRE XLV SCÈNE CONJUGALE CHAPITRE XLVI LE BASTION SAINT-GERVAIS CHAPITRE XLVII LE CONSEIL DES MOUSQUETAIRES CHAPITRE XLVIII AFFAIRE DE FAMILLE CHAPITRE XLIX FATALITÉ CHAPITRE L CAUSERIE D'UN FRÈRE AVEC SA SOEUR CHAPITRE LI OFFICIER CHAPITRE LII PREMIERE JOURNÉE DE CAPTIVITÉ CHAPITRE LIII DEUXIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ CHAPITRE LIV TROISIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ CHAPITRE LV QUATRIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ CHAPITRE LVI CINQUIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ CHAPITRE LVII UN MOYEN DE TRAGÉDIE CLASSIQUE CHAPITRE LVIII ÉVASION CHAPITRE LIX CE QUI SE PASSAIT À PORTSMOUTH LE 23 AOÛT 1628 CHAPITRE LX EN FRANCE CHAPITRE LXI LE COUVENT DES CARMÉLITES DE BÉTHUNE CHAPITRE LXII DEUX VARIÉTÉS DE DÉMONS CHAPITRE LXIII UNE GOUTTE D'EAU CHAPITRE LXIV L'HOMME AU MANTEAU ROUGE CHAPITRE LXV LE JUGEMENT CHAPITRE LXVI L'EXÉCUTION CHAPITRE LXVII CONCLUSION ÉPILOGUE INTRODUCTION Il y a un an à peu près, qu'en faisant à la Bibliothèque royale des recherches pour mon histoire de Louis XIV, je tombai par hasard sur les Mémoires de M. d'Artagnan, imprimés -- comme la plus grande partie des ouvrages de cette époque, où les auteurs tenaient à dire la vérité sans aller faire un tour plus ou moins long à la Bastille -- à Amsterdam, chez Pierre Rouge. Le titre me séduisit: je les emportai chez moi, avec la permission de M. le conservateur; bien entendu, je les dévorai. Mon intention n'est pas de faire ici une analyse de ce curieux ouvrage, et je me contenterai d'y renvoyer ceux de mes lecteurs qui apprécient les tableaux d'époques. Ils y trouveront des portraits crayonnés de main de maître; et, quoique les esquisses soient, pour la plupart du temps, tracées sur des portes de caserne et sur des murs de cabaret, ils n'y reconnaîtront pas moins, aussi ressemblantes que dans l'histoire de M. Anquetil, les images de Louis XIII, d'Anne d'Autriche, de Richelieu, de Mazarin et de la plupart des courtisans de l'époque. Mais, comme on le sait, ce qui frappe l'esprit capricieux du poète n'est pas toujours ce qui impressionne la masse des lecteurs. Or, tout en admirant, comme les autres admireront sans doute, les détails que nous avons signalés, la chose qui nous préoccupa le plus est une chose à laquelle bien certainement personne avant nous n'avait fait la moindre attention. D'Artagnan raconte qu'à sa première visite à M. de Tréville, le capitaine des mousquetaires du roi, il rencontra dans son antichambre trois jeunes gens servant dans l'illustre corps où il sollicitait l'honneur d'être reçu, et ayant nom Athos, Porthos et Aramis. Nous l'avouons, ces trois noms étrangers nous frappèrent, et il nous vint aussitôt à l'esprit qu'ils n'étaient que des pseudonymes à l'aide desquels d'Artagnan avait déguisé des noms peut-être illustres, si toutefois les porteurs de ces noms d'emprunt ne les avaient pas choisis eux-mêmes le jour où, par caprice, par mécontentement ou par défaut de fortune, ils avaient endossé la simple casaque de mousquetaire. Dès lors nous n'eûmes plus de repos que nous n'eussions retrouvé, dans les ouvrages contemporains, une trace quelconque de ces noms extraordinaires qui avaient fort éveillé notre curiosité. Le seul catalogue des livres que nous lûmes pour arriver à ce but remplirait un feuilleton tout entier, ce qui serait peut-être fort instructif, mais à coups sûr peu amusant pour nos lecteurs. Nous nous contenterons donc de leur dire qu'au moment où, découragé de tant d'investigations infructueuses, nous allions abandonner notre recherche, nous trouvâmes enfin, guidé par les conseils de notre illustre et savant ami Paulin Paris, un manuscrit in-folio, coté le n° 4772 ou 4773, nous ne nous le rappelons plus bien, ayant pour titre: «Mémoires de M. le comte de La Fère, concernant quelques-uns des événements qui se passèrent en France vers la fin du règne du roi Louis XIII et le commencement du règne du roi Louis XIV.» On devine si notre joie fut grande, lorsqu'en feuilletant ce manuscrit, notre dernier espoir, nous trouvâmes à la vingtième page le nom d'Athos, à la vingt-septième le nom de Porthos, et à la trente et unième le nom d'Aramis. La découverte d'un manuscrit complètement inconnu, dans une époque où la science historique est poussée à un si haut degré, nous parut presque miraculeuse. Aussi nous hâtâmes-nous de solliciter la permission de le faire imprimer, dans le but de nous présenter un jour avec le bagage des autres à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, si nous n'arrivions, chose fort probable, à entrer à l'Académie française avec notre propre bagage. Cette permission, nous devons le dire, nous fut gracieusement accordée; ce que nous consignons ici pour donner un démenti public aux malveillants qui prétendent que nous vivons sous un gouvernement assez médiocrement disposé à l'endroit des gens de lettres. Or, c'est la première partie de ce précieux manuscrit que nous offrons aujourd'hui à nos lecteurs, en lui restituant le titre qui lui convient, prenant l'engagement, si, comme nous n'en doutons pas, cette première partie obtient le succès qu'elle mérite, de publier incessamment la seconde. En attendant, comme le parrain est un second père, nous invitons le lecteur à s'en prendre à nous, et non au comte de La Fère, de son plaisir ou de son ennui. Cela posé, passons à notre histoire. CHAPITRE PREMIER LES TROIS PRÉSENTS DE M. D'ARTAGNAN PÈRE Le premier lundi du mois d'avril 1625, le bourg de Meung, où naquit l'auteur du Roman de la Rose, semblait être dans une révolution aussi entière que si les huguenots en fussent venus faire une seconde Rochelle. Plusieurs bourgeois, voyant s'enfuir les femmes du côté de la Grande-Rue, entendant les enfants crier sur le seuil des portes, se hâtaient d'endosser la cuirasse et, appuyant leur contenance quelque peu incertaine d'un mousquet ou d'une pertuisane, se dirigeaient vers l'hôtellerie du Franc Meunier, devant laquelle s'empressait, en grossissant de minute en minute, un groupe compact, bruyant et plein de curiosité. En ce temps-là les paniques étaient fréquentes, et peu de jours se passaient sans qu'une ville ou l'autre enregistrât sur ses archives quelque événement de ce genre. Il y avait les seigneurs qui guerroyaient entre eux; il y avait le roi qui faisait la guerre au cardinal; il y avait l'Espagnol qui faisait la guerre au roi. Puis, outre ces guerres sourdes ou publiques, secrètes ou patentes, il y avait encore les voleurs, les mendiants, les huguenots, les loups et les laquais, qui faisaient la guerre à tout le monde. Les bourgeois s'armaient toujours contre les voleurs, contre les loups, contre les laquais, -- souvent contre les seigneurs et les huguenots, -- quelquefois contre le roi, -- mais jamais contre le cardinal et l'Espagnol. Il résulta donc de cette habitude prise, que, ce susdit premier lundi du mois d'avril 1625, les bourgeois, entendant du bruit, et ne voyant ni le guidon jaune et rouge, ni la livrée du duc de Richelieu, se précipitèrent du côté de l'hôtel du Franc Meunier. Arrivé là, chacun put voir et reconnaître la cause de cette rumeur. Un jeune homme... -- traçons son portrait d'un seul trait de plume: figurez-vous don Quichotte à dix-huit ans, don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissards, don Quichotte revêtu d'un pourpoint de laine dont la couleur bleue s'était transformée en une nuance insaisissable de lie-de-vin et d'azur céleste. Visage long et brun; la pommette des joues saillante, signe d'astuce; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume; l'oeil ouvert et intelligent; le nez crochu, mais finement dessiné; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme fait, et qu'un oeil peu exercé eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans sa longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval. Car notre jeune homme avait une monture, et cette monture était même si remarquable, qu'elle fut remarquée: c'était un bidet du Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe, sans crins à la queue, mais non pas sans javarts aux jambes, et qui, tout en marchant la tête plus bas que les genoux, ce qui rendait inutile l'application de la martingale, faisait encore également ses huit lieues par jour. Malheureusement les qualités de ce cheval étaient si bien cachées sous son poil étrange et son allure incongrue, que dans un temps où tout le monde se connaissait en chevaux, l'apparition du susdit bidet à Meung, où il était entré il y avait un quart d'heure à peu près par la porte de Beaugency, produisit une sensation dont la défaveur rejaillit jusqu'à son cavalier. Et cette sensation avait été d'autant plus pénible au jeune d'Artagnan (ainsi s'appelait le don Quichotte de cette autre Rossinante), qu'il ne se cachait pas le côté ridicule que lui donnait, si bon cavalier qu'il fût, une pareille monture; aussi avait-il fort soupiré en acceptant le don que lui en avait fait M. d'Artagnan père. Il n'ignorait pas qu'une pareille bête valait au moins vingt livres: il est vrai que les paroles dont le présent avait été accompagné n'avaient pas de prix. «Mon fils, avait dit le gentilhomme gascon -- dans ce pur patois de Béarn dont Henri IV n'avait jamais pu parvenir à se défaire --, mon fils, ce cheval est né dans la maison de votre père, il y a tantôt treize ans, et y est resté depuis ce temps-là, ce qui doit vous porter à l'aimer. Ne le vendez jamais, laissez-le mourir tranquillement et honorablement de vieillesse, et si vous faites campagne avec lui, ménagez-le comme vous ménageriez un vieux serviteur. À la cour, continua M. d'Artagnan père, si toutefois vous avez l'honneur d'y aller, honneur auquel, du reste, votre vieille noblesse vous donne des droits, soutenez dignement votre nom de gentilhomme, qui a été porté dignement par vos ancêtres depuis plus de cinq cents ans. Pour vous et pour les vôtres -- par les vôtres, j'entends vos parents et vos amis --, ne supportez jamais rien que de M. le cardinal et du roi. C'est par son courage, entendez-vous bien, par son courage seul, qu'un gentilhomme fait son chemin aujourd'hui. Quiconque tremble une seconde laisse peut-être échapper l'appât que, pendant cette seconde justement, la fortune lui tendait. Vous êtes jeune, vous devez être brave par deux raisons: la première, c'est que vous êtes Gascon, et la seconde, c'est que vous êtes mon fils. Ne craignez pas les occasions et cherchez les aventures. Je vous ai fait apprendre à manier l'épée; vous avez un jarret de fer, un poignet d'acier; battez-vous à tout propos; battez-vous d'autant plus que les duels sont défendus, et que, par conséquent, il y a deux fois du courage à se battre. Je n'ai, mon fils, à vous donner que quinze écus, mon cheval et les conseils que vous venez d'entendre. Votre mère y ajoutera la recette d'un certain baume qu'elle tient d'une bohémienne, et qui a une vertu miraculeuse pour guérir toute blessure qui n'atteint pas le coeur. Faites votre profit du tout, et vivez heureusement et longtemps. -- Je n'ai plus qu'un mot à ajouter, et c'est un exemple que je vous propose, non pas le mien, car je n'ai, moi, jamais paru à la cour et n'ai fait que les guerres de religion en volontaire; je veux parler de M. de Tréville, qui était mon voisin autrefois, et qui a eu l'honneur de jouer tout enfant avec notre roi Louis treizième, que Dieu conserve! Quelquefois leurs jeux dégénéraient en bataille et dans ces batailles le roi n'était pas toujours le plus fort. Les coups qu'il en reçut lui donnèrent beaucoup d'estime et d'amitié pour M. de Tréville. Plus tard, M. de Tréville se battit contre d'autres dans son premier voyage à Paris, cinq fois; depuis la mort du feu roi jusqu'à la majorité du jeune sans compter les guerres et les sièges, sept fois; et depuis cette majorité jusqu'aujourd'hui, cent fois peut-être! -- Aussi, malgré les édits, les ordonnances et les arrêts, le voilà capitaine des mousquetaires, c'est-à-dire chef d'une légion de Césars, dont le roi fait un très grand cas, et que M. le cardinal redoute, lui qui ne redoute pas grand-chose, comme chacun sait. De plus, M. de Tréville gagne dix mille écus par an; c'est donc un fort grand seigneur. -- Il a commencé comme vous, allez le voir avec cette lettre, et réglez-vous sur lui, afin de faire comme lui.» Sur quoi, M. d'Artagnan père ceignit à son fils sa propre épée, l'embrassa tendrement sur les deux joues et lui donna sa bénédiction. En sortant de la chambre paternelle, le jeune homme trouva sa mère qui l'attendait avec la fameuse recette dont les conseils que nous venons de rapporter devaient nécessiter un assez fréquent emploi. Les adieux furent de ce côté plus longs et plus tendres qu'ils ne l'avaient été de l'autre, non pas que M. d'Artagnan n'aimât son fils, qui était sa seule progéniture, mais M. d'Artagnan était un homme, et il eût regardé comme indigne d'un homme de se laisser aller à son émotion, tandis que Mme d'Artagnan était femme et, de plus, était mère. -- Elle pleura abondamment, et, disons-le à la louange de M. d'Artagnan fils, quelques efforts qu'il tentât pour rester ferme comme le devait être un futur mousquetaire, la nature l'emporta et il versa force larmes, dont il parvint à grand-peine à cacher la moitié. Le même jour le jeune homme se mit en route, muni des trois présents paternels et qui se composaient, comme nous l'avons dit, de quinze écus, du cheval et de la lettre pour M. de Tréville; comme on le pense bien, les conseils avaient été donnés par-dessus le marché. Avec un pareil _vade-mecum_, d'Artagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du héros de Cervantes, auquel nous l'avons si heureusement comparé lorsque nos devoirs d'historien nous ont fait une nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des armées, d'Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en résulta qu'il eut toujours le poing fermé depuis Tarbes jusqu'à Meung, et que l'un dans l'autre il porta la main au pommeau de son épée dix fois par jour; toutefois le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et l'épée ne sortit point de son fourreau. Ce n'est pas que la vue du malencontreux bidet jaune n'épanouît bien des sourires sur les visages des passants; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et qu'au-dessus de cette épée brillait un oeil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou, si l'hilarité l'emportait sur la prudence, ils tâchaient au moins de ne rire que d'un seul côté, comme les masques antiques. D'Artagnan demeura donc majestueux et intact dans sa susceptibilité jusqu'à cette malheureuse ville de Meung. Mais là, comme il descendait de cheval à la porte du Franc Meunier sans que personne, hôte, garçon ou palefrenier, fût venu prendre l'étrier au montoir, d'Artagnan avisa à une fenêtre entrouverte du rez-de-chaussée un gentilhomme de belle taille et de haute mine, quoique au visage légèrement renfrogné, lequel causait avec deux personnes qui paraissaient l'écouter avec déférence. D'Artagnan crut tout naturellement, selon son habitude, être l'objet de la conversation et écouta. Cette fois, d'Artagnan ne s'était trompé qu'à moitié: ce n'était pas de lui qu'il était question, mais de son cheval. Le gentilhomme paraissait énumérer à ses auditeurs toutes ses qualités, et comme, ainsi que je l'ai dit, les auditeurs paraissaient avoir une grande déférence pour le narrateur, ils éclataient de rire à tout moment. Or, comme un demi-sourire suffisait pour éveiller l'irascibilité du jeune homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante hilarité. Cependant d'Artagnan voulut d'abord se rendre compte de la physionomie de l'impertinent qui se moquait de lui. Il fixa son regard fier sur l'étranger et reconnut un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux yeux noirs et perçants, au teint pâle, au nez fortement accentué, à la moustache noire et parfaitement taillée; il était vêtu d'un pourpoint et d'un haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement que les crevés habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut- de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froissés comme des habits de voyage longtemps renfermés dans un portemanteau. D'Artagnan fit toutes ces remarques avec la rapidité de l'observateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande influence sur sa vie à venir. Or, comme au moment où d'Artagnan fixait son regard sur le gentilhomme au pourpoint violet, le gentilhomme faisait à l'endroit du bidet béarnais une de ses plus savantes et de ses plus profondes démonstrations, ses deux auditeurs éclatèrent de rire, et lui-même laissa visiblement, contre son habitude, errer, si l'on peut parler ainsi, un pâle sourire sur son visage. Cette fois, il n'y avait plus de doute, d'Artagnan était réellement insulté. Aussi, plein de cette conviction, enfonça-t-il son béret sur ses yeux, et, tâchant de copier quelques-uns des airs de cour qu'il avait surpris en Gascogne chez des seigneurs en voyage, il s'avança, une main sur la garde de son épée et l'autre appuyée sur la hanche. Malheureusement, au fur et à mesure qu'il avançait, la colère l'aveuglant de plus en plus, au lieu du discours digne et hautain qu'il avait préparé pour formuler sa provocation, il ne trouva plus au bout de sa langue qu'une personnalité grossière qu'il accompagna d'un geste furieux. «Eh! Monsieur, s'écria-t-il, monsieur, qui vous cachez derrière ce volet! oui, vous, dites-moi donc un peu de quoi vous riez, et nous rirons ensemble.» Le gentilhomme ramena lentement les yeux de la monture au cavalier, comme s'il lui eût fallu un certain temps pour comprendre que c'était à lui que s'adressaient de si étranges reproches; puis, lorsqu'il ne put plus conserver aucun doute, ses sourcils se froncèrent légèrement, et après une assez longue pause, avec un accent d'ironie et d'insolence impossible à décrire, il répondit à d'Artagnan: «Je ne vous parle pas, monsieur. -- Mais je vous parle, moi!» s'écria le jeune homme exaspéré de ce mélange d'insolence et de bonnes manières, de convenances et de dédains. L'inconnu le regarda encore un instant avec son léger sourire, et, se retirant de la fenêtre, sortit lentement de l'hôtellerie pour venir à deux pas de d'Artagnan se planter en face du cheval. Sa contenance tranquille et sa physionomie railleuse avaient redoublé l'hilarité de ceux avec lesquels il causait et qui, eux, étaient restés à la fenêtre. D'Artagnan, le voyant arriver, tira son épée d'un pied hors du fourreau. «Ce cheval est décidément ou plutôt a été dans sa jeunesse bouton d'or, reprit l'inconnu continuant les investigations commencées et s'adressant à ses auditeurs de la fenêtre, sans paraître aucunement remarquer l'exaspération de d'Artagnan, qui cependant se redressait entre lui et eux. C'est une couleur fort connue en botanique, mais jusqu'à présent fort rare chez les chevaux. -- Tel rit du cheval qui n'oserait pas rire du maître! s'écria l'émule de Tréville, furieux. -- Je ne ris pas souvent, monsieur, reprit l'inconnu, ainsi que vous pouvez le voir vous-même à l'air de mon visage; mais je tiens cependant à conserver le privilège de rire quand il me plaît. -- Et moi, s'écria d'Artagnan, je ne veux pas qu'on rie quand il me déplaît! -- En vérité, monsieur? continua l'inconnu plus calme que jamais, eh bien, c'est parfaitement juste.» Et tournant sur ses talons, il s'apprêta à rentrer dans l'hôtellerie par la grande porte, sous laquelle d'Artagnan en arrivant avait remarqué un cheval tout sellé. Mais d'Artagnan n'était pas de caractère à lâcher ainsi un homme qui avait eu l'insolence de se moquer de lui. Il tira son épée entièrement du fourreau et se mit à sa poursuite en criant: «Tournez, tournez donc, monsieur le railleur, que je ne vous frappe point par-derrière. -- Me frapper, moi! dit l'autre en pivotant sur ses talons et en regardant le jeune homme avec autant d'étonnement que de mépris. Allons, allons donc, mon cher, vous êtes fou!» Puis, à demi-voix, et comme s'il se fût parlé à lui-même: «C'est fâcheux, continua-t-il, quelle trouvaille pour Sa Majesté, qui cherche des braves de tous côtés pour recruter ses mousquetaires!» Il achevait à peine, que d'Artagnan lui allongea un si furieux coup de pointe, que, s'il n'eût fait vivement un bond en arrière, il est probable qu'il eût plaisanté pour la dernière fois. L'inconnu vit alors que la chose passait la raillerie, tira son épée, salua son adversaire et se mit gravement en garde. Mais au même moment ses deux auditeurs, accompagnés de l'hôte, tombèrent sur d'Artagnan à grands coups de bâtons, de pelles et de pincettes. Cela fit une diversion si rapide et si complète à l'attaque, que l'adversaire de d'Artagnan, pendant que celui-ci se retournait pour faire face à cette grêle de coups, rengainait avec la même précision, et, d'acteur qu'il avait manqué d'être, redevenait spectateur du combat, rôle dont il s'acquitta avec son impassibilité ordinaire, tout en marmottant néanmoins: «La peste soit des Gascons! Remettez-le sur son cheval orange, et qu'il s'en aille! -- Pas avant de t'avoir tué, lâche!» criait d'Artagnan tout en faisant face du mieux qu'il pouvait et sans reculer d'un pas à ses trois ennemis, qui le moulaient de coups. «Encore une gasconnade, murmura le gentilhomme. Sur mon honneur, ces Gascons sont incorrigibles! Continuez donc la danse, puisqu'il le veut absolument. Quand il sera las, il dira qu'il en a assez.» Mais l'inconnu ne savait pas encore à quel genre d'entêté il avait affaire; d'Artagnan n'était pas homme à jamais demander merci. Le combat continua donc quelques secondes encore; enfin d'Artagnan, épuisé, laissa échapper son épée qu'un coup de bâton brisa en deux morceaux. Un autre coup, qui lui entama le front, le renversa presque en même temps tout sanglant et presque évanoui. C'est à ce moment que de tous côtés on accourut sur le lieu de la scène. L'hôte, craignant du scandale, emporta, avec l'aide de ses garçons, le blessé dans la cuisine où quelques soins lui furent accordés. Quant au gentilhomme, il était revenu prendre sa place à la fenêtre et regardait avec une certaine impatience toute cette foule, qui semblait en demeurant là lui causer une vive contrariété. «Eh bien, comment va cet enragé? reprit-il en se retournant au bruit de la porte qui s'ouvrit et en s'adressant à l'hôte qui venait s'informer de sa santé. -- Votre Excellence est saine et sauve? demanda l'hôte. -- Oui, parfaitement saine et sauve, mon cher hôtelier, et c'est moi qui vous demande ce qu'est devenu notre jeune homme. -- Il va mieux, dit l'hôte: il s'est évanoui tout à fait. -- Vraiment? fit le gentilhomme. -- Mais avant de s'évanouir il a rassemblé toutes ses forces pour vous appeler et vous défier en vous appelant. -- Mais c'est donc le diable en personne que ce gaillard-là! s'écria l'inconnu. -- Oh! non, Votre Excellence, ce n'est pas le diable, reprit l'hôte avec une grimace de mépris, car pendant son évanouissement nous l'avons fouillé, et il n'a dans son paquet qu'une chemise et dans sa bourse que onze écus, ce qui ne l'a pas empêché de dire en s'évanouissant que si pareille chose était arrivée à Paris, vous vous en repentiriez tout de suite, tandis qu'ici vous ne vous en repentirez que plus tard. -- Alors, dit froidement l'inconnu, c'est quelque prince du sang déguisé. -- Je vous dis cela, mon gentilhomme, reprit l'hôte, afin que vous vous teniez sur vos gardes. -- Et il n'a nommé personne dans sa colère? -- Si fait, il frappait sur sa poche, et il disait: «Nous verrons ce que M. de Tréville pensera de cette insulte faite à son protégé. -- M. de Tréville? dit l'inconnu en devenant attentif; il frappait sur sa poche en prononçant le nom de M. de Tréville?... Voyons, mon cher hôte, pendant que votre jeune homme était évanoui, vous n'avez pas été, j'en suis bien sûr, sans regarder aussi cette poche-là. Qu'y avait-il? -- Une lettre adressée à M. de Tréville, capitaine des mousquetaires. -- En vérité! -- C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire, Excellence.» L'hôte, qui n'était pas doué d'une grande perspicacité, ne remarqua point l'expression que ses paroles avaient donnée à la physionomie de l'inconnu. Celui-ci quitta le rebord de la croisée sur lequel il était toujours resté appuyé du bout du coude, et fronça le sourcil en homme inquiet. «Diable! murmura-t-il entre ses dents, Tréville m'aurait-il envoyé ce Gascon? il est bien jeune! Mais un coup d'épée est un coup d'épée, quel que soit l'âge de celui qui le donne, et l'on se défie moins d'un enfant que de tout autre; il suffit parfois d'un faible obstacle pour contrarier un grand dessein.» Et l'inconnu tomba dans une réflexion qui dura quelques minutes. «Voyons, l'hôte, dit-il, est-ce que vous ne me débarrasserez pas de ce frénétique? En conscience, je ne puis le tuer, et cependant, ajouta-t-il avec une expression froidement menaçante, cependant il me gêne. Où est-il? -- Dans la chambre de ma femme, où on le panse, au premier étage. -- Ses hardes et son sac sont avec lui? il n'a pas quitté son pourpoint? -- Tout cela, au contraire, est en bas dans la cuisine. Mais puisqu'il vous gêne, ce jeune fou... -- Sans doute. Il cause dans votre hôtellerie un scandale auquel d'honnêtes gens ne sauraient résister. Montez chez vous, faites mon compte et avertissez mon laquais. -- Quoi! Monsieur nous quitte déjà? -- Vous le savez bien, puisque je vous avais donné l'ordre de seller mon cheval. Ne m'a-t-on point obéi? -- Si fait, et comme Votre Excellence a pu le voir, son cheval est sous la grande porte, tout appareillé pour partir. -- C'est bien, faites ce que je vous ai dit alors.» «Ouais! se dit l'hôte, aurait-il peur du petit garçon?» Mais un coup d'oeil impératif de l'inconnu vint l'arrêter court. Il salua humblement et sortit. «Il ne faut pas que Milady soit aperçue de ce drôle, continua l'étranger: elle ne doit pas tarder à passer: déjà même elle est en retard. Décidément, mieux vaut que je monte à cheval et que j'aille au-devant d'elle... Si seulement je pouvais savoir ce que contient cette lettre adressée à Tréville!» Et l'inconnu, tout en marmottant, se dirigea vers la cuisine. Pendant ce temps, l'hôte, qui ne doutait pas que ce ne fût la présence du jeune garçon qui chassât l'inconnu de son hôtellerie, était remonté chez sa femme et avait trouvé d'Artagnan maître enfin de ses esprits. Alors, tout en lui faisant comprendre que la police pourrait bien lui faire un mauvais parti pour avoir été chercher querelle à un grand seigneur -- car, à l'avis de l'hôte, l'inconnu ne pouvait être qu'un grand seigneur --, il le détermina, malgré sa faiblesse, à se lever et à continuer son chemin. D'Artagnan à moitié abasourdi, sans pourpoint et la tête tout emmaillotée de linges, se leva donc et, poussé par l'hôte, commença de descendre; mais, en arrivant à la cuisine, la première chose qu'il aperçut fut son provocateur qui causait tranquillement au marchepied d'un lourd carrosse attelé de deux gros chevaux normands. Son interlocutrice, dont la tête apparaissait encadrée par la portière, était une femme de vingt à vingt-deux ans. Nous avons déjà dit avec quelle rapidité d'investigation d'Artagnan embrassait toute une physionomie; il vit donc du premier coup d'oeil que la femme était jeune et belle. Or cette beauté le frappa d'autant plus qu'elle était parfaitement étrangère aux pays méridionaux que jusque-là d'Artagnan avait habités. C'était une pâle et blonde personne, aux longs cheveux bouclés tombant sur ses épaules, aux grands yeux bleus languissants, aux lèvres rosées et aux mains d'albâtre. Elle causait très vivement avec l'inconnu. «Ainsi, Son Éminence m'ordonne..., disait la dame. -- De retourner à l'instant même en Angleterre, et de la prévenir directement si le duc quittait Londres. -- Et quant à mes autres instructions? demanda la belle voyageuse. -- Elles sont renfermées dans cette boîte, que vous n'ouvrirez que de l'autre côté de la Manche. -- Très bien; et vous, que faites-vous? -- Moi, je retourne à Paris. -- Sans châtier cet insolent petit garçon?» demanda la dame. L'inconnu allait répondre: mais, au moment où il ouvrait la bouche, d'Artagnan, qui avait tout entendu, s'élança sur le seuil de la porte. «C'est cet insolent petit garçon qui châtie les autres, s'écria-t- il, et j'espère bien que cette fois-ci celui qu'il doit châtier ne lui échappera pas comme la première. -- Ne lui échappera pas? reprit l'inconnu en fronçant le sourcil. -- Non, devant une femme, vous n'oseriez pas fuir, je présume. -- Songez, s'écria Milady en voyant le gentilhomme porter la main à son épée, songez que le moindre retard peut tout perdre. -- Vous avez raison, s'écria le gentilhomme; partez donc de votre côté, moi, je pars du mien.» Et, saluant la dame d'un signe de tête, il s'élança sur son cheval, tandis que le cocher du carrosse fouettait vigoureusement son attelage. Les deux interlocuteurs partirent donc au galop, s'éloignant chacun par un côté opposé de la rue. «Eh! votre dépense», vociféra l'hôte, dont l'affection pour son voyageur se changeait en un profond dédain en voyant qu'il s'éloignait sans solder ses comptes. «Paie, maroufle», s'écria le voyageur toujours galopant à son laquais, lequel jeta aux pieds de l'hôte deux ou trois pièces d'argent et se mit à galoper après son maître. «Ah! lâche, ah! misérable, ah! faux gentilhomme!» cria d'Artagnan s'élançant à son tour après le laquais. Mais le blessé était trop faible encore pour supporter une pareille secousse. À peine eut-il fait dix pas, que ses oreilles tintèrent, qu'un éblouissement le prit, qu'un nuage de sang passa sur ses yeux et qu'il tomba au milieu de la rue, en criant encore: «Lâche! lâche! lâche! -- Il est en effet bien lâche», murmura l'hôte en s'approchant de d'Artagnan, et essayant par cette flatterie de se raccommoder avec le pauvre garçon, comme le héron de la fable avec son limaçon du soir. «Oui, bien lâche, murmura d'Artagnan; mais elle, bien belle! -- Qui, elle? demanda l'hôte. -- Milady», balbutia d'Artagnan. Et il s'évanouit une seconde fois. «C'est égal, dit l'hôte, j'en perds deux, mais il me reste celui- là, que je suis sûr de conserver au moins quelques jours. C'est toujours onze écus de gagnés.» On sait que onze écus faisaient juste la somme qui restait dans la bourse de d'Artagnan. L'hôte avait compté sur onze jours de maladie à un écu par jour; mais il avait compté sans son voyageur. Le lendemain, dès cinq heures du matin, d'Artagnan se leva, descendit lui-même à la cuisine, demanda, outre quelques autres ingrédients dont la liste n'est pas parvenue jusqu'à nous, du vin, de l'huile, du romarin, et, la recette de sa mère à la main, se composa un baume dont il oignit ses nombreuses blessures, renouvelant ses compresses lui- même et ne voulant admettre l'adjonction d'aucun médecin. Grâce sans doute à l'efficacité du baume de Bohême, et peut-être aussi grâce à l'absence de tout docteur, d'Artagnan se trouva sur pied dès le soir même, et à peu près guéri le lendemain. Mais, au moment de payer ce romarin, cette huile et ce vin, seule dépense du maître qui avait gardé une diète absolue, tandis qu'au contraire le cheval jaune, au dire de l'hôtelier du moins, avait mangé trois fois plus qu'on n'eût raisonnablement pu le supposer pour sa taille, d'Artagnan ne trouva dans sa poche que sa petite bourse de velours râpé ainsi que les onze écus qu'elle contenait; mais quant à la lettre adressée à M. de Tréville, elle avait disparu. Le jeune homme commença par chercher cette lettre avec une grande patience, tournant et retournant vingt fois ses poches et ses goussets, fouillant et refouillant dans son sac, ouvrant et refermant sa bourse; mais lorsqu'il eut acquis la conviction que la lettre était introuvable, il entra dans un troisième accès de rage, qui faillit lui occasionner une nouvelle consommation de vin et d'huile aromatisés: car, en voyant cette jeune mauvaise tête s'échauffer et menacer de tout casser dans l'établissement si l'on ne retrouvait pas sa lettre, l'hôte s'était déjà saisi d'un épieu, sa femme d'un manche à balai, et ses garçons des mêmes bâtons qui avaient servi la surveille. «Ma lettre de recommandation! s'écria d'Artagnan, ma lettre de recommandation, sangdieu! ou je vous embroche tous comme des ortolans!» Malheureusement une circonstance s'opposait à ce que le jeune homme accomplît sa menace: c'est que, comme nous l'avons dit, son épée avait été, dans sa première lutte, brisée en deux morceaux, ce qu'il avait parfaitement oublié. Il en résulta que, lorsque d'Artagnan voulut en effet dégainer, il se trouva purement et simplement armé d'un tronçon d'épée de huit ou dix pouces à peu près, que l'hôte avait soigneusement renfoncé dans le fourreau. Quant au reste de la lame, le chef l'avait adroitement détourné pour s'en faire une lardoire. Cependant cette déception n'eût probablement pas arrêté notre fougueux jeune homme, si l'hôte n'avait réfléchi que la réclamation que lui adressait son voyageur était parfaitement juste. «Mais, au fait, dit-il en abaissant son épieu, où est cette lettre? -- Oui, où est cette lettre? cria d'Artagnan. D'abord, je vous en préviens, cette lettre est pour M. de Tréville, et il faut qu'elle se retrouve; ou si elle ne se retrouve pas, il saura bien la faire retrouver, lui!» Cette menace acheva d'intimider l'hôte. Après le roi et M. le cardinal, M. de Tréville était l'homme dont le nom peut-être était le plus souvent répété par les militaires et même par les bourgeois. Il y avait bien le père Joseph, c'est vrai; mais son nom à lui n'était jamais prononcé que tout bas, tant était grande la terreur qu'inspirait l'Éminence grise, comme on appelait le familier du cardinal. Aussi, jetant son épieu loin de lui, et ordonnant à sa femme d'en faire autant de son manche à balai et à ses valets de leurs bâtons, il donna le premier l'exemple en se mettant lui-même à la recherche de la lettre perdue. «Est-ce que cette lettre renfermait quelque chose de précieux? demanda l'hôte au bout d'un instant d'investigations inutiles. -- Sandis! je le crois bien! s'écria le Gascon qui comptait sur cette lettre pour faire son chemin à la cour; elle contenait ma fortune. -- Des bons sur l'épargne? demanda l'hôte inquiet. -- Des bons sur la trésorerie particulière de Sa Majesté», répondit d'Artagnan, qui, comptant entrer au service du roi grâce à cette recommandation, croyait pouvoir faire sans mentir cette réponse quelque peu hasardée. «Diable! fit l'hôte tout à fait désespéré. -- Mais il n'importe, continua d'Artagnan avec l'aplomb national, il n'importe, et l'argent n'est rien: -- cette lettre était tout. J'eusse mieux aimé perdre mille pistoles que de la perdre.» Il ne risquait pas davantage à dire vingt mille, mais une certaine pudeur juvénile le retint. Un trait de lumière frappa tout à coup l'esprit de l'hôte qui se donnait au diable en ne trouvant rien. «Cette lettre n'est point perdue, s'écria-t-il. -- Ah! fit d'Artagnan. -- Non; elle vous a été prise. -- Prise! et par qui? -- Par le gentilhomme d'hier. Il est descendu à la cuisine, où était votre pourpoint. Il y est resté seul. Je gagerais que c'est lui qui l'a volée. -- Vous croyez?» répondit d'Artagnan peu convaincu; car il savait mieux que personne l'importance toute personnelle de cette lettre, et n'y voyait rien qui pût tenter la cupidité. Le fait est qu'aucun des valets, aucun des voyageurs présents n'eût rien gagné à posséder ce papier. «Vous dites donc, reprit d'Artagnan, que vous soupçonnez cet impertinent gentilhomme. -- Je vous dis que j'en suis sûr, continua l'hôte; lorsque je lui ai annoncé que Votre Seigneurie était le protégé de M. de Tréville, et que vous aviez même une lettre pour cet illustre gentilhomme, il a paru fort inquiet, m'a demandé où était cette lettre, et est descendu immédiatement à la cuisine où il savait qu'était votre pourpoint. -- Alors c'est mon voleur, répondit d'Artagnan; je m'en plaindrai à M. de Tréville, et M. de Tréville s'en plaindra au roi.» Puis il tira majestueusement deux écus de sa poche, les donna à l'hôte, qui l'accompagna, le chapeau à la main, jusqu'à la porte, remonta sur son cheval jaune, qui le conduisit sans autre incident jusqu'à la porte Saint-Antoine à Paris, où son propriétaire le vendit trois écus, ce qui était fort bien payé, attendu que d'Artagnan l'avait fort surmené pendant la dernière étape. Aussi le maquignon auquel d'Artagnan le céda moyennant les neuf livres susdites ne cacha-t-il point au jeune homme qu'il n'en donnait cette somme exorbitante qu'à cause de l'originalité de sa couleur. D'Artagnan entra donc dans Paris à pied, portant son petit paquet sous son bras, et marcha tant qu'il trouvât à louer une chambre qui convînt à l'exiguïté de ses ressources. Cette chambre fut une espèce de mansarde, sise rue des Fossoyeurs, près du Luxembourg. Aussitôt le denier à Dieu donné, d'Artagnan prit possession de son logement, passa le reste de la journée à coudre à son pourpoint et à ses chausses des passementeries que sa mère avait détachées d'un pourpoint presque neuf de M. d'Artagnan père, et qu'elle lui avait données en cachette; puis il alla quai de la Ferraille, faire remettre une lame à son épée; puis il revint au Louvre s'informer, au premier mousquetaire qu'il rencontra, de la situation de l'hôtel de M. de Tréville, lequel était situé rue du Vieux- Colombier, c'est-à-dire justement dans le voisinage de la chambre arrêtée par d'Artagnan: circonstance qui lui parut d'un heureux augure pour le succès de son voyage. Après quoi, content de la façon dont il s'était conduit à Meung, sans remords dans le passé, confiant dans le présent et plein d'espérance dans l'avenir, il se coucha et s'endormit du sommeil du brave. Ce sommeil, tout provincial encore, le conduisit jusqu'à neuf heures du matin, heure à laquelle il se leva pour se rendre chez ce fameux M. de Tréville, le troisième personnage du royaume d'après l'estimation paternelle. CHAPITRE II L'ANTICHAMBRE DE M. DE TRÉVILLE M. de Troisvilles, comme s'appelait encore sa famille en Gascogne, ou M. de Tréville, comme il avait fini par s'appeler lui-même à Paris, avait réellement commencé comme d'Artagnan, c'est-à-dire sans un sou vaillant, mais avec ce fonds d'audace, d'esprit et d'entendement qui fait que le plus pauvre gentillâtre gascon reçoit souvent plus en ses espérances de l'héritage paternel que le plus riche gentilhomme périgourdin ou berrichon ne reçoit en réalité. Sa bravoure insolente, son bonheur plus insolent encore dans un temps où les coups pleuvaient comme grêle, l'avaient hissé au sommet de cette échelle difficile qu'on appelle la faveur de cour, et dont il avait escaladé quatre à quatre les échelons. Il était l'ami du roi, lequel honorait fort, comme chacun sait, la mémoire de son père Henri IV. Le père de M. de Tréville l'avait si fidèlement servi dans ses guerres contre la Ligue, qu'à défaut d'argent comptant -- chose qui toute la vie manqua au Béarnais, lequel paya constamment ses dettes avec la seule chose qu'il n'eût jamais besoin d'emprunter, c'est-à-dire avec de l'esprit --, qu'à défaut d'argent comptant, disons-nous, il l'avait autorisé, après la reddition de Paris, à prendre pour armes un lion d'or passant sur gueules avec cette devise: _Fidelis et fortis_. C'était beaucoup pour l'honneur, mais c'était médiocre pour le bien-être. Aussi, quand l'illustre compagnon du grand Henri mourut, il laissa pour seul héritage à monsieur son fils son épée et sa devise. Grâce à ce double don et au nom sans tache qui l'accompagnait, M. de Tréville fut admis dans la maison du jeune prince, où il servit si bien de son épée et fut si fidèle à sa devise, que Louis XIII, une des bonnes lames du royaume, avait l'habitude de dire que, s'il avait un ami qui se battît, il lui donnerait le conseil de prendre pour second, lui d'abord, et Tréville après, et peut-être même avant lui. Aussi Louis XIII avait-il un attachement réel pour Tréville, attachement royal, attachement égoïste, c'est vrai, mais qui n'en était pas moins un attachement. C'est que, dans ces temps malheureux, on cherchait fort à s'entourer d'hommes de la trempe de Tréville. Beaucoup pouvaient prendre pour devise l'épithète de fort, qui faisait la seconde partie de son exergue; mais peu de gentilshommes pouvaient réclamer l'épithète de fidèle, qui en formait la première. Tréville était un de ces derniers; c'était une de ces rares organisations, à l'intelligence obéissante comme celle du dogue, à la valeur aveugle, à l'oeil rapide, à la main prompte, à qui l'oeil n'avait été donné que pour voir si le roi était mécontent de quelqu'un et la main que pour frapper ce déplaisant quelqu'un, un Besme, un Maurevers, un Poltrot de Méré, un Vitry. Enfin à Tréville, il n'avait manqué jusque-là que l'occasion; mais il la guettait, et il se promettait bien de la saisir par ses trois cheveux si jamais elle passait à la portée de sa main. Aussi Louis XIII fit-il de Tréville le capitaine de ses mousquetaires, lesquels étaient à Louis XIII, pour le dévouement ou plutôt pour le fanatisme, ce que ses ordinaires étaient à Henri III et ce que sa garde écossaise était à Louis XI. De son côté, et sous ce rapport, le cardinal n'était pas en reste avec le roi. Quand il avait vu la formidable élite dont Louis XIII s'entourait, ce second ou plutôt ce premier roi de France avait voulu, lui aussi, avoir sa garde. Il eut donc ses mousquetaires comme Louis XIII avait les siens et l'on voyait ces deux puissances rivales trier pour leur service, dans toutes les provinces de France et même dans tous les États étrangers, les hommes célèbres pour les grands coups d'épée. Aussi Richelieu et Louis XIII se disputaient souvent, en faisant leur partie d'échecs, le soir, au sujet du mérite de leurs serviteurs. Chacun vantait la tenue et le courage des siens, et tout en se prononçant tout haut contre les duels et contre les rixes, ils les excitaient tout bas à en venir aux mains, et concevaient un véritable chagrin ou une joie immodérée de la défaite ou de la victoire des leurs. Ainsi, du moins, le disent les mémoires d'un homme qui fut dans quelques-unes de ces défaites et dans beaucoup de ces victoires. Tréville avait pris le côté faible de son maître, et c'est à cette adresse qu'il devait la longue et constante faveur d'un roi qui n'a pas laissé la réputation d'avoir été très fidèle à ses amitiés. Il faisait parader ses mousquetaires devant le cardinal Armand Duplessis avec un air narquois qui hérissait de colère la moustache grise de Son Éminence. Tréville entendait admirablement bien la guerre de cette époque, où, quand on ne vivait pas aux dépens de l'ennemi, on vivait aux dépens de ses compatriotes: ses soldats formaient une légion de diables à quatre, indisciplinée pour tout autre que pour lui. Débraillés, avinés, écorchés, les mousquetaires du roi, ou plutôt ceux de M. de Tréville, s'épandaient dans les cabarets, dans les promenades, dans les jeux publics, criant fort et retroussant leurs moustaches, faisant sonner leurs épées, heurtant avec volupté les gardes de M. le cardinal quand ils les rencontraient; puis dégainant en pleine rue, avec mille plaisanteries; tués quelquefois, mais sûrs en ce cas d'être pleurés et vengés; tuant souvent, et sûrs alors de ne pas moisir en prison, M. de Tréville étant là pour les réclamer. Aussi M. de Tréville était-il loué sur tous les tons, chanté sur toutes les gammes par ces hommes qui l'adoraient, et qui, tout gens de sac et de corde qu'ils étaient, tremblaient devant lui comme des écoliers devant leur maître, obéissant au moindre mot, et prêts à se faire tuer pour laver le moindre reproche. M. de Tréville avait usé de ce levier puissant, pour le roi d'abord et les amis du roi, -- puis pour lui-même et pour ses amis. Au reste, dans aucun des mémoires de ce temps, qui a laissé tant de mémoires, on ne voit que ce digne gentilhomme ait été accusé, même par ses ennemis -- et il en avait autant parmi les gens de plume que chez les gens d'épée --, nulle part on ne voit, disons-nous, que ce digne gentilhomme ait été accusé de se faire payer la coopération de ses séides. Avec un rare génie d'intrigue, qui le rendait l'égal des plus forts intrigants, il était resté honnête homme. Bien plus, en dépit des grandes estocades qui déhanchent et des exercices pénibles qui fatiguent, il était devenu un des plus galants coureurs de ruelles, un des plus fins damerets, un des plus alambiqués diseurs de Phébus de son époque; on parlait des bonnes fortunes de Tréville comme on avait parlé vingt ans auparavant de celles de Bassompierre -- et ce n'était pas peu dire. Le capitaine des mousquetaires était donc admiré, craint et aimé, ce qui constitue l'apogée des fortunes humaines. Louis XIV absorba tous les petits astres de sa cour dans son vaste rayonnement; mais son père, soleil _pluribus impar_, laissa sa splendeur personnelle à chacun de ses favoris, sa valeur individuelle à chacun de ses courtisans. Outre le lever du roi et celui du cardinal, on comptait alors à Paris plus de deux cents petits levers, un peu recherchés. Parmi les deux cents petits levers celui de Tréville était un des plus courus. La cour de son hôtel, situé rue du Vieux-Colombier, ressemblait à un camp, et cela dès six heures du matin en été et dès huit heures en hiver. Cinquante à soixante mousquetaires, qui semblaient s'y relayer pour présenter un nombre toujours imposant, s'y promenaient sans cesse, armés en guerre et prêts à tout. Le long d'un de ses grands escaliers sur l'emplacement desquels notre civilisation bâtirait une maison tout entière, montaient et descendaient les solliciteurs de Paris qui couraient après une faveur quelconque, les gentilshommes de province avides d'être enrôlés, et les laquais chamarrés de toutes couleurs, qui venaient apporter à M. de Tréville les messages de leurs maîtres. Dans l'antichambre, sur de longues banquettes circulaires, reposaient les élus, c'est-à-dire ceux qui étaient convoqués. Un bourdonnement durait là depuis le matin jusqu'au soir, tandis que M. de Tréville, dans son cabinet contigu à cette antichambre, recevait les visites, écoutait les plaintes, donnait ses ordres et, comme le roi à son balcon du Louvre, n'avait qu'à se mettre à sa fenêtre pour passer la revue des hommes et des armes. Le jour où d'Artagnan se présenta, l'assemblée était imposante, surtout pour un provincial arrivant de sa province: il est vrai que ce provincial était Gascon, et que surtout à cette époque les compatriotes de d'Artagnan avaient la réputation de ne point facilement se laisser intimider. En effet, une fois qu'on avait franchi la porte massive, chevillée de longs clous à tête quadrangulaire, on tombait au milieu d'une troupe de gens d'épée qui se croisaient dans la cour, s'interpellant, se querellant et jouant entre eux. Pour se frayer un passage au milieu de toutes ces vagues tourbillonnantes, il eût fallu être officier, grand seigneur ou jolie femme. Ce fut donc au milieu de cette cohue et de ce désordre que notre jeune homme s'avança, le coeur palpitant, rangeant sa longue rapière le long de ses jambes maigres, et tenant une main au rebord de son feutre avec ce demi-sourire du provincial embarrassé qui veut faire bonne contenance. Avait-il dépassé un groupe, alors il respirait plus librement, mais il comprenait qu'on se retournait pour le regarder, et pour la première fois de sa vie, d'Artagnan, qui jusqu'à ce jour avait une assez bonne opinion de lui-même, se trouva ridicule. Arrivé à l'escalier, ce fut pis encore: il y avait sur les premières marches quatre mousquetaires qui se divertissaient à l'exercice suivant, tandis que dix ou douze de leurs camarades attendaient sur le palier que leur tour vînt de prendre place à la partie. Un d'eux, placé sur le degré supérieur, l'épée nue à la main, empêchait ou du moins s'efforçait d'empêcher les trois autres de monter. Ces trois autres s'escrimaient contre lui de leurs épées fort agiles. D'Artagnan prit d'abord ces fers pour des fleurets d'escrime, il les crut boutonnés: mais il reconnut bientôt à certaines égratignures que chaque arme, au contraire, était affilée et aiguisée à souhait, et à chacune de ces égratignures, non seulement les spectateurs, mais encore les acteurs riaient comme des fous. Celui qui occupait le degré en ce moment tenait merveilleusement ses adversaires en respect. On faisait cercle autour d'eux: la condition portait qu'à chaque coup le touché quitterait la partie, en perdant son tour d'audience au profit du toucheur. En cinq minutes trois furent effleurés, l'un au poignet, l'autre au menton, l'autre à l'oreille par le défenseur du degré, qui lui- même ne fut pas atteint: adresse qui lui valut, selon les conventions arrêtées, trois tours de faveur. Si difficile non pas qu'il fût, mais qu'il voulût être à étonner, ce passe-temps étonna notre jeune voyageur; il avait vu dans sa province, cette terre où s'échauffent cependant si promptement les têtes, un peu plus de préliminaires aux duels, et la gasconnade de ces quatre joueurs lui parut la plus forte de toutes celles qu'il avait ouïes jusqu'alors, même en Gascogne. Il se crut transporté dans ce fameux pays des géants où Gulliver alla depuis et eut si grand-peur; et cependant il n'était pas au bout: restaient le palier et l'antichambre. Sur le palier on ne se battait plus, on racontait des histoires de femmes, et dans l'antichambre des histoires de cour. Sur le palier, d'Artagnan rougit; dans l'antichambre, il frissonna. Son imagination éveillée et vagabonde, qui en Gascogne le rendait redoutable aux jeunes femmes de chambre et même quelquefois aux jeunes maîtresses, n'avait jamais rêvé, même dans ces moments de délire, la moitié de ces merveilles amoureuses et le quart de ces prouesses galantes, rehaussées des noms les plus connus et des détails les moins voilés. Mais si son amour pour les bonnes moeurs fut choqué sur le palier, son respect pour le cardinal fut scandalisé dans l'antichambre. Là, à son grand étonnement, d'Artagnan entendait critiquer tout haut la politique qui faisait trembler l'Europe, et la vie privée du cardinal, que tant de hauts et puissants seigneurs avaient été punis d'avoir tenté d'approfondir: ce grand homme, révéré par M. d'Artagnan père, servait de risée aux mousquetaires de M. de Tréville, qui raillaient ses jambes cagneuses et son dos voûté; quelques-uns chantaient des Noëls sur Mme d'Aiguillon, sa maîtresse, et Mme de Combalet, sa nièce, tandis que les autres liaient des parties contre les pages et les gardes du cardinal-duc, toutes choses qui paraissaient à d'Artagnan de monstrueuses impossibilités. Cependant, quand le nom du roi intervenait parfois tout à coup à l'improviste au milieu de tous ces quolibets cardinalesques, une espèce de bâillon calfeutrait pour un moment toutes ces bouches moqueuses; on regardait avec hésitation autour de soi, et l'on semblait craindre l'indiscrétion de la cloison du cabinet de M. de Tréville; mais bientôt une allusion ramenait la conversation sur Son Éminence, et alors les éclats reprenaient de plus belle, et la lumière n'était ménagée sur aucune de ses actions. «Certes, voilà des gens qui vont être embastillés et pendus, pensa d'Artagnan avec terreur, et moi sans aucun doute avec eux, car du moment où je les ai écoutés et entendus, je serai tenu pour leur complice. Que dirait monsieur mon père, qui m'a si fort recommandé le respect du cardinal, s'il me savait dans la société de pareils païens?» Aussi comme on s'en doute sans que je le dise, d'Artagnan n'osait se livrer à la conversation; seulement il regardait de tous ses yeux, écoutant de toutes ses oreilles, tendant avidement ses cinq sens pour ne rien perdre, et malgré sa confiance dans les recommandations paternelles, il se sentait porté par ses goûts et entraîné par ses instincts à louer plutôt qu'à blâmer les choses inouïes qui se passaient là. Cependant, comme il était absolument étranger à la foule des courtisans de M. de Tréville, et que c'était la première fois qu'on l'apercevait en ce lieu, on vint lui demander ce qu'il désirait. À cette demande, d'Artagnan se nomma fort humblement, s'appuya du titre de compatriote, et pria le valet de chambre qui était venu lui faire cette question de demander pour lui à M. de Tréville un moment d'audience, demande que celui-ci promit d'un ton protecteur de transmettre en temps et lieu. D'Artagnan, un peu revenu de sa surprise première, eut donc le loisir d'étudier un peu les costumes et les physionomies. Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande taille, d'une figure hautaine et d'une bizarrerie de costume qui attirait sur lui l'attention générale. Il ne portait pas, pour le moment, la casaque d'uniforme, qui, au reste, n'était pas absolument obligatoire dans cette époque de liberté moindre mais d'indépendance plus grande, mais un justaucorps bleu de ciel, tant soit peu fané et râpé, et sur cet habit un baudrier magnifique, en broderies d'or, et qui reluisait comme les écailles dont l'eau se couvre au grand soleil. Un manteau long de velours cramoisi tombait avec grâce sur ses épaules découvrant par-devant seulement le splendide baudrier auquel pendait une gigantesque rapière. Ce mousquetaire venait de descendre de garde à l'instant même, se plaignait d'être enrhumé et toussait de temps en temps avec affectation. Aussi avait-il pris le manteau, à ce qu'il disait autour de lui, et tandis qu'il parlait du haut de sa tête, en frisant dédaigneusement sa moustache, on admirait avec enthousiasme le baudrier brodé, et d'Artagnan plus que tout autre. «Que voulez-vous, disait le mousquetaire, la mode en vient; c'est une folie, je le sais bien, mais c'est la mode. D'ailleurs, il faut bien employer à quelque chose l'argent de sa légitime. -- Ah! Porthos! s'écria un des assistants, n'essaie pas de nous faire croire que ce baudrier te vient de la générosité paternelle: il t'aura été donné par la dame voilée avec laquelle je t'ai rencontré l'autre dimanche vers la porte Saint-Honoré. -- Non, sur mon honneur et foi de gentilhomme, je l'ai acheté moi- même, et de mes propres deniers, répondit celui qu'on venait de désigner sous le nom de Porthos. -- Oui, comme j'ai acheté, moi, dit un autre mousquetaire, cette bourse neuve, avec ce que ma maîtresse avait mis dans la vieille. -- Vrai, dit Porthos, et la preuve c'est que je l'ai payé douze pistoles.» L'admiration redoubla, quoique le doute continuât d'exister. «N'est-ce pas, Aramis?» dit Porthos se tournant vers un autre mousquetaire. Cet autre mousquetaire formait un contraste parfait avec celui qui l'interrogeait et qui venait de le désigner sous le nom d'Aramis: c'était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans à peine, à la figure naïve et doucereuse, à l'oeil noir et doux et aux joues roses et veloutées comme une pêche en automne; sa moustache fine dessinait sur sa lèvre supérieure une ligne d'une rectitude parfaite; ses mains semblaient craindre de s'abaisser, de peur que leurs veines ne se gonflassent, et de temps en temps il se pinçait le bout des oreilles pour les maintenir d'un incarnat tendre et transparent. D'habitude il parlait peu et lentement, saluait beaucoup, riait sans bruit en montrant ses dents, qu'il avait belles et dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre le plus grand soin. Il répondit par un signe de tête affirmatif à l'interpellation de son ami. Cette affirmation parut avoir fixé tous les doutes à l'endroit du baudrier; on continua donc de l'admirer, mais on n'en parla plus; et par un de ces revirements rapides de la pensée, la conversation passa tout à coup à un autre sujet. «Que pensez-vous de ce que raconte l'écuyer de Chalais?» demanda un autre mousquetaire sans interpeller directement personne, mais s'adressant au contraire à tout le monde. «Et que raconte-t-il? demanda Porthos d'un ton suffisant. -- Il raconte qu'il a trouvé à Bruxelles Rochefort, l'âme damnée du cardinal, déguisé en capucin; ce Rochefort maudit, grâce à ce déguisement, avait joué M. de Laigues comme un niais qu'il est. -- Comme un vrai niais, dit Porthos; mais la chose est-elle sûre? -- Je la tiens d'Aramis, répondit le mousquetaire. -- Vraiment? -- Eh! vous le savez bien, Porthos, dit Aramis; je vous l'ai racontée à vous-même hier, n'en parlons donc plus. -- N'en parlons plus, voilà votre opinion à vous, reprit Porthos. N'en parlons plus! peste! comme vous concluez vite. Comment! le cardinal fait espionner un gentilhomme, fait voler sa correspondance par un traître, un brigand, un pendard; fait, avec l'aide de cet espion et grâce à cette correspondance, couper le cou à Chalais, sous le stupide prétexte qu'il a voulu tuer le roi et marier Monsieur avec la reine! Personne ne savait un mot de cette énigme, vous nous l'apprenez hier, à la grande satisfaction de tous, et quand nous sommes encore tout ébahis de cette nouvelle, vous venez nous dire aujourd'hui: N'en parlons plus! -- Parlons-en donc, voyons, puisque vous le désirez, reprit Aramis avec patience. -- Ce Rochefort, s'écria Porthos, si j'étais l'écuyer du pauvre Chalais, passerait avec moi un vilain moment. -- Et vous, vous passeriez un triste quart d'heure avec le duc Rouge, reprit Aramis. -- Ah! le duc Rouge! bravo, bravo, le duc Rouge! répondit Porthos en battant des mains et en approuvant de la tête. Le «duc Rouge» est charmant. Je répandrai le mot, mon cher, soyez tranquille. A- t-il de l'esprit, cet Aramis! Quel malheur que vous n'ayez pas pu suivre votre vocation, mon cher! quel délicieux abbé vous eussiez fait! -- Oh! ce n'est qu'un retard momentané, reprit Aramis; un jour, je le serai. Vous savez bien, Porthos, que je continue d'étudier la théologie pour cela. -- Il le fera comme il le dit, reprit Porthos, il le fera tôt ou tard. -- Tôt, dit Aramis. -- Il n'attend qu'une chose pour le décider tout à fait et pour reprendre sa soutane, qui est pendue derrière son uniforme, reprit un mousquetaire. -- Et quelle chose attend-il? demanda un autre. -- Il attend que la reine ait donné un héritier à la couronne de France. -- Ne plaisantons pas là-dessus, messieurs, dit Porthos; grâce à Dieu, la reine est encore d'âge à le donner. -- On dit que M. de Buckingham est en France, reprit Aramis avec un rire narquois qui donnait à cette phrase, si simple en apparence, une signification passablement scandaleuse. -- Aramis, mon ami, pour cette fois vous avez tort, interrompit Porthos, et votre manie d'esprit vous entraîne toujours au-delà des bornes; si M. de Tréville vous entendait, vous seriez mal venu de parler ainsi. -- Allez-vous me faire la leçon, Porthos? s'écria Aramis, dans l'oeil doux duquel on vit passer comme un éclair. -- Mon cher, soyez mousquetaire ou abbé. Soyez l'un ou l'autre, mais pas l'un et l'autre, reprit Porthos. Tenez, Athos vous l'a dit encore l'autre jour: vous mangez à tous les râteliers. Ah! ne nous fâchons pas, je vous prie, ce serait inutile, vous savez bien ce qui est convenu entre vous, Athos et moi. Vous allez chez Mme d'Aiguillon, et vous lui faites la cour; vous allez chez Mme de Bois-Tracy, la cousine de Mme de Chevreuse, et vous passez pour être fort en avant dans les bonnes grâces de la dame. Oh! mon Dieu, n'avouez pas votre bonheur, on ne vous demande pas votre secret, on connaît votre discrétion. Mais puisque vous possédez cette vertu, que diable! Faites-en usage à l'endroit de Sa Majesté. S'occupe qui voudra et comme on voudra du roi et du cardinal; mais la reine est sacrée, et si l'on en parle, que ce soit en bien. -- Porthos, vous êtes prétentieux comme Narcisse, je vous en préviens, répondit Aramis; vous savez que je hais la morale, excepté quand elle est faite par Athos. Quant à vous, mon cher, vous avez un trop magnifique baudrier pour être bien fort là- dessus. Je serai abbé s'il me convient; en attendant, je suis mousquetaire: en cette qualité, je dis ce qu'il me plaît, et en ce moment il me plaît de vous dire que vous m'impatientez. -- Aramis! -- Porthos! -- Eh! messieurs! messieurs! s'écria-t-on autour d'eux. -- M. de Tréville attend M. d'Artagnan», interrompit le laquais en ouvrant la porte du cabinet. À cette annonce, pendant laquelle la porte demeurait ouverte, chacun se tut, et au milieu du silence général le jeune Gascon traversa l'antichambre dans une partie de sa longueur et entra chez le capitaine des mousquetaires, se félicitant de tout son coeur d'échapper aussi à point à la fin de cette bizarre querelle. CHAPITRE III L'AUDIENCE M. de Tréville était pour le moment de fort méchante humeur; néanmoins il salua poliment le jeune homme, qui s'inclina jusqu'à terre, et il sourit en recevant son compliment, dont l'accent béarnais lui rappela à la fois sa jeunesse et son pays, double souvenir qui fait sourire l'homme à tous les âges. Mais, se rapprochant presque aussitôt de l'antichambre et faisant à d'Artagnan un signe de la main, comme pour lui demander la permission d'en finir avec les autres avant de commencer avec lui, il appela trois fois, en grossissant la voix à chaque fois, de sorte qu'il parcourut tous les tons intervallaires entre l'accent impératif et l'accent irrité: «Athos! Porthos! Aramis!» Les deux mousquetaires avec lesquels nous avons déjà fait connaissance, et qui répondaient aux deux derniers de ces trois noms, quittèrent aussitôt les groupes dont ils faisaient partie et s'avancèrent vers le cabinet, dont la porte se referma derrière eux dès qu'ils en eurent franchi le seuil. Leur contenance, bien qu'elle ne fût pas tout à fait tranquille, excita cependant par son laisser-aller à la fois plein de dignité et de soumission, l'admiration de d'Artagnan, qui voyait dans ces hommes des demi- dieux, et dans leur chef un Jupiter olympien armé de tous ses foudres. Quand les deux mousquetaires furent entrés, quand la porte fut refermée derrière eux, quand le murmure bourdonnant de l'antichambre, auquel l'appel qui venait d'être fait avait sans doute donné un nouvel aliment eut recommencé; quand enfin M. de Tréville eut trois ou quatre fois arpenté, silencieux et le sourcil froncé, toute la longueur de son cabinet, passant chaque fois devant Porthos et Aramis, roides et muets comme à la parade, il s'arrêta tout à coup en face d'eux, et les couvrant des pieds à la tête d'un regard irrité: «Savez-vous ce que m'a dit le roi, s'écria-t-il, et cela pas plus tard qu'hier au soir? le savez-vous, messieurs? -- Non, répondirent après un instant de silence les deux mousquetaires; non, monsieur, nous l'ignorons. -- Mais j'espère que vous nous ferez l'honneur de nous le dire, ajouta Aramis de son ton le plus poli et avec la plus gracieuse révérence. -- Il m'a dit qu'il recruterait désormais ses mousquetaires parmi les gardes de M. le cardinal! -- Parmi les gardes de M. le cardinal! et pourquoi cela? demanda vivement Porthos. -- Parce qu'il voyait bien que sa piquette avait besoin d'être ragaillardie par un mélange de bon vin.» Les deux mousquetaires rougirent jusqu'au blanc des yeux. D'Artagnan ne savait où il en était et eût voulu être à cent pieds sous terre. «Oui, oui, continua M. de Tréville en s'animant, oui, et Sa Majesté avait raison, car, sur mon honneur, il est vrai que les mousquetaires font triste figure à la cour. M. le cardinal racontait hier au jeu du roi, avec un air de condoléance qui me déplut fort, qu'avant-hier ces damnés mousquetaires, ces diables à quatre -- il appuyait sur ces mots avec un accent ironique qui me déplut encore davantage --, ces pourfendeurs, ajoutait-il en me regardant de son oeil de chat-tigre, s'étaient attardés rue Férou, dans un cabaret, et qu'une ronde de ses gardes -- j'ai cru qu'il allait me rire au nez -- avait été forcée d'arrêter les perturbateurs. Morbleu! vous devez en savoir quelque chose! Arrêter des mousquetaires! Vous en étiez, vous autres, ne vous en défendez pas, on vous a reconnus, et le cardinal vous a nommés. Voilà bien ma faute, oui, ma faute, puisque c'est moi qui choisis mes hommes. Voyons, vous, Aramis, pourquoi diable m'avez-vous demandé la casaque quand vous alliez être si bien sous la soutane? Voyons, vous, Porthos, n'avez-vous un si beau baudrier d'or que pour y suspendre une épée de paille? Et Athos! je ne vois pas Athos. Où est-il? -- Monsieur, répondit tristement Aramis, il est malade, fort malade. -- Malade, fort malade, dites-vous? et de quelle maladie? -- On craint que ce ne soit de la petite vérole, monsieur, répondit Porthos voulant mêler à son tour un mot à la conversation, et ce qui serait fâcheux en ce que très certainement cela gâterait son visage. -- De la petite vérole! Voilà encore une glorieuse histoire que vous me contez là, Porthos!... Malade de la petite vérole, à son âge?... Non pas!... mais blessé sans doute, tué peut-être... Ah! si je le savais!... Sangdieu! messieurs les mousquetaires, je n'entends pas que l'on hante ainsi les mauvais lieux, qu'on se prenne de querelle dans la rue et qu'on joue de l'épée dans les carrefours. Je ne veux pas enfin qu'on prête à rire aux gardes de M. le cardinal, qui sont de braves gens, tranquilles, adroits, qui ne se mettent jamais dans le cas d'être arrêtés, et qui d'ailleurs ne se laisseraient pas arrêter, eux!... j'en suis sûr... Ils aimeraient mieux mourir sur la place que de faire un pas en arrière... Se sauver, détaler, fuir, c'est bon pour les mousquetaires du roi, cela!» Porthos et Aramis frémissaient de rage. Ils auraient volontiers étranglé M. de Tréville, si au fond de tout cela ils n'avaient pas senti que c'était le grand amour qu'il leur portait qui le faisait leur parler ainsi. Ils frappaient le tapis du pied, se mordaient les lèvres jusqu'au sang et serraient de toute leur force la garde de leur épée. Au-dehors on avait entendu appeler, comme nous l'avons dit, Athos, Porthos et Aramis, et l'on avait deviné, à l'accent de la voix de M. de Tréville, qu'il était parfaitement en colère. Dix têtes curieuses étaient appuyées à la tapisserie et pâlissaient de fureur, car leurs oreilles collées à la porte ne perdaient pas une syllabe de ce qui se disait, tandis que leurs bouches répétaient au fur et à mesure les paroles insultantes du capitaine à toute la population de l'antichambre. En un instant depuis la porte du cabinet jusqu'à la porte de la rue, tout l'hôtel fut en ébullition. «Ah! les mousquetaires du roi se font arrêter par les gardes de M. le cardinal», continua M. de Tréville aussi furieux à l'intérieur que ses soldats, mais saccadant ses paroles et les plongeant une à une pour ainsi dire et comme autant de coups de stylet dans la poitrine de ses auditeurs. «Ah! six gardes de Son Éminence arrêtent six mousquetaires de Sa Majesté! Morbleu! j'ai pris mon parti. Je vais de ce pas au Louvre; je donne ma démission de capitaine des mousquetaires du roi pour demander une lieutenance dans les gardes du cardinal, et s'il me refuse, morbleu! je me fais abbé.» À ces paroles, le murmure de l'extérieur devint une explosion: partout on n'entendait que jurons et blasphèmes. Les morbleu! les sangdieu! les morts de tous les diables! se croisaient dans l'air. D'Artagnan cherchait une tapisserie derrière laquelle se cacher, et se sentait une envie démesurée de se fourrer sous la table. «Eh bien, mon capitaine, dit Porthos hors de lui, la vérité est que nous étions six contre six, mais nous avons été pris en traître, et avant que nous eussions eu le temps de tirer nos épées, deux d'entre nous étaient tombés morts, et Athos, blessé grièvement, ne valait guère mieux. Car vous le connaissez, Athos; eh bien, capitaine, il a essayé de se relever deux fois, et il est retombé deux fois. Cependant nous ne nous sommes pas rendus, non! l'on nous a entraînés de force. En chemin, nous nous sommes sauvés. Quant à Athos, on l'avait cru mort, et on l'a laissé bien tranquillement sur le champ de bataille, ne pensant pas qu'il valût la peine d'être emporté. Voilà l'histoire. Que diable, capitaine! on ne gagne pas toutes les batailles. Le grand Pompée a perdu celle de Pharsale, et le roi François Ier, qui, à ce que j'ai entendu dire, en valait bien un autre, a perdu cependant celle de Pavie. -- Et j'ai l'honneur de vous assurer que j'en ai tué un avec sa propre épée, dit Aramis, car la mienne s'est brisée à la première parade... Tué ou poignardé, monsieur, comme il vous sera agréable. -- Je ne savais pas cela, reprit M. de Tréville d'un ton un peu radouci. M. le cardinal avait exagéré, à ce que je vois. -- Mais de grâce, monsieur, continua Aramis, qui, voyant son capitaine s'apaiser, osait hasarder une prière, de grâce, monsieur, ne dites pas qu'Athos lui-même est blessé: il serait au désespoir que cela parvint aux oreilles du roi, et comme la blessure est des plus graves, attendu qu'après avoir traversé l'épaule elle pénètre dans la poitrine, il serait à craindre...» Au même instant la portière se souleva, et une tête noble et belle, mais affreusement pâle, parut sous la frange. «Athos! s'écrièrent les deux mousquetaires. -- Athos! répéta M. de Tréville lui-même. -- Vous m'avez mandé, monsieur, dit Athos à M. de Tréville d'une voix affaiblie mais parfaitement calme, vous m'avez demandé, à ce que m'ont dit nos camarades, et je m'empresse de me rendre à vos ordres; voilà, monsieur, que me voulez-vous?» Et à ces mots le mousquetaire, en tenue irréprochable, sanglé comme de coutume, entra d'un pas ferme dans le cabinet. M. de Tréville, ému jusqu'au fond du coeur de cette preuve de courage, se précipita vers lui. «J'étais en train de dire à ces messieurs, ajouta-t-il, que je défends à mes mousquetaires d'exposer leurs jours sans nécessité, car les braves gens sont bien chers au roi, et le roi sait que ses mousquetaires sont les plus braves gens de la terre. Votre main, Athos.» Et sans attendre que le nouveau venu répondît de lui-même à cette preuve d'affection, M. de Tréville saisissait sa main droite et la lui serrait de toutes ses forces, sans s'apercevoir qu'Athos, quel que fût son empire sur lui-même, laissait échapper un mouvement de douleur et pâlissait encore, ce que l'on aurait pu croire impossible. La porte était restée entrouverte, tant l'arrivée d'Athos, dont, malgré le secret gardé, la blessure était connue de tous, avait produit de sensation. Un brouhaha de satisfaction accueillit les derniers mots du capitaine et deux ou trois têtes, entraînées par l'enthousiasme, apparurent par les ouvertures de la tapisserie. Sans doute, M. de Tréville allait réprimer par de vives paroles cette infraction aux lois de l'étiquette, lorsqu'il sentit tout à coup la main d'Athos se crisper dans la sienne, et qu'en portant les yeux sur lui il s'aperçut qu'il allait s'évanouir. Au même instant Athos, qui avait rassemblé toutes ses forces pour lutter contre la douleur, vaincu enfin par elle, tomba sur le parquet comme s'il fût mort. «Un chirurgien! cria M. de Tréville. Le mien, celui du roi, le meilleur! Un chirurgien! ou, sangdieu! mon brave Athos va trépasser.» Aux cris de M. de Tréville, tout le monde se précipita dans son cabinet sans qu'il songeât à en fermer la porte à personne, chacun s'empressant autour du blessé. Mais tout cet empressement eût été inutile, si le docteur demandé ne se fût trouvé dans l'hôtel même; il fendit la foule, s'approcha d'Athos toujours évanoui, et, comme tout ce bruit et tout ce mouvement le gênait fort, il demanda comme première chose et comme la plus urgente que le mousquetaire fût emporté dans une chambre voisine. Aussitôt M. de Tréville ouvrit une porte et montra le chemin à Porthos et à Aramis, qui emportèrent leur camarade dans leurs bras. Derrière ce groupe marchait le chirurgien, et derrière le chirurgien, la porte se referma. Alors le cabinet de M. de Tréville, ce lieu ordinairement si respecté, devint momentanément une succursale de l'antichambre. Chacun discourait, pérorait, parlait haut, jurant, sacrant, donnant le cardinal et ses gardes à tous les diables. Un instant après, Porthos et Aramis rentrèrent; le chirurgien et M. de Tréville seuls étaient restés près du blessé. Enfin M. de Tréville rentra à son tour. Le blessé avait repris connaissance; le chirurgien déclarait que l'état du mousquetaire n'avait rien qui pût inquiéter ses amis, sa faiblesse ayant été purement et simplement occasionnée par la perte de son sang. Puis M. de Tréville fit un signe de la main, et chacun se retira, excepté d'Artagnan, qui n'oubliait point qu'il avait audience et qui, avec sa ténacité de Gascon, était demeuré à la même place. Lorsque tout le monde fut sorti et que la porte fut refermée, M. de Tréville se retourna et se trouva seul avec le jeune homme. L'événement qui venait d'arriver lui avait quelque peu fait perdre le fil de ses idées. Il s'informa de ce que lui voulait l'obstiné solliciteur. D'Artagnan alors se nomma, et M. de Tréville, se rappelant d'un seul coup tous ses souvenirs du présent et du passé, se trouva au courant de sa situation. «Pardon lui dit-il en souriant, pardon, mon cher compatriote, mais je vous avais parfaitement oublié. Que voulez-vous! un capitaine n'est rien qu'un père de famille chargé d'une plus grande responsabilité qu'un père de famille ordinaire. Les soldats sont de grands enfants; mais comme je tiens à ce que les ordres du roi, et surtout ceux de M. le cardinal, soient exécutés...» D'Artagnan ne put dissimuler un sourire. À ce sourire, M. de Tréville jugea qu'il n'avait point affaire à un sot, et venant droit au fait, tout en changeant de conversation: «J'ai beaucoup aimé monsieur votre père, dit-il. Que puis-je faire pour son fils? hâtez-vous, mon temps n'est pas à moi. -- Monsieur, dit d'Artagnan, en quittant Tarbes et en venant ici, je me proposais de vous demander, en souvenir de cette amitié dont vous n'avez pas perdu mémoire, une casaque de mousquetaire; mais, après tout ce que je vois depuis deux heures, je comprends qu'une telle faveur serait énorme, et je tremble de ne point la mériter. -- C'est une faveur en effet, jeune homme, répondit M. de Tréville; mais elle peut ne pas être si fort au-dessus de vous que vous le croyez ou que vous avez l'air de le croire. Toutefois une décision de Sa Majesté a prévu ce cas, et je vous annonce avec regret qu'on ne reçoit personne mousquetaire avant l'épreuve préalable de quelques campagnes, de certaines actions d'éclat, ou d'un service de deux ans dans quelque autre régiment moins favorisé que le nôtre.» D'Artagnan s'inclina sans rien répondre. Il se sentait encore plus avide d'endosser l'uniforme de mousquetaire depuis qu'il y avait de si grandes difficultés à l'obtenir. «Mais, continua Tréville en fixant sur son compatriote un regard si perçant qu'on eût dit qu'il voulait lire jusqu'au fond de son coeur, mais, en faveur de votre père, mon ancien compagnon, comme je vous l'ai dit, je veux faire quelque chose pour vous, jeune homme. Nos cadets de Béarn ne sont ordinairement pas riches, et je doute que les choses aient fort changé de face depuis mon départ de la province. Vous ne devez donc pas avoir de trop, pour vivre, de l'argent que vous avez apporté avec vous.» D'Artagnan se redressa d'un air fier qui voulait dire qu'il ne demandait l'aumône à personne. «C'est bien, jeune homme, c'est bien, continua Tréville, je connais ces airs-là, je suis venu à Paris avec quatre écus dans ma poche, et je me serais battu avec quiconque m'aurait dit que je n'étais pas en état d'acheter le Louvre.» D'Artagnan se redressa de plus en plus; grâce à la vente de son cheval, il commençait sa carrière avec quatre écus de plus que M. de Tréville n'avait commencé la sienne. «Vous devez donc, disais-je, avoir besoin de conserver ce que vous avez, si forte que soit cette somme; mais vous devez avoir besoin aussi de vous perfectionner dans les exercices qui conviennent à un gentilhomme. J'écrirai dès aujourd'hui une lettre au directeur de l'académie royale, et dès demain il vous recevra sans rétribution aucune. Ne refusez pas cette petite douceur. Nos gentilshommes les mieux nés et les plus riches la sollicitent quelquefois, sans pouvoir l'obtenir. Vous apprendrez le manège du cheval, l'escrime et la danse; vous y ferez de bonnes connaissances, et de temps en temps vous reviendrez me voir pour me dire où vous en êtes et si je puis faire quelque chose pour vous.» D'Artagnan, tout étranger qu'il fût encore aux façons de cour, s'aperçut de la froideur de cet accueil. «Hélas, monsieur, dit-il, je vois combien la lettre de recommandation que mon père m'avait remise pour vous me fait défaut aujourd'hui! -- En effet, répondit M. de Tréville, je m'étonne que vous ayez entrepris un aussi long voyage sans ce viatique obligé, notre seule ressource à nous autres Béarnais. -- Je l'avais, monsieur, et, Dieu merci, en bonne forme, s'écria d'Artagnan; mais on me l'a perfidement dérobé.» Et il raconta toute la scène de Meung, dépeignit le gentilhomme inconnu dans ses moindres détails, le tout avec une chaleur, une vérité qui charmèrent M. de Tréville. «Voilà qui est étrange, dit ce dernier en méditant; vous aviez donc parlé de moi tout haut? -- Oui, monsieur, sans doute j'avais commis cette imprudence; que voulez-vous, un nom comme le vôtre devait me servir de bouclier en route: jugez si je me suis mis souvent à couvert!» La flatterie était fort de mise alors, et M. de Tréville aimait l'encens comme un roi ou comme un cardinal. Il ne put donc s'empêcher de sourire avec une visible satisfaction, mais ce sourire s'effaça bientôt, et revenant de lui-même à l'aventure de Meung: «Dites-moi, continua-t-il, ce gentilhomme n'avait-il pas une légère cicatrice à la tempe? -- Oui, comme le ferait l'éraflure d'une balle. -- N'était-ce pas un homme de belle mine? -- Oui. -- De haute taille? -- Oui. -- Pâle de teint et brun de poil? -- Oui, oui, c'est cela. Comment se fait-il, monsieur, que vous connaissiez cet homme? Ah! si jamais je le retrouve, et je le retrouverai, je vous le jure, fût-ce en enfer... -- Il attendait une femme? continua Tréville. -- Il est du moins parti après avoir causé un instant avec celle qu'il attendait. -- Vous ne savez pas quel était le sujet de leur conversation? -- Il lui remettait une boîte, lui disait que cette boîte contenait ses instructions, et lui recommandait de ne l'ouvrir qu'à Londres. -- Cette femme était anglaise? -- Il l'appelait Milady. -- C'est lui! murmura Tréville, c'est lui! je le croyais encore à Bruxelles! -- Oh! monsieur, si vous savez quel est cet homme, s'écria d'Artagnan, indiquez-moi qui il est et d'où il est, puis je vous tiens quitte de tout, même de votre promesse de me faire entrer dans les mousquetaires; car avant toute chose je veux me venger. -- Gardez-vous-en bien, jeune homme, s'écria Tréville; si vous le voyez venir, au contraire, d'un côté de la rue, passez de l'autre! Ne vous heurtez pas à un pareil rocher: il vous briserait comme un verre. -- Cela n'empêche pas, dit d'Artagnan, que si jamais je le retrouve... -- En attendant, reprit Tréville, ne le cherchez pas, si j'ai un conseil à vous donner.» Tout à coup Tréville s'arrêta, frappé d'un soupçon subit. Cette grande haine que manifestait si hautement le jeune voyageur pour cet homme, qui, chose assez peu vraisemblable, lui avait dérobé la lettre de son père, cette haine ne cachait-elle pas quelque perfidie? ce jeune homme n'était-il pas envoyé par Son Éminence? ne venait-il pas pour lui tendre quelque piège? ce prétendu d'Artagnan n'était-il pas un émissaire du cardinal qu'on cherchait à introduire dans sa maison, et qu'on avait placé près de lui pour surprendre sa confiance et pour le perdre plus tard, comme cela s'était mille fois pratiqué? Il regarda d'Artagnan plus fixement encore cette seconde fois que la première. Il fut médiocrement rassuré par l'aspect de cette physionomie pétillante d'esprit astucieux et d'humilité affectée. «Je sais bien qu'il est Gascon, pensa-t-il; mais il peut l'être aussi bien pour le cardinal que pour moi. Voyons, éprouvons-le.» «Mon ami, lui dit-il lentement, je veux, comme au fils de mon ancien ami, car je tiens pour vraie l'histoire de cette lettre perdue, je veux, dis-je, pour réparer la froideur que vous avez d'abord remarquée dans mon accueil, vous découvrir les secrets de notre politique. Le roi et le cardinal sont les meilleurs amis; leurs apparents démêlés ne sont que pour tromper les sots. Je ne prétends pas qu'un compatriote, un joli cavalier, un brave garçon, fait pour avancer, soit la dupe de toutes ces feintises et donne comme un niais dans le panneau, à la suite de tant d'autres qui s'y sont perdus. Songez bien que je suis dévoué à ces deux maîtres tout-puissants, et que jamais mes démarches sérieuses n'auront d'autre but que le service du roi et celui de M. le cardinal, un des plus illustres génies que la France ait produits. Maintenant, jeune homme, réglez-vous là-dessus, et si vous avez, soit de famille, soit par relations, soit d'instinct même, quelqu'une de ces inimitiés contre le cardinal telles que nous les voyons éclater chez les gentilshommes, dites-moi adieu, et quittons-nous. Je vous aiderai en mille circonstances, mais sans vous attacher à ma personne. J'espère que ma franchise, en tout cas, vous fera mon ami; car vous êtes jusqu'à présent le seul jeune homme à qui j'aie parlé comme je le fais.» Tréville se disait à part lui: «Si le cardinal m'a dépêché ce jeune renard, il n'aura certes pas manqué, lui qui sait à quel point je l'exècre, de dire à son espion que le meilleur moyen de me faire la cour est de me dire pis que pendre de lui; aussi, malgré mes protestations, le rusé compère va-t-il me répondre bien certainement qu'il a l'Éminence en horreur.» Il en fut tout autrement que s'y attendait Tréville; d'Artagnan répondit avec la plus grande simplicité: «Monsieur, j'arrive à Paris avec des intentions toutes semblables. Mon père m'a recommandé de ne souffrir rien du roi, de M. le cardinal et de vous, qu'il tient pour les trois premiers de France.» D'Artagnan ajoutait M. de Tréville aux deux autres, comme on peut s'en apercevoir, mais il pensait que cette adjonction ne devait rien gâter. «J'ai donc la plus grande vénération pour M. le cardinal, continua-t-il, et le plus profond respect pour ses actes. Tant mieux pour moi, monsieur, si vous me parlez, comme vous le dites, avec franchise; car alors vous me ferez l'honneur d'estimer cette ressemblance de goût; mais si vous avez eu quelque défiance, bien naturelle d'ailleurs, je sens que je me perds en disant la vérité; mais, tant pis, vous ne laisserez pas que de m'estimer, et c'est à quoi je tiens plus qu'à toute chose au monde.» M. de Tréville fut surpris au dernier point. Tant de pénétration, tant de franchise enfin, lui causait de l'admiration, mais ne levait pas entièrement ses doutes: plus ce jeune homme était supérieur aux autres jeunes gens, plus il était à redouter s'il se trompait. Néanmoins il serra la main à d'Artagnan, et lui dit: «Vous êtes un honnête garçon, mais dans ce moment je ne puis faire que ce que je vous ai offert tout à l'heure. Mon hôtel vous sera toujours ouvert. Plus tard, pouvant me demander à toute heure et par conséquent saisir toutes les occasions, vous obtiendrez probablement ce que vous désirez obtenir. -- C'est-à-dire, monsieur, reprit d'Artagnan, que vous attendez que je m'en sois rendu digne. Eh bien, soyez tranquille, ajouta-t- il avec la familiarité du Gascon, vous n'attendrez pas longtemps.» Et il salua pour se retirer, comme si désormais le reste le regardait. «Mais attendez donc, dit M. de Tréville en l'arrêtant, je vous ai promis une lettre pour le directeur de l'académie. Êtes-vous trop fier pour l'accepter, mon jeune gentilhomme? -- Non, monsieur, dit d'Artagnan; je vous réponds qu'il n'en sera pas de celle-ci comme de l'autre. Je la garderai si bien qu'elle arrivera, je vous le jure, à son adresse, et malheur à celui qui tenterait de me l'enlever!» M. de Tréville sourit à cette fanfaronnade, et, laissant son jeune compatriote dans l'embrasure de la fenêtre où ils se trouvaient et où ils avaient causé ensemble, il alla s'asseoir à une table et se mit à écrire la lettre de recommandation promise. Pendant ce temps, d'Artagnan, qui n'avait rien de mieux à faire, se mit à battre une marche contre les carreaux, regardant les mousquetaires qui s'en allaient les uns après les autres, et les suivant du regard jusqu'à ce qu'ils eussent disparu au tournant de la rue. M. de Tréville, après avoir écrit la lettre, la cacheta et, se levant, s'approcha du jeune homme pour la lui donner; mais au moment même où d'Artagnan étendait la main pour la recevoir, M. de Tréville fut bien étonné de voir son protégé faire un soubresaut, rougir de colère et s'élancer hors du cabinet en criant: «Ah! sangdieu! il ne m'échappera pas, cette fois. -- Et qui cela? demanda M. de Tréville. -- Lui, mon voleur! répondit d'Artagnan. Ah! traître!» Et il disparut. «Diable de fou! murmura M. de Tréville. À moins toutefois, ajouta- t-il, que ce ne soit une manière adroite de s'esquiver, en voyant qu'il a manqué son coup.» CHAPITRE IV L'ÉPAULE D'ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS ET LE MOUCHOIR D'ARAMIS D'Artagnan, furieux, avait traversé l'antichambre en trois bonds et s'élançait sur l'escalier, dont il comptait descendre les degrés quatre à quatre, lorsque, emporté par sa course, il alla donner tête baissée dans un mousquetaire qui sortait de chez M. de Tréville par une porte de dégagement, et, le heurtant du front à l'épaule, lui fit pousser un cri ou plutôt un hurlement. «Excusez-moi, dit d'Artagnan, essayant de reprendre sa course, excusez-moi, mais je suis pressé.» À peine avait-il descendu le premier escalier, qu'un poignet de fer le saisit par son écharpe et l'arrêta. «Vous êtes pressé! s'écria le mousquetaire, pâle comme un linceul; sous ce prétexte, vous me heurtez, vous dites: "Excusez-moi", et vous croyez que cela suffit? Pas tout à fait, mon jeune homme. Croyez-vous, parce que vous avez entendu M. de Tréville nous parler un peu cavalièrement aujourd'hui, que l'on peut nous traiter comme il nous parle? Détrompez-vous, compagnon, vous n'êtes pas M. de Tréville, vous. -- Ma foi, répliqua d'Artagnan, qui reconnut Athos, lequel, après le pansement opéré par le docteur, regagnait son appartement, ma foi, je ne l'ai pas fait exprès, j'ai dit: "Excusez-moi." Il me semble donc que c'est assez. Je vous répète cependant, et cette fois c'est trop peut-être, parole d'honneur! je suis pressé, très pressé. Lâchez-moi donc, je vous prie, et laissez-moi aller où j'ai affaire. -- Monsieur, dit Athos en le lâchant, vous n'êtes pas poli. On voit que vous venez de loin.» D'Artagnan avait déjà enjambé trois ou quatre degrés, mais à la remarque d'Athos il s'arrêta court. «Morbleu, monsieur! dit-il, de si loin que je vienne, ce n'est pas vous qui me donnerez une leçon de belles manières, je vous préviens. -- Peut-être, dit Athos. -- Ah! si je n'étais pas si pressé, s'écria d'Artagnan, et si je ne courais pas après quelqu'un... -- Monsieur l'homme pressé, vous me trouverez sans courir, moi, entendez-vous? -- Et où cela, s'il vous plaît? -- Près des Carmes-Deschaux. -- À quelle heure? -- Vers midi. -- Vers midi, c'est bien, j'y serai. -- Tâchez de ne pas me faire attendre, car à midi un quart je vous préviens que c'est moi qui courrai après vous et vous couperai les oreilles à la course. -- Bon! lui cria d'Artagnan; on y sera à midi moins dix minutes.» Et il se mit à courir comme si le diable l'emportait, espérant retrouver encore son inconnu, que son pas tranquille ne devait pas avoir conduit bien loin. Mais, à la porte de la rue, causait Porthos avec un soldat aux gardes. Entre les deux causeurs, il y avait juste l'espace d'un homme. D'Artagnan crut que cet espace lui suffirait, et il s'élança pour passer comme une flèche entre eux deux. Mais d'Artagnan avait compté sans le vent. Comme il allait passer, le vent s'engouffra dans le long manteau de Porthos, et d'Artagnan vint donner droit dans le manteau. Sans doute, Porthos avait des raisons de ne pas abandonner cette partie essentielle de son vêtement car, au lieu de laisser aller le pan qu'il tenait, il tira à lui, de sorte que d'Artagnan s'enroula dans le velours par un mouvement de rotation qu'explique la résistance de l'obstiné Porthos. D'Artagnan, entendant jurer le mousquetaire, voulut sortir de dessous le manteau qui l'aveuglait, et chercha son chemin dans le pli. Il redoutait surtout d'avoir porté atteinte à la fraîcheur du magnifique baudrier que nous connaissons; mais, en ouvrant timidement les yeux, il se trouva le nez collé entre les deux épaules de Porthos c'est-à-dire précisément sur le baudrier. Hélas! comme la plupart des choses de ce monde qui n'ont pour elles que l'apparence, le baudrier était d'or par-devant et de simple buffle par-derrière. Porthos, en vrai glorieux qu'il était, ne pouvant avoir un baudrier d'or tout entier, en avait au moins la moitié: on comprenait dès lors la nécessité du rhume et l'urgence du manteau. «Vertubleu! cria Porthos faisant tous ses efforts pour se débarrasser de d'Artagnan qui lui grouillait dans le dos, vous êtes donc enragé de vous jeter comme cela sur les gens! -- Excusez-moi, dit d'Artagnan reparaissant sous l'épaule du géant, mais je suis très pressé, je cours après quelqu'un, et... -- Est-ce que vous oubliez vos yeux quand vous courez, par hasard? demanda Porthos. -- Non, répondit d'Artagnan piqué, non, et grâce à mes yeux je vois même ce que ne voient pas les autres.» Porthos comprit ou ne comprit pas, toujours est-il que, se laissant aller à sa colère: «Monsieur, dit-il, vous vous ferez étriller, je vous en préviens, si vous vous frottez ainsi aux mousquetaires. -- Étriller, monsieur! dit d'Artagnan, le mot est dur. -- C'est celui qui convient à un homme habitué à regarder en face ses ennemis. -- Ah! pardieu! je sais bien que vous ne tournez pas le dos aux vôtres, vous.» Et le jeune homme, enchanté de son espièglerie, s'éloigna en riant à gorge déployée. Porthos écuma de rage et fit un mouvement pour se précipiter sur d'Artagnan. «Plus tard, plus tard, lui cria celui-ci, quand vous n'aurez plus votre manteau. -- À une heure donc, derrière le Luxembourg. -- Très bien, à une heure», répondit d'Artagnan en tournant l'angle de la rue. Mais ni dans la rue qu'il venait de parcourir, ni dans celle qu'il embrassait maintenant du regard, il ne vit personne. Si doucement qu'eût marché l'inconnu, il avait gagné du chemin; peut-être aussi était-il entré dans quelque maison. D'Artagnan s'informa de lui à tous ceux qu'il rencontra, descendit jusqu'au bac, remonta par la rue de Seine et la Croix-Rouge; mais rien, absolument rien. Cependant cette course lui fut profitable en ce sens qu'à mesure que la sueur inondait son front, son coeur se refroidissait. Il se mit alors à réfléchir sur les événements qui venaient de se passer; ils étaient nombreux et néfastes: il était onze heures du matin à peine, et déjà la matinée lui avait apporté la disgrâce de M. de Tréville, qui ne pouvait manquer de trouver un peu cavalière la façon dont d'Artagnan l'avait quitté. En outre, il avait ramassé deux bons duels avec deux hommes capables de tuer chacun trois d'Artagnan, avec deux mousquetaires enfin, c'est-à-dire avec deux de ces êtres qu'il estimait si fort qu'il les mettait, dans sa pensée et dans son coeur, au-dessus de tous les autres hommes. La conjecture était triste. Sûr d'être tué par Athos, on comprend que le jeune homme ne s'inquiétait pas beaucoup de Porthos. Pourtant, comme l'espérance est la dernière chose qui s'éteint dans le coeur de l'homme, il en arriva à espérer qu'il pourrait survivre, avec des blessures terribles, bien entendu, à ces deux duels, et, en cas de survivance, il se fit pour l'avenir les réprimandes suivantes: «Quel écervelé je fais, et quel butor je suis! Ce brave et malheureux Athos était blessé juste à l'épaule contre laquelle je m'en vais, moi, donner de la tête comme un bélier. La seule chose qui m'étonne, c'est qu'il ne m'ait pas tué roide; il en avait le droit, et la douleur que je lui ai causée a dû être atroce. Quant à Porthos! Oh! quant à Porthos, ma foi, c'est plus drôle.» Et malgré lui le jeune homme se mit à rire, tout en regardant néanmoins si ce rire isolé, et sans cause aux yeux de ceux qui le voyaient rire, n'allait pas blesser quelque passant. «Quant à Porthos, c'est plus drôle; mais je n'en suis pas moins un misérable étourdi. Se jette-t-on ainsi sur les gens sans dire gare! non! et va-t-on leur regarder sous le manteau pour y voir ce qui n'y est pas! Il m'eût pardonné bien certainement; il m'eût pardonné si je n'eusse pas été lui parler de ce maudit baudrier, à mots couverts, c'est vrai; oui, couverts joliment! Ah! maudit Gascon que je suis, je ferais de l'esprit dans la poêle à frire. Allons, d'Artagnan mon ami, continua-t-il, se parlant à lui-même avec toute l'aménité qu'il croyait se devoir, si tu en réchappes, ce qui n'est pas probable, il s'agit d'être à l'avenir d'une politesse parfaite. Désormais il faut qu'on t'admire, qu'on te cite comme modèle. Être prévenant et poli, ce n'est pas être lâche. Regardez plutôt Aramis: Aramis, c'est la douceur, c'est la grâce en personne. Eh bien, personne s'est-il jamais avisé de dire qu'Aramis était un lâche? Non, bien certainement, et désormais je veux en tout point me modeler sur lui. Ah! justement le voici.» D'Artagnan, tout en marchant et en monologuant, était arrivé à quelques pas de l'hôtel d'Aiguillon, et devant cet hôtel il avait aperçu Aramis causant gaiement avec trois gentilshommes des gardes du roi. De son côté, Aramis aperçut d'Artagnan; mais comme il n'oubliait point que c'était devant ce jeune homme que M. de Tréville s'était si fort emporté le matin, et qu'un témoin des reproches que les mousquetaires avaient reçus ne lui était d'aucune façon agréable, il fit semblant de ne pas le voir. D'Artagnan, tout entier au contraire à ses plans de conciliation et de courtoisie, s'approcha des quatre jeunes gens en leur faisant un grand salut accompagné du plus gracieux sourire. Aramis inclina légèrement la tête, mais ne sourit point. Tous quatre, au reste, interrompirent à l'instant même leur conversation. D'Artagnan n'était pas assez niais pour ne point s'apercevoir qu'il était de trop; mais il n'était pas encore assez rompu aux façons du beau monde pour se tirer galamment d'une situation fausse comme l'est, en général, celle d'un homme qui est venu se mêler à des gens qu'il connaît à peine et à une conversation qui ne le regarde pas. Il cherchait donc en lui-même un moyen de faire sa retraite le moins gauchement possible, lorsqu'il remarqua qu'Aramis avait laissé tomber son mouchoir et, par mégarde sans doute, avait mis le pied dessus; le moment lui parut arrivé de réparer son inconvenance: il se baissa, et de l'air le plus gracieux qu'il pût trouver, il tira le mouchoir de dessous le pied du mousquetaire, quelques efforts que celui-ci fît pour le retenir, et lui dit en le lui remettant: «Je crois, monsieur que voici un mouchoir que vous seriez fâché de perdre.» Le mouchoir était en effet richement brodé et portait une couronne et des armes à l'un de ses coins. Aramis rougit excessivement et arracha plutôt qu'il ne prit le mouchoir des mains du Gascon. «Ah! Ah! s'écria un des gardes, diras-tu encore, discret Aramis, que tu es mal avec Mme de Bois-Tracy, quand cette gracieuse dame a l'obligeance de te prêter ses mouchoirs?» Aramis lança à d'Artagnan un de ces regards qui font comprendre à un homme qu'il vient de s'acquérir un ennemi mortel; puis, reprenant son air doucereux: «Vous vous trompez, messieurs, dit-il, ce mouchoir n'est pas à moi, et je ne sais pourquoi monsieur a eu la fantaisie de me le remettre plutôt qu'à l'un de vous, et la preuve de ce que je dis, c'est que voici le mien dans ma poche.» À ces mots, il tira son propre mouchoir, mouchoir fort élégant aussi, et de fine batiste, quoique la batiste fût chère à cette époque, mais mouchoir sans broderie, sans armes et orné d'un seul chiffre, celui de son propriétaire. Cette fois, d'Artagnan ne souffla pas mot, il avait reconnu sa bévue; mais les amis d'Aramis ne se laissèrent pas convaincre par ses dénégations, et l'un d'eux, s'adressant au jeune mousquetaire avec un sérieux affecté: «Si cela était, dit-il, ainsi que tu le prétends, je serais forcé, mon cher Aramis, de te le redemander; car, comme tu le sais, Bois- Tracy est de mes intimes, et je ne veux pas qu'on fasse trophée des effets de sa femme. -- Tu demandes cela mal, répondit Aramis, et tout en reconnaissant la justesse de ta réclamation quant au fond, je refuserais à cause de la forme. -- Le fait est, hasarda timidement d'Artagnan, que je n'ai pas vu sortir le mouchoir de la poche de M. Aramis. Il avait le pied dessus, voilà tout, et j'ai pensé que, puisqu'il avait le pied dessus, le mouchoir était à lui. -- Et vous vous êtes trompé, mon cher monsieur», répondit froidement Aramis, peu sensible à la réparation. Puis, se retournant vers celui des gardes qui s'était déclaré l'ami de Bois-Tracy: «D'ailleurs, continua-t-il, je réfléchis, mon cher intime de Bois- Tracy, que je suis son ami non moins tendre que tu peux l'être toi-même; de sorte qu'à la rigueur ce mouchoir peut aussi bien être sorti de ta poche que de la mienne. -- Non, sur mon honneur! s'écria le garde de Sa Majesté. -- Tu vas jurer sur ton honneur et moi sur ma parole et alors il y aura évidemment un de nous deux qui mentira. Tiens, faisons mieux, Montaran, prenons-en chacun la moitié. -- Du mouchoir? -- Oui. -- Parfaitement, s'écrièrent les deux autres gardes, le jugement du roi Salomon. Décidément, Aramis, tu es plein de sagesse.» Les jeunes gens éclatèrent de rire, et comme on le pense bien, l'affaire n'eut pas d'autre suite. Au bout d'un instant, la conversation cessa, et les trois gardes et le mousquetaire, après s'être cordialement serré la main, tirèrent, les trois gardes de leur côté et Aramis du sien. «Voilà le moment de faire ma paix avec ce galant homme», se dit à part lui d'Artagnan, qui s'était tenu un peu à l'écart pendant toute la dernière partie de cette conversation. Et, sur ce bon sentiment, se rapprochant d'Aramis, qui s'éloignait sans faire autrement attention à lui: «Monsieur, lui dit-il, vous m'excuserez, je l'espère. -- Ah! monsieur, interrompit Aramis, permettez-moi de vous faire observer que vous n'avez point agi en cette circonstance comme un galant homme le devait faire. -- Quoi, monsieur! s'écria d'Artagnan, vous supposez... -- Je suppose, monsieur, que vous n'êtes pas un sot, et que vous savez bien, quoique arrivant de Gascogne, qu'on ne marche pas sans cause sur les mouchoirs de poche. Que diable! Paris n'est point pavé en batiste. -- Monsieur, vous avez tort de chercher à m'humilier, dit d'Artagnan, chez qui le naturel querelleur commençait à parler plus haut que les résolutions pacifiques. Je suis de Gascogne, c'est vrai, et puisque vous le savez, je n'aurai pas besoin de vous dire que les Gascons sont peu endurants; de sorte que, lorsqu'ils se sont excusés une fois, fût-ce d'une sottise, ils sont convaincus qu'ils ont déjà fait moitié plus qu'ils ne devaient faire. -- Monsieur, ce que je vous en dis, répondit Aramis, n'est point pour vous chercher une querelle. Dieu merci! je ne suis pas un spadassin, et n'étant mousquetaire que par intérim, je ne me bats que lorsque j'y suis forcé, et toujours avec une grande répugnance; mais cette fois l'affaire est grave, car voici une dame compromise par vous. -- Par nous, c'est-à-dire, s'écria d'Artagnan. -- Pourquoi avez-vous eu la maladresse de me rendre le mouchoir? -- Pourquoi avez-vous eu celle de le laisser tomber? -- J'ai dit et je répète, monsieur, que ce mouchoir n'est point sorti de ma poche. -- Eh bien, vous en avez menti deux fois, monsieur, car je l'en ai vu sortir, moi! -- Ah! vous le prenez sur ce ton, monsieur le Gascon! eh bien, je vous apprendrai à vivre. -- Et moi je vous renverrai à votre messe, monsieur l'abbé! Dégainez, s'il vous plaît, et à l'instant même. -- Non pas, s'il vous plaît, mon bel ami; non, pas ici, du moins. Ne voyez-vous pas que nous sommes en face de l'hôtel d'Aiguillon, lequel est plein de créatures du cardinal? Qui me dit que ce n'est pas Son Éminence qui vous a chargé de lui procurer ma tête? Or j'y tiens ridiculement, à ma tête, attendu qu'elle me semble aller assez correctement à mes épaules. Je veux donc vous tuer, soyez tranquille, mais vous tuer tout doucement, dans un endroit clos et couvert, là où vous ne puissiez vous vanter de votre mort à personne. -- Je le veux bien, mais ne vous y fiez pas, et emportez votre mouchoir, qu'il vous appartienne ou non; peut-être aurez-vous l'occasion de vous en servir. -- Monsieur est Gascon? demanda Aramis. -- Oui. Monsieur ne remet pas un rendez-vous par prudence? -- La prudence, monsieur, est une vertu assez inutile aux mousquetaires, je le sais, mais indispensable aux gens d'Église, et comme je ne suis mousquetaire que provisoirement, je tiens à rester prudent. À deux heures, j'aurai l'honneur de vous attendre à l'hôtel de M. de Tréville. Là je vous indiquerai les bons endroits.» Les deux jeunes gens se saluèrent, puis Aramis s'éloigna en remontant la rue qui remontait au Luxembourg, tandis que d'Artagnan, voyant que l'heure s'avançait, prenait le chemin des Carmes-Deschaux, tout en disant à part soi: «Décidément, je n'en puis pas revenir; mais au moins, si je suis tué, je serai tué par un mousquetaire.» CHAPITRE V LES MOUSQUETAIRES DU ROI ET LES GARDES DE M. LE CARDINAL D'Artagnan ne connaissait personne à Paris. Il alla donc au rendez-vous d'Athos sans amener de second, résolu de se contenter de ceux qu'aurait choisis son adversaire. D'ailleurs son intention était formelle de faire au brave mousquetaire toutes les excuses convenables, mais sans faiblesse, craignant qu'il ne résultât de ce duel ce qui résulte toujours de fâcheux, dans une affaire de ce genre, quand un homme jeune et vigoureux se bat contre un adversaire blessé et affaibli: vaincu, il double le triomphe de son antagoniste; vainqueur, il est accusé de forfaiture et de facile audace. Au reste, ou nous avons mal exposé le caractère de notre chercheur d'aventures, ou notre lecteur a déjà dû remarquer que d'Artagnan n'était point un homme ordinaire. Aussi, tout en se répétant à lui-même que sa mort était inévitable, il ne se résigna point à mourir tout doucettement, comme un autre moins courageux et moins modéré que lui eût fait à sa place. Il réfléchit aux différents caractères de ceux avec lesquels il allait se battre, et commença à voir plus clair dans sa situation. Il espérait, grâce aux excuses loyales qu'il lui réservait, se faire un ami d'Athos, dont l'air grand seigneur et la mine austère lui agréaient fort. Il se flattait de faire peur à Porthos avec l'aventure du baudrier, qu'il pouvait, s'il n'était pas tué sur le coup, raconter à tout le monde, récit qui, poussé adroitement à l'effet, devait couvrir Porthos de ridicule; enfin, quant au sournois Aramis, il n'en avait pas très grand-peur, et en supposant qu'il arrivât jusqu'à lui, il se chargeait de l'expédier bel et bien, ou du moins en le frappant au visage, comme César avait recommandé de faire aux soldats de Pompée, d'endommager à tout jamais cette beauté dont il était si fier. Ensuite il y avait chez d'Artagnan ce fonds inébranlable de résolution qu'avaient déposé dans son coeur les conseils de son père, conseils dont la substance était: «Ne rien souffrir de personne que du roi, du cardinal et de M. de Tréville.» Il vola donc plutôt qu'il ne marcha vers le couvent des Carmes Déchaussés, ou plutôt Deschaux, comme on disait à cette époque, sorte de bâtiment sans fenêtres, bordé de prés arides, succursale du Pré- aux-Clercs, et qui servait d'ordinaire aux rencontres des gens qui n'avaient pas de temps à perdre. Lorsque d'Artagnan arriva en vue du petit terrain vague qui s'étendait au pied de ce monastère, Athos attendait depuis cinq minutes seulement, et midi sonnait. Il était donc ponctuel comme la Samaritaine, et le plus rigoureux casuiste à l'égard des duels n'avait rien a dire. Athos, qui souffrait toujours cruellement de sa blessure, quoiqu'elle eût été pansée à neuf par le chirurgien de M. de Tréville, s'était assis sur une borne et attendait son adversaire avec cette contenance paisible et cet air digne qui ne l'abandonnaient jamais. À l'aspect de d'Artagnan, il se leva et fit poliment quelques pas au-devant de lui. Celui-ci, de son côté, n'aborda son adversaire que le chapeau à la main et sa plume traînant jusqu'à terre. «Monsieur, dit Athos, j'ai fait prévenir deux de mes amis qui me serviront de seconds, mais ces deux amis ne sont point encore arrivés. Je m'étonne qu'ils tardent: ce n'est pas leur habitude. -- Je n'ai pas de seconds, moi, monsieur, dit d'Artagnan, car arrivé d'hier seulement à Paris, je n'y connais encore personne que M. de Tréville, auquel j'ai été recommandé par mon père qui a l'honneur d'être quelque peu de ses amis.» Athos réfléchit un instant. «Vous ne connaissez que M. de Tréville? demanda-t-il. -- Oui, monsieur, je ne connais que lui. -- Ah çà, mais..., continua Athos parlant moitié à lui-même, moitié à d'Artagnan, ah... çà, mais si je vous tue, j'aurai l'air d'un mangeur d'enfants, moi! -- Pas trop, monsieur, répondit d'Artagnan avec un salut qui ne manquait pas de dignité; pas trop, puisque vous me faites l'honneur de tirer l'épée contre moi avec une blessure dont vous devez être fort incommodé. -- Très incommodé, sur ma parole, et vous m'avez fait un mal du diable, je dois le dire; mais je prendrai la main gauche, c'est mon habitude en pareille circonstance. Ne croyez donc pas que je vous fasse une grâce, je tire proprement des deux mains; et il y aura même désavantage pour vous: un gaucher est très gênant pour les gens qui ne sont pas prévenus. Je regrette de ne pas vous avoir fait part plus tôt de cette circonstance. -- Vous êtes vraiment, monsieur, dit d'Artagnan en s'inclinant de nouveau, d'une courtoisie dont je vous suis on ne peut plus reconnaissant. -- Vous me rendez confus, répondit Athos avec son air de gentilhomme; causons donc d'autre chose, je vous prie, à moins que cela ne vous soit désagréable. Ah! sangbleu! que vous m'avez fait mal! l'épaule me brûle. -- Si vous vouliez permettre..., dit d'Artagnan avec timidité. -- Quoi, monsieur? -- J'ai un baume miraculeux pour les blessures, un baume qui me vient de ma mère, et dont j'ai fait l'épreuve sur moi-même. -- Eh bien? -- Eh bien, je suis sûr qu'en moins de trois jours ce baume vous guérirait, et au bout de trois jours, quand vous seriez guéri: eh bien, monsieur, ce me serait toujours un grand honneur d'être votre homme.» D'Artagnan dit ces mots avec une simplicité qui faisait honneur à sa courtoisie, sans porter aucunement atteinte à son courage. «Pardieu, monsieur, dit Athos, voici une proposition qui me plaît, non pas que je l'accepte, mais elle sent son gentilhomme d'une lieue. C'est ainsi que parlaient et faisaient ces preux du temps de Charlemagne, sur lesquels tout cavalier doit chercher à se modeler. Malheureusement, nous ne sommes plus au temps du grand empereur. Nous sommes au temps de M. le cardinal, et d'ici à trois jours on saurait, si bien gardé que soit le secret, on saurait, dis-je, que nous devons nous battre, et l'on s'opposerait à notre combat. Ah çà, mais! ces flâneurs ne viendront donc pas? -- Si vous êtes pressé, monsieur, dit d'Artagnan à Athos avec la même simplicité qu'un instant auparavant il lui avait proposé de remettre le duel à trois jours, si vous êtes pressé et qu'il vous plaise de m'expédier tout de suite, ne vous gênez pas, je vous en prie. -- Voilà encore un mot qui me plaît, dit Athos en faisant un gracieux signe de tête à d'Artagnan, il n'est point d'un homme sans cervelle, et il est à coup sûr d'un homme de coeur. Monsieur, j'aime les hommes de votre trempe, et je vois que si nous ne nous tuons pas l'un l'autre, j'aurai plus tard un vrai plaisir dans votre conversation. Attendons ces messieurs, je vous prie, j'ai tout le temps, et cela sera plus correct. Ah! en voici un, je crois.» En effet, au bout de la rue de Vaugirard commençait à apparaître le gigantesque Porthos. «Quoi! s'écria d'Artagnan, votre premier témoin est M. Porthos? -- Oui, cela vous contrarie-t-il? -- Non, aucunement. -- Et voici le second.» D'Artagnan se retourna du côté indiqué par Athos, et reconnut Aramis. «Quoi! s'écria-t-il d'un accent plus étonné que la première fois, votre second témoin est M. Aramis? -- Sans doute, ne savez-vous pas qu'on ne nous voit jamais l'un sans l'autre, et qu'on nous appelle, dans les mousquetaires et dans les gardes, à la cour et à la ville, Athos, Porthos et Aramis ou les trois inséparables? Après cela, comme vous arrivez de Dax ou de Pau... -- De Tarbes, dit d'Artagnan. --... Il vous est permis d'ignorer ce détail, dit Athos. -- Ma foi, dit d'Artagnan, vous êtes bien nommés, messieurs, et mon aventure, si elle fait quelque bruit, prouvera du moins que votre union n'est point fondée sur les contrastes.» Pendant ce temps, Porthos s'était rapproché, avait salué de la main Athos; puis, se retournant vers d'Artagnan, il était resté tout étonné. Disons, en passant, qu'il avait changé de baudrier et quitté son manteau. «Ah! ah! fit-il, qu'est-ce que cela? -- C'est avec monsieur que je me bats, dit Athos en montrant de la main d'Artagnan, et en le saluant du même geste. -- C'est avec lui que je me bats aussi, dit Porthos. -- Mais à une heure seulement, répondit d'Artagnan. -- Et moi aussi, c'est avec monsieur que je me bats, dit Aramis en arrivant à son tour sur le terrain. -- Mais à deux heures seulement, fit d'Artagnan avec le même calme. -- Mais à propos de quoi te bats-tu, toi, Athos? demanda Aramis. -- Ma foi, je ne sais pas trop, il m'a fait mal à l'épaule; et toi, Porthos? -- Ma foi, je me bats parce que je me bats», répondit Porthos en rougissant. Athos, qui ne perdait rien, vit passer un fin sourire sur les lèvres du Gascon. «Nous avons eu une discussion sur la toilette, dit le jeune homme. -- Et toi, Aramis? demanda Athos. -- Moi, je me bats pour cause de théologie», répondit Aramis tout en faisant signe à d'Artagnan qu'il le priait de tenir secrète la cause de son duel. Athos vit passer un second sourire sur les lèvres de d'Artagnan. «Vraiment, dit Athos. -- Oui, un point de saint Augustin sur lequel nous ne sommes pas d'accord, dit le Gascon. -- Décidément c'est un homme d'esprit, murmura Athos. -- Et maintenant que vous êtes rassemblés, messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses.» À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis. «Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies: je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois, car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance, monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, monsieur Aramis. Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde!» À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée. Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis. Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur. «Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même. -- C'est vrai, monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure que je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme; je me battrai donc en pourpoint comme vous. -- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour. -- Parlez pour vous seul, Porthos, quand vous aurez à dire de pareilles incongruités, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes. -- Quand vous voudrez, monsieur, dit Athos en se mettant en garde. -- J'attendais vos ordres», dit d'Artagnan en croisant le fer. Mais les deux rapières avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent. «Les gardes du cardinal! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, messieurs! l'épée au fourreau! Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions. «Holà! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà! mousquetaires, on se bat donc ici? Et les édits, qu'en faisons-nous? -- Vous êtes bien généreux, messieurs les gardes, dit Athos plein de rancune, car Jussac était l'un des agresseurs de l'avant- veille. Si nous vous voyions battre, je vous réponds, moi, que nous nous garderions bien de vous en empêcher. Laissez-nous donc faire, et vous allez avoir du plaisir sans prendre aucune peine. -- Messieurs, dit Jussac, c'est avec grand regret que je vous déclare que la chose est impossible. Notre devoir avant tout. Rengainez donc, s'il vous plaît, et nous suivez. -- Monsieur, dit Aramis parodiant Jussac, ce serait avec un grand plaisir que nous obéirions à votre gracieuse invitation, si cela dépendait de nous; mais malheureusement la chose est impossible: M. de Tréville nous l'a défendu. Passez donc votre chemin, c'est ce que vous avez de mieux à faire.» Cette raillerie exaspéra Jussac. «Nous vous chargerons donc, dit-il, si vous désobéissez. -- Ils sont cinq, dit Athos à demi-voix, et nous ne sommes que trois; nous serons encore battus, et il nous faudra mourir ici, car je le déclare, je ne reparais pas vaincu devant le capitaine.» Alors Porthos et Aramis se rapprochèrent à l'instant les uns des autres, pendant que Jussac alignait ses soldats. Ce seul moment suffit à d'Artagnan pour prendre son parti: c'était là un de ces événements qui décident de la vie d'un homme, c'était un choix à faire entre le roi et le cardinal; ce choix fait, il allait y persévérer. Se battre, c'est-à-dire désobéir à la loi, c'est-à-dire risquer sa tête, c'est-à-dire se faire d'un seul coup l'ennemi d'un ministre plus puissant que le roi lui-même: voilà ce qu'entrevit le jeune homme, et, disons-le à sa louange, il n'hésita point une seconde. Se tournant donc vers Athos et ses amis: «Messieurs, dit-il, je reprendrai, s'il vous plaît, quelque chose à vos paroles. Vous avez dit que vous n'étiez que trois, mais il me semble, à moi, que nous sommes quatre. -- Mais vous n'êtes pas des nôtres, dit Porthos. -- C'est vrai, répondit d'Artagnan; je n'ai pas l'habit, mais j'ai l'âme. Mon coeur est mousquetaire, je le sens bien, monsieur, et cela m'entraîne. -- Écartez-vous, jeune homme, cria Jussac, qui sans doute à ses gestes et à l'expression de son visage avait deviné le dessein de d'Artagnan. Vous pouvez vous retirer, nous y consentons. Sauvez votre peau; allez vite.» D'Artagnan ne bougea point. «Décidément vous êtes un joli garçon, dit Athos en serrant la main du jeune homme. -- Allons! allons! prenons un parti, reprit Jussac. -- Voyons, dirent Porthos et Aramis, faisons quelque chose. -- Monsieur est plein de générosité», dit Athos. Mais tous trois pensaient à la jeunesse de d'Artagnan et redoutaient son inexpérience. «Nous ne serons que trois, dont un blessé, plus un enfant, reprit Athos, et l'on n'en dira pas moins que nous étions quatre hommes. -- Oui, mais reculer! dit Porthos. -- C'est difficile», reprit Athos. D'Artagnan comprit leur irrésolution. «Messieurs, essayez-moi toujours, dit-il, et je vous jure sur l'honneur que je ne veux pas m'en aller d'ici si nous sommes vaincus. -- Comment vous appelle-t-on, mon brave? dit Athos. -- D'Artagnan, monsieur. -- Eh bien, Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan, en avant! cria Athos. -- Eh bien, voyons, messieurs, vous décidez-vous à vous décider? cria pour la troisième fois Jussac. -- C'est fait, messieurs, dit Athos. -- Et quel parti prenez-vous? demanda Jussac. Nous allons avoir l'honneur de vous charger, répondit Aramis en levant son chapeau d'une main et tirant son épée de l'autre. -- Ah! vous résistez! s'écria Jussac. -- Sangdieu! cela vous étonne?» Et les neuf combattants se précipitèrent les uns sur les autres avec une furie qui n'excluait pas une certaine méthode. Athos prit un certain Cahusac, favori du cardinal; Porthos eut Biscarat, et Aramis se vit en face de deux adversaires. Quant à d'Artagnan, il se trouva lancé contre Jussac lui-même. Le coeur du jeune Gascon battait à lui briser la poitrine, non pas de peur, Dieu merci! il n'en avait pas l'ombre, mais d'émulation; il se battait comme un tigre en fureur, tournant dix fois autour de son adversaire, changeant vingt fois ses gardes et son terrain. Jussac était, comme on le disait alors, friand de la lame, et avait fort pratiqué; cependant il avait toutes les peines du monde à se défendre contre un adversaire qui, agile et bondissant, s'écartait à tout moment des règles reçues, attaquant de tous côtés à la fois, et tout cela en parant en homme qui a le plus grand respect pour son épiderme. Enfin cette lutte finit par faire perdre patience à Jussac. Furieux d'être tenu en échec par celui qu'il avait regardé comme un enfant, il s'échauffa et commença à faire des fautes. D'Artagnan, qui, à défaut de la pratique, avait une profonde théorie, redoubla d'agilité. Jussac, voulant en finir, porta un coup terrible à son adversaire en se fendant à fond; mais celui-ci para prime, et tandis que Jussac se relevait, se glissant comme un serpent sous son fer, il lui passa son épée au travers du corps. Jussac tomba comme une masse. D'Artagnan jeta alors un coup d'oeil inquiet et rapide sur le champ de bataille. Aramis avait déjà tué un de ses adversaires; mais l'autre le pressait vivement. Cependant Aramis était en bonne situation et pouvait encore se défendre. Biscarat et Porthos venaient de faire coup fourré: Porthos avait reçu un coup d'épée au travers du bras, et Biscarat au travers de la cuisse. Mais comme ni l'une ni l'autre des deux blessures n'était grave, ils ne s'en escrimaient qu'avec plus d'acharnement. Athos, blessé de nouveau par Cahusac, pâlissait à vue d'oeil, mais il ne reculait pas d'une semelle: il avait seulement changé son épée de main, et se battait de la main gauche. D'Artagnan, selon les lois du duel de cette époque, pouvait secourir quelqu'un; pendant qu'il cherchait du regard celui de ses compagnons qui avait besoin de son aide, il surprit un coup d'oeil d'Athos. Ce coup d'oeil était d'une éloquence sublime. Athos serait mort plutôt que d'appeler au secours; mais il pouvait regarder, et du regard demander un appui. D'Artagnan le devina, fit un bond terrible et tomba sur le flanc de Cahusac en criant: «À moi, monsieur le garde, je vous tue!» Cahusac se retourna; il était temps. Athos, que son extrême courage soutenait seul, tomba sur un genou. «Sangdieu! criait-il à d'Artagnan, ne le tuez pas, jeune homme, je vous en prie; j'ai une vieille affaire à terminer avec lui, quand je serai guéri et bien portant. Désarmez-le seulement, liez-lui l'épée. C'est cela. Bien! très bien!» Cette exclamation était arrachée à Athos par l'épée de Cahusac qui sautait à vingt pas de lui. D'Artagnan et Cahusac s'élancèrent ensemble, l'un pour la ressaisir, l'autre pour s'en emparer; mais d'Artagnan, plus leste, arriva le premier et mit le pied dessus. Cahusac courut à celui des gardes qu'avait tué Aramis, s'empara de sa rapière, et voulut revenir à d'Artagnan; mais sur son chemin il rencontra Athos, qui, pendant cette pause d'un instant que lui avait procurée d'Artagnan, avait repris haleine, et qui, de crainte que d'Artagnan ne lui tuât son ennemi, voulait recommencer le combat. D'Artagnan comprit que ce serait désobliger Athos que de ne pas le laisser faire. En effet, quelques secondes après, Cahusac tomba la gorge traversée d'un coup d'épée. Au même instant, Aramis appuyait son épée contre la poitrine de son adversaire renversé, et le forçait à demander merci. Restaient Porthos et Biscarat. Porthos faisait mille fanfaronnades, demandant à Biscarat quelle heure il pouvait bien être, et lui faisait ses compliments sur la compagnie que venait d'obtenir son frère dans le régiment de Navarre; mais tout en raillant, il ne gagnait rien. Biscarat était un de ces hommes de fer qui ne tombent que morts. Cependant il fallait en finir. Le guet pouvait arriver et prendre tous les combattants, blessés ou non, royalistes ou cardinalistes. Athos, Aramis et d'Artagnan entourèrent Biscarat et le sommèrent de se rendre. Quoique seul contre tous, et avec un coup d'épée qui lui traversait la cuisse, Biscarat voulait tenir; mais Jussac, qui s'était élevé sur son coude, lui cria de se rendre. Biscarat était un Gascon comme d'Artagnan; il fit la sourde oreille et se contenta de rire, et entre deux parades, trouvant le temps de désigner, du bout de son épée, une place à terre: «Ici, dit-il, parodiant un verset de la Bible, ici mourra Biscarat, seul de ceux qui sont avec lui. -- Mais ils sont quatre contre toi; finis-en, je te l'ordonne. -- Ah! si tu l'ordonnes, c'est autre chose, dit Biscarat, comme tu es mon brigadier, je dois obéir.» Et, faisant un bond en arrière, il cassa son épée sur son genou pour ne pas la rendre, en jeta les morceaux pardessus le mur du couvent et se croisa les bras en sifflant un air cardinaliste. La bravoure est toujours respectée, même dans un ennemi. Les mousquetaires saluèrent Biscarat de leurs épées et les remirent au fourreau. D'Artagnan en fit autant, puis, aidé de Biscarat, le seul qui fut resté debout, il porta sous le porche du couvent Jussac, Cahusac et celui des adversaires d'Aramis qui n'était que blessé. Le quatrième, comme nous l'avons dit, était mort. Puis ils sonnèrent la cloche, et, emportant quatre épées sur cinq, ils s'acheminèrent ivres de joie vers l'hôtel de M. de Tréville. On les voyait entrelacés, tenant toute la largeur de la rue, et accostant chaque mousquetaire qu'ils rencontraient, si bien qu'à la fin ce fut une marche triomphale. Le coeur de d'Artagnan nageait dans l'ivresse, il marchait entre Athos et Porthos en les étreignant tendrement. «Si je ne suis pas encore mousquetaire, dit-il à ses nouveaux amis en franchissant la porte de l'hôtel de M. de Tréville, au moins me voilà reçu apprenti, n'est-ce pas?» CHAPITRE VI SA MAJESTÉ LE ROI LOUIS TREIZIÈME L'affaire fit grand bruit. M. de Tréville gronda beaucoup tout haut contre ses mousquetaires, et les félicita tout bas; mais comme il n'y avait pas de temps à perdre pour prévenir le roi, M. de Tréville s'empressa de se rendre au Louvre. Il était déjà trop tard, le roi était enfermé avec le cardinal, et l'on dit à M. de Tréville que le roi travaillait et ne pouvait recevoir en ce moment. Le soir, M. de Tréville vint au jeu du roi. Le roi gagnait, et comme Sa Majesté était fort avare, elle était d'excellente humeur; aussi, du plus loin que le roi aperçut Tréville: «Venez ici, monsieur le capitaine, dit-il, venez que je vous gronde; savez-vous que Son Éminence est venue me faire des plaintes sur vos mousquetaires, et cela avec une telle émotion, que ce soir Son Éminence en est malade? Ah çà, mais ce sont des diables à quatre, des gens à pendre, que vos mousquetaires! -- Non, Sire, répondit Tréville, qui vit du premier coup d'oeil comment la chose allait tourner; non, tout au contraire, ce sont de bonnes créatures, douces comme des agneaux, et qui n'ont qu'un désir, je m'en ferais garant: c'est que leur épée ne sorte du fourreau que pour le service de Votre Majesté. Mais, que voulez- vous, les gardes de M. le cardinal sont sans cesse à leur chercher querelle, et, pour l'honneur même du corps, les pauvres jeunes gens sont obligés de se défendre. -- Écoutez M. de Tréville! dit le roi, écoutez-le! ne dirait-on pas qu'il parle d'une communauté religieuse! En vérité, mon cher capitaine, j'ai envie de vous ôter votre brevet et de le donner à Mlle de Chémerault, à laquelle j'ai promis une abbaye. Mais ne pensez pas que je vous croirai ainsi sur parole. On m'appelle Louis le Juste, monsieur de Tréville, et tout à l'heure, tout à l'heure nous verrons. -- Ah! c'est parce que je me fie à cette justice, Sire, que j'attendrai patiemment et tranquillement le bon plaisir de Votre Majesté. -- Attendez donc, monsieur, attendez donc, dit le roi, je ne vous ferai pas longtemps attendre.» En effet, la chance tournait, et comme le roi commençait à perdre ce qu'il avait gagné, il n'était pas fâché de trouver un prétexte pour faire -- qu'on nous passe cette expression de joueur, dont, nous l'avouons, nous ne connaissons pas l'origine --, pour faire charlemagne. Le roi se leva donc au bout d'un instant, et mettant dans sa poche l'argent qui était devant lui et dont la majeure partie venait de son gain: «La Vieuville, dit-il, prenez ma place, il faut que je parle à M. de Tréville pour affaire d'importance. Ah!... j'avais quatre- vingts louis devant moi; mettez la même somme, afin que ceux qui ont perdu n'aient point à se plaindre. La justice avant tout.» Puis, se retournant vers M. de Tréville et marchant avec lui vers l'embrasure d'une fenêtre: «Eh bien, monsieur, continua-t-il, vous dites que ce sont les gardes de l'Éminentissime qui ont été chercher querelle à vos mousquetaires? -- Oui, Sire, comme toujours. -- Et comment la chose est-elle venue, voyons? car, vous le savez, mon cher capitaine, il faut qu'un juge écoute les deux parties. -- Ah! mon Dieu! de la façon la plus simple et la plus naturelle. Trois de mes meilleurs soldats, que Votre Majesté connaît de nom et dont elle a plus d'une fois apprécié le dévouement, et qui ont, je puis l'affirmer au roi, son service fort à coeur; -- trois de mes meilleurs soldats, dis-je, MM. Athos, Porthos et Aramis, avaient fait une partie de plaisir avec un jeune cadet de Gascogne que je leur avais recommandé le matin même. La partie allait avoir lieu à Saint-Germain, je crois, et ils s'étaient donné rendez-vous aux Carmes-Deschaux, lorsqu'elle fut troublée par M. de Jussac et MM. Cahusac, Biscarat, et deux autres gardes qui ne venaient certes pas là en si nombreuse compagnie sans mauvaise intention contre les édits. -- Ah! ah! vous m'y faites penser, dit le roi: sans doute, ils venaient pour se battre eux-mêmes. -- Je ne les accuse pas, Sire, mais je laisse Votre Majesté apprécier ce que peuvent aller faire cinq hommes armés dans un lieu aussi désert que le sont les environs du couvent des Carmes. -- Oui, vous avez raison, Tréville, vous avez raison. -- Alors, quand ils ont vu mes mousquetaires, ils ont changé d'idée et ils ont oublié leur haine particulière pour la haine de corps; car Votre Majesté n'ignore pas que les mousquetaires, qui sont au roi et rien qu'au roi, sont les ennemis naturels des gardes, qui sont à M. le cardinal. -- Oui, Tréville, oui, dit le roi mélancoliquement, et c'est bien triste, croyez-moi, de voir ainsi deux partis en France, deux têtes à la royauté; mais tout cela finira, Tréville, tout cela finira. Vous dites donc que les gardes ont cherché querelle aux mousquetaires? -- Je dis qu'il est probable que les choses se sont passées ainsi, mais je n'en jure pas, Sire. Vous savez combien la vérité est difficile à connaître, et à moins d'être doué de cet instinct admirable qui a fait nommer Louis XIII le Juste... -- Et vous avez raison, Tréville; mais ils n'étaient pas seuls, vos mousquetaires, il y avait avec eux un enfant? -- Oui, Sire, et un homme blessé, de sorte que trois mousquetaires du roi, dont un blessé, et un enfant, non seulement ont tenu tête à cinq des plus terribles gardes de M. le cardinal, mais encore en ont porté quatre à terre. -- Mais c'est une victoire, cela! s'écria le roi tout rayonnant; une victoire complète! -- Oui, Sire, aussi complète que celle du pont de Cé. -- Quatre hommes, dont un blessé, et un enfant, dites-vous? -- Un jeune homme à peine; lequel s'est même si parfaitement conduit en cette occasion, que je prendrai la liberté de le recommander à Votre Majesté. -- Comment s'appelle-t-il? -- D'Artagnan, Sire. C'est le fils d'un de mes plus anciens amis; le fils d'un homme qui a fait avec le roi votre père, de glorieuse mémoire, la guerre de partisan. -- Et vous dites qu'il s'est bien conduit, ce jeune homme? Racontez-moi cela, Tréville; vous savez que j'aime les récits de guerre et de combat.» Et le roi Louis XIII releva fièrement sa moustache en se posant sur la hanche. «Sire, reprit Tréville, comme je vous l'ai dit M. d'Artagnan est presque un enfant, et comme il n'a pas l'honneur d'être mousquetaire, il était en habit bourgeois; les gardes de M. le cardinal, reconnaissant sa grande jeunesse et, de plus, qu'il était étranger au corps, l'invitèrent donc à se retirer avant qu'ils attaquassent. -- Alors, vous voyez bien, Tréville, interrompit le roi, que ce sont eux qui ont attaqué. -- C'est juste, Sire: ainsi, plus de doute; ils le sommèrent donc de se retirer; mais il répondit qu'il était mousquetaire de coeur et tout à Sa Majesté, qu'ainsi donc il resterait avec messieurs les mousquetaires. -- Brave jeune homme! murmura le roi. -- En effet, il demeura avec eux; et Votre Majesté a là un si ferme champion, que ce fut lui qui donna à Jussac ce terrible coup d'épée qui met si fort en colère M. le cardinal. -- C'est lui qui a blessé Jussac? s'écria le roi; lui, un enfant! Ceci, Tréville, c'est impossible. -- C'est comme j'ai l'honneur de le dire à Votre Majesté. -- Jussac, une des premières lames du royaume! -- Eh bien, Sire! il a trouvé son maître. -- Je veux voir ce jeune homme, Tréville, je veux le voir, et si l'on peut faire quelque chose, eh bien, nous nous en occuperons. -- Quand Votre Majesté daignera-t-elle le recevoir? -- Demain à midi, Tréville. -- L'amènerai-je seul? -- Non, amenez-les-moi tous les quatre ensemble. Je veux les remercier tous à la fois; les hommes dévoués sont rares, Tréville, et il faut récompenser le dévouement. -- À midi, Sire, nous serons au Louvre. -- Ah! par le petit escalier, Tréville, par le petit escalier. Il est inutile que le cardinal sache... -- Oui, Sire. -- Vous comprenez, Tréville, un édit est toujours un édit; il est défendu de se battre, au bout du compte. -- Mais cette rencontre, Sire, sort tout à fait des conditions ordinaires d'un duel: c'est une rixe, et la preuve, c'est qu'ils étaient cinq gardes du cardinal contre mes trois mousquetaires et M. d'Artagnan. -- C'est juste, dit le roi; mais n'importe, Tréville, venez toujours par le petit escalier.» Tréville sourit. Mais comme c'était déjà beaucoup pour lui d'avoir obtenu de cet enfant qu'il se révoltât contre son maître, il salua respectueusement le roi, et avec son agrément prit congé de lui. Dès le soir même, les trois mousquetaires furent prévenus de l'honneur qui leur était accordé. Comme ils connaissaient depuis longtemps le roi, ils n'en furent pas trop échauffés: mais d'Artagnan, avec son imagination gasconne, y vit sa fortune à venir, et passa la nuit à faire des rêves d'or. Aussi, dès huit heures du matin, était-il chez Athos. D'Artagnan trouva le mousquetaire tout habillé et prêt à sortir. Comme on n'avait rendez-vous chez le roi qu'à midi, il avait formé le projet, avec Porthos et Aramis, d'aller faire une partie de paume dans un tripot situé tout près des écuries du Luxembourg. Athos invita d'Artagnan à les suivre, et malgré son ignorance de ce jeu, auquel il n'avait jamais joué, celui-ci accepta, ne sachant que faire de son temps, depuis neuf heures du matin qu'il était à peine jusqu'à midi. Les deux mousquetaires étaient déjà arrivés et pelotaient ensemble. Athos, qui était très fort à tous les exercices du corps, passa avec d'Artagnan du côté opposé, et leur fit défi. Mais au premier mouvement qu'il essaya, quoiqu'il jouât de la main gauche, il comprit que sa blessure était encore trop récente pour lui permettre un pareil exercice. D'Artagnan resta donc seul, et comme il déclara qu'il était trop maladroit pour soutenir une partie en règle, on continua seulement à s'envoyer des balles sans compter le jeu. Mais une de ces balles, lancée par le poignet herculéen de Porthos, passa si près du visage de d'Artagnan, qu'il pensa que si, au lieu de passer à côté, elle eût donné dedans, son audience était probablement perdue, attendu qu'il lui eût été de toute impossibilité de se présenter chez le roi. Or, comme de cette audience, dans son imagination gasconne, dépendait tout son avenir, il salua poliment Porthos et Aramis, déclarant qu'il ne reprendrait la partie que lorsqu'il serait en état de leur tenir tête, et il s'en revint prendre place près de la corde et dans la galerie. Malheureusement pour d'Artagnan, parmi les spectateurs se trouvait un garde de Son Éminence, lequel, tout échauffé encore de la défaite de ses compagnons, arrivée la veille seulement, s'était promis de saisir la première occasion de la venger. Il crut donc que cette occasion était venue, et s'adressant à son voisin: «Il n'est pas étonnant, dit-il, que ce jeune homme ait eu peur d'une balle, c'est sans doute un apprenti mousquetaire.» D'Artagnan se retourna comme si un serpent l'eût mordu, et regarda fixement le garde qui venait de tenir cet insolent propos. «Pardieu! reprit celui-ci en frisant insolemment, sa moustache, regardez-moi tant que vous voudrez, mon petit monsieur, j'ai dit ce que j'ai dit. -- Et comme ce que vous avez dit est trop clair pour que vos paroles aient besoin d'explication, répondit d'Artagnan à voix basse, je vous prierai de me suivre. -- Et quand cela? demanda le garde avec le même air railleur. -- Tout de suite, s'il vous plaît. -- Et vous savez qui je suis, sans doute? --Moi, je l'ignore complètement, et je ne m'en inquiète guère. -- Et vous avez tort, car, si vous saviez mon nom, peut-être seriez-vous moins pressé. -- Comment vous appelez-vous? -- Bernajoux, pour vous servir. -- Eh bien, monsieur Bernajoux, dit tranquillement d'Artagnan, je vais vous attendre sur la porte. -- Allez, monsieur, je vous suis. -- Ne vous pressez pas trop, monsieur, qu'on ne s'aperçoive pas que nous sortons ensemble; vous comprenez que pour ce que nous allons faire, trop de monde nous gênerait. -- C'est bien», répondit le garde, étonné que son nom n'eût pas produit plus d'effet sur le jeune homme. En effet, le nom de Bernajoux était connu de tout le monde, de d'Artagnan seul excepté, peut-être; car c'était un de ceux qui figuraient le plus souvent dans les rixes journalières que tous les édits du roi et du cardinal n'avaient pu réprimer. Porthos et Aramis étaient si occupés de leur partie, et Athos les regardait avec tant d'attention, qu'ils ne virent pas même sortir leur jeune compagnon, lequel, ainsi qu'il l'avait dit au garde de Son Éminence, s'arrêta sur la porte; un instant après, celui-ci descendit à son tour. Comme d'Artagnan n'avait pas de temps à perdre, vu l'audience du roi qui était fixée à midi, il jeta les yeux autour de lui, et voyant que la rue était déserte: «Ma foi, dit-il à son adversaire, il est bien heureux pour vous, quoique vous vous appeliez Bernajoux, de n'avoir affaire qu'à un apprenti mousquetaire; cependant, soyez tranquille, je ferai de mon mieux. En garde! -- Mais, dit celui que d'Artagnan provoquait ainsi, il me semble que le lieu est assez mal choisi, et que nous serions mieux derrière l'abbaye de Saint-Germain ou dans le Pré-aux-Clercs. -- Ce que vous dites est plein de sens, répondit d'Artagnan; malheureusement j'ai peu de temps à moi, ayant un rendez-vous à midi juste. En garde donc, monsieur, en garde!» Bernajoux n'était pas homme à se faire répéter deux fois un pareil compliment. Au même instant son épée brilla à sa main, et il fondit sur son adversaire que, grâce à sa grande jeunesse, il espérait intimider. Mais d'Artagnan avait fait la veille son apprentissage, et tout frais émoulu de sa victoire, tout gonflé de sa future faveur, il était résolu à ne pas reculer d'un pas: aussi les deux fers se trouvèrent-ils engagés jusqu'à la garde, et comme d'Artagnan tenait ferme à sa place, ce fut son adversaire qui fit un pas de retraite. Mais d'Artagnan saisit le moment où, dans ce mouvement, le fer de Bernajoux déviait de la ligne, il dégagea, se fendit et toucha son adversaire à l'épaule. Aussitôt d'Artagnan, à son tour, fit un pas de retraite et releva son épée; mais Bernajoux lui cria que ce n'était rien, et se fendant aveuglément sur lui, il s'enferra de lui-même. Cependant, comme il ne tombait pas, comme il ne se déclarait pas vaincu, mais que seulement il rompait du côté de l'hôtel de M. de La Trémouille au service duquel il avait un parent, d'Artagnan, ignorant lui-même la gravité de la dernière blessure que son adversaire avait reçue, le pressait vivement, et sans doute allait l'achever d'un troisième coup, lorsque la rumeur qui s'élevait de la rue s'étant étendue jusqu'au jeu de paume, deux des amis du garde, qui l'avaient entendu échanger quelques paroles avec d'Artagnan et qui l'avaient vu sortir à la suite de ces paroles, se précipitèrent l'épée à la main hors du tripot et tombèrent sur le vainqueur. Mais aussitôt Athos, Porthos et Aramis parurent à leur tour et au moment où les deux gardes attaquaient leur jeune camarade, les forcèrent à se retourner. En ce moment Bernajoux tomba; et comme les gardes étaient seulement deux contre quatre, ils se mirent à crier: «À nous, l'hôtel de La Trémouille!» À ces cris, tout ce qui était dans l'hôtel sortit, se ruant sur les quatre compagnons, qui de leur côté se mirent à crier: «À nous, mousquetaires!» Ce cri était ordinairement entendu; car on savait les mousquetaires ennemis de Son Éminence, et on les aimait pour la haine qu'ils portaient au cardinal. Aussi les gardes des autres compagnies que celles appartenant au duc Rouge, comme l'avait appelé Aramis, prenaient-ils en général parti dans ces sortes de querelles pour les mousquetaires du roi. De trois gardes de la compagnie de M. des Essarts qui passaient, deux vinrent donc en aide aux quatre compagnons, tandis que l'autre courait à l'hôtel de M. de Tréville, criant: «À nous, mousquetaires, à nous!» Comme d'habitude, l'hôtel de M. de Tréville était plein de soldats de cette arme, qui accoururent au secours de leurs camarades; la mêlée devint générale, mais la force était aux mousquetaires: les gardes du cardinal et les gens de M. de La Trémouille se retirèrent dans l'hôtel, dont ils fermèrent les portes assez à temps pour empêcher que leurs ennemis n'y fissent irruption en même temps qu'eux. Quant au blessé, il y avait été tout d'abord transporté et, comme nous l'avons dit, en fort mauvais état. L'agitation était à son comble parmi les mousquetaires et leurs alliés, et l'on délibérait déjà si, pour punir l'insolence qu'avaient eue les domestiques de M. de La Trémouille de faire une sortie sur les mousquetaires du roi, on ne mettrait pas le feu à son hôtel. La proposition en avait été faite et accueillie avec enthousiasme, lorsque heureusement onze heures sonnèrent; d'Artagnan et ses compagnons se souvinrent de leur audience, et comme ils eussent regretté que l'on fît un si beau coup sans eux, ils parvinrent à calmer les têtes. On se contenta donc de jeter quelques pavés dans les portes, mais les portes résistèrent: alors on se lassa; d'ailleurs ceux qui devaient être regardés comme les chefs de l'entreprise avaient depuis un instant quitté le groupe et s'acheminaient vers l'hôtel de M. de Tréville, qui les attendait, déjà au courant de cette algarade. «Vite, au Louvre, dit-il, au Louvre sans perdre un instant, et tâchons de voir le roi avant qu'il soit prévenu par le cardinal; nous lui raconterons la chose comme une suite de l'affaire d'hier, et les deux passeront ensemble.» M. de Tréville, accompagné des quatre jeunes gens, s'achemina donc vers le Louvre; mais, au grand étonnement du capitaine des mousquetaires, on lui annonça que le roi était allé courre le cerf dans la forêt de Saint-Germain. M. de Tréville se fit répéter deux fois cette nouvelle, et à chaque fois ses compagnons virent son visage se rembrunir. «Est-ce que Sa Majesté, demanda-t-il, avait dès hier le projet de faire cette chasse? -- Non, Votre Excellence, répondit le valet de chambre, c'est le grand veneur qui est venu lui annoncer ce matin qu'on avait détourné cette nuit un cerf à son intention. Il a d'abord répondu qu'il n'irait pas, puis il n'a pas su résister au plaisir que lui promettait cette chasse, et après le dîner il est parti. -- Et le roi a-t-il vu le cardinal? demanda M. de Tréville. -- Selon toute probabilité, répondit le valet de chambre, car j'ai vu ce matin les chevaux au carrosse de Son Éminence, j'ai demandé où elle allait, et l'on m'a répondu: "À Saint-Germain." -- Nous sommes prévenus, dit M. de Tréville, messieurs, je verrai le roi ce soir; mais quant à vous, je ne vous conseille pas de vous y hasarder.» L'avis était trop raisonnable et surtout venait d'un homme qui connaissait trop bien le roi, pour que les quatre jeunes gens essayassent de le combattre. M. de Tréville les invita donc à rentrer chacun chez eux et à attendre de ses nouvelles. En entrant à son hôtel, M. de Tréville songea qu'il fallait prendre date en portant plainte le premier. Il envoya un de ses domestiques chez M. de La Trémouille avec une lettre dans laquelle il le priait de mettre hors de chez lui le garde de M. le cardinal, et de réprimander ses gens de l'audace qu'ils avaient eue de faire leur sortie contre les mousquetaires. Mais M. de La Trémouille, déjà prévenu par son écuyer dont, comme on le sait, Bernajoux était le parent, lui fit répondre que ce n'était ni à M. de Tréville, ni à ses mousquetaires de se plaindre, mais bien au contraire à lui dont les mousquetaires avaient chargé les gens et voulu brûler l'hôtel. Or, comme le débat entre ces deux seigneurs eût pu durer longtemps, chacun devant naturellement s'entêter dans son opinion, M. de Tréville avisa un expédient qui avait pour but de tout terminer: c'était d'aller trouver lui-même M. de La Trémouille. Il se rendit donc aussitôt à son hôtel et se fit annoncer. Les deux seigneurs se saluèrent poliment, car, s'il n'y avait pas amitié entre eux, il y avait du moins estime. Tous deux étaient gens de coeur et d'honneur; et comme M. de La Trémouille, protestant, et voyant rarement le roi, n'était d'aucun parti, il n'apportait en général dans ses relations sociales aucune prévention. Cette fois, néanmoins, son accueil quoique poli fut plus froid que d'habitude. «Monsieur, dit M. de Tréville, nous croyons avoir à nous plaindre chacun l'un de l'autre, et je suis venu moi-même pour que nous tirions de compagnie cette affaire au clair. -- Volontiers, répondit M. de La Trémouille; mais je vous préviens que je suis bien renseigné, et tout le tort est à vos mousquetaires. -- Vous êtes un homme trop juste et trop raisonnable, monsieur, dit M. de Tréville, pour ne pas accepter la proposition que je vais faire. -- Faites, monsieur, j'écoute. -- Comment se trouve M. Bernajoux, le parent de votre écuyer? -- Mais, monsieur, fort mal. Outre le coup d'épée qu'il a reçu dans le bras, et qui n'est pas autrement dangereux, il en a encore ramassé un autre qui lui a traversé le poumon, de sorte que le médecin en dit de pauvres choses. -- Mais le blessé a-t-il conservé sa connaissance? -- Parfaitement. -- Parle-t-il? -- Avec difficulté, mais il parle. -- Eh bien, monsieur! rendons-nous près de lui; adjurons-le, au nom du Dieu devant lequel il va être appelé peut-être, de dire la vérité. Je le prends pour juge dans sa propre cause, monsieur, et ce qu'il dira je le croirai.» M. de La Trémouille réfléchit un instant, puis, comme il était difficile de faire une proposition plus raisonnable, il accepta. Tous deux descendirent dans la chambre où était le blessé. Celui- ci, en voyant entrer ces deux nobles seigneurs qui venaient lui faire visite, essaya de se relever sur son lit, mais il était trop faible, et, épuisé par l'effort qu'il avait fait, il retomba presque sans connaissance. M. de La Trémouille s'approcha de lui et lui fit respirer des sels qui le rappelèrent à la vie. Alors M. de Tréville, ne voulant pas qu'on pût l'accuser d'avoir influencé le malade, invita M. de La Trémouille à l'interroger lui-même. Ce qu'avait prévu M. de Tréville arriva. Placé entre la vie et la mort comme l'était Bernajoux, il n'eut pas même l'idée de taire un instant la vérité, et il raconta aux deux seigneurs les choses exactement, telles qu'elles s'étaient passées. C'était tout ce que voulait M. de Tréville; il souhaita à Bernajoux une prompte convalescence, prit congé de M. de La Trémouille, rentra à son hôtel et fit aussitôt prévenir les quatre amis qu'il les attendait à dîner. M. de Tréville recevait fort bonne compagnie, toute anticardinaliste d'ailleurs. On comprend donc que la conversation roula pendant tout le dîner sur les deux échecs que venaient d'éprouver les gardes de Son Éminence. Or, comme d'Artagnan avait été le héros de ces deux journées, ce fut sur lui que tombèrent toutes les félicitations, qu'Athos, Porthos et Aramis lui abandonnèrent non seulement en bons camarades, mais en hommes qui avaient eu assez souvent leur tour pour qu'ils lui laissassent le sien. Vers six heures, M. de Tréville annonça qu'il était tenu d'aller au Louvre; mais comme l'heure de l'audience accordée par Sa Majesté était passée, au lieu de réclamer l'entrée par le petit escalier, il se plaça avec les quatre jeunes gens dans l'antichambre. Le roi n'était pas encore revenu de la chasse. Nos jeunes gens attendaient depuis une demi-heure à peine, mêlés à la foule des courtisans, lorsque toutes les portes s'ouvrirent et qu'on annonça Sa Majesté. À cette annonce, d'Artagnan se sentit frémir jusqu'à la moelle des os. L'instant qui allait suivre devait, selon toute probabilité, décider du reste de sa vie. Aussi ses yeux se fixèrent-ils avec angoisse sur la porte par laquelle devait entrer le roi. Louis XIII parut, marchant le premier; il était en costume de chasse, encore tout poudreux, ayant de grandes bottes et tenant un fouet à la main. Au premier coup d'oeil, d'Artagnan jugea que l'esprit du roi était à l'orage. Cette disposition, toute visible qu'elle était chez Sa Majesté, n'empêcha pas les courtisans de se ranger sur son passage: dans les antichambres royales, mieux vaut encore être vu d'un oeil irrité que de n'être pas vu du tout. Les trois mousquetaires n'hésitèrent donc pas, et firent un pas en avant, tandis que d'Artagnan au contraire restait caché derrière eux; mais quoique le roi connût personnellement Athos, Porthos et Aramis, il passa devant eux sans les regarder, sans leur parler et comme s'il ne les avait jamais vus. Quant à M. de Tréville, lorsque les yeux du roi s'arrêtèrent un instant sur lui, il soutint ce regard avec tant de fermeté, que ce fut le roi qui détourna la vue; après quoi, tout en grommelant, Sa Majesté rentra dans son appartement. «Les affaires vont mal, dit Athos en souriant, et nous ne serons pas encore fait chevaliers de l'ordre cette fois-ci. -- Attendez ici dix minutes, dit M. de Tréville; et si au bout de dix minutes vous ne me voyez pas sortir, retournez à mon hôtel: car il sera inutile que vous m'attendiez plus longtemps.» Les quatre jeunes gens attendirent dix minutes, un quart d'heure, vingt minutes; et voyant que M. de Tréville ne reparaissait point, ils sortirent fort inquiets de ce qui allait arriver. M. de Tréville était entré hardiment dans le cabinet du roi, et avait trouvé Sa Majesté de très méchante humeur, assise sur un fauteuil et battant ses bottes du manche de son fouet, ce qui ne l'avait pas empêché de lui demander avec le plus grand flegme des nouvelles de sa santé. «Mauvaise, monsieur, mauvaise, répondit le roi, je m'ennuie.» C'était en effet la pire maladie de Louis XIII, qui souvent prenait un de ses courtisans, l'attirait à une fenêtre et lui disait: «Monsieur un tel, ennuyons-nous ensemble.» «Comment! Votre Majesté s'ennuie! dit M. de Tréville. N'a-t-elle donc pas pris aujourd'hui le plaisir de la chasse? -- Beau plaisir, monsieur! Tout dégénère, sur mon âme, et je ne sais si c'est le gibier qui n'a plus de voie ou les chiens qui n'ont plus de nez. Nous lançons un cerf dix cors, nous le courons six heures, et quand il est prêt à tenir, quand Saint-Simon met déjà le cor à sa bouche pour sonner l'hallali, crac! toute la meute prend le change et s'emporte sur un daguet. Vous verrez que je serai obligé de renoncer à la chasse à courre comme j'ai renoncé à la chasse au vol. Ah! je suis un roi bien malheureux, monsieur de Tréville! je n'avais plus qu'un gerfaut, et il est mort avant-hier. -- En effet, Sire, je comprends votre désespoir, et le malheur est grand; mais il vous reste encore, ce me semble, bon nombre de faucons, d'éperviers et de tiercelets. -- Et pas un homme pour les instruire, les fauconniers s'en vont, il n'y a plus que moi qui connaisse l'art de la vénerie. Après moi tout sera dit, et l'on chassera avec des traquenards, des pièges, des trappes. Si j'avais le temps encore de former des élèves! mais oui, M. le cardinal est là qui ne me laisse pas un instant de repos, qui me parle de l'Espagne, qui me parle de l'Autriche, qui me parle de l'Angleterre! Ah! à propos de M. le cardinal, monsieur de Tréville, je suis mécontent de vous.» M. de Tréville attendait le roi à cette chute. Il connaissait le roi de longue main; il avait compris que toutes ses plaintes n'étaient qu'une préface, une espèce d'excitation pour s'encourager lui-même, et que c'était où il était arrivé enfin qu'il en voulait venir. «Et en quoi ai-je été assez malheureux pour déplaire à Votre Majesté? demanda M. de Tréville en feignant le plus profond étonnement. -- Est-ce ainsi que vous faites votre charge, monsieur? continua le roi sans répondre directement à la question de M. de Tréville; est-ce pour cela que je vous ai nommé capitaine de mes mousquetaires, que ceux-ci assassinent un homme, émeuvent tout un quartier et veulent brûler Paris sans que vous en disiez un mot? Mais, au reste, continua le roi, sans doute que je me hâte de vous accuser, sans doute que les perturbateurs sont en prison et que vous venez m'annoncer que justice est faite. -- Sire, répondit tranquillement M. de Tréville, je viens vous la demander au contraire. -- Et contre qui? s'écria le roi. -- Contre les calomniateurs, dit M. de Tréville. -- Ah! voilà qui est nouveau, reprit le roi. N'allez-vous pas dire que vos trois mousquetaires damnés, Athos, Porthos et Aramis et votre cadet de Béarn, ne se sont pas jetés comme des furieux sur le pauvre Bernajoux, et ne l'ont pas maltraité de telle façon qu'il est probable qu'il est en train de trépasser à cette heure! N'allez-vous pas dire qu'ensuite ils n'ont pas fait le siège de l'hôtel du duc de La Trémouille, et qu'ils n'ont point voulu le brûler! ce qui n'aurait peut-être pas été un très grand malheur en temps de guerre, vu que c'est un nid de huguenots, mais ce qui, en temps de paix, est un fâcheux exemple. Dites, n'allez-vous pas nier tout cela? -- Et qui vous a fait ce beau récit, Sire? demanda tranquillement M. de Tréville. -- Qui m'a fait ce beau récit, monsieur! et qui voulez-vous que ce soit, si ce n'est celui qui veille quand je dors, qui travaille quand je m'amuse, qui mène tout au-dedans et au-dehors du royaume, en France comme en Europe? -- Sa Majesté veut parler de Dieu, sans doute, dit M. de Tréville, car je ne connais que Dieu qui soit si fort au-dessus de Sa Majesté. -- Non monsieur; je veux parler du soutien de l'État, de mon seul serviteur, de mon seul ami, de M. le cardinal. -- Son Éminence n'est pas Sa Sainteté, Sire. -- Qu'entendez-vous par là, monsieur? -- Qu'il n'y a que le pape qui soit infaillible, et que cette infaillibilité ne s'étend pas aux cardinaux. -- Vous voulez dire qu'il me trompe, vous voulez dire qu'il me trahit. Vous l'accusez alors. Voyons, dites, avouez franchement que vous l'accusez. -- Non, Sire; mais je dis qu'il se trompe lui-même, je dis qu'il a été mal renseigné; je dis qu'il a eu hâte d'accuser les mousquetaires de Votre Majesté, pour lesquels il est injuste, et qu'il n'a pas été puiser ses renseignements aux bonnes sources. -- L'accusation vient de M. de La Trémouille, du duc lui-même. Que répondrez-vous à cela? -- Je pourrais répondre, Sire, qu'il est trop intéressé dans la question pour être un témoin bien impartial; mais loin de là, Sire, je connais le duc pour un loyal gentilhomme, et je m'en rapporterai à lui, mais à une condition, Sire. -- Laquelle? -- C'est que Votre Majesté le fera venir, l'interrogera, mais elle-même, en tête-à-tête, sans témoins, et que je reverrai Votre Majesté aussitôt qu'elle aura reçu le duc. -- Oui-da! fit le roi, et vous vous en rapporterez à ce que dira M. de La Trémouille? -- Oui, Sire. -- Vous accepterez son jugement? -- Sans doute. -- Et vous vous soumettrez aux réparations qu'il exigera? -- Parfaitement. -- La Chesnaye! fit le roi. La Chesnaye!» Le valet de chambre de confiance de Louis XIII, qui se tenait toujours à la porte, entra. «La Chesnaye, dit le roi, qu'on aille à l'instant même me quérir M. de La Trémouille; je veux lui parler ce soir. -- Votre Majesté me donne sa parole qu'elle ne verra personne entre M. de La Trémouille et moi? -- Personne, foi de gentilhomme. -- À demain, Sire, alors. -- À demain, monsieur. -- À quelle heure, s'il plaît à Votre Majesté? -- À l'heure que vous voudrez. -- Mais, en venant par trop matin, je crains de réveiller votre Majesté. -- Me réveiller? Est-ce que je dors? Je ne dors plus, monsieur; je rêve quelquefois, voilà tout. Venez donc d'aussi bon matin que vous voudrez, à sept heures; mais gare à vous, si vos mousquetaires sont coupables! -- Si mes mousquetaires sont coupables, Sire, les coupables seront remis aux mains de Votre Majesté, qui ordonnera d'eux selon son bon plaisir. Votre Majesté exige-t-elle quelque chose de plus? qu'elle parle, je suis prêt à lui obéir. -- Non, monsieur, non, et ce n'est pas sans raison qu'on m'a appelé Louis le Juste. À demain donc, monsieur, à demain. 192.168.0.1 -- Dieu garde jusque-là Votre Majesté!» Si peu que dormit le roi, M. de Tréville dormit plus mal encore; il avait fait prévenir dès le soir même ses trois mousquetaires et leur compagnon de se trouver chez lui à six heures et demie du matin. Il les emmena avec lui sans rien leur affirmer, sans leur rien promettre, et ne leur cachant pas que leur faveur et même la sienne tenaient à un coup de dés. Arrivé au bas du petit escalier, il les fit attendre. Si le roi était toujours irrité contre eux, ils s'éloigneraient sans être vus; si le roi consentait à les recevoir, on n'aurait qu'à les faire appeler. En arrivant dans l'antichambre particulière du roi, M. de Tréville trouva La Chesnaye, qui lui apprit qu'on n'avait pas rencontré le duc de La Trémouille la veille au soir à son hôtel, qu'il était rentré trop tard pour se présenter au Louvre, qu'il venait seulement d'arriver, et qu'il était à cette heure chez le roi. Cette circonstance plut beaucoup à M. de Tréville, qui, de cette façon, fut certain qu'aucune suggestion étrangère ne se glisserait entre la déposition de M. de La Trémouille et lui. En effet, dix minutes s'étaient à peine écoulées, que la porte du cabinet s'ouvrit et que M. de Tréville en vit sortir le duc de La Trémouille, lequel vint à lui et lui dit: «Monsieur de Tréville, Sa Majesté vient de m'envoyer quérir pour savoir comment les choses s'étaient passées hier matin à mon hôtel. Je lui ai dit la vérité, c'est-à-dire que la faute était à mes gens, et que j'étais prêt à vous en faire mes excuses. Puisque je vous rencontre, veuillez les recevoir, et me tenir toujours pour un de vos amis. -- Monsieur le duc, dit M. de Tréville, j'étais si plein de confiance dans votre loyauté, que je n'avais pas voulu près de Sa Majesté d'autre défenseur que vous-même. Je vois que je ne m'étais pas abusé, et je vous remercie de ce qu'il y a encore en France un homme de qui on puisse dire sans se tromper ce que j'ai dit de vous. -- C'est bien, c'est bien! dit le roi qui avait écouté tous ces compliments entre les deux portes; seulement, dites-lui, Tréville, puisqu'il se prétend un de vos amis, que moi aussi je voudrais être des siens, mais qu'il me néglige; qu'il y a tantôt trois ans que je ne l'ai vu, et que je ne le vois que quand je l'envoie chercher. Dites-lui tout cela de ma part, car ce sont de ces choses qu'un roi ne peut dire lui-même. -- Merci, Sire, merci, dit le duc; mais que Votre Majesté croie bien que ce ne sont pas ceux, je ne dis point cela pour M. de Tréville, que ce ne sont point ceux qu'elle voit à toute heure du jour qui lui sont le plus dévoués. -- Ah! vous avez entendu ce que j'ai dit; tant mieux, duc, tant mieux, dit le roi en s'avançant jusque sur la porte. Ah! c'est vous, Tréville! où sont vos mousquetaires? Je vous avais dit avant-hier de me les amener, pourquoi ne l'avez-vous pas fait? -- Ils sont en bas, Sire, et avec votre congé La Chesnaye va leur dire de monter. -- Oui, oui, qu'ils viennent tout de suite; il va être huit heures, et à neuf heures j'attends une visite. Allez, monsieur le duc, et revenez surtout. Entrez, Tréville.» Le duc salua et sortit. Au moment où il ouvrait la porte, les trois mousquetaires et d'Artagnan, conduits par La Chesnaye, apparaissaient au haut de l'escalier. «Venez, mes braves, dit le roi, venez; j'ai à vous gronder.» Les mousquetaires s'approchèrent en s'inclinant; d'Artagnan les suivait par-derrière. «Comment diable! continua le roi; à vous quatre, sept gardes de Son Éminence mis hors de combat en deux jours! C'est trop, messieurs, c'est trop. À ce compte-là, Son Éminence serait forcée de renouveler sa compagnie dans trois semaines, et moi de faire appliquer les édits dans toute leur rigueur. Un par hasard, je ne dis pas; mais sept en deux jours, je le répète, c'est trop, c'est beaucoup trop. -- Aussi, Sire, Votre Majesté voit qu'ils viennent tout contrits et tout repentants lui faire leurs excuses. -- Tout contrits et tout repentants! Hum! fit le roi, je ne me fie point à leurs faces hypocrites; il y a surtout là-bas une figure de Gascon. Venez ici, monsieur.» D'Artagnan, qui comprit que c'était à lui que le compliment s'adressait, s'approcha en prenant son air le plus désespéré. «Eh bien, que me disiez-vous donc que c'était un jeune homme? c'est un enfant, monsieur de Tréville, un véritable enfant! Et c'est celui-là qui a donné ce rude coup d'épée à Jussac? -- Et ces deux beaux coups d'épée à Bernajoux. -- Véritablement! -- Sans compter, dit Athos, que s'il ne m'avait pas tiré des mains de Biscarat, je n'aurais très certainement pas l'honneur de faire en ce moment-ci ma très humble révérence à Votre Majesté. -- Mais c'est donc un véritable démon que ce Béarnais, ventre- saint-gris! monsieur de Tréville comme eût dit le roi mon père. À ce métier-là, on doit trouer force pourpoints et briser force épées. Or les Gascons sont toujours pauvres, n'est-ce pas? -- Sire, je dois dire qu'on n'a pas encore trouvé des mines d'or dans leurs montagnes, quoique le Seigneur dût bien ce miracle en récompense de la manière dont ils ont soutenu les prétentions du roi votre père. -- Ce qui veut dire que ce sont les Gascons qui m'ont fait roi moi-même, n'est-ce pas, Tréville, puisque je suis le fils de mon père? Eh bien, à la bonne heure, je ne dis pas non. La Chesnaye, allez voir si, en fouillant dans toutes mes poches, vous trouverez quarante pistoles; et si vous les trouvez, apportez-les-moi. Et maintenant, voyons, jeune homme, la main sur la conscience, comment cela s'est-il passé?» D'Artagnan raconta l'aventure de la veille dans tous ses détails: comment, n'ayant pas pu dormir de la joie qu'il éprouvait à voir Sa Majesté, il était arrivé chez ses amis trois heures avant l'heure de l'audience; comment ils étaient allés ensemble au tripot, et comment, sur la crainte qu'il avait manifestée de recevoir une balle au visage, il avait été raillé par Bernajoux, lequel avait failli payer cette raillerie de la perte de la vie, et M. de La Trémouille, qui n'y était pour rien, de la perte de son hôtel. «C'est bien cela, murmurait le roi; oui, c'est ainsi que le duc m'a raconté la chose. Pauvre cardinal! sept hommes en deux jours, et de ses plus chers; mais c'est assez comme cela, messieurs, entendez-vous! c'est assez: vous avez pris votre revanche de la rue Férou, et au-delà; vous devez être satisfaits. -- Si Votre Majesté l'est, dit Tréville, nous le sommes. -- Oui, je le suis, ajouta le roi en prenant une poignée d'or de la main de La Chesnaye, et la mettant dans celle de d'Artagnan. Voici, dit-il, une preuve de ma satisfaction.» À cette époque, les idées de fierté qui sont de mise de nos jours n'étaient point encore de mode. Un gentilhomme recevait de la main à la main de l'argent du roi, et n'en était pas le moins du monde humilié. D'Artagnan mit donc les quarante pistoles dans sa poche sans faire aucune façon, et en remerciant tout au contraire grandement Sa Majesté. «Là, dit le roi en regardant sa pendule, là, et maintenant qu'il est huit heures et demie, retirez-vous; car, je vous l'ai dit, j'attends quelqu'un à neuf heures. Merci de votre dévouement, messieurs. J'y puis compter, n'est-ce pas? -- Oh! Sire, s'écrièrent d'une même voix les quatre compagnons, nous nous ferions couper en morceaux pour Votre Majesté. -- Bien, bien; mais restez entiers: cela vaut mieux, et vous me serez plus utiles. Tréville, ajouta le roi à demi-voix pendant que les autres se retiraient, comme vous n'avez pas de place dans les mousquetaires et que d'ailleurs pour entrer dans ce corps nous avons décidé qu'il fallait faire un noviciat, placez ce jeune homme dans la compagnie des gardes de M. des Essarts, votre beau- frère. Ah! pardieu! Tréville, je me réjouis de la grimace que va faire le cardinal: il sera furieux, mais cela m'est égal; je suis dans mon droit.» Et le roi salua de la main Tréville, qui sortit et s'en vint rejoindre ses mousquetaires, qu'il trouva partageant avec d'Artagnan les quarante pistoles. Et le cardinal, comme l'avait dit Sa Majesté, fut effectivement furieux, si furieux que pendant huit jours il abandonna le jeu du roi, ce qui n'empêchait pas le roi de lui faire la plus charmante mine du monde, et toutes les fois qu'il le rencontrait de lui demander de sa voix la plus caressante: «Eh bien, monsieur le cardinal, comment vont ce pauvre Bernajoux et ce pauvre Jussac, qui sont à vous?» CHAPITRE VII L'INTÉRIEUR DES MOUSQUETAIRES Lorsque d'Artagnan fut hors du Louvre, et qu'il consulta ses amis sur l'emploi qu'il devait faire de sa part des quarante pistoles, Athos lui conseilla de commander un bon repas à la Pomme de Pin, Porthos de prendre un laquais, et Aramis de se faire une maîtresse convenable. Le repas fut exécuté le jour même, et le laquais y servit à table. Le repas avait été commandé par Athos, et le laquais fourni par Porthos. C'était un Picard que le glorieux mousquetaire avait embauché le jour même et à cette occasion sur le pont de la Tournelle, pendant qu'il faisait des ronds en crachant dans l'eau. Porthos avait prétendu que cette occupation était la preuve d'une organisation réfléchie et contemplative, et il l'avait emmené sans autre recommandation. La grande mine de ce gentilhomme, pour le compte duquel il se crut engagé, avait séduit Planchet -- c'était le nom du Picard --; il y eut chez lui un léger désappointement lorsqu'il vit que la place était déjà prise par un confrère nommé Mousqueton, et lorsque Porthos lui eut signifié que son état de maison, quoi que grand, ne comportait pas deux domestiques, et qu'il lui fallait entrer au service de d'Artagnan. Cependant, lorsqu'il assista au dîner que donnait son maître et qu'il vit celui-ci tirer en payant une poignée d'or de sa poche, il crut sa fortune faite et remercia le Ciel d'être tombé en la possession d'un pareil Crésus; il persévéra dans cette opinion jusqu'après le festin, des reliefs duquel il répara de longues abstinences. Mais en faisant, le soir, le lit de son maître, les chimères de Planchet s'évanouirent. Le lit était le seul de l'appartement, qui se composait d'une antichambre et d'une chambre à coucher. Planchet coucha dans l'antichambre sur une couverture tirée du lit de d'Artagnan, et dont d'Artagnan se passa depuis. Athos, de son côté, avait un valet qu'il avait dressé à son service d'une façon toute particulière, et que l'on appelait Grimaud. Il était fort silencieux, ce digne seigneur. Nous parlons d'Athos, bien entendu. Depuis cinq ou six ans qu'il vivait dans la plus profonde intimité avec ses compagnons Porthos et Aramis, ceux-ci se rappelaient l'avoir vu sourire souvent, mais jamais ils ne l'avaient entendu rire. Ses paroles étaient brèves et expressives, disant toujours ce qu'elles voulaient dire, rien de plus: pas d'enjolivements, pas de broderies, pas d'arabesques. Sa conversation était un fait sans aucun épisode. Quoique Athos eût à peine trente ans et fût d'une grande beauté de corps et d'esprit, personne ne lui connaissait de maîtresse. Jamais il ne parlait de femmes. Seulement il n'empêchait pas qu'on en parlât devant lui, quoiqu'il fût facile de voir que ce genre de conversation, auquel il ne se mêlait que par des mots amers et des aperçus misanthropiques, lui était parfaitement désagréable. Sa réserve, sa sauvagerie et son mutisme en faisaient presque un vieillard; il avait donc, pour ne point déroger à ses habitudes, habitué Grimaud à lui obéir sur un simple geste ou sur un simple mouvement des lèvres. Il ne lui parlait que dans des circonstances suprêmes. Quelquefois Grimaud, qui craignait son maître comme le feu, tout en ayant pour sa personne un grand attachement et pour son génie une grande vénération, croyait avoir parfaitement compris ce qu'il désirait, s'élançait pour exécuter l'ordre reçu, et faisait précisément le contraire. Alors Athos haussait les épaules et, sans se mettre en colère, rossait Grimaud. Ces jours-là, il parlait un peu. Porthos, comme on a pu le voir, avait un caractère tout opposé à celui d'Athos: non seulement il parlait beaucoup, mais il parlait haut; peu lui importait au reste, il faut lui rendre cette justice, qu'on l'écoutât ou non; il parlait pour le plaisir de parler et pour le plaisir de s'entendre; il parlait de toutes choses excepté de sciences, excipant à cet endroit de la haine invétérée que depuis son enfance il portait, disait-il, aux savants. Il avait moins grand air qu'Athos, et le sentiment de son infériorité à ce sujet l'avait, dans le commencement de leur liaison, rendu souvent injuste pour ce gentilhomme, qu'il s'était alors efforcé de dépasser par ses splendides toilettes. Mais, avec sa simple casaque de mousquetaire et rien que par la façon dont il rejetait la tête en arrière et avançait le pied, Athos prenait à l'instant même la place qui lui était due et reléguait le fastueux Porthos au second rang. Porthos s'en consolait en remplissant l'antichambre de M. de Tréville et les corps de garde du Louvre du bruit de ses bonnes fortunes, dont Athos ne parlait jamais, et pour le moment, après avoir passé de la noblesse de robe à la noblesse d'épée, de la robine à la baronne, il n'était question de rien de moins pour Porthos que d'une princesse étrangère qui lui voulait un bien énorme. Un vieux proverbe dit: «Tel maître, tel valet.» Passons donc du valet d'Athos au valet de Porthos, de Grimaud à Mousqueton. Mousqueton était un Normand dont son maître avait changé le nom pacifique de Boniface en celui infiniment plus sonore et plus belliqueux de Mousqueton. Il était entré au service de Porthos à la condition qu'il serait habillé et logé seulement, mais d'une façon magnifique; il ne réclamait que deux heures par jour pour les consacrer à une industrie qui devait suffire à pourvoir à ses autres besoins. Porthos avait accepté le marché; la chose lui allait à merveille. Il faisait tailler à Mousqueton des pourpoints dans ses vieux habits et dans ses manteaux de rechange, et, grâce à un tailleur fort intelligent qui lui remettait ses hardes à neuf en les retournant, et dont la femme était soupçonnée de vouloir faire descendre Porthos de ses habitudes aristocratiques, Mousqueton faisait à la suite de son maître fort bonne figure. Quant à Aramis, dont nous croyons avoir suffisamment exposé le caractère, caractère du reste que, comme celui de ses compagnons, nous pourrons suivre dans son développement, son laquais s'appelait Bazin. Grâce à l'espérance qu'avait son maître d'entrer un jour dans les ordres, il était toujours vêtu de noir, comme doit l'être le serviteur d'un homme d'Église. C'était un Berrichon de trente-cinq à quarante ans, doux, paisible, grassouillet, occupant à lire de pieux ouvrages les loisirs que lui laissait son maître, faisant à la rigueur pour deux un dîner de peu de plats, mais excellent. Au reste, muet, aveugle, sourd et d'une fidélité à toute épreuve. Maintenant que nous connaissons, superficiellement du moins, les maîtres et les valets, passons aux demeures occupées par chacun d'eux. Athos habitait rue Férou, à deux pas du Luxembourg; son appartement se composait de deux petites chambres, fort proprement meublées, dans une maison garnie dont l'hôtesse encore jeune et véritablement encore belle lui faisait inutilement les doux yeux. Quelques fragments d'une grande splendeur passée éclataient çà et là aux murailles de ce modeste logement: c'était une épée, par exemple, richement damasquinée, qui remontait pour la façon à l'époque de François Ier, et dont la poignée seule, incrustée de pierres précieuses, pouvait valoir deux cents pistoles, et que cependant, dans ses moments de plus grande détresse, Athos n'avait jamais consenti à engager ni à vendre. Cette épée avait longtemps fait l'ambition de Porthos. Porthos aurait donné dix années de sa vie pour posséder cette épée. Un jour qu'il avait rendez-vous avec une duchesse, il essaya même de l'emprunter à Athos. Athos, sans rien dire, vida ses poches, ramassa tous ses bijoux: bourses, aiguillettes et chaînes d'or, il offrit tout à Porthos; mais quant à l'épée, lui dit-il, elle était scellée à sa place et ne devait la quitter que lorsque son maître quitterait lui-même son logement. Outre son épée, il y avait encore un portrait représentant un seigneur du temps de Henri III vêtu avec la plus grande élégance, et qui portait l'ordre du Saint-Esprit, et ce portrait avait avec Athos certaines ressemblances de lignes, certaines similitudes de famille, qui indiquaient que ce grand seigneur, chevalier des ordres du roi, était son ancêtre. Enfin, un coffre de magnifique orfèvrerie, aux mêmes armes que l'épée et le portrait, faisait un milieu de cheminée qui jurait effroyablement avec le reste de la garniture. Athos portait toujours la clef de ce coffre sur lui. Mais un jour il l'avait ouvert devant Porthos, et Porthos avait pu s'assurer que ce coffre ne contenait que des lettres et des papiers: des lettres d'amour et des papiers de famille, sans doute. Porthos habitait un appartement très vaste et d'une très somptueuse apparence, rue du Vieux-Colombier. Chaque fois qu'il passait avec quelque ami devant ses fenêtres, à l'une desquelles Mousqueton se tenait toujours en grande livrée, Porthos levait la tête et la main, et disait: Voilà ma demeure! Mais jamais on ne le trouvait chez lui, jamais il n'invitait personne à y monter, et nul ne pouvait se faire une idée de ce que cette somptueuse apparence renfermait de richesses réelles. Quant à Aramis, il habitait un petit logement composé d'un boudoir, d'une salle à manger et d'une chambre à coucher, laquelle chambre, située comme le reste de l'appartement au rez-de- chaussée, donnait sur un petit jardin frais, vert, ombreux et impénétrable aux yeux du voisinage. Quant à d'Artagnan, nous savons comment il était logé, et nous avons déjà fait connaissance avec son laquais, maître Planchet. D'Artagnan, qui était fort curieux de sa nature, comme sont les gens, du reste, qui ont le génie de l'intrigue, fit tous ses efforts pour savoir ce qu'étaient au juste Athos, Porthos et Aramis; car, sous ces noms de guerre, chacun des jeunes gens cachait son nom de gentilhomme, Athos surtout, qui sentait son grand seigneur d'une lieue. Il s'adressa donc à Porthos pour avoir des renseignements sur Athos et Aramis, et à Aramis pour connaître Porthos. Malheureusement, Porthos lui-même ne savait de la vie de son silencieux camarade que ce qui en avait transpiré. On disait qu'il avait eu de grands malheurs dans ses affaires amoureuses, et qu'une affreuse trahison avait empoisonné à jamais la vie de ce galant homme. Quelle était cette trahison? Tout le monde l'ignorait. Quant à Porthos, excepté son véritable nom, que M. de Tréville savait seul, ainsi que celui de ses deux camarades, sa vie était facile à connaître. Vaniteux et indiscret, on voyait à travers lui comme à travers un cristal. La seule chose qui eût pu égarer l'investigateur eût été que l'on eût cru tout le bien qu'il disait de lui. Quant à Aramis, tout en ayant l'air de n'avoir aucun secret, c'était un garçon tout confit de mystères, répondant peu aux questions qu'on lui faisait sur les autres, et éludant celles que l'on faisait sur lui-même. Un jour, d'Artagnan, après l'avoir longtemps interrogé sur Porthos et en avoir appris ce bruit qui courait de la bonne fortune du mousquetaire avec une princesse, voulut savoir aussi à quoi s'en tenir sur les aventures amoureuses de son interlocuteur. «Et vous, mon cher compagnon, lui dit-il, vous qui parlez des baronnes, des comtesses et des princesses des autres? -- Pardon, interrompit Aramis, j'ai parlé parce que Porthos en parle lui-même, parce qu'il a crié toutes ces belles choses devant moi. Mais croyez bien, mon cher monsieur d'Artagnan, que si je les tenais d'une autre source ou qu'il me les eût confiées, il n'y aurait pas eu de confesseur plus discret que moi. -- Je n'en doute pas, reprit d'Artagnan; mais enfin, il me semble que vous-même vous êtes assez familier avec les armoiries, témoin certain mouchoir brodé auquel je dois l'honneur de votre connaissance.» Aramis, cette fois, ne se fâcha point, mais il prit son air le plus modeste et répondit affectueusement: «Mon cher, n'oubliez pas que je veux être Église, et que je fuis toutes les occasions mondaines. Ce mouchoir que vous avez vu ne m'avait point été confié, mais il avait été oublié chez moi par un de mes amis. J'ai dû le recueillir pour ne pas les compromettre, lui et la dame qu'il aime. Quant à moi, je n'ai point et ne veux point avoir de maîtresse, suivant en cela l'exemple très judicieux d'Athos, qui n'en a pas plus que moi. -- Mais, que diable! vous n'êtes pas abbé, puisque vous êtes mousquetaire. -- Mousquetaire par intérim, mon cher, comme dit le cardinal, mousquetaire contre mon gré, mais homme Église dans le coeur, croyez-moi. Athos et Porthos m'ont fourré là-dedans pour m'occuper: j'ai eu, au moment d'être ordonné, une petite difficulté avec... Mais cela ne vous intéresse guère, et je vous prends un temps précieux. -- Point du tout, cela m'intéresse fort, s'écria d'Artagnan, et je n'ai pour le moment absolument rien à faire. -- Oui, mais moi j'ai mon bréviaire à dire, répondit Aramis, puis quelques vers à composer que m'a demandés Mme d'Aiguillon; ensuite je dois passer rue Saint-Honoré afin d'acheter du rouge pour Mme de Chevreuse. Vous voyez, mon cher ami, que si rien ne vous presse, je suis très pressé, moi.» Et Aramis tendit affectueusement la main à son compagnon, et prit congé de lui. D'Artagnan ne put, quelque peine qu'il se donnât, en savoir davantage sur ses trois nouveaux amis. Il prit donc son parti de croire dans le présent tout ce qu'on disait de leur passé, espérant des révélations plus sûres et plus étendues de l'avenir. En attendant, il considéra Athos comme un Achille, Porthos comme un Ajax, et Aramis comme un Joseph. Au reste, la vie des quatre jeunes gens était joyeuse: Athos jouait, et toujours malheureusement. Cependant il n'empruntait jamais un sou à ses amis, quoique sa bourse fût sans cesse à leur service, et lorsqu'il avait joué sur parole, il faisait toujours réveiller son créancier à six heures du matin pour lui payer sa dette de la veille. Porthos avait des fougues: ces jours-là, s'il gagnait, on le voyait insolent et splendide; s'il perdait, il disparaissait complètement pendant quelques jours, après lesquels il reparaissait le visage blême et la mine allongée, mais avec de l'argent dans ses poches. Quant à Aramis, il ne jouait jamais. C'était bien le plus mauvais mousquetaire et le plus méchant convive qui se pût voir... Il avait toujours besoin de travailler. Quelquefois au milieu d'un dîner, quand chacun, dans l'entraînement du vin et dans la chaleur de la conversation, croyait que l'on en avait encore pour deux ou trois heures à rester à table, Aramis regardait sa montre, se levait avec un gracieux sourire et prenait congé de la société, pour aller, disait-il, consulter un casuiste avec lequel il avait rendez-vous. D'autres fois, il retournait à son logis pour écrire une thèse, et priait ses amis de ne pas le distraire. Cependant Athos souriait de ce charmant sourire mélancolique, si bien séant à sa noble figure, et Porthos buvait en jurant qu'Aramis ne serait jamais qu'un curé de village. Planchet, le valet de d'Artagnan, supporta noblement la bonne fortune; il recevait trente sous par jour, et pendant un mois il revenait au logis gai comme pinson et affable envers son maître. Quand le vent de l'adversité commença à souffler sur le ménage de la rue des Fossoyeurs, c'est-à-dire quand les quarante pistoles du roi Louis XIII furent mangées ou à peu près, il commença des plaintes qu'Athos trouva nauséabondes, Porthos indécentes, et Aramis ridicules. Athos conseilla donc à d'Artagnan de congédier le drôle, Porthos voulait qu'on le bâtonnât auparavant, et Aramis prétendit qu'un maître ne devait entendre que les compliments qu'on fait de lui. «Cela vous est bien aisé à dire, reprit d'Artagnan: à vous, Athos, qui vivez muet avec Grimaud, qui lui défendez de parler, et qui, par conséquent, n'avez jamais de mauvaises paroles avec lui; à vous, Porthos, qui menez un train magnifique et qui êtes un dieu pour votre valet Mousqueton; à vous enfin, Aramis, qui, toujours distrait par vos études théologiques, inspirez un profond respect à votre serviteur Bazin, homme doux et religieux; mais moi qui suis sans consistance et sans ressources, moi qui ne suis pas mousquetaire ni même garde, moi, que ferai-je pour inspirer de l'affection, de la terreur ou du respect à Planchet? -- La chose est grave, répondirent les trois amis, c'est une affaire d'intérieur; il en est des valets comme des femmes, il faut les mettre tout de suite sur le pied où l'on désire qu'ils restent. Réfléchissez donc.» D'Artagnan réfléchit et se résolut à rouer Planchet par provision, ce qui fut exécuté avec la conscience que d'Artagnan mettait en toutes choses; puis, après l'avoir bien rossé, il lui défendit de quitter son service sans sa permission. «Car, ajouta-t-il, l'avenir ne peut me faire faute; j'attends inévitablement des temps meilleurs. Ta fortune est donc faite si tu restes près de moi, et je suis trop bon maître pour te faire manquer ta fortune en t'accordant le congé que tu me demandes.» Cette manière d'agir donna beaucoup de respect aux mousquetaires pour la politique de d'Artagnan. Planchet fut également saisi d'admiration et ne parla plus de s'en aller. La vie des quatre jeunes gens était devenue commune; d'Artagnan, qui n'avait aucune habitude, puisqu'il arrivait de sa province et tombait au milieu d'un monde tout nouveau pour lui, prit aussitôt les habitudes de ses amis. On se levait vers huit heures en hiver, vers six heures en été, et l'on allait prendre le mot d'ordre et l'air des affaires chez M. de Tréville. D'Artagnan, bien qu'il ne fût pas mousquetaire, en faisait le service avec une ponctualité touchante: il était toujours de garde, parce qu'il tenait toujours compagnie à celui de ses trois amis qui montait la sienne. On le connaissait à l'hôtel des mousquetaires, et chacun le tenait pour un bon camarade; M. de Tréville, qui l'avait apprécié du premier coup d'oeil, et qui lui portait une véritable affection, ne cessait de le recommander au roi. De leur côté, les trois mousquetaires aimaient fort leur jeune camarade. L'amitié qui unissait ces quatre hommes, et le besoin de se voir trois ou quatre fois par jour, soit pour duel, soit pour affaires, soit pour plaisir, les faisaient sans cesse courir l'un après l'autre comme des ombres; et l'on rencontrait toujours les inséparables se cherchant du Luxembourg à la place Saint-Sulpice, ou de la rue du Vieux-Colombier au Luxembourg. En attendant, les promesses de M. de Tréville allaient leur train. Un beau jour, le roi commanda à M. le chevalier des Essarts de prendre d'Artagnan comme cadet dans sa compagnie des gardes. D'Artagnan endossa en soupirant cet habit, qu'il eût voulu, au prix de dix années de son existence, troquer contre la casaque de mousquetaire. Mais M. de Tréville promit cette faveur après un noviciat de deux ans, noviciat qui pouvait être abrégé au reste, si l'occasion se présentait pour d'Artagnan de rendre quelque service au roi ou de faire quelque action d'éclat. D'Artagnan se retira sur cette promesse et, dès le lendemain, commença son service. Alors ce fut le tour d'Athos, de Porthos et d'Aramis de monter la garde avec d'Artagnan quand il était de garde. La compagnie de M. le chevalier des Essarts prit ainsi quatre hommes au lieu d'un, le jour où elle prit d'Artagnan. CHAPITRE VIII UNE INTRIGUE DE COEUR Cependant les quarante pistoles du roi Louis XIII, ainsi que toutes les choses de ce monde, après avoir eu un commencement avaient eu une fin, et depuis cette fin nos quatre compagnons étaient tombés dans la gêne. D'abord Athos avait soutenu pendant quelque temps l'association de ses propres deniers. Porthos lui avait succédé, et, grâce à une de ces disparitions auxquelles on était habitué, il avait pendant près de quinze jours encore subvenu aux besoins de tout le monde; enfin était arrivé le tour d'Aramis, qui s'était exécuté de bonne grâce, et qui était parvenu, disait-il, en vendant ses livres de théologie, à se procurer quelques pistoles. On eut alors, comme d'habitude, recours à M. de Tréville, qui fit quelques avances sur la solde; mais ces avances ne pouvaient conduire bien loin trois mousquetaires qui avaient déjà force comptes arriérés, et un garde qui n'en avait pas encore. Enfin, quand on vit qu'on allait manquer tout à fait, on rassembla par un dernier effort huit ou dix pistoles que Porthos joua. Malheureusement, il était dans une mauvaise veine: il perdit tout, plus vingt-cinq pistoles sur parole. Alors la gêne devint de la détresse, on vit les affamés suivis de leurs laquais courir les quais et les corps de garde, ramassant chez leurs amis du dehors tous les dîners qu'ils purent trouver; car, suivant l'avis d'Aramis, on devait dans la prospérité semer des repas à droite et à gauche pour en récolter quelques-uns dans la disgrâce. Athos fut invité quatre fois et mena chaque fois ses amis avec leurs laquais. Porthos eut six occasions et en fit également jouir ses camarades; Aramis en eut huit. C'était un homme, comme on a déjà pu s'en apercevoir, qui faisait peu de bruit et beaucoup de besogne. Quant à d'Artagnan, qui ne connaissait encore personne dans la capitale, il ne trouva qu'un déjeuner de chocolat chez un prêtre de son pays, et un dîner chez un cornette des gardes. Il mena son armée chez le prêtre, auquel on dévora sa provision de deux mois, et chez le cornette, qui fit des merveilles; mais, comme le disait Planchet, on ne mange toujours qu'une fois, même quand on mange beaucoup. D'Artagnan se trouva donc assez humilié de n'avoir eu qu'un repas et demi, car le déjeuner chez le prêtre ne pouvait compter que pour un demi-repas, à offrir à ses compagnons en échange des festins que s'étaient procurés Athos, Porthos et Aramis. Il se croyait à charge à la société, oubliant dans sa bonne foi toute juvénile qu'il avait nourri cette société pendant un mois, et son esprit préoccupé se mit à travailler activement. Il réfléchit que cette coalition de quatre hommes jeunes, braves, entreprenants et actifs devait avoir un autre but que des promenades déhanchées, des leçons d'escrime et des lazzi plus ou moins spirituels. En effet, quatre hommes comme eux, quatre hommes dévoués les uns aux autres depuis la bourse jusqu'à la vie, quatre hommes se soutenant toujours, ne reculant jamais, exécutant isolément ou ensemble les résolutions prises en commun; quatre bras menaçant les quatre points cardinaux ou se tournant vers un seul point, devaient inévitablement, soit souterrainement, soit au jour, soit par la mine, soit par la tranchée, soit par la ruse, soit par la force, s'ouvrir un chemin vers le but qu'ils voulaient atteindre, si bien défendu ou si éloigné qu'il fût. La seule chose qui étonnât d'Artagnan, c'est que ses compagnons n'eussent point songé à cela. Il y songeait, lui, et sérieusement même, se creusant la cervelle pour trouver une direction à cette force unique quatre fois multipliée avec laquelle il ne doutait pas que, comme avec le levier que cherchait Archimède, on ne parvînt à soulever le monde, -- lorsque l'on frappa doucement à la porte. D'Artagnan réveilla Planchet et lui ordonna d'aller ouvrir. Que de cette phrase: d'Artagnan réveilla Planchet, le lecteur n'aille pas augurer qu'il faisait nuit ou que le jour n'était point encore venu. Non! quatre heures venaient de sonner. Planchet, deux heures auparavant, était venu demander à dîner à son maître, lequel lui avait répondu par le proverbe: «Qui dort dîne.» Et Planchet dînait en dormant. Un homme fut introduit, de mine assez simple et qui avait l'air d'un bourgeois. Planchet, pour son dessert, eût bien voulu entendre la conversation; mais le bourgeois déclara à d'Artagnan que ce qu'il avait à lui dire étant important et confidentiel, il désirait demeurer en tête-à-tête avec lui. D'Artagnan congédia Planchet et fit asseoir son visiteur. Il y eut un moment de silence pendant lequel les deux hommes se regardèrent comme pour faire une connaissance préalable, après quoi d'Artagnan s'inclina en signe qu'il écoutait. «J'ai entendu parler de M. d'Artagnan comme d'un jeune homme fort brave, dit le bourgeois, et cette réputation dont il jouit à juste titre m'a décidé à lui confier un secret. -- Parlez, monsieur, parlez», dit d'Artagnan, qui d'instinct flaira quelque chose d'avantageux. Le bourgeois fit une nouvelle pause et continua: «J'ai ma femme qui est lingère chez la reine, monsieur, et qui ne manque ni de sagesse, ni de beauté. On me l'a fait épouser voilà bientôt trois ans, quoiqu'elle n'eût qu'un petit avoir, parce que M. de La Porte, le portemanteau de la reine, est son parrain et la protège... -- Eh bien, monsieur? demanda d'Artagnan. -- Eh bien, reprit le bourgeois, eh bien, monsieur, ma femme a été enlevée hier matin, comme elle sortait de sa chambre de travail. -- Et par qui votre femme a-t-elle été enlevée? -- Je n'en sais rien sûrement, monsieur, mais je soupçonne quelqu'un. -- Et quelle est cette personne que vous soupçonnez? -- Un homme qui la poursuivait depuis longtemps. -- Diable! -- Mais voulez-vous que je vous dise, monsieur, continua le bourgeois, je suis convaincu, moi, qu'il y a moins d'amour que de politique dans tout cela. -- Moins d'amour que de politique, reprit d'Artagnan d'un air fort réfléchi, et que soupçonnez-vous? -- Je ne sais pas si je devrais vous dire ce que je soupçonne... -- Monsieur, je vous ferai observer que je ne vous demande absolument rien, moi. C'est vous qui êtes venu. C'est vous qui m'avez dit que vous aviez un secret à me confier. Faites donc à votre guise, il est encore temps de vous retirer. -- Non, monsieur, non; vous m'avez l'air d'un honnête jeune homme, et j'aurai confiance en vous. Je crois donc que ce n'est pas à cause de ses amours que ma femme a été arrêtée, mais à cause de celles d'une plus grande dame qu'elle. -- Ah! ah! serait-ce à cause des amours de Mme de Bois-Tracy? fit d'Artagnan, qui voulut avoir l'air, vis-à-vis de son bourgeois, d'être au courant des affaires de la cour. -- Plus haut, monsieur, plus haut. -- De Mme d'Aiguillon? -- Plus haut encore. -- De Mme de Chevreuse? -- Plus haut, beaucoup plus haut! -- De la... d'Artagnan s'arrêta. -- Oui, monsieur, répondit si bas, qu'à peine si on put l'entendre, le bourgeois épouvanté. -- Et avec qui? -- Avec qui cela peut-il être, si ce n'est avec le duc de... -- Le duc de... -- Oui, monsieur! répondit le bourgeois, en donnant à sa voix une intonation plus sourde encore. -- Mais comment savez-vous tout cela, vous? -- Ah! comment je le sais? -- Oui, comment le savez-vous? Pas de demi-confidence, ou... vous comprenez. -- Je le sais par ma femme, monsieur, par ma femme elle-même. -- Qui le sait, elle, par qui? -- Par M. de La Porte. Ne vous ai-je pas dit qu'elle était la filleule de M. de La Porte, l'homme de confiance de la reine? Eh bien, M. de La Porte l'avait mise près de Sa Majesté pour que notre pauvre reine au moins eût quelqu'un à qui se fier, abandonnée comme elle l'est par le roi, espionnée comme elle l'est par le cardinal, trahie comme elle l'est par tous. -- Ah! ah! voilà qui se dessine, dit d'Artagnan. -- Or ma femme est venue il y a quatre jours, monsieur; une de ses conditions était qu'elle devait me venir voir deux fois la semaine; car, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, ma femme m'aime beaucoup; ma femme est donc venue, et m'a confié que la reine, en ce moment-ci, avait de grandes craintes. -- Vraiment? -- Oui, M. le cardinal, à ce qu'il paraît, la poursuit et la persécute plus que jamais. Il ne peut pas lui pardonner l'histoire de la sarabande. Vous savez l'histoire de la sarabande? -- Pardieu, si je la sais! répondit d'Artagnan, qui ne savait rien du tout, mais qui voulait avoir l'air d'être au courant. -- De sorte que, maintenant, ce n'est plus de la haine, c'est de la vengeance. -- Vraiment? -- Et la reine croit... -- Eh bien, que croit la reine? -- Elle croit qu'on a écrit à M. le duc de Buckingham en son nom. -- Au nom de la reine? -- Oui, pour le faire venir à Paris, et une fois venu à Paris, pour l'attirer dans quelque piège. -- Diable! mais votre femme, mon cher monsieur, qu'a-t-elle à faire dans tout cela? -- On connaît son dévouement pour la reine, et l'on veut ou l'éloigner de sa maîtresse, ou l'intimider pour avoir les secrets de Sa Majesté, ou la séduire pour se servir d'elle comme d'un espion. -- C'est probable, dit d'Artagnan; mais l'homme qui l'a enlevée, le connaissez-vous? -- Je vous ai dit que je croyais le connaître. -- Son nom? -- Je ne le sais pas; ce que je sais seulement, c'est que c'est une créature du cardinal, son âme damnée. -- Mais vous l'avez vu? -- Oui, ma femme me l'a montré un jour. -- A-t-il un signalement auquel on puisse le reconnaître? -- Oh! certainement, c'est un seigneur de haute mine, poil noir, teint basané, oeil perçant, dents blanches et une cicatrice à la tempe. -- Une cicatrice à la tempe! s'écria d'Artagnan, et avec cela dents blanches, oeil perçant, teint basané, poil noir, et haute mine; c'est mon homme de Meung! -- C'est votre homme, dites-vous? -- Oui, oui; mais cela ne fait rien à la chose. Non, je me trompe, cela la simplifie beaucoup, au contraire: si votre homme est le mien, je ferai d'un coup deux vengeances, voilà tout; mais où rejoindre cet homme? -- Je n'en sais rien. -- Vous n'avez aucun renseignement sur sa demeure? -- Aucun; un jour que je reconduisais ma femme au Louvre, il en sortait comme elle allait y entrer, et elle me l'a fait voir. -- Diable! diable! murmura d'Artagnan, tout ceci est bien vague; par qui avez-vous su l'enlèvement de votre femme? -- Par M. de La Porte. -- Vous a-t-il donné quelque détail? -- Il n'en avait aucun. -- Et vous n'avez rien appris d'un autre côté? -- Si fait, j'ai reçu... -- Quoi? -- Mais je ne sais pas si je ne commets pas une grande imprudence? -- Vous revenez encore là-dessus; cependant je vous ferai observer que, cette fois, il est un peu tard pour reculer. -- Aussi je ne recule pas, mordieu! s'écria le bourgeois en jurant pour se monter la tête. D'ailleurs, foi de Bonacieux... -- Vous vous appelez Bonacieux? interrompit d'Artagnan. -- Oui, c'est mon nom. -- Vous disiez donc: foi de Bonacieux! pardon si je vous ai interrompu; mais il me semblait que ce nom ne m'était pas inconnu. -- C'est possible, monsieur. Je suis votre propriétaire. -- Ah! ah! fit d'Artagnan en se soulevant à demi et en saluant, vous êtes mon propriétaire? -- Oui, monsieur, oui. Et comme depuis trois mois que vous êtes chez moi, et que distrait sans doute par vos grandes occupations vous avez oublié de me payer mon loyer; comme, dis-je, je ne vous ai pas tourmenté un seul instant, j'ai pensé que vous auriez égard à ma délicatesse. -- Comment donc! mon cher monsieur Bonacieux, reprit d'Artagnan, croyez que je suis plein de reconnaissance pour un pareil procédé, et que, comme je vous l'ai dit, si je puis vous être bon à quelque chose... -- Je vous crois, monsieur, je vous crois, et comme j'allais vous le dire, foi de Bonacieux, j'ai confiance en vous. -- Achevez donc ce que vous avez commencé à me dire.» Le bourgeois tira un papier de sa poche, et le présenta à d'Artagnan. «Une lettre! fit le jeune homme. -- Que j'ai reçue ce matin.» D'Artagnan l'ouvrit, et comme le jour commençait à baisser, il s'approcha de la fenêtre. Le bourgeois le suivit. «Ne cherchez pas votre femme, lut d'Artagnan, elle vous sera rendue quand on n'aura plus besoin d'elle. Si vous faites une seule démarche pour la retrouver, vous êtes perdu.» «Voilà qui est positif, continua d'Artagnan; mais après tout, ce n'est qu'une menace. -- Oui, mais cette menace m'épouvante; moi, monsieur, je ne suis pas homme d'épée du tout, et j'ai peur de la Bastille. -- Hum! fit d'Artagnan; mais c'est que je ne me soucie pas plus de la Bastille que vous, moi. S'il ne s'agissait que d'un coup d'épée, passe encore. -- Cependant, monsieur, j'avais bien compté sur vous dans cette occasion. -- Oui? -- Vous voyant sans cesse entouré de mousquetaires à l'air fort superbe, et reconnaissant que ces mousquetaires étaient ceux de M. de Tréville, et par conséquent des ennemis du cardinal, j'avais pensé que vous et vos amis, tout en rendant justice à notre pauvre reine, seriez enchantés de jouer un mauvais tour à Son Éminence. -- Sans doute. -- Et puis j'avais pensé que, me devant trois mois de loyer dont je ne vous ai jamais parlé... -- Oui, oui, vous m'avez déjà donné cette raison, et je la trouve excellente. -- Comptant de plus, tant que vous me ferez l'honneur de rester chez moi, ne jamais vous parler de votre loyer à venir... -- Très bien. -- Et ajoutez à cela, si besoin est, comptant vous offrir une cinquantaine de pistoles si, contre toute probabilité, vous vous trouviez gêné en ce moment. -- À merveille; mais vous êtes donc riche, mon cher monsieur Bonacieux? -- Je suis à mon aise, monsieur, c'est le mot; j'ai amassé quelque chose comme deux ou trois mille écus de rente dans le commerce de la mercerie, et surtout en plaçant quelques fonds sur le dernier voyage du célèbre navigateur Jean Mocquet; de sorte que, vous comprenez, monsieur... Ah! mais... s'écria le bourgeois. -- Quoi? demanda d'Artagnan. -- Que vois-je là? -- Où? -- Dans la rue, en face de vos fenêtres, dans l'embrasure de cette porte: un homme enveloppé dans un manteau. -- C'est lui! s'écrièrent à la fois d'Artagnan et le bourgeois, chacun d'eux en même temps ayant reconnu son homme. -- Ah! cette fois-ci, s'écria d'Artagnan en sautant sur son épée, cette fois-ci, il ne m'échappera pas.» Et tirant son épée du fourreau, il se précipita hors de l'appartement. Sur l'escalier, il rencontra Athos et Porthos qui le venaient voir. Ils s'écartèrent, d'Artagnan passa entre eux comme un trait. «Ah çà, où cours-tu ainsi? lui crièrent à la fois les deux mousquetaires. -- L'homme de Meung!» répondit d'Artagnan, et il disparut. D'Artagnan avait plus d'une fois raconté à ses amis son aventure avec l'inconnu, ainsi que l'apparition de la belle voyageuse à laquelle cet homme avait paru confier une si importante missive. L'avis d'Athos avait été que d'Artagnan avait perdu sa lettre dans la bagarre. Un gentilhomme, selon lui -- et, au portrait que d'Artagnan avait fait de l'inconnu, ce ne pouvait être qu'un gentilhomme --, un gentilhomme devait être incapable de cette bassesse, de voler une lettre. Porthos n'avait vu dans tout cela qu'un rendez-vous amoureux donné par une dame à un cavalier ou par un cavalier à une dame, et qu'était venu troubler la présence de d'Artagnan et de son cheval jaune. Aramis avait dit que ces sortes de choses étant mystérieuses, mieux valait ne les point approfondir. Ils comprirent donc, sur les quelques mots échappés à d'Artagnan, de quelle affaire il était question, et comme ils pensèrent qu'après avoir rejoint son homme ou l'avoir perdu de vue, d'Artagnan finirait toujours par remonter chez lui, ils continuèrent leur chemin. Lorsqu'ils entrèrent dans la chambre de d'Artagnan, la chambre était vide: le propriétaire, craignant les suites de la rencontre qui allait sans doute avoir lieu entre le jeune homme et l'inconnu, avait, par suite de l'exposition qu'il avait faite lui- même de son caractère, jugé qu'il était prudent de décamper. CHAPITRE IX D'ARTAGNAN SE DESSINE Comme l'avaient prévu Athos et Porthos, au bout d'une demi-heure d'Artagnan rentra. Cette fois encore il avait manqué son homme, qui avait disparu comme par enchantement. D'Artagnan avait couru, l'épée à la main, toutes les rues environnantes, mais il n'avait rien trouvé qui ressemblât à celui qu'il cherchait, puis enfin il en était revenu à la chose par laquelle il aurait dû commencer peut-être, et qui était de frapper à la porte contre laquelle l'inconnu était appuyé; mais c'était inutilement qu'il avait dix ou douze fois de suite fait résonner le marteau, personne n'avait répondu, et des voisins qui, attirés par le bruit, étaient accourus sur le seuil de leur porte ou avaient mis le nez à leurs fenêtres, lui avaient assuré que cette maison, dont au reste toutes les ouvertures étaient closes, était depuis six mois complètement inhabitée. Pendant que d'Artagnan courait les rues et frappait aux portes, Aramis avait rejoint ses deux compagnons, de sorte qu'en revenant chez lui, d'Artagnan trouva la réunion au grand complet. «Eh bien? dirent ensemble les trois mousquetaires en voyant entrer d'Artagnan, la sueur sur le front et la figure bouleversée par la colère. -- Eh bien, s'écria celui-ci en jetant son épée sur le lit, il faut que cet homme soit le diable en personne; il a disparu comme un fantôme, comme une ombre, comme un spectre. -- Croyez-vous aux apparitions? demanda Athos à Porthos. -- Moi, je ne crois que ce que j'ai vu, et comme je n'ai jamais vu d'apparitions, je n'y crois pas. -- La Bible, dit Aramis, nous fait une loi d'y croire: l'ombre de Samuel apparut à Saül, et c'est un article de foi que je serais fâché de voir mettre en doute, Porthos. -- Dans tous les cas, homme ou diable, corps ou ombre, illusion ou réalité, cet homme est né pour ma damnation, car sa fuite nous fait manquer une affaire superbe, messieurs, une affaire dans laquelle il y avait cent pistoles et peut-être plus à gagner. -- Comment cela?» dirent à la fois Porthos et Aramis. Quant à Athos, fidèle à son système de mutisme, il se contenta d'interroger d'Artagnan du regard. «Planchet, dit d'Artagnan à son domestique, qui passait en ce moment la tête par la porte entrebâillée pour tâcher de surprendre quelques bribes de la conversation, descendez chez mon propriétaire, M. Bonacieux, et dites-lui de nous envoyer une demi- douzaine de bouteilles de vin de Beaugency: c'est celui que je préfère. -- Ah çà, mais vous avez donc crédit ouvert chez votre propriétaire? demanda Porthos. -- Oui, répondit d'Artagnan, à compter d'aujourd'hui, et soyez tranquilles, si son vin est mauvais, nous lui en enverrons quérir d'autre. -- Il faut user et non abuser, dit sentencieusement Aramis. -- J'ai toujours dit que d'Artagnan était la forte tête de nous quatre, fit Athos, qui, après avoir émis cette opinion à laquelle d'Artagnan répondit par un salut, retomba aussitôt dans son silence accoutumé. -- Mais enfin, voyons, qu'y a-t-il? demanda Porthos. -- Oui, dit Aramis, confiez-nous cela, mon cher ami, à moins que l'honneur de quelque dame ne se trouve intéressé à cette confidence, à ce quel cas vous feriez mieux de la garder pour vous. -- Soyez tranquilles, répondit d'Artagnan, l'honneur de personne n'aura à se plaindre de ce que j'ai à vous dire.» Et alors il raconta mot à mot à ses amis ce qui venait de se passer entre lui et son hôte, et comment l'homme qui avait enlevé la femme du digne propriétaire était le même avec lequel il avait eu maille à partir à l'hôtellerie du Franc Meunier. «Votre affaire n'est pas mauvaise, dit Athos après avoir goûté le vin en connaisseur et indiqué d'un signe de tête qu'il le trouvait bon, et l'on pourra tirer de ce brave homme cinquante à soixante pistoles. Maintenant, reste à savoir si cinquante à soixante pistoles valent la peine de risquer quatre têtes. -- Mais faites attention, s'écria d'Artagnan qu'il y a une femme dans cette affaire, une femme enlevée, une femme qu'on menace sans doute, qu'on torture peut-être, et tout cela parce qu'elle est fidèle à sa maîtresse! -- Prenez garde, d'Artagnan, prenez garde, dit Aramis, vous vous échauffez un peu trop, à mon avis, sur le sort de Mme Bonacieux. La femme a été créée pour notre perte, et c'est d'elle que nous viennent toutes nos misères.» Athos, à cette sentence d'Aramis, fronça le sourcil et se mordit les lèvres. «Ce n'est point de Mme Bonacieux que je m'inquiète, s'écria d'Artagnan, mais de la reine, que le roi abandonne, que le cardinal persécute, et qui voit tomber, les unes après les autres, les têtes de tous ses amis. -- Pourquoi aime-t-elle ce que nous détestons le plus au monde, les Espagnols et les Anglais? -- L'Espagne est sa patrie, répondit d'Artagnan, et il est tout simple qu'elle aime les Espagnols, qui sont enfants de la même terre qu'elle. Quant au second reproche que vous lui faites, j'ai entendu dire qu'elle aimait non pas les Anglais, mais un Anglais. -- Eh! ma foi, dit Athos, il faut avouer que cet Anglais était bien digne d'être aimé. Je n'ai jamais vu un plus grand air que le sien. -- Sans compter qu'il s'habille comme personne, dit Porthos. J'étais au Louvre le jour où il a semé ses perles, et pardieu! j'en ai ramassé deux que j'ai bien vendues dix pistoles pièce. Et toi, Aramis, le connais-tu? -- Aussi bien que vous, messieurs, car j'étais de ceux qui l'ont arrêté dans le jardin d'Amiens, où m'avait introduit M. de Putange, l'écuyer de la reine. J'étais au séminaire à cette époque, et l'aventure me parut cruelle pour le roi. -- Ce qui ne m'empêcherait pas, dit d'Artagnan, si je savais où est le duc de Buckingham, de le prendre par la main et de le conduire près de la reine, ne fût-ce que pour faire enrager M. le cardinal; car notre véritable, notre seul, notre éternel ennemi, messieurs, c'est le cardinal, et si nous pouvions trouver moyen de lui jouer quelque tour bien cruel, j'avoue que j'y engagerais volontiers ma tête. -- Et, reprit Athos, le mercier vous a dit, d'Artagnan, que la reine pensait qu'on avait fait venir Buckingham sur un faux avis? -- Elle en a peur. -- Attendez donc, dit Aramis. -- Quoi? demanda Porthos. -- Allez toujours, je cherche à me rappeler des circonstances. -- Et maintenant je suis convaincu, dit d'Artagnan, que l'enlèvement de cette femme de la reine se rattache aux événements dont nous parlons, et peut-être à la présence de M. de Buckingham à Paris. -- Le Gascon est plein d'idées, dit Porthos avec admiration. -- J'aime beaucoup l'entendre parler, dit Athos, son patois m'amuse. -- Messieurs, reprit Aramis, écoutez ceci. -- Écoutons Aramis, dirent les trois amis. -- Hier je me trouvais chez un savant docteur en théologie que je consulte quelquefois pour mes études...» Athos sourit. «Il habite un quartier désert, continua Aramis: ses goûts, sa profession l'exigent. Or, au moment où je sortais de chez lui...» Ici Aramis s'arrêta. «Eh bien? demandèrent ses auditeurs, au moment où vous sortiez de chez lui?» Aramis parut faire un effort sur lui-même, comme un homme qui, en plein courant de mensonge, se voit arrêter par quelque obstacle imprévu; mais les yeux de ses trois compagnons étaient fixés sur lui, leurs oreilles attendaient béantes, il n'y avait pas moyen de reculer. «Ce docteur a une nièce, continua Aramis. -- Ah! il a une nièce! interrompit Porthos. -- Dame fort respectable», dit Aramis. Les trois amis se mirent à rire. «Ah! si vous riez ou si vous doutez, reprit Aramis, vous ne saurez rien. -- Nous sommes croyants comme des mahométistes et muets comme des catafalques, dit Athos. -- Je continue donc, reprit Aramis. Cette nièce vient quelquefois voir son oncle; or elle s'y trouvait hier en même temps que moi, par hasard, et je dus m'offrir pour la conduire à son carrosse. -- Ah! elle a un carrosse, la nièce du docteur? interrompit Porthos, dont un des défauts était une grande incontinence de langue; belle connaissance, mon ami. -- Porthos, reprit Aramis, je vous ai déjà fait observer plus d'une fois que vous êtes fort indiscret, et que cela vous nuit près des femmes. -- Messieurs, messieurs, s'écria d'Artagnan, qui entrevoyait le fond de l'aventure, la chose est sérieuse; tâchons donc de ne pas plaisanter si nous pouvons. Allez, Aramis, allez. -- Tout à coup, un homme grand, brun, aux manières de gentilhomme..., tenez, dans le genre du vôtre, d'Artagnan. -- Le même peut-être, dit celui-ci. -- C'est possible, continua Aramis,... s'approcha de moi, accompagné de cinq ou six hommes qui le suivaient à dix pas en arrière, et du ton le plus poli: "Monsieur le duc, me dit-il, et vous, madame", continua-t-il en s'adressant à la dame que j'avais sous le bras... -- À la nièce du docteur? -- Silence donc, Porthos! dit Athos, vous êtes insupportable. -- Veuillez monter dans ce carrosse, et cela sans essayer la moindre résistance, sans faire le moindre bruit.» -- Il vous avait pris pour Buckingham! s'écria d'Artagnan. -- Je le crois, répondit Aramis. -- Mais cette dame? demanda Porthos. -- Il l'avait prise pour la reine! dit d'Artagnan. -- Justement, répondit Aramis. -- Le Gascon est le diable! s'écria Athos, rien ne lui échappe. -- Le fait est, dit Porthos, qu'Aramis est de la taille et a quelque chose de la tournure du beau duc; mais cependant, il me semble que l'habit de mousquetaire... -- J'avais un manteau énorme, dit Aramis. -- Au mois de juillet, diable! fit Porthos, est-ce que le docteur craint que tu ne sois reconnu? -- Je comprends encore, dit Athos, que l'espion se soit laissé prendre par la tournure; mais le visage... -- J'avais un grand chapeau, dit Aramis. -- Oh! mon Dieu, s'écria Porthos, que de précautions pour étudier la théologie! -- Messieurs, messieurs, dit d'Artagnan, ne perdons pas notre temps à badiner; éparpillons-nous et cherchons la femme du mercier, c'est la clef de l'intrigue. -- Une femme de condition si inférieure! vous croyez, d'Artagnan? fit Porthos en allongeant les lèvres avec mépris. -- C'est la filleule de La Porte, le valet de confiance de la reine. Ne vous l'ai-je pas dit, messieurs? Et d'ailleurs, c'est peut-être un calcul de Sa Majesté d'avoir été, cette fois, chercher ses appuis si bas. Les hautes têtes se voient de loin, et le cardinal a bonne vue. -- Eh bien, dit Porthos, faites d'abord prix avec le mercier, et bon prix. -- C'est inutile, dit d'Artagnan, car je crois que s'il ne nous paie pas, nous serons assez payés d'un autre côté.» En ce moment, un bruit précipité de pas retentit dans l'escalier, la porte s'ouvrit avec fracas, et le malheureux mercier s'élança dans la chambre où se tenait le conseil. «Ah! messieurs, s'écria-t-il, sauvez-moi, au nom du Ciel, sauvez- moi! Il y a quatre hommes qui viennent pour m'arrêter; sauvez-moi, sauvez-moi!» Porthos et Aramis se levèrent. «Un moment, s'écria d'Artagnan en leur faisant signe de repousser au fourreau leurs épées à demi tirées; un moment, ce n'est pas du courage qu'il faut ici, c'est de la prudence. -- Cependant, s'écria Porthos, nous ne laisserons pas... -- Vous laisserez faire d'Artagnan, dit Athos, c'est, je le répète, la forte tête de nous tous, et moi, pour mon compte, je déclare que je lui obéis. Fais ce que tu voudras, d'Artagnan.» En ce moment, les quatre gardes apparurent à la porte de l'antichambre, et voyant quatre mousquetaires debout et l'épée au côté, hésitèrent à aller plus loin. «Entrez, messieurs, entrez, cria d'Artagnan; vous êtes ici chez moi, et nous sommes tous de fidèles serviteurs du roi et de M. le cardinal. -- Alors, messieurs, vous ne vous opposerez pas à ce que nous exécutions les ordres que nous avons reçus? demanda celui qui paraissait le chef de l'escouade. -- Au contraire, messieurs, et nous vous prêterions main-forte, si besoin était. -- Mais que dit-il donc? marmotta Porthos. -- Tu es un niais, dit Athos, silence! -- Mais vous m'avez promis..., dit tout bas le pauvre mercier. -- Nous ne pouvons vous sauver qu'en restant libres, répondit rapidement et tout bas d'Artagnan, et si nous faisons mine de vous défendre, on nous arrête avec vous. -- Il me semble, cependant... -- Venez, messieurs, venez, dit tout haut d'Artagnan; je n'ai aucun motif de défendre monsieur. Je l'ai vu aujourd'hui pour la première fois, et encore à quelle occasion, il vous le dira lui- même, pour me venir réclamer le prix de mon loyer. Est-ce vrai, monsieur Bonacieux? Répondez! -- C'est la vérité pure, s'écria le mercier, mais monsieur ne vous dit pas... -- Silence sur moi, silence sur mes amis, silence sur la reine surtout, ou vous perdriez tout le monde sans vous sauver. Allez, allez, messieurs, emmenez cet homme!» Et d'Artagnan poussa le mercier tout étourdi aux mains des gardes, en lui disant: «Vous êtes un maraud, mon cher; vous venez me demander de l'argent, à moi! à un mousquetaire! En prison, messieurs, encore une fois, emmenez-le en prison et gardez-le sous clef le plus longtemps possible, cela me donnera du temps pour payer.» Les sbires se confondirent en remerciements et emmenèrent leur proie. Au moment où ils descendaient, d'Artagnan frappa sur l'épaule du chef: «Ne boirai-je pas à votre santé et vous à la mienne? dit-il, en remplissant deux verres du vin de Beaugency qu'il tenait de la libéralité de M. Bonacieux. -- Ce sera bien de l'honneur pour moi, dit le chef des sbires, et j'accepte avec reconnaissance. -- Donc, à la vôtre, monsieur... comment vous nommez-vous? -- Boisrenard. -- Monsieur Boisrenard! -- À la vôtre, mon gentilhomme: comment vous nommez-vous, à votre tour, s'il vous plaît? -- D'Artagnan. -- À la vôtre, monsieur d'Artagnan! -- Et par-dessus toutes celles-là, s'écria d'Artagnan comme emporté par son enthousiasme, à celle du roi et du cardinal.» Le chef des sbires eût peut-être douté de la sincérité de d'Artagnan, si le vin eût été mauvais; mais le vin était bon, il fut convaincu. «Mais quelle diable de vilenie avez-vous donc faite là? dit Porthos lorsque l'alguazil en chef eut rejoint ses compagnons, et que les quatre amis se retrouvèrent seuls. Fi donc! quatre mousquetaires laisser arrêter au milieu d'eux un malheureux qui crie à l'aide! Un gentilhomme trinquer avec un recors! -- Porthos, dit Aramis, Athos t'a déjà prévenu que tu étais un niais, et je me range de son avis. D'Artagnan, tu es un grand homme, et quand tu seras à la place de M. de Tréville, je te demande ta protection pour me faire avoir une abbaye. -- Ah çà, je m'y perds, dit Porthos, vous approuvez ce que d'Artagnan vient de faire? -- Je le crois parbleu bien, dit Athos; non seulement j'approuve ce qu'il vient de faire, mais encore je l'en félicite. -- Et maintenant, messieurs, dit d'Artagnan sans se donner la peine d'expliquer sa conduite à Porthos, tous pour un, un pour tous, c'est notre devise, n'est-ce pas? -- Cependant... dit Porthos. -- Étends la main et jure!» s'écrièrent à la fois Athos et Aramis. Vaincu par l'exemple, maugréant tout bas, Porthos étendit la main, et les quatre amis répétèrent d'une seule voix la formule dictée par d'Artagnan: «Tous pour un, un pour tous.» «C'est bien, que chacun se retire maintenant chez soi, dit d'Artagnan comme s'il n'avait fait autre chose que de commander toute sa vie, et attention, car à partir de ce moment, nous voilà aux prises avec le cardinal.» CHAPITRE X UNE SOURICIÈRE AU XVIIe SIÈCLE L'invention de la souricière ne date pas de nos jours; dès que les sociétés, en se formant, eurent inventé une police quelconque, cette police, à son tour, inventa les souricières. Comme peut-être nos lecteurs ne sont pas familiarisés encore avec l'argot de la rue de Jérusalem, et que c'est, depuis que nous écrivons -- et il y a quelque quinze ans de cela --, la première fois que nous employons ce mot appliqué à cette chose, expliquons- leur ce que c'est qu'une souricière. Quand, dans une maison quelle qu'elle soit, on a arrêté un individu soupçonné d'un crime quelconque, on tient secrète l'arrestation; on place quatre ou cinq hommes en embuscade dans la première pièce, on ouvre la porte à tous ceux qui frappent, on la referme sur eux et on les arrête; de cette façon, au bout de deux ou trois jours, on tient à peu près tous les familiers de l'établissement. Voilà ce que c'est qu'une souricière. On fit donc une souricière de l'appartement de maître Bonacieux, et quiconque y apparut fut pris et interrogé par les gens de M. le cardinal. Il va sans dire que, comme une allée particulière conduisait au premier étage qu'habitait d'Artagnan, ceux qui venaient chez lui étaient exemptés de toutes visites. D'ailleurs les trois mousquetaires y venaient seuls; ils s'étaient mis en quête chacun de son côté, et n'avaient rien trouvé, rien découvert. Athos avait été même jusqu'à questionner M. de Tréville, chose qui, vu le mutisme habituel du digne mousquetaire, avait fort étonné son capitaine. Mais M. de Tréville ne savait rien, sinon que, la dernière fois qu'il avait vu le cardinal, le roi et la reine, le cardinal avait l'air fort soucieux, que le roi était inquiet, et que les yeux rouges de la reine indiquaient qu'elle avait veillé ou pleuré. Mais cette dernière circonstance l'avait peu frappé, la reine, depuis son mariage, veillant et pleurant beaucoup. M. de Tréville recommanda en tout cas à Athos le service du roi et surtout celui de la reine, le priant de faire la même recommandation à ses camarades. Quant à d'Artagnan, il ne bougeait pas de chez lui. Il avait converti sa chambre en observatoire. Des fenêtres il voyait arriver ceux qui venaient se faire prendre; puis, comme il avait ôté les carreaux du plancher, qu'il avait creusé le parquet et qu'un simple plafond le séparait de la chambre au-dessous, où se faisaient les interrogatoires, il entendait tout ce qui se passait entre les inquisiteurs et les accusés. Les interrogatoires, précédés d'une perquisition minutieuse opérée sur la personne arrêtée, étaient presque toujours ainsi conçus: «Mme Bonacieux vous a-t-elle remis quelque chose pour son mari ou pour quelque autre personne? -- M. Bonacieux vous a-t-il remis quelque chose pour sa femme ou pour quelque autre personne? -- L'un et l'autre vous ont-ils fait quelque confidence de vive voix?» «S'ils savaient quelque chose, ils ne questionneraient pas ainsi, se dit à lui-même d'Artagnan. Maintenant, que cherchent-ils à savoir? Si le duc de Buckingham ne se trouve point à Paris et s'il n'a pas eu ou s'il ne doit point avoir quelque entrevue avec la reine.» D'Artagnan s'arrêta à cette idée, qui, d'après tout ce qu'il avait entendu, ne manquait pas de probabilité. En attendant, la souricière était en permanence, et la vigilance de d'Artagnan aussi. Le soir du lendemain de l'arrestation du pauvre Bonacieux, comme Athos venait de quitter d'Artagnan pour se rendre chez M. de Tréville, comme neuf heures venaient de sonner, et comme Planchet, qui n'avait pas encore fait le lit, commençait sa besogne, on entendit frapper à la porte de la rue; aussitôt cette porte s'ouvrit et se referma: quelqu'un venait de se prendre à la souricière. D'Artagnan s'élança vers l'endroit décarrelé, se coucha ventre à terre et écouta. Des cris retentirent bientôt, puis des gémissements qu'on cherchait à étouffer. D'interrogatoire, il n'en était pas question. «Diable! se dit d'Artagnan, il me semble que c'est une femme: on la fouille, elle résiste, -- on la violente, -- les misérables!» Et d'Artagnan, malgré sa prudence, se tenait à quatre pour ne pas se mêler à la scène qui se passait au-dessous de lui. «Mais je vous dis que je suis la maîtresse de la maison, messieurs; je vous dis que je suis Mme Bonacieux, je vous dis que j'appartiens à la reine!» s'écriait la malheureuse femme. «Mme Bonacieux! murmura d'Artagnan; serais-je assez heureux pour avoir trouvé ce que tout le monde cherche?» «C'est justement vous que nous attendions», reprirent les interrogateurs. La voix devint de plus en plus étouffée: un mouvement tumultueux fit retentir les boiseries. La victime résistait autant qu'une femme peut résister à quatre hommes. «Pardon, messieurs, par...», murmura la voix, qui ne fit plus entendre que des sons inarticulés. «Ils la bâillonnent, ils vont l'entraîner, s'écria d'Artagnan en se redressant comme par un ressort. Mon épée; bon, elle est à mon côté. Planchet! -- Monsieur? -- Cours chercher Athos, Porthos et Aramis. L'un des trois sera sûrement chez lui, peut-être tous les trois seront-ils rentrés. Qu'ils prennent des armes, qu'ils viennent, qu'ils accourent. Ah! je me souviens, Athos est chez M. de Tréville. -- Mais où allez-vous, monsieur, où allez-vous? -- Je descends par la fenêtre, s'écria d'Artagnan, afin d'être plus tôt arrivé; toi, remets les carreaux, balaie le plancher, sors par la porte et cours où je te dis. -- Oh! monsieur, monsieur, vous allez vous tuer, s'écria Planchet. -- Tais-toi, imbécile», dit d'Artagnan. Et s'accrochant de la main au rebord de sa fenêtre, il se laissa tomber du premier étage, qui heureusement n'était pas élevé, sans se faire une écorchure. Puis il alla aussitôt frapper à la porte en murmurant: «Je vais me faire prendre à mon tour dans la souricière, et malheur aux chats qui se frotteront à pareille souris.» À peine le marteau eut-il résonné sous la main du jeune homme, que le tumulte cessa, que des pas s'approchèrent, que la porte s'ouvrit, et que d'Artagnan, l'épée nue, s'élança dans l'appartement de maître Bonacieux, dont la porte, sans doute mue par un ressort, se referma d'elle-même sur lui. Alors ceux qui habitaient encore la malheureuse maison de Bonacieux et les voisins les plus proches entendirent de grands cris, des trépignements, un cliquetis d'épées et un bruit prolongé de meubles. Puis, un moment après, ceux qui, surpris par ce bruit, s'étaient mis aux fenêtres pour en connaître la cause, purent voir la porte se rouvrir et quatre hommes vêtus de noir non pas en sortir, mais s'envoler comme des corbeaux effarouchés, laissant par terre et aux angles des tables des plumes de leurs ailes, c'est-à-dire des loques de leurs habits et des bribes de leurs manteaux. D'Artagnan était vainqueur sans beaucoup de peine, il faut le dire, car un seul des alguazils était armé, encore se défendit-il pour la forme. Il est vrai que les trois autres avaient essayé d'assommer le jeune homme avec les chaises, les tabourets et les poteries; mais deux ou trois égratignures faites par la flamberge du Gascon les avaient épouvantés. Dix minutes avaient suffi à leur défaite et d'Artagnan était resté maître du champ de bataille. Les voisins, qui avaient ouvert leurs fenêtres avec le sang-froid particulier aux habitants de Paris dans ces temps d'émeutes et de rixes perpétuelles, les refermèrent dès qu'ils eurent vu s'enfuir les quatre hommes noirs: leur instinct leur disait que, pour le moment, tout était fini. D'ailleurs il se faisait tard, et alors comme aujourd'hui on se couchait de bonne heure dans le quartier du Luxembourg. D'Artagnan, resté seul avec Mme Bonacieux, se retourna vers elle: la pauvre femme était renversée sur un fauteuil et à demi évanouie. D'Artagnan l'examina d'un coup d'oeil rapide. C'était une charmante femme de vingt-cinq à vingt-six ans, brune avec des yeux bleus, ayant un nez légèrement retroussé, des dents admirables, un teint marbré de rose et d'opale. Là cependant s'arrêtaient les signes qui pouvaient la faire confondre avec une grande dame. Les mains étaient blanches, mais sans finesse: les pieds n'annonçaient pas la femme de qualité. Heureusement d'Artagnan n'en était pas encore à se préoccuper de ces détails. Tandis que d'Artagnan examinait Mme Bonacieux, et en était aux pieds, comme nous l'avons dit, il vit à terre un fin mouchoir de batiste, qu'il ramassa selon son habitude, et au coin duquel il reconnut le même chiffre qu'il avait vu au mouchoir qui avait failli lui faire couper la gorge avec Aramis. Depuis ce temps, d'Artagnan se méfiait des mouchoirs armoriés; il remit donc sans rien dire celui qu'il avait ramassé dans la poche de Mme Bonacieux. En ce moment, Mme Bonacieux reprenait ses sens. Elle ouvrit les yeux, regarda avec terreur autour d'elle, vit que l'appartement était vide, et qu'elle était seule avec son libérateur. Elle lui tendit aussitôt les mains en souriant. Mme Bonacieux avait le plus charmant sourire du monde. «Ah! monsieur! dit-elle, c'est vous qui m'avez sauvée; permettez- moi que je vous remercie. -- Madame, dit d'Artagnan, je n'ai fait que ce que tout gentilhomme eût fait à ma place, vous ne me devez donc aucun remerciement. -- Si fait, monsieur, si fait, et j'espère vous prouver que vous n'avez pas rendu service à une ingrate. Mais que me voulaient donc ces hommes, que j'ai pris d'abord pour des voleurs, et pourquoi M. Bonacieux n'est-il point ici? -- Madame, ces hommes étaient bien autrement dangereux que ne pourraient être des voleurs, car ce sont des agents de M. le cardinal, et quant à votre mari, M. Bonacieux, il n'est point ici parce qu'hier on est venu le prendre pour le conduire à la Bastille. -- Mon mari à la Bastille! s'écria Mme Bonacieux, oh! mon Dieu! qu'a-t-il donc fait? pauvre cher homme! lui, l'innocence même!» Et quelque chose comme un sourire perçait sur la figure encore tout effrayée de la jeune femme. «Ce qu'il a fait, madame? dit d'Artagnan. Je crois que son seul crime est d'avoir à la fois le bonheur et le malheur d'être votre mari. -- Mais, monsieur, vous savez donc... -- Je sais que vous avez été enlevée, madame. -- Et par qui? Le savez-vous? Oh! si vous le savez, dites-le-moi. -- Par un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux cheveux noirs, au teint basané, avec une cicatrice à la tempe gauche. -- C'est cela, c'est cela; mais son nom? -- Ah! son nom? c'est ce que j'ignore. -- Et mon mari savait-il que j'avais été enlevée? -- Il en avait été prévenu par une lettre que lui avait écrite le ravisseur lui-même. -- Et soupçonne-t-il, demanda Mme Bonacieux avec embarras, la cause de cet événement? -- Il l'attribuait, je crois, à une cause politique. -- J'en ai douté d'abord, et maintenant je le pense comme lui. Ainsi donc, ce cher M. Bonacieux ne m'a pas soupçonnée un seul instant...? -- Ah! loin de là, madame, il était trop fier de votre sagesse et surtout de votre amour.» Un second sourire presque imperceptible effleura les lèvres rosées de la belle jeune femme. «Mais, continua d'Artagnan, comment vous êtes-vous enfuie? -- J'ai profité d'un moment où l'on m'a laissée seule, et comme je savais depuis ce matin à quoi m'en tenir sur mon enlèvement, à l'aide de mes draps je suis descendue par la fenêtre; alors, comme je croyais mon mari ici, je suis accourue. -- Pour vous mettre sous sa protection? -- Oh! non, pauvre cher homme, je savais bien qu'il était incapable de me défendre; mais comme il pouvait nous servir à autre chose, je voulais le prévenir. -- De quoi? -- Oh! ceci n'est pas mon secret, je ne puis donc pas vous le dire. -- D'ailleurs, dit d'Artagnan (pardon, madame, si, tout garde que je suis, je vous rappelle à la prudence), d'ailleurs je crois que nous ne sommes pas ici en lieu opportun pour faire des confidences. Les hommes que j'ai mis en fuite vont revenir avec main-forte; s'ils nous retrouvent ici nous sommes perdus. J'ai bien fait prévenir trois de mes amis, mais qui sait si on les aura trouvés chez eux! -- Oui, oui, vous avez raison, s'écria Mme Bonacieux effrayée; fuyons, sauvons-nous.» À ces mots, elle passa son bras sous celui de d'Artagnan et l'entraîna vivement. «Mais où fuir? dit d'Artagnan, où nous sauver? -- Éloignons-nous d'abord de cette maison, puis après nous verrons.» Et la jeune femme et le jeune homme, sans se donner la peine de refermer la porte, descendirent rapidement la rue des Fossoyeurs, s'engagèrent dans la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince et ne s'arrêtèrent qu'à la place Saint-Sulpice. «Et maintenant, qu'allons-nous faire, demanda d'Artagnan, et où voulez-vous que je vous conduise? -- Je suis fort embarrassée de vous répondre, je vous l'avoue, dit Mme Bonacieux; mon intention était de faire prévenir M. de La Porte par mon mari, afin que M. de La Porte pût nous dire précisément ce qui s'était passé au Louvre depuis trois jours, et s'il n'y avait pas danger pour moi de m'y présenter. -- Mais moi, dit d'Artagnan, je puis aller prévenir M. de La Porte. -- Sans doute; seulement il n'y a qu'un malheur: c'est qu'on connaît M. Bonacieux au Louvre et qu'on le laisserait passer, lui, tandis qu'on ne vous connaît pas, vous, et que l'on vous fermera la porte. -- Ah! bah, dit d'Artagnan, vous avez bien à quelque guichet du Louvre un concierge qui vous est dévoué, et qui grâce à un mot d'ordre...» Mme Bonacieux regarda fixement le jeune homme. «Et si je vous donnais ce mot d'ordre, dit-elle, l'oublieriez-vous aussitôt que vous vous en seriez servi? -- Parole d'honneur, foi de gentilhomme! dit d'Artagnan avec un accent à la vérité duquel il n'y avait pas à se tromper. -- Tenez, je vous crois; vous avez l'air d'un brave jeune homme, d'ailleurs votre fortune est peut-être au bout de votre dévouement. -- Je ferai sans promesse et de conscience tout ce que je pourrai pour servir le roi et être agréable à la reine, dit d'Artagnan; disposez donc de moi comme d'un ami. -- Mais moi, où me mettrez-vous pendant ce temps-là? -- N'avez-vous pas une personne chez laquelle M. de La Porte puisse revenir vous prendre? -- Non, je ne veux me fier à personne. -- Attendez, dit d'Artagnan; nous sommes à la porte d'Athos. Oui, c'est cela. -- Qu'est-ce qu'Athos? -- Un de mes amis. -- Mais s'il est chez lui et qu'il me voie? -- Il n'y est pas, et j'emporterai la clef après vous avoir fait entrer dans son appartement. -- Mais s'il revient? -- Il ne reviendra pas; d'ailleurs on lui dirait que j'ai amené une femme, et que cette femme est chez lui. -- Mais cela me compromettra très fort, savez-vous! -- Que vous importe! on ne vous connaît pas; d'ailleurs nous sommes dans une situation à passer par-dessus quelques convenances! -- Allons donc chez votre ami. Où demeure-t-il? -- Rue Férou, à deux pas d'ici. -- Allons.» Et tous deux reprirent leur course. Comme l'avait prévu d'Artagnan, Athos n'était pas chez lui: il prit la clef, qu'on avait l'habitude de lui donner comme à un ami de la maison, monta l'escalier et introduisit Mme Bonacieux dans le petit appartement dont nous avons déjà fait la description. «Vous êtes chez vous, dit-il; attendez, fermez la porte en dedans et n'ouvrez à personne, à moins que vous n'entendiez frapper trois coups ainsi: tenez; et il frappa trois fois: deux coups rapprochés l'un de l'autre et assez forts, un coup plus distant et plus léger. -- C'est bien, dit Mme Bonacieux; maintenant, à mon tour de vous donner mes instructions. -- J'écoute. -- Présentez-vous au guichet du Louvre, du côté de la rue de l'Échelle, et demandez Germain. -- C'est bien. Après? -- Il vous demandera ce que vous voulez, et alors vous lui répondrez par ces deux mots: Tours et Bruxelles. Aussitôt il se mettra à vos ordres. -- Et que lui ordonnerai-je? -- D'aller chercher M. de La Porte, le valet de chambre de la reine. -- Et quand il l'aura été chercher et que M. de La Porte sera venu? -- Vous me l'enverrez. -- C'est bien, mais où et comment vous reverrai-je? -- Y tenez-vous beaucoup à me revoir? -- Certainement. -- Eh bien, reposez-vous sur moi de ce soin, et soyez tranquille. -- Je compte sur votre parole. -- Comptez-y.» D'Artagnan salua Mme Bonacieux en lui lançant le coup d'oeil le plus amoureux qu'il lui fût possible de concentrer sur sa charmante petite personne, et tandis qu'il descendait l'escalier, il entendit la porte se fermer derrière lui à double tour. En deux bonds il fut au Louvre: comme il entrait au guichet de Échelle, dix heures sonnaient. Tous les événements que nous venons de raconter s'étaient succédé en une demi-heure. Tout s'exécuta comme l'avait annoncé Mme Bonacieux. Au mot d'ordre convenu, Germain s'inclina; dix minutes après, La Porte était dans la loge; en deux mots, d'Artagnan le mit au fait et lui indiqua où était Mme Bonacieux. La Porte s'assura par deux fois de l'exactitude de l'adresse, et partit en courant. Cependant, à peine eut-il fait dix pas, qu'il revint. «Jeune homme, dit-il à d'Artagnan, un conseil. -- Lequel? -- Vous pourriez être inquiété pour ce qui vient de se passer. -- Vous croyez? -- Oui. Avez-vous quelque ami dont la pendule retarde? -- Eh bien? -- Allez le voir pour qu'il puisse témoigner que vous étiez chez lui à neuf heures et demie. En justice, cela s'appelle un alibi.» D'Artagnan trouva le conseil prudent; il prit ses jambes à son cou, il arriva chez M. de Tréville, mais, au lieu de passer au salon avec tout le monde, il demanda à entrer dans son cabinet. Comme d'Artagnan était un des habitués de l'hôtel, on ne fit aucune difficulté d'accéder à sa demande; et l'on alla prévenir M. de Tréville que son jeune compatriote, ayant quelque chose d'important à lui dire, sollicitait une audience particulière. Cinq minutes après, M. de Tréville demandait à d'Artagnan ce qu'il pouvait faire pour son service et ce qui lui valait sa visite à une heure si avancée. «Pardon, monsieur! dit d'Artagnan, qui avait profité du moment où il était resté seul pour retarder l'horloge de trois quarts d'heure; j'ai pensé que, comme il n'était que neuf heures vingt- cinq minutes, il était encore temps de me présenter chez vous. -- Neuf heures vingt-cinq minutes! s'écria M. de Tréville en regardant sa pendule; mais c'est impossible! -- Voyez plutôt, monsieur, dit d'Artagnan, voilà qui fait foi. -- C'est juste, dit M. de Tréville, j'aurais cru qu'il était plus tard. Mais voyons, que me voulez-vous?» Alors d'Artagnan fit à M. de Tréville une longue histoire sur la reine. Il lui exposa les craintes qu'il avait conçues à l'égard de Sa Majesté; il lui raconta ce qu'il avait entendu dire des projets du cardinal à l'endroit de Buckingham, et tout cela avec une tranquillité et un aplomb dont M. de Tréville fut d'autant mieux la dupe, que lui-même, comme nous l'avons dit, avait remarqué quelque chose de nouveau entre le cardinal, le roi et la reine. À dix heures sonnant, d'Artagnan quitta M. de Tréville, qui le remercia de ses renseignements, lui recommanda d'avoir toujours à coeur le service du roi et de la reine, et qui rentra dans le salon. Mais, au bas de l'escalier, d'Artagnan se souvint qu'il avait oublié sa canne: en conséquence, il remonta précipitamment, rentra dans le cabinet, d'un tour de doigt remit la pendule à son heure, pour qu'on ne pût pas s'apercevoir, le lendemain, qu'elle avait été dérangée, et sûr désormais qu'il y avait un témoin pour prouver son alibi, il descendit l'escalier et se trouva bientôt dans la rue. CHAPITRE XI L'INTRIGUE SE NOUE Sa visite faite à M. de Tréville, d'Artagnan prit, tout pensif, le plus long pour rentrer chez lui. À quoi pensait d'Artagnan, qu'il s'écartait ainsi de sa route, regardant les étoiles du ciel, et tantôt soupirant tantôt souriant? Il pensait à Mme Bonacieux. Pour un apprenti mousquetaire, la jeune femme était presque une idéalité amoureuse. Jolie, mystérieuse, initiée à presque tous les secrets de cour, qui reflétaient tant de charmante gravité sur ses traits gracieux, elle était soupçonnée de n'être pas insensible, ce qui est un attrait irrésistible pour les amants novices; de plus, d'Artagnan l'avait délivrée des mains de ces démons qui voulaient la fouiller et la maltraiter, et cet important service avait établi entre elle et lui un de ces sentiments de reconnaissance qui prennent si facilement un plus tendre caractère. D'Artagnan se voyait déjà, tant les rêves marchent vite sur les ailes de l'imagination, accosté par un messager de la jeune femme qui lui remettait quelque billet de rendez-vous, une chaîne d'or ou un diamant. Nous avons dit que les jeunes cavaliers recevaient sans honte de leur roi; ajoutons qu'en ce temps de facile morale, ils n'avaient pas plus de vergogne à l'endroit de leurs maîtresses, et que celles-ci leur laissaient presque toujours de précieux et durables souvenirs, comme si elles eussent essayé de conquérir la fragilité de leurs sentiments par la solidité de leurs dons. On faisait alors son chemin par les femmes, sans en rougir. Celles qui n'étaient que belles donnaient leur beauté, et de là vient sans doute le proverbe, que la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a. Celles qui étaient riches donnaient en outre une partie de leur argent, et l'on pourrait citer bon nombre de héros de cette galante époque qui n'eussent gagné ni leurs éperons d'abord, ni leurs batailles ensuite, sans la bourse plus ou moins garnie que leur maîtresse attachait à l'arçon de leur selle. D'Artagnan ne possédait rien; l'hésitation du provincial, vernis léger, fleur éphémère, duvet de la pêche, s'était évaporée au vent des conseils peu orthodoxes que les trois mousquetaires donnaient à leur ami. D'Artagnan, suivant l'étrange coutume du temps, se regardait à Paris comme en campagne, et cela ni plus ni moins que dans les Flandres: l'Espagnol là-bas, la femme ici. C'était partout un ennemi à combattre, des contributions à frapper. Mais, disons-le, pour le moment d'Artagnan était mû d'un sentiment plus noble et plus désintéressé. Le mercier lui avait dit qu'il était riche; le jeune homme avait pu deviner qu'avec un niais comme l'était M. Bonacieux, ce devait être la femme qui tenait la clef de la bourse. Mais tout cela n'avait influé en rien sur le sentiment produit par la vue de Mme Bonacieux, et l'intérêt était resté à peu près étranger à ce commencement d'amour qui en avait été la suite. Nous disons: à peu près, car l'idée qu'une jeune femme, belle, gracieuse, spirituelle, est riche en même temps, n'ôte rien à ce commencement d'amour, et tout au contraire le corrobore. Il y a dans l'aisance une foule de soins et de caprices aristocratiques qui vont bien à la beauté. Un bas fin et blanc, une robe de soie, une guimpe de dentelle, un joli soulier au pied, un frais ruban sur la tête, ne font point jolie une femme laide, mais font belle une femme jolie, sans compter les mains qui gagnent à tout cela; les mains, chez les femmes surtout, ont besoin de rester oisives pour rester belles. Puis d'Artagnan, comme le sait bien le lecteur, auquel nous n'avons pas caché l'état de sa fortune, d'Artagnan n'était pas un millionnaire; il espérait bien le devenir un jour, mais le temps qu'il se fixait lui-même pour cet heureux changement était assez éloigné. En attendant, quel désespoir que de voir une femme qu'on aime désirer ces mille riens dont les femmes composent leur bonheur, et de ne pouvoir lui donner ces mille riens! Au moins, quand la femme est riche et que l'amant ne l'est pas, ce qu'il ne peut lui offrir elle se l'offre elle-même; et quoique ce soit ordinairement avec l'argent du mari qu'elle se passe cette jouissance, il est rare que ce soit à lui qu'en revienne la reconnaissance. Puis d'Artagnan, disposé à être l'amant le plus tendre, était en attendant un ami très dévoué. Au milieu de ses projets amoureux sur la femme du mercier, il n'oubliait pas les siens. La jolie Mme Bonacieux était femme à promener dans la plaine Saint-Denis ou dans la foire Saint-Germain en compagnie d'Athos, de Porthos et d'Aramis, auxquels d'Artagnan serait fier de montrer une telle conquête. Puis, quand on a marché longtemps, la faim arrive; d'Artagnan depuis quelque temps avait remarqué cela. On ferait de ces petits dîners charmants où l'on touche d'un côté la main d'un ami, et de l'autre le pied d'une maîtresse. Enfin, dans les moments pressants, dans les positions extrêmes, d'Artagnan serait le sauveur de ses amis. Et M. Bonacieux, que d'Artagnan avait poussé dans les mains des sbires en le reniant bien haut et à qui il avait promis tout bas de le sauver? Nous devons avouer à nos lecteurs que d'Artagnan n'y songeait en aucune façon, ou que, s'il y songeait, c'était pour se dire qu'il était bien où il était, quelque part qu'il fût. L'amour est la plus égoïste de toutes les passions. Cependant, que nos lecteurs se rassurent: si d'Artagnan oublie son hôte ou fait semblant de l'oublier, sous prétexte qu'il ne sait pas où on l'a conduit, nous ne l'oublions pas, nous, et nous savons où il est. Mais pour le moment faisons comme le Gascon amoureux. Quant au digne mercier, nous reviendrons à lui plus tard. D'Artagnan, tout en réfléchissant à ses futures amours, tout en parlant à la nuit, tout en souriant aux étoiles, remontait la rue du Cherche-Midi ou Chasse-Midi, ainsi qu'on l'appelait alors. Comme il se trouvait dans le quartier d'Aramis, l'idée lui était venue d'aller faire une visite à son ami, pour lui donner quelques explications sur les motifs qui lui avaient fait envoyer Planchet avec invitation de se rendre immédiatement à la souricière. Or, si Aramis s'était trouvé chez lui lorsque Planchet y était venu, il avait sans aucun doute couru rue des Fossoyeurs, et n'y trouvant personne que ses deux autres compagnons peut-être, ils n'avaient dû savoir, ni les uns ni les autres, ce que cela voulait dire. Ce dérangement méritait donc une explication, voilà ce que disait tout haut d'Artagnan. Puis, tout bas, il pensait que c'était pour lui une occasion de parler de la jolie petite Mme Bonacieux, dont son esprit, sinon son coeur, était déjà tout plein. Ce n'est pas à propos d'un premier amour qu'il faut demander de la discrétion. Ce premier amour est accompagné d'une si grande joie, qu'il faut que cette joie déborde, sans cela elle vous étoufferait. Paris depuis deux heures était sombre et commençait à se faire désert. Onze heures sonnaient à toutes les horloges du faubourg Saint-Germain, il faisait un temps doux. D'Artagnan suivait une ruelle située sur l'emplacement où passe aujourd'hui la rue d'Assas, respirant les émanations embaumées qui venaient avec le vent de la rue de Vaugirard et qu'envoyaient les jardins rafraîchis par la rosée du soir et par la brise de la nuit. Au loin résonnaient, assourdis cependant par de bons volets, les chants des buveurs dans quelques cabarets perdus dans la plaine. Arrivé au bout de la ruelle, d'Artagnan tourna à gauche. La maison qu'habitait Aramis se trouvait située entre la rue Cassette et la rue Servandoni. D'Artagnan venait de dépasser la rue Cassette et reconnaissait déjà la porte de la maison de son ami, enfouie sous un massif de sycomores et de clématites qui formaient un vaste bourrelet au- dessus d'elle lorsqu'il aperçut quelque chose comme une ombre qui sortait de la rue Servandoni. Ce quelque chose était enveloppé d'un manteau, et d'Artagnan crut d'abord que c'était un homme; mais, à la petitesse de la taille, à l'incertitude de la démarche, à l'embarras du pas, il reconnut bientôt une femme. De plus, cette femme, comme si elle n'eût pas été bien sûre de la maison qu'elle cherchait, levait les yeux pour se reconnaître, s'arrêtait, retournait en arrière, puis revenait encore. D'Artagnan fut intrigué. «Si j'allais lui offrir mes services! pensa-t-il. À son allure, on voit qu'elle est jeune; peut-être jolie. Oh! oui. Mais une femme qui court les rues à cette heure ne sort guère que pour aller rejoindre son amant. Peste! si j'allais troubler les rendez-vous, ce serait une mauvaise porte pour entrer en relations.» Cependant, la jeune femme s'avançait toujours, comptant les maisons et les fenêtres. Ce n'était, au reste, chose ni longue, ni difficile. Il n'y avait que trois hôtels dans cette partie de la rue, et deux fenêtres ayant vue sur cette rue; l'une était celle d'un pavillon parallèle à celui qu'occupait Aramis, l'autre était celle d'Aramis lui-même. «Pardieu! se dit d'Artagnan, auquel la nièce du théologien revenait à l'esprit; pardieu! il serait drôle que cette colombe attardée cherchât la maison de notre ami. Mais sur mon âme, cela y ressemble fort. Ah! mon cher Aramis, pour cette fois, j'en veux avoir le coeur net.» Et d'Artagnan, se faisant le plus mince qu'il put, s'abrita dans le côté le plus obscur de la rue, près d'un banc de pierre situé au fond d'une niche. La jeune femme continua de s'avancer, car outre la légèreté de son allure, qui l'avait trahie, elle venait de faire entendre une petite toux qui dénonçait une voix des plus fraîches. D'Artagnan pensa que cette toux était un signal. Cependant, soit qu'on eût répondu à cette toux par un signe équivalent qui avait fixé les irrésolutions de la nocturne chercheuse, soit que sans secours étranger elle eût reconnu qu'elle était arrivée au bout de sa course, elle s'approcha résolument du volet d'Aramis et frappa à trois intervalles égaux avec son doigt recourbé. «C'est bien chez Aramis, murmura d'Artagnan. Ah! monsieur l'hypocrite! je vous y prends à faire de la théologie!» Les trois coups étaient à peine frappés, que la croisée intérieure s'ouvrit et qu'une lumière parut à travers les vitres du volet. «Ah! ah! fit l'écouteur non pas aux portes, mais aux fenêtres, ah! la visite était attendue. Allons, le volet va s'ouvrir et la dame entrera par escalade. Très bien!» Mais, au grand étonnement de d'Artagnan, le volet resta fermé. De plus, la lumière qui avait flamboyé un instant, disparut, et tout rentra dans l'obscurité. D'Artagnan pensa que cela ne pouvait durer ainsi, et continua de regarder de tous ses yeux et d'écouter de toutes ses oreilles. Il avait raison: au bout de quelques secondes, deux coups secs retentirent dans l'intérieur. La jeune femme de la rue répondit par un seul coup, et le volet s'entrouvrit. On juge si d'Artagnan regardait et écoutait avec avidité. Malheureusement, la lumière avait été transportée dans un autre appartement. Mais les yeux du jeune homme s'étaient habitués à la nuit. D'ailleurs les yeux des Gascons ont, à ce qu'on assure, comme ceux des chats, la propriété de voir pendant la nuit. D'Artagnan vit donc que la jeune femme tirait de sa poche un objet blanc qu'elle déploya vivement et qui prit la forme d'un mouchoir. Cet objet déployé, elle en fit remarquer le coin à son interlocuteur. Cela rappela à d'Artagnan ce mouchoir qu'il avait trouvé aux pieds de Mme Bonacieux, lequel lui avait rappelé celui qu'il avait trouvé aux pieds d'Aramis. «Que diable pouvait donc signifier ce mouchoir?» Placé où il était, d'Artagnan ne pouvait voir le visage d'Aramis, nous disons d'Aramis, parce que le jeune homme ne faisait aucun doute que ce fût son ami qui dialoguât de l'intérieur avec la dame de l'extérieur; la curiosité l'emporta donc sur la prudence, et, profitant de la préoccupation dans laquelle la vue du mouchoir paraissait plonger les deux personnages que nous avons mis en scène, il sortit de sa cachette, et prompt comme l'éclair, mais étouffant le bruit de ses pas, il alla se coller à un angle de la muraille, d'où son oeil pouvait parfaitement plonger dans l'intérieur de l'appartement d'Aramis. Arrivé là, d'Artagnan pensa jeter un cri de surprise: ce n'était pas Aramis qui causait avec la nocturne visiteuse, c'était une femme. Seulement, d'Artagnan y voyait assez pour reconnaître la forme de ses vêtements, mais pas assez pour distinguer ses traits. Au même instant, la femme de l'appartement tira un second mouchoir de sa poche, et l'échangea avec celui qu'on venait de lui montrer. Puis, quelques mots furent prononcés entre les deux femmes. Enfin le volet se referma; la femme qui se trouvait à l'extérieur de la fenêtre se retourna, et vint passer à quatre pas de d'Artagnan en abaissant la coiffe de sa mante; mais la précaution avait été prise trop tard, d'Artagnan avait déjà reconnu Mme Bonacieux. Mme Bonacieux! Le soupçon que c'était elle lui avait déjà traversé l'esprit quand elle avait tiré le mouchoir de sa poche; mais quelle probabilité que Mme Bonacieux qui avait envoyé chercher M. de La Porte pour se faire reconduire par lui au Louvre, courût les rues de Paris seule à onze heures et demie du soir, au risque de se faire enlever une seconde fois? Il fallait donc que ce fût pour une affaire bien importante; et quelle est l'affaire importante d'une femme de vingt-cinq ans? L'amour. Mais était-ce pour son compte ou pour le compte d'une autre personne qu'elle s'exposait à de semblables hasards? Voilà ce que se demandait à lui-même le jeune homme, que le démon de la jalousie mordait au coeur ni plus ni moins qu'un amant en titre. Il y avait, au reste, un moyen bien simple de s'assurer où allait Mme Bonacieux: c'était de la suivre. Ce moyen était si simple, que d'Artagnan l'employa tout naturellement et d'instinct. Mais, à la vue du jeune homme qui se détachait de la muraille comme une statue de sa niche, et au bruit des pas qu'elle entendit retentir derrière elle, Mme Bonacieux jeta un petit cri et s'enfuit. D'Artagnan courut après elle. Ce n'était pas une chose difficile pour lui que de rejoindre une femme embarrassée dans son manteau. Il la rejoignit donc au tiers de la rue dans laquelle elle s'était engagée. La malheureuse était épuisée, non pas de fatigue, mais de terreur, et quand d'Artagnan lui posa la main sur l'épaule, elle tomba sur un genou en criant d'une voix étranglée: «Tuez-moi si vous voulez, mais vous ne saurez rien.» D'Artagnan la releva en lui passant le bras autour de la taille; mais comme il sentait à son poids qu'elle était sur le point de se trouver mal, il s'empressa de la rassurer par des protestations de dévouement. Ces protestations n'étaient rien pour Mme Bonacieux; car de pareilles protestations peuvent se faire avec les plus mauvaises intentions du monde; mais la voix était tout. La jeune femme crut reconnaître le son de cette voix: elle rouvrit les yeux, jeta un regard sur l'homme qui lui avait fait si grand-peur, et, reconnaissant d'Artagnan, elle poussa un cri de joie. «Oh! c'est vous, c'est vous! dit-elle; merci, mon Dieu! -- Oui, c'est moi, dit d'Artagnan, moi que Dieu a envoyé pour veiller sur vous. -- Était-ce dans cette intention que vous me suiviez?» demanda avec un sourire plein de coquetterie la jeune femme, dont le caractère un peu railleur reprenait le dessus, et chez laquelle toute crainte avait disparu du moment où elle avait reconnu un ami dans celui qu'elle avait pris pour un ennemi. «Non, dit d'Artagnan, non, je l'avoue; c'est le hasard qui m'a mis sur votre route; j'ai vu une femme frapper à la fenêtre d'un de mes amis... -- D'un de vos amis? interrompit Mme Bonacieux. -- Sans doute; Aramis est de mes meilleurs amis. -- Aramis! qu'est-ce que cela? -- Allons donc! allez-vous me dire que vous ne connaissez pas Aramis? -- C'est la première fois que j'entends prononcer ce nom. -- C'est donc la première fois que vous venez à cette maison? -- Sans doute. -- Et vous ne saviez pas qu'elle fût habitée par un jeune homme? -- Non. -- Par un mousquetaire? -- Nullement. -- Ce n'est donc pas lui que vous veniez chercher? -- Pas le moins du monde. D'ailleurs, vous l'avez bien vu, la personne à qui j'ai parlé est une femme. -- C'est vrai; mais cette femme est des amies d'Aramis. -- Je n'en sais rien. -- Puisqu'elle loge chez lui. -- Cela ne me regarde pas. -- Mais qui est-elle? -- Oh! cela n'est point mon secret. -- Chère madame Bonacieux, vous êtes charmante; mais en même temps vous êtes la femme la plus mystérieuse... -- Est-ce que je perds à cela? -- Non; vous êtes, au contraire, adorable. -- Alors, donnez-moi le bras. -- Bien volontiers. Et maintenant? -- Maintenant, conduisez-moi. -- Où cela? -- Où je vais. -- Mais où allez-vous? -- Vous le verrez, puisque vous me laisserez à la porte. -- Faudra-t-il vous attendre? -- Ce sera inutile. -- Vous reviendrez donc seule? -- Peut-être oui, peut-être non. -- Mais la personne qui vous accompagnera ensuite sera-t-elle un homme, sera-t-elle une femme? -- Je n'en sais rien encore. -- Je le saurai bien, moi! -- Comment cela? -- Je vous attendrai pour vous voir sortir. -- En ce cas, adieu! -- Comment cela? -- Je n'ai pas besoin de vous. -- Mais vous aviez réclamé... -- L'aide d'un gentilhomme, et non la surveillance d'un espion. -- Le mot est un peu dur! -- Comment appelle-t-on ceux qui suivent les gens malgré eux? -- Des indiscrets. -- Le mot est trop doux. -- Allons, madame, je vois bien qu'il faut faire tout ce que vous voulez. -- Pourquoi vous être privé du mérite de le faire tout de suite? -- N'y en a-t-il donc aucun à se repentir? -- Et vous repentez-vous réellement? -- Je n'en sais rien moi-même. Mais ce que je sais, c'est que je vous promets de faire tout ce que vous voudrez si vous me laissez vous accompagner jusqu'où vous allez. -- Et vous me quitterez après? -- Oui. -- Sans m'épier à ma sortie? -- Non. -- Parole d'honneur? -- Foi de gentilhomme! -- Prenez mon bras et marchons alors.» D'Artagnan offrit son bras à Mme Bonacieux, qui s'y suspendit, moitié rieuse, moitié tremblante, et tous deux gagnèrent le haut de la rue de La Harpe. Arrivée là, la jeune femme parut hésiter, comme elle avait déjà fait dans la rue de Vaugirard. Cependant, à de certains signes, elle sembla reconnaître une porte; et s'approchant de cette porte: «Et maintenant, monsieur, dit-elle, c'est ici que j'ai affaire; mille fois merci de votre honorable compagnie, qui m'a sauvée de tous les dangers auxquels, seule, j'eusse été exposée. Mais le moment est venu de tenir votre parole: je suis arrivée à ma destination. -- Et vous n'aurez plus rien à craindre en revenant? -- Je n'aurai à craindre que les voleurs. -- N'est-ce donc rien? -- Que pourraient-ils me prendre? je n'ai pas un denier sur moi. -- Vous oubliez ce beau mouchoir brodé, armorié. -- Lequel? -- Celui que j'ai trouvé à vos pieds et que j'ai remis dans votre poche. -- Taisez-vous, taisez-vous, malheureux! s'écria la jeune femme, voulez-vous me perdre? -- Vous voyez bien qu'il y a encore du danger pour vous, puisqu'un seul mot vous fait trembler, et que vous avouez que, si on entendait ce mot, vous seriez perdue. Ah! tenez, madame, s'écria d'Artagnan en lui saisissant la main et la couvrant d'un ardent regard, tenez! soyez plus généreuse, confiez-vous à moi; n'avez- vous donc pas lu dans mes yeux qu'il n'y a que dévouement et sympathie dans mon coeur? -- Si fait, répondit Mme Bonacieux; aussi demandez-moi mes secrets, et je vous les dirai; mais ceux des autres, c'est autre chose. -- C'est bien, dit d'Artagnan, je les découvrirai; puisque ces secrets peuvent avoir une influence sur votre vie, il faut que ces secrets deviennent les miens. -- Gardez-vous-en bien, s'écria la jeune femme avec un sérieux qui fit frissonner d'Artagnan malgré lui. Oh! ne vous mêlez en rien de ce qui me regarde, ne cherchez point à m'aider dans ce que j'accomplis; et cela, je vous le demande au nom de l'intérêt que je vous inspire, au nom du service que vous m'avez rendu! et que je n'oublierai de ma vie. Croyez bien plutôt à ce que je vous dis. Ne vous occupez plus de moi, je n'existe plus pour vous, que ce soit comme si vous ne m'aviez jamais vue. -- Aramis doit-il en faire autant que moi, madame? dit d'Artagnan piqué. -- Voilà deux ou trois fois que vous avez prononcé ce nom, monsieur, et cependant je vous ai dit que je ne le connaissais pas. -- Vous ne connaissez pas l'homme au volet duquel vous avez été frapper. Allons donc, madame! vous me croyez par trop crédule, aussi! -- Avouez que c'est pour me faire parler que vous inventez cette histoire, et que vous créez ce personnage. -- Je n'invente rien, madame, je ne crée rien, je dis l'exacte vérité. -- Et vous dites qu'un de vos amis demeure dans cette maison? -- Je le dis et je le répète pour la troisième fois, cette maison est celle qu'habite mon ami, et cet ami est Aramis. -- Tout cela s'éclaircira plus tard, murmura la jeune femme: maintenant, monsieur, taisez-vous. -- Si vous pouviez voir mon coeur tout à découvert, dit d'Artagnan, vous y liriez tant de curiosité, que vous auriez pitié de moi, et tant d'amour, que vous satisferiez à l'instant même ma curiosité. On n'a rien à craindre de ceux qui vous aiment. -- Vous parlez bien vite d'amour, monsieur! dit la jeune femme en secouant la tête. -- C'est que l'amour m'est venu vite et pour la première fois, et que je n'ai pas vingt ans.» La jeune femme le regarda à la dérobée. «Écoutez, je suis déjà sur la trace, dit d'Artagnan. Il y a trois mois, j'ai manqué avoir un duel avec Aramis pour un mouchoir pareil à celui que vous avez montré à cette femme qui était chez lui, pour un mouchoir marqué de la même manière, j'en suis sûr. -- Monsieur, dit la jeune femme, vous me fatiguez fort, je vous le jure, avec ces questions. -- Mais vous, si prudente, madame, songez-y, si vous étiez arrêtée avec ce mouchoir, et que ce mouchoir fût saisi, ne seriez-vous pas compromise? -- Pourquoi cela, les initiales ne sont-elles pas les miennes: C.B., Constance Bonacieux? -- Ou Camille de Bois-Tracy. -- Silence, monsieur, encore une fois silence! Ah! puisque les dangers que je cours pour moi-même ne vous arrêtent pas, songez à ceux que vous pouvez courir, vous! -- Moi? -- Oui, vous. Il y a danger de la prison, il y a danger de la vie à me connaître. -- Alors, je ne vous quitte plus. -- Monsieur, dit la jeune femme suppliant et joignant les mains, monsieur, au nom du Ciel, au nom de l'honneur d'un militaire, au nom de la courtoisie d'un gentilhomme, éloignez-vous; tenez, voilà minuit qui sonne, c'est l'heure où l'on m'attend. -- Madame, dit le jeune homme en s'inclinant, je ne sais rien refuser à qui me demande ainsi; soyez contente, je m'éloigne. -- Mais vous ne me suivrez pas, vous ne m'épierez pas? -- Je rentre chez moi à l'instant. -- Ah! je le savais bien, que vous étiez un brave jeune homme!» s'écria Mme Bonacieux en lui tendant une main et en posant l'autre sur le marteau d'une petite porte presque perdue dans la muraille. D'Artagnan saisit la main qu'on lui tendait et la baisa ardemment. «Ah! j'aimerais mieux ne vous avoir jamais vue, s'écria d'Artagnan avec cette brutalité naïve que les femmes préfèrent souvent aux afféteries de la politesse, parce qu'elle découvre le fond de la pensée et qu'elle prouve que le sentiment l'emporte sur la raison. -- Eh bien, reprit Mme Bonacieux d'une voix presque caressante, et en serrant la main de d'Artagnan qui n'avait pas abandonné la sienne; eh bien, je n'en dirai pas autant que vous: ce qui est perdu pour aujourd'hui n'est pas perdu pour l'avenir. Qui sait, si lorsque je serai déliée un jour, je ne satisferai pas votre curiosité? -- Et faites-vous la même promesse à mon amour? s'écria d'Artagnan au comble de la joie. -- Oh! de ce côté, je ne veux point m'engager, cela dépendra des sentiments que vous saurez m'inspirer. -- Ainsi, aujourd'hui, madame... -- Aujourd'hui, monsieur, je n'en suis encore qu'à la reconnaissance. -- Ah! vous êtes trop charmante, dit d'Artagnan avec tristesse, et vous abusez de mon amour. -- Non, j'use de votre générosité, voilà tout. Mais croyez-le bien, avec certaines gens tout se retrouve. -- Oh! vous me rendez le plus heureux des hommes. N'oubliez pas cette soirée, n'oubliez pas cette promesse. -- Soyez tranquille, en temps et lieu je me souviendrai de tout. Eh bien, partez donc, partez, au nom du Ciel! On m'attendait à minuit juste, et je suis en retard. -- De cinq minutes. -- Oui; mais dans certaines circonstances, cinq minutes sont cinq siècles. -- Quand on aime. -- Eh bien, qui vous dit que je n'ai pas affaire à un amoureux? -- C'est un homme qui vous attend? s'écria d'Artagnan, un homme! -- Allons, voilà la discussion qui va recommencer, fit Mme Bonacieux avec un demi-sourire qui n'était pas exempt d'une certaine teinte d'impatience. -- Non, non, je m'en vais, je pars; je crois en vous, je veux avoir tout le mérite de mon dévouement, ce dévouement dût-il être une stupidité. Adieu, madame, adieu!» Et comme s'il ne se fût senti la force de se détacher de la main qu'il tenait que par une secousse, il s'éloigna tout courant, tandis que Mme Bonacieux frappait, comme au volet, trois coups lents et réguliers; puis, arrivé à l'angle de la rue, il se retourna: la porte s'était ouverte et refermée, la jolie mercière avait disparu. D'Artagnan continua son chemin, il avait donné sa parole de ne pas épier Mme Bonacieux, et sa vie eût-elle dépendu de l'endroit où elle allait se rendre, ou de la personne qui devait l'accompagner, d'Artagnan serait rentré chez lui, puisqu'il avait dit qu'il y rentrait. Cinq minutes après, il était dans la rue des Fossoyeurs. «Pauvre Athos, disait-il, il ne saura pas ce que cela veut dire. Il se sera endormi en m'attendant, ou il sera retourné chez lui, et en rentrant il aura appris qu'une femme y était venue. Une femme chez Athos! Après tout, continua d'Artagnan, il y en avait bien une chez Aramis. Tout cela est fort étrange, et je serais bien curieux de savoir comment cela finira. -- Mal, monsieur, mal», répondit une voix que le jeune homme reconnut pour celle de Planchet; car tout en monologuant tout haut, à la manière des gens très préoccupés, il s'était engagé dans l'allée au fond de laquelle était l'escalier qui conduisait à sa chambre. «Comment, mal? que veux-tu dire, imbécile? demanda d'Artagnan, qu'est-il donc arrivé? -- Toutes sortes de malheurs. -- Lesquels? -- D'abord M. Athos est arrêté. -- Arrêté! Athos! arrêté! pourquoi? -- On l'a trouvé chez vous; on l'a pris pour vous. -- Et par qui a-t-il été arrêté? -- Par la garde qu'ont été chercher les hommes noirs que vous avez mis en fuite. -- Pourquoi ne s'est-il pas nommé? pourquoi n'a-t-il pas dit qu'il était étranger à cette affaire? -- Il s'en est bien gardé, monsieur; il s'est au contraire approché de moi et m'a dit: «C'est ton maître qui a besoin de sa liberté en ce moment, et non pas moi, puisqu'il sait tout et que je ne sais rien. On le croira arrêté, et cela lui donnera du temps; dans trois jours je dirai qui je suis, et il faudra bien qu'on me fasse sortir.» -- Bravo, Athos! noble coeur, murmura d'Artagnan, je le reconnais bien là! Et qu'ont fait les sbires? -- Quatre l'ont emmené je ne sais où, à la Bastille ou au For- l'Évêque; deux sont restés avec les hommes noirs, qui ont fouillé partout et qui ont pris tous les papiers. Enfin les deux derniers, pendant cette expédition, montaient la garde à la porte; puis, quand tout a été fini, ils sont partis, laissant la maison vide et tout ouvert. -- Et Porthos et Aramis? -- Je ne les avais pas trouvés, ils ne sont pas venus. -- Mais ils peuvent venir d'un moment à l'autre, car tu leur as fait dire que je les attendais? -- Oui, monsieur. -- Eh bien, ne bouge pas d'ici; s'ils viennent, préviens-les de ce qui m'est arrivé, qu'ils m'attendent au cabaret de la Pomme de Pin; ici il y aurait danger, la maison peut être espionnée. Je cours chez M. de Tréville pour lui annoncer tout cela, et je les y rejoins. -- C'est bien, monsieur, dit Planchet. -- Mais tu resteras, tu n'auras pas peur! dit d'Artagnan en revenant sur ses pas pour recommander le courage à son laquais. -- Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous ne me connaissez pas encore; je suis brave quand je m'y mets, allez; c'est le tout de m'y mettre; d'ailleurs je suis Picard. -- Alors, c'est convenu, dit d'Artagnan, tu te fais tuer plutôt que de quitter ton poste. -- Oui, monsieur, et il n'y a rien que je ne fasse pour prouver à monsieur que je lui suis attaché.» «Bon, dit en lui-même d'Artagnan, il paraît que la méthode que j'ai employée à l'égard de ce garçon est décidément la bonne: j'en userai dans l'occasion.» Et de toute la vitesse de ses jambes, déjà quelque peu fatiguées cependant par les courses de la journée, d'Artagnan se dirigea vers la rue du Colombier. M. de Tréville n'était point à son hôtel; sa compagnie était de garde au Louvre; il était au Louvre avec sa compagnie. Il fallait arriver jusqu'à M. de Tréville; il était important qu'il fût prévenu de ce qui se passait. D'Artagnan résolut d'essayer d'entrer au Louvre. Son costume de garde dans la compagnie de M. des Essarts lui devait être un passeport. Il descendit donc la rue des Petits-Augustins, et remonta le quai pour prendre le Pont-Neuf. Il avait eu un instant l'idée de passer le bac; mais en arrivant au bord de l'eau, il avait machinalement introduit sa main dans sa poche et s'était aperçu qu'il n'avait pas de quoi payer le passeur. Comme il arrivait à la hauteur de la rue Guénégaud, il vit déboucher de la rue Dauphine un groupe composé de deux personnes et dont l'allure le frappa. Les deux personnes qui composaient le groupe étaient: l'un, un homme; l'autre, une femme. La femme avait la tournure de Mme Bonacieux, et l'homme ressemblait à s'y méprendre à Aramis. En outre, la femme avait cette mante noire que d'Artagnan voyait encore se dessiner sur le volet de la rue de Vaugirard et sur la porte de la rue de La Harpe. De plus, l'homme portait l'uniforme des mousquetaires. Le capuchon de la femme était rabattu, l'homme tenait son mouchoir sur son visage; tous deux, cette double précaution l'indiquait, tous deux avaient donc intérêt à n'être point reconnus. Ils prirent le pont: c'était le chemin de d'Artagnan, puisque d'Artagnan se rendait au Louvre; d'Artagnan les suivit. D'Artagnan n'avait pas fait vingt pas, qu'il fut convaincu que cette femme, c'était Mme Bonacieux, et que cet homme, c'était Aramis. Il sentit à l'instant même tous les soupçons de la jalousie qui s'agitaient dans son coeur. Il était doublement trahi et par son ami et par celle qu'il aimait déjà comme une maîtresse. Mme Bonacieux lui avait juré ses grands dieux qu'elle ne connaissait pas Aramis, et un quart d'heure après qu'elle lui avait fait ce serment, il la retrouvait au bras d'Aramis. D'Artagnan ne réfléchit pas seulement qu'il connaissait la jolie mercière depuis trois heures seulement, qu'elle ne lui devait rien qu'un peu de reconnaissance pour l'avoir délivrée des hommes noirs qui voulaient l'enlever, et qu'elle ne lui avait rien promis. Il se regarda comme un amant outragé, trahi, bafoué; le sang et la colère lui montèrent au visage, il résolut de tout éclaircir. La jeune femme et le jeune homme s'étaient aperçus qu'ils étaient suivis, et ils avaient doublé le pas. D'Artagnan prit sa course, les dépassa, puis revint sur eux au moment où ils se trouvaient devant la Samaritaine, éclairée par un réverbère qui projetait sa lueur sur toute cette partie du pont. D'Artagnan s'arrêta devant eux, et ils s'arrêtèrent devant lui. «Que voulez-vous, monsieur? demanda le mousquetaire en reculant d'un pas et avec un accent étranger qui prouvait à d'Artagnan qu'il s'était trompé dans une partie de ses conjectures. -- Ce n'est pas Aramis! s'écria-t-il. -- Non, monsieur, ce n'est point Aramis, et à votre exclamation je vois que vous m'avez pris pour un autre, et je vous pardonne. -- Vous me pardonnez! s'écria d'Artagnan. -- Oui, répondit l'inconnu. Laissez-moi donc passer, puisque ce n'est pas à moi que vous avez affaire. -- Vous avez raison, monsieur, dit d'Artagnan, ce n'est pas à vous que j'ai affaire, c'est à madame. -- À madame! vous ne la connaissez pas, dit l'étranger. -- Vous vous trompez, monsieur, je la connais. -- Ah! fit Mme Bonacieux d'un ton de reproche, ah monsieur! j'avais votre parole de militaire et votre foi de gentilhomme; j'espérais pouvoir compter dessus. -- Et moi, madame, dit d'Artagnan embarrassé, vous m'aviez promis... -- Prenez mon bras, madame, dit l'étranger, et continuons notre chemin.» Cependant d'Artagnan, étourdi, atterré, anéanti par tout ce qui lui arrivait, restait debout et les bras croisés devant le mousquetaire et Mme Bonacieux. Le mousquetaire fit deux pas en avant et écarta d'Artagnan avec la main. D'Artagnan fit un bond en arrière et tira son épée. En même temps et avec la rapidité de l'éclair, l'inconnu tira la sienne. «Au nom du Ciel, Milord! s'écria Mme Bonacieux en se jetant entre les combattants et prenant les épées à pleines mains. -- Milord! s'écria d'Artagnan illuminé d'une idée subite, Milord! pardon, monsieur; mais est-ce que vous seriez... -- Milord duc de Buckingham, dit Mme Bonacieux à demi-voix; et maintenant vous pouvez nous perdre tous. -- Milord, madame, pardon, cent fois pardon; mais je l'aimais, Milord, et j'étais jaloux; vous savez ce que c'est que d'aimer, Milord; pardonnez-moi, et dites-moi comment je puis me faire tuer pour Votre Grâce. -- Vous êtes un brave jeune homme, dit Buckingham en tendant à d'Artagnan une main que celui-ci serra respectueusement; vous m'offrez vos services, je les accepte; suivez-nous à vingt pas jusqu'au Louvre; et si quelqu'un nous épie, tuez-le!» D'Artagnan mit son épée nue sous son bras, laissa prendre à Mme Bonacieux et au duc vingt pas d'avance et les suivit, prêt à exécuter à la lettre les instructions du noble et élégant ministre de Charles Ier. Mais heureusement le jeune séide n'eut aucune occasion de donner au duc cette preuve de son dévouement, et la jeune femme et le beau mousquetaire rentrèrent au Louvre par le guichet de l'Échelle sans avoir été inquiétés... Quant à d'Artagnan, il se rendit aussitôt au cabaret de la Pomme de Pin, où il trouva Porthos et Aramis qui l'attendaient. Mais, sans leur donner d'autre explication sur le dérangement qu'il leur avait causé, il leur dit qu'il avait terminé seul l'affaire pour laquelle il avait cru un instant avoir besoin de leur intervention. Et maintenant, emportés que nous sommes par notre récit, laissons nos trois amis rentrer chacun chez soi, et suivons, dans les détours du Louvre, le duc de Buckingham et son guide. CHAPITRE XII GEORGES VILLIERS, DUC DE BUCKINGHAM Madame Bonacieux et le duc entrèrent au Louvre sans difficulté; Mme Bonacieux était connue pour appartenir à la reine; le duc portait l'uniforme des mousquetaires de M. de Tréville, qui, comme nous l'avons dit, était de garde ce soir-là. D'ailleurs Germain était dans les intérêts de la reine, et si quelque chose arrivait, Mme Bonacieux serait accusée d'avoir introduit son amant au Louvre, voilà tout; elle prenait sur elle le crime: sa réputation était perdue, il est vrai, mais de quelle valeur était dans le monde la réputation d'une petite mercière? Une fois entrés dans l'intérieur de la cour, le duc et la jeune femme suivirent le pied de la muraille pendant l'espace d'environ vingt-cinq pas; cet espace parcouru, Mme Bonacieux poussa une petite porte de service, ouverte le jour, mais ordinairement fermée la nuit; la porte céda; tous deux entrèrent et se trouvèrent dans l'obscurité, mais Mme Bonacieux connaissait tous les tours et détours de cette partie du Louvre, destinée aux gens de la suite. Elle referma les portes derrière elle, prit le duc par la main, fit quelques pas en tâtonnant, saisit une rampe, toucha du pied un degré, et commença de monter un escalier: le duc compta deux étages. Alors elle prit à droite, suivit un long corridor, redescendit un étage, fit quelques pas encore, introduisit une clef dans une serrure, ouvrit une porte et poussa le duc dans un appartement éclairé seulement par une lampe de nuit, en disant: «Restez ici, Milord duc, on va venir.» Puis elle sortit par la même porte, qu'elle ferma à la clef, de sorte que le duc se trouva littéralement prisonnier. Cependant, tout isolé qu'il se trouvait, il faut le dire, le duc de Buckingham n'éprouva pas un instant de crainte; un des côtés saillants de son caractère était la recherche de l'aventure et l'amour du romanesque. Brave, hardi, entreprenant, ce n'était pas la première fois qu'il risquait sa vie dans de pareilles tentatives; il avait appris que ce prétendu message d'Anne d'Autriche, sur la foi duquel il était venu à Paris, était un piège, et au lieu de regagner l'Angleterre, il avait, abusant de la position qu'on lui avait faite, déclaré à la reine qu'il ne partirait pas sans l'avoir vue. La reine avait positivement refusé d'abord, puis enfin elle avait craint que le duc, exaspéré, ne fît quelque folie. Déjà elle était décidée à le recevoir et à le supplier de partir aussitôt, lorsque, le soir même de cette décision, Mme Bonacieux, qui était chargée d'aller chercher le duc et de le conduire au Louvre, fut enlevée. Pendant deux jours on ignora complètement ce qu'elle était devenue, et tout resta en suspens. Mais une fois libre, une fois remise en rapport avec La Porte, les choses avaient repris leur cours, et elle venait d'accomplir la périlleuse entreprise que, sans son arrestation, elle eût exécutée trois jours plus tôt. Buckingham, resté seul, s'approcha d'une glace. Cet habit de mousquetaire lui allait à merveille. À trente-cinq ans qu'il avait alors, il passait à juste titre pour le plus beau gentilhomme et pour le plus élégant cavalier de France et d'Angleterre. Favori de deux rois, riche à millions, tout-puissant dans un royaume qu'il bouleversait à sa fantaisie et calmait à son caprice, Georges Villiers, duc de Buckingham, avait entrepris une de ces existences fabuleuses qui restent dans le cours des siècles comme un étonnement pour la postérité. Aussi, sûr de lui-même, convaincu de sa puissance, certain que les lois qui régissent les autres hommes ne pouvaient l'atteindre, allait-il droit au but qu'il s'était fixé, ce but fût-il si élevé et si éblouissant que c'eût été folie pour un autre que de l'envisager seulement. C'est ainsi qu'il était arrivé à s'approcher plusieurs fois de la belle et fière Anne d'Autriche et à s'en faire aimer, à force d'éblouissement. Georges Villiers se plaça donc devant une glace, comme nous l'avons dit, rendit à sa belle chevelure blonde les ondulations que le poids de son chapeau lui avait fait perdre, retroussa sa moustache, et le coeur tout gonflé de joie, heureux et fier de toucher au moment qu'il avait si longtemps désiré, se sourit à lui-même d'orgueil et d'espoir. En ce moment, une porte cachée dans la tapisserie s'ouvrit et une femme apparut. Buckingham vit cette apparition dans la glace; il jeta un cri, c'était la reine! Anne d'Autriche avait alors vingt-six ou vingt-sept ans, c'est-à- dire qu'elle se trouvait dans tout l'éclat de sa beauté. Sa démarche était celle d'une reine ou d'une déesse; ses yeux, qui jetaient des reflets d'émeraude, étaient parfaitement beaux, et tout à la fois pleins de douceur et de majesté. Sa bouche était petite et vermeille, et quoique sa lèvre inférieure, comme celle des princes de la maison d'Autriche, avançât légèrement sur l'autre, elle était éminemment gracieuse dans le sourire, mais aussi profondément dédaigneuse dans le mépris. Sa peau était citée pour sa douceur et son velouté, sa main et ses bras étaient d'une beauté surprenante, et tous les poètes du temps les chantaient comme incomparables. Enfin ses cheveux, qui, de blonds qu'ils étaient dans sa jeunesse, étaient devenus châtains, et qu'elle portait frisés très clair et avec beaucoup de poudre, encadraient admirablement son visage, auquel le censeur le plus rigide n'eût pu souhaiter qu'un peu moins de rouge, et le statuaire le plus exigeant qu'un peu plus de finesse dans le nez. Buckingham resta un instant ébloui; jamais Anne d'Autriche ne lui était apparue aussi belle, au milieu des bals, des fêtes, des carrousels, qu'elle lui apparut en ce moment, vêtue d'une simple robe de satin blanc et accompagnée de doña Estefania, la seule de ses femmes espagnoles qui n'eût pas été chassée par la jalousie du roi et par les persécutions de Richelieu. Anne d'Autriche fit deux pas en avant; Buckingham se précipita à ses genoux, et avant que la reine eût pu l'en empêcher, il baisa le bas de sa robe. «Duc, vous savez déjà que ce n'est pas moi qui vous ai fait écrire. -- Oh! oui, madame, oui, Votre Majesté, s'écria le duc; je sais que j'ai été un fou, un insensé de croire que la neige s'animerait, que le marbre s'échaufferait; mais, que voulez-vous, quand on aime, on croit facilement à l'amour; d'ailleurs je n'ai pas tout perdu à ce voyage, puisque je vous vois. -- Oui, répondit Anne, mais vous savez pourquoi et comment je vous vois, Milord. Je vous vois par pitié pour vous-même; je vous vois parce qu'insensible à toutes mes peines, vous vous êtes obstiné à rester dans une ville où, en restant, vous courez risque de la vie et me faites courir risque de mon honneur; je vous vois pour vous dire que tout nous sépare, les profondeurs de la mer, l'inimitié des royaumes, la sainteté des serments. Il est sacrilège de lutter contre tant de choses, Milord. Je vous vois enfin pour vous dire qu'il ne faut plus nous voir. -- Parlez, madame; parlez, reine, dit Buckingham; la douceur de votre voix couvre la dureté de vos paroles. Vous parlez de sacrilège! mais le sacrilège est dans la séparation des coeurs que Dieu avait formés l'un pour l'autre. -- Milord, s'écria la reine, vous oubliez que je ne vous ai jamais dit que je vous aimais. -- Mais vous ne m'avez jamais dit non plus que vous ne m'aimiez point; et vraiment, me dire de semblables paroles, ce serait de la part de Votre Majesté une trop grande ingratitude. Car, dites-moi, où trouvez-vous un amour pareil au mien, un amour que ni le temps, ni l'absence, ni le désespoir ne peuvent éteindre; un amour qui se contente d'un ruban égaré, d'un regard perdu, d'une parole échappée? «Il y a trois ans, madame, que je vous ai vue pour la première fois, et depuis trois ans je vous aime ainsi. «Voulez-vous que je vous dise comment vous étiez vêtue la première fois que je vous vis? voulez-vous que je détaille chacun des ornements de votre toilette? Tenez, je vous vois encore: vous étiez assise sur des carreaux, à la mode d'Espagne; vous aviez une robe de satin vert avec des broderies d'or et d'argent; des manches pendantes et renouées sur vos beaux bras, sur ces bras admirables, avec de gros diamants; vous aviez une fraise fermée, un petit bonnet sur votre tête, de la couleur de votre robe, et sur ce bonnet une plume de héron. «Oh! tenez, tenez, je ferme les yeux, et je vous vois telle que vous étiez alors; je les rouvre, et je vous vois telle que vous êtes maintenant, c'est-à-dire cent fois plus belle encore! -- Quelle folie! murmura Anne d'Autriche, qui n'avait pas le courage d'en vouloir au duc d'avoir si bien conservé son portrait dans son coeur; quelle folie de nourrir une passion inutile avec de pareils souvenirs! -- Et avec quoi voulez-vous donc que je vive? je n'ai que des souvenirs, moi. C'est mon bonheur, mon trésor, mon espérance. Chaque fois que je vous vois, c'est un diamant de plus que je renferme dans l'écrin de mon coeur. Celui-ci est le quatrième que vous laissez tomber et que je ramasse; car en trois ans, madame, je ne vous ai vue que quatre fois: cette première que je viens de vous dire, la seconde chez Mme de Chevreuse, la troisième dans les jardins d'Amiens. -- Duc, dit la reine en rougissant, ne parlez pas de cette soirée. -- Oh! parlons-en, au contraire, madame, parlons-en: c'est la soirée heureuse et rayonnante de ma vie. Vous rappelez-vous la belle nuit qu'il faisait? Comme l'air était doux et parfumé, comme le ciel était bleu et tout émaillé d'étoiles! Ah! cette fois, madame, j'avais pu être un instant seul avec vous; cette fois, vous étiez prête à tout me dire, l'isolement de votre vie, les chagrins de votre coeur. Vous étiez appuyée à mon bras, tenez, à celui-ci. Je sentais, en inclinant ma tête à votre côté, vos beaux cheveux effleurer mon visage, et chaque fois qu'ils l'effleuraient je frissonnais de la tête aux pieds. Oh! reine, reine! oh! vous ne savez pas tout ce qu'il y a de félicités du ciel, de joies du paradis enfermées dans un moment pareil. Tenez, mes biens, ma fortune, ma gloire, tout ce qu'il me reste de jours à vivre, pour un pareil instant et pour une semblable nuit! car cette nuit-là, madame, cette nuit-là vous m'aimiez, je vous le jure. -- Milord, il est possible, oui, que l'influence du lieu, que le charme de cette belle soirée, que la fascination de votre regard, que ces mille circonstances enfin qui se réunissent parfois pour perdre une femme se soient groupées autour de moi dans cette fatale soirée; mais vous l'avez vu, Milord, la reine est venue au secours de la femme qui faiblissait: au premier mot que vous avez osé dire, à la première hardiesse à laquelle j'ai eu à répondre, j'ai appelé. -- Oh! oui, oui, cela est vrai, et un autre amour que le mien aurait succombé à cette épreuve; mais mon amour, à moi, en est sorti plus ardent et plus éternel. Vous avez cru me fuir en revenant à Paris, vous avez cru que je n'oserais quitter le trésor sur lequel mon maître m'avait chargé de veiller. Ah! que m'importent à moi tous les trésors du monde et tous les rois de la terre! Huit jours après, j'étais de retour, madame. Cette fois, vous n'avez rien eu à me dire: j'avais risqué ma faveur, ma vie, pour vous voir une seconde, je n'ai pas même touché votre main, et vous m'avez pardonné en me voyant si soumis et si repentant. -- Oui, mais la calomnie s'est emparée de toutes ces folies dans lesquelles je n'étais pour rien, vous le savez bien, Milord. Le roi, excité par M. le cardinal, a fait un éclat terrible: Mme de Vernet a été chassée, Putange exilé, Mme de Chevreuse est tombée en défaveur, et lorsque vous avez voulu revenir comme ambassadeur en France, le roi lui-même, souvenez-vous-en, Milord, le roi lui-même s'y est opposé. -- Oui, et la France va payer d'une guerre le refus de son roi. Je ne puis plus vous voir, madame; eh bien, je veux chaque jour que vous entendiez parler de moi. «Quel but pensez-vous qu'aient eu cette expédition de Ré et cette ligue avec les protestants de La Rochelle que je projette? Le plaisir de vous voir! «Je n'ai pas l'espoir de pénétrer à main armée jusqu'à Paris, je le sais bien: mais cette guerre pourra amener une paix, cette paix nécessitera un négociateur, ce négociateur ce sera moi. On n'osera plus me refuser alors, et je reviendrai à Paris, et je vous reverrai, et je serai heureux un instant. Des milliers d'hommes, il est vrai, auront payé mon bonheur de leur vie; mais que m'importera, à moi, pourvu que je vous revoie! Tout cela est peut- être bien fou, peut-être bien insensé; mais, dites-moi, quelle femme a un amant plus amoureux? quelle reine a eu un serviteur plus ardent? -- Milord, Milord, vous invoquez pour votre défense des choses qui vous accusent encore; Milord, toutes ces preuves d'amour que vous voulez me donner sont presque des crimes. -- Parce que vous ne m'aimez pas, madame: si vous m'aimiez, vous verriez tout cela autrement, si vous m'aimiez, oh! mais, si vous m'aimiez, ce serait trop de bonheur et je deviendrais fou. Ah! Mme de Chevreuse dont vous parliez tout à l'heure, Mme de Chevreuse a été moins cruelle que vous; Holland l'a aimée, et elle a répondu à son amour. -- Mme de Chevreuse n'était pas reine, murmura Anne d'Autriche, vaincue malgré elle par l'expression d'un amour si profond. -- Vous m'aimeriez donc si vous ne l'étiez pas, vous, madame, dites, vous m'aimeriez donc? Je puis donc croire que c'est la dignité seule de votre rang qui vous fait cruelle pour moi; je puis donc croire que si vous eussiez été Mme de Chevreuse, le pauvre Buckingham aurait pu espérer? Merci de ces douces paroles, ô ma belle Majesté, cent fois merci. -- Ah! Milord, vous avez mal entendu, mal interprété; je n'ai pas voulu dire... -- Silence! Silence! dit le duc, si je suis heureux d'une erreur, n'ayez pas la cruauté de me l'enlever. Vous l'avez dit vous-même, on m'a attiré dans un piège, j'y laisserai ma vie peut-être, car, tenez, c'est étrange, depuis quelque temps j'ai des pressentiments que je vais mourir.» Et le duc sourit d'un sourire triste et charmant à la fois. «Oh! mon Dieu! s'écria Anne d'Autriche avec un accent d'effroi qui prouvait quel intérêt plus grand qu'elle ne le voulait dire elle prenait au duc. -- Je ne vous dis point cela pour vous effrayer, madame, non; c'est même ridicule ce que je vous dis, et croyez que je ne me préoccupe point de pareils rêves. Mais ce mot que vous venez de dire, cette espérance que vous m'avez presque donnée, aura tout payé, fût-ce même ma vie. -- Eh bien, dit Anne d'Autriche, moi aussi, duc, moi, j'ai des pressentiments, moi aussi j'ai des rêves. J'ai songé que je vous voyais couché sanglant, frappé d'une blessure. -- Au côté gauche, n'est-ce pas, avec un couteau? interrompit Buckingham. -- Oui, c'est cela, Milord, c'est cela, au côté gauche avec un couteau. Qui a pu vous dire que j'avais fait ce rêve? Je ne l'ai confié qu'à Dieu, et encore dans mes prières. -- Je n'en veux pas davantage, et vous m'aimez, madame, c'est bien. -- Je vous aime, moi? -- Oui, vous. Dieu vous enverrait-il les mêmes rêves qu'à moi, si vous ne m'aimiez pas? Aurions-nous les mêmes pressentiments, si nos deux existences ne se touchaient pas par le coeur? Vous m'aimez, ô reine, et vous me pleurerez? -- Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'écria Anne d'Autriche, c'est plus que je n'en puis supporter. Tenez, duc, au nom du Ciel, partez, retirez-vous; je ne sais si je vous aime, ou si je ne vous aime pas; mais ce que je sais, c'est que je ne serai point parjure. Prenez donc pitié de moi, et partez. Oh! si vous êtes frappé en France, si vous mourez en France, si je pouvais supposer que votre amour pour moi fût cause de votre mort, je ne me consolerais jamais, j'en deviendrais folle. Partez donc, partez, je vous en supplie. -- Oh! que vous êtes belle ainsi! Oh! que je vous aime! dit Buckingham. -- Partez! partez! je vous en supplie, et revenez plus tard; revenez comme ambassadeur, revenez comme ministre, revenez entouré de gardes qui vous défendront, de serviteurs qui veilleront sur vous, et alors je ne craindrai plus pour vos jours, et j'aurai du bonheur à vous revoir. -- Oh! est-ce bien vrai ce que vous me dites? -- Oui... -- Eh bien, un gage de votre indulgence, un objet qui vienne de vous et qui me rappelle que je n'ai point fait un rêve; quelque chose que vous ayez porté et que je puisse porter à mon tour, une bague, un collier, une chaîne. -- Et partirez-vous, partirez-vous, si je vous donne ce que vous me demandez? -- Oui. -- À l'instant même? -- Oui. -- Vous quitterez la France, vous retournerez en Angleterre? -- Oui, je vous le jure! -- Attendez, alors, attendez.» Et Anne d'Autriche rentra dans son appartement et en sortit presque aussitôt, tenant à la main un petit coffret en bois de rose à son chiffre, tout incrusté d'or. «Tenez, Milord duc, tenez, dit-elle, gardez cela en mémoire de moi.» Buckingham prit le coffret et tomba une seconde fois à genoux. «Vous m'avez promis de partir, dit la reine. -- Et je tiens ma parole. Votre main, votre main, madame, et je pars.» Anne d'Autriche tendit sa main en fermant les yeux et en s'appuyant de l'autre sur Estefania, car elle sentait que les forces allaient lui manquer. Buckingham appuya avec passion ses lèvres sur cette belle main, puis se relevant: «Avant six mois, dit-il, si je ne suis pas mort, je vous aurai revue, madame, dussé-je bouleverser le monde pour cela.» Et, fidèle à la promesse qu'il avait faite, il s'élança hors de l'appartement. Dans le corridor, il rencontra Mme Bonacieux qui l'attendait, et qui, avec les mêmes précautions et le même bonheur, le reconduisit hors du Louvre. CHAPITRE XIII MONSIEUR BONACIEUX Il y avait dans tout cela, comme on a pu le remarquer, un personnage dont, malgré sa position précaire, on n'avait paru s'inquiéter que fort médiocrement; ce personnage était M. Bonacieux, respectable martyr des intrigues politiques et amoureuses qui s'enchevêtraient si bien les unes aux autres, dans cette époque à la fois si chevaleresque et si galante. Heureusement -- le lecteur se le rappelle ou ne se le rappelle pas -- heureusement que nous avons promis de ne pas le perdre de vue. Les estafiers qui l'avaient arrêté le conduisirent droit à la Bastille, où on le fit passer tout tremblant devant un peloton de soldats qui chargeaient leurs mousquets. De là, introduit dans une galerie demi-souterraine, il fut, de la part de ceux qui l'avaient amené, l'objet des plus grossières injures et des plus farouches traitements. Les sbires voyaient qu'ils n'avaient pas affaire à un gentilhomme, et ils le traitaient en véritable croquant. Au bout d'une demi-heure à peu près, un greffier vint mettre fin à ses tortures, mais non pas à ses inquiétudes, en donnant l'ordre de conduire M. Bonacieux dans la chambre des interrogatoires. Ordinairement on interrogeait les prisonniers chez eux, mais avec M. Bonacieux on n'y faisait pas tant de façons. Deux gardes s'emparèrent du mercier, lui firent traverser une cour, le firent entrer dans un corridor où il y avait trois sentinelles, ouvrirent une porte et le poussèrent dans une chambre basse, où il n'y avait pour tous meubles qu'une table, une chaise et un commissaire. Le commissaire était assis sur la chaise et occupé à écrire sur la table. Les deux gardes conduisirent le prisonnier devant la table et, sur un signe du commissaire, s'éloignèrent hors de la portée de la voix. Le commissaire, qui jusque-là avait tenu sa tête baissée sur ses papiers, la releva pour voir à qui il avait affaire. Ce commissaire était un homme à la mine rébarbative, au nez pointu, aux pommettes jaunes et saillantes, aux yeux petits mais investigateurs et vifs, à la physionomie tenant à la fois de la fouine et du renard. Sa tête, supportée par un cou long et mobile, sortait de sa large robe noire en se balançant avec un mouvement à peu près pareil à celui de la tortue tirant sa tête hors de sa carapace. Il commença par demander à M. Bonacieux ses nom et prénoms, son âge, son état et son domicile. L'accusé répondit qu'il s'appelait Jacques-Michel Bonacieux, qu'il était âgé de cinquante et un ans, mercier retiré et qu'il demeurait rue des Fossoyeurs, n° 11. Le commissaire alors, au lieu de continuer à l'interroger, lui fit un grand discours sur le danger qu'il y a pour un bourgeois obscur à se mêler des choses publiques. Il compliqua cet exorde d'une exposition dans laquelle il raconta la puissance et les actes de M. le cardinal, ce ministre incomparable, ce vainqueur des ministres passés, cet exemple des ministres à venir: actes et puissance que nul ne contrecarrait impunément. Après cette deuxième partie de son discours, fixant son regard d'épervier sur le pauvre Bonacieux, il l'invita à réfléchir à la gravité de sa situation. Les réflexions du mercier étaient toutes faites: il donnait au diable l'instant où M. de La Porte avait eu l'idée de le marier avec sa filleule, et l'instant surtout où cette filleule avait été reçue dame de la lingerie chez la reine. Le fond du caractère de maître Bonacieux était un profond égoïsme mêlé à une avarice sordide, le tout assaisonné d'une poltronnerie extrême. L'amour que lui avait inspiré sa jeune femme, étant un sentiment tout secondaire, ne pouvait lutter avec les sentiments primitifs que nous venons d'énumérer. Bonacieux réfléchit, en effet, sur ce qu'on venait de lui dire. «Mais, monsieur le commissaire, dit-il timidement, croyez bien que je connais et que j'apprécie plus que personne le mérite de l'incomparable Éminence par laquelle nous avons l'honneur d'être gouvernés. -- Vraiment? demanda le commissaire d'un air de doute; mais s'il en était véritablement ainsi, comment seriez-vous à la Bastille? -- Comment j'y suis, ou plutôt pourquoi j'y suis, répliqua M. Bonacieux, voilà ce qu'il m'est parfaitement impossible de vous dire, vu que je l'ignore moi-même; mais, à coup sûr, ce n'est pas pour avoir désobligé, sciemment du moins, M. le cardinal. -- Il faut cependant que vous ayez commis un crime, puisque vous êtes ici accusé de haute trahison. -- De haute trahison! s'écria Bonacieux épouvanté, de haute trahison! et comment voulez-vous qu'un pauvre mercier qui déteste les huguenots et qui abhorre les Espagnols soit accusé de haute trahison? Réfléchissez, monsieur, la chose est matériellement impossible. -- Monsieur Bonacieux, dit le commissaire en regardant l'accusé comme si ses petits yeux avaient la faculté de lire jusqu'au plus profond des coeurs, monsieur Bonacieux, vous avez une femme? -- Oui, monsieur, répondit le mercier tout tremblant, sentant que c'était là où les affaires allaient s'embrouiller; c'est-à-dire, j'en avais une. -- Comment? vous en aviez une! qu'en avez-vous fait, si vous ne l'avez plus? -- On me l'a enlevée, monsieur. -- On vous l'a enlevée? dit le commissaire. Ah!» Bonacieux sentit à ce «ah!» que l'affaire s'embrouillait de plus en plus. «On vous l'a enlevée! reprit le commissaire, et savez-vous quel est l'homme qui a commis ce rapt? -- Je crois le connaître. -- Quel est-il? -- Songez que je n'affirme rien, monsieur le commissaire, et que je soupçonne seulement. -- Qui soupçonnez-vous? Voyons, répondez franchement.» M. Bonacieux était dans la plus grande perplexité: devait-il tout nier ou tout dire? En niant tout, on pouvait croire qu'il en savait trop long pour avouer; en disant tout, il faisait preuve de bonne volonté. Il se décida donc à tout dire. «Je soupçonne, dit-il, un grand brun, de haute mine, lequel a tout à fait l'air d'un grand seigneur; il nous a suivis plusieurs fois, à ce qu'il m'a semblé, quand j'attendais ma femme devant le guichet du Louvre pour la ramener chez moi.» Le commissaire parut éprouver quelque inquiétude. «Et son nom? dit-il. -- Oh! quant à son nom, je n'en sais rien, mais si je le rencontre jamais, je le reconnaîtrai à l'instant même, je vous en réponds, fût-il entre mille personnes.» Le front du commissaire se rembrunit. «Vous le reconnaîtriez entre mille, dites-vous? continua-t-il... -- C'est-à-dire, reprit Bonacieux, qui vit qu'il avait fait fausse route, c'est-à-dire... -- Vous avez répondu que vous le reconnaîtriez, dit le commissaire; c'est bien, en voici assez pour aujourd'hui; il faut, avant que nous allions plus loin, que quelqu'un soit prévenu que vous connaissez le ravisseur de votre femme. -- Mais je ne vous ai pas dit que je le connaissais! s'écria Bonacieux au désespoir. Je vous ai dit au contraire... -- Emmenez le prisonnier, dit le commissaire aux deux gardes. -- Et où faut-il le conduire? demanda le greffier. -- Dans un cachot. -- Dans lequel? -- Oh! mon Dieu, dans le premier venu, pourvu qu'il ferme bien», répondit le commissaire avec une indifférence qui pénétra d'horreur le pauvre Bonacieux. «Hélas! hélas! se dit-il, le malheur est sur ma tête; ma femme aura commis quelque crime effroyable; on me croit son complice, et l'on me punira avec elle: elle en aura parlé, elle aura avoué qu'elle m'avait tout dit; une femme, c'est si faible! Un cachot, le premier venu! c'est cela! une nuit est bientôt passée; et demain, à la roue, à la potence! Oh! mon Dieu! mon Dieu! ayez pitié de moi!» Sans écouter le moins du monde les lamentations de maître Bonacieux, lamentations auxquelles d'ailleurs ils devaient être habitués, les deux gardes prirent le prisonnier par un bras, et l'emmenèrent, tandis que le commissaire écrivait en hâte une lettre que son greffier attendait. Bonacieux ne ferma pas l'oeil, non pas que son cachot fût par trop désagréable, mais parce que ses inquiétudes étaient trop grandes. Il resta toute la nuit sur son escabeau, tressaillant au moindre bruit; et quand les premiers rayons du jour se glissèrent dans sa chambre, l'aurore lui parut avoir pris des teintes funèbres. Tout à coup, il entendit tirer les verrous, et il fit un soubresaut terrible. Il croyait qu'on venait le chercher pour le conduire à l'échafaud; aussi, lorsqu'il vit purement et simplement paraître, au lieu de l'exécuteur qu'il attendait, son commissaire et son greffier de la veille, il fut tout près de leur sauter au cou. «Votre affaire s'est fort compliquée depuis hier au soir, mon brave homme, lui dit le commissaire, et je vous conseille de dire toute la vérité; car votre repentir peut seul conjurer la colère du cardinal. -- Mais je suis prêt à tout dire, s'écria Bonacieux, du moins tout ce que je sais. Interrogez, je vous prie. -- Où est votre femme, d'abord? -- Mais puisque je vous ai dit qu'on me l'avait enlevée. -- Oui, mais depuis hier cinq heures de l'après-midi, grâce à vous, elle s'est échappée. -- Ma femme s'est échappée! s'écria Bonacieux. Oh! la malheureuse! monsieur, si elle s'est échappée, ce n'est pas ma faute, je vous le jure. -- Qu'alliez-vous donc alors faire chez M. d'Artagnan votre voisin, avec lequel vous avez eu une longue conférence dans la journée? -- Ah! oui, monsieur le commissaire, oui, cela est vrai, et j'avoue que j'ai eu tort. J'ai été chez M. d'Artagnan. -- Quel était le but de cette visite? -- De le prier de m'aider à retrouver ma femme. Je croyais que j'avais droit de la réclamer; je me trompais, à ce qu'il paraît, et je vous en demande bien pardon. -- Et qu'a répondu M. d'Artagnan? -- M. d'Artagnan m'a promis son aide; mais je me suis bientôt aperçu qu'il me trahissait. -- Vous en imposez à la justice! M. d'Artagnan a fait un pacte avec vous, et en vertu de ce pacte il a mis en fuite les hommes de police qui avaient arrêté votre femme, et l'a soustraite à toutes les recherches. -- M. d'Artagnan a enlevé ma femme! Ah çà, mais que me dites-vous là? -- Heureusement M. d'Artagnan est entre nos mains, et vous allez lui être confronté. -- Ah! ma foi, je ne demande pas mieux, s'écria Bonacieux; je ne serais pas fâché de voir une figure de connaissance. -- Faites entrer M. d'Artagnan», dit le commissaire aux deux gardes. Les deux gardes firent entrer Athos. «Monsieur d'Artagnan, dit le commissaire en s'adressant à Athos, déclarez ce qui s'est passé entre vous et monsieur. -- Mais! s'écria Bonacieux, ce n'est pas M. d'Artagnan que vous me montrez là! -- Comment! ce n'est pas M. d'Artagnan? s'écria le commissaire. -- Pas le moins du monde, répondit Bonacieux. -- Comment se nomme monsieur? demanda le commissaire. -- Je ne puis vous le dire, je ne le connais pas. -- Comment! vous ne le connaissez pas? -- Non. -- Vous ne l'avez jamais vu? -- Si fait; mais je ne sais comment il s'appelle. -- Votre nom? demanda le commissaire. -- Athos, répondit le mousquetaire. -- Mais ce n'est pas un nom d'homme, ça, c'est un nom de montagne! s'écria le pauvre interrogateur qui commençait à perdre la tête. -- C'est mon nom, dit tranquillement Athos. -- Mais vous avez dit que vous vous nommiez d'Artagnan. -- Moi? -- Oui, vous. -- C'est-à-dire que c'est à moi qu'on a dit: «Vous êtes M. d'Artagnan?» J'ai répondu: «Vous croyez?» Mes gardes se sont écriés qu'ils en étaient sûrs. Je n'ai pas voulu les contrarier. D'ailleurs je pouvais me tromper. -- Monsieur, vous insultez à la majesté de la justice. -- Aucunement, fit tranquillement Athos. -- Vous êtes M. d'Artagnan. -- Vous voyez bien que vous me le dites encore. -- Mais, s'écria à son tour M. Bonacieux, je vous dis, monsieur le commissaire, qu'il n'y a pas un instant de doute à avoir. M. d'Artagnan est mon hôte, et par conséquent, quoiqu'il ne me paie pas mes loyers, et justement même à cause de cela, je dois le connaître. M. d'Artagnan est un jeune homme de dix-neuf à vingt ans à peine, et monsieur en a trente au moins. M. d'Artagnan est dans les gardes de M. des Essarts, et monsieur est dans la compagnie des mousquetaires de M. de Tréville: regardez l'uniforme, monsieur le commissaire, regardez l'uniforme. -- C'est vrai, murmura le commissaire; c'est pardieu vrai.» En ce moment la porte s'ouvrit vivement, et un messager, introduit par un des guichetiers de la Bastille, remit une lettre au commissaire. «Oh! la malheureuse! s'écria le commissaire. -- Comment? que dites-vous? de qui parlez-vous? Ce n'est pas de ma femme, j'espère! -- Au contraire, c'est d'elle. Votre affaire est bonne, allez. -- Ah çà, s'écria le mercier exaspéré, faites-moi le plaisir de me dire, monsieur, comment mon affaire à moi peut s'empirer de ce que fait ma femme pendant que je suis en prison! -- Parce que ce qu'elle fait est la suite d'un plan arrêté entre vous, plan infernal! -- Je vous jure, monsieur le commissaire, que vous êtes dans la plus profonde erreur, que je ne sais rien au monde de ce que devait faire ma femme, que je suis entièrement étranger à ce qu'elle a fait, et que, si elle a fait des sottises, je la renie, je la démens, je la maudis. -- Ah çà, dit Athos au commissaire, si vous n'avez plus besoin de moi ici, renvoyez-moi quelque part, il est très ennuyeux, votre monsieur Bonacieux. -- Reconduisez les prisonniers dans leurs cachots, dit le commissaire en désignant d'un même geste Athos et Bonacieux, et qu'ils soient gardés plus sévèrement que jamais. -- Cependant, dit Athos avec son calme habituel, si c'est à M. d'Artagnan que vous avez affaire, je ne vois pas trop en quoi je puis le remplacer. -- Faites ce que j'ai dit! s'écria le commissaire, et le secret le plus absolu! Vous entendez!» Athos suivit ses gardes en levant les épaules, et M. Bonacieux en poussant des lamentations à fendre le coeur d'un tigre. On ramena le mercier dans le même cachot où il avait passé la nuit, et l'on l'y laissa toute la journée. Toute la journée Bonacieux pleura comme un véritable mercier, n'étant pas du tout homme d'épée, il nous l'a dit lui-même. Le soir, vers les neuf heures, au moment où il allait se décider à se mettre au lit, il entendit des pas dans son corridor. Ces pas se rapprochèrent de son cachot, sa porte s'ouvrit, des gardes parurent. «Suivez-moi, dit un exempt qui venait à la suite des gardes. -- Vous suivre! s'écria Bonacieux; vous suivre à cette heure-ci! et où cela, mon Dieu? -- Où nous avons l'ordre de vous conduire. -- Mais ce n'est pas une réponse, cela. -- C'est cependant la seule que nous puissions vous faire. -- Ah! mon Dieu, mon Dieu, murmura le pauvre mercier, pour cette fois je suis perdu!» Et il suivit machinalement et sans résistance les gardes qui venaient le quérir. Il prit le même corridor qu'il avait déjà pris, traversa une première cour, puis un second corps de logis; enfin, à la porte de la cour d'entrée, il trouva une voiture entourée de quatre gardes à cheval. On le fit monter dans cette voiture, l'exempt se plaça près de lui, on ferma la portière à clef, et tous deux se trouvèrent dans une prison roulante. La voiture se mit en mouvement, lente comme un char funèbre. À travers la grille cadenassée, le prisonnier apercevait les maisons et le pavé, voilà tout; mais, en véritable Parisien qu'il était, Bonacieux reconnaissait chaque rue aux bornes, aux enseignes, aux réverbères. Au moment d'arriver à Saint-Paul, lieu où l'on exécutait les condamnés de la Bastille, il faillit s'évanouir et se signa deux fois. Il avait cru que la voiture devait s'arrêter là. La voiture passa cependant. Plus loin, une grande terreur le prit encore, ce fut en côtoyant le cimetière Saint-Jean où on enterrait les criminels d'État. Une seule chose le rassura un peu, c'est qu'avant de les enterrer on leur coupait généralement la tête, et que sa tête à lui était encore sur ses épaules. Mais lorsqu'il vit que la voiture prenait la route de la Grève, qu'il aperçut les toits aigus de l'hôtel de ville, que la voiture s'engagea sous l'arcade, il crut que tout était fini pour lui, voulut se confesser à l'exempt, et, sur son refus, poussa des cris si pitoyables que l'exempt annonça que, s'il continuait à l'assourdir ainsi, il lui mettrait un bâillon. Cette menace rassura quelque peu Bonacieux: si l'on eût dû l'exécuter en Grève, ce n'était pas la peine de le bâillonner, puisqu'on était presque arrivé au lieu de l'exécution. En effet, la voiture traversa la place fatale sans s'arrêter. Il ne restait plus à craindre que la Croix-du-Trahoir: la voiture en prit justement le chemin. Cette fois, il n'y avait plus de doute, c'était à la Croix-du- Trahoir qu'on exécutait les criminels subalternes. Bonacieux s'était flatté en se croyant digne de Saint-Paul ou de la place de Grève: c'était à la Croix-du-Trahoir qu'allaient finir son voyage et sa destinée! Il ne pouvait voir encore cette malheureuse croix, mais il la sentait en quelque sorte venir au-devant de lui. Lorsqu'il n'en fut plus qu'à une vingtaine de pas, il entendit une rumeur, et la voiture s'arrêta. C'était plus que n'en pouvait supporter le pauvre Bonacieux, déjà écrasé par les émotions successives qu'il avait éprouvées; il poussa un faible gémissement, qu'on eût pu prendre pour le dernier soupir d'un moribond, et il s'évanouit. CHAPITRE XIV L'HOMME DE MEUNG Ce rassemblement était produit non point par l'attente d'un homme qu'on devait pendre, mais par la contemplation d'un pendu. La voiture, arrêtée un instant, reprit donc sa marche, traversa la foule, continua son chemin, enfila la rue Saint-Honoré, tourna la rue des Bons-Enfants et s'arrêta devant une porte basse. La porte s'ouvrit, deux gardes reçurent dans leurs bras Bonacieux, soutenu par l'exempt; on le poussa dans une allée, on lui fit monter un escalier, et on le déposa dans une antichambre. Tous ces mouvements s'étaient opérés pour lui d'une façon machinale. Il avait marché comme on marche en rêve; il avait entrevu les objets à travers un brouillard; ses oreilles avaient perçu des sons sans les comprendre; on eût pu l'exécuter dans ce moment qu'il n'eût pas fait un geste pour entreprendre sa défense, qu'il n'eût pas poussé un cri pour implorer la pitié. Il resta donc ainsi sur la banquette, le dos appuyé au mur et les bras pendants, à l'endroit même où les gardes l'avaient déposé. Cependant, comme, en regardant autour de lui, il ne voyait aucun objet menaçant, comme rien n'indiquait qu'il courût un danger réel, comme la banquette était convenablement rembourrée, comme la muraille était recouverte d'un beau cuir de Cordoue, comme de grands rideaux de damas rouge flottaient devant la fenêtre, retenus par des embrasses d'or, il comprit peu à peu que sa frayeur était exagérée, et il commença de remuer la tête à droite et à gauche et de bas en haut. À ce mouvement, auquel personne ne s'opposa, il reprit un peu de courage et se risqua à ramener une jambe, puis l'autre; enfin, en s'aidant de ses deux mains, il se souleva sur sa banquette et se trouva sur ses pieds. En ce moment, un officier de bonne mine ouvrit une portière, continua d'échanger encore quelques paroles avec une personne qui se trouvait dans la pièce voisine, et se retournant vers le prisonnier: «C'est vous qui vous nommez Bonacieux? dit-il. -- Oui, monsieur l'officier, balbutia le mercier, plus mort que vif, pour vous servir. -- Entrez», dit l'officier. Et il s'effaça pour que le mercier pût passer. Celui-ci obéit sans réplique, et entra dans la chambre où il paraissait être attendu. C'était un grand cabinet, aux murailles garnies d'armes offensives et défensives, clos et étouffé, et dans lequel il y avait déjà du feu, quoique l'on fût à peine à la fin du mois de septembre. Une table carrée, couverte de livres et de papiers sur lesquels était déroulé un plan immense de la ville de La Rochelle, tenait le milieu de l'appartement. Debout devant la cheminée était un homme de moyenne taille, à la mine haute et fière, aux yeux perçants, au front large, à la figure amaigrie qu'allongeait encore une royale surmontée d'une paire de moustaches. Quoique cet homme eût trente-six à trente- sept ans à peine, cheveux, moustache et royale s'en allaient grisonnant. Cet homme, moins l'épée, avait toute la mine d'un homme de guerre, et ses bottes de buffle encore légèrement couvertes de poussière indiquaient qu'il avait monté à cheval dans la journée. Cet homme, c'était Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, non point tel qu'on nous le représente, cassé comme un vieillard, souffrant comme un martyr, le corps brisé, la voix éteinte, enterré dans un grand fauteuil comme dans une tombe anticipée, ne vivant plus que par la force de son génie, et ne soutenant plus la lutte avec l'Europe que par l'éternelle application de sa pensée, mais tel qu'il était réellement à cette époque, c'est-à-dire adroit et galant cavalier, faible de corps déjà, mais soutenu par cette puissance morale qui a fait de lui un des hommes les plus extraordinaires qui aient existé; se préparant enfin, après avoir soutenu le duc de Nevers dans son duché de Mantoue, après avoir pris Nîmes, Castres et Uzès, à chasser les Anglais de l'île de Ré et à faire le siège de La Rochelle. À la première vue, rien ne dénotait donc le cardinal, et il était impossible à ceux-là qui ne connaissaient point son visage de deviner devant qui ils se trouvaient. Le pauvre mercier demeura debout à la porte, tandis que les yeux du personnage que nous venons de décrire se fixaient sur lui, et semblaient vouloir pénétrer jusqu'au fond du passé. «C'est là ce Bonacieux? demanda-t-il après un moment de silence. -- Oui, Monseigneur, reprit l'officier. -- C'est bien, donnez-moi ces papiers et laissez-nous.» L'officier prit sur la table les papiers désignés, les remit à celui qui les demandait, s'inclina jusqu'à terre, et sortit. Bonacieux reconnut dans ces papiers ses interrogatoires de la Bastille. De temps en temps, l'homme de la cheminée levait les yeux de dessus les écritures, et les plongeait comme deux poignards jusqu'au fond du coeur du pauvre mercier. Au bout de dix minutes de lecture et dix secondes d'examen, le cardinal était fixé. «Cette tête-là n'a jamais conspiré», murmura-t-il; mais n'importe, voyons toujours. -- Vous êtes accusé de haute trahison, dit lentement le cardinal. -- C'est ce qu'on m'a déjà appris, Monseigneur, s'écria Bonacieux, donnant à son interrogateur le titre qu'il avait entendu l'officier lui donner; mais je vous jure que je n'en savais rien.» Le cardinal réprima un sourire. «Vous avez conspiré avec votre femme, avec Mme de Chevreuse et avec Milord duc de Buckingham. -- En effet, Monseigneur, répondit le mercier, je l'ai entendue prononcer tous ces noms-là. -- Et à quelle occasion? -- Elle disait que le cardinal de Richelieu avait attiré le duc de Buckingham à Paris pour le perdre et pour perdre la reine avec lui. -- Elle disait cela? s'écria le cardinal avec violence. -- Oui, Monseigneur; mais moi je lui ai dit qu'elle avait tort de tenir de pareils propos, et que Son Éminence était incapable... -- Taisez-vous, vous êtes un imbécile, reprit le cardinal. -- C'est justement ce que ma femme m'a répondu, Monseigneur. -- Savez-vous qui a enlevé votre femme? -- Non, Monseigneur. -- Vous avez des soupçons, cependant? -- Oui, Monseigneur; mais ces soupçons ont paru contrarier M. le commissaire, et je ne les ai plus. -- Votre femme s'est échappée, le saviez-vous? -- Non, Monseigneur, je l'ai appris depuis que je suis en prison, et toujours par l'entremise de M. le commissaire, un homme bien aimable!» Le cardinal réprima un second sourire. «Alors vous ignorez ce que votre femme est devenue depuis sa fuite? -- Absolument, Monseigneur; mais elle a dû rentrer au Louvre. -- À une heure du matin elle n'y était pas rentrée encore. -- Ah! mon Dieu! mais qu'est-elle devenue alors? -- On le saura, soyez tranquille; on ne cache rien au cardinal; le cardinal sait tout. -- En ce cas, Monseigneur, est-ce que vous croyez que le cardinal consentira à me dire ce qu'est devenue ma femme? -- Peut-être; mais il faut d'abord que vous avouiez tout ce que vous savez relativement aux relations de votre femme avec Mme de Chevreuse. -- Mais, Monseigneur, je n'en sais rien; je ne l'ai jamais vue. -- Quand vous alliez chercher votre femme au Louvre, revenait-elle directement chez vous? -- Presque jamais: elle avait affaire à des marchands de toile, chez lesquels je la conduisais. -- Et combien y en avait-il de marchands de toile? -- Deux, Monseigneur. -- Où demeurent-ils? -- Un, rue de Vaugirard; l'autre, rue de La Harpe. -- Entriez-vous chez eux avec elle? -- Jamais, Monseigneur; je l'attendais à la porte. -- Et quel prétexte vous donnait-elle pour entrer ainsi toute seule? -- Elle ne m'en donnait pas; elle me disait d'attendre, et j'attendais. -- Vous êtes un mari complaisant, mon cher monsieur Bonacieux!» dit le cardinal. «Il m'appelle son cher monsieur! dit en lui-même le mercier. Peste! les affaires vont bien!» «Reconnaîtriez-vous ces portes? -- Oui. -- Savez-vous les numéros? -- Oui. -- Quels sont-ils? -- N° 25, dans la rue de Vaugirard; n° 75, dans la rue de La Harpe. -- C'est bien», dit le cardinal. À ces mots, il prit une sonnette d'argent, et sonna; l'officier rentra. «Allez, dit-il à demi-voix, me chercher Rochefort; et qu'il vienne à l'instant même, s'il est rentré. -- Le comte est là, dit l'officier, il demande instamment à parler à Votre Éminence!» «À Votre Éminence! murmura Bonacieux, qui savait que tel était le titre qu'on donnait d'ordinaire à M. le cardinal;... à Votre Éminence!» «Qu'il vienne alors, qu'il vienne!» dit vivement Richelieu. L'officier s'élança hors de l'appartement, avec cette rapidité que mettaient d'ordinaire tous les serviteurs du cardinal à lui obéir. «À Votre Éminence!» murmurait Bonacieux en roulant des yeux égarés. Cinq secondes ne s'étaient pas écoulées depuis la disparition de l'officier, que la porte s'ouvrit et qu'un nouveau personnage entra. «C'est lui, s'écria Bonacieux. -- Qui lui? demanda le cardinal. -- Celui qui m'a enlevé ma femme.» Le cardinal sonna une seconde fois. L'officier reparut. «Remettez cet homme aux mains de ses deux gardes, et qu'il attende que je le rappelle devant moi. -- Non, Monseigneur! non, ce n'est pas lui! s'écria Bonacieux; non, je m'étais trompé: c'est un autre qui ne lui ressemble pas du tout! Monsieur est un honnête homme. -- Emmenez cet imbécile!» dit le cardinal. L'officier prit Bonacieux sous le bras, et le reconduisit dans l'antichambre où il trouva ses deux gardes. Le nouveau personnage qu'on venait d'introduire suivit des yeux avec impatience Bonacieux jusqu'à ce qu'il fût sorti, et dès que la porte se fut refermée sur lui: «Ils se sont vus, dit-il en s'approchant vivement du cardinal. -- Qui? demanda Son Éminence. -- Elle et lui. -- La reine et le duc? s'écria Richelieu. -- Oui. -- Et où cela? -- Au Louvre. -- Vous en êtes sûr? -- Parfaitement sûr. -- Qui vous l'a dit? -- Mme de Lannoy, qui est toute à Votre Éminence, comme vous le savez. -- Pourquoi ne l'a-t-elle pas dit plus tôt? -- Soit hasard, soit défiance, la reine a fait coucher Mme de Fargis dans sa chambre, et l'a gardée toute la journée. -- C'est bien, nous sommes battus. Tâchons de prendre notre revanche. -- Je vous y aiderai de toute mon âme, Monseigneur, soyez tranquille. -- Comment cela s'est-il passé? -- À minuit et demi, la reine était avec ses femmes... -- Où cela? -- Dans sa chambre à coucher... -- Bien. -- Lorsqu'on est venu lui remettre un mouchoir de la part de sa dame de lingerie... -- Après? -- Aussitôt la reine a manifesté une grande émotion, et, malgré le rouge dont elle avait le visage couvert, elle a pâli. -- Après! après! -- Cependant, elle s'est levée, et d'une voix altérée: «Mesdames, a-t-elle dit, attendez-moi dix minutes, puis je reviens.» Et elle a ouvert la porte de son alcôve, puis elle est sortie. -- Pourquoi Mme de Lannoy n'est-elle pas venue vous prévenir à l'instant même? -- Rien n'était bien certain encore; d'ailleurs, la reine avait dit: «Mesdames, attendez-moi»; et elle n'osait désobéir à la reine. -- Et combien de temps la reine est-elle restée hors de la chambre? -- Trois quarts d'heure. -- Aucune de ses femmes ne l'accompagnait? -- Doña Estefania seulement. -- Et elle est rentrée ensuite? -- Oui, mais pour prendre un petit coffret de bois de rose à son chiffre, et sortir aussitôt. -- Et quand elle est rentrée, plus tard, a-t-elle rapporté le coffret? -- Non. -- Mme de Lannoy savait-elle ce qu'il y avait dans ce coffret? -- Oui: les ferrets en diamants que Sa Majesté a donnés à la reine. -- Et elle est rentrée sans ce coffret? -- Oui. -- L'opinion de Mme de Lannoy est qu'elle les a remis alors à Buckingham? -- Elle en est sûre. -- Comment cela? -- Pendant la journée, Mme de Lannoy, en sa qualité de dame d'atour de la reine, a cherché ce coffret, a paru inquiète de ne pas le trouver et a fini par en demander des nouvelles à la reine. -- Et alors, la reine...? -- La reine est devenue fort rouge et a répondu qu'ayant brisé la veille un de ses ferrets, elle l'avait envoyé raccommoder chez son orfèvre. -- Il faut y passer et s'assurer si la chose est vraie ou non. -- J'y suis passé. -- Eh bien, l'orfèvre? -- L'orfèvre n'a entendu parler de rien. -- Bien! bien! Rochefort, tout n'est pas perdu, et peut-être... peut-être tout est-il pour le mieux! -- Le fait est que je ne doute pas que le génie de Votre Éminence... -- Ne répare les bêtises de mon agent, n'est-ce pas? -- C'est justement ce que j'allais dire, si Votre Éminence m'avait laissé achever ma phrase. -- Maintenant, savez-vous où se cachaient la duchesse de Chevreuse et le duc de Buckingham? -- Non, Monseigneur, mes gens n'ont pu rien me dire de positif là- dessus. -- Je le sais, moi. -- Vous, Monseigneur? -- Oui, ou du moins je m'en doute. Ils se tenaient, l'un rue de Vaugirard, n° 25, et l'autre rue de La Harpe, n° 75. -- Votre Éminence veut-elle que je les fasse arrêter tous deux? -- Il sera trop tard, ils seront partis. -- N'importe, on peut s'en assurer. -- Prenez dix hommes de mes gardes, et fouillez les deux maisons. -- J'y vais, Monseigneur.» Et Rochefort s'élança hors de l'appartement. Le cardinal, resté seul, réfléchit un instant et sonna une troisième fois. Le même officier reparut. «Faites entrer le prisonnier», dit le cardinal. Maître Bonacieux fut introduit de nouveau, et, sur un signe du cardinal, l'officier se retira. «Vous m'avez trompé, dit sévèrement le cardinal. -- Moi, s'écria Bonacieux, moi, tromper Votre Éminence! -- Votre femme, en allant rue de Vaugirard et rue de La Harpe, n'allait pas chez des marchands de toile. -- Et où allait-elle, juste Dieu? -- Elle allait chez la duchesse de Chevreuse et chez le duc de Buckingham. -- Oui, dit Bonacieux rappelant tous ses souvenirs; oui, c'est cela, Votre Éminence a raison. J'ai dit plusieurs fois à ma femme qu'il était étonnant que des marchands de toile demeurassent dans des maisons pareilles, dans des maisons qui n'avaient pas d'enseignes, et chaque fois ma femme s'est mise à rire. Ah! Monseigneur, continua Bonacieux en se jetant aux pieds de l'Éminence, ah! que vous êtes bien le cardinal, le grand cardinal, l'homme de génie que tout le monde révère.» Le cardinal, tout médiocre qu'était le triomphe remporté sur un être aussi vulgaire que l'était Bonacieux, n'en jouit pas moins un instant; puis, presque aussitôt, comme si une nouvelle pensée se présentait à son esprit, un sourire plissa ses lèvres, et tendant la main au mercier: «Relevez-vous, mon ami, lui dit-il, vous êtes un brave homme. -- Le cardinal m'a touché la main! j'ai touché la main du grand homme! s'écria Bonacieux; le grand homme m'a appelé son ami! -- Oui, mon ami; oui! dit le cardinal avec ce ton paterne qu'il savait prendre quelquefois, mais qui ne trompait que les gens qui ne le connaissaient pas; et comme on vous a soupçonné injustement, eh bien, il vous faut une indemnité: tenez! prenez ce sac de cent pistoles, et pardonnez-moi. -- Que je vous pardonne, Monseigneur! dit Bonacieux hésitant à prendre le sac, craignant sans doute que ce prétendu don ne fût qu'une plaisanterie. Mais vous étiez bien libre de me faire arrêter, vous êtes bien libre de me faire torturer, vous êtes bien libre de me faire pendre: vous êtes le maître, et je n'aurais pas eu le plus petit mot à dire. Vous pardonner, Monseigneur! Allons donc, vous n'y pensez pas! -- Ah! mon cher monsieur Bonacieux! vous y mettez de la générosité, je le vois, et je vous en remercie. Ainsi donc, vous prenez ce sac, et vous vous en allez sans être trop mécontent? -- Je m'en vais enchanté, Monseigneur. -- Adieu donc, ou plutôt à revoir, car j'espère que nous nous reverrons. -- Tant que Monseigneur voudra, et je suis bien aux ordres de Son Éminence. -- Ce sera souvent, soyez tranquille, car j'ai trouvé un charme extrême à votre conversation. -- Oh! Monseigneur! -- Au revoir, monsieur Bonacieux, au revoir. Et le cardinal lui fit un signe de la main, auquel Bonacieux répondit en s'inclinant jusqu'à terre; puis il sortit à reculons, et quand il fut dans l'antichambre, le cardinal l'entendit qui, dans son enthousiasme, criait à tue-tête: «Vive Monseigneur! vive Son Éminence! vive le grand cardinal!» Le cardinal écouta en souriant cette brillante manifestation des sentiments enthousiastes de maître Bonacieux; puis, quand les cris de Bonacieux se furent perdus dans l'éloignement: «Bien, dit-il, voici désormais un homme qui se fera tuer pour moi.» Et le cardinal se mit à examiner avec la plus grande attention la carte de La Rochelle qui, ainsi que nous l'avons dit, était étendue sur son bureau, traçant avec un crayon la ligne où devait passer la fameuse digue qui, dix-huit mois plus tard, fermait le port de la cité assiégée. Comme il en était au plus profond de ses méditations stratégiques, la porte se rouvrit, et Rochefort rentra. «Eh bien? dit vivement le cardinal en se levant avec une promptitude qui prouvait le degré d'importance qu'il attachait à la commission dont il avait chargé le comte. -- Eh bien, dit celui-ci, une jeune femme de vingt-six à vingt- huit ans et un homme de trente-cinq à quarante ans ont logé effectivement, l'un quatre jours et l'autre cinq, dans les maisons indiquées par Votre Éminence: mais la femme est partie cette nuit, et l'homme ce matin. -- C'étaient eux! s'écria le cardinal, qui regardait à la pendule; et maintenant, continua-t-il, il est trop tard pour faire courir après: la duchesse est à Tours, et le duc à Boulogne. C'est à Londres qu'il faut les rejoindre. -- Quels sont les ordres de Votre Éminence? -- Pas un mot de ce qui s'est passé; que la reine reste dans une sécurité parfaite; qu'elle ignore que nous savons son secret; qu'elle croie que nous sommes à la recherche d'une conspiration quelconque. Envoyez-moi le garde des sceaux Séguier. -- Et cet homme, qu'en a fait Votre Éminence? -- Quel homme? demanda le cardinal. -- Ce Bonacieux? -- J'en ai fait tout ce qu'on pouvait en faire. J'en ai fait l'espion de sa femme.» Le comte de Rochefort s'inclina en homme qui reconnaît la grande supériorité du maître, et se retira. Resté seul, le cardinal s'assit de nouveau, écrivit une lettre qu'il cacheta de son sceau particulier, puis il sonna. L'officier entra pour la quatrième fois. «Faites-moi venir Vitray, dit-il, et dites-lui de s'apprêter pour un voyage.» Un instant après, l'homme qu'il avait demandé était debout devant lui, tout botté et tout éperonné. «Vitray, dit-il, vous allez partir tout courant pour Londres. Vous ne vous arrêterez pas un instant en route. Vous remettrez cette lettre à Milady. Voici un bon de deux cents pistoles, passez chez mon trésorier et faites-vous payer. Il y en a autant à toucher si vous êtes ici de retour dans six jours et si vous avez bien fait ma commission.» Le messager, sans répondre un seul mot, s'inclina, prit la lettre, le bon de deux cents pistoles, et sortit. Voici ce que contenait la lettre: «Milady, «Trouvez-vous au premier bal où se trouvera le duc de Buckingham. Il aura à son pourpoint douze ferrets de diamants, approchez-vous de lui et coupez-en deux. «Aussitôt que ces ferrets seront en votre possession, prévenez- moi.» CHAPITRE XV GENS DE ROBE ET GENS D'ÉPÉE Le lendemain du jour où ces événements étaient arrivés, Athos n'ayant point reparu, M. de Tréville avait été prévenu par d'Artagnan et par Porthos de sa disparition. Quant à Aramis, il avait demandé un congé de cinq jours, et il était à Rouen, disait-on, pour affaires de famille. M. de Tréville était le père de ses soldats. Le moindre et le plus inconnu d'entre eux, dès qu'il portait l'uniforme de la compagnie, était aussi certain de son aide et de son appui qu'aurait pu l'être son frère lui-même. Il se rendit donc à l'instant chez le lieutenant criminel. On fit venir l'officier qui commandait le poste de la Croix-Rouge, et les renseignements successifs apprirent qu'Athos était momentanément logé au For-l'Évêque. Athos avait passé par toutes les épreuves que nous avons vu Bonacieux subir. Nous avons assisté à la scène de confrontation entre les deux captifs. Athos, qui n'avait rien dit jusque-là de peur que d'Artagnan, inquiété à son tour, n'eût point le temps qu'il lui fallait, Athos déclara, à partir de ce moment, qu'il se nommait Athos et non d'Artagnan. Il ajouta qu'il ne connaissait ni monsieur, ni madame Bonacieux, qu'il n'avait jamais parlé ni à l'un, ni à l'autre; qu'il était venu vers les dix heures du soir pour faire visite à M. d'Artagnan, son ami, mais que jusqu'à cette heure il était resté chez M. de Tréville, où il avait dîné; vingt témoins, ajouta-t-il, pouvaient attester le fait, et il nomma plusieurs gentilshommes distingués, entre autres M. le duc de La Trémouille. Le second commissaire fut aussi étourdi que le premier de la déclaration simple et ferme de ce mousquetaire, sur lequel il aurait bien voulu prendre la revanche que les gens de robe aiment tant à gagner sur les gens d'épée; mais le nom de M. de Tréville et celui de M. le duc de La Trémouille méritaient réflexion. Athos fut aussi envoyé au cardinal, mais malheureusement le cardinal était au Louvre chez le roi. C'était précisément le moment où M. de Tréville, sortant de chez le lieutenant criminel et de chez le gouverneur du For-l'Évêque, sans avoir pu trouver Athos, arriva chez Sa Majesté. Comme capitaine des mousquetaires, M. de Tréville avait à toute heure ses entrées chez le roi. On sait quelles étaient les préventions du roi contre la reine, préventions habilement entretenues par le cardinal, qui, en fait d'intrigues, se défiait infiniment plus des femmes que des hommes. Une des grandes causes surtout de cette prévention était l'amitié d'Anne d'Autriche pour Mme de Chevreuse. Ces deux femmes l'inquiétaient plus que les guerres avec l'Espagne, les démêlés avec l'Angleterre et l'embarras des finances. À ses yeux et dans sa conviction, Mme de Chevreuse servait la reine non seulement dans ses intrigues politiques, mais, ce qui le tourmentait bien plus encore, dans ses intrigues amoureuses. Au premier mot de ce qu'avait dit M. le cardinal, que Mme de Chevreuse, exilée à Tours et qu'on croyait dans cette ville, était venue à Paris et, pendant cinq jours qu'elle y était restée, avait dépisté la police, le roi était entré dans une furieuse colère. Capricieux et infidèle, le roi voulait être appelé Louis le Juste et Louis le Chaste. La postérité comprendra difficilement ce caractère, que l'histoire n'explique que par des faits et jamais par des raisonnements. Mais lorsque le cardinal ajouta que non seulement Mme de Chevreuse était venue à Paris, mais encore que la reine avait renoué avec elle à l'aide d'une de ces correspondances mystérieuses qu'à cette époque on nommait une cabale; lorsqu'il affirma que lui, le cardinal, allait démêler les fils les plus obscurs de cette intrigue, quand, au moment d'arrêter sur le fait, en flagrant délit, nanti de toutes les preuves, l'émissaire de la reine près de l'exilée, un mousquetaire avait osé interrompre violemment le cours de la justice en tombant, l'épée à la main, sur d'honnêtes gens de loi chargés d'examiner avec impartialité toute l'affaire pour la mettre sous les yeux du roi, -- Louis XIII ne se contint plus, il fit un pas vers l'appartement de la reine avec cette pâle et muette indignation qui, lorsqu'elle éclatait, conduisait ce prince jusqu'à la plus froide cruauté. Et cependant, dans tout cela, le cardinal n'avait pas encore dit un mot du duc de Buckingham. Ce fut alors que M. de Tréville entra, froid, poli et dans une tenue irréprochable. Averti de ce qui venait de se passer par la présence du cardinal et par l'altération de la figure du roi, M. de Tréville se sentit fort comme Samson devant les Philistins. Louis XIII mettait déjà la main sur le bouton de la porte; au bruit que fit M. de Tréville en entrant, il se retourna. «Vous arrivez bien, monsieur, dit le roi, qui, lorsque ses passions étaient montées à un certain point, ne savait pas dissimuler, et j'en apprends de belles sur le compte de vos mousquetaires. -- Et moi, dit froidement M. de Tréville, j'en ai de belles à apprendre à Votre Majesté sur ses gens de robe. -- Plaît-il? dit le roi avec hauteur. -- J'ai l'honneur d'apprendre à Votre Majesté, continua M. de Tréville du même ton, qu'un parti de procureurs, de commissaires et de gens de police, gens fort estimables mais fort acharnés, à ce qu'il paraît, contre l'uniforme, s'est permis d'arrêter dans une maison, d'emmener en pleine rue et de jeter au For-l'Évêque, tout cela sur un ordre que l'on a refusé de me représenter, un de mes mousquetaires, ou plutôt des vôtres, Sire, d'une conduite irréprochable, d'une réputation presque illustre, et que Votre Majesté connaît favorablement, M. Athos. -- Athos, dit le roi machinalement; oui, au fait, je connais ce nom. -- Que Votre Majesté se le rappelle, dit M. de Tréville; M. Athos est ce mousquetaire qui, dans le fâcheux duel que vous savez, a eu le malheur de blesser grièvement M. de Cahusac. -- à propos, Monseigneur, continua Tréville en s'adressant au cardinal, M. de Cahusac est tout à fait rétabli, n'est-ce pas? -- Merci! dit le cardinal en se pinçant les lèvres de colère. -- M. Athos était donc allé rendre visite à l'un de ses amis alors absent, continua M. de Tréville, à un jeune Béarnais, cadet aux gardes de Sa Majesté, compagnie des Essarts; mais à peine venait- il de s'installer chez son ami et de prendre un livre en l'attendant, qu'une nuée de recors et de soldats mêlés ensemble vint faire le siège de la maison, enfonça plusieurs portes...» Le cardinal fit au roi un signe qui signifiait: «C'est pour l'affaire dont je vous ai parlé.» «Nous savons tout cela, répliqua le roi, car tout cela s'est fait pour notre service. -- Alors, dit Tréville, c'est aussi pour le service de Votre Majesté qu'on a saisi un de mes mousquetaires innocent, qu'on l'a placé entre deux gardes comme un malfaiteur, et qu'on a promené au milieu d'une populace insolente ce galant homme, qui a versé dix fois son sang pour le service de Votre Majesté et qui est prêt à le répandre encore. -- Bah! dit le roi ébranlé, les choses se sont passées ainsi? -- M. de Tréville ne dit pas, reprit le cardinal avec le plus grand flegme, que ce mousquetaire innocent, que ce galant homme venait, une heure auparavant, de frapper à coups d'épée quatre commissaires instructeurs délégués par moi afin d'instruire une affaire de la plus haute importance. -- Je défie Votre Éminence de le prouver, s'écria M. de Tréville avec sa franchise toute gasconne et sa rudesse toute militaire, car, une heure auparavant M. Athos, qui, je le confierai à Votre Majesté, est un homme de la plus haute qualité, me faisait l'honneur, après avoir dîné chez moi, de causer dans le salon de mon hôtel avec M. le duc de La Trémouille et M. le comte de Châlus, qui s'y trouvaient.» Le roi regarda le cardinal. «Un procès-verbal fait foi, dit le cardinal répondant tout haut à l'interrogation muette de Sa Majesté, et les gens maltraités ont dressé le suivant, que j'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté. -- Procès-verbal de gens de robe vaut-il la parole d'honneur, répondit fièrement Tréville, d'homme d'épée? -- Allons, allons, Tréville, taisez-vous, dit le roi. -- Si Son Éminence a quelque soupçon contre un de mes mousquetaires, dit Tréville, la justice de M. le cardinal est assez connue pour que je demande moi-même une enquête. -- Dans la maison où cette descente de justice a été faite, continua le cardinal impassible, loge, je crois, un Béarnais ami du mousquetaire. -- Votre Éminence veut parler de M. d'Artagnan? -- Je veux parler d'un jeune homme que vous protégez, Monsieur de Tréville. -- Oui, Votre Éminence, c'est cela même. -- Ne soupçonnez-vous pas ce jeune homme d'avoir donné de mauvais conseils... -- À M. Athos, à un homme qui a le double de son âge? interrompit M. de Tréville; non, Monseigneur. D'ailleurs, M. d'Artagnan a passé la soirée chez moi. -- Ah çà, dit le cardinal, tout le monde a donc passé la soirée chez vous? -- Son Éminence douterait-elle de ma parole? dit Tréville, le rouge de la colère au front. -- Non, Dieu m'en garde! dit le cardinal; mais, seulement, à quelle heure était-il chez vous? -- Oh! cela je puis le dire sciemment à Votre Éminence, car, comme il entrait, je remarquai qu'il était neuf heures et demie à la pendule, quoique j'eusse cru qu'il était plus tard. -- Et à quelle heure est-il sorti de votre hôtel? -- À dix heures et demie: une heure après l'événement. -- Mais, enfin, répondit le cardinal, qui ne soupçonnait pas un instant la loyauté de Tréville, et qui sentait que la victoire lui échappait, mais, enfin, Athos a été pris dans cette maison de la rue des Fossoyeurs. -- Est-il défendu à un ami de visiter un ami? à un mousquetaire de ma compagnie de fraterniser avec un garde de la compagnie de M. des Essarts? -- Oui, quand la maison où il fraternise avec cet ami est suspecte. -- C'est que cette maison est suspecte, Tréville, dit le roi; peut-être ne le saviez-vous pas? -- En effet, Sire, je l'ignorais. En tout cas, elle peut être suspecte partout; mais je nie qu'elle le soit dans la partie qu'habite M. d'Artagnan; car je puis vous affirmer, Sire, que, si j'en crois ce qu'il a dit, il n'existe pas un plus dévoué serviteur de Sa Majesté, un admirateur plus profond de M. le cardinal. -- N'est-ce pas ce d'Artagnan qui a blessé un jour Jussac dans cette malheureuse rencontre qui a eu lieu près du couvent des Carmes-Déchaussés? demanda le roi en regardant le cardinal, qui rougit de dépit. -- Et le lendemain, Bernajoux. Oui Sire, oui, c'est bien cela, et Votre Majesté a bonne mémoire. -- Allons, que résolvons-nous? dit le roi. -- Cela regarde Votre Majesté plus que moi, dit le cardinal. J'affirmerais la culpabilité. -- Et moi je la nie, dit Tréville. Mais Sa Majesté a des juges, et ses juges décideront. -- C'est cela, dit le roi, renvoyons la cause devant les juges: c'est leur affaire de juger, et ils jugeront. -- Seulement, reprit Tréville, il est bien triste qu'en ce temps malheureux où nous sommes, la vie la plus pure, la vertu la plus incontestable n'exemptent pas un homme de l'infamie et de la persécution. Aussi l'armée sera-t-elle peu contente, je puis en répondre, d'être en butte à des traitements rigoureux à propos d'affaires de police.» Le mot était imprudent; mais M. de Tréville l'avait lancé avec connaissance de cause. Il voulait une explosion, parce qu'en cela la mine fait du feu, et que le feu éclaire. «Affaires de police! s'écria le roi, relevant les paroles de M. de Tréville: affaires de police! et qu'en savez-vous, monsieur? Mêlez-vous de vos mousquetaires, et ne me rompez pas la tête. Il semble, à vous entendre, que, si par malheur on arrête un mousquetaire, la France est en danger. Eh! que de bruit pour un mousquetaire! j'en ferai arrêter dix, ventrebleu! cent, même; toute la compagnie! et je ne veux pas que l'on souffle mot. -- Du moment où ils sont suspects à Votre Majesté, dit Tréville, les mousquetaires sont coupables; aussi, me voyez-vous, Sire, prêt à vous rendre mon épée; car après avoir accusé mes soldats, M. le cardinal, je n'en doute pas, finira par m'accuser moi-même; ainsi mieux vaut que je me constitue prisonnier avec M. Athos, qui est arrêté déjà, et M. d'Artagnan, qu'on va arrêter sans doute. -- Tête gasconne, en finirez-vous? dit le roi. -- Sire, répondit Tréville sans baisser le moindrement la voix, ordonnez qu'on me rende mon mousquetaire, ou qu'il soit jugé. -- On le jugera, dit le cardinal. -- Eh bien, tant mieux; car, dans ce cas, je demanderai à Sa Majesté la permission de plaider pour lui.» Le roi craignit un éclat. «Si Son Éminence, dit-il, n'avait pas personnellement des motifs...» Le cardinal vit venir le roi, et alla au-devant de lui: «Pardon, dit-il, mais du moment où Votre Majesté voit en moi un juge prévenu, je me retire. -- Voyons, dit le roi, me jurez-vous, par mon père, que M. Athos était chez vous pendant l'événement, et qu'il n'y a point pris part? -- Par votre glorieux père et par vous-même, qui êtes ce que j'aime et ce que je vénère le plus au monde, je le jure! -- Veuillez réfléchir, Sire, dit le cardinal. Si nous relâchons ainsi le prisonnier, on ne pourra plus connaître la vérité. -- M. Athos sera toujours là, reprit M. de Tréville, prêt à répondre quand il plaira aux gens de robe de l'interroger. Il ne désertera pas, monsieur le cardinal; soyez tranquille, je réponds de lui, moi. -- Au fait, il ne désertera pas, dit le roi; on le retrouvera toujours, comme dit M. de Tréville. D'ailleurs, ajouta-t-il en baissant la voix et en regardant d'un air suppliant Son Éminence, donnons-leur de la sécurité: cela est politique.» Cette politique de Louis XIII fit sourire Richelieu. «Ordonnez, Sire, dit-il, vous avez le droit de grâce. -- Le droit de grâce ne s'applique qu'aux coupables, dit Tréville, qui voulait avoir le dernier mot, et mon mousquetaire est innocent. Ce n'est donc pas grâce que vous allez faire, Sire, c'est justice. -- Et il est au For-l'Évêque? dit le roi. -- Oui, Sire, et au secret, dans un cachot, comme le dernier des criminels. -- Diable! diable! murmura le roi, que faut-il faire? -- Signer l'ordre de mise en liberté, et tout sera dit, reprit le cardinal; je crois, comme Votre Majesté, que la garantie de M. de Tréville est plus que suffisante.» Tréville s'inclina respectueusement avec une joie qui n'était pas sans mélange de crainte; il eût préféré une résistance opiniâtre du cardinal à cette soudaine facilité. Le roi signa l'ordre d'élargissement, et Tréville l'emporta sans retard. Au moment où il allait sortir, le cardinal lui fit un sourire amical, et dit au roi: «Une bonne harmonie règne entre les chefs et les soldats, dans vos mousquetaires, Sire; voilà qui est bien profitable au service et bien honorable pour tous.» «Il me jouera quelque mauvais tour incessamment, se disait Tréville; on n'a jamais le dernier mot avec un pareil homme. Mais hâtons-nous, car le roi peut changer d'avis tout à l'heure; et au bout du compte, il est plus difficile de remettre à la Bastille ou au For-l'Évêque un homme qui en est sorti, que d'y garder un prisonnier qu'on y tient.» M. de Tréville fit triomphalement son entrée au For-l'Évêque, où il délivra le mousquetaire, que sa paisible indifférence n'avait pas abandonné. Puis, la première fois qu'il revit d'Artagnan: «Vous l'échappez belle, lui dit-il; voilà votre coup d'épée à Jussac payé. Reste bien encore celui de Bernajoux, mais il ne faudrait pas trop vous y fier.» Au reste, M. de Tréville avait raison de se défier du cardinal et de penser que tout n'était pas fini, car à peine le capitaine des mousquetaires eut-il fermé la porte derrière lui, que Son Éminence dit au roi: «Maintenant que nous ne sommes plus que nous deux, nous allons causer sérieusement, s'il plaît à Votre Majesté. Sire, M. de Buckingham était à Paris depuis cinq jours et n'en est parti que ce matin.» CHAPITRE XVI OÙ M. LE GARDE DES SCEAUX SÉGUIER CHERCHA PLUS D'UNE FOIS LA CLOCHE POUR LA SONNER, COMME IL LE FAISAIT AUTREFOIS Il est impossible de se faire une idée de l'impression que ces quelques mots produisirent sur Louis XIII. Il rougit et pâlit successivement; et le cardinal vit tout d'abord qu'il venait de conquérir d'un seul coup tout le terrain qu'il avait perdu. «M. de Buckingham à Paris! s'écria-t-il, et qu'y vient-il faire? -- Sans doute conspirer avec nos ennemis les huguenots et les Espagnols. -- Non, pardieu, non! conspirer contre mon honneur avec Mme de Chevreuse, Mme de Longueville et les Condé! -- Oh! Sire, quelle idée! La reine est trop sage, et surtout aime trop Votre Majesté. -- La femme est faible, monsieur le cardinal, dit le roi; et quant à m'aimer beaucoup, j'ai mon opinion faite sur cet amour. -- Je n'en maintiens pas moins, dit le cardinal, que le duc de Buckingham est venu à Paris pour un projet tout politique. -- Et moi je suis sûr qu'il est venu pour autre chose, monsieur le cardinal; mais si la reine est coupable, qu'elle tremble! -- Au fait, dit le cardinal, quelque répugnance que j'aie à arrêter mon esprit sur une pareille trahison, Votre Majesté m'y fait penser: Mme de Lannoy, que, d'après l'ordre de Votre Majesté, j'ai interrogée plusieurs fois, m'a dit ce matin que la nuit avant celle-ci Sa Majesté avait veillé fort tard, que ce matin elle avait beaucoup pleuré et que toute la journée elle avait écrit. -- C'est cela, dit le roi; à lui sans doute, Cardinal, il me faut les papiers de la reine. -- Mais comment les prendre, Sire? Il me semble que ce n'est ni moi, ni Votre Majesté qui pouvons nous charger d'une pareille mission. -- Comment s'y est-on pris pour la maréchale d'Ancre? s'écria le roi au plus haut degré de la colère; on a fouillé ses armoires, et enfin on l'a fouillée elle-même. -- La maréchale d'Ancre n'était que la maréchale d'Ancre, une aventurière florentine, Sire, voilà tout; tandis que l'auguste épouse de Votre Majesté est Anne d'Autriche, reine de France, c'est-à-dire une des plus grandes princesses du monde. -- Elle n'en est que plus coupable, monsieur le duc! Plus elle a oublié la haute position où elle était placée, plus elle est bas descendue. Il y a longtemps d'ailleurs que je suis décidé à en finir avec toutes ces petites intrigues de politique et d'amour. Elle a aussi près d'elle un certain La Porte... -- Que je crois la cheville ouvrière de tout cela, je l'avoue, dit le cardinal. -- Vous pensez donc, comme moi, qu'elle me trompe? dit le roi. -- Je crois, et je le répète à Votre Majesté, que la reine conspire contre la puissance de son roi, mais je n'ai point dit contre son honneur. -- Et moi je vous dis contre tous deux; moi je vous dis que la reine ne m'aime pas; je vous dis qu'elle en aime un autre; je vous dis qu'elle aime cet infâme duc de Buckingham! Pourquoi ne l'avez- vous pas fait arrêter pendant qu'il était à Paris? -- Arrêter le duc! arrêter le premier ministre du roi Charles Ier! Y pensez-vous, Sire? Quel éclat! et si alors les soupçons de Votre Majesté, ce dont je continue à douter, avaient quelque consistance, quel éclat terrible! quel scandale désespérant! -- Mais puisqu'il s'exposait comme un vagabond et un larronneur, il fallait...» Louis XIII s'arrêta lui-même, effrayé de ce qu'il allait dire, tandis que Richelieu, allongeant le cou, attendait inutilement la parole qui était restée sur les lèvres du roi. «Il fallait? -- Rien, dit le roi, rien. Mais, pendant tout le temps qu'il a été à Paris, vous ne l'avez pas perdu de vue? -- Non, Sire. -- Où logeait-il? -- Rue de La Harpe, n° 75. -- Où est-ce, cela? -- Du côté du Luxembourg. -- Et vous êtes sûr que la reine et lui ne se sont pas vus? -- Je crois la reine trop attachée à ses devoirs, Sire. -- Mais ils ont correspondu, c'est à lui que la reine a écrit toute la journée; monsieur le duc, il me faut ces lettres! -- Sire, cependant... -- Monsieur le duc, à quelque prix que ce soit, je les veux. -- Je ferai pourtant observer à Votre Majesté... -- Me trahissez-vous donc aussi, monsieur le cardinal, pour vous opposer toujours ainsi à mes volontés? êtes-vous aussi d'accord avec l'Espagnol et avec l'Anglais, avec Mme de Chevreuse et avec la reine? -- Sire, répondit en soupirant le cardinal, je croyais être à l'abri d'un pareil soupçon. -- Monsieur le cardinal, vous m'avez entendu; je veux ces lettres. -- Il n'y aurait qu'un moyen. -- Lequel? -- Ce serait de charger de cette mission M. le garde des sceaux Séguier. La chose rentre complètement dans les devoirs de sa charge. -- Qu'on l'envoie chercher à l'instant même! -- Il doit être chez moi, Sire; je l'avais fait prier de passer, et lorsque je suis venu au Louvre, j'ai laissé l'ordre, s'il se présentait, de le faire attendre. -- Qu'on aille le chercher à l'instant même! -- Les ordres de Votre Majesté seront exécutés; mais... -- Mais quoi? -- Mais la reine se refusera peut-être à obéir. -- À mes ordres? -- Oui, si elle ignore que ces ordres viennent du roi. -- Eh bien, pour qu'elle n'en doute pas, je vais la prévenir moi- même. -- Votre Majesté n'oubliera pas que j'ai fait tout ce que j'ai pu pour prévenir une rupture. -- Oui, duc, je sais que vous êtes fort indulgent pour la reine, trop indulgent peut-être; et nous aurons, je vous en préviens, à parler plus tard de cela. -- Quand il plaira à Votre Majesté; mais je serai toujours heureux et fier, Sire, de me sacrifier à la bonne harmonie que je désire voir régner entre vous et la reine de France. -- Bien, cardinal, bien; mais en attendant envoyez chercher M. le garde des sceaux; moi, j'entre chez la reine. Et Louis XIII, ouvrant la porte de communication, s'engagea dans le corridor qui conduisait de chez lui chez Anne d'Autriche. La reine était au milieu de ses femmes, Mme de Guitaut, Mme de Sablé, Mme de Montbazon et Mme de Guéménée. Dans un coin était cette camériste espagnole doña Estefania, qui l'avait suivie de Madrid. Mme de Guéménée faisait la lecture, et tout le monde écoutait avec attention la lectrice, à l'exception de la reine, qui, au contraire, avait provoqué cette lecture afin de pouvoir, tout en feignant d'écouter, suivre le fil de ses propres pensées. Ces pensées, toutes dorées qu'elles étaient par un dernier reflet d'amour, n'en étaient pas moins tristes. Anne d'Autriche, privée de la confiance de son mari, poursuivie par la haine du cardinal, qui ne pouvait lui pardonner d'avoir repoussé un sentiment plus doux, ayant sous les yeux l'exemple de la reine mère, que cette haine avait tourmentée toute sa vie -- quoique Marie de Médicis, s'il faut en croire les mémoires du temps, eût commencé par accorder au cardinal le sentiment qu'Anne d'Autriche finit toujours par lui refuser --, Anne d'Autriche avait vu tomber autour d'elle ses serviteurs les plus dévoués, ses confidents les plus intimes, ses favoris les plus chers. Comme ces malheureux doués d'un don funeste, elle portait malheur à tout ce qu'elle touchait, son amitié était un signe fatal qui appelait la persécution. Mme de Chevreuse et Mme de Vernel étaient exilées; enfin La Porte ne cachait pas à sa maîtresse qu'il s'attendait à être arrêté d'un instant à l'autre. C'est au moment où elle était plongée au plus profond et au plus sombre de ces réflexions, que la porte de la chambre s'ouvrit et que le roi entra. La lectrice se tut à l'instant même, toutes les dames se levèrent, et il se fit un profond silence. Quant au roi, il ne fit aucune démonstration de politesse; seulement, s'arrêtant devant la reine: «Madame, dit-il d'une voix altérée, vous allez recevoir la visite de M. le chancelier, qui vous communiquera certaines affaires dont je l'ai chargé.» La malheureuse reine, qu'on menaçait sans cesse de divorce, d'exil et de jugement même, pâlit sous son rouge et ne put s'empêcher de dire: «Mais pourquoi cette visite, Sire? Que me dira M. le chancelier que Votre Majesté ne puisse me dire elle-même?» Le roi tourna sur ses talons sans répondre, et presque au même instant le capitaine des gardes, M. de Guitaut, annonça la visite de M. le chancelier. Lorsque le chancelier parut, le roi était déjà sorti par une autre porte. Le chancelier entra demi-souriant, demi-rougissant. Comme nous le retrouverons probablement dans le cours de cette histoire, il n'y a pas de mal à ce que nos lecteurs fassent dès à présent connaissance avec lui. Ce chancelier était un plaisant homme. Ce fut Des Roches le Masle, chanoine à Notre-Dame, et qui avait été autrefois valet de chambre du cardinal, qui le proposa à Son Éminence comme un homme tout dévoué. Le cardinal s'y fia et s'en trouva bien. On racontait de lui certaines histoires, entre autres celle-ci: Après une jeunesse orageuse, il s'était retiré dans un couvent pour y expier au moins pendant quelque temps les folies de l'adolescence. Mais, en entrant dans ce saint lieu, le pauvre pénitent n'avait pu refermer si vite la porte, que les passions qu'il fuyait n'y entrassent avec lui. Il en était obsédé sans relâche, et le supérieur, auquel il avait confié cette disgrâce, voulant autant qu'il était en lui l'en garantir, lui avait recommandé pour conjurer le démon tentateur de recourir à la corde de la cloche et de sonner à toute volée. Au bruit dénonciateur, les moines seraient prévenus que la tentation assiégeait un frère, et toute la communauté se mettrait en prières. Le conseil parut bon au futur chancelier. Il conjura l'esprit malin à grand renfort de prières faites par les moines; mais le diable ne se laisse pas déposséder facilement d'une place où il a mis garnison; à mesure qu'on redoublait les exorcismes, il redoublait les tentations, de sorte que jour et nuit la cloche sonnait à toute volée, annonçant l'extrême désir de mortification qu'éprouvait le pénitent. Les moines n'avaient plus un instant de repos. Le jour, ils ne faisaient que monter et descendre les escaliers qui conduisaient à la chapelle; la nuit, outre complies et matines, ils étaient encore obligés de sauter vingt fois à bas de leurs lits et de se prosterner sur le carreau de leurs cellules. On ignore si ce fut le diable qui lâcha prise ou les moines qui se lassèrent; mais, au bout de trois mois, le pénitent reparut dans le monde avec la réputation du plus terrible possédé qui eût jamais existé. En sortant du couvent, il entra dans la magistrature, devint président à mortier à la place de son oncle, embrassa le parti du cardinal, ce qui ne prouvait pas peu de sagacité; devint chancelier, servit Son Éminence avec zèle dans sa haine contre la reine mère et sa vengeance contre Anne d'Autriche; stimula les juges dans l'affaire de Chalais, encouragea les essais de M. de Laffemas, grand gibecier de France; puis enfin, investi de toute la confiance du cardinal, confiance qu'il avait si bien gagnée, il en vint à recevoir la singulière commission pour l'exécution de laquelle il se présentait chez la reine. La reine était encore debout quand il entra, mais à peine l'eut- elle aperçu, qu'elle se rassit sur son fauteuil et fit signe à ses femmes de se rasseoir sur leurs coussins et leurs tabourets, et, d'un ton de suprême hauteur: «Que désirez-vous, monsieur, demanda Anne d'Autriche, et dans quel but vous présentez-vous ici? -- Pour y faire au nom du roi, madame, et sauf tout le respect que j'ai l'honneur de devoir à Votre Majesté, une perquisition exacte dans vos papiers. -- Comment, monsieur! une perquisition dans mes papiers... à moi! mais voilà une chose indigne! -- Veuillez me le pardonner, madame, mais, dans cette circonstance, je ne suis que l'instrument dont le roi se sert. Sa Majesté ne sort-elle pas d'ici, et ne vous a-t-elle pas invitée elle-même à vous préparer à cette visite? -- Fouillez donc, monsieur; je suis une criminelle, à ce qu'il paraît: Estefania, donnez les clefs de mes tables et de mes secrétaires.» Le chancelier fit pour la forme une visite dans les meubles, mais il savait bien que ce n'était pas dans un meuble que la reine avait dû serrer la lettre importante qu'elle avait écrite dans la journée. Quand le chancelier eut rouvert et refermé vingt fois les tiroirs du secrétaire, il fallut bien, quelque hésitation qu'il éprouvât, il fallut bien, dis-je, en venir à la conclusion de l'affaire, c'est-à-dire à fouiller la reine elle-même. Le chancelier s'avança donc vers Anne d'Autriche, et d'un ton très perplexe et d'un air fort embarrassé: «Et maintenant, dit-il, il me reste à faire la perquisition principale. -- Laquelle? demanda la reine, qui ne comprenait pas ou plutôt qui ne voulait pas comprendre. -- Sa Majesté est certaine qu'une lettre a été écrite par vous dans la journée; elle sait qu'elle n'a pas encore été envoyée à son adresse. Cette lettre ne se trouve ni dans votre table, ni dans votre secrétaire, et cependant cette lettre est quelque part. -- Oserez-vous porter la main sur votre reine? dit Anne d'Autriche en se dressant de toute sa hauteur et en fixant sur le chancelier ses yeux, dont l'expression était devenue presque menaçante. -- Je suis un fidèle sujet du roi, madame; et tout ce que Sa Majesté ordonnera, je le ferai. -- Eh bien, c'est vrai, dit Anne d'Autriche, et les espions de M. le cardinal l'ont bien servi. J'ai écrit aujourd'hui une lettre, cette lettre n'est point partie. La lettre est là.» Et la reine ramena sa belle main à son corsage. «Alors donnez-moi cette lettre, madame, dit le chancelier. -- Je ne la donnerai qu'au roi, monsieur, dit Anne. -- Si le roi eût voulu que cette lettre lui fût remise, madame, il vous l'eût demandée lui-même. Mais, je vous le répète, c'est moi qu'il a chargé de vous la réclamer, et si vous ne la rendiez pas... -- Eh bien? -- C'est encore moi qu'il a chargé de vous la prendre. -- Comment, que voulez-vous dire? -- Que mes ordres vont loin, madame, et que je suis autorisé à chercher le papier suspect sur la personne même de Votre Majesté. -- Quelle horreur! s'écria la reine. -- Veuillez donc, madame, agir plus facilement. -- Cette conduite est d'une violence infâme; savez-vous cela, monsieur? -- Le roi commande, madame, excusez-moi. -- Je ne le souffrirai pas; non, non, plutôt mourir!» s'écria la reine, chez laquelle se révoltait le sang impérieux de l'Espagnole et de l'Autrichienne. Le chancelier fit une profonde révérence, puis avec l'intention bien patente de ne pas reculer d'une semelle dans l'accomplissement de la commission dont il s'était chargé, et comme eût pu le faire un valet de bourreau dans la chambre de la question, il s'approcha d'Anne d'Autriche des yeux de laquelle on vit à l'instant même jaillir des pleurs de rage. La reine était, comme nous l'avons dit, d'une grande beauté. La commission pouvait donc passer pour délicate, et le roi en était arrivé, à force de jalousie contre Buckingham, à n'être plus jaloux de personne. Sans doute le chancelier Séguier chercha des yeux à ce moment le cordon de la fameuse cloche; mais, ne le trouvant pas, il en prit son parti et tendit la main vers l'endroit où la reine avait avoué que se trouvait le papier. Anne d'Autriche fit un pas en arrière, si pâle qu'on eût dit qu'elle allait mourir; et, s'appuyant de la main gauche, pour ne pas tomber, à une table qui se trouvait derrière elle, elle tira de la droite un papier de sa poitrine et le tendit au garde des sceaux. «Tenez, monsieur, la voilà, cette lettre, s'écria la reine d'une voix entrecoupée et frémissante, prenez-la, et me délivrez de votre odieuse présence.» Le chancelier, qui de son côté tremblait d'une émotion facile à concevoir, prit la lettre, salua jusqu'à terre et se retira. À peine la porte se fut-elle refermée sur lui, que la reine tomba à demi évanouie dans les bras de ses femmes. Le chancelier alla porter la lettre au roi sans en avoir lu un seul mot. Le roi la prit d'une main tremblante, chercha l'adresse, qui manquait, devint très pâle, l'ouvrit lentement, puis, voyant par les premiers mots qu'elle était adressée au roi d'Espagne, il lut très rapidement. C'était tout un plan d'attaque contre le cardinal. La reine invitait son frère et l'empereur d'Autriche à faire semblant, blessés qu'ils étaient par la politique de Richelieu, dont l'éternelle préoccupation fut l'abaissement de la maison d'Autriche, de déclarer la guerre à la France et d'imposer comme condition de la paix le renvoi du cardinal: mais d'amour, il n'y en avait pas un seul mot dans toute cette lettre. Le roi, tout joyeux, s'informa si le cardinal était encore au Louvre. On lui dit que Son Éminence attendait, dans le cabinet de travail, les ordres de Sa Majesté. Le roi se rendit aussitôt près de lui. «Tenez, duc, lui dit-il, vous aviez raison, et c'est moi qui avais tort; toute l'intrigue est politique, et il n'était aucunement question d'amour dans cette lettre, que voici. En échange, il y est fort question de vous.» Le cardinal prit la lettre et la lut avec la plus grande attention; puis, lorsqu'il fut arrivé au bout, il la relut une seconde fois. «Eh bien, Votre Majesté, dit-il, vous voyez jusqu'où vont mes ennemis: on vous menace de deux guerres, si vous ne me renvoyez pas. À votre place, en vérité, Sire, je céderais à de si puissantes instances, et ce serait de mon côté avec un véritable bonheur que je me retirerais des affaires. -- Que dites-vous là, duc? -- Je dis, Sire, que ma santé se perd dans ces luttes excessives et dans ces travaux éternels. Je dis que, selon toute probabilité, je ne pourrai pas soutenir les fatigues du siège de La Rochelle, et que mieux vaut que vous nommiez là ou M. de Condé, ou M. de Bassompierre, ou enfin quelque vaillant homme dont c'est l'état de mener la guerre, et non pas moi qui suis homme d'Église et qu'on détourne sans cesse de ma vocation pour m'appliquer à des choses auxquelles je n'ai aucune aptitude. Vous en serez plus heureux à l'intérieur, Sire, et je ne doute pas que vous n'en soyez plus grand à l'étranger. -- Monsieur le duc, dit le roi, je comprends, soyez tranquille; tous ceux qui sont nommés dans cette lettre seront punis comme ils le méritent, et la reine elle-même. -- Que dites-vous là, Sire? Dieu me garde que, pour moi, la reine éprouve la moindre contrariété! elle m'a toujours cru son ennemi, Sire, quoique Votre Majesté puisse attester que j'ai toujours pris chaudement son parti, même contre vous. Oh! si elle trahissait Votre Majesté à l'endroit de son honneur, ce serait autre chose, et je serais le premier à dire: «Pas de grâce, Sire, pas de grâce pour la coupable!» Heureusement il n'en est rien, et Votre Majesté vient d'en acquérir une nouvelle preuve. -- C'est vrai, monsieur le cardinal, dit le roi, et vous aviez raison, comme toujours; mais la reine n'en mérite pas moins toute ma colère. -- C'est vous, Sire, qui avez encouru la sienne; et véritablement, quand elle bouderait sérieusement Votre Majesté, je le comprendrais; Votre Majesté l'a traitée avec une sévérité!... -- C'est ainsi que je traiterai toujours mes ennemis et les vôtres, duc, si haut placés qu'ils soient et quelque péril que je coure à agir sévèrement avec eux. -- La reine est mon ennemie, mais n'est pas la vôtre, Sire; au contraire, elle est épouse dévouée, soumise et irréprochable; laissez-moi donc, Sire, intercéder pour elle près de Votre Majesté. -- Qu'elle s'humilie alors, et qu'elle revienne à moi la première! -- Au contraire, Sire, donnez l'exemple; vous avez eu le premier tort, puisque c'est vous qui avez soupçonné la reine. -- Moi, revenir le premier? dit le roi; jamais! -- Sire, je vous en supplie. -- D'ailleurs, comment reviendrais-je le premier? -- En faisant une chose que vous sauriez lui être agréable. -- Laquelle? -- Donnez un bal; vous savez combien la reine aime la danse; je vous réponds que sa rancune ne tiendra point à une pareille attention. -- Monsieur le cardinal, vous savez que je n'aime pas tous les plaisirs mondains. -- La reine ne vous en sera que plus reconnaissante, puisqu'elle sait votre antipathie pour ce plaisir; d'ailleurs ce sera une occasion pour elle de mettre ces beaux ferrets de diamants que vous lui avez donnés l'autre jour à sa fête, et dont elle n'a pas encore eu le temps de se parer. -- Nous verrons, monsieur le cardinal, nous verrons, dit le roi, qui, dans sa joie de trouver la reine coupable d'un crime dont il se souciait peu, et innocente d'une faute qu'il redoutait fort, était tout prêt à se raccommoder avec elle; nous verrons, mais, sur mon honneur, vous êtes trop indulgent. -- Sire, dit le cardinal, laissez la sévérité aux ministres, l'indulgence est la vertu royale; usez-en, et vous verrez que vous vous en trouverez bien.» Sur quoi le cardinal, entendant la pendule sonner onze heures, s'inclina profondément, demandant congé au roi pour se retirer, et le suppliant de se raccommoder avec la reine. Anne d'Autriche, qui, à la suite de la saisie de sa lettre, s'attendait à quelque reproche, fut fort étonnée de voir le lendemain le roi faire près d'elle des tentatives de rapprochement. Son premier mouvement fut répulsif, son orgueil de femme et sa dignité de reine avaient été tous deux si cruellement offensés, qu'elle ne pouvait revenir ainsi du premier coup; mais, vaincue par le conseil de ses femmes, elle eut enfin l'air de commencer à oublier. Le roi profita de ce premier moment de retour pour lui dire qu'incessamment il comptait donner une fête. C'était une chose si rare qu'une fête pour la pauvre Anne d'Autriche, qu'à cette annonce, ainsi que l'avait pensé le cardinal, la dernière trace de ses ressentiments disparut sinon dans son coeur, du moins sur son visage. Elle demanda quel jour cette fête devait avoir lieu, mais le roi répondit qu'il fallait qu'il s'entendît sur ce point avec le cardinal. En effet, chaque jour le roi demandait au cardinal à quelle époque cette fête aurait lieu, et chaque jour le cardinal, sous un prétexte quelconque, différait de la fixer. Dix jours s'écoulèrent ainsi. Le huitième jour après la scène que nous avons racontée, le cardinal reçut une lettre, au timbre de Londres, qui contenait seulement ces quelques lignes: «Je les ai; mais je ne puis quitter Londres, attendu que je manque d'argent; envoyez-moi cinq cents pistoles, et quatre ou cinq jours après les avoir reçues, je serai à Paris.» Le jour même où le cardinal avait reçu cette lettre, le roi lui adressa sa question habituelle. Richelieu compta sur ses doigts et se dit tout bas: «Elle arrivera, dit-elle, quatre ou cinq jours après avoir reçu l'argent; il faut quatre ou cinq jours à l'argent pour aller, quatre ou cinq jours à elle pour revenir, cela fait dix jours; maintenant faisons la part des vents contraires, des mauvais hasards, des faiblesses de femme, et mettons cela à douze jours. -- Eh bien, monsieur le duc, dit le roi, vous avez calculé? -- Oui, Sire: nous sommes aujourd'hui le 20 septembre; les échevins de la ville donnent une fête le 3 octobre. Cela s'arrangera à merveille, car vous n'aurez pas l'air de faire un retour vers la reine.» Puis le cardinal ajouta: «À propos, Sire, n'oubliez pas de dire à Sa Majesté, la veille de cette fête, que vous désirez voir comment lui vont ses ferrets de diamants.» CHAPITRE XVII LE MÉNAGE BONACIEUX C'était la seconde fois que le cardinal revenait sur ce point des ferrets de diamants avec le roi. Louis XIII fut donc frappé de cette insistance, et pensa que cette recommandation cachait un mystère. Plus d'une fois le roi avait été humilié que le cardinal, dont la police, sans avoir atteint encore la perfection de la police moderne, était excellente, fût mieux instruit que lui-même de ce qui se passait dans son propre ménage. Il espéra donc, dans une conversation avec Anne d'Autriche, tirer quelque lumière de cette conversation et revenir ensuite près de Son Éminence avec quelque secret que le cardinal sût ou ne sût pas, ce qui, dans l'un ou l'autre cas, le rehaussait infiniment aux yeux de son ministre. Il alla donc trouver la reine, et, selon son habitude, l'aborda avec de nouvelles menaces contre ceux qui l'entouraient. Anne d'Autriche baissa la tête, laissa s'écouler le torrent sans répondre et espérant qu'il finirait par s'arrêter; mais ce n'était pas cela que voulait Louis XIII; Louis XIII voulait une discussion de laquelle jaillît une lumière quelconque, convaincu qu'il était que le cardinal avait quelque arrière-pensée et lui machinait une surprise terrible comme en savait faire Son Éminence. Il arriva à ce but par sa persistance à accuser. «Mais, s'écria Anne d'Autriche, lassée de ces vagues attaques; mais, Sire, vous ne me dites pas tout ce que vous avez dans le coeur. Qu'ai-je donc fait? Voyons, quel crime ai-je donc commis? Il est impossible que Votre Majesté fasse tout ce bruit pour une lettre écrite à mon frère.» Le roi, attaqué à son tour d'une manière si directe, ne sut que répondre; il pensa que c'était là le moment de placer la recommandation qu'il ne devait faire que la veille de la fête. «Madame, dit-il avec majesté, il y aura incessamment bal à l'hôtel de ville; j'entends que, pour faire honneur à nos braves échevins, vous y paraissiez en habit de cérémonie, et surtout parée des ferrets de diamants que je vous ai donnés pour votre fête. Voici ma réponse.» La réponse était terrible. Anne d'Autriche crut que Louis XIII savait tout, et que le cardinal avait obtenu de lui cette longue dissimulation de sept ou huit jours, qui était au reste dans son caractère. Elle devint excessivement pâle, appuya sur une console sa main d'une admirable beauté, et qui semblait alors une main de cire, et regardant le roi avec des yeux épouvantés, elle ne répondit pas une seule syllabe. «Vous entendez, madame, dit le roi, qui jouissait de cet embarras dans toute son étendue, mais sans en deviner la cause, vous entendez? -- Oui, Sire, j'entends, balbutia la reine. -- Vous paraîtrez à ce bal? -- Oui. -- Avec vos ferrets? -- Oui.» La pâleur de la reine augmenta encore, s'il était possible; le roi s'en aperçut, et en jouit avec cette froide cruauté qui était un des mauvais côtés de son caractère. «Alors, c'est convenu, dit le roi, et voilà tout ce que j'avais à vous dire. -- Mais quel jour ce bal aura-t-il lieu?» demanda Anne d'Autriche. Louis XIII sentit instinctivement qu'il ne devait pas répondre à cette question, la reine l'ayant faite d'une voix presque mourante. «Mais très incessamment, madame, dit-il; mais je ne me rappelle plus précisément la date du jour, je la demanderai au cardinal. -- C'est donc le cardinal qui vous a annoncé cette fête? s'écria la reine. -- Oui, madame, répondit le roi étonné; mais pourquoi cela? -- C'est lui, qui vous a dit de m'inviter à y paraître avec ces ferrets? -- C'est-à-dire, madame... -- C'est lui, Sire, c'est lui! -- Eh bien qu'importe que ce soit lui ou moi? y a-t-il un crime à cette invitation? -- Non, Sire. -- Alors vous paraîtrez? -- Oui, Sire. -- C'est bien, dit le roi en se retirant, c'est bien, j'y compte.» La reine fit une révérence, moins par étiquette que parce que ses genoux se dérobaient sous elle. Le roi partit enchanté. «Je suis perdue, murmura la reine, perdue, car le cardinal sait tout, et c'est lui qui pousse le roi, qui ne sait rien encore, mais qui saura tout bientôt. Je suis perdue! Mon Dieu! mon Dieu! mon Dieu!» Elle s'agenouilla sur un coussin et pria, la tête enfoncée entre ses bras palpitants. En effet, la position était terrible. Buckingham était retourné à Londres, Mme de Chevreuse était à Tours. Plus surveillée que jamais, la reine sentait sourdement qu'une de ses femmes la trahissait, sans savoir dire laquelle. La Porte ne pouvait pas quitter le Louvre. Elle n'avait pas une âme au monde à qui se fier. Aussi, en présence du malheur qui la menaçait et de l'abandon qui était le sien, éclata-t-elle en sanglots. «Ne puis-je donc être bonne à rien à Votre Majesté?» dit tout à coup une voix pleine de douceur et de pitié. La reine se retourna vivement, car il n'y avait pas à se tromper à l'expression de cette voix: c'était une amie qui parlait ainsi. En effet, à l'une des portes qui donnaient dans l'appartement de la reine apparut la jolie Mme Bonacieux; elle était occupée à ranger les robes et le linge dans un cabinet, lorsque le roi était entré; elle n'avait pas pu sortir, et avait tout entendu. La reine poussa un cri perçant en se voyant surprise, car dans son trouble elle ne reconnut pas d'abord la jeune femme qui lui avait été donnée par La Porte. «Oh! ne craignez rien, madame, dit la jeune femme en joignant les mains et en pleurant elle-même des angoisses de la reine; je suis à Votre Majesté corps et âme, et si loin que je sois d'elle, si inférieure que soit ma position, je crois que j'ai trouvé un moyen de tirer Votre Majesté de peine. -- Vous! ô Ciel! vous! s'écria la reine; mais voyons regardez-moi en face. Je suis trahie de tous côtés, puis-je me fier à vous? -- Oh! madame! s'écria la jeune femme en tombant à genoux: sur mon âme, je suis prête à mourir pour Votre Majesté!» Ce cri était sorti du plus profond du coeur, et, comme le premier, il n'y avait pas à se tromper. «Oui, continua Mme Bonacieux, oui, il y a des traîtres ici; mais, par le saint nom de la Vierge, je vous jure que personne n'est plus dévoué que moi à Votre Majesté. Ces ferrets que le roi redemande, vous les avez donnés au duc de Buckingham, n'est-ce pas? Ces ferrets étaient enfermés dans une petite boîte en bois de rose qu'il tenait sous son bras? Est-ce que je me trompe? Est-ce que ce n'est pas cela? -- Oh! mon Dieu! mon Dieu! murmura la reine dont les dents claquaient d'effroi. -- Eh bien, ces ferrets, continua Mme Bonacieux, il faut les ravoir. -- Oui, sans doute, il le faut, s'écria la reine; mais comment faire, comment y arriver? -- Il faut envoyer quelqu'un au duc. -- Mais qui?... qui?... à qui me fier? -- Ayez confiance en moi, madame; faites-moi cet honneur, ma reine, et je trouverai le messager, moi! -- Mais il faudra écrire! -- Oh! oui. C'est indispensable. Deux mots de la main de Votre Majesté et votre cachet particulier. -- Mais ces deux mots, c'est ma condamnation. C'est le divorce, l'exil! -- Oui, s'ils tombent entre des mains infâmes! Mais je réponds que ces deux mots seront remis à leur adresse. -- Oh! mon Dieu! il faut donc que je remette ma vie, mon honneur, ma réputation entre vos mains! -- Oui! oui, madame, il le faut, et je sauverai tout cela, moi! -- Mais comment? dites-le-moi au moins. -- Mon mari a été remis en liberté il y a deux ou trois jours; je n'ai pas encore eu le temps de le revoir. C'est un brave et honnête homme qui n'a ni haine, ni amour pour personne. Il fera ce que je voudrai: il partira sur un ordre de moi, sans savoir ce qu'il porte, et il remettra la lettre de Votre Majesté, sans même savoir qu'elle est de Votre Majesté, à l'adresse qu'elle indiquera.» La reine prit les deux mains de la jeune femme avec un élan passionné, la regarda comme pour lire au fond de son coeur, et ne voyant que sincérité dans ses beaux yeux, elle l'embrassa tendrement. «Fais cela, s'écria-t-elle, et tu m'auras sauvé la vie, tu m'auras sauvé l'honneur! -- Oh! n'exagérez pas le service que j'ai le bonheur de vous rendre; je n'ai rien à sauver à Votre Majesté, qui est seulement victime de perfides complots. -- C'est vrai, c'est vrai, mon enfant, dit la reine, et tu as raison. -- Donnez-moi donc cette lettre, madame, le temps presse.» La reine courut à une petite table sur laquelle se trouvaient encre, papier et plumes: elle écrivit deux lignes, cacheta la lettre de son cachet et la remit à Mme Bonacieux. «Et maintenant, dit la reine, nous oublions une chose nécessaire. -- Laquelle? -- L'argent.» Mme Bonacieux rougit. «Oui, c'est vrai, dit-elle, et j'avouerai à Votre Majesté que mon mari... -- Ton mari n'en a pas, c'est cela que tu veux dire. -- Si fait, il en a, mais il est fort avare, c'est là son défaut. Cependant, que Votre Majesté ne s'inquiète pas, nous trouverons moyen... -- C'est que je n'en ai pas non plus, dit la reine (ceux qui liront les Mémoires de Mme de Motteville ne s'étonneront pas de cette réponse); mais, attends.» Anne d'Autriche courut à son écrin. «Tiens, dit-elle, voici une bague d'un grand prix à ce qu'on assure; elle vient de mon frère le roi d'Espagne, elle est à moi et j'en puis disposer. Prends cette bague et fais-en de l'argent, et que ton mari parte. -- Dans une heure vous serez obéie. -- Tu vois l'adresse, ajouta la reine, parlant si bas qu'à peine pouvait-on entendre ce qu'elle disait: à Milord duc de Buckingham, à Londres. -- La lettre sera remise à lui-même. -- Généreuse enfant!» s'écria Anne d'Autriche. Mme Bonacieux baisa les mains de la reine, cacha le papier dans son corsage et disparut avec la légèreté d'un oiseau. Dix minutes après, elle était chez elle; comme elle l'avait dit à la reine, elle n'avait pas revu son mari depuis sa mise en liberté; elle ignorait donc le changement qui s'était fait en lui à l'endroit du cardinal, changement qu'avaient opéré la flatterie et l'argent de Son Éminence et qu'avaient corroboré, depuis, deux ou trois visites du comte de Rochefort, devenu le meilleur ami de Bonacieux, auquel il avait fait croire sans beaucoup de peine qu'aucun sentiment coupable n'avait amené l'enlèvement de sa femme, mais que c'était seulement une précaution politique. Elle trouva M. Bonacieux seul: le pauvre homme remettait à grand- peine de l'ordre dans la maison, dont il avait trouvé les meubles à peu près brisés et les armoires à peu près vides, la justice n'étant pas une des trois choses que le roi Salomon indique comme ne laissant point de traces de leur passage. Quant à la servante, elle s'était enfuie lors de l'arrestation de son maître. La terreur avait gagné la pauvre fille au point qu'elle n'avait cessé de marcher de Paris jusqu'en Bourgogne, son pays natal. Le digne mercier avait, aussitôt sa rentrée dans sa maison, fait part à sa femme de son heureux retour, et sa femme lui avait répondu pour le féliciter et pour lui dire que le premier moment qu'elle pourrait dérober à ses devoirs serait consacré tout entier à lui rendre visite. Ce premier moment s'était fait attendre cinq jours, ce qui, dans toute autre circonstance, eût paru un peu bien long à maître Bonacieux; mais il avait, dans la visite qu'il avait faite au cardinal et dans les visites que lui faisait Rochefort, ample sujet à réflexion, et, comme on sait, rien ne fait passer le temps comme de réfléchir. D'autant plus que les réflexions de Bonacieux étaient toutes couleur de rose. Rochefort l'appelait son ami, son cher Bonacieux, et ne cessait de lui dire que le cardinal faisait le plus grand cas de lui. Le mercier se voyait déjà sur le chemin des honneurs et de la fortune. De son côté, Mme Bonacieux avait réfléchi, mais, il faut le dire, à tout autre chose que l'ambition; malgré elle, ses pensées avaient eu pour mobile constant ce beau jeune homme si brave et qui paraissait si amoureux. Mariée à dix-huit ans à M. Bonacieux, ayant toujours vécu au milieu des amis de son mari, peu susceptibles d'inspirer un sentiment quelconque à une jeune femme dont le coeur était plus élevé que sa position, Mme Bonacieux était restée insensible aux séductions vulgaires; mais, à cette époque surtout, le titre de gentilhomme avait une grande influence sur la bourgeoisie, et d'Artagnan était gentilhomme; de plus, il portait l'uniforme des gardes, qui, après l'uniforme des mousquetaires, était le plus apprécié des dames. Il était, nous le répétons, beau, jeune, aventureux; il parlait d'amour en homme qui aime et qui a soif d'être aimé; il y en avait là plus qu'il n'en fallait pour tourner une tête de vingt-trois ans, et Mme Bonacieux en était arrivée juste à cet âge heureux de la vie. Les deux époux, quoiqu'ils ne se fussent pas vus depuis plus de huit jours, et que pendant cette semaine de graves événements eussent passé entre eux, s'abordèrent donc avec une certaine préoccupation; néanmoins, M. Bonacieux manifesta une joie réelle et s'avança vers sa femme à bras ouverts. Mme Bonacieux lui présenta le front. «Causons un peu, dit-elle. -- Comment? dit Bonacieux étonné. -- Oui, sans doute, j'ai une chose de la plus haute importance à vous dire. -- Au fait, et moi aussi, j'ai quelques questions assez sérieuses à vous adresser. Expliquez-moi un peu votre enlèvement, je vous prie. -- Il ne s'agit point de cela pour le moment, dit Mme Bonacieux. -- Et de quoi s'agit-il donc? de ma captivité? -- Je l'ai apprise le jour même; mais comme vous n'étiez coupable d'aucun crime, comme vous n'étiez complice d'aucune intrigue, comme vous ne saviez rien enfin qui pût vous compromettre, ni vous, ni personne, je n'ai attaché à cet événement que l'importance qu'il méritait. -- Vous en parlez bien à votre aise, madame! reprit Bonacieux blessé du peu d'intérêt que lui témoignait sa femme; savez-vous que j'ai été plongé un jour et une nuit dans un cachot de la Bastille? -- Un jour et une nuit sont bientôt passés; laissons donc votre captivité, et revenons à ce qui m'amène près de vous. -- Comment? ce qui vous amène près de moi! N'est-ce donc pas le désir de revoir un mari dont vous êtes séparée depuis huit jours? demanda le mercier piqué au vif. -- C'est cela d'abord, et autre chose ensuite. -- Parlez! -- Une chose du plus haut intérêt et de laquelle dépend notre fortune à venir peut-être. -- Notre fortune a fort changé de face depuis que je vous ai vue, madame Bonacieux, et je ne serais pas étonné que d'ici à quelques mois elle ne fît envie à beaucoup de gens. -- Oui, surtout si vous voulez suivre les instructions que je vais vous donner. -- À moi? -- Oui, à vous. Il y a une bonne et sainte action à faire, monsieur, et beaucoup d'argent à gagner en même temps.» Mme Bonacieux savait qu'en parlant d'argent à son mari, elle le prenait par son faible. Mais un homme, fût-ce un mercier, lorsqu'il a causé dix minutes avec le cardinal de Richelieu, n'est plus le même homme. «Beaucoup d'argent à gagner! dit Bonacieux en allongeant les lèvres. -- Oui, beaucoup. -- Combien, à peu près? -- Mille pistoles peut-être. -- Ce que vous avez à me demander est donc bien grave? -- Oui. -- Que faut-il faire? -- Vous partirez sur-le-champ, je vous remettrai un papier dont vous ne vous dessaisirez sous aucun prétexte, et que vous remettrez en main propre. -- Et pour où partirai-je? -- Pour Londres. -- Moi, pour Londres! Allons donc, vous raillez, je n'ai pas affaire à Londres. -- Mais d'autres ont besoin que vous y alliez. -- Quels sont ces autres? Je vous avertis, je ne fais plus rien en aveugle, et je veux savoir non seulement à quoi je m'expose, mais encore pour qui je m'expose. -- Une personne illustre vous envoie, une personne illustre vous attend: la récompense dépassera vos désirs, voilà tout ce que je puis vous promettre. -- Des intrigues encore, toujours des intrigues! merci, je m'en défie maintenant, et M. le cardinal m'a éclairé là-dessus. -- Le cardinal! s'écria Mme Bonacieux, vous avez vu le cardinal? -- Il m'a fait appeler, répondit fièrement le mercier. -- Et vous vous êtes rendu à son invitation, imprudent que vous êtes. -- Je dois dire que je n'avais pas le choix de m'y rendre ou de ne pas m'y rendre, car j'étais entre deux gardes. Il est vrai encore de dire que, comme alors je ne connaissais pas Son Éminence, si j'avais pu me dispenser de cette visite, j'en eusse été fort enchanté. -- Il vous a donc maltraité? il vous a donc fait des menaces? -- Il m'a tendu la main et m'a appelé son ami, -- son ami! entendez-vous, madame? -- je suis l'ami du grand cardinal! -- Du grand cardinal! -- Lui contesteriez-vous ce titre, par hasard, madame? -- Je ne lui conteste rien, mais je vous dis que la faveur d'un ministre est éphémère, et qu'il faut être fou pour s'attacher à un ministre; il est des pouvoirs au-dessus du sien, qui ne reposent pas sur le caprice d'un homme ou l'issue d'un événement; c'est à ces pouvoirs qu'il faut se rallier. -- J'en suis fâché, madame, mais je ne connais pas d'autre pouvoir que celui du grand homme que j'ai l'honneur de servir. -- Vous servez le cardinal? -- Oui, madame, et comme son serviteur je ne permettrai pas que vous vous livriez à des complots contre la sûreté de l'État, et que vous serviez, vous, les intrigues d'une femme qui n'est pas française et qui a le coeur espagnol. Heureusement, le grand cardinal est là, son regard vigilant surveille et pénètre jusqu'au fond du coeur.» Bonacieux répétait mot pour mot une phrase qu'il avait entendu dire au comte de Rochefort; mais la pauvre femme, qui avait compté sur son mari et qui, dans cet espoir, avait répondu de lui à la reine, n'en frémit pas moins, et du danger dans lequel elle avait failli se jeter, et de l'impuissance dans laquelle elle se trouvait. Cependant connaissant la faiblesse et surtout la cupidité de son mari elle ne désespérait pas de l'amener à ses fins. «Ah! vous êtes cardinaliste, monsieur, s'écria-t-elle ah! vous servez le parti de ceux qui maltraitent votre femme et qui insultent votre reine! -- Les intérêts particuliers ne sont rien devant les intérêts de tous. Je suis pour ceux qui sauvent l'État», dit avec emphase Bonacieux. C'était une autre phrase du comte de Rochefort, qu'il avait retenue et qu'il trouvait l'occasion de placer. «Et savez-vous ce que c'est que l'État dont vous parlez? dit Mme Bonacieux en haussant les épaules. Contentez-vous d'être un bourgeois sans finesse aucune, et tournez-vous du côté qui vous offre le plus d'avantages. -- Eh! eh! dit Bonacieux en frappant sur un sac à la panse arrondie et qui rendit un son argentin; que dites-vous de ceci, madame la prêcheuse? -- D'où vient cet argent? -- Vous ne devinez pas? -- Du cardinal? -- De lui et de mon ami le comte de Rochefort. -- Le comte de Rochefort! mais c'est lui qui m'a enlevée! -- Cela se peut, madame. -- Et vous recevez de l'argent de cet homme? -- Ne m'avez-vous pas dit que cet enlèvement était tout politique? -- Oui; mais cet enlèvement avait pour but de me faire trahir ma maîtresse, de m'arracher par des tortures des aveux qui pussent compromettre l'honneur et peut-être la vie de mon auguste maîtresse. -- Madame, reprit Bonacieux, votre auguste maîtresse est une perfide Espagnole, et ce que le cardinal fait est bien fait. -- Monsieur, dit la jeune femme, je vous savais lâche, avare et imbécile, mais je ne vous savais pas infâme! -- Madame, dit Bonacieux, qui n'avait jamais vu sa femme en colère, et qui reculait devant le courroux conjugal; madame, que dites-vous donc? -- Je dis que vous êtes un misérable! continua Mme Bonacieux, qui vit qu'elle reprenait quelque influence sur son mari. Ah! vous faites de la politique, vous! et de la politique cardinaliste encore! Ah! vous vous vendez, corps et âme, au démon pour de l'argent. -- Non, mais au cardinal. -- C'est la même chose! s'écria la jeune femme. Qui dit Richelieu, dit Satan. -- Taisez-vous, madame, taisez-vous, on pourrait vous entendre! -- Oui, vous avez raison, et je serais honteuse pour vous de votre lâcheté. -- Mais qu'exigez-vous donc de moi? voyons! -- Je vous l'ai dit: que vous partiez à l'instant même, monsieur, que vous accomplissiez loyalement la commission dont je daigne vous charger, et à cette condition j'oublie tout, je pardonne, et il y a plus -- elle lui tendit la main -- je vous rends mon amitié.» Bonacieux était poltron et avare; mais il aimait sa femme: il fut attendri. Un homme de cinquante ans ne tient pas longtemps rancune à une femme de vingt-trois. Mme Bonacieux vit qu'il hésitait: «Allons, êtes-vous décidé? dit-elle. -- Mais, ma chère amie, réfléchissez donc un peu à ce que vous exigez de moi; Londres est loin de Paris, fort loin, et peut-être la commission dont vous me chargez n'est-elle pas sans dangers. -- Qu'importe, si vous les évitez! -- Tenez, madame Bonacieux, dit le mercier, tenez, décidément, je refuse: les intrigues me font peur. J'ai vu la Bastille, moi. Brrrrou! c'est affreux, la Bastille! Rien que d'y penser, j'en ai la chair de poule. On m'a menacé de la torture. Savez-vous ce que c'est que la torture? Des coins de bois qu'on vous enfonce entre les jambes jusqu'à ce que les os éclatent! Non, décidément, je n'irai pas. Et morbleu! que n'y allez-vous vous-même? car, en vérité, je crois que je me suis trompé sur votre compte jusqu'à présent: je crois que vous êtes un homme, et des plus enragés encore! -- Et vous, vous êtes une femme, une misérable femme, stupide et abrutie. Ah! vous avez peur! Eh bien, si vous ne partez pas à l'instant même, je vous fais arrêter par l'ordre de la reine, et je vous fais mettre à cette Bastille que vous craignez tant.» Bonacieux tomba dans une réflexion profonde, il pesa mûrement les deux colères dans son cerveau, celle du cardinal et celle de la reine: celle du cardinal l'emporta énormément. «Faites-moi arrêter de la part de la reine, dit-il, et moi je me réclamerai de Son Éminence.» Pour le coup, Mme Bonacieux vit qu'elle avait été trop loin, et elle fut épouvantée de s'être si fort avancée. Elle contempla un instant avec effroi cette figure stupide, d'une résolution invincible, comme celle des sots qui ont peur. «Eh bien, soit! dit-elle. Peut-être, au bout du compte, avez-vous raison: un homme en sait plus long que les femmes en politique, et vous surtout, monsieur Bonacieux, qui avez causé avec le cardinal. Et cependant, il est bien dur, ajouta-t-elle, que mon mari, un homme sur l'affection duquel je croyais pouvoir compter, me traite aussi disgracieusement et ne satisfasse point à ma fantaisie. -- C'est que vos fantaisies peuvent mener trop loin, reprit Bonacieux triomphant, et je m'en défie. -- J'y renoncerai donc, dit la jeune femme en soupirant; c'est bien, n'en parlons plus. -- Si, au moins, vous me disiez quelle chose je vais faire à Londres, reprit Bonacieux, qui se rappelait un peu tard que Rochefort lui avait recommandé d'essayer de surprendre les secrets de sa femme. -- Il est inutile que vous le sachiez, dit la jeune femme, qu'une défiance instinctive repoussait maintenant en arrière: il s'agissait d'une bagatelle comme en désirent les femmes, d'une emplette sur laquelle il y avait beaucoup à gagner.» Mais plus la jeune femme se défendait, plus au contraire Bonacieux pensa que le secret qu'elle refusait de lui confier était important. Il résolut donc de courir à l'instant même chez le comte de Rochefort, et de lui dire que la reine cherchait un messager pour l'envoyer à Londres. «Pardon, si je vous quitte, ma chère madame Bonacieux, dit-il; mais, ne sachant pas que vous me viendriez voir, j'avais pris rendez-vous avec un de mes amis, je reviens à l'instant même, et si vous voulez m'attendre seulement une demi-minute, aussitôt que j'en aurai fini avec cet ami, je reviens vous prendre, et, comme il commence à se faire tard, je vous reconduis au Louvre. -- Merci, monsieur, répondit Mme Bonacieux: vous n'êtes point assez brave pour m'être d'une utilité quelconque, et je m'en retournerai bien au Louvre toute seule. -- Comme il vous plaira, madame Bonacieux, reprit l'ex-mercier. Vous reverrai-je bientôt? -- Sans doute; la semaine prochaine, je l'espère, mon service me laissera quelque liberté, et j'en profiterai pour revenir mettre de l'ordre dans nos affaires, qui doivent être quelque peu dérangées. -- C'est bien; je vous attendrai. Vous ne m'en voulez pas? -- Moi! pas le moins du monde. -- À bientôt, alors? -- À bientôt.» Bonacieux baisa la main de sa femme, et s'éloigna rapidement. «Allons, dit Mme Bonacieux, lorsque son mari eut refermé la porte de la rue, et qu'elle se trouva seule, il ne manquait plus à cet imbécile que d'être cardinaliste! Et moi qui avais répondu à la reine, moi qui avais promis à ma pauvre maîtresse... Ah! mon Dieu, mon Dieu! elle va me prendre pour quelqu'une de ces misérables dont fourmille le palais, et qu'on a placées près d'elle pour l'espionner! Ah! monsieur Bonacieux! je ne vous ai jamais beaucoup aimé; maintenant, c'est bien pis: je vous hais! et, sur ma parole, vous me le paierez!» Au moment où elle disait ces mots, un coup frappé au plafond lui fit lever la tête, et une voix, qui parvint à elle à travers le plancher, lui cria: «Chère madame Bonacieux, ouvrez-moi la petite porte de l'allée, et je vais descendre près de vous.» CHAPITRE XVIII L'AMANT ET LE MARI «Ah! madame, dit d'Artagnan en entrant par la porte que lui ouvrait la jeune femme, permettez-moi de vous le dire, vous avez là un triste mari. -- Vous avez donc entendu notre conversation? demanda vivement Mme Bonacieux en regardant d'Artagnan avec inquiétude. -- Tout entière. -- Mais comment cela? mon Dieu! -- Par un procédé à moi connu, et par lequel j'ai entendu aussi la conversation plus animée que vous avez eue avec les sbires du cardinal. -- Et qu'avez-vous compris dans ce que nous disions? -- Mille choses: d'abord, que votre mari est un niais et un sot, heureusement; puis, que vous étiez embarrassée, ce dont j'ai été fort aise, et que cela me donne une occasion de me mettre à votre service, et Dieu sait si je suis prêt à me jeter dans le feu pour vous; enfin que la reine a besoin qu'un homme brave, intelligent et dévoué fasse pour elle un voyage à Londres. J'ai au moins deux des trois qualités qu'il vous faut, et me voilà.» Mme Bonacieux ne répondit pas, mais son coeur battait de joie, et une secrète espérance brilla à ses yeux. «Et quelle garantie me donnerez-vous, demanda-t-elle, si je consens à vous confier cette mission? -- Mon amour pour vous. Voyons, dites, ordonnez: que faut-il faire? -- Mon Dieu! mon Dieu! murmura la jeune femme, dois-je vous confier un pareil secret, monsieur? Vous êtes presque un enfant! -- Allons, je vois qu'il vous faut quelqu'un qui vous réponde de moi. -- J'avoue que cela me rassurerait fort. -- Connaissez-vous Athos? -- Non. -- Porthos? -- Non. -- Aramis? -- Non. Quels sont ces messieurs? -- Des mousquetaires du roi. Connaissez-vous M. de Tréville, leur capitaine? -- Oh! oui, celui-là, je le connais, non pas personnellement, mais pour en avoir entendu plus d'une fois parler à la reine comme d'un brave et loyal gentilhomme. -- Vous ne craignez pas que lui vous trahisse pour le cardinal, n'est-ce pas? -- Oh! non, certainement. -- Eh bien, révélez-lui votre secret, et demandez-lui, si important, si précieux, si terrible qu'il soit, si vous pouvez me le confier. -- Mais ce secret ne m'appartient pas, et je ne puis le révéler ainsi. -- Vous l'alliez bien confier à M. Bonacieux, dit d'Artagnan avec dépit. -- Comme on confie une lettre au creux d'un arbre, à l'aile d'un pigeon, au collier d'un chien. -- Et cependant, moi, vous voyez bien que je vous aime. -- Vous le dites. -- Je suis un galant homme! -- Je le crois. -- Je suis brave! -- Oh! cela, j'en suis sûre. -- Alors, mettez-moi donc à l'épreuve.» Mme Bonacieux regarda le jeune homme, retenue par une dernière hésitation. Mais il y avait une telle ardeur dans ses yeux, une telle persuasion dans sa voix, qu'elle se sentit entraînée à se fier à lui. D'ailleurs elle se trouvait dans une de ces circonstances où il faut risquer le tout pour le tout. La reine était aussi bien perdue par une trop grande retenue que par une trop grande confiance. Puis, avouons-le, le sentiment involontaire qu'elle éprouvait pour ce jeune protecteur la décida à parler. «Écoutez, lui dit-elle, je me rends à vos protestations et je cède à vos assurances. Mais je vous jure devant Dieu qui nous entend, que si vous me trahissez et que mes ennemis me pardonnent, je me tuerai en vous accusant de ma mort. -- Et moi, je vous jure devant Dieu, madame, dit d'Artagnan, que si je suis pris en accomplissant les ordres que vous me donnez, je mourrai avant de rien faire ou dire qui compromette quelqu'un.» Alors la jeune femme lui confia le terrible secret dont le hasard lui avait déjà révélé une partie en face de la Samaritaine. Ce fut leur mutuelle déclaration d'amour. D'Artagnan rayonnait de joie et d'orgueil. Ce secret qu'il possédait, cette femme qu'il aimait, la confiance et l'amour, faisaient de lui un géant. «Je pars, dit-il, je pars sur-le-champ. -- Comment! vous partez! s'écria Mme Bonacieux, et votre régiment, votre capitaine? -- Sur mon âme, vous m'aviez fait oublier tout cela, chère Constance! oui, vous avez raison, il me faut un congé. -- Encore un obstacle, murmura Mme Bonacieux avec douleur. -- Oh! celui-là, s'écria d'Artagnan après un moment de réflexion, je le surmonterai, soyez tranquille. -- Comment cela? -- J'irai trouver ce soir même M. de Tréville, que je chargerai de demander pour moi cette faveur à son beau-frère, M. des Essarts. -- Maintenant, autre chose. -- Quoi? demanda d'Artagnan, voyant que Mme Bonacieux hésitait à continuer. -- Vous n'avez peut-être pas d'argent? -- Peut-être est de trop, dit d'Artagnan en souriant. -- Alors, reprit Mme Bonacieux en ouvrant une armoire et en tirant de cette armoire le sac qu'une demi-heure auparavant caressait si amoureusement son mari, prenez ce sac. -- Celui du cardinal! s'écria en éclatant de rire d'Artagnan qui, comme on s'en souvient, grâce à ses carreaux enlevés, n'avait pas perdu une syllabe de la conversation du mercier et de sa femme. -- Celui du cardinal, répondit Mme Bonacieux; vous voyez qu'il se présente sous un aspect assez respectable. -- Pardieu! s'écria d'Artagnan, ce sera une chose doublement divertissante que de sauver la reine avec l'argent de Son Éminence! -- Vous êtes un aimable et charmant jeune homme, dit Mme Bonacieux. Croyez que Sa Majesté ne sera point ingrate. -- Oh! je suis déjà grandement récompensé! s'écria d'Artagnan. Je vous aime, vous me permettez de vous le dire; c'est déjà plus de bonheur que je n'en osais espérer. -- Silence! dit Mme Bonacieux en tressaillant. -- Quoi? -- On parle dans la rue. -- C'est la voix... -- De mon mari. Oui, je l'ai reconnue!» D'Artagnan courut à la porte et poussa le verrou. «Il n'entrera pas que je ne sois parti, dit-il, et quand je serai parti, vous lui ouvrirez. -- Mais je devrais être partie aussi, moi. Et la disparition de cet argent, comment la justifier si je suis là? -- Vous avez raison, il faut sortir. -- Sortir, comment? On nous verra si nous sortons. -- Alors il faut monter chez moi. -- Ah! s'écria Mme Bonacieux, vous me dites cela d'un ton qui me fait peur.» Mme Bonacieux prononça ces paroles avec une larme dans les yeux. D'Artagnan vit cette larme, et, troublé, attendri, il se jeta à ses genoux. «Chez moi, dit-il, vous serez en sûreté comme dans un temple, je vous en donne ma parole de gentilhomme. -- Partons, dit-elle, je me fie à vous, mon ami.» D'Artagnan rouvrit avec précaution le verrou, et tous deux, légers comme des ombres, se glissèrent par la porte intérieure dans l'allée, montèrent sans bruit l'escalier et rentrèrent dans la chambre de d'Artagnan. Une fois chez lui, pour plus de sûreté, le jeune homme barricada la porte; ils s'approchèrent tous deux de la fenêtre, et par une fente du volet ils virent M. Bonacieux qui causait avec un homme en manteau. À la vue de l'homme en manteau, d'Artagnan bondit, et, tirant son épée à demi, s'élança vers la porte. C'était l'homme de Meung. «Qu'allez-vous faire? s'écria Mme Bonacieux; vous nous perdez. -- Mais j'ai juré de tuer cet homme! dit d'Artagnan. -- Votre vie est vouée en ce moment et ne vous appartient pas. Au nom de la reine, je vous défends de vous jeter dans aucun péril étranger à celui du voyage. -- Et en votre nom, n'ordonnez-vous rien? -- En mon nom, dit Mme Bonacieux avec une vive émotion; en mon nom, je vous en prie. Mais écoutons, il me semble qu'ils parlent de moi.» D'Artagnan se rapprocha de la fenêtre et prêta l'oreille. M. Bonacieux avait rouvert sa porte, et voyant l'appartement vide, il était revenu à l'homme au manteau qu'un instant il avait laissé seul. «Elle est partie, dit-il, elle sera retournée au Louvre. -- Vous êtes sûr, répondit l'étranger, qu'elle ne s'est pas doutée dans quelles intentions vous êtes sorti? -- Non, répondit Bonacieux avec suffisance; c'est une femme trop superficielle. -- Le cadet aux gardes est-il chez lui? -- Je ne le crois pas; comme vous le voyez, son volet est fermé, et l'on ne voit aucune lumière briller à travers les fentes. -- C'est égal, il faudrait s'en assurer. -- Comment cela? -- En allant frapper à sa porte. -- Je demanderai à son valet. -- Allez.» Bonacieux rentra chez lui, passa par la même porte qui venait de donner passage aux deux fugitifs, monta jusqu'au palier de d'Artagnan et frappa. Personne ne répondit. Porthos, pour faire plus grande figure, avait emprunté ce soir-là Planchet. Quant à d'Artagnan, il n'avait garde de donner signe d'existence. Au moment où le doigt de Bonacieux résonna sur la porte, les deux jeunes gens sentirent bondir leurs coeurs. «Il n'y a personne chez lui, dit Bonacieux. -- N'importe, rentrons toujours chez vous, nous serons plus en sûreté que sur le seuil d'une porte. -- Ah! mon Dieu! murmura Mme Bonacieux, nous n'allons plus rien entendre. -- Au contraire, dit d'Artagnan, nous n'entendrons que mieux.» D'Artagnan enleva les trois ou quatre carreaux qui faisaient de sa chambre une autre oreille de Denys, étendit un tapis à terre, se mit à genoux, et fit signe à Mme Bonacieux de se pencher, comme il le faisait vers l'ouverture. «Vous êtes sûr qu'il n'y a personne? dit l'inconnu. -- J'en réponds, dit Bonacieux. -- Et vous pensez que votre femme?... -- Est retournée au Louvre. -- Sans parler à aucune personne qu'à vous? -- J'en suis sûr. -- C'est un point important, comprenez-vous? -- Ainsi, la nouvelle que je vous ai apportée a donc une valeur...? -- Très grande, mon cher Bonacieux, je ne vous le cache pas. -- Alors le cardinal sera content de moi? -- Je n'en doute pas. -- Le grand cardinal! -- Vous êtes sûr que, dans sa conversation avec vous, votre femme n'a pas prononcé de noms propres? -- Je ne crois pas. -- Elle n'a nommé ni Mme de Chevreuse, ni M. de Buckingham, ni Mme de Vernet? -- Non, elle m'a dit seulement qu'elle voulait m'envoyer à Londres pour servir les intérêts d'une personne illustre.» «Le traître! murmura Mme Bonacieux. -- Silence!» dit d'Artagnan en lui prenant une main qu'elle lui abandonna sans y penser. «N'importe, continua l'homme au manteau, vous êtes un niais de n'avoir pas feint d'accepter la commission, vous auriez la lettre à présent; État qu'on menace était sauvé, et vous... -- Et moi? -- Eh bien, vous! le cardinal vous donnait des lettres de noblesse... -- Il vous l'a dit? -- Oui, je sais qu'il voulait vous faire cette surprise. -- Soyez tranquille, reprit Bonacieux; ma femme m'adore, et il est encore temps.» «Le niais! murmura Mme Bonacieux. -- Silence!» dit d'Artagnan en lui serrant plus fortement la main. «Comment est-il encore temps? reprit l'homme au manteau. -- Je retourne au Louvre, je demande Mme Bonacieux, je dis que j'ai réfléchi, je renoue l'affaire, j'obtiens la lettre, et je cours chez le cardinal. -- Eh bien, allez vite; je reviendrai bientôt savoir le résultat de votre démarche.» L'inconnu sortit. «L'infâme! dit Mme Bonacieux en adressant encore cette épithète à son mari. -- Silence!» répéta d'Artagnan en lui serrant la main plus fortement encore. Un hurlement terrible interrompit alors les réflexions de d'Artagnan et de Mme Bonacieux. C'était son mari, qui s'était aperçu de la disparition de son sac et qui criait au voleur. «Oh! mon Dieu! s'écria Mme Bonacieux, il va ameuter tout le quartier.» Bonacieux cria longtemps; mais comme de pareils cris, attendu leur fréquence, n'attiraient personne dans la rue des Fossoyeurs, et que d'ailleurs la maison du mercier était depuis quelque temps assez mal famée, voyant que personne ne venait, il sortit en continuant de crier, et l'on entendit sa voix qui s'éloignait dans la direction de la rue du Bac. «Et maintenant qu'il est parti, à votre tour de vous éloigner, dit Mme Bonacieux; du courage, mais surtout de la prudence, et songez que vous vous devez à la reine. -- À elle et à vous! s'écria d'Artagnan. Soyez tranquille, belle Constance, je reviendrai digne de sa reconnaissance; mais reviendrai-je aussi digne de votre amour?» La jeune femme ne répondit que par la vive rougeur qui colora ses joues. Quelques instants après, d'Artagnan sortit à son tour, enveloppé, lui aussi, d'un grand manteau que retroussait cavalièrement le fourreau d'une longue épée. Mme Bonacieux le suivit des yeux avec ce long regard d'amour dont la femme accompagne l'homme qu'elle se sent aimer; mais lorsqu'il eut disparu à l'angle de la rue, elle tomba à genoux, et joignant les mains: «O mon Dieu! s'écria-t-elle, protégez la reine, protégez-moi!» CHAPITRE XIX PLAN DE CAMPAGNE D'Artagnan se rendit droit chez M. de Tréville. Il avait réfléchi que, dans quelques minutes, le cardinal serait averti par ce damné inconnu, qui paraissait être son agent, et il pensait avec raison qu'il n'y avait pas un instant à perdre. Le coeur du jeune homme débordait de joie. Une occasion où il y avait à la fois gloire à acquérir et argent à gagner se présentait à lui, et, comme premier encouragement, venait de le rapprocher d'une femme qu'il adorait. Ce hasard faisait donc presque du premier coup, pour lui, plus qu'il n'eût osé demander à la Providence. M. de Tréville était dans son salon avec sa cour habituelle de gentilshommes. D'Artagnan, que l'on connaissait comme un familier de la maison, alla droit à son cabinet et le fit prévenir qu'il l'attendait pour chose d'importance. D'Artagnan était là depuis cinq minutes à peine, lorsque M. de Tréville entra. Au premier coup d'oeil et à la joie qui se peignait sur son visage, le digne capitaine comprit qu'il se passait effectivement quelque chose de nouveau. Tout le long de la route, d'Artagnan s'était demandé s'il se confierait à M. de Tréville, ou si seulement il lui demanderait de lui accorder carte blanche pour une affaire secrète. Mais M. de Tréville avait toujours été si parfait pour lui, il était si fort dévoué au roi et à la reine, il haïssait si cordialement le cardinal, que le jeune homme résolut de tout lui dire. «Vous m'avez fait demander, mon jeune ami? dit M. de Tréville. -- Oui, monsieur, dit d'Artagnan, et vous me pardonnerez, je l'espère, de vous avoir dérangé, quand vous saurez de quelle chose importante il est question. -- Dites alors, je vous écoute. -- Il ne s'agit de rien de moins, dit d'Artagnan, en baissant la voix, que de l'honneur et peut-être de la vie de la reine. -- Que dites-vous là? demanda M. de Tréville en regardant tout autour de lui s'ils étaient bien seuls, et en ramenant son regard interrogateur sur d'Artagnan. -- Je dis, monsieur, que le hasard m'a rendu maître d'un secret... -- Que vous garderez, j'espère, jeune homme, sur votre vie. -- Mais que je dois vous confier, à vous, Monsieur, car vous seul pouvez m'aider dans la mission que je viens de recevoir de Sa Majesté. -- Ce secret est-il à vous? -- Non, monsieur, c'est celui de la reine. -- Êtes-vous autorisé par Sa Majesté à me le confier? -- Non, monsieur, car au contraire le plus profond mystère m'est recommandé. -- Et pourquoi donc allez-vous le trahir vis-à-vis de moi? -- Parce que, je vous le dis, sans vous je ne puis rien, et que j'ai peur que vous ne me refusiez la grâce que je viens vous demander, si vous ne savez pas dans quel but je vous la demande. -- Gardez votre secret, jeune homme, et dites-moi ce que vous désirez. -- Je désire que vous obteniez pour moi, de M. des Essarts, un congé de quinze jours. -- Quand cela? -- Cette nuit même. -- Vous quittez Paris? -- Je vais en mission. -- Pouvez-vous me dire où? -- À Londres. -- Quelqu'un a-t-il intérêt à ce que vous n'arriviez pas à votre but? -- Le cardinal, je le crois, donnerait tout au monde pour m'empêcher de réussir. -- Et vous partez seul? -- Je pars seul. -- En ce cas, vous ne passerez pas Bondy; c'est moi qui vous le dis, foi de Tréville. -- Comment cela? -- On vous fera assassiner. -- Je serai mort en faisant mon devoir. -- Mais votre mission ne sera pas remplie. -- C'est vrai, dit d'Artagnan. -- Croyez-moi, continua Tréville, dans les entreprises de ce genre, il faut être quatre pour arriver un. -- Ah! vous avez raison, Monsieur, dit d'Artagnan; mais vous connaissez Athos, Porthos et Aramis, et vous savez si je puis disposer d'eux. -- Sans leur confier le secret que je n'ai pas voulu savoir? -- Nous nous sommes juré, une fois pour toutes, confiance aveugle et dévouement à toute épreuve; d'ailleurs vous pouvez leur dire que vous avez toute confiance en moi, et ils ne seront pas plus incrédules que vous. -- Je puis leur envoyer à chacun un congé de quinze jours, voilà tout: à Athos, que sa blessure fait toujours souffrir, pour aller aux eaux de Forges! à Porthos et à Aramis, pour suivre leur ami, qu'ils ne veulent pas abandonner dans une si douloureuse position. L'envoi de leur congé sera la preuve que j'autorise leur voyage. -- Merci, monsieur, et vous êtes cent fois bon. -- Allez donc les trouver à l'instant même, et que tout s'exécute cette nuit. Ah! et d'abord écrivez-moi votre requête à M. des Essarts. Peut-être aviez-vous un espion à vos trousses, et votre visite, qui dans ce cas est déjà connue du cardinal, sera légitimée ainsi.» D'Artagnan formula cette demande, et M. de Tréville, en la recevant de ses mains, assura qu'avant deux heures du matin les quatre congés seraient au domicile respectif des voyageurs. «Ayez la bonté d'envoyer le mien chez Athos, dit d'Artagnan. Je craindrais, en rentrant chez moi, d'y faire quelque mauvaise rencontre. -- Soyez tranquille. Adieu et bon voyage! À propos!» dit M. de Tréville en le rappelant. D'Artagnan revint sur ses pas. «Avez-vous de l'argent?» D'Artagnan fit sonner le sac qu'il avait dans sa poche. «Assez? demanda M. de Tréville. -- Trois cents pistoles. -- C'est bien, on va au bout du monde avec cela; allez donc.» D'Artagnan salua M. de Tréville, qui lui tendit la main; d'Artagnan la lui serra avec un respect mêlé de reconnaissance. Depuis qu'il était arrivé à Paris, il n'avait eu qu'à se louer de cet excellent homme, qu'il avait toujours trouvé digne, loyal et grand. Sa première visite fut pour Aramis; il n'était pas revenu chez son ami depuis la fameuse soirée où il avait suivi Mme Bonacieux. Il y a plus: à peine avait-il vu le jeune mousquetaire, et à chaque fois qu'il l'avait revu, il avait cru remarquer une profonde tristesse empreinte sur son visage. Ce soir encore, Aramis veillait sombre et rêveur; d'Artagnan lui fit quelques questions sur cette mélancolie profonde; Aramis s'excusa sur un commentaire du dix-huitième chapitre de saint Augustin qu'il était forcé d'écrire en latin pour la semaine suivante, et qui le préoccupait beaucoup. Comme les deux amis causaient depuis quelques instants, un serviteur de M. de Tréville entra porteur d'un paquet cacheté. «Qu'est-ce là? demanda Aramis. -- Le congé que monsieur a demandé, répondit le laquais. -- Moi, je n'ai pas demandé de congé. -- Taisez-vous et prenez, dit d'Artagnan. Et vous, mon ami, voici une demi-pistole pour votre peine; vous direz à M. de Tréville que M. Aramis le remercie bien sincèrement. Allez.» Le laquais salua jusqu'à terre et sortit. «Que signifie cela? demanda Aramis. -- Prenez ce qu'il vous faut pour un voyage de quinze jours, et suivez-moi. -- Mais je ne puis quitter Paris en ce moment, sans savoir...» Aramis s'arrêta. «Ce qu'elle est devenue, n'est-ce pas? continua d'Artagnan. -- Qui? reprit Aramis. -- La femme qui était ici, la femme au mouchoir brodé. -- Qui vous a dit qu'il y avait une femme ici? répliqua Aramis en devenant pâle comme la mort. -- Je l'ai vue. -- Et vous savez qui elle est? -- Je crois m'en douter, du moins. -- Écoutez, dit Aramis, puisque vous savez tant de choses, savez- vous ce qu'est devenue cette femme? -- Je présume qu'elle est retournée à Tours. -- À Tours? oui, c'est bien cela, vous la connaissez. Mais comment est-elle retournée à Tours sans me rien dire? -- Parce qu'elle a craint d'être arrêtée. -- Comment ne m'a-t-elle pas écrit? -- Parce qu'elle craint de vous compromettre. -- D'Artagnan, vous me rendez la vie! s'écria Aramis. Je me croyais méprisé, trahi. J'étais si heureux de la revoir! Je ne pouvais croire qu'elle risquât sa liberté pour moi, et cependant pour quelle cause serait-elle revenue à Paris? -- Pour la cause qui aujourd'hui nous fait aller en Angleterre. -- Et quelle est cette cause? demanda Aramis. -- Vous le saurez un jour, Aramis; mais, pour le moment, j'imiterai la retenue de la nièce du docteur.» Aramis sourit, car il se rappelait le conte qu'il avait fait certain soir à ses amis. «Eh bien, donc, puisqu'elle a quitté Paris et que vous en êtes sûr, d'Artagnan, rien ne m'y arrête plus, et je suis prêt à vous suivre. Vous dites que nous allons?... -- Chez Athos, pour le moment, et si vous voulez venir, je vous invite même à vous hâter, car nous avons déjà perdu beaucoup de temps. À propos, prévenez Bazin. -- Bazin vient avec nous? demanda Aramis. -- Peut-être. En tout cas, il est bon qu'il nous suive pour le moment chez Athos.» Aramis appela Bazin, et après lui avoir ordonné de le venir joindre chez Athos: «Partons donc», dit-il en prenant son manteau, son épée et ses trois pistolets, et en ouvrant inutilement trois ou quatre tiroirs pour voir s'il n'y trouverait pas quelque pistole égarée. Puis, quand il se fut bien assuré que cette recherche était superflue, il suivit d'Artagnan en se demandant comment il se faisait que le jeune cadet aux gardes sût aussi bien que lui quelle était la femme à laquelle il avait donné l'hospitalité, et sût mieux que lui ce qu'elle était devenue. Seulement, en sortant, Aramis posa sa main sur le bras de d'Artagnan, et le regardant fixement: «Vous n'avez parlé de cette femme à personne? dit-il. -- À personne au monde. -- Pas même à Athos et à Porthos? -- Je ne leur en ai pas soufflé le moindre mot. -- À la bonne heure.» Et, tranquille sur ce point important, Aramis continua son chemin avec d'Artagnan, et tous deux arrivèrent bien tôt chez Athos. Ils le trouvèrent tenant son congé d'une main et la lettre de M. de Tréville de l'autre. «Pouvez-vous m'expliquer ce que signifient ce congé et cette lettre que je viens de recevoir?» dit Athos étonné. «Mon cher Athos, je veux bien, puisque votre santé l'exige absolument, que vous vous reposiez quinze jours. Allez donc prendre les eaux de Forges ou telles autres qui vous conviendront, et rétablissez-vous promptement. «Votre affectionné «Tréville» «Eh bien, ce congé et cette lettre signifient qu'il faut me suivre, Athos. -- Aux eaux de Forges? -- Là ou ailleurs. -- Pour le service du roi? -- Du roi ou de la reine: ne sommes-nous pas serviteurs de Leurs Majestés?» En ce moment, Porthos entra. «Pardieu, dit-il, voici une chose étrange: depuis quand, dans les mousquetaires, accorde-t-on aux gens des congés sans qu'ils les demandent? -- Depuis, dit d'Artagnan, qu'ils ont des amis qui les demandent pour eux. -- Ah! ah! dit Porthos, il paraît qu'il y a du nouveau ici? -- Oui, nous partons, dit Aramis. -- Pour quel pays? demanda Porthos. -- Ma foi, je n'en sais trop rien, dit Athos; demande cela à d'Artagnan. -- Pour Londres, messieurs, dit d'Artagnan. -- Pour Londres! s'écria Porthos; et qu'allons-nous faire à Londres? -- Voilà ce que je ne puis vous dire, messieurs, et il faut vous fier à moi. -- Mais pour aller à Londres, ajouta Porthos, il faut de l'argent, et je n'en ai pas. -- Ni moi, dit Aramis. -- Ni moi, dit Athos. -- J'en ai, moi, reprit d'Artagnan en tirant son trésor de sa poche et en le posant sur la table. Il y a dans ce sac trois cents pistoles; prenons-en chacun soixante-quinze; c'est autant qu'il en faut pour aller à Londres et pour en revenir. D'ailleurs, soyez tranquilles, nous n'y arriverons pas tous, à Londres. -- Et pourquoi cela? -- Parce que, selon toute probabilité, il y en aura quelques-uns d'entre nous qui resteront en route. -- Mais est-ce donc une campagne que nous entreprenons? -- Et des plus dangereuses, je vous en avertis. -- Ah çà, mais, puisque nous risquons de nous faire tuer, dit Porthos, je voudrais bien savoir pourquoi, au moins? -- Tu en seras bien plus avancé! dit Athos. -- Cependant, dit Aramis, je suis de l'avis de Porthos. -- Le roi a-t-il l'habitude de vous rendre des comptes? Non; il vous dit tout bonnement: "Messieurs, on se bat en Gascogne ou dans les Flandres; allez vous battre", et vous y allez. Pourquoi? vous ne vous en inquiétez même pas. -- D'Artagnan a raison, dit Athos, voilà nos trois congés qui viennent de M. de Tréville, et voilà trois cents pistoles qui viennent je ne sais d'où. Allons nous faire tuer où l'on nous dit d'aller. La vie vaut-elle la peine de faire autant de questions? D'Artagnan, je suis prêt à te suivre. -- Et moi aussi, dit Porthos. -- Et moi aussi, dit Aramis. Aussi bien, je ne suis pas fâché de quitter Paris. J'ai besoin de distractions. -- Eh bien, vous en aurez, des distractions, messieurs, soyez tranquilles, dit d'Artagnan. -- Et maintenant, quand partons-nous? dit Athos. -- Tout de suite, répondit d'Artagnan, il n'y a pas une minute à perdre. -- Holà! Grimaud, Planchet, Mousqueton, Bazin! crièrent les quatre jeunes gens appelant leurs laquais, graissez nos bottes et ramenez les chevaux de l'hôtel.» En effet, chaque mousquetaire laissait à l'hôtel général comme à une caserne son cheval et celui de son laquais. Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin partirent en toute hâte. «Maintenant, dressons le plan de campagne, dit Porthos. Où allons- nous d'abord? -- À Calais, dit d'Artagnan; c'est la ligne la plus directe pour arriver à Londres. -- Eh bien, dit Porthos, voici mon avis. -- Parle. -- Quatre hommes voyageant ensemble seraient suspects: d'Artagnan nous donnera à chacun ses instructions, je partirai en avant par la route de Boulogne pour éclairer le chemin; Athos partira deux heures après par celle d'Amiens; Aramis nous suivra par celle de Noyon; quant à d'Artagnan, il partira par celle qu'il voudra, avec les habits de Planchet, tandis que Planchet nous suivra en d'Artagnan et avec l'uniforme des gardes. -- Messieurs, dit Athos, mon avis est qu'il ne convient pas de mettre en rien des laquais dans une pareille affaire: un secret peut par hasard être trahi par des gentilshommes, mais il est presque toujours vendu par des laquais. -- Le plan de Porthos me semble impraticable, dit d'Artagnan, en ce que j'ignore moi-même quelles instructions je puis vous donner. Je suis porteur d'une lettre, voilà tout. Je n'ai pas et ne puis faire trois copies de cette lettre, puisqu'elle est scellée; il faut donc, à mon avis, voyager de compagnie. Cette lettre est là, dans cette poche. Et il montra la poche où était la lettre. Si je suis tué, l'un de vous la prendra et vous continuerez la route; s'il est tué, ce sera le tour d'un autre, et ainsi de suite; pourvu qu'un seul arrive, c'est tout ce qu'il faut. -- Bravo, d'Artagnan! ton avis est le mien, dit Athos. Il faut être conséquent, d'ailleurs: je vais prendre les eaux, vous m'accompagnerez; au lieu des eaux de Forges, je vais prendre les eaux de mer; je suis libre. On veut nous arrêter, je montre la lettre de M. de Tréville, et vous montrez vos congés; on nous attaque, nous nous défendons; on nous juge, nous soutenons mordicus que nous n'avions d'autre intention que de nous tremper un certain nombre de fois dans la mer; on aurait trop bon marché de quatre hommes isolés, tandis que quatre hommes réunis font une troupe. Nous armerons les quatre laquais de pistolets et de mousquetons; si l'on envoie une armée contre nous, nous livrerons bataille, et le survivant, comme l'a dit d'Artagnan, portera la lettre. -- Bien dit, s'écria Aramis; tu ne parles pas souvent, Athos, mais quand tu parles, c'est comme saint Jean Bouche d'or. J'adopte le plan d'Athos. Et toi, Porthos? -- Moi aussi, dit Porthos, s'il convient à d'Artagnan. D'Artagnan, porteur de la lettre, est naturellement le chef de l'entreprise; qu'il décide, et nous exécuterons. -- Eh bien, dit d'Artagnan, je décide que nous adoptions le plan d'Athos et que nous partions dans une demi-heure. -- Adopté!» reprirent en choeur les trois mousquetaires. Et chacun, allongeant la main vers le sac, prit soixante-quinze pistoles et fit ses préparatifs pour partir à l'heure convenue. CHAPITRE XX VOYAGE À deux heures du matin, nos quatre aventuriers sortirent de Paris par la barrière Saint-Denis; tant qu'il fit nuit, ils restèrent muets; malgré eux, ils subissaient l'influence de l'obscurité et voyaient des embûches partout. Aux premiers rayons du jour, leurs langues se délièrent; avec le soleil, la gaieté revint: c'était comme à la veille d'un combat, le coeur battait, les yeux riaient; on sentait que la vie qu'on allait peut-être quitter était, au bout du compte, une bonne chose. L'aspect de la caravane, au reste, était des plus formidables: les chevaux noirs des mousquetaires, leur tournure martiale, cette habitude de l'escadron qui fait marcher régulièrement ces nobles compagnons du soldat, eussent trahi le plus strict incognito. Les valets suivaient, armés jusqu'aux dents. Tout alla bien jusqu'à Chantilly, où l'on arriva vers les huit heures du matin. Il fallait déjeuner. On descendit devant une auberge que recommandait une enseigne représentant saint Martin donnant la moitié de son manteau à un pauvre. On enjoignit aux laquais de ne pas desseller les chevaux et de se tenir prêts à repartir immédiatement. On entra dans la salle commune, et l'on se mit à table. Un gentilhomme, qui venait d'arriver par la route de Dammartin, était assis à cette même table et déjeunait. Il entama la conversation sur la pluie et le beau temps; les voyageurs répondirent: il but à leur santé; les voyageurs lui rendirent sa politesse. Mais au moment où Mousqueton venait annoncer que les chevaux étaient prêts et où l'on se levait de table l'étranger proposa à Porthos la santé du cardinal. Porthos répondit qu'il ne demandait pas mieux, si l'étranger à son tour voulait boire à la santé du roi. L'étranger s'écria qu'il ne connaissait d'autre roi que Son Éminence. Porthos l'appela ivrogne; l'étranger tira son épée. «Vous avez fait une sottise, dit Athos; n'importe, il n'y a plus à reculer maintenant: tuez cet homme et venez nous rejoindre le plus vite que vous pourrez.» Et tous trois remontèrent à cheval et repartirent à toute bride, tandis que Porthos promettait à son adversaire de le perforer de tous les coups connus dans l'escrime. «Et d'un! dit Athos au bout de cinq cents pas. -- Mais pourquoi cet homme s'est-il attaqué à Porthos plutôt qu'à tout autre? demanda Aramis. -- Parce que, Porthos parlant plus haut que nous tous il l'a pris pour le chef, dit d'Artagnan. -- J'ai toujours dit que ce cadet de Gascogne était un puits de sagesse», murmura Athos. Et les voyageurs continuèrent leur route. À Beauvais, on s'arrêta deux heures, tant pour faire souffler les chevaux que pour attendre Porthos. Au bout de deux heures, comme Porthos n'arrivait pas, ni aucune nouvelle de lui, on se remit en chemin. À une lieue de Beauvais, à un endroit où le chemin se trouvait resserré entre deux talus, on rencontra huit ou dix hommes qui, profitant de ce que la route était dépavée en cet endroit, avaient l'air d'y travailler en y creusant des trous et en pratiquant des ornières boueuses. Aramis, craignant de salir ses bottes dans ce mortier artificiel, les apostropha durement. Athos voulut le retenir, il était trop tard. Les ouvriers se mirent à railler les voyageurs, et firent perdre par leur insolence la tête même au froid Athos qui poussa son cheval contre l'un d'eux. Alors chacun de ces hommes recula jusqu'au fossé et y prit un mousquet caché; il en résulta que nos sept voyageurs furent littéralement passés par les armes. Aramis reçut une balle qui lui traversa l'épaule, et Mousqueton une autre balle qui se logea dans les parties charnues qui prolongent le bas des reins. Cependant Mousqueton seul tomba de cheval, non pas qu'il fût grièvement blessé, mais, comme il ne pouvait voir sa blessure, sans doute il crut être plus dangereusement blessé qu'il ne l'était. «C'est une embuscade, dit d'Artagnan, ne brûlons pas une amorce, et en route.» Aramis, tout blessé qu'il était, saisit la crinière de son cheval, qui l'emporta avec les autres. Celui de Mousqueton les avait rejoints, et galopait tout seul à son rang. «Cela nous fera un cheval de rechange, dit Athos. -- J'aimerais mieux un chapeau, dit d'Artagnan, le mien a été emporté par une balle. C'est bien heureux, ma foi, que la lettre que je porte n'ait pas été dedans. -- Ah çà, mais ils vont tuer le pauvre Porthos quand il passera, dit Aramis. -- Si Porthos était sur ses jambes, il nous aurait rejoints maintenant, dit Athos. M'est avis que, sur le terrain, l'ivrogne se sera dégrisé.» Et l'on galopa encore pendant deux heures, quoique les chevaux fussent si fatigués, qu'il était à craindre qu'ils ne refusassent bientôt le service. Les voyageurs avaient pris la traverse, espérant de cette façon être moins inquiétés, mais, à Crève-coeur, Aramis déclara qu'il ne pouvait aller plus loin. En effet, il avait fallu tout le courage qu'il cachait sous sa forme élégante et sous ses façons polies pour arriver jusque-là. À tout moment il pâlissait, et l'on était obligé de le soutenir sur son cheval; on le descendit à la porte d'un cabaret, on lui laissa Bazin qui, au reste, dans une escarmouche, était plus embarrassant qu'utile, et l'on repartit dans l'espérance d'aller coucher à Amiens. «Morbleu! dit Athos, quand ils se retrouvèrent en route, réduits à deux maîtres et à Grimaud et Planchet, morbleu! je ne serai plus leur dupe, et je vous réponds qu'ils ne me feront pas ouvrir la bouche ni tirer l'épée d'ici à Calais. J'en jure... -- Ne jurons pas, dit d'Artagnan, galopons, si toutefois nos chevaux y consentent.» Et les voyageurs enfoncèrent leurs éperons dans le ventre de leurs chevaux, qui, vigoureusement stimulés, retrouvèrent des forces. On arriva à Amiens à minuit, et l'on descendit à l'auberge du Lis d'Or. L'hôtelier avait l'air du plus honnête homme de la terre, il reçut les voyageurs son bougeoir d'une main et son bonnet de coton de l'autre; il voulut loger les deux voyageurs chacun dans une charmante chambre, malheureusement chacune de ces chambres était à l'extrémité de l'hôtel. D'Artagnan et Athos refusèrent; l'hôte répondit qu'il n'y en avait cependant pas d'autres dignes de Leurs Excellences; mais les voyageurs déclarèrent qu'ils coucheraient dans la chambre commune, chacun sur un matelas qu'on leur jetterait à terre. L'hôte insista, les voyageurs tinrent bon; il fallut faire ce qu'ils voulurent. Ils venaient de disposer leur lit et de barricader leur porte en dedans, lorsqu'on frappa au volet de la cour; ils demandèrent qui était là, reconnurent la voix de leurs valets et ouvrirent. En effet, c'étaient Planchet et Grimaud. «Grimaud suffira pour garder les chevaux, dit Planchet; si ces messieurs veulent, je coucherai en travers de leur porte; de cette façon-là, ils seront sûrs qu'on n'arrivera pas jusqu'à eux. -- Et sur quoi coucheras-tu? dit d'Artagnan. -- Voici mon lit», répondit Planchet. Et il montra une botte de paille. «Viens donc, dit d'Artagnan, tu as raison: la figure de l'hôte ne me convient pas, elle est trop gracieuse. -- Ni à moi non plus», dit Athos. Planchet monta par la fenêtre, s'installa en travers de la porte, tandis que Grimaud allait s'enfermer dans l'écurie, répondant qu'à cinq heures du matin lui et les quatre chevaux seraient prêts. La nuit fut assez tranquille, on essaya bien vers les deux heures du matin d'ouvrir la porte, mais comme Planchet se réveilla en sursaut et cria: Qui va là? on répondit qu'on se trompait, et on s'éloigna. À quatre heures du matin, on entendit un grand bruit dans les écuries. Grimaud avait voulu réveiller les garçons d'écurie, et les garçons d'écurie le battaient. Quand on ouvrit la fenêtre, on vit le pauvre garçon sans connaissance, la tête fendue d'un coup de manche à fourche. Planchet descendit dans la cour et voulut seller les chevaux; les chevaux étaient fourbus. Celui de Mousqueton seul, qui avait voyagé sans maître pendant cinq ou six heures la veille, aurait pu continuer la route; mais, par une erreur inconcevable, le chirurgien vétérinaire qu'on avait envoyé chercher, à ce qu'il paraît, pour saigner le cheval de l'hôte, avait saigné celui de Mousqueton. Cela commençait à devenir inquiétant: tous ces accidents successifs étaient peut-être le résultat du hasard, mais ils pouvaient tout aussi bien être le fruit d'un complot. Athos et d'Artagnan sortirent, tandis que Planchet allait s'informer s'il n'y avait pas trois chevaux à vendre dans les environs. À la porte étaient deux chevaux tout équipés, frais et vigoureux. Cela faisait bien l'affaire. Il demanda où étaient les maîtres; on lui dit que les maîtres avaient passé la nuit dans l'auberge et réglaient leur compte à cette heure avec le maître. Athos descendit pour payer la dépense, tandis que d'Artagnan et Planchet se tenaient sur la porte de la rue; l'hôtelier était dans une chambre basse et reculée, on pria Athos d'y passer. Athos entra sans défiance et tira deux pistoles pour payer: l'hôte était seul et assis devant son bureau, dont un des tiroirs était entrouvert. Il prit l'argent que lui présenta Athos, le tourna et le retourna dans ses mains, et tout à coup, s'écriant que la pièce était fausse, il déclara qu'il allait le faire arrêter, lui et son compagnon, comme faux-monnayeurs. «Drôle! dit Athos, en marchant sur lui, je vais te couper les oreilles!» Au même moment, quatre hommes armés jusqu'aux dents entrèrent par les portes latérales et se jetèrent sur Athos. «Je suis pris, cria Athos de toutes les forces de ses poumons; au large, d'Artagnan! pique, pique!» et il lâcha deux coups de pistolet. D'Artagnan et Planchet ne se le firent pas répéter à deux fois, ils détachèrent les deux chevaux qui attendaient à la porte, sautèrent dessus, leur enfoncèrent leurs éperons dans le ventre et partirent au triple galop. «Sais-tu ce qu'est devenu Athos? demanda d'Artagnan à Planchet en courant. -- Ah! monsieur, dit Planchet, j'en ai vu tomber deux à ses deux coups, et il m'a semblé, à travers la porte vitrée, qu'il ferraillait avec les autres. -- Brave Athos! murmura d'Artagnan. Et quand on pense qu'il faut l'abandonner! Au reste, autant nous attend peut-être à deux pas d'ici. En avant, Planchet, en avant! tu es un brave homme. -- Je vous l'ai dit, monsieur, répondit Planchet, les Picards, ça se reconnaît à l'user; d'ailleurs je suis ici dans mon pays, ça m'excite.» Et tous deux, piquant de plus belle, arrivèrent à Saint-Omer d'une seule traite. À Saint-Omer, ils firent souffler les chevaux la bride passée à leurs bras, de peur d'accident, et mangèrent un morceau sur le pouce tout debout dans la rue; après quoi ils repartirent. À cent pas des portes de Calais, le cheval de d'Artagnan s'abattit, et il n'y eut pas moyen de le faire se relever: le sang lui sortait par le nez et par les yeux, restait celui de Planchet, mais celui-là s'était arrêté, et il n'y eut plus moyen de le faire repartir. Heureusement, comme nous l'avons dit, ils étaient à cent pas de la ville; ils laissèrent les deux montures sur le grand chemin et coururent au port. Planchet fit remarquer à son maître un gentilhomme qui arrivait avec son valet et qui ne les précédait que d'une cinquantaine de pas. Ils s'approchèrent vivement de ce gentilhomme, qui paraissait fort affairé. Il avait ses bottes couvertes de poussière, et s'informait s'il ne pourrait point passer à l'instant même en Angleterre. «Rien ne serait plus facile, répondit le patron d'un bâtiment prêt à mettre à la voile; mais, ce matin, est arrivé l'ordre de ne laisser partir personne sans une permission expresse de M. le cardinal. -- J'ai cette permission, dit le gentilhomme en tirant un papier de sa poche; la voici. -- Faites-la viser par le gouverneur du port, dit le patron, et donnez-moi la préférence. -- Où trouverai-je le gouverneur? -- À sa campagne. -- Et cette campagne est située? -- À un quart de lieue de la ville; tenez, vous la voyez d'ici, au pied de cette petite éminence, ce toit en ardoises. -- Très bien!» dit le gentilhomme. Et, suivi de son laquais, il prit le chemin de la maison de campagne du gouverneur. D'Artagnan et Planchet suivirent le gentilhomme à cinq cents pas de distance. Une fois hors de la ville, d'Artagnan pressa le pas et rejoignit le gentilhomme comme il entrait dans un petit bois. «Monsieur, lui dit d'Artagnan, vous me paraissez fort pressé? -- On ne peut plus pressé, monsieur. -- J'en suis désespéré, dit d'Artagnan, car, comme je suis très pressé aussi, je voulais vous prier de me rendre un service. -- Lequel? -- De me laisser passer le premier. -- Impossible, dit le gentilhomme, j'ai fait soixante lieues en quarante-quatre heures, et il faut que demain à midi je sois à Londres. -- J'ai fait le même chemin en quarante heures, et il faut que demain à dix heures du matin je sois à Londres. -- Désespéré, monsieur; mais je suis arrivé le premier et je ne passerai pas le second. -- Désespéré, monsieur; mais je suis arrivé le second et je passerai le premier. -- Service du roi! dit le gentilhomme. -- Service de moi! dit d'Artagnan. -- Mais c'est une mauvaise querelle que vous me cherchez là, ce me semble. -- Parbleu! que voulez-vous que ce soit? -- Que désirez-vous? -- Vous voulez le savoir? -- Certainement. -- Eh bien, je veux l'ordre dont vous êtes porteur, attendu que je n'en ai pas, moi, et qu'il m'en faut un. -- Vous plaisantez, je présume. -- Je ne plaisante jamais. -- Laissez-moi passer! -- Vous ne passerez pas. -- Mon brave jeune homme, je vais vous casser la tête. Holà, Lubin! mes pistolets. -- Planchet, dit d'Artagnan, charge-toi du valet, je me charge du maître.» Planchet, enhardi par le premier exploit, sauta sur Lubin, et comme il était fort et vigoureux, il le renversa les reins contre terre et lui mit le genou sur la poitrine. «Faites votre affaire, monsieur, dit Planchet; moi, j'ai fait la mienne.» Voyant cela, le gentilhomme tira son épée et fondit sur d'Artagnan; mais il avait affaire à forte partie. En trois secondes d'Artagnan lui fournit trois coups d'épée en disant à chaque coup: «Un pour Athos, un pour Porthos, un pour Aramis.» Au troisième coup, le gentilhomme tomba comme une masse. D'Artagnan le crut mort, ou tout au moins évanoui, et s'approcha pour lui prendre l'ordre; mais au moment où il étendait le bras afin de le fouiller, le blessé qui n'avait pas lâché son épée, lui porta un coup de pointe dans la poitrine en disant: «Un pour vous. -- Et un pour moi! au dernier les bons!» s'écria d'Artagnan furieux, en le clouant par terre d'un quatrième coup d'épée dans le ventre. Cette fois, le gentilhomme ferma les yeux et s'évanouit. D'Artagnan fouilla dans la poche où il l'avait vu remettre l'ordre de passage, et le prit. Il était au nom du comte de Wardes. Puis, jetant un dernier coup d'oeil sur le beau jeune homme, qui avait vingt-cinq ans à peine et qu'il laissait là, gisant, privé de sentiment et peut-être mort, il poussa un soupir sur cette étrange destinée qui porte les hommes à se détruire les uns les autres pour les intérêts de gens qui leur sont étrangers et qui souvent ne savent pas même qu'ils existent. Mais il fut bientôt tiré de ces réflexions par Lubin, qui poussait des hurlements et criait de toutes ses forces au secours. Planchet lui appliqua la main sur la gorge et serra de toutes ses forces. «Monsieur, dit-il, tant que je le tiendrai ainsi, il ne criera pas, j'en suis bien sûr; mais aussitôt que je le lâcherai, il va se remettre à crier. Je le reconnais pour un Normand et les Normands sont entêtés.» En effet, tout comprimé qu'il était, Lubin essayait encore de filer des sons. «Attends!» dit d'Artagnan. Et prenant son mouchoir, il le bâillonna. «Maintenant, dit Planchet, lions-le à un arbre.» La chose fut faite en conscience, puis on tira le comte de Wardes près de son domestique; et comme la nuit commençait à tomber et que le garrotté et le blessé étaient tous deux à quelques pas dans le bois, il était évident qu'ils devaient rester jusqu'au lendemain. «Et maintenant, dit d'Artagnan, chez le gouverneur! -- Mais vous êtes blessé, ce me semble? dit Planchet. -- Ce n'est rien, occupons-nous du plus pressé; puis nous reviendrons à ma blessure, qui, au reste, ne me paraît pas très dangereuse.» Et tous deux s'acheminèrent à grands pas vers la campagne du digne fonctionnaire. On annonça M. le comte de Wardes. D'Artagnan fut introduit. «Vous avez un ordre signé du cardinal? dit le gouverneur. -- Oui, monsieur, répondit d'Artagnan, le voici. -- Ah! ah! il est en règle et bien recommandé, dit le gouverneur. -- C'est tout simple, répondit d'Artagnan, je suis de ses plus fidèles. -- Il paraît que Son Éminence veut empêcher quelqu'un de parvenir en Angleterre. -- Oui, un certain d'Artagnan, un gentilhomme béarnais qui est parti de Paris avec trois de ses amis dans l'intention de gagner Londres. -- Le connaissez-vous personnellement? demanda le gouverneur. -- Qui cela? -- Ce d'Artagnan? -- À merveille. -- Donnez-moi son signalement alors. -- Rien de plus facile.» Et d'Artagnan donna trait pour trait le signalement du comte de Wardes. «Est-il accompagné? demanda le gouverneur. -- Oui, d'un valet nommé Lubin. -- On veillera sur eux, et si on leur met la main dessus, Son Éminence peut être tranquille, ils seront reconduits à Paris sous bonne escorte. -- Et ce faisant, monsieur le gouverneur, dit d'Artagnan, vous aurez bien mérité du cardinal. -- Vous le reverrez à votre retour, monsieur le comte? -- Sans aucun doute. -- Dites-lui, je vous prie, que je suis bien son serviteur. -- Je n'y manquerai pas.» Et joyeux de cette assurance, le gouverneur visa le laissez-passer et le remit à d'Artagnan. D'Artagnan ne perdit pas son temps en compliments inutiles, il salua le gouverneur, le remercia et partit. Une fois dehors, lui et Planchet prirent leur course, et faisant un long détour, ils évitèrent le bois et rentrèrent par une autre porte. Le bâtiment était toujours prêt à partir, le patron attendait sur le port. «Eh bien? dit-il en apercevant d'Artagnan. -- Voici ma passe visée, dit celui-ci. -- Et cet autre gentilhomme? -- Il ne partira pas aujourd'hui, dit d'Artagnan, mais soyez tranquille, je paierai le passage pour nous deux. -- En ce cas, partons, dit le patron. -- Partons!» répéta d'Artagnan. Et il sauta avec Planchet dans le canot; cinq minutes après, ils étaient à bord. Il était temps: à une demi-lieue en mer, d'Artagnan vit briller une lumière et entendit une détonation. C'était le coup de canon qui annonçait la fermeture du port. Il était temps de s'occuper de sa blessure; heureusement, comme l'avait pensé d'Artagnan, elle n'était pas des plus dangereuses: la pointe de l'épée avait rencontré une côte et avait glissé le long de l'os; de plus, la chemise s'était collée aussitôt à la plaie, et à peine avait-elle répandu quelques gouttes de sang. D'Artagnan était brisé de fatigue: on lui étendit un matelas sur le pont, il se jeta dessus et s'endormit. Le lendemain, au point du jour, il se trouva à trois ou quatre lieues seulement des côtes d'Angleterre; la brise avait été faible toute la nuit, et l'on avait peu marché. À dix heures, le bâtiment jetait l'ancre dans le port de Douvres. À dix heures et demie, d'Artagnan mettait le pied sur la terre d'Angleterre, en s'écriant: «Enfin, m'y voilà!» Mais ce n'était pas tout: il fallait gagner Londres. En Angleterre, la poste était assez bien servie. D'Artagnan et Planchet prirent chacun un bidet, un postillon courut devant eux; en quatre heures ils arrivèrent aux portes de la capitale. D'Artagnan ne connaissait pas Londres, d'Artagnan ne savait pas un mot d'anglais; mais il écrivit le nom de Buckingham sur un papier, et chacun lui indiqua l'hôtel du duc. Le duc était à la chasse à Windsor, avec le roi. D'Artagnan demanda le valet de chambre de confiance du duc, qui, l'ayant accompagné dans tous ses voyages, parlait parfaitement français; il lui dit qu'il arrivait de Paris pour affaire de vie et de mort, et qu'il fallait qu'il parlât à son maître à l'instant même. La confiance avec laquelle parlait d'Artagnan convainquit Patrice; c'était le nom de ce ministre du ministre. Il fit seller deux chevaux et se chargea de conduire le jeune garde. Quant à Planchet, on l'avait descendu de sa monture, raide comme un jonc: le pauvre garçon était au bout de ses forces; d'Artagnan semblait de fer. On arriva au château; là on se renseigna: le roi et Buckingham chassaient à l'oiseau dans des marais situés à deux ou trois lieues de là. En vingt minutes on fut au lieu indiqué. Bientôt Patrice entendit la voix de son maître, qui appelait son faucon. «Qui faut-il que j'annonce à Milord duc? demanda Patrice. -- Le jeune homme qui, un soir, lui a cherché une querelle sur le Pont-Neuf, en face de la Samaritaine. -- Singulière recommandation! -- Vous verrez qu'elle en vaut bien une autre.» Patrice mit son cheval au galop, atteignit le duc et lui annonça dans les termes que nous avons dits qu'un messager l'attendait. Buckingham reconnut d'Artagnan à l'instant même, et se doutant que quelque chose se passait en France dont on lui faisait parvenir la nouvelle, il ne prit que le temps de demander où était celui qui la lui apportait; et ayant reconnu de loin l'uniforme des gardes, il mit son cheval au galop et vint droit à d'Artagnan. Patrice, par discrétion, se tint à l'écart. «Il n'est point arrivé malheur à la reine? s'écria Buckingham, répandant toute sa pensée et tout son amour dans cette interrogation. -- Je ne crois pas; cependant je crois qu'elle court quelque grand péril dont Votre Grâce seule peut la tirer. -- Moi? s'écria Buckingham. Eh quoi! je serais assez heureux pour lui être bon à quelque chose! Parlez! parlez! -- Prenez cette lettre, dit d'Artagnan. -- Cette lettre! de qui vient cette lettre? -- De Sa Majesté, à ce que je pense. -- De Sa Majesté!» dit Buckingham, pâlissant si fort que d'Artagnan crut qu'il allait se trouver mal. Et il brisa le cachet. «Quelle est cette déchirure? dit-il en montrant à d'Artagnan un endroit où elle était percée à jour. -- Ah! ah! dit d'Artagnan, je n'avais pas vu cela; c'est l'épée du comte de Wardes qui aura fait ce beau coup en me trouant la poitrine. -- Vous êtes blessé? demanda Buckingham en rompant le cachet. -- Oh! rien! dit d'Artagnan, une égratignure. -- Juste Ciel! qu'ai-je lu! s'écria le duc. Patrice, reste ici, ou plutôt rejoins le roi partout où il sera, et dis à Sa Majesté que je la supplie bien humblement de m'excuser, mais qu'une affaire de la plus haute importance me rappelle à Londres. Venez, monsieur, venez.» Et tous deux reprirent au galop le chemin de la capitale. CHAPITRE XXI LA COMTESSE DE WINTER Tout le long de la route, le duc se fit mettre au courant par d'Artagnan non pas de tout ce qui s'était passé, mais de ce que d'Artagnan savait. En rapprochant ce qu'il avait entendu sortir de la bouche du jeune homme de ses souvenirs à lui, il put donc se faire une idée assez exacte d'une position de la gravité de laquelle, au reste, la lettre de la reine, si courte et si peu explicite qu'elle fût, lui donnait la mesure. Mais ce qui l'étonnait surtout, c'est que le cardinal, intéressé comme il l'était à ce que le jeune homme ne mît pas le pied en Angleterre, ne fût point parvenu à l'arrêter en route. Ce fut alors, et sur la manifestation de cet étonnement, que d'Artagnan lui raconta les précautions prises, et comment, grâce au dévouement de ses trois amis qu'il avait éparpillés tout sanglants sur la route, il était arrivé à en être quitte pour le coup d'épée qui avait traversé le billet de la reine, et qu'il avait rendu à M. de Wardes en si terrible monnaie. Tout en écoutant ce récit, fait avec la plus grande simplicité, le duc regardait de temps en temps le jeune homme d'un air étonné, comme s'il n'eût pas pu comprendre que tant de prudence, de courage et de dévouement s'alliât avec un visage qui n'indiquait pas encore vingt ans. Les chevaux allaient comme le vent, et en quelques minutes ils furent aux portes de Londres. D'Artagnan avait cru qu'en arrivant dans la ville le duc allait ralentir l'allure du sien, mais il n'en fut pas ainsi: il continua sa route à fond de train, s'inquiétant peu de renverser ceux qui étaient sur son chemin. En effet, en traversant la Cité deux ou trois accidents de ce genre arrivèrent; mais Buckingham ne détourna pas même la tête pour regarder ce qu'étaient devenus ceux qu'il avait culbutés. D'Artagnan le suivait au milieu de cris qui ressemblaient fort à des malédictions. En entrant dans la cour de l'hôtel, Buckingham sauta à bas de son cheval, et, sans s'inquiéter de ce qu'il deviendrait, il lui jeta la bride sur le cou et s'élança vers le perron. D'Artagnan en fit autant, avec un peu plus d'inquiétude, cependant, pour ces nobles animaux dont il avait pu apprécier le mérite; mais il eut la consolation de voir que trois ou quatre valets s'étaient déjà élancés des cuisines et des écuries, et s'emparaient aussitôt de leurs montures. Le duc marchait si rapidement, que d'Artagnan avait peine à le suivre. Il traversa successivement plusieurs salons d'une élégance dont les plus grands seigneurs de France n'avaient pas même l'idée, et il parvint enfin dans une chambre à coucher qui était à la fois un miracle de goût et de richesse. Dans l'alcôve de cette chambre était une porte, prise dans la tapisserie, que le duc ouvrit avec une petite clef d'or qu'il portait suspendue à son cou par une chaîne du même métal. Par discrétion, d'Artagnan était resté en arrière; mais au moment où Buckingham franchissait le seuil de cette porte, il se retourna, et voyant l'hésitation du jeune homme: «Venez, lui dit-il, et si vous avez le bonheur d'être admis en la présence de Sa Majesté, dites-lui ce que vous avez vu.» Encouragé par cette invitation, d'Artagnan suivit le duc, qui referma la porte derrière lui. Tous deux se trouvèrent alors dans une petite chapelle toute tapissée de soie de Perse et brochée d'or, ardemment éclairée par un grand nombre de bougies. Au-dessus d'une espèce d'autel, et au- dessous d'un dais de velours bleu surmonté de plumes blanches et rouges, était un portrait de grandeur naturelle représentant Anne d'Autriche, si parfaitement ressemblant, que d'Artagnan poussa un cri de surprise: on eût cru que la reine allait parler. Sur l'autel, et au-dessous du portrait, était le coffret qui renfermait les ferrets de diamants. Le duc s'approcha de l'autel, s'agenouilla comme eût pu faire un prêtre devant le Christ; puis il ouvrit le coffret. «Tenez, lui dit-il en tirant du coffre un gros noeud de ruban bleu tout étincelant de diamants; tenez, voici ces précieux ferrets avec lesquels j'avais fait le serment d'être enterré. La reine me les avait donnés, la reine me les reprend: sa volonté, comme celle de Dieu, soit faite en toutes choses.» Puis il se mit à baiser les uns après les autres ces ferrets dont il fallait se séparer. Tout à coup, il poussa un cri terrible. «Qu'y a-t-il? demanda d'Artagnan avec inquiétude, et que vous arrive-t-il, Milord? -- Il y a que tout est perdu, s'écria Buckingham en devenant pâle comme un trépassé; deux de ces ferrets manquent, il n'y en a plus que dix. -- Milord les a-t-il perdus, ou croit-il qu'on les lui ait volés? -- On me les a volés, reprit le duc, et c'est le cardinal qui a fait le coup. Tenez, voyez, les rubans qui les soutenaient ont été coupés avec des ciseaux. -- Si Milord pouvait se douter qui a commis le vol... Peut-être la personne les a-t-elle encore entre les mains. -- Attendez, attendez! s'écria le duc. La seule fois que j'ai mis ces ferrets, c'était au bal du roi, il y a huit jours, à Windsor. La comtesse de Winter, avec laquelle j'étais brouillé, s'est rapprochée de moi à ce bal. Ce raccommodement, c'était une vengeance de femme jalouse. Depuis ce jour, je ne l'ai pas revue. Cette femme est un agent du cardinal. -- Mais il en a donc dans le monde entier! s'écria d'Artagnan. -- Oh! oui, oui, dit Buckingham en serrant les dents de colère; oui, c'est un terrible lutteur. Mais cependant, quand doit avoir lieu ce bal? -- Lundi prochain. -- Lundi prochain! cinq jours encore, c'est plus de temps qu'il ne nous en faut. Patrice! s'écria le duc en ouvrant la porte de la chapelle, Patrice!» Son valet de chambre de confiance parut. «Mon joaillier et mon secrétaire!» Le valet de chambre sortit avec une promptitude et un mutisme qui prouvaient l'habitude qu'il avait contractée d'obéir aveuglément et sans réplique. Mais, quoique ce fût le joaillier qui eût été appelé le premier, ce fut le secrétaire qui parut d'abord. C'était tout simple, il habitait l'hôtel. Il trouva Buckingham assis devant une table dans sa chambre à coucher, et écrivant quelques ordres de sa propre main. «Monsieur Jackson, lui dit-il, vous allez vous rendre de ce pas chez le lord-chancelier, et lui dire que je le charge de l'exécution de ces ordres. Je désire qu'ils soient promulgués à l'instant même. -- Mais, Monseigneur, si le lord-chancelier m'interroge sur les motifs qui ont pu porter Votre Grâce à une mesure si extraordinaire, que répondrai-je? -- Que tel a été mon bon plaisir, et que je n'ai de compte à rendre à personne de ma volonté. -- Sera-ce la réponse qu'il devra transmettre à Sa Majesté, reprit en souriant le secrétaire, si par hasard Sa Majesté avait la curiosité de savoir pourquoi aucun vaisseau ne peut sortir des ports de la Grande-Bretagne? -- Vous avez raison, monsieur, répondit Buckingham; il dirait en ce cas au roi que j'ai décidé la guerre, et que cette mesure est mon premier acte d'hostilité contre la France.» Le secrétaire s'inclina et sortit. «Nous voilà tranquilles de ce côté, dit Buckingham en se retournant vers d'Artagnan. Si les ferrets ne sont point déjà partis pour la France, ils n'y arriveront qu'après vous. -- Comment cela? -- Je viens de mettre un embargo sur tous les bâtiments qui se trouvent à cette heure dans les ports de Sa Majesté, et, à moins de permission particulière, pas un seul n'osera lever l'ancre.» D'Artagnan regarda avec stupéfaction cet homme qui mettait le pouvoir illimité dont il était revêtu par la confiance d'un roi au service de ses amours. Buckingham vit, à l'expression du visage du jeune homme, ce qui se passait dans sa pensée, et il sourit. «Oui, dit-il, oui, c'est qu'Anne d'Autriche est ma véritable reine; sur un mot d'elle, je trahirais mon pays, je trahirais mon roi, je trahirais mon Dieu. Elle m'a demandé de ne point envoyer aux protestants de La Rochelle le secours que je leur avais promis, et je l'ai fait. Je manquais à ma parole, mais qu'importe! j'obéissais à son désir; n'ai-je point été grandement payé de mon obéissance, dites? car c'est à cette obéissance que je dois son portrait.» D'Artagnan admira à quels fils fragiles et inconnus sont parfois suspendues les destinées d'un peuple et la vie des hommes. Il en était au plus profond de ses réflexions, lorsque l'orfèvre entra: c'était un Irlandais des plus habiles dans son art, et qui avouait lui-même qu'il gagnait cent mille livres par an avec le duc de Buckingham. «Monsieur O'Reilly, lui dit le duc en le conduisant dans la chapelle, voyez ces ferrets de diamants, et dites-moi ce qu'ils valent la pièce.» L'orfèvre jeta un seul coup d'oeil sur la façon élégante dont ils étaient montés, calcula l'un dans l'autre la valeur des diamants, et sans hésitation aucune: «Quinze cents pistoles la pièce, Milord, répondit-il. -- Combien faudrait-il de jours pour faire deux ferrets comme ceux-là? Vous voyez qu'il en manque deux. -- Huit jours, Milord. -- Je les paierai trois mille pistoles la pièce, il me les faut après-demain. -- Milord les aura. -- Vous êtes un homme précieux, monsieur O'Reilly, mais ce n'est pas le tout: ces ferrets ne peuvent être confiés à personne, il faut qu'ils soient faits dans ce palais. -- Impossible, Milord, il n'y a que moi qui puisse les exécuter pour qu'on ne voie pas la différence entre les nouveaux et les anciens. -- Aussi, mon cher monsieur O'Reilly, vous êtes mon prisonnier, et vous voudriez sortir à cette heure de mon palais que vous ne le pourriez pas; prenez-en donc votre parti. Nommez-moi ceux de vos garçons dont vous aurez besoin, et désignez-moi les ustensiles qu'ils doivent apporter.» L'orfèvre connaissait le duc, il savait que toute observation était inutile, il en prit donc à l'instant même son parti. «Il me sera permis de prévenir ma femme? demanda-t-il. -- Oh! il vous sera même permis de la voir, mon cher monsieur O'Reilly: votre captivité sera douce, soyez tranquille; et comme tout dérangement vaut un dédommagement, voici, en dehors du prix des deux ferrets, un bon de mille pistoles pour vous faire oublier l'ennui que je vous cause.» D'Artagnan ne revenait pas de la surprise que lui causait ce ministre, qui remuait à pleines mains les hommes et les millions. Quant à l'orfèvre, il écrivit à sa femme en lui envoyant le bon de mille pistoles, et en la chargeant de lui retourner en échange son plus habile apprenti, un assortiment de diamants dont il lui donnait le poids et le titre, et une liste des outils qui lui étaient nécessaires. Buckingham conduisit l'orfèvre dans la chambre qui lui était destinée, et qui, au bout d'une demi-heure, fut transformée en atelier. Puis il mit une sentinelle à chaque porte, avec défense de laisser entrer qui que ce fût, à l'exception de son valet de chambre Patrice. Il est inutile d'ajouter qu'il était absolument défendu à l'orfèvre O'Reilly et à son aide de sortir sous quelque prétexte que ce fût. Ce point réglé, le duc revint à d'Artagnan. «Maintenant, mon jeune ami, dit-il, l'Angleterre est à nous deux; que voulez-vous, que désirez-vous? -- Un lit, répondit d'Artagnan; c'est, pour le moment, je l'avoue, la chose dont j'ai le plus besoin.» Buckingham donna à d'Artagnan une chambre qui touchait à la sienne. Il voulait garder le jeune homme sous sa main, non pas qu'il se défiât de lui, mais pour avoir quelqu'un à qui parler constamment de la reine. Une heure après fut promulguée dans Londres l'ordonnance de ne laisser sortir des ports aucun bâtiment chargé pour la France, pas même le paquebot des lettres. Aux yeux de tous, c'était une déclaration de guerre entre les deux royaumes. Le surlendemain, à onze heures, les deux ferrets en diamants étaient achevés, mais si exactement imités, mais si parfaitement pareils, que Buckingham ne put reconnaître les nouveaux des anciens, et que les plus exercés en pareille matière y auraient été trompés comme lui. Aussitôt il fit appeler d'Artagnan. «Tenez, lui dit-il, voici les ferrets de diamants que vous êtes venu chercher, et soyez mon témoin que tout ce que la puissance humaine pouvait faire, je l'ai fait. -- Soyez tranquille, Milord: je dirai ce que j'ai vu; mais Votre Grâce me remet les ferrets sans la boîte? -- La boîte vous embarrasserait. D'ailleurs la boîte m'est d'autant plus précieuse, qu'elle me reste seule. Vous direz que je la garde. -- Je ferai votre commission mot à mot, Milord. -- Et maintenant, reprit Buckingham en regardant fixement le jeune homme, comment m'acquitterai-je jamais envers vous?» D'Artagnan rougit jusqu'au blanc des yeux. Il vit que le duc cherchait un moyen de lui faire accepter quelque chose, et cette idée que le sang de ses compagnons et le sien lui allait être payé par de l'or anglais lui répugnait étrangement. «Entendons-nous, Milord, répondit d'Artagnan, et pesons bien les faits d'avance, afin qu'il n'y ait point de méprise. Je suis au service du roi et de la reine de France, et fais partie de la compagnie des gardes de M. des Essarts, lequel, ainsi que son beau-frère M. de Tréville, est tout particulièrement attaché à Leurs Majestés. J'ai donc tout fait pour la reine et rien pour Votre Grâce. Il y a plus, c'est que peut-être n'eussé-je rien fait de tout cela, s'il ne se fût agi d'être agréable à quelqu'un qui est ma dame à moi, comme la reine est la vôtre. -- Oui, dit le duc en souriant, et je crois même connaître cette autre personne, c'est... -- Milord, je ne l'ai point nommée, interrompit vivement le jeune homme. -- C'est juste, dit le duc; c'est donc à cette personne que je dois être reconnaissant de votre dévouement. -- Vous l'avez dit, Milord, car justement à cette heure qu'il est question de guerre, je vous avoue que je ne vois dans votre Grâce qu'un Anglais, et par conséquent qu'un ennemi que je serais encore plus enchanté de rencontrer sur le champ de bataille que dans le parc de Windsor ou dans les corridors du Louvre; ce qui, au reste, ne m'empêchera pas d'exécuter de point en point ma mission et de me faire tuer, si besoin est, pour l'accomplir; mais, je le répète à Votre Grâce, sans qu'elle ait personnellement pour cela plus à me remercier de ce que je fais pour moi dans cette seconde entrevue, que de ce que j'ai déjà fait pour elle dans la première. -- Nous disons, nous: "Fier comme un Écossais", murmura Buckingham. -- Et nous disons, nous: "Fier comme un Gascon", répondit d'Artagnan. Les Gascons sont les Écossais de la France.» D'Artagnan salua le duc et s'apprêta à partir. «Eh bien, vous vous en allez comme cela? Par où? Comment? -- C'est vrai. -- Dieu me damne! les Français ne doutent de rien! -- J'avais oublié que l'Angleterre était une île, et que vous en étiez le roi. -- Allez au port, demandez le brick le _Sund_, remettez cette lettre au capitaine; il vous conduira à un petit port où certes on ne vous attend pas, et où n'abordent ordinairement que des bâtiments pêcheurs. -- Ce port s'appelle? -- Saint-Valery; mais, attendez donc: arrivé là, vous entrerez dans une mauvaise auberge sans nom et sans enseigne, un véritable bouge à matelots; il n'y a pas à vous tromper, il n'y en a qu'une. -- Après? -- Vous demanderez l'hôte, et vous lui direz: _Forward_. -- Ce qui veut dire? -- En avant: c'est le mot d'ordre. Il vous donnera un cheval tout sellé et vous indiquera le chemin que vous devez suivre; vous trouverez ainsi quatre relais sur votre route. Si vous voulez, à chacun d'eux, donner votre adresse à Paris, les quatre chevaux vous y suivront; vous en connaissez déjà deux, et vous m'avez paru les apprécier en amateur: ce sont ceux que nous montions; rapportez-vous en à moi, les autres ne leur sont point inférieurs. Ces quatre chevaux sont équipés pour la campagne. Si fier que vous soyez, vous ne refuserez pas d'en accepter un et de faire accepter les trois autres à vos compagnons: c'est pour nous faire la guerre, d'ailleurs. La fin excuse les moyens, comme vous dites, vous autres Français, n'est-ce pas? -- Oui, Milord, j'accepte, dit d'Artagnan; et s'il plaît à Dieu, nous ferons bon usage de vos présents. -- Maintenant, votre main, jeune homme; peut-être nous rencontrerons-nous bientôt sur le champ de bataille; mais, en attendant, nous nous quitterons bons amis, je l'espère. -- Oui, Milord, mais avec l'espérance de devenir ennemis bientôt. -- Soyez tranquille, je vous le promets. -- Je compte sur votre parole, Milord.» D'Artagnan salua le duc et s'avança vivement vers le port. En face la Tour de Londres, il trouva le bâtiment désigné, remit sa lettre au capitaine, qui la fit viser par le gouverneur du port, et appareilla aussitôt. Cinquante bâtiments étaient en partance et attendaient. En passant bord à bord de l'un d'eux, d'Artagnan crut reconnaître la femme de Meung, la même que le gentilhomme inconnu avait appelée «Milady», et que lui, d'Artagnan, avait trouvée si belle; mais grâce au courant du fleuve et au bon vent qui soufflait, son navire allait si vite qu'au bout d'un instant on fut hors de vue. Le lendemain, vers neuf heures du matin, on aborda à Saint-Valery. D'Artagnan se dirigea à l'instant même vers l'auberge indiquée, et la reconnut aux cris qui s'en échappaient: on parlait de guerre entre l'Angleterre et la France comme de chose prochaine et indubitable, et les matelots joyeux faisaient bombance. D'Artagnan fendit la foule, s'avança vers l'hôte, et prononça le mot _Forward_. À l'instant même, l'hôte lui fit signe de le suivre, sortit avec lui par une porte qui donnait dans la cour, le conduisit à l'écurie où l'attendait un cheval tout sellé, et lui demanda s'il avait besoin de quelque autre chose. «J'ai besoin de connaître la route que je dois suivre, dit d'Artagnan. -- Allez d'ici à Blangy, et de Blangy à Neufchâtel. À Neufchâtel, entrez à l'auberge de la Herse d'Or, donnez le mot d'ordre à l'hôtelier, et vous trouverez comme ici un cheval tout sellé. -- Dois-je quelque chose? demanda d'Artagnan. -- Tout est payé, dit l'hôte, et largement. Allez donc, et que Dieu vous conduise! -- Amen!» répondit le jeune homme en partant au galop. Quatre heures après, il était à Neufchâtel. Il suivit strictement les instructions reçues; à Neufchâtel, comme à Saint-Valery, il trouva une monture toute sellée et qui l'attendait; il voulut transporter les pistolets de la selle qu'il venait de quitter à la selle qu'il allait prendre: les fontes étaient garnies de pistolets pareils. «Votre adresse à Paris? -- Hôtel des Gardes, compagnie des Essarts. -- Bien, répondit celui-ci. -- Quelle route faut-il prendre? demanda à son tour d'Artagnan. -- Celle de Rouen; mais vous laisserez la ville à votre droite. Au petit village d'Écouis, vous vous arrêterez, il n'y a qu'une auberge, l'Écu de France. Ne la jugez pas d'après son apparence; elle aura dans ses écuries un cheval qui vaudra celui-ci. -- Même mot d'ordre? -- Exactement. -- Adieu, maître! -- Bon voyage, gentilhomme! avez-vous besoin de quelque chose?» D'Artagnan fit signe de la tête que non, et repartit à fond de train. À Écouis, la même scène se répéta: il trouva un hôte aussi prévenant, un cheval frais et reposé; il laissa son adresse comme il l'avait fait, et repartit du même train pour Pontoise. À Pontoise, il changea une dernière fois de monture, et à neuf heures il entrait au grand galop dans la cour de l'hôtel de M. de Tréville. Il avait fait près de soixante lieues en douze heures. M. de Tréville le reçut comme s'il l'avait vu le matin même; seulement, en lui serrant la main un peu plus vivement que de coutume, il lui annonça que la compagnie de M. des Essarts était de garde au Louvre et qu'il pouvait se rendre à son poste. CHAPITRE XXII LE BALLET DE LA MERLAISON Le lendemain, il n'était bruit dans tout Paris que du bal que MM. les échevins de la ville donnaient au roi et à la reine, et dans lequel Leurs Majestés devaient danser le fameux ballet de la Merlaison, qui était le ballet favori du roi. Depuis huit jours on préparait, en effet, toutes choses à l'Hôtel de Ville pour cette solennelle soirée. Le menuisier de la ville avait dressé des échafauds sur lesquels devaient se tenir les dames invitées; l'épicier de la ville avait garni les salles de deux cents flambeaux de cire blanche, ce qui était un luxe inouï pour cette époque; enfin vingt violons avaient été prévenus, et le prix qu'on leur accordait avait été fixé au double du prix ordinaire, attendu, dit ce rapport, qu'ils devaient sonner toute la nuit. À dix heures du matin, le sieur de La Coste, enseigne des gardes du roi, suivi de deux exempts et de plusieurs archers du corps, vint demander au greffier de la ville, nommé Clément, toutes les clefs des portes, des chambres et bureaux de l'Hôtel. Ces clefs lui furent remises à l'instant même; chacune d'elles portait un billet qui devait servir à la faire reconnaître, et à partir de ce moment le sieur de La Coste fut chargé de la garde de toutes les portes et de toutes les avenues. À onze heures vint à son tour Duhallier, capitaine des gardes, amenant avec lui cinquante archers qui se répartirent aussitôt dans l'Hôtel de Ville, aux portes qui leur avaient été assignées. À trois heures arrivèrent deux compagnies des gardes, l'une française l'autre suisse. La compagnie des gardes françaises était composée moitié des hommes de M. Duhallier, moitié des hommes de M. des Essarts. À six heures du soir les invités commencèrent à entrer. À mesure qu'ils entraient, ils étaient placés dans la grande salle, sur les échafauds préparés. À neuf heures arriva Mme la Première présidente. Comme c'était, après la reine, la personne la plus considérable de la fête, elle fut reçue par messieurs de la ville et placée dans la loge en face de celle que devait occuper la reine. À dix heures on dressa la collation des confitures pour le roi, dans la petite salle du côté de l'église Saint-Jean, et cela en face du buffet d'argent de la ville, qui était gardé par quatre archers. À minuit on entendit de grands cris et de nombreuses acclamations: c'était le roi qui s'avançait à travers les rues qui conduisent du Louvre à l'Hôtel de Ville, et qui étaient toutes illuminées avec des lanternes de couleur. Aussitôt MM. les échevins, vêtus de leurs robes de drap et précédés de six sergents tenant chacun un flambeau à la main, allèrent au-devant du roi, qu'ils rencontrèrent sur les degrés, où le prévôt des marchands lui fit compliment sur sa bienvenue, compliment auquel Sa Majesté répondit en s'excusant d'être venue si tard, mais en rejetant la faute sur M. le cardinal, lequel l'avait retenue jusqu'à onze heures pour parler des affaires de l'État. Sa Majesté, en habit de cérémonie, était accompagnée de S.A.R. Monsieur, du comte de Soissons, du grand prieur, du duc de Longueville, du duc d'Elbeuf, du comte d'Harcourt, du comte de La Roche-Guyon, de M. de Liancourt, de M. de Baradas, du comte de Cramail et du chevalier de Souveray. Chacun remarqua que le roi avait l'air triste et préoccupé. Un cabinet avait été préparé pour le roi, et un autre pour Monsieur. Dans chacun de ces cabinets étaient déposés des habits de masques. Autant avait été fait pour la reine et pour Mme la présidente. Les seigneurs et les dames de la suite de Leurs Majestés devaient s'habiller deux par deux dans des chambres préparées à cet effet. Avant d'entrer dans le cabinet, le roi recommanda qu'on le vînt prévenir aussitôt que paraîtrait le cardinal. Une demi-heure après l'entrée du roi, de nouvelles acclamations retentirent: celles-là annonçaient l'arrivée de la reine: les échevins firent ainsi qu'ils avaient fait déjà et, précédés des sergents, ils s'avancèrent au devant de leur illustre convive. La reine entra dans la salle: on remarqua que, comme le roi, elle avait l'air triste et surtout fatigué. Au moment où elle entrait, le rideau d'une petite tribune qui jusque-là était resté fermé s'ouvrit, et l'on vit apparaître la tête pâle du cardinal vêtu en cavalier espagnol. Ses yeux se fixèrent sur ceux de la reine, et un sourire de joie terrible passa sur ses lèvres: la reine n'avait pas ses ferrets de diamants. La reine resta quelque temps à recevoir les compliments de messieurs de la ville et à répondre aux saluts des dames. Tout à coup, le roi apparut avec le cardinal à l'une des portes de la salle. Le cardinal lui parlait tout bas, et le roi était très pâle. Le roi fendit la foule et, sans masque, les rubans de son pourpoint à peine noués, il s'approcha de la reine, et d'une voix altérée: «Madame, lui dit-il, pourquoi donc, s'il vous plaît, n'avez-vous point vos ferrets de diamants, quand vous savez qu'il m'eût été agréable de les voir?» La reine étendit son regard autour d'elle, et vit derrière le roi le cardinal qui souriait d'un sourire diabolique. «Sire, répondit la reine d'une voix altérée, parce qu'au milieu de cette grande foule j'ai craint qu'il ne leur arrivât malheur. -- Et vous avez eu tort, madame! Si je vous ai fait ce cadeau, c'était pour que vous vous en pariez. Je vous dis que vous avez eu tort.» Et la voix du roi était tremblante de colère; chacun regardait et écoutait avec étonnement, ne comprenant rien à ce qui se passait. «Sire, dit la reine, je puis les envoyer chercher au Louvre, où ils sont, et ainsi les désirs de Votre Majesté seront accomplis. -- Faites, madame, faites, et cela au plus tôt: car dans une heure le ballet va commencer.» La reine salua en signe de soumission et suivit les dames qui devaient la conduire à son cabinet. De son côté, le roi regagna le sien. Il y eut dans la salle un moment de trouble et de confusion. Tout le monde avait pu remarquer qu'il s'était passé quelque chose entre le roi et la reine; mais tous deux avaient parlé si bas, que, chacun par respect s'étant éloigné de quelques pas, personne n'avait rien entendu. Les violons sonnaient de toutes leurs forces, mais on ne les écoutait pas. Le roi sortit le premier de son cabinet; il était en costume de chasse des plus élégants, et Monsieur et les autres seigneurs étaient habillés comme lui. C'était le costume que le roi portait le mieux, et vêtu ainsi il semblait véritablement le premier gentilhomme de son royaume. Le cardinal s'approcha du roi et lui remit une boîte. Le roi l'ouvrit et y trouva deux ferrets de diamants. «Que veut dire cela? demanda-t-il au cardinal. -- Rien, répondit celui-ci; seulement si la reine a les ferrets, ce dont je doute, comptez-les, Sire, et si vous n'en trouvez que dix, demandez à Sa Majesté qui peut lui avoir dérobé les deux ferrets que voici.» Le roi regarda le cardinal comme pour l'interroger; mais il n'eut le temps de lui adresser aucune question: un cri d'admiration sortit de toutes les bouches. Si le roi semblait le premier gentilhomme de son royaume, la reine était à coup sûr la plus belle femme de France. Il est vrai que sa toilette de chasseresse lui allait à merveille; elle avait un chapeau de feutre avec des plumes bleues, un surtout en velours gris perle rattaché avec des agrafes de diamants, et une jupe de satin bleu toute brodée d'argent. Sur son épaule gauche étincelaient les ferrets soutenus par un noeud de même couleur que les plumes et la jupe. Le roi tressaillit de joie et le cardinal de colère; cependant, distants comme ils l'étaient de la reine, ils ne pouvaient compter les ferrets; la reine les avait, seulement en avait-elle dix ou en avait-elle douze? En ce moment, les violons sonnèrent le signal du ballet. Le roi s'avança vers Mme la présidente, avec laquelle il devait danser, et S.A.R. Monsieur avec la reine. On se mit en place, et le ballet commença. Le roi figurait en face de la reine, et chaque fois qu'il passait près d'elle, il dévorait du regard ces ferrets, dont il ne pouvait savoir le compte. Une sueur froide couvrait le front du cardinal. Le ballet dura une heure; il avait seize entrées. Le ballet finit au milieu des applaudissements de toute la salle, chacun reconduisit sa dame à sa place; mais le roi profita du privilège qu'il avait de laisser la sienne où il se trouvait, pour s'avancer vivement vers la reine. «Je vous remercie, madame, lui dit-il, de la déférence que vous avez montrée pour mes désirs, mais je crois qu'il vous manque deux ferrets, et je vous les rapporte.» À ces mots, il tendit à la reine les deux ferrets que lui avait remis le cardinal. «Comment, Sire! s'écria la jeune reine jouant la surprise, vous m'en donnez encore deux autres; mais alors cela m'en fera donc quatorze?» En effet, le roi compta, et les douze ferrets se trouvèrent sur l'épaule de Sa Majesté. Le roi appela le cardinal: «Eh bien, que signifie cela, monsieur le cardinal? demanda le roi d'un ton sévère. -- Cela signifie, Sire, répondit le cardinal, que je désirais faire accepter ces deux ferrets à Sa Majesté, et que n'osant les lui offrir moi-même, j'ai adopté ce moyen. -- Et j'en suis d'autant plus reconnaissante à Votre Éminence, répondit Anne d'Autriche avec un sourire qui prouvait qu'elle n'était pas dupe de cette ingénieuse galanterie, que je suis certaine que ces deux ferrets vous coûtent aussi cher à eux seuls que les douze autres ont coûté à Sa Majesté.» Puis, ayant salué le roi et le cardinal, la reine reprit le chemin de la chambre où elle s'était habillée et où elle devait se dévêtir. L'attention que nous avons été obligés de donner pendant le commencement de ce chapitre aux personnages illustres que nous y avons introduits nous a écartés un instant de celui à qui Anne d'Autriche devait le triomphe inouï qu'elle venait de remporter sur le cardinal, et qui, confondu, ignoré, perdu dans la foule entassée à l'une des portes, regardait de là cette scène compréhensible seulement pour quatre personnes: le roi, la reine, Son Éminence et lui. La reine venait de regagner sa chambre, et d'Artagnan s'apprêtait à se retirer, lorsqu'il sentit qu'on lui touchait légèrement l'épaule; il se retourna, et vit une jeune femme qui lui faisait signe de la suivre. Cette jeune femme avait le visage couvert d'un loup de velours noir, mais malgré cette précaution, qui, au reste, était bien plutôt prise pour les autres que pour lui, il reconnut à l'instant même son guide ordinaire, la légère et spirituelle Mme Bonacieux. La veille ils s'étaient vus à peine chez le suisse Germain, où d'Artagnan l'avait fait demander. La hâte qu'avait la jeune femme de porter à la reine cette excellente nouvelle de l'heureux retour de son messager fit que les deux amants échangèrent à peine quelques paroles. D'Artagnan suivit donc Mme Bonacieux, mû par un double sentiment, l'amour et la curiosité. Pendant toute la route, et à mesure que les corridors devenaient plus déserts, d'Artagnan voulait arrêter la jeune femme, la saisir, la contempler, ne fût- ce qu'un instant; mais, vive comme un oiseau, elle glissait toujours entre ses mains, et lorsqu'il voulait parler, son doigt ramené sur sa bouche avec un petit geste impératif plein de charme lui rappelait qu'il était sous l'empire d'une puissance à laquelle il devait aveuglément obéir, et qui lui interdisait jusqu'à la plus légère plainte; enfin, après une minute ou deux de tours et de détours, Mme Bonacieux ouvrit une porte et introduisit le jeune homme dans un cabinet tout à fait obscur. Là elle lui fit un nouveau signe de mutisme, et ouvrant une seconde porte cachée par une tapisserie dont les ouvertures répandirent tout à coup une vive lumière, elle disparut. D'Artagnan demeura un instant immobile et se demandant où il était, mais bientôt un rayon de lumière qui pénétrait par cette chambre, l'air chaud et parfumé qui arrivait jusqu'à lui, la conversation de deux ou trois femmes, au langage à la fois respectueux et élégant, le mot de Majesté plusieurs fois répété, lui indiquèrent clairement qu'il était dans un cabinet attenant à la chambre de la reine. Le jeune homme se tint dans l'ombre et attendit. La reine paraissait gaie et heureuse, ce qui semblait fort étonner les personnes qui l'entouraient, et qui avaient au contraire l'habitude de la voir presque toujours soucieuse. La reine rejetait ce sentiment joyeux sur la beauté de la fête, sur le plaisir que lui avait fait éprouver le ballet, et comme il n'est pas permis de contredire une reine, qu'elle sourie ou qu'elle pleure, chacun renchérissait sur la galanterie de MM. les échevins de la ville de Paris. Quoique d'Artagnan ne connût point la reine, il distingua sa voix des autres voix, d'abord à un léger accent étranger, puis à ce sentiment de domination naturellement empreint dans toutes les paroles souveraines. Il l'entendait s'approcher et s'éloigner de cette porte ouverte, et deux ou trois fois il vit même l'ombre d'un corps intercepter la lumière. Enfin, tout à coup une main et un bras adorables de forme et de blancheur passèrent à travers la tapisserie; d'Artagnan comprit que c'était sa récompense: il se jeta à genoux, saisit cette main et appuya respectueusement ses lèvres; puis cette main se retira laissant dans les siennes un objet qu'il reconnut pour être une bague; aussitôt la porte se referma, et d'Artagnan se retrouva dans la plus complète obscurité. D'Artagnan mit la bague à son doigt et attendit de nouveau; il était évident que tout n'était pas fini encore. Après la récompense de son dévouement venait la récompense de son amour. D'ailleurs, le ballet était dansé, mais la soirée était à peine commencée: on soupait à trois heures, et l'horloge Saint- Jean, depuis quelque temps déjà, avait sonné deux heures trois quarts. En effet, peu à peu le bruit des voix diminua dans la chambre voisine; puis on l'entendit s'éloigner; puis la porte du cabinet où était d'Artagnan se rouvrit, et Mme Bonacieux s'y élança. «Vous, enfin! s'écria d'Artagnan. -- Silence! dit la jeune femme en appuyant sa main sur les lèvres du jeune homme: silence! et allez-vous-en par où vous êtes venu. -- Mais où et quand vous reverrai-je? s'écria d'Artagnan. -- Un billet que vous trouverez en rentrant vous le dira. Partez, partez!» Et à ces mots elle ouvrit la porte du corridor et poussa d'Artagnan hors du cabinet. D'Artagnan obéit comme un enfant, sans résistance et sans objection aucune, ce qui prouve qu'il était bien réellement amoureux. CHAPITRE XXIII LE RENDEZ-VOUS D'Artagnan revint chez lui tout courant, et quoiqu'il fût plus de trois heures du matin, et qu'il eût les plus méchants quartiers de Paris à traverser, il ne fit aucune mauvaise rencontre. On sait qu'il y a un dieu pour les ivrognes et les amoureux. Il trouva la porte de son allée entrouverte, monta son escalier, et frappa doucement et d'une façon convenue entre lui et son laquais. Planchet, qu'il avait renvoyé deux heures auparavant de l'Hôtel de Ville en lui recommandant de l'attendre, vint lui ouvrir la porte. «Quelqu'un a-t-il apporté une lettre pour moi? demanda vivement d'Artagnan. -- Personne n'a apporté de lettre, monsieur, répondit Planchet; mais il y en a une qui est venue toute seule. -- Que veux-tu dire, imbécile? -- Je veux dire qu'en rentrant, quoique j'eusse la clef de votre appartement dans ma poche et que cette clef ne m'eût point quitté, j'ai trouvé une lettre sur le tapis vert de la table, dans votre chambre à coucher. -- Et où est cette lettre? -- Je l'ai laissée où elle était, monsieur. Il n'est pas naturel que les lettres entrent ainsi chez les gens. Si la fenêtre était ouverte encore, ou seulement entrebâillée je ne dis pas; mais non, tout était hermétiquement fermé. Monsieur, prenez garde, car il y a très certainement quelque magie là-dessous.» Pendant ce temps, le jeune homme s'élançait dans la chambre et ouvrait la lettre; elle était de Mme Bonacieux, et conçue en ces termes: «On a de vifs remerciements à vous faire et à vous transmettre. Trouvez-vous ce soir vers dix heures à Saint-Cloud, en face du pavillon qui s'élève à l'angle de la maison de M. d'Estrées. «C. B.» En lisant cette lettre, d'Artagnan sentait son coeur se dilater et s'étreindre de ce doux spasme qui torture et caresse le coeur des amants. C'était le premier billet qu'il recevait, c'était le premier rendez-vous qui lui était accordé. Son coeur, gonflé par l'ivresse de la joie, se sentait prêt à défaillir sur le seuil de ce paradis terrestre qu'on appelait l'amour. «Eh bien! monsieur, dit Planchet, qui avait vu son maître rougir et pâlir successivement; eh bien! n'est-ce pas que j'avais deviné juste et que c'est quelque méchante affaire? -- Tu te trompes, Planchet, répondit d'Artagnan, et la preuve, c'est que voici un écu pour que tu boives à ma santé. -- Je remercie monsieur de l'écu qu'il me donne, et je lui promets de suivre exactement ses instructions; mais il n'en est pas moins vrai que les lettres qui entrent ainsi dans les maisons fermées... -- Tombent du ciel, mon ami, tombent du ciel. -- Alors, monsieur est content? demanda Planchet. -- Mon cher Planchet, je suis le plus heureux des hommes! -- Et je puis profiter du bonheur de monsieur pour aller me coucher? -- Oui, va. -- Que toutes les bénédictions du Ciel tombent sur monsieur, mais il n'en est pas moins vrai que cette lettre...» Et Planchet se retira en secouant la tête avec un air de doute que n'était point parvenu à effacer entièrement la libéralité de d'Artagnan. Resté seul, d'Artagnan lut et relut son billet, puis il baisa et rebaisa vingt fois ces lignes tracées par la main de sa belle maîtresse. Enfin il se coucha, s'endormit et fit des rêves d'or. À sept heures du matin, il se leva et appela Planchet, qui, au second appel, ouvrit la porte, le visage encore mal nettoyé des inquiétudes de la veille. «Planchet, lui dit d'Artagnan, je sors pour toute la journée peut- être; tu es donc libre jusqu'à sept heures du soir; mais, à sept heures du soir, tiens-toi prêt avec deux chevaux. -- Allons! dit Planchet, il paraît que nous allons encore nous faire traverser la peau en plusieurs endroits. -- Tu prendras ton mousqueton et tes pistolets. -- Eh bien, que disais-je? s'écria Planchet. Là, j'en étais sûr, maudite lettre! -- Mais rassure-toi donc, imbécile, il s'agit tout simplement d'une partie de plaisir. -- Oui! comme les voyages d'agrément de l'autre jour, où il pleuvait des balles et où il poussait des chausse-trapes. -- Au reste, si vous avez peur, monsieur Planchet, reprit d'Artagnan, j'irai sans vous; j'aime mieux voyager seul que d'avoir un compagnon qui tremble. -- Monsieur me fait injure, dit Planchet; il me semblait cependant qu'il m'avait vu à l'oeuvre. -- Oui, mais j'ai cru que tu avais usé tout ton courage d'une seule fois. -- Monsieur verra que dans l'occasion il m'en reste encore; seulement je prie monsieur de ne pas trop le prodiguer, s'il veut qu'il m'en reste longtemps. -- Crois-tu en avoir encore une certaine somme à dépenser ce soir? -- Je l'espère. -- Eh bien, je compte sur toi. -- À l'heure dite, je serai prêt; seulement je croyais que monsieur n'avait qu'un cheval à l'écurie des gardes. -- Peut-être n'y en a-t-il qu'un encore dans ce moment-ci, mais ce soir il y en aura quatre. -- Il paraît que notre voyage était un voyage de remonte? -- Justement», dit d'Artagnan. Et ayant fait à Planchet un dernier geste de recommandation, il sortit. M. Bonacieux était sur sa porte. L'intention de d'Artagnan était de passer outre, sans parler au digne mercier; mais celui-ci fit un salut si doux et si bénin, que force fut à son locataire non seulement de le lui rendre, mais encore de lier conversation avec lui. Comment d'ailleurs ne pas avoir un peu de condescendance pour un mari dont la femme vous a donné un rendez-vous le soir même à Saint-Cloud, en face du pavillon de M. d'Estrées! D'Artagnan s'approcha de l'air le plus aimable qu'il put prendre. La conversation tomba tout naturellement sur l'incarcération du pauvre homme. M. Bonacieux, qui ignorait que d'Artagnan eût entendu sa conversation avec l'inconnu de Meung, raconta à son jeune locataire les persécutions de ce monstre de M. de Laffemas, qu'il ne cessa de qualifier pendant tout son récit du titre de bourreau du cardinal et s'étendit longuement sur la Bastille, les verrous, les guichets, les soupiraux, les grilles et les instruments de torture. D'Artagnan l'écouta avec une complaisance exemplaire puis, lorsqu'il eut fini: «Et Mme Bonacieux, dit-il enfin, savez-vous qui l'avait enlevée? car je n'oublie pas que c'est à cette circonstance fâcheuse que je dois le bonheur d'avoir fait votre connaissance. -- Ah! dit M. Bonacieux, ils se sont bien gardés de me le dire, et ma femme de son côté m'a juré ses grands dieux qu'elle ne le savait pas. Mais vous-même, continua M. Bonacieux d'un ton de bonhomie parfaite, qu'êtes-vous devenu tous ces jours passés? je ne vous ai vu, ni vous ni vos amis, et ce n'est pas sur le pavé de Paris, je pense, que vous avez ramassé toute la poussière que Planchet époussetait hier sur vos bottes. -- Vous avez raison, mon cher monsieur Bonacieux, mes amis et moi nous avons fait un petit voyage. -- Loin d'ici? -- Oh! mon Dieu non, à une quarantaine de lieues seulement; nous avons été conduire M. Athos aux eaux de Forges, où mes amis sont restés. -- Et vous êtes revenu, vous, n'est-ce pas? reprit M. Bonacieux en donnant à sa physionomie son air le plus malin. Un beau garçon comme vous n'obtient pas de longs congés de sa maîtresse, et nous étions impatiemment attendu à Paris, n'est-ce pas? -- Ma foi, dit en riant le jeune homme, je vous l'avoue, d'autant mieux, mon cher monsieur Bonacieux, que je vois qu'on ne peut rien vous cacher. Oui, j'étais attendu, et bien impatiemment, je vous en réponds.» Un léger nuage passa sur le front de Bonacieux, mais si léger, que d'Artagnan ne s'en aperçut pas. «Et nous allons être récompensé de notre diligence? continua le mercier avec une légère altération dans la voix, altération que d'Artagnan ne remarqua pas plus qu'il n'avait fait du nuage momentané qui, un instant auparavant, avait assombri la figure du digne homme. -- Ah! faites donc le bon apôtre! dit en riant d'Artagnan. -- Non, ce que je vous en dis, reprit Bonacieux, c'est seulement pour savoir si nous rentrons tard. -- Pourquoi cette question, mon cher hôte? demanda d'Artagnan; est-ce que vous comptez m'attendre? -- Non, c'est que depuis mon arrestation et le vol qui a été commis chez moi, je m'effraie chaque fois que j'entends ouvrir une porte, et surtout la nuit. Dame, que voulez-vous! je ne suis point homme d'épée, moi! -- Eh bien, ne vous effrayez pas si je rentre à une heure, à deux ou trois heures du matin; si je ne rentre pas du tout, ne vous effrayez pas encore.» Cette fois, Bonacieux devint si pâle, que d'Artagnan ne put faire autrement que de s'en apercevoir, et lui demanda ce qu'il avait. «Rien, répondit Bonacieux, rien. Depuis mes malheurs seulement, je suis sujet à des faiblesses qui me prennent tout à coup, et je viens de me sentir passer un frisson. Ne faites pas attention à cela, vous qui n'avez à vous occuper que d'être heureux. -- Alors j'ai de l'occupation, car je le suis. -- Pas encore, attendez donc, vous avez dit: à ce soir. -- Eh bien, ce soir arrivera, Dieu merci! et peut-être l'attendez- vous avec autant d'impatience que moi. Peut-être, ce soir, Mme Bonacieux visitera-t-elle le domicile conjugal. -- Mme Bonacieux n'est pas libre ce soir, répondit gravement le mari; elle est retenue au Louvre par son service. -- Tant pis pour vous, mon cher hôte, tant pis; quand je suis heureux, moi, je voudrais que tout le monde le fût; mais il paraît que ce n'est pas possible.» Et le jeune homme s'éloigna en riant aux éclats de la plaisanterie que lui seul, pensait-il, pouvait comprendre. «Amusez-vous bien!» répondit Bonacieux d'un air sépulcral. Mais d'Artagnan était déjà trop loin pour l'entendre, et l'eut-il entendu, dans la disposition d'esprit où il était, il ne l'eût certes pas remarqué. Il se dirigea vers l'hôtel de M. de Tréville; sa visite de la veille avait été, on se le rappelle, très courte et très peu explicative. Il trouva M. de Tréville dans la joie de son âme. Le roi et la reine avaient été charmants pour lui au bal. Il est vrai que le cardinal avait été parfaitement maussade. À une heure du matin, il s'était retiré sous prétexte qu'il était indisposé. Quant à Leurs Majestés, elles n'étaient rentrées au Louvre qu'à six heures du matin. «Maintenant, dit M. de Tréville en baissant la voix et en interrogeant du regard tous les angles de l'appartement pour voir s'ils étaient bien seuls, maintenant parlons de vous, mon jeune ami, car il est évident que votre heureux retour est pour quelque chose dans la joie du roi, dans le triomphe de la reine et dans l'humiliation de Son Éminence. Il s'agit de bien vous tenir. -- Qu'ai-je à craindre, répondit d'Artagnan, tant que j'aurai le bonheur de jouir de la faveur de Leurs Majestés? -- Tout, croyez-moi. Le cardinal n'est point homme à oublier une mystification tant qu'il n'aura pas réglé ses comptes avec le mystificateur, et le mystificateur m'a bien l'air d'être certain Gascon de ma connaissance. -- Croyez-vous que le cardinal soit aussi avancé que vous et sache que c'est moi qui ai été à Londres? -- Diable! vous avez été à Londres. Est-ce de Londres que vous avez rapporté ce beau diamant qui brille à votre doigt? Prenez garde, mon cher d'Artagnan, ce n'est pas une bonne chose que le présent d'un ennemi; n'y a-t-il pas là-dessus certain vers latin... Attendez donc... -- Oui, sans doute, reprit d'Artagnan, qui n'avait jamais pu se fourrer la première règle du rudiment dans la tête, et qui, par ignorance, avait fait le désespoir de son précepteur; oui, sans doute, il doit y en avoir un. -- Il y en a un certainement, dit M. de Tréville, qui avait une teinte de lettres, et M. de Benserade me le citait l'autre jour... Attendez donc... Ah! m'y voici: _... timeo Danaos et donaña ferentes_ «Ce qui veut dire: "Défiez-vous de l'ennemi qui vous fait des présents." -- Ce diamant ne vient pas d'un ennemi, monsieur, reprit d'Artagnan, il vient de la reine. -- De la reine! oh! oh! dit M. de Tréville. Effectivement, c'est un véritable bijou royal, qui vaut mille pistoles comme un denier. Par qui la reine vous a-t-elle fait remettre ce cadeau? -- Elle me l'a remis elle-même. -- Où cela? -- Dans le cabinet attenant à la chambre où elle a changé de toilette. -- Comment? -- En me donnant sa main à baiser. -- Vous avez baisé la main de la reine! s'écria M. de Tréville en regardant d'Artagnan. -- Sa Majesté m'a fait l'honneur de m'accorder cette grâce! -- Et cela en présence de témoins? Imprudente, trois fois imprudente! -- Non, monsieur, rassurez-vous, personne ne l'a vue», reprit d'Artagnan. Et il raconta à M. de Tréville comment les choses s'étaient passées. «Oh! les femmes, les femmes! s'écria le vieux soldat, je les reconnais bien à leur imagination romanesque; tout ce qui sent le mystérieux les charme; ainsi vous avez vu le bras, voilà tout; vous rencontreriez la reine, que vous ne la reconnaîtriez pas; elle vous rencontrerait, qu'elle ne saurait pas qui vous êtes. -- Non, mais grâce à ce diamant..., reprit le jeune homme. -- Écoutez, dit M. de Tréville, voulez-vous que je vous donne un conseil, un bon conseil, un conseil d'ami? -- Vous me ferez honneur, monsieur, dit d'Artagnan. -- Eh bien, allez chez le premier orfèvre venu et vendez-lui ce diamant pour le prix qu'il vous en donnera; si juif qu'il soit, vous en trouverez toujours bien huit cents pistoles. Les pistoles n'ont pas de nom, jeune homme, et cette bague en a un terrible, ce qui peut trahir celui qui la porte. -- Vendre cette bague! une bague qui vient de ma souveraine! jamais, dit d'Artagnan. -- Alors tournez-en le chaton en dedans, pauvre fou, car on sait qu'un cadet de Gascogne ne trouve pas de pareils bijoux dans l'écrin de sa mère. -- Vous croyez donc que j'ai quelque chose à craindre? demanda d'Artagnan. -- C'est-à-dire, jeune homme, que celui qui s'endort sur une mine dont la mèche est allumée doit se regarder comme en sûreté en comparaison de vous. -- Diable! dit d'Artagnan, que le ton d'assurance de M. de Tréville commençait à inquiéter: diable, que faut-il faire? -- Vous tenir sur vos gardes toujours et avant toute chose. Le cardinal a la mémoire tenace et la main longue; croyez-moi, il vous jouera quelque tour. -- Mais lequel? -- Eh! le sais-je, moi! est-ce qu'il n'a pas à son service toutes les ruses du démon? Le moins qui puisse vous arriver est qu'on vous arrête. -- Comment! on oserait arrêter un homme au service de Sa Majesté? -- Pardieu! on s'est bien gêné pour Athos! En tout cas, jeune homme, croyez-en un homme qui est depuis trente ans à la cour: ne vous endormez pas dans votre sécurité, ou vous êtes perdu. Bien au contraire, et c'est moi qui vous le dis, voyez des ennemis partout. Si l'on vous cherche querelle, évitez-la, fût-ce un enfant de dix ans qui vous la cherche; si l'on vous attaque de nuit ou de jour, battez en retraite et sans honte; si vous traversez un pont, tâtez les planches, de peur qu'une planche ne vous manque sous le pied; si vous passez devant une maison qu'on bâtit, regardez en l'air de peur qu'une pierre ne vous tombe sur la tête; si vous rentrez tard, faites-vous suivre par votre laquais, et que votre laquais soit armé, si toutefois vous êtes sûr de votre laquais. Défiez-vous de tout le monde, de votre ami, de votre frère, de votre maîtresse, de votre maîtresse surtout.» D'Artagnan rougit. «De ma maîtresse, répéta-t-il machinalement; et pourquoi plutôt d'elle que d'un autre? -- C'est que la maîtresse est un des moyens favoris du cardinal, il n'en a pas de plus expéditif: une femme vous vend pour dix pistoles, témoin Dalila. Vous savez les Écritures, hein?» D'Artagnan pensa au rendez-vous que lui avait donné Mme Bonacieux pour le soir même; mais nous devons dire, à la louange de notre héros, que la mauvaise opinion que M. de Tréville avait des femmes en général ne lui inspira pas le moindre petit soupçon contre sa jolie hôtesse. «Mais, à propos, reprit M. de Tréville, que sont devenus vos trois compagnons? -- J'allais vous demander si vous n'en aviez pas appris quelques nouvelles. -- Aucune, monsieur. -- Eh bien, je les ai laissés sur ma route: Porthos à Chantilly, avec un duel sur les bras; Aramis à Crèvecoeur, avec une balle dans l'épaule; et Athos à Amiens, avec une accusation de faux- monnayeur sur le corps. -- Voyez-vous! dit M. de Tréville; et comment vous êtes-vous échappé, vous? -- Par miracle, monsieur, je dois le dire, avec un coup d'épée dans la poitrine, et en clouant M. le comte de Wardes sur le revers de la route de Calais, comme un papillon à une tapisserie. -- Voyez-vous encore! de Wardes, un homme au cardinal, un cousin de Rochefort. Tenez, mon cher ami, il me vient une idée. -- Dites, monsieur. -- À votre place, je ferais une chose. -- Laquelle? -- Tandis que Son Éminence me ferait chercher à Paris, je reprendrais, moi, sans tambour ni trompette, la route de Picardie, et je m'en irais savoir des nouvelles de mes trois compagnons. Que diable! ils méritent bien cette petite attention de votre part. -- Le conseil est bon, monsieur, et demain je partirai. -- Demain! et pourquoi pas ce soir? -- Ce soir, monsieur, je suis retenu à Paris par une affaire indispensable. -- Ah! jeune homme! jeune homme! quelque amourette? Prenez garde, je vous le répète: c'est la femme qui nous a perdus, tous tant que nous sommes. Croyez-moi, partez ce soir. -- Impossible! monsieur. -- Vous avez donc donné votre parole? -- Oui, monsieur. -- Alors c'est autre chose; mais promettez-moi que si vous n'êtes pas tué cette nuit, vous partirez demain. -- Je vous le promets. -- Avez-vous besoin d'argent? -- J'ai encore cinquante pistoles. C'est autant qu'il m'en faut, je le pense. -- Mais vos compagnons? -- Je pense qu'ils ne doivent pas en manquer. Nous sommes sortis de Paris chacun avec soixante-quinze pistoles dans nos poches. -- Vous reverrai-je avant votre départ? -- Non, pas que je pense, monsieur, à moins qu'il n'y ait du nouveau. -- Allons, bon voyage! -- Merci, monsieur.» Et d'Artagnan prit congé de M. de Tréville, touché plus que jamais de sa sollicitude toute paternelle pour ses mousquetaires. Il passa successivement chez Athos, chez Porthos et chez Aramis. Aucun d'eux n'était rentré. Leurs laquais aussi étaient absents, et l'on n'avait des nouvelles ni des uns, ni des autres. Il se serait bien informé d'eux à leurs maîtresses, mais il ne connaissait ni celle de Porthos, ni celle d'Aramis; quant à Athos, il n'en avait pas. En passant devant l'hôtel des Gardes, il jeta un coup d'oeil dans l'écurie: trois chevaux étaient déjà rentrés sur quatre. Planchet, tout ébahi, était en train de les étriller, et avait déjà fini avec deux d'entre eux. «Ah! monsieur, dit Planchet en apercevant d'Artagnan, que je suis aise de vous voir! -- Et pourquoi cela, Planchet? demanda le jeune homme. -- Auriez-vous confiance en M. Bonacieux, notre hôte? -- Moi? pas le moins du monde. -- Oh! que vous faites bien, monsieur. -- Mais d'où vient cette question? -- De ce que, tandis que vous causiez avec lui, je vous observais sans vous écouter; monsieur, sa figure a changé deux ou trois fois de couleur. -- Bah! -- Monsieur n'a pas remarqué cela, préoccupé qu'il était de la lettre qu'il venait de recevoir; mais moi, au contraire, que l'étrange façon dont cette lettre était parvenue à la maison avait mis sur mes gardes, je n'ai pas perdu un mouvement de sa physionomie. -- Et tu l'as trouvée...? -- Traîtreuse, monsieur. -- Vraiment! -- De plus, aussitôt que monsieur l'a eu quitté et qu'il a disparu au coin de la rue, M. Bonacieux a pris son chapeau, a fermé sa porte et s'est mis à courir par la rue opposée. -- En effet, tu as raison, Planchet, tout cela me paraît fort louche, et, sois tranquille, nous ne lui paierons pas notre loyer que la chose ne nous ait été catégoriquement expliquée. -- Monsieur plaisante, mais monsieur verra. -- Que veux-tu, Planchet, ce qui doit arriver est écrit! -- Monsieur ne renonce donc pas à sa promenade de ce soir? -- Bien au contraire, Planchet, plus j'en voudrai à M. Bonacieux, et plus j'irai au rendez-vous que m'a donné cette lettre qui t'inquiète tant. -- Alors, si c'est la résolution de monsieur... -- Inébranlable, mon ami; ainsi donc, à neuf heures tiens-toi prêt ici, à l'hôtel; je viendrai te prendre.» Planchet, voyant qu'il n'y avait plus aucun espoir de faire renoncer son maître à son projet, poussa un profond soupir, et se mit à étriller le troisième cheval. Quant à d'Artagnan, comme c'était au fond un garçon plein de prudence, au lieu de rentrer chez lui, il s'en alla dîner chez ce prêtre gascon qui, au moment de la détresse des quatre amis, leur avait donné un déjeuner de chocolat. CHAPITRE XXIV LE PAVILLON À neuf heures, d'Artagnan était à l'hôtel des Gardes; il trouva Planchet sous les armes. Le quatrième cheval était arrivé. Planchet était armé de son mousqueton et d'un pistolet. D'Artagnan avait son épée et passa deux pistolets à sa ceinture, puis tous deux enfourchèrent chacun un cheval et s'éloignèrent sans bruit. Il faisait nuit close, et personne ne les vit sortir. Planchet se mit à la suite de son maître, et marcha par-derrière à dix pas. D'Artagnan traversa les quais, sortit par la porte de la Conférence et suivit alors le chemin, bien plus beau alors qu'aujourd'hui, qui mène à Saint-Cloud. Tant qu'on fut dans la ville, Planchet garda respectueusement la distance qu'il s'était imposée; mais dès que le chemin commença à devenir plus désert et plus obscurs il se rapprocha tout doucement: si bien que, lorsqu'on entra dans le bois de Boulogne, il se trouva tout naturellement marcher côte à côte avec son maître. En effet, nous ne devons pas dissimuler que l'oscillation des grands arbres et le reflet de la lune dans les taillis sombres lui causaient une vive inquiétude. D'Artagnan s'aperçut qu'il se passait chez son laquais quelque chose d'extraordinaire. «Eh bien, monsieur Planchet, lui demanda-t-il, qu'avons-nous donc? -- Ne trouvez-vous pas, monsieur, que les bois sont comme les églises? -- Pourquoi cela, Planchet? -- Parce qu'on n'ose point parler haut dans ceux-ci comme dans celles-là. -- Pourquoi n'oses-tu parler haut, Planchet? parce que tu as peur? -- Peur d'être entendu, oui, monsieur. -- Peur d'être entendu! Notre conversation est cependant morale, mon cher Planchet, et nul n'y trouverait à redire. -- Ah! monsieur! reprit Planchet en revenant à son idée mère, que ce M. Bonacieux a quelque chose de sournois dans ses sourcils et de déplaisant dans le jeu de ses lèvres! -- Qui diable te fait penser à Bonacieux? -- Monsieur, l'on pense à ce que l'on peut et non pas à ce que l'on veut. -- Parce que tu es un poltron, Planchet. -- Monsieur, ne confondons pas la prudence avec la poltronnerie; la prudence est une vertu. -- Et tu es vertueux, n'est-ce pas, Planchet? -- Monsieur, n'est-ce point le canon d'un mousquet qui brille là- bas? Si nous baissions la tête? -- En vérité, murmura d'Artagnan, à qui les recommandations de M. de Tréville revenaient en mémoire; en vérité, cet animal finirait par me faire peur.» Et il mit son cheval au trot. Planchet suivit le mouvement de son maître, exactement comme s'il eût été son ombre, et se retrouva trottant près de lui. «Est-ce que nous allons marcher comme cela toute la nuit, monsieur? demanda-t-il. -- Non, Planchet, car tu es arrivé, toi. -- Comment, je suis arrivé? et monsieur? -- Moi, je vais encore à quelques pas. -- Et monsieur me laisse seul ici? -- Tu as peur, Planchet? -- Non, mais je fais seulement observer à monsieur que la nuit sera très froide, que les fraîcheurs donnent des rhumatismes, et qu'un laquais qui a des rhumatismes est un triste serviteur, surtout pour un maître alerte comme monsieur. -- Eh bien, si tu as froid, Planchet, tu entreras dans un de ces cabarets que tu vois là-bas, et tu m'attendras demain matin à six heures devant la porte. -- Monsieur, j'ai bu et mangé respectueusement l'écu que vous m'avez donné ce matin; de sorte qu'il ne me reste pas un traître sou dans le cas où j'aurais froid. -- Voici une demi-pistole. À demain.» D'Artagnan descendit de son cheval, jeta la bride au bras de Planchet et s'éloigna rapidement en s'enveloppant dans son manteau. «Dieu que j'ai froid!» s'écria Planchet dès qu'il eut perdu son maître de vue; -- et pressé qu'il était de se réchauffer, il se hâta d'aller frapper à la porte d'une maison parée de tous les attributs d'un cabaret de banlieue. Cependant d'Artagnan, qui s'était jeté dans un petit chemin de traverse, continuait sa route et atteignait Saint-Cloud; mais, au lieu de suivre la grande rue, il tourna derrière le château, gagna une espèce de ruelle fort écartée, et se trouva bientôt en face du pavillon indiqué. Il était situé dans un lieu tout à fait désert. Un grand mur, à l'angle duquel était ce pavillon, régnait d'un côté de cette ruelle, et de l'autre une haie défendait contre les passants un petit jardin au fond duquel s'élevait une maigre cabane. Il était arrivé au rendez-vous, et comme on ne lui avait pas dit d'annoncer sa présence par aucun signal, il attendit. Nul bruit ne se faisait entendre, on eût dit qu'on était à cent lieues de la capitale. D'Artagnan s'adossa à la haie après avoir jeté un coup d'oeil derrière lui. Par-delà cette haie, ce jardin et cette cabane, un brouillard sombre enveloppait de ses plis cette immensité où dort Paris, vide, béant, immensité où brillaient quelques points lumineux, étoiles funèbres de cet enfer. Mais pour d'Artagnan tous les aspects revêtaient une forme heureuse, toutes les idées avaient un sourire, toutes les ténèbres étaient diaphanes. L'heure du rendez-vous allait sonner. En effet, au bout de quelques instants, le beffroi de Saint-Cloud laissa lentement tomber dix coups de sa large gueule mugissante. Il y avait quelque chose de lugubre à cette voix de bronze qui se lamentait ainsi au milieu de la nuit. Mais chacune de ces heures qui composaient l'heure attendue vibrait harmonieusement au coeur du jeune homme. Ses yeux étaient fixés sur le petit pavillon situé à l'angle de la rue et dont toutes les fenêtres étaient fermées par des volets, excepté une seule du premier étage. À travers cette fenêtre brillait une lumière douce qui argentait le feuillage tremblant de deux ou trois tilleuls qui s'élevaient formant groupe en dehors du parc. Évidemment derrière cette petite fenêtre, si gracieusement éclairée, la jolie Mme Bonacieux l'attendait. Bercé par cette douce idée, d'Artagnan attendit de son côté une demi-heure sans impatience aucune, les yeux fixés sur ce charmant petit séjour dont d'Artagnan apercevait une partie de plafond aux moulures dorées, attestant l'élégance du reste de l'appartement. Le beffroi de Saint-Cloud sonna dix heures et demie. Cette fois-ci, sans que d'Artagnan comprît pourquoi, un frisson courut dans ses veines. Peut-être aussi le froid commençait-il à le gagner et prenait-il pour une impression morale une sensation tout à fait physique. Puis l'idée lui vint qu'il avait mal lu et que le rendez-vous était pour onze heures seulement. Il s'approcha de la fenêtre, se plaça dans un rayon de lumière, tira sa lettre de sa poche et la relut; il ne s'était point trompé: le rendez-vous était bien pour dix heures. Il alla reprendre son poste, commençant à être assez inquiet de ce silence et de cette solitude. Onze heures sonnèrent. D'Artagnan commença à craindre véritablement qu'il ne fût arrivé quelque chose à Mme Bonacieux. Il frappa trois coups dans ses mains, signal ordinaire des amoureux; mais personne ne lui répondit: pas même l'écho. Alors il pensa avec un certain dépit que peut-être la jeune femme s'était endormie en l'attendant. Il s'approcha du mur et essaya d'y monter; mais le mur était nouvellement crépi, et d'Artagnan se retourna inutilement les ongles. En ce moment il avisa les arbres, dont la lumière continuait d'argenter les feuilles, et comme l'un d'eux faisait saillie sur le chemin, il pensa que du milieu de ses branches son regard pourrait pénétrer dans le pavillon. L'arbre était facile. D'ailleurs d'Artagnan avait vingt ans à peine, et par conséquent se souvenait de son métier d'écolier. En un instant il fut au milieu des branches, et par les vitres transparentes ses yeux plongèrent dans l'intérieur du pavillon. Chose étrange et qui fit frissonner d'Artagnan de la plante des pieds à la racine des cheveux, cette douce lumière, cette calme lampe éclairait une scène de désordre épouvantable; une des vitres de la fenêtre était cassée, la porte de la chambre avait été enfoncée et, à demi brisée pendait à ses gonds; une table qui avait dû être couverte d'un élégant souper gisait à terre; les flacons en éclats, les fruits écrasés jonchaient le parquet; tout témoignait dans cette chambre d'une lutte violente et désespérée; d'Artagnan crut même reconnaître au milieu de ce pêle-mêle étrange des lambeaux de vêtements et quelques taches sanglantes maculant la nappe et les rideaux. Il se hâta de redescendre dans la rue avec un horrible battement de coeur, il voulait voir s'il ne trouverait pas d'autres traces de violence. La petite lueur suave brillait toujours dans le calme de la nuit. D'Artagnan s'aperçut alors, chose qu'il n'avait pas remarquée d'abord, car rien ne le poussait à cet examen, que le sol, battu ici, troué là, présentait des traces confuses de pas d'hommes, et de pieds de chevaux. En outre, les roues d'une voiture, qui paraissait venir de Paris, avaient creusé dans la terre molle une profonde empreinte qui ne dépassait pas la hauteur du pavillon et qui retournait vers Paris. Enfin d'Artagnan, en poursuivant ses recherches, trouva près du mur un gant de femme déchiré. Cependant ce gant, par tous les points où il n'avait pas touché la terre boueuse, était d'une fraîcheur irréprochable. C'était un de ces gants parfumés comme les amants aiment à les arracher d'une jolie main. À mesure que d'Artagnan poursuivait ses investigations, une sueur plus abondante et plus glacée perlait sur son front, son coeur était serré par une horrible angoisse, sa respiration était haletante; et cependant il se disait, pour se rassurer, que ce pavillon n'avait peut-être rien de commun avec Mme Bonacieux; que la jeune femme lui avait donné rendez-vous devant ce pavillon, et non dans ce pavillon; qu'elle avait pu être retenue à Paris par son service, par la jalousie de son mari peut-être. Mais tous ces raisonnements étaient battus en brèche, détruits, renversés par ce sentiment de douleur intime, qui dans certaines occasions, s'empare de tout notre être et nous crie, par tout ce qui est destiné chez nous à entendre, qu'un grand malheur plane sur nous. Alors d'Artagnan devint presque insensé: il courut sur la grande route, prit le même chemin qu'il avait déjà fait, s'avança jusqu'au bac, et interrogea le passeur. Vers les sept heures du soir, le passeur avait fait traverser la rivière à une femme enveloppée d'une mante noire, qui paraissait avoir le plus grand intérêt à ne pas être reconnue; mais, justement à cause des précautions qu'elle prenait, le passeur avait prêté une attention plus grande, et il avait reconnu que la femme était jeune et jolie. Il y avait alors, comme aujourd'hui, une foule de jeunes et jolies femmes qui venaient à Saint-Cloud et qui avaient intérêt à ne pas être vues, et cependant d'Artagnan ne douta point un instant que ce ne fût Mme Bonacieux qu'avait remarquée le passeur. D'Artagnan profita de la lampe qui brillait dans la cabane du passeur pour relire encore une fois le billet de Mme Bonacieux et s'assurer qu'il ne s'était pas trompé, que le rendez-vous était bien à Saint-Cloud et non ailleurs, devant le pavillon de M. d'Estrées et non dans une autre rue. Tout concourait à prouver à d'Artagnan que ses pressentiments ne le trompaient point et qu'un grand malheur était arrivé. Il reprit le chemin du château tout courant; il lui semblait qu'en son absence quelque chose de nouveau s'était peut-être passé au pavillon et que des renseignements l'attendaient là. La ruelle était toujours déserte, et la même lueur calme et douce s'épanchait de la fenêtre. D'Artagnan songea alors à cette masure muette et aveugle mais qui sans doute avait vu et qui peut-être pouvait parler. La porte de clôture était fermée, mais il sauta par-dessus la haie, et malgré les aboiements du chien à la chaîne, il s'approcha de la cabane. Aux premiers coups qu'il frappa, rien ne répondit. Un silence de mort régnait dans la cabane comme dans le pavillon; cependant, comme cette cabane était sa dernière ressource, il s'obstina. Bientôt il lui sembla entendre un léger bruit intérieur, bruit craintif, et qui semblait trembler lui-même d'être entendu. Alors d'Artagnan cessa de frapper et pria, avec un accent si plein d'inquiétude et de promesses, d'effroi et de cajolerie, que sa voix était de nature à rassurer de plus peureux. Enfin un vieux volet vermoulu s'ouvrit, ou plutôt s'entrebâilla, et se referma dès que la lueur d'une misérable lampe qui brûlait dans un coin eut éclairé le baudrier, la poignée de l'épée et le pommeau des pistolets de d'Artagnan. Cependant, si rapide qu'eût été le mouvement, d'Artagnan avait eu le temps d'entrevoir une tête de vieillard. «Au nom du Ciel! dit-il, écoutez-moi: j'attendais quelqu'un qui ne vient pas, je meurs d'inquiétude. Serait-il arrivé quelque malheur aux environs? Parlez.» La fenêtre se rouvrit lentement, et la même figure apparut de nouveau: seulement elle était plus pâle encore que la première fois. D'Artagnan raconta naïvement son histoire, aux noms près; il dit comment il avait rendez-vous avec une jeune femme devant ce pavillon, et comment, ne la voyant pas venir, il était monté sur le tilleul et, à la lueur de la lampe, il avait vu le désordre de la chambre. Le vieillard l'écouta attentivement, tout en faisant signe que c'était bien cela: puis, lorsque d'Artagnan eut fini, il hocha la tête d'un air qui n'annonçait rien de bon. «Que voulez-vous dire? s'écria d'Artagnan. Au nom du Ciel! voyons, expliquez-vous. -- Oh! monsieur, dit le vieillard, ne me demandez rien; car si je vous disais ce que j'ai vu, bien certainement il ne m'arriverait rien de bon. -- Vous avez donc vu quelque chose? reprit d'Artagnan. En ce cas, au nom du Ciel! continua-t-il en lui jetant une pistole, dites, dites ce que vous avez vu, et je vous donne ma foi de gentilhomme que pas une de vos paroles ne sortira de mon coeur.» Le vieillard lut tant de franchise et de douleur sur le visage de d'Artagnan, qu'il lui fit signe d'écouter et qu'il lui dit à voix basse: «Il était neuf heures à peu près, j'avais entendu quelque bruit dans la rue et je désirais savoir ce que ce pouvait être, lorsqu'en m'approchant de ma porte je m'aperçus qu'on cherchait à entrer. Comme je suis pauvre et que je n'ai pas peur qu'on me vole, j'allai ouvrir et je vis trois hommes à quelques pas de là. Dans l'ombre était un carrosse avec des chevaux attelés et des chevaux de main. Ces chevaux de main appartenaient évidemment aux trois hommes qui étaient vêtus en cavaliers. «-- Ah, mes bons messieurs! m'écriai-je, que demandez-vous? «-- Tu dois avoir une échelle? me dit celui qui paraissait le chef de l'escorte. «-- Oui, monsieur; celle avec laquelle je cueille mes fruits. «-- Donne-nous la, et rentre chez toi, voilà un écu pour le dérangement que nous te causons. Souviens-toi seulement que si tu dis un mot de ce que tu vas voir et de ce que tu vas entendre (car tu regarderas et tu écouteras, quelque menace que nous te fassions, j'en suis sûr), tu es perdu. «À ces mots, il me jeta un écu, que je ramassai, et il prit mon échelle. «Effectivement, après avoir refermé la porte de la haie derrière eux, je fis semblant de rentrer à la maison; mais j'en sortis aussitôt par la porte de derrière, et, me glissant dans l'ombre, je parvins jusqu'à cette touffe de sureau, du milieu de laquelle je pouvais tout voir sans être vu. «Les trois hommes avaient fait avancer la voiture sans aucun bruit, ils en tirèrent un petit homme, gros, court, grisonnant, mesquinement vêtu de couleur sombre, lequel monta avec précaution à l'échelle, regarda sournoisement dans l'intérieur de la chambre, redescendit à pas de loup et murmura à voix basse: «-- C'est elle! «Aussitôt celui qui m'avait parlé s'approcha de la porte du pavillon, l'ouvrit avec une clef qu'il portait sur lui, referma la porte et disparut, en même temps les deux autres hommes montèrent à l'échelle. Le petit vieux demeurait à la portière, le cocher maintenait les chevaux de la voiture, et un laquais les chevaux de selle. Tout à coup de grands cris retentirent dans le pavillon, une femme accourut à la fenêtre et l'ouvrit comme pour se précipiter. Mais aussitôt qu'elle aperçut les deux hommes, elle se rejeta en arrière; les deux hommes s'élancèrent après elle dans la chambre. Alors je ne vis plus rien; mais j'entendis le bruit des meubles que l'on brise. La femme criait et appelait au secours. Mais bientôt ses cris furent étouffés; les trois hommes se rapprochèrent de la fenêtre, emportant la femme dans leurs bras; deux descendirent par l'échelle et la transportèrent dans la voiture, où le petit vieux entra après elle. Celui qui était resté dans le pavillon referma la croisée, sortit un instant après par la porte et s'assura que la femme était bien dans la voiture: ses deux compagnons l'attendaient déjà à cheval, il sauta à son tour en selle, le laquais reprit sa place près du cocher; le carrosse s'éloigna au galop escorté par les trois cavaliers, et tout fut fini. À partir de ce moment-là, je n'ai plus rien vu, rien entendu.» D'Artagnan, écrasé par une si terrible nouvelle, resta immobile et muet, tandis que tous les démons de la colère et de la jalousie hurlaient dans son coeur. «Mais, mon gentilhomme, reprit le vieillard, sur lequel ce muet désespoir causait certes plus d'effet que n'en eussent produit des cris et des larmes; allons, ne vous désolez pas, ils ne vous l'ont pas tuée, voilà l'essentiel. -- Savez-vous à peu près, dit d'Artagnan, quel est l'homme qui conduisait cette infernale expédition? -- Je ne le connais pas. -- Mais puisqu'il vous a parlé, vous avez pu le voir. -- Ah! c'est son signalement que vous me demandez? -- Oui. -- Un grand sec, basané, moustaches noires, oeil noir, l'air d'un gentilhomme. -- C'est cela, s'écria d'Artagnan; encore lui! toujours lui! C'est mon démon, à ce qu'il paraît! Et l'autre? -- Lequel? -- Le petit. -- Oh! celui-là n'est pas un seigneur, j'en réponds: d'ailleurs il ne portait pas l'épée, et les autres le traitaient sans aucune considération. -- Quelque laquais, murmura d'Artagnan. Ah! pauvre femme! pauvre femme! qu'en ont-ils fait? -- Vous m'avez promis le secret, dit le vieillard. -- Et je vous renouvelle ma promesse, soyez tranquille, je suis gentilhomme. Un gentilhomme n'a que sa parole, et je vous ai donné la mienne.» D'Artagnan reprit, l'âme navrée, le chemin du bac. Tantôt il ne pouvait croire que ce fût Mme Bonacieux, et il espérait le lendemain la retrouver au Louvre; tantôt il craignait qu'elle n'eût eu une intrigue avec quelque autre et qu'un jaloux ne l'eût surprise et fait enlever. Il flottait, il se désolait, il se désespérait. «Oh! si j'avais là mes amis! s'écriait-il, j'aurais au moins quelque espérance de la retrouver; mais qui sait ce qu'ils sont devenus eux-mêmes!» Il était minuit à peu près; il s'agissait de retrouver Planchet. D'Artagnan se fit ouvrir successivement tous les cabarets dans lesquels il aperçut un peu de lumière; dans aucun d'eux il ne retrouva Planchet. Au sixième, il commença de réfléchir que la recherche était un peu hasardée. D'Artagnan n'avait donné rendez-vous à son laquais qu'à six heures du matin, et quelque part qu'il fût, il était dans son droit. D'ailleurs, il vint au jeune homme cette idée, qu'en restant aux environs du lieu où l'événement s'était passé, il obtiendrait peut-être quelque éclaircissement sur cette mystérieuse affaire. Au sixième cabaret, comme nous l'avons dit, d'Artagnan s'arrêta donc, demanda une bouteille de vin de première qualité, s'accouda dans l'angle le plus obscur et se décida à attendre ainsi le jour; mais cette fois encore son espérance fut trompée, et quoiqu'il écoutât de toutes ses oreilles, il n'entendit, au milieu des jurons, des lazzi et des injures qu'échangeaient entre eux les ouvriers, les laquais et les rouliers qui composaient l'honorable société dont il faisait partie, rien qui pût le mettre sur la trace de la pauvre femme enlevée. Force lui fut donc, après avoir avalé sa bouteille par désoeuvrement et pour ne pas éveiller des soupçons, de chercher dans son coin la posture la plus satisfaisante possible et de s'endormir tant bien que mal. D'Artagnan avait vingt ans, on se le rappelle, et à cet âge le sommeil a des droits imprescriptibles qu'il réclame impérieusement, même sur les coeurs les plus désespérés. Vers six heures du matin, d'Artagnan se réveilla avec ce malaise qui accompagne ordinairement le point du jour après une mauvaise nuit. Sa toilette n'était pas longue à faire; il se tâta pour savoir si on n'avait pas profité de son sommeil pour le voler, et ayant retrouvé son diamant à son doigt, sa bourse dans sa poche et ses pistolets à sa ceinture, il se leva, paya sa bouteille et sortit pour voir s'il n'aurait pas plus de bonheur dans la recherche de son laquais le matin que la nuit. En effet, la première chose qu'il aperçut à travers le brouillard humide et grisâtre fut l'honnête Planchet qui, les deux chevaux en main, l'attendait à la porte d'un petit cabaret borgne devant lequel d'Artagnan était passé sans même soupçonner son existence. CHAPITRE XXV PORTHOS Au lieu de rentrer chez lui directement, d'Artagnan mit pied à terre à la porte de M. de Tréville, et monta rapidement l'escalier. Cette fois, il était décidé à lui raconter tout ce qui venait de se passer. Sans doute il lui donnerait de bons conseils dans toute cette affaire; puis, comme M. de Tréville voyait presque journellement la reine, il pourrait peut-être tirer de Sa Majesté quelque renseignement sur la pauvre femme à qui l'on faisait sans doute payer son dévouement à sa maîtresse. M. de Tréville écouta le récit du jeune homme avec une gravité qui prouvait qu'il voyait autre chose, dans toute cette aventure, qu'une intrigue d'amour; puis, quand d'Artagnan eut achevé: «Hum! dit-il, tout ceci sent Son Éminence d'une lieue. -- Mais, que faire? dit d'Artagnan. -- Rien, absolument rien, à cette heure, que quitter Paris, comme je vous l'ai dit, le plus tôt possible. Je verrai la reine, je lui raconterai les détails de la disparition de cette pauvre femme, qu'elle ignore sans doute; ces détails la guideront de son côté, et, à votre retour, peut-être aurai-je quelque bonne nouvelle à vous dire. Reposez vous en sur moi.» D'Artagnan savait que, quoique Gascon, M. de Tréville n'avait pas l'habitude de promettre, et que lorsque par hasard il promettait, il tenait plus qu'il n'avait promis. Il le salua donc, plein de reconnaissance pour le passé et pour l'avenir, et le digne capitaine, qui de son côté éprouvait un vif intérêt pour ce jeune homme si brave et si résolu, lui serra affectueusement la main en lui souhaitant un bon voyage. Décidé à mettre les conseils de M. de Tréville en pratique à l'instant même, d'Artagnan s'achemina vers la rue des Fossoyeurs, afin de veiller à la confection de son portemanteau. En s'approchant de sa maison, il reconnut M. Bonacieux en costume du matin, debout sur le seuil de sa porte. Tout ce que lui avait dit, la veille, le prudent Planchet sur le caractère sinistre de son hôte revint alors à l'esprit de d'Artagnan, qui le regarda plus attentivement qu'il n'avait fait encore. En effet, outre cette pâleur jaunâtre et maladive qui indique l'infiltration de la bile dans le sang et qui pouvait d'ailleurs n'être qu'accidentelle, d'Artagnan remarqua quelque chose de sournoisement perfide dans l'habitude des rides de sa face. Un fripon ne rit pas de la même façon qu'un honnête homme, un hypocrite ne pleure pas les mêmes larmes qu'un homme de bonne foi. Toute fausseté est un masque, et si bien fait que soit le masque, on arrive toujours, avec un peu d'attention, à le distinguer du visage. Il sembla donc à d'Artagnan que M. Bonacieux portait un masque, et même que ce masque était des plus désagréables à voir. En conséquence il allait, vaincu par sa répugnance pour cet homme, passer devant lui sans lui parler, quand, ainsi que la veille, M. Bonacieux l'interpella. «Eh bien, jeune homme, lui dit-il, il paraît que nous faisons de grasses nuits? Sept heures du matin, peste! Il me semble que vous retournez tant soit peu les habitudes reçues, et que vous rentrez à l'heure où les autres sortent. -- On ne vous fera pas le même reproche, maître Bonacieux, dit le jeune homme, et vous êtes le modèle des gens rangés. Il est vrai que lorsque l'on possède une jeune et jolie femme, on n'a pas besoin de courir après le bonheur: c'est le bonheur qui vient vous trouver; n'est-ce pas, monsieur Bonacieux?» Bonacieux devint pâle comme la mort et grimaça un sourire. «Ah! ah! dit Bonacieux, vous êtes un plaisant compagnon. Mais où diable avez-vous été courir cette nuit, mon jeune maître? Il paraît qu'il ne faisait pas bon dans les chemins de traverse.» D'Artagnan baissa les yeux vers ses bottes toutes couvertes de boue; mais dans ce mouvement ses regards se portèrent en même temps sur les souliers et les bas du mercier; on eût dit qu'on les avait trempés dans le même bourbier; les uns et les autres étaient maculés de taches absolument pareilles. Alors une idée subite traversa l'esprit de d'Artagnan. Ce petit homme gros, court, grisonnant, cette espèce de laquais vêtu d'un habit sombre, traité sans considération par les gens d'épée qui composaient l'escorte, c'était Bonacieux lui-même. Le mari avait présidé à l'enlèvement de sa femme. Il prit à d'Artagnan une terrible envie de sauter à la gorge du mercier et de l'étrangler; mais, nous l'avons dit, c'était un garçon fort prudent, et il se contint. Cependant la révolution qui s'était faite sur son visage était si visible, que Bonacieux en fut effrayé et essaya de reculer d'un pas; mais justement il se trouvait devant le battant de la porte, qui était fermée, et l'obstacle qu'il rencontra le força de se tenir à la même place. «Ah çà! mais vous qui plaisantez, mon brave homme, dit d'Artagnan, il me semble que si mes bottes ont besoin d'un coup d'éponge, vos bas et vos souliers réclament aussi un coup de brosse. Est-ce que de votre côté vous auriez couru la prétantaine, maître Bonacieux? Ah! diable, ceci ne serait point pardonnable à un homme de votre âge et qui, de plus, a une jeune et jolie femme comme la vôtre. -- Oh! mon Dieu, non, dit Bonacieux; mais hier j'ai été à Saint- Mandé pour prendre des renseignements sur une servante dont je ne puis absolument me passer, et comme les chemins étaient mauvais, j'en ai rapporté toute cette fange, que je n'ai pas encore eu le temps de faire disparaître.» Le lieu que désignait Bonacieux comme celui qui avait été le but de sa course fut une nouvelle preuve à l'appui des soupçons qu'avait conçus d'Artagnan. Bonacieux avait dit Saint-Mandé, parce que Saint-Mandé est le point absolument opposé à Saint-Cloud. Cette probabilité lui fut une première consolation. Si Bonacieux savait où était sa femme, on pourrait toujours, en employant des moyens extrêmes, forcer le mercier à desserrer les dents et à laisser échapper son secret. Il s'agissait seulement de changer cette probabilité en certitude. «Pardon, mon cher monsieur Bonacieux, si j'en use avec vous sans façon, dit d'Artagnan; mais rien n'altère comme de ne pas dormir, j'ai donc une soif d'enragé; permettez-moi de prendre un verre d'eau chez vous; vous le savez, cela ne se refuse pas entre voisins.» Et sans attendre la permission de son hôte, d'Artagnan entra vivement dans la maison, et jeta un coup d'oeil rapide sur le lit. Le lit n'était pas défait. Bonacieux ne s'était pas couché. Il rentrait donc seulement il y avait une heure ou deux; il avait accompagné sa femme jusqu'à l'endroit où on l'avait conduite, ou tout au moins jusqu'au premier relais. «Merci, maître Bonacieux, dit d'Artagnan en vidant son verre, voilà tout ce que je voulais de vous. Maintenant je rentre chez moi, je vais faire brosser mes bottes par Planchet, et quand il aura fini, je vous l'enverrai si vous voulez pour brosser vos souliers.» Et il quitta le mercier tout ébahi de ce singulier adieu et se demandant s'il ne s'était pas enferré lui-même. Sur le haut de l'escalier il trouva Planchet tout effaré. «Ah! monsieur, s'écria Planchet dès qu'il eut aperçu son maître, en voilà bien d'une autre, et il me tardait bien que vous rentrassiez. -- Qu'y a-t-il donc? demanda d'Artagnan. -- Oh! je vous le donne en cent, monsieur, je vous le donne en mille de deviner la visite que j'ai reçue pour vous en votre absence. -- Quand cela? -- Il y a une demi-heure, tandis que vous étiez chez M. de Tréville. -- Et qui donc est venu? Voyons, parle. -- M. de Cavois. -- M. de Cavois? -- En personne. -- Le capitaine des gardes de Son Éminence? -- Lui-même. -- Il venait m'arrêter? -- Je m'en suis douté, monsieur, et cela malgré son air patelin. -- Il avait l'air patelin, dis-tu? -- C'est-à-dire qu'il était tout miel, monsieur. -- Vraiment? -- Il venait, disait-il, de la part de Son Éminence, qui vous voulait beaucoup de bien, vous prier de le suivre au Palais-Royal. -- Et tu lui as répondu? -- Que la chose était impossible, attendu que vous étiez hors de la maison, comme il le pouvait voir. -- Alors qu'a-t-il dit? -- Que vous ne manquiez pas de passer chez lui dans la journée; puis il a ajouté tout bas: «Dis à ton maître que Son Éminence est parfaitement disposée pour lui, et que sa fortune dépend peut-être de cette entrevue.» -- Le piège est assez maladroit pour le cardinal, reprit en souriant le jeune homme. -- Aussi, je l'ai vu, le piège, et j'ai répondu que vous seriez désespéré à votre retour. -- Où est-il allé? a demandé M. de Cavois. À Troyes en Champagne, ai-je répondu. Et quand est-il parti? -- Hier soir.» -- Planchet, mon ami, interrompit d'Artagnan, tu es véritablement un homme précieux. -- Vous comprenez, monsieur, j'ai pensé qu'il serait toujours temps, si vous désirez voir M. de Cavois, de me démentir en disant que vous n'étiez point parti; ce serait moi, dans ce cas, qui aurais fait le mensonge, et comme je ne suis pas gentilhomme, moi, je puis mentir. -- Rassure-toi, Planchet, tu conserveras ta réputation d'homme véridique: dans un quart d'heure nous partons. -- C'est le conseil que j'allais donner à monsieur; et où allons- nous, sans être trop curieux? -- Pardieu! du côté opposé à celui vers lequel tu as dit que j'étais allé. D'ailleurs, n'as-tu pas autant de hâte d'avoir des nouvelles de Grimaud, de Mousqueton et de Bazin que j'en ai, moi, de savoir ce que sont devenus Athos, Porthos et Aramis? -- Si fait, monsieur, dit Planchet, et je partirai quand vous voudrez; l'air de la province vaut mieux pour nous, à ce que je crois, en ce moment, que l'air de Paris. Ainsi donc... -- Ainsi donc, fais notre paquet, Planchet, et partons; moi, je m'en vais devant, les mains dans mes poches, pour qu'on ne se doute de rien. Tu me rejoindras à l'hôtel des Gardes. À propos, Planchet, je crois que tu as raison à l'endroit de notre hôte, et que c'est décidément une affreuse canaille. -- Ah! croyez-moi, monsieur, quand je vous dis quelque chose; je suis physionomiste, moi, allez!» D'Artagnan descendit le premier, comme la chose avait été convenue; puis, pour n'avoir rien à se reprocher, il se dirigea une dernière fois vers la demeure de ses trois amis: on n'avait reçu aucune nouvelle d'eux, seulement une lettre toute parfumée et d'une écriture élégante et menue était arrivée pour Aramis. D'Artagnan s'en chargea. Dix minutes après, Planchet le rejoignait dans les écuries de l'hôtel des Gardes. D'Artagnan, pour qu'il n'y eût pas de temps perdu, avait déjà sellé son cheval lui-même. «C'est bien, dit-il à Planchet, lorsque celui-ci eut joint le portemanteau à l'équipement; maintenant selle les trois autres, et partons. -- Croyez-vous que nous irons plus vite avec chacun deux chevaux? demanda Planchet avec son air narquois. -- Non, monsieur le mauvais plaisant, répondit d'Artagnan, mais avec nos quatre chevaux nous pourrons ramener nos trois amis, si toutefois nous les retrouvons vivants. -- Ce qui serait une grande chance, répondit Planchet, mais enfin il ne faut pas désespérer de la miséricorde de Dieu. -- Amen», dit d'Artagnan en enfourchant son cheval. Et tous deux sortirent de l'hôtel des Gardes, s'éloignèrent chacun par un bout de la rue, l'un devant quitter Paris par la barrière de la Villette et l'autre par la barrière de Montmartre, pour se rejoindre au-delà de Saint-Denis, manoeuvre stratégique qui, ayant été exécutée avec une égale ponctualité, fut couronnée des plus heureux résultats. D'Artagnan et Planchet entrèrent ensemble à Pierrefitte. Planchet était plus courageux, il faut le dire, le jour que la nuit. Cependant sa prudence naturelle ne l'abandonnait pas un seul instant; il n'avait oublié aucun des incidents du premier voyage, et il tenait pour ennemis tous ceux qu'il rencontrait sur la route. Il en résultait qu'il avait sans cesse le chapeau à la main, ce qui lui valait de sévères mercuriales de la part de d'Artagnan, qui craignait que, grâce à cet excès de politesse, on ne le prît pour le valet d'un homme de peu. Cependant, soit qu'effectivement les passants fussent touchés de l'urbanité de Planchet, soit que cette fois personne ne fût aposté sur la route du jeune homme, nos deux voyageurs arrivèrent à Chantilly sans accident aucun et descendirent à l'hôtel du Grand Saint Martin, le même dans lequel ils s'étaient arrêtés lors de leur premier voyage. L'hôte, en voyant un jeune homme suivi d'un laquais et de deux chevaux de main, s'avança respectueusement sur le seuil de la porte. Or, comme il avait déjà fait onze lieues, d'Artagnan jugea à propos de s'arrêter, que Porthos fût ou ne fût pas dans l'hôtel. Puis peut-être n'était-il pas prudent de s'informer du premier coup de ce qu'était devenu le mousquetaire. Il résulta de ces réflexions que d'Artagnan, sans demander aucune nouvelle de qui que ce fût, descendit, recommanda les chevaux à son laquais, entra dans une petite chambre destinée à recevoir ceux qui désiraient être seuls, et demanda à son hôte une bouteille de son meilleur vin et un déjeuner aussi bon que possible, demande qui corrobora encore la bonne opinion que l'aubergiste avait prise de son voyageur à la première vue. Aussi d'Artagnan fut-il servi avec une célérité miraculeuse. Le régiment des gardes se recrutait parmi les premiers gentilshommes du royaume, et d'Artagnan, suivi d'un laquais et voyageant avec quatre chevaux magnifiques, ne pouvait, malgré la simplicité de son uniforme, manquer de faire sensation. L'hôte voulut le servir lui-même; ce que voyant, d'Artagnan fit apporter deux verres et entama la conversation suivante: «Ma foi, mon cher hôte, dit d'Artagnan en remplissant les deux verres, je vous ai demandé de votre meilleur vin et si vous m'avez trompé, vous allez être puni par où vous avez péché, attendu que, comme je déteste boire seul, vous allez boire avec moi. Prenez donc ce verre, et buvons. À quoi boirons-nous, voyons, pour ne blesser aucune susceptibilité? Buvons à la prospérité de votre établissement! -- Votre Seigneurie me fait honneur, dit l'hôte, et je la remercie bien sincèrement de son bon souhait. -- Mais ne vous y trompez pas, dit d'Artagnan, il y a plus d'égoïsme peut-être que vous ne le pensez dans mon toast: il n'y a que les établissements qui prospèrent dans lesquels on soit bien reçu; dans les hôtels qui périclitent, tout va à la débandade, et le voyageur est victime des embarras de son hôte; or, moi qui voyage beaucoup et surtout sur cette route, je voudrais voir tous les aubergistes faire fortune. -- En effet, dit l'hôte, il me semble que ce n'est pas la première fois que j'ai l'honneur de voir monsieur. -- Bah? je suis passé dix fois peut-être à Chantilly, et sur les dix fois je me suis arrêté au moins trois ou quatre fois chez vous. Tenez, j'y étais encore il y a dix ou douze jours à peu près; je faisais la conduite à des amis, à des mousquetaires, à telle enseigne que l'un d'eux s'est pris de dispute avec un étranger, un inconnu, un homme qui lui a cherché je ne sais quelle querelle. -- Ah! oui vraiment! dit l'hôte, et je me le rappelle parfaitement. N'est-ce pas de M. Porthos que Votre Seigneurie veut me parler? -- C'est justement le nom de mon compagnon de voyage. «Mon Dieu! mon cher hôte, dites-moi, lui serait-il arrivé malheur? -- Mais Votre Seigneurie a dû remarquer qu'il n'a pas pu continuer sa route. -- En effet, il nous avait promis de nous rejoindre, et nous ne l'avons pas revu. -- Il nous a fait l'honneur de rester ici. -- Comment! il vous a fait l'honneur de rester ici? -- Oui, monsieur, dans cet hôtel; nous sommes même bien inquiets. -- Et de quoi? -- De certaines dépenses qu'il a faites. -- Eh bien, mais les dépenses qu'il a faites, il les paiera. -- Ah! monsieur, vous me mettez véritablement du baume dans le sang! Nous avons fait de fort grandes avances, et ce matin encore le chirurgien nous déclarait que si M. Porthos ne le payait pas, c'était à moi qu'il s'en prendrait, attendu que c'était moi qui l'avais envoyé chercher. -- Mais Porthos est donc blessé? -- Je ne saurais vous le dire, monsieur. -- Comment, vous ne sauriez me le dire? vous devriez cependant être mieux informé que personne. -- Oui, mais dans notre état nous ne disons pas tout ce que nous savons, monsieur, surtout quand on nous a prévenus que nos oreilles répondraient pour notre langue. -- Eh bien, puis-je voir Porthos? -- Certainement, monsieur. Prenez l'escalier, montez au premier et frappez au n° 1. Seulement, prévenez que c'est vous. -- Comment! que je prévienne que c'est moi? -- Oui, car il pourrait vous arriver malheur. -- Et quel malheur voulez-vous qu'il m'arrive? -- M. Porthos peut vous prendre pour quelqu'un de la maison et, dans un mouvement de colère, vous passer son épée à travers le corps ou vous brûler la cervelle. -- Que lui avez-vous donc fait? -- Nous lui avons demandé de l'argent. -- Ah! diable, je comprends cela; c'est une demande que Porthos reçoit très mal quand il n'est pas en fonds; mais je sais qu'il devait y être. -- C'est ce que nous avions pensé aussi, monsieur; comme la maison est fort régulière et que nous faisons nos comptes toutes les semaines, au bout de huit jours nous lui avons présenté notre note; mais il paraît que nous sommes tombés dans un mauvais moment, car, au premier mot que nous avons prononcé sur la chose, il nous a envoyés à tous les diables; il est vrai qu'il avait joué la veille. -- Comment, il avait joué la veille! et avec qui? -- Oh! mon Dieu, qui sait cela? avec un seigneur qui passait et auquel il avait fait proposer une partie de lansquenet. -- C'est cela, le malheureux aura tout perdu. -- Jusqu'à son cheval, monsieur, car lorsque l'étranger a été pour partir, nous nous sommes aperçus que son laquais sellait le cheval de M. Porthos. Alors nous lui en avons fait l'observation, mais il nous a répondu que nous nous mêlions de ce qui ne nous regardait pas et que ce cheval était à lui. Nous avons aussitôt fait prévenir M. Porthos de ce qui se passait, mais il nous à fait dire que nous étions des faquins de douter de la parole d'un gentilhomme, et que, puisque celui-là avait dit que le cheval était à lui, il fallait bien que cela fût. -- Je le reconnais bien là, murmura d'Artagnan. -- Alors, continua l'hôte, je lui fis répondre que du moment où nous paraissions destinés à ne pas nous entendre à l'endroit du paiement, j'espérais qu'il aurait au moins la bonté d'accorder la faveur de sa pratique à mon confrère le maître de l'Aigle d'Or; mais M. Porthos me répondit que mon hôtel étant le meilleur, il désirait y rester. «Cette réponse était trop flatteuse pour que j'insistasse sur son départ. Je me bornai donc à le prier de me rendre sa chambre, qui est la plus belle de l'hôtel, et de se contenter d'un joli petit cabinet au troisième. Mais à ceci M. Porthos répondit que, comme il attendait d'un moment à l'autre sa maîtresse, qui était une des plus grandes dames de la cour, je devais comprendre que la chambre qu'il me faisait l'honneur d'habiter chez moi était encore bien médiocre pour une pareille personne. «Cependant, tout en reconnaissant la vérité de ce qu'il disait, je crus devoir insister; mais, sans même se donner la peine d'entrer en discussion avec moi, il prit son pistolet, le mit sur sa table de nuit et déclara qu'au premier mot qu'on lui dirait d'un déménagement quelconque à l'extérieur ou à l'intérieur, il brûlerait la cervelle à celui qui serait assez imprudent pour se mêler d'une chose qui ne regardait que lui. Aussi, depuis ce temps-là, monsieur, personne n'entre plus dans sa chambre, si ce n'est son domestique. -- Mousqueton est donc ici? -- Oui, monsieur; cinq jours après son départ, il est revenu de fort mauvaise humeur de son côté; il paraît que lui aussi a eu du désagrément dans son voyage. Malheureusement, il est plus ingambe que son maître, ce qui fait que pour son maître il met tout sens dessus dessous, attendu que, comme il pense qu'on pourrait lui refuser ce qu'il demande, il prend tout ce dont il a besoin sans demander. -- Le fait est, répondit d'Artagnan, que j'ai toujours remarqué dans Mousqueton un dévouement et une intelligence très supérieurs. -- Cela est possible, monsieur; mais supposez qu'il m'arrive seulement quatre fois par an de me trouver en contact avec une intelligence et un dévouement semblables, et je suis un homme ruiné. -- Non, car Porthos vous paiera. -- Hum! fit l'hôtelier d'un ton de doute. -- C'est le favori d'une très grande dame qui ne le laissera pas dans l'embarras pour une misère comme celle qu'il vous doit. -- Si j'ose dire ce que je crois là-dessus... -- Ce que vous croyez? -- Je dirai plus: ce que je sais. -- Ce que vous savez? -- Et même ce dont je suis sûr. -- Et de quoi êtes-vous sûr, voyons? -- Je dirai que je connais cette grande dame. -- Vous? -- Oui, moi. -- Et comment la connaissez-vous? -- Oh! monsieur, si je croyais pouvoir me fier à votre discrétion... -- Parlez, et foi de gentilhomme, vous n'aurez pas à vous repentir de votre confiance. -- Eh bien, monsieur, vous concevez, l'inquiétude fait faire bien des choses. -- Qu'avez-vous fait? -- Oh! d'ailleurs, rien qui ne soit dans le droit d'un créancier. -- Enfin? -- M. Porthos nous a remis un billet pour cette duchesse, en nous recommandant de le jeter à la poste. Son domestique n'était pas encore arrivé. Comme il ne pouvait pas quitter sa chambre, il fallait bien qu'il nous chargeât de ses commissions. -- Ensuite? -- Au lieu de mettre la lettre à la poste, ce qui n'est jamais bien sûr, j'ai profité de l'occasion de l'un de mes garçons qui allait à Paris, et je lui ai ordonné de la remettre à cette duchesse elle-même. C'était remplir les intentions de M. Porthos, qui nous avait si fort recommandé cette lettre, n'est-ce pas? -- À peu près. -- Eh bien, monsieur, savez-vous ce que c'est que cette grande dame? -- Non; j'en ai entendu parler à Porthos, voilà tout. -- Savez-vous ce que c'est que cette prétendue duchesse? -- Je vous le répète, je ne la connais pas. -- C'est une vieille procureuse au Châtelet, monsieur, nommée Mme Coquenard, laquelle a au moins cinquante ans, et se donne encore des airs d'être jalouse. Cela me paraissait aussi fort singulier, une princesse qui demeure rue aux Ours. -- Comment savez-vous cela? -- Parce qu'elle s'est mise dans une grande colère en recevant la lettre, disant que M. Porthos était un volage, et que c'était encore pour quelque femme qu'il avait reçu ce coup d'épée. -- Mais il a donc reçu un coup d'épée? -- Ah! mon Dieu! qu'ai-je dit là? -- Vous avez dit que Porthos avait reçu un coup d'épée. -- Oui; mais il m'avait si fort défendu de le dire! -- Pourquoi cela? -- Dame! monsieur, parce qu'il s'était vanté de perforer cet étranger avec lequel vous l'avez laisse en dispute, et que c'est cet étranger, au contraire, qui, malgré toutes ses rodomontades, l'a couché sur le carreau. Or, comme M. Porthos est un homme fort glorieux, excepté envers la duchesse, qu'il avait cru intéresser en lui faisant le récit de son aventure, il ne veut avouer à personne que c'est un coup d'épée qu'il a reçu. -- Ainsi c'est donc un coup d'épée qui le retient dans son lit? -- Et un maître coup d'épée, je vous l'assure. Il faut que votre ami ait l'âme chevillée dans le corps. -- Vous étiez donc là? -- Monsieur, je les avais suivis par curiosité, de sorte que j'ai vu le combat sans que les combattants me vissent. -- Et comment cela s'est-il passé? -- Oh! la chose n'a pas été longue, je vous en réponds. Ils se sont mis en garde; l'étranger a fait une feinte et s'est fendu; tout cela si rapidement, que lorsque M. Porthos est arrivé à la parade, il avait déjà trois pouces de fer dans la poitrine. Il est tombé en arrière. L'étranger lui a mis aussitôt la pointe de son épée à la gorge; et M. Porthos, se voyant à la merci de son adversaire, s'est avoué vaincu. Sur quoi, l'étranger lui a demandé son nom et apprenant qu'il s'appelait M. Porthos, et non M. d'Artagnan, lui a offert son bras, l'a ramené à l'hôtel, est monté à cheval et a disparu. -- Ainsi c'est à M. d'Artagnan qu'en voulait cet étranger? -- Il paraît que oui. -- Et savez-vous ce qu'il est devenu? -- Non; je ne l'avais jamais vu jusqu'à ce moment et nous ne l'avons pas revu depuis. -- Très bien; je sais ce que je voulais savoir. Maintenant, vous dites que la chambre de Porthos est au premier, n° 1? -- Oui, monsieur, la plus belle de l'auberge; une chambre que j'aurais déjà eu dix fois l'occasion de louer. -- Bah! tranquillisez vous, dit d'Artagnan en riant; Porthos vous paiera avec l'argent de la duchesse Coquenard. -- Oh! monsieur, procureuse ou duchesse, si elle lâchait les cordons de sa bourse, ce ne serait rien; mais elle a positivement répondu qu'elle était lasse des exigences et des infidélités de M. Porthos, et qu'elle ne lui enverrait pas un denier. -- Et avez-vous rendu cette réponse à votre hôte? -- Nous nous en sommes bien gardés: il aurait vu de quelle manière nous avions fait la commission. -- Si bien qu'il attend toujours son argent? -- Oh! mon Dieu, oui! Hier encore, il a écrit; mais, cette fois, c'est son domestique qui a mis la lettre à la poste. -- Et vous dites que la procureuse est vieille et laide. -- Cinquante ans au moins, monsieur, et pas belle du tout, à ce qu'a dit Pathaud. -- En ce cas, soyez tranquille, elle se laissera attendrir; d'ailleurs Porthos ne peut pas vous devoir grand-chose. -- Comment, pas grand-chose! Une vingtaine de pistoles déjà, sans compter le médecin. Oh! il ne se refuse rien, allez! on voit qu'il est habitué à bien vivre. -- Eh bien, si sa maîtresse l'abandonne, il trouvera des amis, je vous le certifie. Ainsi, mon cher hôte, n'ayez aucune inquiétude, et continuez d'avoir pour lui tous les soins qu'exige son état. -- Monsieur m'a promis de ne pas parler de la procureuse et de ne pas dire un mot de la blessure. -- C'est chose convenue; vous avez ma parole. -- Oh! c'est qu'il me tuerait, voyez-vous! -- N'ayez pas peur; il n'est pas si diable qu'il en a l'air. En disant ces mots, d'Artagnan monta l'escalier, laissant son hôte un peu plus rassuré à l'endroit de deux choses auxquelles il paraissait beaucoup tenir: sa créance et sa vie. Au haut de l'escalier, sur la porte la plus apparente du corridor était tracé, à l'encre noire, un n° 1 gigantesque; d'Artagnan frappa un coup, et, sur l'invitation de passer outre qui lui vint de l'intérieur, il entra. Porthos était couché, et faisait une partie de lansquenet avec Mousqueton, pour s'entretenir la main, tandis qu'une broche chargée de perdrix tournait devant le feu, et qu'à chaque coin d'une grande cheminée bouillaient sur deux réchauds deux casseroles, d'où s'exhalait une double odeur de gibelotte et de matelote qui réjouissait l'odorat. En outre, le haut d'un secrétaire et le marbre d'une commode étaient couverts de bouteilles vides. À la vue de son ami, Porthos jeta un grand cri de joie; et Mousqueton, se levant respectueusement, lui céda la place et s'en alla donner un coup d'oeil aux deux casseroles, dont il paraissait avoir l'inspection particulière. «Ah! pardieu! c'est vous, dit Porthos à d'Artagnan, soyez le bienvenu, et excusez-moi si je ne vais pas au-devant de vous. Mais, ajouta-t-il en regardant d'Artagnan avec une certaine inquiétude, vous savez ce qui m'est arrivé? -- Non. -- L'hôte ne vous a rien dit? -- J'ai demandé après vous, et je suis monté tout droit.» -- Porthos parut respirer plus librement. «Et que vous est-il donc arrivé, mon cher Porthos? continua d'Artagnan. -- Il m'est arrivé qu'en me fendant sur mon adversaire, à qui j'avais déjà allongé trois coups d'épée, et avec lequel je voulais en finir d'un quatrième, mon pied a porté sur une pierre, et je me suis foulé le genou. -- Vraiment? -- D'honneur! Heureusement pour le maraud, car je ne l'aurais laissé que mort sur la place, je vous en réponds. -- Et qu'est-il devenu? -- Oh! je n'en sais rien; il en a eu assez, et il est parti sans demander son reste; mais vous, mon cher d'Artagnan, que vous est- il arrivé? -- De sorte, continua d'Artagnan, que cette foulure, mon cher Porthos, vous retient au lit? -- Ah! mon Dieu, oui, voilà tout; du reste, dans quelques jours je serai sur pied. -- Pourquoi alors ne vous êtes-vous pas fait transporter à Paris? Vous devez vous ennuyer cruellement ici. -- C'était mon intention; mais, mon cher ami, il faut que je vous avoue une chose. -- Laquelle? -- C'est que, comme je m'ennuyais cruellement, ainsi que vous le dites, et que j'avais dans ma poche les soixante-quinze pistoles que vous m'aviez distribuées j'ai, pour me distraire, fait monter près de moi un gentilhomme qui était de passage, et auquel j'ai proposé de faire une partie de dés. Il a accepté, et, ma foi, mes soixante-quinze pistoles sont passées de ma poche dans la sienne, sans compter mon cheval, qu'il a encore emporté par dessus le marché. Mais vous, mon cher d'Artagnan? -- Que voulez-vous, mon cher Porthos, on ne peut pas être privilégié de toutes façons, dit d'Artagnan; vous savez le proverbe: "Malheureux au jeu, heureux en amour." Vous êtes trop heureux en amour pour que le jeu ne se venge pas; mais que vous importent, à vous, les revers de la fortune! n'avez-vous pas, heureux coquin que vous êtes, n'avez-vous pas votre duchesse, qui ne peut manquer de vous venir en aide? -- Eh bien, voyez, mon cher d'Artagnan, comme je joue de guignon, répondit Porthos de l'air le plus dégagé du monde! je lui ai écrit de m'envoyer quelque cinquante louis dont j'avais absolument besoin, vu la position où je me trouvais... -- Eh bien? -- Eh bien, il faut qu'elle soit dans ses terres, car elle ne m'a pas répondu. -- Vraiment? -- Non. Aussi je lui ai adressé hier une seconde épître plus pressante encore que la première; mais vous voilà, mon très cher, parlons de vous. Je commençais, je vous l'avoue, à être dans une certaine inquiétude sur votre compte. -- Mais votre hôte se conduit bien envers vous, à ce qu'il paraît, mon cher Porthos, dit d'Artagnan, montrant au malade les casseroles pleines et les bouteilles vides. -- Couci-couci! répondit Porthos. Il y a déjà trois ou quatre jours que l'impertinent m'a monté son compte, et que je les ai mis à la porte, son compte et lui; de sorte que je suis ici comme une façon de vainqueur, comme une manière de conquérant. Aussi, vous le voyez, craignant toujours d'être forcé dans la position, je suis armé jusqu'aux dents. -- Cependant, dit en riant d'Artagnan, il me semble que de temps en temps vous faites des sorties.» Et il montrait du doigt les bouteilles et les casseroles. «Non, pas moi, malheureusement! dit Porthos. Cette misérable foulure me retient au lit, mais Mousqueton bat la campagne, et il rapporte des vivres. Mousqueton, mon ami, continua Porthos, vous voyez qu'il nous arrive du renfort, il nous faudra un supplément de victuailles. -- Mousqueton, dit d'Artagnan, il faudra que vous me rendiez un service. -- Lequel, monsieur? -- C'est de donner votre recette à Planchet; je pourrais me trouver assiégé à mon tour, et je ne serais pas fâché qu'il me fît jouir des mêmes avantages dont vous gratifiez votre maître. -- Eh! mon Dieu! monsieur, dit Mousqueton d'un air modeste, rien de plus facile. Il s'agit d'être adroit, voilà tout. J'ai été élevé à la campagne, et mon père, dans ses moments perdus, était quelque peu braconnier. -- Et le reste du temps, que faisait-il? -- Monsieur, il pratiquait une industrie que j'ai toujours trouvée assez heureuse. -- Laquelle? -- Comme c'était au temps des guerres des catholiques et des huguenots, et qu'il voyait les catholiques exterminer les huguenots, et les huguenots exterminer les catholiques, le tout au nom de la religion, il s'était fait une croyance mixte, ce qui lui permettait d'être tantôt catholique, tantôt huguenot. Or il se promenait habituellement, son escopette sur l'épaule, derrière les haies qui bordent les chemins, et quand il voyait venir un catholique seul, la religion protestante l'emportait aussitôt dans son esprit. Il abaissait son escopette dans la direction du voyageur; puis, lorsqu'il était à dix pas de lui, il entamait un dialogue qui finissait presque toujours par l'abandon que le voyageur faisait de sa bourse pour sauver sa vie. Il va sans dire que lorsqu'il voyait venir un huguenot, il se sentait pris d'un zèle catholique si ardent, qu'il ne comprenait pas comment, un quart d'heure auparavant, il avait pu avoir des doutes sur la supériorité de notre sainte religion. Car, moi, monsieur, je suis catholique, mon père, fidèle à ses principes, ayant fait mon frère aîné huguenot. -- Et comment a fini ce digne homme? demanda d'Artagnan. -- Oh! de la façon la plus malheureuse, monsieur. Un jour, il s'était trouvé pris dans un chemin creux entre un huguenot et un catholique à qui il avait déjà eu affaire, et qui le reconnurent tous deux; de sorte qu'ils se réunirent contre lui et le pendirent à un arbre; puis ils vinrent se vanter de la belle équipée qu'ils avaient faite dans le cabaret du premier village, où nous étions à boire, mon frère et moi. -- Et que fîtes-vous? dit d'Artagnan. -- Nous les laissâmes dire, reprit Mousqueton. Puis comme, en sortant de ce cabaret, ils prenaient chacun une route opposée, mon frère alla s'embusquer sur le chemin du catholique, et moi sur celui du protestant. Deux heures après, tout était fini, nous leur avions fait à chacun son affaire, tout en admirant la prévoyance de notre pauvre père qui avait pris la précaution de nous élever chacun dans une religion différente. -- En effet, comme vous le dites, Mousqueton, votre père me paraît avoir été un gaillard fort intelligent. Et vous dites donc que, dans ses moments perdus, le brave homme était braconnier? -- Oui, monsieur, et c'est lui qui m'a appris à nouer un collet et à placer une ligne de fond. Il en résulte que lorsque j'ai vu que notre gredin d'hôte nous nourrissait d'un tas de grosses viandes bonnes pour des manants, et qui n'allaient point à deux estomacs aussi débilités que les nôtres, je me suis remis quelque peu à mon ancien métier. Tout en me promenant dans le bois de M. le Prince, j'ai tendu des collets dans les passées; tout en me couchant au bord des pièces d'eau de Son Altesse, j'ai glissé des lignes dans les étangs. De sorte que maintenant, grâce à Dieu, nous ne manquons pas, comme monsieur peut s'en assurer, de perdrix et de lapins, de carpes et d'anguilles, tous aliments légers et sains, convenables pour des malades. -- Mais le vin, dit d'Artagnan, qui fournit le vin? c'est votre hôte? -- C'est-à-dire, oui et non. -- Comment, oui et non? -- Il le fournit, il est vrai, mais il ignore qu'il a cet honneur. -- Expliquez-vous, Mousqueton, votre conversation est pleine de choses instructives. -- Voici, monsieur. Le hasard a fait que j'ai rencontré dans mes pérégrinations un Espagnol qui avait vu beaucoup de pays, et entre autres le Nouveau Monde. -- Quel rapport le Nouveau Monde peut-il avoir avec les bouteilles qui sont sur ce secrétaire et sur cette commode? -- Patience, monsieur, chaque chose viendra à son tour. -- C'est juste, Mousqueton; je m'en rapporte à vous, et j'écoute. -- Cet Espagnol avait à son service un laquais qui l'avait accompagné dans son voyage au Mexique. Ce laquais était mon compatriote, de sorte que nous nous liâmes d'autant plus rapidement qu'il y avait entre nous de grands rapports de caractère. Nous aimions tous deux la chasse par-dessus tout, de sorte qu'il me racontait comment, dans les plaines de pampas, les naturels du pays chassent le tigre et les taureaux avec de simples noeuds coulants qu'ils jettent au cou de ces terribles animaux. D'abord, je ne voulais pas croire qu'on pût en arriver à ce degré d'adresse, de jeter à vingt ou trente pas l'extrémité d'une corde où l'on veut; mais devant la preuve il fallait bien reconnaître la vérité du récit. Mon ami plaçait une bouteille à trente pas, et à chaque coup il lui prenait le goulot dans un noeud coulant. Je me livrai à cet exercice, et comme la nature m'a doué de quelques facultés, aujourd'hui je jette le lasso aussi bien qu'aucun homme du monde. Eh bien, comprenez-vous? Notre hôte a une cave très bien garnie, mais dont la clef ne le quitte pas; seulement, cette cave a un soupirail. Or, par ce soupirail, je jette le lasso; et comme je sais maintenant où est le bon coin, j'y puise. Voici, monsieur, comment le Nouveau Monde se trouve être en rapport avec les bouteilles qui sont sur cette commode et sur ce secrétaire. Maintenant, voulez-vous goûter notre vin, et, sans prévention, vous nous direz ce que vous en pensez. -- Merci, mon ami, merci; malheureusement, je viens de déjeuner. -- Eh bien, dit Porthos, mets la table, Mousqueton, et tandis que nous déjeunerons, nous, d'Artagnan nous racontera ce qu'il est devenu lui-même, depuis dix jours qu'il nous a quittés. -- Volontiers», dit d'Artagnan. Tandis que Porthos et Mousqueton déjeunaient avec des appétits de convalescents et cette cordialité de frères qui rapproche les hommes dans le malheur, d'Artagnan raconta comment Aramis blessé avait été forcé de s'arrêter à Crèvecoeur, comment il avait laissé Athos se débattre à Amiens entre les mains de quatre hommes qui l'accusaient d'être un faux-monnayeur, et comment, lui, d'Artagnan, avait été forcé de passer sur le ventre du comte de Wardes pour arriver jusqu'en Angleterre. Mais là s'arrêta la confidence de d'Artagnan; il annonça seulement qu'à son retour de la Grande-Bretagne il avait ramené quatre chevaux magnifiques, dont un pour lui et un autre pour chacun de ses compagnons, puis il termina en annonçant à Porthos que celui qui lui était destiné était déjà installé dans l'écurie de l'hôtel. En ce moment Planchet entra; il prévenait son maître que les chevaux étaient suffisamment reposés, et qu'il serait possible d'aller coucher à Clermont. Comme d'Artagnan était à peu près rassuré sur Porthos, et qu'il lui tardait d'avoir des nouvelles de ses deux autres amis, il tendit la main au malade, et le prévint qu'il allait se mettre en route pour continuer ses recherches. Au reste, comme il comptait revenir par la même route, si, dans sept à huit jours, Porthos était encore à l'hôtel du Grand Saint Martin, il le reprendrait en passant. Porthos répondit que, selon toute probabilité, sa foulure ne lui permettrait pas de s'éloigner d'ici là. D'ailleurs il fallait qu'il restât à Chantilly pour attendre une réponse de sa duchesse. D'Artagnan lui souhaita cette réponse prompte et bonne; et après avoir recommandé de nouveau Porthos à Mousqueton, et payé sa dépense à l'hôte, il se remit en route avec Planchet, déjà débarrassé d'un de ses chevaux de main. CHAPITRE XXVI LA THÈSE D'ARAMIS D'Artagnan n'avait rien dit à Porthos de sa blessure ni de sa procureuse. C'était un garçon fort sage que notre Béarnais, si jeune qu'il fût. En conséquence, il avait fait semblant de croire tout ce que lui avait raconté le glorieux mousquetaire, convaincu qu'il n'y a pas d'amitié qui tienne à un secret surpris, surtout quand ce secret intéresse l'orgueil; puis on a toujours une certaine supériorité morale sur ceux dont on sait la vie. Or d'Artagnan, dans ses projets d'intrigue à venir, et décidé qu'il était à faire de ses trois compagnons les instruments de sa fortune, d'Artagnan n'était pas fâché de réunir d'avance dans sa main les fils invisibles à l'aide desquels il comptait les mener. Cependant, tout le long de la route, une profonde tristesse lui serrait le coeur: il pensait à cette jeune et jolie Mme Bonacieux qui devait lui donner le prix de son dévouement; mais, hâtons-nous de le dire, cette tristesse venait moins chez le jeune homme du regret de son bonheur perdu que de la crainte qu'il éprouvait qu'il n'arrivât malheur à cette pauvre femme. Pour lui, il n'y avait pas de doute, elle était victime d'une vengeance du cardinal et comme on le sait, les vengeances de Son Éminence étaient terribles. Comment avait-il trouvé grâce devant les yeux du ministre, c'est ce qu'il ignorait lui-même et sans doute ce que lui eût révélé M. de Cavois, si le capitaine des gardes l'eût trouvé chez lui. Rien ne fait marcher le temps et n'abrège la route comme une pensée qui absorbe en elle-même toutes les facultés de l'organisation de celui qui pense. L'existence extérieure ressemble alors à un sommeil dont cette pensée est le rêve. Par son influence, le temps n'a plus de mesure, l'espace n'a plus de distance. On part d'un lieu, et l'on arrive à un autre, voilà tout. De l'intervalle parcouru, rien ne reste présent à votre souvenir qu'un brouillard vague dans lequel s'effacent mille images confuses d'arbres, de montagnes et de paysages. Ce fut en proie à cette hallucination que d'Artagnan franchit, à l'allure que voulut prendre son cheval, les six ou huit lieues qui séparent Chantilly de Crèvecoeur, sans qu'en arrivant dans ce village il se souvînt d'aucune des choses qu'il avait rencontrées sur sa route. Là seulement la mémoire lui revint, il secoua la tête aperçut le cabaret où il avait laissé Aramis, et, mettant son cheval au trot, il s'arrêta à la porte. Cette fois ce ne fut pas un hôte, mais une hôtesse qui le reçut; d'Artagnan était physionomiste, il enveloppa d'un coup d'oeil la grosse figure réjouie de la maîtresse du lieu, et comprit qu'il n'avait pas besoin de dissimuler avec elle et qu'il n'avait rien à craindre de la part d'une si joyeuse physionomie. «Ma bonne dame, lui demanda d'Artagnan, pourriez-vous me dire ce qu'est devenu un de mes amis, que nous avons été forcés de laisser ici il y a une douzaine de jours? -- Un beau jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, doux, aimable, bien fait? -- De plus, blessé à l'épaule. -- C'est cela! -- Justement. -- Eh bien, monsieur, il est toujours ici. -- Ah! pardieu, ma chère dame, dit d'Artagnan en mettant pied à terre et en jetant la bride de son cheval au bras de Planchet, vous me rendez la vie; où est-il, ce cher Aramis, que je l'embrasse? car, je l'avoue, j'ai hâte de le revoir. -- Pardon, monsieur, mais je doute qu'il puisse vous recevoir en ce moment. -- Pourquoi cela? est-ce qu'il est avec une femme? -- Jésus! que dites-vous là! le pauvre garçon! Non, monsieur, il n'est pas avec une femme. -- Et avec qui est-il donc? -- Avec le curé de Montdidier et le supérieur des jésuites d'Amiens. -- Mon Dieu! s'écria d'Artagnan, le pauvre garçon irait-il plus mal? -- Non, monsieur, au contraire; mais, à la suite de sa maladie, la grâce l'a touché et il s'est décidé à entrer dans les ordres. -- C'est juste, dit d'Artagnan, j'avais oublié qu'il n'était mousquetaire que par intérim. -- Monsieur insiste-t-il toujours pour le voir? -- Plus que jamais. -- Eh bien, monsieur n'a qu'à prendre l'escalier à droite dans la cour, au second, n° 5.» D'Artagnan s'élança dans la direction indiquée et trouva un de ces escaliers extérieurs comme nous en voyons encore aujourd'hui dans les cours des anciennes auberges. Mais on n'arrivait pas ainsi chez le futur abbé; les défilés de la chambre d'Aramis étaient gardés ni plus ni moins que les jardins d'Aramis; Bazin stationnait dans le corridor et lui barra le passage avec d'autant plus d'intrépidité qu'après bien des années d'épreuve, Bazin se voyait enfin près d'arriver au résultat qu'il avait éternellement ambitionné. En effet, le rêve du pauvre Bazin avait toujours été de servir un homme d'Église, et il attendait avec impatience le moment sans cesse entrevu dans l'avenir où Aramis jetterait enfin la casaque aux orties pour prendre la soutane. La promesse renouvelée chaque jour par le jeune homme que le moment ne pouvait tarder l'avait seule retenu au service d'un mousquetaire, service dans lequel, disait-il, il ne pouvait manquer de perdre son âme. Bazin était donc au comble de la joie. Selon toute probabilité, cette fois son maître ne se dédirait pas. La réunion de la douleur physique à la douleur morale avait produit l'effet si longtemps désiré: Aramis, souffrant à la fois du corps et de l'âme, avait enfin arrêté sur la religion ses yeux et sa pensée, et il avait regardé comme un avertissement du Ciel le double accident qui lui était arrivé, c'est-à-dire la disparition subite de sa maîtresse et sa blessure à l'épaule. On comprend que rien ne pouvait, dans la disposition où il se trouvait, être plus désagréable à Bazin que l'arrivée de d'Artagnan, laquelle pouvait rejeter son maître dans le tourbillon des idées mondaines qui l'avaient si longtemps entraîné. Il résolut donc de défendre bravement la porte; et comme, trahi par la maîtresse de l'auberge, il ne pouvait dire qu'Aramis était absent, il essaya de prouver au nouvel arrivant que ce serait le comble de l'indiscrétion que de déranger son maître dans la pieuse conférence qu'il avait entamée depuis le matin, et qui, au dire de Bazin, ne pouvait être terminée avant le soir. Mais d'Artagnan ne tint aucun compte de l'éloquent discours de maître Bazin, et comme il ne se souciait pas d'entamer une polémique avec le valet de son ami, il l'écarta tout simplement d'une main, et de l'autre il tourna le bouton de la porte n° 5. La porte s'ouvrit, et d'Artagnan pénétra dans la chambre. Aramis, en surtout noir, le chef accommodé d'une espèce de coiffure ronde et plate qui ne ressemblait pas mal à une calotte, était assis devant une table oblongue couverte de rouleaux de papier et d'énormes in-folio; à sa droite était assis le supérieur des jésuites, et à sa gauche le curé de Montdidier. Les rideaux étaient à demi clos et ne laissaient pénétrer qu'un jour mystérieux, ménagé pour une béate rêverie. Tous les objets mondains qui peuvent frapper l'oeil quand on entre dans la chambre d'un jeune homme, et surtout lorsque ce jeune homme est mousquetaire, avaient disparu comme par enchantement; et, de peur sans doute que leur vue ne ramenât son maître aux idées de ce monde, Bazin avait fait main basse sur l'épée, les pistolets, le chapeau à plume, les broderies et les dentelles de tout genre et de toute espèce. Mais, en leur lieu et place, d'Artagnan crut apercevoir dans un coin obscur comme une forme de discipline suspendue par un clou à la muraille. Au bruit que fit d'Artagnan en ouvrant la porte, Aramis leva la tête et reconnut son ami. Mais, au grand étonnement du jeune homme, sa vue ne parut pas produire une grande impression sur le mousquetaire, tant son esprit était détaché des choses de la terre. «Bonjour, cher d'Artagnan, dit Aramis; croyez que je suis heureux de vous voir. -- Et moi aussi, dit d'Artagnan, quoique je ne sois pas encore bien sûr que ce soit à Aramis que je parle. -- À lui-même, mon ami, à lui-même; mais qui a pu vous faire douter? -- J'avais peur de me tromper de chambre, et j'ai cru d'abord entrer dans l'appartement de quelque homme Église; puis une autre erreur m'a pris en vous trouvant en compagnie de ces messieurs: c'est que vous ne fussiez gravement malade.» Les deux hommes noirs lancèrent sur d'Artagnan, dont ils comprirent l'intention, un regard presque menaçant; mais d'Artagnan ne s'en inquiéta pas. «Je vous trouble peut-être, mon cher Aramis, continua d'Artagnan; car, d'après ce que je vois, je suis porté à croire que vous vous confessez à ces messieurs.» Aramis rougit imperceptiblement. «Vous, me troubler? oh! bien au contraire, cher ami, je vous le jure; et comme preuve de ce que je dis, permettez-moi de me réjouir en vous voyant sain et sauf. -- Ah! il y vient enfin! pensa d'Artagnan, ce n'est pas malheureux. -- Car, monsieur, qui est mon ami, vient d'échapper à un rude danger, continua Aramis avec onction, en montrant de la main d'Artagnan aux deux ecclésiastiques. -- Louez Dieu, monsieur, répondirent ceux-ci en s'inclinant à l'unisson. -- Je n'y ai pas manqué, mes révérends, répondit le jeune homme en leur rendant leur salut à son tour. -- Vous arrivez à propos, cher d'Artagnan, dit Aramis, et vous allez, en prenant part à la discussion, l'éclairer de vos lumières. M. le principal d'Amiens, M. le curé de Montdidier et moi, nous argumentons sur certaines questions théologiques dont l'intérêt nous captive depuis longtemps; je serais charmé d'avoir votre avis. -- L'avis d'un homme d'épée est bien dénué de poids, répondit d'Artagnan, qui commençait à s'inquiéter de la tournure que prenaient les choses, et vous pouvez vous en tenir, croyez-moi, à la science de ces messieurs.» Les deux hommes noirs saluèrent à leur tour. «Au contraire, reprit Aramis, et votre avis nous sera précieux; voici de quoi il s'agit: M. le principal croit que ma thèse doit être surtout dogmatique et didactique. -- Votre thèse! vous faites donc une thèse? -- Sans doute, répondit le jésuite; pour l'examen qui précède l'ordination, une thèse est de rigueur. -- L'ordination! s'écria d'Artagnan, qui ne pouvait croire à ce que lui avaient dit successivement l'hôtesse et Bazin,... l'ordination!» Et il promenait ses yeux stupéfaits sur les trois personnages qu'il avait devant lui. «Or», continua Aramis en prenant sur son fauteuil la même pose gracieuse que s'il eût été dans une ruelle et en examinant avec complaisance sa main blanche et potelée comme une main de femme, qu'il tenait en l'air pour en faire descendre le sang: «or, comme vous l'avez entendu, d'Artagnan, M. le principal voudrait que ma thèse fût dogmatique, tandis que je voudrais, moi, qu'elle fût idéale. C'est donc pourquoi M. le principal me proposait ce sujet qui n'a point encore été traité, dans lequel je reconnais qu'il y a matière à de magnifiques développements. _«Utraque manus in benedicendo clericis inferioribus necessaria est.»_ D'Artagnan, dont nous connaissons l'érudition, ne sourcilla pas plus à cette citation qu'à celle que lui avait faite M. de Tréville à propos des présents qu'il prétendait que d'Artagnan avait reçus de M. de Buckingham. «Ce qui veut dire, reprit Aramis pour lui donner toute facilité: les deux mains sont indispensables aux prêtres des ordres inférieurs, quand ils donnent la bénédiction. -- Admirable sujet! s'écria le jésuite. -- Admirable et dogmatique!» répéta le curé qui, de la force de d'Artagnan à peu près sur le latin, surveillait soigneusement le jésuite pour emboîter le pas avec lui et répéter ses paroles comme un écho. Quant à d'Artagnan, il demeura parfaitement indifférent à l'enthousiasme des deux hommes noirs. «Oui, admirable! _prorsus admirabile_! continua Aramis, mais qui exige une étude approfondie des Pères et des Écritures. Or j'ai avoué à ces savants ecclésiastiques, et cela en toute humilité, que les veilles des corps de garde et le service du roi m'avaient fait un peu négliger l'étude. Je me trouverai donc plus à mon aise, _facilius natans_, dans un sujet de mon choix, qui serait à ces rudes questions théologiques ce que la morale est à la métaphysique en philosophie.» D'Artagnan s'ennuyait profondément, le curé aussi. «Voyez quel exorde! s'écria le jésuite. -- _Exordium_, répéta le curé pour dire quelque chose. -- _Quemadmodum minter coelorum immensitatem._» Aramis jeta un coup d'oeil de côté sur d'Artagnan, et il vit que son ami bâillait à se démonter la mâchoire. «Parlons français, mon père, dit-il au jésuite, M. d'Artagnan goûtera plus vivement nos paroles. -- Oui, je suis fatigué de la route, dit d'Artagnan, et tout ce latin m'échappe. -- D'accord, dit le jésuite un peu dépité, tandis que le curé, transporté d'aise, tournait sur d'Artagnan un regard plein de reconnaissance; eh bien, voyez le parti qu'on tirerait de cette glose. -- Moïse, serviteur de Dieu... il n'est que serviteur, entendez- vous bien! Moïse bénit avec les mains; il se fait tenir les deux bras, tandis que les Hébreux battent leurs ennemis; donc il bénit avec les deux mains. D'ailleurs, que dit l'Évangile: _imponite manus_, et non pas _manum_. Imposez les mains, et non pas la main. -- Imposez les mains, répéta le curé en faisant un geste. -- À saint Pierre, au contraire, de qui les papes sont successeurs, continua le jésuite: _Ponite digitos_. Présentez les doigts; y êtes-vous maintenant? -- Certes, répondit Aramis en se délectant, mais la chose est subtile. -- Les doigts! reprit le jésuite; saint Pierre bénit avec les doigts. Le pape bénit donc aussi avec les doigts. Et avec combien de doigts bénit-il? Avec trois doigts, un pour le Père, un pour le Fils, et un pour le Saint-Esprit.» Tout le monde se signa; d'Artagnan crut devoir imiter cet exemple. «Le pape est successeur de saint Pierre et représente les trois pouvoirs divins; le reste, _ordines inferiores_ de la hiérarchie ecclésiastique, bénit par le nom des saints archanges et des anges. Les plus humbles clercs, tels que nos diacres et sacristains, bénissent avec les goupillons, qui simulent un nombre indéfini de doigts bénissants. Voilà le sujet simplifié, _argumentum omni denudatum ornamento_. Je ferais avec cela, continua le jésuite, deux volumes de la taille de celui-ci.» Et, dans son enthousiasme, il frappait sur le saint Chrysostome in-folio qui faisait plier la table sous son poids. D'Artagnan frémit. «Certes, dit Aramis, je rends justice aux beautés de cette thèse, mais en même temps je la reconnais écrasante pour moi. J'avais choisi ce texte; dites-moi, cher d'Artagnan, s'il n'est point de votre goût: _Non inutile est desiderium in oblatione_, ou mieux encore: un peu de regret ne messied pas dans une offrande au Seigneur. -- Halte-là! s'écria le jésuite, car cette thèse frise l'hérésie; il y a une proposition presque semblable dans l'Augustinus de l'hérésiarque Jansénius, dont tôt ou tard le livre sera brûlé par les mains du bourreau. Prenez garde! mon jeune ami; vous penchez vers les fausses doctrines, mon jeune ami; vous vous perdrez! -- Vous vous perdrez, dit le curé en secouant douloureusement la tête. -- Vous touchez à ce fameux point du libre arbitre, qui est un écueil mortel. Vous abordez de front les insinuations des pélagiens et des demi-pélagiens. -- Mais, mon révérend..., reprit Aramis quelque peu abasourdi de la grêle d'arguments qui lui tombait sur la tête. -- Comment prouverez-vous, continua le jésuite sans lui donner le temps de parler, que l'on doit regretter le monde lorsqu'on s'offre à Dieu? écoutez ce dilemme: Dieu est Dieu, et le monde est le diable. Regretter le monde, c'est regretter le diable: voilà ma conclusion. -- C'est la mienne aussi, dit le curé. -- Mais de grâce!... dit Aramis. -- _Desideras diabolum_, infortuné! s'écria le jésuite. -- Il regrette le diable! Ah! mon jeune ami, reprit le curé en gémissant, ne regrettez pas le diable, c'est moi qui vous en supplie.» D'Artagnan tournait à l'idiotisme; il lui semblait être dans une maison de fous, et qu'il allait devenir fou comme ceux qu'il voyait. Seulement il était forcé de se taire, ne comprenant point la langue qui se parlait devant lui. «Mais écoutez-moi donc, reprit Aramis avec une politesse sous laquelle commençait à percer un peu d'impatience, je ne dis pas que je regrette; non, je ne prononcerai jamais cette phrase qui ne serait pas orthodoxe...» Le jésuite leva les bras au ciel, et le curé en fit autant. «Non, mais convenez au moins qu'on a mauvaise grâce de n'offrir au Seigneur que ce dont on est parfaitement dégoûté. Ai-je raison, d'Artagnan? -- Je le crois pardieu bien!» s'écria celui-ci. Le curé et le jésuite firent un bond sur leur chaise. «Voici mon point de départ, c'est un syllogisme: le monde ne manque pas d'attraits, je quitte le monde, donc je fais un sacrifice; or l'Écriture dit positivement: Faites un sacrifice au Seigneur. -- Cela est vrai, dirent les antagonistes. -- Et puis, continua Aramis en se pinçant l'oreille pour la rendre rouge, comme il se secouait les mains pour les rendre blanches, et puis j'ai fait certain rondeau là-dessus que je communiquai à M. Voiture l'an passé, et duquel ce grand homme m'a fait mille compliments. -- Un rondeau! fit dédaigneusement le jésuite. -- Un rondeau! dit machinalement le curé. -- Dites, dites, s'écria d'Artagnan, cela nous changera quelque peu. -- Non, car il est religieux, répondit Aramis, et c'est de la théologie en vers. -- Diable! fit d'Artagnan. -- Le voici, dit Aramis d'un petit air modeste qui n'était pas exempt d'une certaine teinte d'hypocrisie: _Vous qui pleurez un passé plein de charmes,_ _Et qui traînez des jours infortunés,_ _Tous vos malheurs se verront terminés,_ _Quand à Dieu seul vous offrirez vos larmes,_ _Vous qui pleurez._ D'Artagnan et le curé parurent flattés. Le jésuite persista dans son opinion. «Gardez-vous du goût profane dans le style théologique. Que dit en effet saint Augustin? _Severus sit clericorum sermo_. -- Oui, que le sermon soit clair! dit le curé. -- Or, se hâta d'interrompre le jésuite en voyant que son acolyte se fourvoyait, or votre thèse plaira aux dames, voilà tout; elle aura le succès d'une plaidoirie de maître Patru. -- Plaise à Dieu! s'écria Aramis transporté. -- Vous le voyez, s'écria le jésuite, le monde parle encore en vous à haute voix, _altissima voce_. Vous suivez le monde, mon jeune ami, et je tremble que la grâce ne soit point efficace. -- Rassurez-vous, mon révérend, je réponds de moi. -- Présomption mondaine! -- Je me connais, mon père, ma résolution est irrévocable. -- Alors vous vous obstinez à poursuivre cette thèse? -- Je me sens appelé à traiter celle-là, et non pas une autre; je vais donc la continuer, et demain j'espère que vous serez satisfait des corrections que j'y aurai faites d'après vos avis. -- Travaillez lentement, dit le curé, nous vous laissons dans des dispositions excellentes. -- Oui, le terrain est tout ensemencé, dit le jésuite, et nous n'avons pas à craindre qu'une partie du grain soit tombée sur la pierre, l'autre le long du chemin, et que les oiseaux du ciel aient mangé le reste, _aves coeli coznederunt illam_. -- Que la peste t'étouffe avec ton latin! dit d'Artagnan, qui se sentait au bout de ses forces. -- Adieu, mon fils, dit le curé, à demain. -- À demain, jeune téméraire, dit le jésuite; vous promettez d'être une des lumières de l'Église; veuille le Ciel que cette lumière ne soit pas un feu dévorant.» D'Artagnan, qui pendant une heure s'était rongé les ongles d'impatience, commençait à attaquer la chair. Les deux hommes noirs se levèrent, saluèrent Aramis et d'Artagnan, et s'avancèrent vers la porte. Bazin, qui s'était tenu debout et qui avait écouté toute cette controverse avec une pieuse jubilation, s'élança vers eux, prit le bréviaire du curé, le missel du jésuite, et marcha respectueusement devant eux pour leur frayer le chemin. Aramis les conduisit jusqu'au bas de l'escalier et remonta aussitôt près de d'Artagnan qui rêvait encore. Restés seuls, les deux amis gardèrent d'abord un silence embarrassé; cependant il fallait que l'un des deux le rompît le premier, et comme d'Artagnan paraissait décidé à laisser cet honneur à son ami: «Vous le voyez, dit Aramis, vous me trouvez revenu à mes idées fondamentales. -- Oui, la grâce efficace vous a touché, comme disait ce monsieur tout à l'heure. -- Oh! ces plans de retraite sont formés depuis longtemps; et vous m'en avez déjà ouï parler, n'est-ce pas, mon ami? -- Sans doute, mais je vous avoue que j'ai cru que vous plaisantiez. -- Avec ces sortes de choses! Oh! d'Artagnan! -- Dame! on plaisante bien avec la mort. -- Et l'on a tort, d'Artagnan: car la mort, c'est la porte qui conduit à la perdition ou au salut. -- D'accord; mais, s'il vous plaît, ne théologisons pas, Aramis; vous devez en avoir assez pour le reste de la journée: quant à moi, j'ai à peu près oublié le peu de latin que je n'ai jamais su; puis, je vous l'avouerai, je n'ai rien mangé depuis ce matin dix heures, et j'ai une faim de tous les diables. -- Nous dînerons tout à l'heure, cher ami; seulement, vous vous rappellerez que c'est aujourd'hui vendredi; or, dans un pareil jour, je ne puis ni voir, ni manger de la chair. Si vous voulez vous contenter de mon dîner, il se compose de tétragones cuits et de fruits. -- Qu'entendez-vous par tétragones? demanda d'Artagnan avec inquiétude. -- J'entends des épinards, reprit Aramis, mais pour vous j'ajouterai des oeufs, et c'est une grave infraction à la règle, car les oeufs sont viande, puisqu'ils engendrent le poulet. -- Ce festin n'est pas succulent, mais n'importe; pour rester avec vous, je le subirai. -- Je vous suis reconnaissant du sacrifice, dit Aramis; mais s'il ne profite pas à votre corps, il profitera, soyez-en certain, à votre âme. -- Ainsi, décidément, Aramis, vous entrez en religion. Que vont dire nos amis, que va dire M. de Tréville? Ils vous traiteront de déserteur, je vous en préviens. -- Je n'entre pas en religion, j'y rentre. C'est Église que j'avais désertée pour le monde, car vous savez que je me suis fait violence pour prendre la casaque de mousquetaire. -- Moi, je n'en sais rien. -- Vous ignorez comment j'ai quitté le séminaire? -- Tout à fait. -- Voici mon histoire; d'ailleurs les Écritures disent: «Confessez-vous les uns aux autres», et je me confesse à vous, d'Artagnan. -- Et moi, je vous donne l'absolution d'avance, vous voyez que je suis bon homme. -- Ne plaisantez pas avec les choses saintes, mon ami. -- Alors, dites, je vous écoute. -- J'étais donc au séminaire depuis l'âge de neuf ans, j'en avais vingt dans trois jours, j'allais être abbé, et tout était dit. Un soir que je me rendais, selon mon habitude, dans une maison que je fréquentais avec plaisir -- on est jeune, que voulez-vous! on est faible, -- un officier qui me voyait d'un oeil jaloux lire les vies des saints à la maîtresse de la maison, entra tout à coup et sans être annoncé. Justement, ce soir-là, j'avais traduit un épisode de Judith, et je venais de communiquer mes vers à la dame qui me faisait toutes sortes de compliments, et, penchée sur mon épaule, les relisait avec moi. La pose, qui était quelque peu abandonnée, je l'avoue, blessa cet officier; il ne dit rien, mais lorsque je sortis, il sortit derrière moi, et me rejoignant: «-- Monsieur l'abbé, dit-il, aimez-vous les coups de canne? «-- Je ne puis le dire, monsieur, répondis-je, personne n'ayant jamais osé m'en donner. «-- Eh bien, écoutez-moi, monsieur l'abbé, si vous retournez dans la maison où je vous ai rencontré ce soir, j'oserai, moi.» «Je crois que j'eus peur, je devins fort pâle, je sentis les jambes qui me manquaient, je cherchai une réponse que je ne trouvai pas, je me tus. «L'officier attendait cette réponse, et voyant qu'elle tardait, il se mit à rire, me tourna le dos et rentra dans la maison. Je rentrai au séminaire. «Je suis bon gentilhomme et j'ai le sang vif, comme vous avez pu le remarquer, mon cher d'Artagnan; l'insulte était terrible, et, tout inconnue qu'elle était restée au monde, je la sentais vivre et remuer au fond de mon coeur. Je déclarai à mes supérieurs que je ne me sentais pas suffisamment préparé pour l'ordination, et, sur ma demande, on remit la cérémonie à un an. «J'allai trouver le meilleur maître d'armes de Paris, je fis condition avec lui pour prendre une leçon d'escrime chaque jour, et chaque jour, pendant une année, je pris cette leçon. Puis, le jour anniversaire de celui où j'avais été insulté, j'accrochai ma soutane à un clou, je pris un costume complet de cavalier, et je me rendis à un bal que donnait une dame de mes amies, et où je savais que devait se trouver mon homme. C'était rue des Francs- Bourgeois, tout près de la Force. «En effet, mon officier y était; je m'approchai de lui, comme il chantait un lai d'amour en regardant tendrement une femme, et je l'interrompis au beau milieu du second couplet. «-- Monsieur, lui dis-je, vous déplaît-il toujours que je retourne dans certaine maison de la rue Payenne, et me donnerez-vous encore des coups de canne, s'il me prend fantaisie de vous désobéir?» «L'officier me regarda avec étonnement, puis il dit: «-- Que me voulez-vous, monsieur? Je ne vous connais pas. «-- Je suis, répondis-je, le petit abbé qui lit les vies des saints et qui traduit Judith en vers. «-- Ah! ah! je me rappelle, dit l'officier en goguenardant; que me voulez-vous? «-- Je voudrais que vous eussiez le loisir de venir faire un tour de promenade avec moi. «-- Demain matin, si vous le voulez bien, et ce sera avec le plus grand plaisir. «-- Non, pas demain matin, s'il vous plaît, tout de suite. «-- Si vous l'exigez absolument... «-- Mais oui, je l'exige. «-- Alors, sortons. Mesdames, dit l'officier, ne vous dérangez pas. Le temps de tuer monsieur seulement, et je reviens vous achever le dernier couplet.» «Nous sortîmes. «Je le menai rue Payenne, juste à l'endroit où un an auparavant, heure pour heure, il m'avait fait le compliment que je vous ai rapporté. Il faisait un clair de lune superbe. Nous mîmes l'épée à la main, et à la première passe, je le tuai roide. -- Diable! fit d'Artagnan. -- Or, continua Aramis, comme les dames ne virent pas revenir leur chanteur, et qu'on le trouva rue Payenne avec un grand coup d'épée au travers du corps, on pensa que c'était moi qui l'avait accommodé ainsi, et la chose fit scandale. Je fus donc pour quelque temps forcé de renoncer à la soutane. Athos, dont je fis la connaissance à cette époque, et Porthos, qui m'avait, en dehors de mes leçons d'escrime, appris quelques bottes gaillardes, me décidèrent à demander une casaque de mousquetaire. Le roi avait fort aimé mon père, tué au siège d'Arras, et l'on m'accorda cette casaque. Vous comprenez donc qu'aujourd'hui le moment est venu pour moi de rentrer dans le sein de l'église -- Et pourquoi aujourd'hui plutôt qu'hier et que demain? Que vous est-il donc arrivé aujourd'hui, qui vous donne de si méchantes idées? -- Cette blessure, mon cher d'Artagnan, m'a été un avertissement du Ciel. -- Cette blessure? bah! elle est à peu près guérie, et je suis sûr qu'aujourd'hui ce n'est pas celle-là qui vous fait le plus souffrir. -- Et laquelle? demanda Aramis en rougissant. -- Vous en avez une au coeur, Aramis, une plus vive et plus sanglante, une blessure faite par une femme.» L'oeil d'Aramis étincela malgré lui. «Ah! dit-il en dissimulant son émotion sous une feinte négligence, ne parlez pas de ces choses-là; moi, penser à ces choses-là! avoir des chagrins d'amour? _Vanitas vanitatum_! Me serais-je donc, à votre avis, retourné la cervelle, et pour qui? pour quelque grisette, pour quelque fille de chambre, à qui j'aurais fait la cour dans une garnison, fi! -- Pardon, mon cher Aramis, mais je croyais que vous portiez vos visées plus haut. -- Plus haut? et que suis-je pour avoir tant d'ambition? un pauvre mousquetaire fort gueux et fort obscur, qui hait les servitudes et se trouve grandement déplacé dans le monde! -- Aramis, Aramis! s'écria d'Artagnan en regardant son ami avec un air de doute. -- Poussière, je rentre dans la poussière. La vie est pleine d'humiliations et de douleurs, continua-t-il en s'assombrissant; tous les fils qui la rattachent au bonheur se rompent tour à tour dans la main de l'homme, surtout les fils d'or. O mon cher d'Artagnan! reprit Aramis en donnant à sa voix une légère teinte d'amertume, croyez-moi, cachez bien vos plaies quand vous en aurez. Le silence est la dernière joie des malheureux; gardez-vous de mettre qui que ce soit sur la trace de vos douleurs, les curieux pompent nos larmes comme les mouches font du sang d'un daim blessé. -- Hélas, mon cher Aramis, dit d'Artagnan en poussant à son tour un profond soupir, c'est mon histoire à moi-même que vous faites là. -- Comment? -- Oui, une femme que j'aimais, que j'adorais, vient de m'être enlevée de force. Je ne sais pas où elle est, où on l'a conduite; elle est peut-être prisonnière, elle est peut-être morte. -- Mais vous avez au moins la consolation de vous dire qu'elle ne vous a pas quitté volontairement; que si vous n'avez point de ses nouvelles, c'est que toute communication avec vous lui est interdite, tandis que... -- Tandis que... -- Rien, reprit Aramis, rien. -- Ainsi, vous renoncez à jamais au monde, c'est un parti pris, une résolution arrêtée? -- À tout jamais. Vous êtes mon ami aujourd'hui, demain vous ne serez plus pour moi qu'une ombre; où plutôt même, vous n'existerez plus. Quant au monde, c'est un sépulcre et pas autre chose. -- Diable! c'est fort triste ce que vous me dites là. -- Que voulez-vous! ma vocation m'attire, elle m'enlève. D'Artagnan sourit et ne répondit point. Aramis continua: «Et cependant, tandis que je tiens encore à la terre j'eusse voulu vous parler de vous, de nos amis. -- Et moi, dit d'Artagnan, j'eusse voulu vous parler de vous-même, mais je vous vois si détaché de tout; les amours, vous en faites fi; les amis sont des ombres, le monde est un sépulcre. -- Hélas! vous le verrez par vous-même, dit Aramis avec un soupir. -- N'en parlons donc plus, dit d'Artagnan, et brûlons cette lettre qui, sans doute, vous annonçait quelque nouvelle infidélité de votre grisette ou de votre fille de chambre. -- Quelle lettre? s'écria vivement Aramis. -- Une lettre qui était venue chez vous en votre absence et qu'on m'a remise pour vous. -- Mais de qui cette lettre? -- Ah! de quelque suivante éplorée, de quelque grisette au désespoir; la fille de chambre de Mme de Chevreuse peut-être, qui aura été obligée de retourner à Tours avec sa maîtresse, et qui, pour se faire pimpante, aura pris du papier parfumé et aura cacheté sa lettre avec une couronne de duchesse. -- Que dites-vous là? -- Tiens, je l'aurai perdue! dit sournoisement le jeune homme en faisant semblant de chercher. Heureusement que le monde est un sépulcre, que les hommes et par conséquent les femmes sont des ombres, que l'amour est un sentiment dont vous faites fi! -- Ah! d'Artagnan, d'Artagnan! s'écria Aramis, tu me fais mourir! -- Enfin, la voici!» dit d'Artagnan. Et il tira la lettre de sa poche. Aramis fit un bond, saisit la lettre, la lut ou plutôt la dévora, son visage rayonnait. «Il paraît que la suivante à un beau style, dit nonchalamment le messager. -- Merci, d'Artagnan! s'écria Aramis presque en délire. Elle a été forcée de retourner à Tours; elle ne m'est pas infidèle, elle m'aime toujours. Viens, mon ami, viens que je t'embrasse, le bonheur m'étouffe!» Et les deux amis se mirent à danser autour du vénérable saint Chrysostome, piétinant bravement les feuillets de la thèse qui avaient roulé sur le parquet. En ce moment, Bazin entrait avec les épinards et l'omelette. «Fuis, malheureux! s'écria Aramis en lui jetant sa calotte au visage; retourne d'où tu viens, remporte ces horribles légumes et cet affreux entremets! demande un lièvre piqué, un chapon gras, un gigot à l'ail et quatre bouteilles de vieux bourgogne.» Bazin, qui regardait son maître et qui ne comprenait rien à ce changement, laissa mélancoliquement glisser l'omelette dans les épinards, et les épinards sur le parquet. «Voilà le moment de consacrer votre existence au Roi des Rois, dit d'Artagnan, si vous tenez à lui faire une politesse: _Non inutile desiderium in oblatione_. -- Allez-vous-en au diable avec votre latin! Mon cher d'Artagnan, buvons, morbleu, buvons frais, buvons beaucoup, et racontez-moi un peu ce qu'on fait là-bas.» CHAPITRE XXVII LA FEMME D'ATHOS «Il reste maintenant à savoir des nouvelles d'Athos, dit d'Artagnan au fringant Aramis, quand il l'eut mis au courant de ce qui s'était passé dans la capitale depuis leur départ, et qu'un excellent dîner leur eut fait oublier à l'un sa thèse, à l'autre sa fatigue. -- Croyez-vous donc qu'il lui soit arrivé malheur? demanda Aramis. Athos est si froid, si brave et manie si habilement son épée. -- Oui, sans doute, et personne ne reconnaît mieux que moi le courage et l'adresse d'Athos, mais j'aime mieux sur mon épée le choc des lances que celui des bâtons, je crains qu'Athos n'ait été étrillé par de la valetaille, les valets sont gens qui frappent fort et ne finissent pas tôt. Voilà pourquoi, je vous l'avoue, je voudrais repartir le plus tôt possible. -- Je tâcherai de vous accompagner, dit Aramis, quoique je ne me sente guère en état de monter à cheval. Hier, j'essayai de la discipline que vous voyez sur ce mur et la douleur m'empêcha de continuer ce pieux exercice. -- C'est qu'aussi, mon cher ami, on n'a jamais vu essayer de guérir un coup d'escopette avec des coups de martinet; mais vous étiez malade, et la maladie rend la tête faible, ce qui fait que je vous excuse. -- Et quand partez-vous? -- Demain, au point du jour; reposez-vous de votre mieux cette nuit, et demain, si vous le pouvez, nous partirons ensemble. -- À demain donc, dit Aramis; car tout de fer que vous êtes, vous devez avoir besoin de repos.» Le lendemain, lorsque d'Artagnan entra chez Aramis, il le trouva à sa fenêtre. «Que regardez-vous donc là? demanda d'Artagnan. -- Ma foi! J'admire ces trois magnifiques chevaux que les garçons d'écurie tiennent en bride; c'est un plaisir de prince que de voyager sur de pareilles montures. -- Eh bien, mon cher Aramis, vous vous donnerez ce plaisir-là, car l'un de ces chevaux est à vous. -- Ah! bah, et lequel? -- Celui des trois que vous voudrez: je n'ai pas de préférence. -- Et le riche caparaçon qui le couvre est à moi aussi? -- Sans doute. -- Vous voulez rire, d'Artagnan. -- Je ne ris plus depuis que vous parlez français. -- C'est pour moi, ces fontes dorées, cette housse de velours, cette selle chevillée d'argent? -- À vous-même, comme le cheval qui piaffe est à moi, comme cet autre cheval qui caracole est à Athos. -- Peste! ce sont trois bêtes superbes. -- Je suis flatté qu'elles soient de votre goût. -- C'est donc le roi qui vous a fait ce cadeau-là? -- À coup sûr, ce n'est point le cardinal, mais ne vous inquiétez pas d'où ils viennent, et songez seulement qu'un des trois est votre propriété. -- Je prends celui que tient le valet roux. -- À merveille! -- Vive Dieu! s'écria Aramis, voilà qui me fait passer le reste de ma douleur; je monterais là-dessus avec trente balles dans le corps. Ah! sur mon âme, les beaux étriers! Holà! Bazin, venez çà, et à l'instant même.» Bazin apparut, morne et languissant, sur le seuil de la porte. «Fourbissez mon épée, redressez mon feutre, brossez mon manteau, et chargez mes pistolets! dit Aramis. -- Cette dernière recommandation est inutile, interrompit d'Artagnan: il y a des pistolets chargés dans vos fontes.» Bazin soupira. «Allons, maître Bazin, tranquillisez-vous, dit d'Artagnan; on gagne le royaume des cieux dans toutes les conditions. -- Monsieur était déjà si bon théologien! dit Bazin presque larmoyant; il fût devenu évêque et peut-être cardinal. -- Eh bien, mon pauvre Bazin, voyons, réfléchis un peu; à quoi sert d'être homme d'Église, je te prie? on n'évite pas pour cela d'aller faire la guerre; tu vois bien que le cardinal va faire la première campagne avec le pot en tête et la pertuisane au poing; et M. de Nogaret de La Valette, qu'en dis-tu? il est cardinal aussi, demande à son laquais combien de fois il lui a fait de la charpie. -- Hélas! soupira Bazin, je le sais, monsieur, tout est bouleversé dans le monde aujourd'hui.» Pendant ce temps, les deux jeunes gens et le pauvre laquais étaient descendus. «Tiens-moi l'étrier, Bazin», dit Aramis. Et Aramis s'élança en selle avec sa grâce et sa légèreté ordinaire; mais après quelques voltes et quelques courbettes du noble animal, son cavalier ressentit des douleurs tellement insupportables, qu'il pâlit et chancela. D'Artagnan qui, dans la prévision de cet accident, ne l'avait pas perdu des yeux, s'élança vers lui, le retint dans ses bras et le conduisit à sa chambre. «C'est bien, mon cher Aramis, soignez-vous, dit-il, j'irai seul à la recherche d'Athos. -- Vous êtes un homme d'airain, lui dit Aramis. -- Non, j'ai du bonheur, voilà tout, mais comment allez-vous vivre en m'attendant? plus de thèse, plus de glose sur les doigts et les bénédictions, hein?» Aramis sourit. «Je ferai des vers, dit-il. -- Oui, des vers parfumés à l'odeur du billet de la suivante de Mme de Chevreuse. Enseignez donc la prosodie à Bazin, cela le consolera. Quant au cheval, montez-le tous les jours un peu, et cela vous habituera aux manoeuvres. -- Oh! pour cela, soyez tranquille, dit Aramis, vous me retrouverez prêt à vous suivre.» Ils se dirent adieu et, dix minutes après, d'Artagnan, après avoir recommandé son ami à Bazin et à l'hôtesse, trottait dans la direction d'Amiens. Comment allait-il retrouver Athos, et même le retrouverait-il? La position dans laquelle il l'avait laissé était critique; il pouvait bien avoir succombé. Cette idée, en assombrissant son front, lui arracha quelques soupirs et lui fit formuler tout bas quelques serments de vengeance. De tous ses amis, Athos était le plus âgé, et partant le moins rapproché en apparence de ses goûts et de ses sympathies. Cependant il avait pour ce gentilhomme une préférence marquée. L'air noble et distingué d'Athos, ces éclairs de grandeur qui jaillissaient de temps en temps de l'ombre où il se tenait volontairement enfermé, cette inaltérable égalité d'humeur qui en faisait le plus facile compagnon de la terre, cette gaieté forcée et mordante, cette bravoure qu'on eût appelée aveugle si elle n'eût été le résultat du plus rare sang-froid, tant de qualités attiraient plus que l'estime, plus que l'amitié de d'Artagnan, elles attiraient son admiration. En effet, considéré même auprès de M. de Tréville, l'élégant et noble courtisan, Athos, dans ses jours de belle humeur, pouvait soutenir avantageusement la comparaison; il était de taille moyenne, mais cette taille était si admirablement prise et si bien proportionnée, que, plus d'une fois, dans ses luttes avec Porthos, il avait fait plier le géant dont la force physique était devenue proverbiale parmi les mousquetaires; sa tête, aux yeux perçants, au nez droit, au menton dessiné comme celui de Brutus, avait un caractère indéfinissable de grandeur et de grâce; ses mains, dont il ne prenait aucun soin, faisaient le désespoir d'Aramis, qui cultivait les siennes à grand renfort de pâte d'amandes et d'huile parfumée; le son de sa voix était pénétrant et mélodieux tout à la fois, et puis, ce qu'il y avait d'indéfinissable dans Athos, qui se faisait toujours obscur et petit, c'était cette science délicate du monde et des usages de la plus brillante société, cette habitude de bonne maison qui perçait comme à son insu dans ses moindres actions. S'agissait-il d'un repas, Athos l'ordonnait mieux qu'aucun homme du monde, plaçant chaque convive à la place et au rang que lui avaient faits ses ancêtres ou qu'il s'était faits lui-même. S'agissait-il de science héraldique, Athos connaissait toutes les familles nobles du royaume, leur généalogie, leurs alliances, leurs armes et l'origine de leurs armes. L'étiquette n'avait pas de minuties qui lui fussent étrangères, il savait quels étaient les droits des grands propriétaires, il connaissait à fond la vénerie et la fauconnerie, et un jour il avait, en causant de ce grand art, étonné le roi Louis XIII lui-même, qui cependant y était passé maître. Comme tous les grands seigneurs de cette époque, il montait à cheval et faisait des armes dans la perfection. Il y a plus: son éducation avait été si peu négligée, même sous le rapport des études scolastiques, si rares à cette époque chez les gentilshommes, qu'il souriait aux bribes de latin que détachait Aramis, et qu'avait l'air de comprendre Porthos; deux ou trois fois même, au grand étonnement de ses amis, il lui était arrivé, lorsque Aramis laissait échapper quelque erreur de rudiment, de remettre un verbe à son temps et un nom à son cas. En outre, sa probité était inattaquable, dans ce siècle où les hommes de guerre transigeaient si facilement avec leur religion et leur conscience, les amants avec la délicatesse rigoureuse de nos jours, et les pauvres avec le septième commandement de Dieu. C'était donc un homme fort extraordinaire qu'Athos. Et cependant, on voyait cette nature si distinguée, cette créature si belle, cette essence si fine, tourner insensiblement vers la vie matérielle, comme les vieillards tournent vers l'imbécillité physique et morale. Athos, dans ses heures de privation, et ces heures étaient fréquentes, s'éteignait dans toute sa partie lumineuse, et son côté brillant disparaissait comme dans une profonde nuit. Alors, le demi-dieu évanoui, il restait à peine un homme. La tête basse, l'oeil terne, la parole lourde et pénible, Athos regardait pendant de longues heures soit sa bouteille et son verre, soit Grimaud, qui, habitué à lui obéir par signes, lisait dans le regard atone de son maître jusqu'à son moindre désir, qu'il satisfaisait aussitôt. La réunion des quatre amis avait-elle lieu dans un de ces moments-là, un mot, échappé avec un violent effort, était tout le contingent qu'Athos fournissait à la conversation. En échange, Athos à lui seul buvait comme quatre, et cela sans qu'il y parût autrement que par un froncement de sourcil plus indiqué et par une tristesse plus profonde. D'Artagnan, dont nous connaissons l'esprit investigateur et pénétrant, n'avait, quelque intérêt qu'il eût à satisfaire sa curiosité sur ce sujet, pu encore assigner aucune cause à ce marasme, ni en noter les occurrences. Jamais Athos ne recevait de lettres, jamais Athos ne faisait aucune démarche qui ne fût connue de tous ses amis. On ne pouvait dire que ce fût le vin qui lui donnât cette tristesse, car au contraire il ne buvait que pour combattre cette tristesse, que ce remède, comme nous l'avons dit, rendait plus sombre encore. On ne pouvait attribuer cet excès d'humeur noire au jeu, car, au contraire de Porthos, qui accompagnait de ses chants ou de ses jurons toutes les variations de la chance, Athos, lorsqu'il avait gagné, demeurait aussi impassible que lorsqu'il avait perdu. On l'avait vu, au cercle des mousquetaires, gagner un soir trois mille pistoles, les perdre jusqu'au ceinturon brodé d'or des jours de gala; regagner tout cela, plus cent louis, sans que son beau sourcil noir eût haussé ou baissé d'une demi-ligne, sans que ses mains eussent perdu leur nuance nacrée, sans que sa conversation, qui était agréable ce soir-là, eût cessé d'être calme et agréable. Ce n'était pas non plus, comme chez nos voisins les Anglais, une influence atmosphérique qui assombrissait son visage, car cette tristesse devenait plus intense en général vers les beaux jours de l'année; juin et juillet étaient les mois terribles d'Athos. Pour le présent, il n'avait pas de chagrin, il haussait les épaules quand on lui parlait de l'avenir; son secret était donc dans le passé, comme on l'avait dit vaguement à d'Artagnan. Cette teinte mystérieuse répandue sur toute sa personne rendait encore plus intéressant l'homme dont jamais les yeux ni la bouche, dans l'ivresse la plus complète, n'avaient rien révélé, quelle que fût l'adresse des questions dirigées contre lui. «Eh bien, pensait d'Artagnan, le pauvre Athos est peut-être mort à cette heure, et mort par ma faute, car c'est moi qui l'ai entraîné dans cette affaire, dont il ignorait l'origine, dont il ignorera le résultat et dont il ne devait tirer aucun profit. -- Sans compter, monsieur, répondait Planchet, que nous lui devons probablement la vie. Vous rappelez-vous comme il a crié: "Au large, d'Artagnan! je suis pris." Et après avoir déchargé ses deux pistolets, quel bruit terrible il faisait avec son épée! On eût dit vingt hommes, ou plutôt vingt diables enragés!» Et ces mots redoublaient l'ardeur de d'Artagnan, qui excitait son cheval, lequel n'ayant pas besoin d'être excité emportait son cavalier au galop. Vers onze heures du matin, on aperçut Amiens; à onze heures et demie, on était à la porte de l'auberge maudite. D'Artagnan avait souvent médité contre l'hôte perfide une de ces bonnes vengeances qui consolent, rien qu'en espérance. Il entra donc dans l'hôtellerie, le feutre sur les yeux, la main gauche sur le pommeau de l'épée et faisant siffler sa cravache de la main droite. «Me reconnaissez-vous? dit-il à l'hôte, qui s'avançait pour le saluer. -- Je n'ai pas cet honneur, Monseigneur, répondit celui-ci les yeux encore éblouis du brillant équipage avec lequel d'Artagnan se présentait. -- Ah! vous ne me connaissez pas! -- Non, Monseigneur. -- Eh bien, deux mots vont vous rendre la mémoire. Qu'avez-vous fait de ce gentilhomme à qui vous eûtes l'audace, voici quinze jours passés à peu près, d'intenter une accusation de fausse monnaie?» L'hôte pâlit, car d'Artagnan avait pris l'attitude la plus menaçante, et Planchet se modelait sur son maître. «Ah! Monseigneur, ne m'en parlez pas, s'écria l'hôte de son ton de voix le plus larmoyant; ah! Seigneur, combien j'ai payé cette faute! Ah! malheureux que je suis! -- Ce gentilhomme, vous dis-je, qu'est-il devenu? -- Daignez m'écouter, Monseigneur, et soyez clément. Voyons, asseyez-vous, par grâce!» D'Artagnan, muet de colère et d'inquiétude, s'assit, menaçant comme un juge. Planchet s'adossa fièrement à son fauteuil. «Voici l'histoire, Monseigneur, reprit l'hôte tout tremblant, car je vous reconnais à cette heure; c'est vous qui êtes parti quand j'eus ce malheureux démêlé avec ce gentilhomme dont vous parlez. -- Oui, c'est moi; ainsi vous voyez bien que vous n'avez pas de grâce à attendre si vous ne dites pas toute la vérité. -- Aussi veuillez m'écouter, et vous la saurez tout entière. -- J'écoute. -- J'avais été prévenu par les autorités qu'un faux-monnayeur célèbre arriverait à mon auberge avec plusieurs de ses compagnons, tous déguisés sous le costume de gardes ou de mousquetaires. Vos chevaux, vos laquais, votre figure, Messeigneurs, tout m'avait été dépeint. -- Après, après? dit d'Artagnan, qui reconnut bien vite d'où venait le signalement si exactement donné. -- Je pris donc, d'après les ordres de l'autorité, qui m'envoya un renfort de six hommes, telles mesures que je crus urgentes afin de m'assurer de la personne des prétendus faux-monnayeurs. -- Encore! dit d'Artagnan, à qui ce mot de faux-monnayeur échauffait terriblement les oreilles. -- Pardonnez-moi, Monseigneur, de dire de telles choses, mais elles sont justement mon excuse. L'autorité m'avait fait peur, et vous savez qu'un aubergiste doit ménager l'autorité. -- Mais encore une fois, ce gentilhomme, où est-il? qu'est-il devenu? Est-il mort? est-il vivant? -- Patience, Monseigneur, nous y voici. Il arriva donc ce que vous savez, et dont votre départ précipité, ajouta l'hôte avec une finesse qui n'échappa point à d'Artagnan, semblait autoriser l'issue. Ce gentilhomme votre ami se défendit en désespéré. Son valet, qui, par un malheur imprévu, avait cherché querelle aux gens de l'autorité, déguisés en garçons d'écurie... -- Ah! misérable! s'écria d'Artagnan, vous étiez tous d'accord, et je ne sais à quoi tient que je ne vous extermine tous! -- Hélas! non, Monseigneur, nous n'étions pas tous d'accord, et vous l'allez bien voir. Monsieur votre ami (pardon de ne point l'appeler par le nom honorable qu'il porte sans doute, mais nous ignorons ce nom), monsieur votre ami, après avoir mis hors de combat deux hommes de ses deux coups de pistolet, battit en retraite en se défendant avec son épée dont il estropia encore un de mes hommes, et d'un coup du plat de laquelle il m'étourdit. -- Mais, bourreau, finiras-tu? dit d'Artagnan. Athos, que devient Athos? -- En battant en retraite, comme j'ai dit à Monseigneur, il trouva derrière lui l'escalier de la cave, et comme la porte était ouverte, il tira la clef à lui et se barricada en dedans. Comme on était sûr de le retrouver là, on le laissa libre. -- Oui, dit d'Artagnan, on ne tenait pas tout à fait à le tuer, on ne cherchait qu'à l'emprisonner. -- Juste Dieu! à l'emprisonner, Monseigneur? il s'emprisonna bien lui-même, je vous le jure. D'abord il avait fait de rude besogne, un homme était tué sur le coup et deux autres étaient blessés grièvement. Le mort et les deux blessés furent emportés par leurs camarades, et jamais je n'ai plus entendu parler ni des uns, ni des autres. Moi-même, quand je repris mes sens, j'allai trouver M. le gouverneur, auquel je racontai tout ce qui s'était passé, et auquel je demandai ce que je devais faire du prisonnier. Mais M. le gouverneur eut l'air de tomber des nues; il me dit qu'il ignorait complètement ce que je voulais dire, que les ordres qui m'étaient parvenus n'émanaient pas de lui et que si j'avais le malheur de dire à qui que ce fût qu'il était pour quelque chose dans toute cette échauffourée, il me ferait pendre. Il paraît que je m'étais trompé, monsieur, que j'avais arrêté l'un pour l'autre, et que celui qu'on devait arrêter était sauvé. -- Mais Athos? s'écria d'Artagnan, dont l'impatience se doublait de l'abandon où l'autorité laissait la chose; Athos, qu'est-il devenu? -- Comme j'avais hâte de réparer mes torts envers le prisonnier, reprit l'aubergiste, je m'acheminai vers la cave afin de lui rendre sa liberté. Ah! monsieur, ce n'était plus un homme, c'était un diable. À cette proposition de liberté, il déclara que c'était un piège qu'on lui tendait et qu'avant de sortir il entendait imposer ses conditions. Je lui dis bien humblement, car je ne me dissimulais pas la mauvaise position où je m'étais mis en portant la main sur un mousquetaire de Sa Majesté, je lui dis que j'étais prêt à me soumettre à ses conditions. «-- D'abord, dit-il, je veux qu'on me rende mon valet tout armé.» «On s'empressa d'obéir à cet ordre; car vous comprenez bien, monsieur, que nous étions disposés à faire tout ce que voudrait votre ami. M. Grimaud (il a dit ce nom, celui-là, quoiqu'il ne parle pas beaucoup), M. Grimaud fut donc descendu à la cave, tout blessé qu'il était; alors, son maître l'ayant reçu, rebarricada la porte et nous ordonna de rester dans notre boutique. -- Mais enfin, s'écria d'Artagnan, où est-il? où est Athos? -- Dans la cave, monsieur. -- Comment, malheureux, vous le retenez dans la cave depuis ce temps-là? -- Bonté divine! Non, monsieur. Nous, le retenir dans la cave! vous ne savez donc pas ce qu'il y fait, dans la cave! Ah! si vous pouviez l'en faire sortir, monsieur, je vous en serais reconnaissant toute ma vie, vous adorerais comme mon patron. -- Alors il est là, je le retrouverai là? -- Sans doute, monsieur, il s'est obstiné à y rester. Tous les jours, on lui passe par le soupirail du pain au bout d'une fourche, et de la viande quand il en demande; mais, hélas! ce n'est pas de pain et de viande qu'il fait la plus grande consommation. Une fois, j'ai essayé de descendre avec deux de mes garçons, mais il est entré dans une terrible fureur. J'ai entendu le bruit de ses pistolets qu'il armait et de son mousqueton qu'armait son domestique. Puis, comme nous leur demandions quelles étaient leurs intentions, le maître a répondu qu'ils avaient quarante coups à tirer lui et son laquais, et qu'ils les tireraient jusqu'au dernier plutôt que de permettre qu'un seul de nous mît le pied dans la cave. Alors, monsieur, j'ai été me plaindre au gouverneur, lequel m'a répondu que je n'avais que ce que je méritais, et que cela m'apprendrait à insulter les honorables seigneurs qui prenaient gîte chez moi. -- De sorte que, depuis ce temps?... reprit d'Artagnan ne pouvant s'empêcher de rire de la figure piteuse de son hôte. -- De sorte que, depuis ce temps, monsieur, continua celui-ci, nous menons la vie la plus triste qui se puisse voir; car, monsieur, il faut que vous sachiez que toutes nos provisions sont dans la cave; il y a notre vin en bouteilles et notre vin en pièce, la bière, l'huile et les épices, le lard et les saucissons; et comme il nous est défendu d'y descendre, nous sommes forcés de refuser le boire et le manger aux voyageurs qui nous arrivent, de sorte que tous les jours notre hôtellerie se perd. Encore une semaine avec votre ami dans ma cave, et nous sommes ruinés. -- Et ce sera justice, drôle. Ne voyait-on pas bien, à notre mine, que nous étions gens de qualité et non faussaires, dites? -- Oui, monsieur, oui, vous avez raison, dit l'hôte. Mais tenez, tenez, le voilà qui s'emporte. -- Sans doute qu'on l'aura troublé, dit d'Artagnan. -- Mais il faut bien qu'on le trouble, s'écria l'hôte; il vient de nous arriver deux gentilshommes anglais. -- Eh bien? -- Eh bien, les Anglais aiment le bon vin, comme vous savez, monsieur; ceux-ci ont demandé du meilleur. Ma femme alors aura sollicité de M. Athos la permission d'entrer pour satisfaire ces messieurs; et il aura refusé comme de coutume. Ah! bonté divine! voilà le sabbat qui redouble!» D'Artagnan, en effet, entendit mener un grand bruit du côté de la cave; il se leva et, précédé de l'hôte qui se tordait les mains, et suivi de Planchet qui tenait son mousqueton tout armé, il s'approcha du lieu de la scène. Les deux gentilshommes étaient exaspérés, ils avaient fait une longue course et mouraient de faim et de soif. «Mais c'est une tyrannie, s'écriaient-ils en très bon français, quoique avec un accent étranger, que ce maître fou ne veuille pas laisser à ces bonnes gens l'usage de leur vin. Ça, nous allons enfoncer la porte, et s'il est trop enragé, eh bien! nous le tuerons. -- Tout beau, messieurs! dit d'Artagnan en tirant ses pistolets de sa ceinture; vous ne tuerez personne, s'il vous plaît. -- Bon, bon, disait derrière la porte la voix calme d'Athos, qu'on les laisse un peu entrer, ces mangeurs de petits enfants, et nous allons voir.» Tout braves qu'ils paraissaient être, les deux gentilshommes anglais se regardèrent en hésitant; on eût dit qu'il y avait dans cette cave un de ces ogres faméliques, gigantesques héros des légendes populaires, et dont nul ne force impunément la caverne. Il y eut un moment de silence; mais enfin les deux Anglais eurent honte de reculer, et le plus hargneux des deux descendit les cinq ou six marches dont se composait l'escalier et donna dans la porte un coup de pied à fendre une muraille. «Planchet, dit d'Artagnan en armant ses pistolets, je me charge de celui qui est en haut, charge-toi de celui qui est en bas. Ah! messieurs! vous voulez de la bataille! eh bien! on va vous en donner! -- Mon Dieu, s'écria la voix creuse d'Athos, j'entends d'Artagnan, ce me semble. -- En effet, dit d'Artagnan en haussant la voix à son tour, c'est moi-même, mon ami. -- Ah! bon! alors, dit Athos, nous allons les travailler, ces enfonceurs de portes.» Les gentilshommes avaient mis l'épée à la main, mais ils se trouvaient pris entre deux feux; ils hésitèrent un instant encore; mais, comme la première fois, l'orgueil l'emporta, et un second coup de pied fit craquer la porte dans toute sa hauteur. «Range-toi, d'Artagnan, range-toi, cria Athos, range-toi, je vais tirer. -- Messieurs, dit d'Artagnan, que la réflexion n'abandonnait jamais, messieurs, songez-y! De la patience, Athos. Vous vous engagez là dans une mauvaise affaire, et vous allez être criblés. Voici mon valet et moi qui vous lâcherons trois coups de feu, autant vous arriveront de la cave; puis nous aurons encore nos épées, dont, je vous assure, mon ami et moi nous jouons passablement. Laissez-moi faire vos affaires et les miennes. Tout à l'heure vous aurez à boire, je vous en donne ma parole. -- S'il en reste», grogna la voix railleuse d'Athos. L'hôtelier sentit une sueur froide couler le long de son échine. «Comment, s'il en reste! murmura-t-il. -- Que diable! il en restera, reprit d'Artagnan; soyez donc tranquille, à eux deux ils n'auront pas bu toute la cave. Messieurs, remettez vos épées au fourreau. -- Eh bien, vous, remettez vos pistolets à votre ceinture. -- Volontiers.» Et d'Artagnan donna l'exemple. Puis, se retournant vers Planchet, il lui fit signe de désarmer son mousqueton. Les Anglais, convaincus, remirent en grommelant leurs épées au fourreau. On leur raconta l'histoire de l'emprisonnement d'Athos. Et comme ils étaient bons gentilshommes, ils donnèrent tort à l'hôtelier. «Maintenant, messieurs, dit d'Artagnan, remontez chez vous, et, dans dix minutes, je vous réponds qu'on vous y portera tout ce que vous pourrez désirer.» Les Anglais saluèrent et sortirent. «Maintenant que je suis seul, mon cher Athos, dit d'Artagnan, ouvrez-moi la porte, je vous en prie. -- À l'instant même», dit Athos. Alors on entendit un grand bruit de fagots entrechoqués et de poutres gémissantes: c'étaient les contrescarpes et les bastions d'Athos, que l'assiégé démolissait lui-même. Un instant après, la porte s'ébranla, et l'on vit paraître la tête pâle d'Athos qui, d'un coup d'oeil rapide, explorait les environs. D'Artagnan se jeta à son cou et l'embrassa tendrement puis il voulut l'entraîner hors de ce séjour humide, alors il s'aperçut qu'Athos chancelait. «Vous êtes blessé? lui dit-il. -- Moi! pas le moins du monde; je suis ivre mort, voilà tout, et jamais homme n'a mieux fait ce qu'il fallait pour cela. Vive Dieu! mon hôte, il faut que j'en aie bu au moins pour ma part cent cinquante bouteilles. -- Miséricorde! s'écria l'hôte, si le valet en a bu la moitié du maître seulement, je suis ruiné. -- Grimaud est un laquais de bonne maison, qui ne se serait pas permis le même ordinaire que moi; il a bu à la pièce seulement; tenez, je crois qu'il a oublié de remettre le fosset. Entendez- vous? cela coule.» D'Artagnan partit d'un éclat de rire qui changea le frisson de l'hôte en fièvre chaude. En même temps, Grimaud parut à son tour derrière son maître, le mousqueton sur l'épaule, la tête tremblante, comme ces satyres ivres des tableaux de Rubens. Il était arrosé par-devant et par- derrière d'une liqueur grasse que l'hôte reconnut pour être sa meilleure huile d'olive. Le cortège traversa la grande salle et alla s'installer dans la meilleure chambre de l'auberge, que d'Artagnan occupa d'autorité. Pendant ce temps, l'hôte et sa femme se précipitèrent avec des lampes dans la cave, qui leur avait été si longtemps interdite et où un affreux spectacle les attendait. Au-delà des fortifications auxquelles Athos avait fait brèche pour sortir et qui se composaient de fagots, de planches et de futailles vides entassées selon toutes les règles de l'art stratégique, on voyait çà et là, nageant dans les mares d'huile et de vin, les ossements de tous les jambons mangés, tandis qu'un amas de bouteilles cassées jonchait tout l'angle gauche de la cave et qu'un tonneau, dont le robinet était resté ouvert, perdait par cette ouverture les dernières gouttes de son sang. L'image de la dévastation et de la mort, comme dit le poète de l'Antiquité, régnait là comme sur un champ de bataille. Sur cinquante saucissons, pendus aux solives, dix restaient à peine. Alors les hurlements de l'hôte et de l'hôtesse percèrent la voûte de la cave, d'Artagnan lui-même en fut ému. Athos ne tourna pas même la tête. Mais à la douleur succéda la rage. L'hôte s'arma d'une broche et, dans son désespoir, s'élança dans la chambre où les deux amis s'étaient retirés. «Du vin! dit Athos en apercevant l'hôte. -- Du vin! s'écria l'hôte stupéfait, du vin! mais vous m'en avez bu pour plus de cent pistoles; mais je suis un homme ruiné, perdu, anéanti! -- Bah! dit Athos, nous sommes constamment restés sur notre soif. -- Si vous vous étiez contentés de boire, encore; mais vous avez cassé toutes les bouteilles. -- Vous m'avez poussé sur un tas qui a dégringolé. C'est votre faute. -- Toute mon huile est perdue! -- L'huile est un baume souverain pour les blessures, et il fallait bien que ce pauvre Grimaud pansât celles que vous lui avez faites. -- Tous mes saucissons rongés! -- Il y a énormément de rats dans cette cave. -- Vous allez me payer tout cela, cria l'hôte exaspéré. -- Triple drôle!» dit Athos en se soulevant. Mais il retomba aussitôt; il venait de donner la mesure de ses forces. D'Artagnan vint à son secours en levant sa cravache. L'hôte recula d'un pas et se mit à fondre en larmes. «Cela vous apprendra, dit d'Artagnan, à traiter d'une façon plus courtoise les hôtes que Dieu vous envoie. -- Dieu..., dites le diable! -- Mon cher ami, dit d'Artagnan, si vous nous rompez encore les oreilles, nous allons nous renfermer tous les quatre dans votre cave, et nous verrons si véritablement le dégât est aussi grand que vous le dites. -- Eh bien, oui, messieurs, dit l'hôte, j'ai tort, je l'avoue; mais à tout péché miséricorde; vous êtes des seigneurs et je suis un pauvre aubergiste, vous aurez pitié de moi. -- Ah! si tu parles comme cela, dit Athos, tu vas me fendre le coeur, et les larmes vont couler de mes yeux comme le vin coulait de tes futailles. On n'est pas si diable qu'on en a l'air. Voyons, viens ici et causons.» L'hôte s'approcha avec inquiétude. «Viens, te dis-je, et n'aie pas peur, continua Athos. Au moment où j'allais te payer, j'avais posé ma bourse sur la table. -- Oui, Monseigneur. -- Cette bourse contenait soixante pistoles, où est-elle? -- Déposée au greffe, Monseigneur: on avait dit que c'était de la fausse monnaie. -- Eh bien, fais-toi rendre ma bourse, et garde les soixante pistoles. -- Mais Monseigneur sait bien que le greffe ne lâche pas ce qu'il tient. Si c'était de la fausse monnaie, il y aurait encore de l'espoir; mais malheureusement ce sont de bonnes pièces. -- Arrange-toi avec lui, mon brave homme, cela ne me regarde pas, d'autant plus qu'il ne me reste pas une livre. -- Voyons, dit d'Artagnan, l'ancien cheval d'Athos, où est-il? -- À l'écurie. -- Combien vaut-il? -- Cinquante pistoles tout au plus. -- Il en vaut quatre-vingts; prends-le, et que tout soit dit. -- Comment! tu vends mon cheval, dit Athos, tu vends mon Bajazet? et sur quoi ferai-je la campagne? sur Grimaud? -- Je t'en amène un autre, dit d'Artagnan. -- Un autre? -- Et magnifique! s'écria l'hôte. -- Alors, s'il y en a un autre plus beau et plus jeune, prends le vieux, et à boire! -- Duquel? demanda l'hôte tout à fait rasséréné. -- De celui qui est au fond, près des lattes; il en reste encore vingt-cinq bouteilles, toutes les autres ont été cassées dans ma chute. Montez-en six. -- Mais c'est un foudre que cet homme! dit l'hôte à part lui; s'il reste seulement quinze jours ici, et qu'il paie ce qu'il boira, je rétablirai mes affaires. -- Et n'oublie pas, continua d'Artagnan, de monter quatre bouteilles du pareil aux deux seigneurs anglais. -- Maintenant, dit Athos, en attendant qu'on nous apporte du vin, conte-moi, d'Artagnan, ce que sont devenus les autres; voyons.» D'Artagnan lui raconta comment il avait trouvé Porthos dans son lit avec une foulure, et Aramis à une table entre les deux théologiens. Comme il achevait, l'hôte rentra avec les bouteilles demandées et un jambon qui, heureusement pour lui, était resté hors de la cave. «C'est bien, dit Athos en remplissant son verre et celui de d'Artagnan, voilà pour Porthos et pour Aramis; mais vous, mon ami, qu'avez-vous et que vous est-il arrivé personnellement? Je vous trouve un air sinistre. -- Hélas! dit d'Artagnan, c'est que je suis le plus malheureux de nous tous, moi! -- Toi malheureux, d'Artagnan! dit Athos. Voyons, comment es-tu malheureux? Dis-moi cela. -- Plus tard, dit d'Artagnan. -- Plus tard! et pourquoi plus tard? parce que tu crois que je suis ivre, d'Artagnan? Retiens bien ceci: je n'ai jamais les idées plus nettes que dans le vin. Parle donc, je suis tout oreilles.» D'Artagnan raconta son aventure avec Mme Bonacieux. Athos l'écouta sans sourciller; puis, lorsqu'il eut fini: «Misères que tout cela, dit Athos, misères!» C'était le mot d'Athos. «Vous dites toujours misères! mon cher Athos, dit d'Artagnan; cela vous sied bien mal, à vous qui n'avez jamais aimé.» L'oeil mort d'Athos s'enflamma soudain, mais ce ne fut qu'un éclair, il redevint terne et vague comme auparavant. «C'est vrai, dit-il tranquillement, je n'ai jamais aimé, moi. -- Vous voyez bien alors, coeur de pierre, dit d'Artagnan, que vous avez tort d'être dur pour nous autres coeurs tendres. -- Coeurs tendres, coeurs percés, dit Athos. -- Que dites-vous? -- Je dis que l'amour est une loterie où celui qui gagne, gagne la mort! Vous êtes bien heureux d'avoir perdu, croyez-moi, mon cher d'Artagnan. Et si j'ai un conseil à vous donner, c'est de perdre toujours. -- Elle avait l'air de si bien m'aimer! -- Elle en avait l'air. -- Oh! elle m'aimait. -- Enfant! il n'y a pas un homme qui n'ait cru comme vous que sa maîtresse l'aimait, et il n'y a pas un homme qui n'ait été trompé par sa maîtresse. -- Excepté vous, Athos, qui n'en avez jamais eu. -- C'est vrai, dit Athos après un moment de silence, je n'en ai jamais eu, moi. Buvons! -- Mais alors, philosophe que vous êtes, dit d'Artagnan, instruisez-moi, soutenez-moi; j'ai besoin de savoir et d'être consolé. -- Consolé de quoi? -- De mon malheur. -- Votre malheur fait rire, dit Athos en haussant les épaules; je serais curieux de savoir ce que vous diriez si je vous racontais une histoire d'amour. -- Arrivée à vous? -- Ou à un de mes amis, qu'importe! -- Dites, Athos, dites. -- Buvons, nous ferons mieux. -- Buvez et racontez. -- Au fait, cela se peut, dit Athos en vidant et remplissant son verre, les deux choses vont à merveille ensemble. -- J'écoute», dit d'Artagnan. Athos se recueillit, et, à mesure qu'il se recueillait, d'Artagnan le voyait pâlir; il en était à cette période de l'ivresse où les buveurs vulgaires tombent et dorment. Lui, il rêvait tout haut sans dormir. Ce somnambulisme de l'ivresse avait quelque chose d'effrayant. «Vous le voulez absolument? demanda-t-il. -- Je vous en prie, dit d'Artagnan. -- Qu'il soit fait donc comme vous le désirez. Un de mes amis, un de mes amis, entendez-vous bien! pas moi, dit Athos en s'interrompant avec un sourire sombre; un des comtes de ma province, c'est-à-dire du Berry, noble comme un Dandolo ou un Montmorency, devint amoureux à vingt-cinq ans d'une jeune fille de seize, belle comme les amours. À travers la naïveté de son âge perçait un esprit ardent, un esprit non pas de femme, mais de poète; elle ne plaisait pas, elle enivrait; elle vivait dans un petit bourg, près de son frère qui était curé. Tous deux étaient arrivés dans le pays: ils venaient on ne savait d'où; mais en la voyant si belle et en voyant son frère si pieux, on ne songeait pas à leur demander d'où ils venaient. Du reste, on les disait de bonne extraction. Mon ami, qui était le seigneur du pays, aurait pu la séduire ou la prendre de force, à son gré, il était le maître; qui serait venu à l'aide de deux étrangers, de deux inconnus? Malheureusement il était honnête homme, il l'épousa. Le sot, le niais, l'imbécile! -- Mais pourquoi cela, puisqu'il l'aimait? demanda d'Artagnan. -- Attendez donc, dit Athos. Il l'emmena dans son château, et en fit la première dame de sa province; et il faut lui rendre justice, elle tenait parfaitement son rang. -- Eh bien? demanda d'Artagnan. -- Eh bien, un jour qu'elle était à la chasse avec son mari, continua Athos à voix basse et en parlant fort vite, elle tomba de cheval et s'évanouit; le comte s'élança à son secours, et comme elle étouffait dans ses habits, il les fendit avec son poignard et lui découvrit l'épaule. Devinez ce qu'elle avait sur l'épaule, d'Artagnan? dit Athos avec un grand éclat de rire. -- Puis-je le savoir? demanda d'Artagnan. -- Une fleur de lis, dit Athos. Elle était marquée!» Et Athos vida d'un seul trait le verre qu'il tenait à la main. «Horreur! s'écria d'Artagnan, que me dites-vous là? -- La vérité. Mon cher, l'ange était un démon. La pauvre fille avait volé. -- Et que fit le comte? -- Le comte était un grand seigneur, il avait sur ses terres droit de justice basse et haute: il acheva de déchirer les habits de la comtesse, il lui lia les mains derrière le dos et la pendit à un arbre. -- Ciel! Athos! un meurtre! s'écria d'Artagnan. -- Oui, un meurtre, pas davantage, dit Athos pâle comme la mort. Mais on me laisse manquer de vin, ce me semble.» Et Athos saisit au goulot la dernière bouteille qui restait, l'approcha de sa bouche et la vida d'un seul trait, comme il eût fait d'un verre ordinaire. Puis il laissa tomber sa tête sur ses deux mains; d'Artagnan demeura devant lui, saisi d'épouvante. «Cela m'a guéri des femmes belles, poétiques et amoureuses, dit Athos en se relevant et sans songer à continuer l'apologue du comte. Dieu vous en accorde autant! Buvons! -- Ainsi elle est morte? balbutia d'Artagnan. -- Parbleu! dit Athos. Mais tendez votre verre. Du jambon, drôle, cria Athos, nous ne pouvons plus boire! -- Et son frère? ajouta timidement d'Artagnan. -- Son frère? reprit Athos. -- Oui, le prêtre? -- Ah! je m'en informai pour le faire pendre à son tour; mais il avait pris les devants, il avait quitté sa cure depuis la veille. -- A-t-on su au moins ce que c'était que ce misérable? -- C'était sans doute le premier amant et le complice de la belle, un digne homme qui avait fait semblant d'être curé peut-être pour marier sa maîtresse et lui assurer un sort. Il aura été écartelé, je l'espère. -- Oh! mon Dieu! mon Dieu! fit d'Artagnan, tout étourdi de cette horrible aventure. -- Mangez donc de ce jambon, d'Artagnan, il est exquis, dit Athos en coupant une tranche qu'il mit sur l'assiette du jeune homme. Quel malheur qu'il n'y en ait pas eu seulement quatre comme celui- là dans la cave! j'aurais bu cinquante bouteilles de plus.» D'Artagnan ne pouvait plus supporter cette conversation, qui l'eût rendu fou; il laissa tomber sa tête sur ses deux mains et fit semblant de s'endormir. «Les jeunes gens ne savent plus boire, dit Athos en le regardant en pitié, et pourtant celui-là est des meilleurs!...» CHAPITRE XXVIII RETOUR D'Artagnan était resté étourdi de la terrible confidence d'Athos; cependant bien des choses lui paraissaient encore obscures dans cette demi-révélation; d'abord elle avait été faite par un homme tout à fait ivre à un homme qui l'était à moitié, et cependant, malgré ce vague que fait monter au cerveau la fumée de deux ou trois bouteilles de bourgogne, d'Artagnan, en se réveillant le lendemain matin, avait chaque parole d'Athos aussi présente à son esprit que si, à mesure qu'elles étaient tombées de sa bouche, elles s'étaient imprimées dans son esprit. Tout ce doute ne lui donna qu'un plus vif désir d'arriver à une certitude, et il passa chez son ami avec l'intention bien arrêtée de renouer sa conversation de la veille mais il trouva Athos de sens tout à fait rassis, c'est-à-dire le plus fin et le plus impénétrable des hommes. Au reste, le mousquetaire, après avoir échangé avec lui une poignée de main, alla le premier au-devant de sa pensée. «J'étais bien ivre hier, mon cher d'Artagnan, dit-il, j'ai senti cela ce matin à ma langue, qui était encore fort épaisse, et à mon pouls qui était encore fort agité; je parie que j'ai dit mille extravagances.» Et, en disant ces mots, il regarda son ami avec une fixité qui l'embarrassa. «Mais non pas, répliqua d'Artagnan, et, si je me le rappelle bien, vous n'avez rien dit que de fort ordinaire. -- Ah! vous m'étonnez! Je croyais vous avoir raconté une histoire des plus lamentables.» Et il regardait le jeune homme comme s'il eût voulu lire au plus profond de son coeur. «Ma foi! dit d'Artagnan, il paraît que j'étais encore plus ivre que vous, puisque je ne me souviens de rien.» Athos ne se paya point de cette parole, et il reprit: «Vous n'êtes pas sans avoir remarqué, mon cher ami, que chacun a son genre d'ivresse, triste ou gaie, moi j'ai l'ivresse triste, et, quand une fois je suis gris, ma manière est de raconter toutes les histoires lugubres que ma sotte nourrice m'a inculquées dans le cerveau. C'est mon défaut; défaut capital, j'en conviens; mais, à cela près, je suis bon buveur.» Athos disait cela d'une façon si naturelle, que d'Artagnan fut ébranlé dans sa conviction. «Oh! c'est donc cela, en effet, reprit le jeune homme en essayant de ressaisir la vérité, c'est donc cela que je me souviens, comme, au reste, on se souvient d'un rêve, que nous avons parlé de pendus. -- Ah! vous voyez bien, dit Athos en pâlissant et cependant en essayant de rire, j'en étais sûr, les pendus sont mon cauchemar, à moi. -- Oui, oui, reprit d'Artagnan, et voilà la mémoire qui me revient; oui, il s'agissait... attendez donc... il s'agissait d'une femme. -- Voyez, répondit Athos en devenant presque livide, c'est ma grande histoire de la femme blonde, et quand je raconte celle-là, c'est que je suis ivre mort. -- Oui, c'est cela, dit d'Artagnan, l'histoire de la femme blonde, grande et belle, aux yeux bleus. -- Oui, et pendue. -- Par son mari, qui était un seigneur de votre connaissance, continua d'Artagnan en regardant fixement Athos. -- Eh bien, voyez cependant comme on compromettrait un homme quand on ne sait plus ce que l'on dit, reprit Athos en haussant les épaules, comme s'il se fût pris lui-même en pitié. Décidément, je ne veux plus me griser, d'Artagnan, c'est une trop mauvaise habitude.» D'Artagnan garda le silence. Puis Athos, changeant tout à coup de conversation: «À propos, dit-il, je vous remercie du cheval que vous m'avez amené. -- Est-il de votre goût? demanda d'Artagnan. -- Oui, mais ce n'était pas un cheval de fatigue. -- Vous vous trompez; j'ai fait avec lui dix lieues en moins d'une heure et demie, et il n'y paraissait pas plus que s'il eût fait le tour de la place Saint-Sulpice. -- Ah çà, vous allez me donner des regrets. -- Des regrets? -- Oui, je m'en suis défait. -- Comment cela? -- Voici le fait: ce matin, je me suis réveillé à six heures, vous dormiez comme un sourd, et je ne savais que faire; j'étais encore tout hébété de notre débauche d'hier; je descendis dans la grande salle, et j'avisai un de nos Anglais qui marchandait un cheval à un maquignon, le sien étant mort hier d'un coup de sang. Je m'approchai de lui, et comme je vis qu'il offrait cent pistoles d'un alezan brûlé: «Par Dieu, lui dis-je, mon gentilhomme, moi aussi j'ai un cheval à vendre. «-- Et très beau même, dit-il, je l'ai vu hier, le valet de votre ami le tenait en main. «-- Trouvez-vous qu'il vaille cent pistoles? «-- Oui, et voulez-vous me le donner pour ce prix-là? «-- Non, mais je vous le joue. «-- Vous me le jouez? «-- Oui. «-- À quoi? «-- Aux dés.» «Ce qui fut dit fut fait; et j'ai perdu le cheval. Ah! mais par exemple, continua Athos, j'ai regagné le caparaçon.» D'Artagnan fit une mine assez maussade. «Cela vous contrarie? dit Athos. -- Mais oui, je vous l'avoue, reprit d'Artagnan; ce cheval devait servir à nous faire reconnaître un jour de bataille; c'était un gage, un souvenir. Athos, vous avez eu tort. -- Eh! mon cher ami, mettez-vous à ma place, reprit le mousquetaire; je m'ennuyais à périr, moi, et puis, d'honneur, je n'aime pas les chevaux anglais. Voyons, s'il ne s'agit que d'être reconnu par quelqu'un, eh bien, la selle suffira; elle est assez remarquable. Quant au cheval, nous trouverons quelque excuse pour motiver sa disparition. Que diable! un cheval est mortel; mettons que le mien a eu la morve ou le farcin.» D'Artagnan ne se déridait pas. «Cela me contrarie, continua Athos, que vous paraissiez tant tenir à ces animaux, car je ne suis pas au bout de mon histoire. -- Qu'avez-vous donc fait encore? -- Après avoir perdu mon cheval, neuf contre dix, voyez le coup, l'idée me vint de jouer le vôtre. -- Oui, mais vous vous en tîntes, j'espère, à l'idée? -- Non pas, je la mis à exécution à l'instant même. -- Ah! par exemple! s'écria d'Artagnan inquiet. -- Je jouai, et je perdis. -- Mon cheval? -- Votre cheval; sept contre huit; faute d'un point..., vous connaissez le proverbe. -- Athos, vous n'êtes pas dans votre bon sens, je vous jure! -- Mon cher, c'était hier, quand je vous contais mes sottes histoires, qu'il fallait me dire cela, et non pas ce matin. Je le perdis donc avec tous les équipages et harnais possibles. -- Mais c'est affreux! -- Attendez donc, vous n'y êtes point, je ferais un joueur excellent, si je ne m'entêtais pas; mais je m'entête, c'est comme quand je bois; je m'entêtai donc... -- Mais que pûtes-vous jouer, il ne vous restait plus rien? -- Si fait, si fait, mon ami; il nous restait ce diamant qui brille à votre doigt, et que j'avais remarqué hier. -- Ce diamant! s'écria d'Artagnan, en portant vivement la main à sa bague. -- Et comme je suis connaisseur, en ayant eu quelques-uns pour mon propre compte, je l'avais estimé mille pistoles. -- J'espère, dit sérieusement d'Artagnan à demi mort de frayeur, que vous n'avez aucunement fait mention de mon diamant? -- Au contraire, cher ami; vous comprenez, ce diamant devenait notre seule ressource; avec lui, je pouvais regagner nos harnais et nos chevaux, et, de plus, l'argent pour faire la route. -- Athos, vous me faites frémir! s'écria d'Artagnan. -- Je parlai donc de votre diamant à mon partenaire, lequel l'avait aussi remarqué. Que diable aussi, mon cher, vous portez à votre doigt une étoile du ciel, et vous ne voulez pas qu'on y fasse attention! Impossible! -- Achevez, mon cher; achevez! dit d'Artagnan, car, d'honneur! avec votre sang-froid, vous me faites mourir! -- Nous divisâmes donc ce diamant en dix parties de cent pistoles chacune. -- Ah! vous voulez rire et m'éprouver? dit d'Artagnan que la colère commençait à prendre aux cheveux comme Minerve prend Achille, dans l'Iliade. -- Non, je ne plaisante pas, mordieu! j'aurais bien voulu vous y voir, vous! il y avait quinze jours que je n'avais envisagé face humaine et que j'étais là à m'abrutir en m'abouchant avec des bouteilles. -- Ce n'est point une raison pour jouer mon diamant, cela? répondit d'Artagnan en serrant sa main avec une crispation nerveuse. -- Écoutez donc la fin; dix parties de cent pistoles chacune en dix coups sans revanche. En treize coups je perdis tout. En treize coups! Le nombre 13 m'a toujours été fatal, c'était le 13 du mois de juillet que... -- Ventrebleu! s'écria d'Artagnan en se levant de table, l'histoire du jour lui faisant oublier celle de la veille. -- Patience, dit Athos, j'avais un plan. L'Anglais était un original, je l'avais vu le matin causer avec Grimaud, et Grimaud m'avait averti qu'il lui avait fait des propositions pour entrer à son service. Je lui joue Grimaud, le silencieux Grimaud, divisé en dix portions. -- Ah! pour le coup! dit d'Artagnan éclatant de rire malgré lui. -- Grimaud lui-même, entendez-vous cela! et avec les dix parts de Grimaud, qui ne vaut pas en tout un ducaton, je regagne le diamant. Dites maintenant que la persistance n'est pas une vertu. -- Ma foi, c'est très drôle! s'écria d'Artagnan consolé et se tenant les côtes de rire. -- Vous comprenez que, me sentant en veine, je me remis aussitôt à jouer sur le diamant. -- Ah! diable, dit d'Artagnan assombri de nouveau. -- J'ai regagné vos harnais, puis votre cheval, puis mes harnais, puis mon cheval, puis reperdu. Bref, j'ai rattrapé votre harnais, puis le mien. Voilà où nous en sommes. C'est un coup superbe; aussi je m'en suis tenu là.» D'Artagnan respira comme si on lui eût enlevé l'hôtellerie de dessus la poitrine. «Enfin, le diamant me reste? dit-il timidement. -- Intact! cher ami; plus les harnais de votre Bucéphale et du mien. -- Mais que ferons-nous de nos harnais sans chevaux? -- J'ai une idée sur eux. -- Athos, vous me faites frémir. -- Écoutez, vous n'avez pas joué depuis longtemps, vous, d'Artagnan? -- Et je n'ai point l'envie de jouer. -- Ne jurons de rien. Vous n'avez pas joué depuis longtemps, disais-je, vous devez donc avoir la main bonne. -- Eh bien, après? -- Eh bien, l'Anglais et son compagnon sont encore là. J'ai remarqué qu'ils regrettaient beaucoup les harnais. Vous, vous paraissez tenir à votre cheval. A votre place, je jouerais vos harnais contre votre cheval. -- Mais il ne voudra pas un seul harnais. -- Jouez les deux, pardieu! je ne suis point un égoïste comme vous, moi. -- Vous feriez cela? dit d'Artagnan indécis, tant la confiance d'Athos commençait à le gagner à son insu. -- Parole d'honneur, en un seul coup. -- Mais c'est qu'ayant perdu les chevaux, je tenais énormément à conserver les harnais. -- Jouez votre diamant, alors. -- Oh! ceci, c'est autre chose; jamais, jamais. -- Diable! dit Athos, je vous proposerais bien de jouer Planchet; mais comme cela a déjà été fait, l'Anglais ne voudrait peut-être plus. -- Décidément, mon cher Athos, dit d'Artagnan, j'aime mieux ne rien risquer. -- C'est dommage, dit froidement Athos, l'Anglais est cousu de pistoles. Eh! mon Dieu, essayez un coup, un coup est bientôt joué. -- Et si je perds? -- Vous gagnerez. -- Mais si je perds? -- Eh bien, vous donnerez les harnais. -- Va pour un coup», dit d'Artagnan. Athos se mit en quête de l'Anglais et le trouva dans l'écurie, où il examinait les harnais d'un oeil de convoitise. L'occasion était bonne. Il fit ses conditions: les deux harnais contre un cheval ou cent pistoles, à choisir. L'Anglais calcula vite: les deux harnais valaient trois cents pistoles à eux deux; il topa. D'Artagnan jeta les dés en tremblant et amena le nombre trois; sa pâleur effraya Athos, qui se contenta de dire: «Voilà un triste coup, compagnon; vous aurez les chevaux tout harnachés, monsieur.» L'Anglais, triomphant, ne se donna même la peine de rouler les dés, il les jeta sur la table sans regarder, tant il était sûr de la victoire; d'Artagnan s'était détourné pour cacher sa mauvaise humeur. «Tiens, tiens, tiens, dit Athos avec sa voix tranquille, ce coup de dés est extraordinaire, et je ne l'ai vu que quatre fois dans ma vie: deux as!» L'Anglais regarda et fut saisi d'étonnement, d'Artagnan regarda et fut saisi de plaisir. «Oui, continua Athos, quatre fois seulement: une fois chez M. de Créquy; une autre fois chez moi, à la campagne, dans mon château de... quand j'avais un château; une troisième fois chez M. de Tréville, où il nous surprit tous; enfin une quatrième fois au cabaret, où il échut à moi et où je perdis sur lui cent louis et un souper. -- Alors, monsieur reprend son cheval, dit l'Anglais. -- Certes, dit d'Artagnan. -- Alors il n'y a pas de revanche? -- Nos conditions disaient: pas de revanche, vous vous le rappelez? -- C'est vrai; le cheval va être rendu à votre valet, monsieur. -- Un moment, dit Athos; avec votre permission, monsieur, je demande à dire un mot à mon ami. -- Dites.» Athos tira d'Artagnan à part. «Eh bien, lui dit d'Artagnan, que me veux-tu encore, tentateur, tu veux que je joue, n'est-ce pas? -- Non, je veux que vous réfléchissiez. -- À quoi? -- Vous allez reprendre le cheval, n'est-ce pas? -- Sans doute. -- Vous avez tort, je prendrais les cent pistoles; vous savez que vous avez joué les harnais contre le cheval ou cent pistoles, à votre choix. -- Oui. -- Je prendrais les cent pistoles. -- Eh bien, moi, je prends le cheval. -- Et vous avez tort, je vous le répète; que ferons-nous d'un cheval pour nous deux, je ne puis pas monter en croupe; nous aurions l'air des deux fils Aymon qui ont perdu leurs frères; vous ne pouvez pas m'humilier en chevauchant près de moi, en chevauchant sur ce magnifique destrier. Moi, sans balancer un seul instant, je prendrais les cent pistoles, nous avons besoin d'argent pour revenir à Paris. -- Je tiens à ce cheval, Athos. -- Et vous avez tort, mon ami; un cheval prend un écart, un cheval bute et se couronne, un cheval mange dans un râtelier où a mangé un cheval morveux: voilà un cheval ou plutôt cent pistoles perdues; il faut que le maître nourrisse son cheval, tandis qu'au contraire cent pistoles nourrissent leur maître. -- Mais comment reviendrons-nous? -- Sur les chevaux de nos laquais, pardieu! on verra toujours bien à l'air de nos figures que nous sommes gens de condition. -- La belle mine que nous aurons sur des bidets, tandis qu'Aramis et Porthos caracoleront sur leurs chevaux! -- Aramis! Porthos! s'écria Athos, et il se mit à rire. -- Quoi? demanda d'Artagnan, qui ne comprenait rien à l'hilarité de son ami. -- Bien, bien, continuons, dit Athos. -- Ainsi, votre avis...? -- Est de prendre les cent pistoles, d'Artagnan; avec les cent pistoles nous allons festiner jusqu'à la fin du mois; nous avons essuyé des fatigues, voyez-vous, et il sera bon de nous reposer un peu. -- Me reposer! oh! non, Athos, aussitôt à Paris je me mets à la recherche de cette pauvre femme. -- Eh bien, croyez-vous que votre cheval vous sera aussi utile pour cela que de bons louis d'or? Prenez les cent pistoles, mon ami, prenez les cent pistoles.» D'Artagnan n'avait besoin que d'une raison pour se rendre. Celle- là lui parut excellente. D'ailleurs, en résistant plus longtemps, il craignait de paraître égoïste aux yeux d'Athos; il acquiesça donc et choisit les cent pistoles, que l'Anglais lui compta sur- le-champ. Puis l'on ne songea plus qu'à partir. La paix signée avec l'aubergiste, outre le vieux cheval d'Athos, coûta six pistoles; d'Artagnan et Athos prirent les chevaux de Planchet et de Grimaud, les deux valets se mirent en route à pied, portant les selles sur leurs têtes. Si mal montés que fussent les deux amis, ils prirent bientôt les devants sur leurs valets et arrivèrent à Crèvecoeur. De loin ils aperçurent Aramis mélancoliquement appuyé sur sa fenêtre et regardant, comme _ma soeur Anne_, poudroyer l'horizon. «Holà, eh! Aramis! que diable faites-vous donc là? crièrent les deux amis. -- Ah! c'est vous, d'Artagnan, c'est vous Athos, dit le jeune homme; je songeais avec quelle rapidité s'en vont les biens de ce monde, et mon cheval anglais, qui s'éloignait et qui vient de disparaître au milieu d'un tourbillon de poussière, m'était une vivante image de la fragilité des choses de la terre. La vie elle- même peut se résoudre en trois mots: Erat, est, fuit. -- Cela veut dire au fond? demanda d'Artagnan, qui commençait à se douter de la vérité. -- Cela veut dire que je viens de faire un marché de dupe: soixante louis, un cheval qui, à la manière dont il file, peut faire au trot cinq lieues à l'heure.» D'Artagnan et Athos éclatèrent de rire. «Mon cher d'Artagnan, dit Aramis, ne m'en veuillez pas trop, je vous prie: nécessité n'a pas de loi; d'ailleurs je suis le premier puni, puisque cet infâme maquignon m'a volé cinquante louis au moins. Ah! vous êtes bons ménagers, vous autres! vous venez sur les chevaux de vos laquais et vous faites mener vos chevaux de luxe en main, doucement et à petites journées.» Au même instant un fourgon, qui depuis quelques instants pointait sur la route d'Amiens, s'arrêta, et l'on vit sortir Grimaud et Planchet leurs selles sur la tête. Le fourgon retournait à vide vers Paris, et les deux laquais s'étaient engagés, moyennant leur transport, à désaltérer le voiturier tout le long de la route. «Qu'est-ce que cela? dit Aramis en voyant ce qui se passait; rien que les selles? -- Comprenez-vous maintenant? dit Athos. -- Mes amis, c'est exactement comme moi. J'ai conservé le harnais, par instinct. Holà, Bazin! portez mon harnais neuf auprès de celui de ces messieurs. -- Et qu'avez-vous fait de vos curés? demanda d'Artagnan. -- Mon cher, je les ai invités à dîner le lendemain, dit Aramis: il y a ici du vin exquis, cela soit dit en passant; je les ai grisés de mon mieux; alors le curé m'a défendu de quitter la casaque, et le jésuite m'a prié de le faire recevoir mousquetaire. -- Sans thèse! cria d'Artagnan, sans thèse! je demande la suppression de la thèse, moi! -- Depuis lors, continua Aramis, je vis agréablement. J'ai commencé un poème en vers d'une syllabe; c'est assez difficile, mais le mérite en toutes choses est dans la difficulté. La matière est galante, je vous lirai le premier chant, il a quatre cents vers et dure une minute. -- Ma foi, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, qui détestait presque autant les vers que le latin, ajoutez au mérite de la difficulté celui de la brièveté, et vous êtes sûr au moins que votre poème aura deux mérites. -- Puis, continua Aramis, il respire des passions honnêtes, vous verrez. Ah çà, mes amis, nous retournons donc à Paris? Bravo, je suis prêt; nous allons donc revoir ce bon Porthos, tant mieux. Vous ne croyez pas qu'il me manquait, ce grand niais-là? Ce n'est pas lui qui aurait vendu son cheval, fût-ce contre un royaume. Je voudrais déjà le voir sur sa bête et sur sa selle. Il aura, j'en suis sûr, l'air du grand mogol.» On fit une halte d'une heure pour faire souffler les chevaux; Aramis solda son compte, plaça Bazin dans le fourgon avec ses camarades, et l'on se mit en route pour aller retrouver Porthos. On le trouva debout, moins pâle que ne l'avait vu d'Artagnan à sa première visite, et assis à une table où, quoiqu'il fût seul, figurait un dîner de quatre personnes; ce dîner se composait de viandes galamment troussées, de vins choisis et de fruits superbes. «Ah! pardieu! dit-il en se levant, vous arrivez à merveille, messieurs, j'en étais justement au potage, et vous allez dîner avec moi. -- Oh! oh! fit d'Artagnan, ce n'est pas Mousqueton qui a pris au lasso de pareilles bouteilles, puis voilà un fricandeau piqué et un filet de boeuf... -- Je me refais, dit Porthos, je me refais, rien n'affaiblit comme ces diables de foulures; avez-vous eu des foulures, Athos? -- Jamais; seulement je me rappelle que dans notre échauffourée de la rue Férou je reçus un coup d'épée qui, au bout de quinze ou dix-huit jours, m'avait produit exactement le même effet. -- Mais ce dîner n'était pas pour vous seul, mon cher Porthos? dit Aramis. -- Non, dit Porthos; j'attendais quelques gentilshommes du voisinage qui viennent de me faire dire qu'ils ne viendraient pas; vous les remplacerez et je ne perdrai pas au change. Holà, Mousqueton! des sièges, et que l'on double les bouteilles! -- Savez-vous ce que nous mangeons ici? dit Athos au bout de dix minutes. -- Pardieu! répondit d'Artagnan, moi je mange du veau piqué aux cardons et à la moelle. -- Et moi des filets d'agneau, dit Porthos. -- Et moi un blanc de volaille, dit Aramis. -- Vous vous trompez tous, messieurs, répondit Athos, vous mangez du cheval. -- Allons donc! dit d'Artagnan. -- Du cheval!» fit Aramis avec une grimace de dégoût. Porthos seul ne répondit pas. «Oui, du cheval; n'est-ce pas, Porthos, que nous mangeons du cheval? Peut-être même les caparaçons avec! -- Non, messieurs, j'ai gardé le harnais, dit Porthos. -- Ma foi, nous nous valons tous, dit Aramis: on dirait que nous nous sommes donné le mot. -- Que voulez-vous, dit Porthos, ce cheval faisait honte à mes visiteurs, et je n'ai pas voulu les humilier! -- Puis, votre duchesse est toujours aux eaux, n'est-ce pas? reprit d'Artagnan. -- Toujours, répondit Porthos. Or, ma foi, le gouverneur de la province, un des gentilshommes que j'attendais aujourd'hui à dîner, m'a paru le désirer si fort que je le lui ai donné. -- Donné! s'écria d'Artagnan. -- Oh! mon Dieu! oui, donné! c'est le mot, dit Porthos; car il valait certainement cent cinquante louis, et le ladre n'a voulu me le payer que quatre-vingts. -- Sans la selle? dit Aramis. -- Oui, sans la selle. -- Vous remarquerez, messieurs, dit Athos, que c'est encore Porthos qui a fait le meilleur marché de nous tous.» Ce fut alors un hourra de rires dont le pauvre Porthos fut tout saisi; mais on lui expliqua bientôt la raison de cette hilarité, qu'il partagea bruyamment selon sa coutume. «De sorte que nous sommes tous en fonds? dit d'Artagnan. -- Mais pas pour mon compte, dit Athos; j'ai trouvé le vin d'Espagne d'Aramis si bon, que j'en ai fait charger une soixantaine de bouteilles dans le fourgon des laquais: ce qui m'a fort désargenté. -- Et moi, dit Aramis, imaginez donc que j'avais donné jusqu'à mon dernier sou à l'église de Montdidier et aux jésuites d'Amiens; que j'avais pris en outre des engagements qu'il m'a fallu tenir, des messes commandées pour moi et pour vous, messieurs, que l'on dira, messieurs, et dont je ne doute pas que nous ne nous trouvions à merveille. -- Et moi, dit Porthos, ma foulure, croyez-vous qu'elle ne m'a rien coûté? sans compter la blessure de Mousqueton, pour laquelle j'ai été obligé de faire venir le chirurgien deux fois par jour, lequel m'a fait payer ses visites double sous prétexte que cet imbécile de Mousqueton avait été se faire donner une balle dans un endroit qu'on ne montre ordinairement qu'aux apothicaires; aussi je lui ai bien recommandé de ne plus se faire blesser là. -- Allons, allons, dit Athos, en échangeant un sourire avec d'Artagnan et Aramis, je vois que vous vous êtes conduit grandement à l'égard du pauvre garçon: c'est d'un bon maître. -- Bref, continua Porthos, ma dépense payée, il me restera bien une trentaine d'écus. -- Et à moi une dizaine de pistoles, dit Aramis. -- Allons, allons, dit Athos, il paraît que nous sommes les Crésus de la société. Combien vous reste-t-il sur vos cent pistoles, d'Artagnan? -- Sur mes cent pistoles? D'abord, je vous en ai donné cinquante. -- Vous croyez? -- Pardieu! -- Ah! c'est vrai, je me rappelle. -- Puis, j'en ai payé six à l'hôte. -- Quel animal que cet hôte! pourquoi lui avez-vous donné six pistoles? -- C'est vous qui m'avez dit de les lui donner. -- C'est vrai que je suis trop bon. Bref, en reliquat? -- Vingt-cinq pistoles, dit d'Artagnan. -- Et moi, dit Athos en tirant quelque menue monnaie de sa poche, moi... -- Vous, rien. -- Ma foi, ou si peu de chose, que ce n'est pas la peine de rapporter à la masse. -- Maintenant, calculons combien nous possédons en tout: Porthos? -- Trente écus. -- Aramis? -- Dix pistoles. -- Et vous, d'Artagnan? -- Vingt-cinq. -- Cela fait en tout? dit Athos. -- Quatre cent soixante-quinze livres! dit d'Artagnan, qui comptait comme Archimède. -- Arrivés à Paris, nous en aurons bien encore quatre cents, dit Porthos, plus les harnais. -- Mais nos chevaux d'escadron? dit Aramis. -- Eh bien, des quatre chevaux des laquais nous en ferons deux de maître que nous tirerons au sort; avec les quatre cents livres, on en fera un demi pour un des démontés, puis nous donnerons les grattures de nos poches à d'Artagnan, qui a la main bonne, et qui ira les jouer dans le premier tripot venu, voilà. -- Dînons donc, dit Porthos, cela refroidit.» Les quatre amis, plus tranquilles désormais sur leur avenir, firent honneur au repas, dont les restes furent abandonnés à MM. Mousqueton, Bazin, Planchet et Grimaud. En arrivant à Paris, d'Artagnan trouva une lettre de M. de Tréville qui le prévenait que, sur sa demande, le roi venait de lui accorder la faveur d'entrer dans les mousquetaires. Comme c'était tout ce que d'Artagnan ambitionnait au monde, à part bien entendu le désir de retrouver Mme Bonacieux, il courut tout joyeux chez ses camarades, qu'il venait de quitter il y avait une demi-heure, et qu'il trouva fort tristes et fort préoccupés. Ils étaient réunis en conseil chez Athos: ce qui indiquait toujours des circonstances d'une certaine gravité. M. de Tréville venait de les faire prévenir que l'intention bien arrêtée de Sa Majesté étant d'ouvrir la campagne le 1er mai, ils eussent à préparer incontinent leurs équipages. Les quatre philosophes se regardèrent tout ébahis: M. de Tréville ne plaisantait pas sous le rapport de la discipline. «Et à combien estimez-vous ces équipages? dit d'Artagnan. -- Oh! il n'y a pas à dire, reprit Aramis, nous venons de faire nos comptes avec une lésinerie de Spartiates, et il nous faut à chacun quinze cents livres. -- Quatre fois quinze font soixante, soit six mille livres, dit Athos. -- Moi, dit d'Artagnan, il me semble qu'avec mille livres chacun, il est vrai que je ne parle pas en Spartiate, mais en procureur...» Ce mot de procureur réveilla Porthos. «Tiens, j'ai une idée! dit-il. -- C'est déjà quelque chose: moi, je n'en ai pas même l'ombre, fit froidement Athos, mais quant à d'Artagnan, messieurs, le bonheur d'être désormais des nôtres l'a rendu fou; mille livres! je déclare que pour moi seul il m'en faut deux mille. -- Quatre fois deux font huit, dit alors Aramis: c'est donc huit mille livres qu'il nous faut pour nos équipages, sur lesquels équipages, il est vrai, nous avons déjà les selles. -- Plus, dit Athos, en attendant que d'Artagnan qui allait remercier M. de Tréville eût fermé la porte, plus ce beau diamant qui brille au doigt de notre ami. Que diable! d'Artagnan est trop bon camarade pour laisser des frères dans l'embarras, quand il porte à son médius la rançon d'un roi.» CHAPITRE XXIX LA CHASSE À L'ÉQUIPEMENT Le plus préoccupé des quatre amis était bien certainement d'Artagnan, quoique d'Artagnan, en sa qualité de garde, fût bien plus facile à équiper que messieurs les mousquetaires, qui étaient des seigneurs; mais notre cadet de Gascogne était, comme on a pu le voir, d'un caractère prévoyant et presque avare, et avec cela (expliquez les contraires) glorieux presque à rendre des points à Porthos. À cette préoccupation de sa vanité, d'Artagnan joignait en ce moment une inquiétude moins égoïste. Quelques informations qu'il eût pu prendre sur Mme Bonacieux, il ne lui en était venu aucune nouvelle. M. de Tréville en avait parlé à la reine; la reine ignorait où était la jeune mercière et avait promis de la faire chercher. Mais cette promesse était bien vague et ne rassurait guère d'Artagnan. Athos ne sortait pas de sa chambre; il était résolu à ne pas risquer une enjambée pour s'équiper. «Il nous reste quinze jours, disait-il à ses amis; eh bien, si au bout de ces quinze jours je n'ai rien trouvé, ou plutôt si rien n'est venu me trouver, comme je suis trop bon catholique pour me casser la tête d'un coup de pistolet, je chercherai une bonne querelle à quatre gardes de Son Éminence ou à huit Anglais, et je me battrai jusqu'à ce qu'il y en ait un qui me tue, ce qui, sur la quantité, ne peut manquer de m'arriver. On dira alors que je suis mort pour le roi, de sorte que j'aurai fait mon service sans avoir eu besoin de m'équiper.» Porthos continuait à se promener, les mains derrière le dos, en hochant la tête de haut en bas et disant: «Je poursuivrai mon idée.» Aramis, soucieux et mal frisé, ne disait rien. On peut voir par ces détails désastreux que la désolation régnait dans la communauté. Les laquais, de leur côté, comme les coursiers d'Hippolyte, partageaient la triste peine de leurs maîtres. Mousqueton faisait des provisions de croûtes; Bazin, qui avait toujours donné dans la dévotion, ne quittait plus les églises; Planchet regardait voler les mouches; et Grimaud, que la détresse générale ne pouvait déterminer à rompre le silence imposé par son maître, poussait des soupirs à attendrir des pierres. Les trois amis -- car, ainsi que nous l'avons dit, Athos avait juré de ne pas faire un pas pour s'équiper -- les trois amis sortaient donc de grand matin et rentraient fort tard. Ils erraient par les rues, regardant sur chaque pavé pour savoir si les personnes qui y étaient passées avant eux n'y avaient pas laissé quelque bourse. On eût dit qu'ils suivaient des pistes, tant ils étaient attentifs partout où ils allaient. Quand ils se rencontraient, ils avaient des regards désolés qui voulaient dire: As-tu trouvé quelque chose? Cependant, comme Porthos avait trouvé le premier son idée, et comme il l'avait poursuivie avec persistance, il fut le premier à agir. C'était un homme d'exécution que ce digne Porthos. D'Artagnan l'aperçut un jour qu'il s'acheminait vers l'église Saint-Leu, et le suivit instinctivement: il entra au lieu saint après avoir relevé sa moustache et allongé sa royale, ce qui annonçait toujours de sa part les intentions les plus conquérantes. Comme d'Artagnan prenait quelques précautions pour se dissimuler, Porthos crut n'avoir pas été vu. D'Artagnan entra derrière lui. Porthos alla s'adosser au côté d'un pilier; d'Artagnan, toujours inaperçu, s'appuya de l'autre. Justement il y avait un sermon, ce qui faisait que l'église était fort peuplée. Porthos profita de la circonstance pour lorgner les femmes: grâce aux bons soins de Mousqueton l'extérieur était loin d'annoncer la détresse de l'intérieur; son feutre était bien un peu râpé, sa plume était bien un peu déteinte, ses broderies étaient bien un peu ternies, ses dentelles étaient bien éraillées; mais dans la demi-teinte toutes ces bagatelles disparaissaient, et Porthos était toujours le beau Porthos. D'Artagnan remarqua, sur le banc le plus rapproché du pilier où Porthos et lui étaient adossés, une espèce de beauté mûre, un peu jaune, un peu sèche, mais raide et hautaine sous ses coiffes noires. Les yeux de Porthos s'abaissaient furtivement sur cette dame, puis papillonnaient au loin dans la nef. De son côté, la dame, qui de temps en temps rougissait, lançait avec la rapidité de l'éclair un coup d'oeil sur le volage Porthos, et aussitôt les yeux de Porthos de papillonner avec fureur. Il était clair que c'était un manège qui piquait au vif la dame aux coiffes noires, car elle se mordait les lèvres jusqu'au sang, se grattait le bout du nez, et se démenait désespérément sur son siège. Ce que voyant, Porthos retroussa de nouveau sa moustache, allongea une seconde fois sa royale, et se mit à faire des signaux à une belle dame qui était près du choeur, et qui non seulement était une belle dame, mais encore une grande dame sans doute, car elle avait derrière elle un négrillon qui avait apporté le coussin sur lequel elle était agenouillée, et une suivante qui tenait le sac armorié dans lequel on renfermait le livre où elle lisait sa messe. La dame aux coiffes noires suivit à travers tous ses détours le regard de Porthos, et reconnut qu'il s'arrêtait sur la dame au coussin de velours, au négrillon et à la suivante. Pendant ce temps, Porthos jouait serré: c'était des clignements d'yeux, des doigts posés sur les lèvres, de petits sourires assassins qui réellement assassinaient la belle dédaignée. Aussi poussa-t-elle, en forme de mea culpa et en se frappant la poitrine, un hum! tellement vigoureux que tout le monde, même la dame au coussin rouge, se retourna de son côté; Porthos tint bon: pourtant il avait bien compris, mais il fit le sourd. La dame au coussin rouge fit un grand effet, car elle était fort belle, sur la dame aux coiffes noires, qui vit en elle une rivale véritablement à craindre; un grand effet sur Porthos, qui la trouva plus jolie que la dame aux coiffes noires; un grand effet sur d'Artagnan, qui reconnut la dame de Meung, de Calais et de Douvres, que son persécuteur, l'homme à la cicatrice, avait saluée du nom de Milady. D'Artagnan, sans perdre de vue la dame au coussin rouge, continua de suivre le manège de Porthos, qui l'amusait fort; il crut deviner que la dame aux coiffes noires était la procureuse de la rue aux Ours, d'autant mieux que l'église Saint-Leu n'était pas très éloignée de ladite rue. Il devina alors par induction que Porthos cherchait à prendre sa revanche de sa défaite de Chantilly, alors que la procureuse s'était montrée si récalcitrante à l'endroit de la bourse. Mais, au milieu de tout cela, d'Artagnan remarqua aussi que pas une figure ne correspondait aux galanteries de Porthos. Ce n'étaient que chimères et illusions; mais pour un amour réel, pour une jalousie véritable, y a-t-il d'autre réalité que les illusions et les chimères? Le sermon finit: la procureuse s'avança vers le bénitier; Porthos l'y devança, et, au lieu d'un doigt, y mit toute la main. La procureuse sourit, croyant que c'était pour elle que Porthos se mettait en frais: mais elle fut promptement et cruellement détrompée: lorsqu'elle ne fut plus qu'à trois pas de lui, il détourna la tête, fixant invariablement les yeux sur la dame au coussin rouge, qui s'était levée et qui s'approchait suivie de son négrillon et de sa fille de chambre. Lorsque la dame au coussin rouge fut près de Porthos, Porthos tira sa main toute ruisselante du bénitier; la belle dévote toucha de sa main effilée la grosse main de Porthos, fit en souriant le signe de la croix et sortit de l'église. C'en fut trop pour la procureuse: elle ne douta plus que cette dame et Porthos fussent en galanterie. Si elle eût été une grande dame, elle se serait évanouie, mais comme elle n'était qu'une procureuse, elle se contenta de dire au mousquetaire avec une fureur concentrée: «Eh! monsieur Porthos, vous ne m'en offrez pas à moi, d'eau bénite?» Porthos fit, au son de cette voix, un soubresaut comme ferait un homme qui se réveillerait après un somme de cent ans. «Ma... madame! s'écria-t-il, est-ce bien vous? Comment se porte votre mari, ce cher monsieur Coquenard? Est-il toujours aussi ladre qu'il était? Où avais-je donc les yeux, que je ne vous ai pas même aperçue pendant les deux heures qu'a duré ce sermon? -- J'étais à deux pas de vous, monsieur, répondit la procureuse; mais vous ne m'avez pas aperçue parce que vous n'aviez d'yeux que pour la belle dame à qui vous venez de donner de l'eau bénite.» Porthos feignit d'être embarrassé. «Ah! dit-il, vous avez remarqué... -- Il eût fallu être aveugle pour ne pas le voir. -- Oui, dit négligemment Porthos, c'est une duchesse de mes amies avec laquelle j'ai grand-peine à me rencontrer à cause de la jalousie de son mari, et qui m'avait fait prévenir qu'elle viendrait aujourd'hui, rien que pour me voir, dans cette chétive église, au fond de ce quartier perdu. -- Monsieur Porthos, dit la procureuse, auriez-vous la bonté de m'offrir le bras pendant cinq minutes, je causerais volontiers avec vous? -- Comment donc, madame», dit Porthos en se clignant de l'oeil à lui-même comme un joueur qui rit de la dupe qu'il va faire. Dans ce moment, d'Artagnan passait poursuivant Milady; il jeta un regard de côté sur Porthos, et vit ce coup d'oeil triomphant. «Eh! eh! se dit-il à lui même en raisonnant dans le sens de la morale étrangement facile de cette époque galante, en voici un qui pourrait bien être équipé pour le terme voulu.» Porthos, cédant à la pression du bras de sa procureuse comme une barque cède au gouvernail, arriva au cloître Saint-Magloire, passage peu fréquenté, enfermé d'un tourniquet à ses deux bouts. On n'y voyait, le jour, que mendiants qui mangeaient ou enfants qui jouaient. «Ah! monsieur Porthos! s'écria la procureuse, quand elle se fut assurée qu'aucune personne étrangère à la population habituelle de la localité ne pouvait les voir ni les entendre; ah! monsieur Porthos! vous êtes un grand vainqueur, à ce qu'il paraît! -- Moi, madame! dit Porthos en se rengorgeant, et pourquoi cela? -- Et les signes de tantôt, et l'eau bénite? Mais c'est une princesse pour le moins, que cette dame avec son négrillon et sa fille de chambre! -- Vous vous trompez; mon Dieu, non, répondit Porthos, c'est tout bonnement une duchesse. -- Et ce coureur qui attendait à la porte, et ce carrosse avec un cocher à grande livrée qui attendait sur son siège?» Porthos n'avait vu ni le coureur, ni le carrosse; mais, de son regard de femme jalouse, Mme Coquenard avait tout vu. Porthos regretta de n'avoir pas, du premier coup, fait la dame au coussin rouge princesse. «Ah! vous êtes l'enfant chéri des belles, monsieur Porthos! reprit en soupirant la procureuse. -- Mais, répondit Porthos, vous comprenez qu'avec un physique comme celui dont la nature m'a doué, je ne manque pas de bonnes fortunes. -- Mon Dieu! comme les hommes oublient vite! s'écria la procureuse en levant les yeux au ciel. -- Moins vite encore que les femmes, ce me semble, répondit Porthos; car enfin, moi, madame, je puis dire que j'ai été votre victime, lorsque blessé, mourant, je me suis vu abandonné des chirurgiens; moi, le rejeton d'une famille illustre, qui m'étais fié à votre amitié, j'ai manqué mourir de mes blessures d'abord, et de faim ensuite dans une mauvaise auberge de Chantilly, et cela sans que vous ayez daigné répondre une seule fois aux lettres brûlantes que je vous ai écrites. -- Mais, monsieur Porthos..., murmura la procureuse, qui sentait qu'à en juger par la conduite des plus grandes dames de ce temps- là, elle était dans son tort. -- Moi qui avais sacrifié pour vous la comtesse de Penaflor... -- Je le sais bien. -- La baronne de... -- Monsieur Porthos, ne m'accablez pas. -- La duchesse de... -- Monsieur Porthos, soyez généreux! -- Vous avez raison, madame, et je n'achèverai pas. -- Mais c'est mon mari qui ne veut pas entendre parler de prêter. -- Madame Coquenard, dit Porthos, rappelez-vous la première lettre que vous m'avez écrite et que je conserve gravée dans ma mémoire.» La procureuse poussa un gémissement. «Mais c'est qu'aussi, dit-elle, la somme que vous demandiez à emprunter était un peu bien forte. -- Madame Coquenard, je vous donnais la préférence. Je n'ai eu qu'à écrire à la duchesse de... Je ne veux pas dire son nom, car je ne sais pas ce que c'est que de compromettre une femme; mais ce que je sais, c'est que je n'ai eu qu'à lui écrire pour qu'elle m'en envoyât quinze cents.» La procureuse versa une larme. «Monsieur Porthos, dit-elle, je vous jure que vous m'avez grandement punie, et que si dans l'avenir vous vous retrouviez en pareille passe, vous n'auriez qu'à vous adresser à moi. -- Fi donc, madame! dit Porthos comme révolté, ne parlons pas argent, s'il vous plaît, c'est humiliant. -- Ainsi, vous ne m'aimez plus!» dit lentement et tristement la procureuse. Porthos garda un majestueux silence. «C'est ainsi que vous me répondez? Hélas! je comprends. -- Songez à l'offense que vous m'avez faite, madame: elle est restée là, dit Porthos, en posant la main à son coeur et en l'y appuyant avec force. -- Je la réparerai; voyons, mon cher Porthos! -- D'ailleurs, que vous demandais-je, moi? reprit Porthos avec un mouvement d'épaules plein de bonhomie; un prêt, pas autre chose. Après tout, je ne suis pas un homme déraisonnable. Je sais que vous n'êtes pas riche, madame Coquenard, et que votre mari est obligé de sangsurer les pauvres plaideurs pour en tirer quelques pauvres écus. Oh! si vous étiez comtesse, marquise ou duchesse, ce serait autre chose, et vous seriez impardonnable.» La procureuse fut piquée. «Apprenez, monsieur Porthos, dit-elle, que mon coffre-fort, tout coffre-fort de procureuse qu'il est, est peut-être mieux garni que celui de toutes vos mijaurées ruinées. -- Double offense que vous m'avez faite alors, dit Porthos en dégageant le bras de la procureuse de dessous le sien; car si vous êtes riche, madame Coquenard, alors votre refus n'a plus d'excuse. -- Quand je dis riche, reprit la procureuse, qui vit qu'elle s'était laissé entraîner trop loin, il ne faut pas prendre le mot au pied de la lettre. Je ne suis pas précisément riche, je suis à mon aise. -- Tenez, madame, dit Porthos, ne parlons plus de tout cela, je vous en prie. Vous m'avez méconnu; toute sympathie est éteinte entre nous. -- Ingrat que vous êtes! -- Ah! je vous conseille de vous plaindre! dit Porthos. -- Allez donc avec votre belle duchesse! je ne vous retiens plus. -- Eh! elle n'est déjà point si décharnée, que je crois! -- Voyons, monsieur Porthos, encore une fois, c'est la dernière: m'aimez-vous encore? -- Hélas! madame, dit Porthos du ton le plus mélancolique qu'il put prendre, quand nous allons entrer en campagne, dans une campagne où mes pressentiments me disent que je serai tué... -- Oh! ne dites pas de pareilles choses! s'écria la procureuse en éclatant en sanglots. -- Quelque chose me le dit, continua Porthos en mélancolisant de plus en plus. -- Dites plutôt que vous avez un nouvel amour. -- Non pas, je vous parle franc. Nul objet nouveau ne me touche, et même je sens là, au fond de mon coeur, quelque chose qui parle pour vous. Mais, dans quinze jours, comme vous le savez ou comme vous ne le savez pas, cette fatale campagne s'ouvre; je vais être affreusement préoccupé de mon équipement. Puis je vais faire un voyage dans ma famille, au fond de la Bretagne, pour réaliser la somme nécessaire à mon départ.» Porthos remarqua un dernier combat entre l'amour et l'avarice. «Et comme, continua-t-il, la duchesse que vous venez de voir à l'église a ses terres près des miennes, nous ferons le voyage ensemble. Les voyages, vous le savez, paraissent beaucoup moins longs quand on les fait à deux. -- Vous n'avez donc point d'amis à Paris, monsieur Porthos? dit la procureuse. -- J'ai cru en avoir, dit Porthos en prenant son air mélancolique, mais j'ai bien vu que je me trompais. -- Vous en avez, monsieur Porthos, vous en avez, reprit la procureuse dans un transport qui la surprit elle-même; revenez demain à la maison. Vous êtes le fils de ma tante, mon cousin par conséquent; vous venez de Noyon en Picardie, vous avez plusieurs procès à Paris, et pas de procureur. Retiendrez-vous bien tout cela? -- Parfaitement, madame. -- Venez à l'heure du dîner. -- Fort bien. -- Et tenez ferme devant mon mari, qui est retors, malgré ses soixante-seize ans. -- Soixante-seize ans! peste! le bel âge! reprit Porthos. -- Le grand âge, vous voulez dire, monsieur Porthos. Aussi le pauvre cher homme peut me laisser veuve d'un moment à l'autre, continua la procureuse en jetant un regard significatif à Porthos. Heureusement que, par contrat de mariage, nous nous sommes tout passé au dernier vivant. -- Tout? dit Porthos. -- Tout. -- Vous êtes femme de précaution, je le vois, ma chère madame Coquenard, dit Porthos en serrant tendrement la main de la procureuse. -- Nous sommes donc réconciliés, cher monsieur Porthos? dit-elle en minaudant. -- Pour la vie, répliqua Porthos sur le même air. -- Au revoir donc, mon traître. -- Au revoir, mon oublieuse. -- À demain, mon ange! -- À demain, flamme de ma vie!» CHAPITRE XXX MILADY D'Artagnan avait suivi Milady sans être aperçu par elle: il la vit monter dans son carrosse, et il l'entendit donner à son cocher l'ordre d'aller à Saint-Germain. Il était inutile d'essayer de suivre à pied une voiture emportée au trot de deux vigoureux chevaux. D'Artagnan revint donc rue Férou. Dans la rue de Seine, il rencontra Planchet, qui était arrêté devant la boutique d'un pâtissier, et qui semblait en extase devant une brioche de la forme la plus appétissante. Il lui donna l'ordre d'aller seller deux chevaux dans les écuries de M. de Tréville, un pour lui d'Artagnan, l'autre pour lui Planchet, et de venir le joindre chez Athos, -- M. de Tréville, une fois pour toutes, ayant mis ses écuries au service de d'Artagnan. Planchet s'achemina vers la rue du Colombier, et d'Artagnan vers la rue Férou. Athos était chez lui, vidant tristement une des bouteilles de ce fameux vin d'Espagne qu'il avait rapporté de son voyage en Picardie. Il fit signe à Grimaud d'apporter un verre pour d'Artagnan, et Grimaud obéit comme d'habitude. D'Artagnan raconta alors à Athos tout ce qui s'était passé à l'église entre Porthos et la procureuse, et comment leur camarade était probablement, à cette heure, en voie de s'équiper. «Quant à moi, répondit Athos à tout ce récit, je suis bien tranquille, ce ne seront pas les femmes qui feront les frais de mon harnais. -- Et cependant, beau, poli, grand seigneur comme vous l'êtes, mon cher Athos, il n'y aurait ni princesses, ni reines à l'abri de vos traits amoureux. -- Que ce d'Artagnan est jeune!» dit Athos en haussant les épaules. Et il fit signe à Grimaud d'apporter une seconde bouteille. En ce moment, Planchet passa modestement la tête par la porte entrebâillée, et annonça à son maître que les deux chevaux étaient là. «Quels chevaux? demanda Athos. -- Deux que M. de Tréville me prête pour la promenade, et avec lesquels je vais aller faire un tour à Saint-Germain. -- Et qu'allez-vous faire à Saint-Germain?» demanda encore Athos. Alors d'Artagnan lui raconta la rencontre qu'il avait faite dans l'église, et comment il avait retrouvé cette femme qui, avec le seigneur au manteau noir et à la cicatrice près de la tempe, était sa préoccupation éternelle. «C'est-à-dire que vous êtes amoureux de celle-là, comme vous l'étiez de Mme Bonacieux, dit Athos en haussant dédaigneusement les épaules, comme s'il eût pris en pitié la faiblesse humaine. -- Moi, point du tout! s'écria d'Artagnan. Je suis seulement curieux d'éclaircir le mystère auquel elle se rattache. Je ne sais pourquoi, je me figure que cette femme, tout inconnue qu'elle m'est et tout inconnu que je lui suis, a une action sur ma vie. -- Au fait, vous avez raison, dit Athos, je ne connais pas une femme qui vaille la peine qu'on la cherche quand elle est perdue. Mme Bonacieux est perdue, tant pis pour elle! qu'elle se retrouve! -- Non, Athos, non, vous vous trompez, dit d'Artagnan; j'aime ma pauvre Constance plus que jamais, et si je savais le lieu où elle est, fût-elle au bout du monde, je partirais pour la tirer des mains de ses ennemis; mais je l'ignore, toutes mes recherches ont été inutiles. Que voulez-vous, il faut bien se distraire. -- Distrayez-vous donc avec Milady, mon cher d'Artagnan; je le souhaite de tout mon coeur, si cela peut vous amuser. -- Écoutez, Athos, dit d'Artagnan, au lieu de vous tenir enfermé ici comme si vous étiez aux arrêts, montez à cheval et venez vous promener avec moi à Saint-Germain. -- Mon cher, répliqua Athos, je monte mes chevaux quand j'en ai, sinon je vais à pied. -- Eh bien, moi, répondit d'Artagnan en souriant de la misanthropie d'Athos, qui dans un autre l'eût certainement blessé, moi, je suis moins fier que vous, je monte ce que je trouve. Ainsi, au revoir, mon cher Athos. -- Au revoir», dit le mousquetaire en faisant signe à Grimaud de déboucher la bouteille qu'il venait d'apporter. D'Artagnan et Planchet se mirent en selle et prirent le chemin de Saint-Germain. Tout le long de la route, ce qu'Athos avait dit au jeune homme de Mme Bonacieux lui revenait à l'esprit. Quoique d'Artagnan ne fût pas d'un caractère fort sentimental, la jolie mercière avait fait une impression réelle sur son coeur: comme il le disait, il était prêt à aller au bout du monde pour la chercher. Mais le monde a bien des bouts, par cela même qu'il est rond; de sorte qu'il ne savait de quel côté se tourner. En attendant, il allait tâcher de savoir ce que c'était que Milady. Milady avait parlé à l'homme au manteau noir, donc elle le connaissait. Or, dans l'esprit de d'Artagnan, c'était l'homme au manteau noir qui avait enlevé Mme Bonacieux une seconde fois, comme il l'avait enlevée une première. D'Artagnan ne mentait donc qu'à moitié, ce qui est bien peu mentir, quand il disait qu'en se mettant à la recherche de Milady, il se mettait en même temps à la recherche de Constance. Tout en songeant ainsi et en donnant de temps en temps un coup d'éperon à son cheval, d'Artagnan avait fait la route et était arrivé à Saint-Germain. Il venait de longer le pavillon où, dix ans plus tard, devait naître Louis XIV. Il traversait une rue fort déserte, regardant à droite et à gauche s'il ne reconnaîtrait pas quelque vestige de sa belle Anglaise, lorsque au rez-de-chaussée d'une jolie maison qui, selon l'usage du temps, n'avait aucune fenêtre sur la rue, il vit apparaître une figure de connaissance. Cette figure se promenait sur une sorte de terrasse garnie de fleurs. Planchet la reconnut le premier. «Eh! monsieur dit-il s'adressant à d'Artagnan, ne vous remettez-vous pas ce visage qui baye aux corneilles? -- Non, dit d'Artagnan; et cependant je suis certain que ce n'est point la première fois que je le vois, ce visage. -- Je le crois pardieu bien, dit Planchet: c'est ce pauvre Lubin, le laquais du comte de Wardes, celui que vous avez si bien accommodé il y a un mois, à Calais, sur la route de la maison de campagne du gouverneur. -- Ah! oui bien, dit d'Artagnan, et je le reconnais à cette heure. Crois-tu qu'il te reconnaisse, toi? -- Ma foi, monsieur, il était si fort troublé que je doute qu'il ait gardé de moi une mémoire bien nette. -- Eh bien, va donc causer avec ce garçon, dit d'Artagnan, et informe-toi dans la conversation si son maître est mort.» Planchet descendit de cheval, marcha droit à Lubin, qui en effet ne le reconnut pas, et les deux laquais se mirent à causer dans la meilleure intelligence du monde, tandis que d'Artagnan poussait les deux chevaux dans une ruelle et, faisant le tour d'une maison, s'en revenait assister à la conférence derrière une haie de coudriers. Au bout d'un instant d'observation derrière la haie, il entendit le bruit d'une voiture, et il vit s'arrêter en face de lui le carrosse de Milady. Il n'y avait pas à s'y tromper. Milady était dedans. D'Artagnan se coucha sur le cou de son cheval, afin de tout voir sans être vu. Milady sortit sa charmante tête blonde par la portière, et donna des ordres à sa femme de chambre. Cette dernière, jolie fille de vingt à vingt-deux ans, alerte et vive, véritable soubrette de grande dame, sauta en bas du marchepied, sur lequel elle était assise selon l'usage du temps, et se dirigea vers la terrasse où d'Artagnan avait aperçu Lubin. D'Artagnan suivit la soubrette des yeux, et la vit s'acheminer vers la terrasse. Mais, par hasard, un ordre de l'intérieur avait appelé Lubin, de sorte que Planchet était resté seul, regardant de tous côtés par quel chemin avait disparu d'Artagnan. La femme de chambre s'approcha de Planchet, qu'elle prit pour Lubin, et lui tendant un petit billet: «Pour votre maître, dit-elle. -- Pour mon maître? reprit Planchet étonné. -- Oui, et très pressé. Prenez donc vite.» Là-dessus elle s'enfuit vers le carrosse, retourné à l'avance du côté par lequel il était venu; elle s'élança sur le marchepied, et le carrosse repartit. Planchet tourna et retourna le billet, puis, accoutumé à l'obéissance passive, il sauta à bas de la terrasse, enfila la ruelle et rencontra au bout de vingt pas d'Artagnan qui, ayant tout vu, allait au-devant de lui. «Pour vous, monsieur, dit Planchet, présentant le billet au jeune homme. -- Pour moi? dit d'Artagnan; en es-tu bien sûr? -- Pardieu! si j'en suis sûr; la soubrette a dit: "Pour ton maître." Je n'ai d'autre maître que vous; ainsi... Un joli brin de fille, ma foi, que cette soubrette!» D'Artagnan ouvrit la lettre, et lut ces mots: «Une personne qui s'intéresse à vous plus qu'elle ne peut le dire voudrait savoir quel jour vous serez en état de vous promener dans la forêt. Demain, à l'hôtel du Champ du Drap d'Or, un laquais noir et rouge attendra votre réponse.» «Oh! oh! se dit d'Artagnan, voilà qui est un peu vif. Il paraît que Milady et moi nous sommes en peine de la santé de la même personne. Eh bien, Planchet, comment se porte ce bon M. de Wardes? il n'est donc pas mort? -- Non, monsieur, il va aussi bien qu'on peut aller avec quatre coups d'épée dans le corps, car vous lui en avez, sans reproche, allongé quatre, à ce cher gentilhomme, et il est encore bien faible, ayant perdu presque tout son sang. Comme je l'avais dit à monsieur, Lubin ne m'a pas reconnu, et m'a raconté d'un bout à l'autre notre aventure. -- Fort bien, Planchet, tu es le roi des laquais; maintenant, remonte à cheval et rattrapons le carrosse.» Ce ne fut pas long; au bout de cinq minutes on aperçut le carrosse arrêté sur le revers de la route, un cavalier richement vêtu se tenait à la portière. La conversation entre Milady et le cavalier était tellement animée, que d'Artagnan s'arrêta de l'autre côté du carrosse sans que personne autre que la jolie soubrette s'aperçût de sa présence. La conversation avait lieu en anglais, langue que d'Artagnan ne comprenait pas; mais, à l'accent, le jeune homme crut deviner que la belle Anglaise était fort en colère; elle termina par un geste qui ne lui laissa point de doute sur la nature de cette conversation: c'était un coup d'éventail appliqué de telle force, que le petit meuble féminin vola en mille morceaux. Le cavalier poussa un éclat de rire qui parut exaspérer Milady. D'Artagnan pensa que c'était le moment d'intervenir; il s'approcha de l'autre portière, et se découvrant respectueusement: «Madame, dit-il, me permettez-vous de vous offrir mes services? Il me semble que ce cavalier vous a mise en colère. Dites un mot, madame, et je me charge de le punir de son manque de courtoisie.» Aux premières paroles, Milady s'était retournée, regardant le jeune homme avec étonnement, et lorsqu'il eut fini: «Monsieur, dit-elle en très bon français, ce serait de grand coeur que je me mettrais sous votre protection si la personne qui me querelle n'était point mon frère. -- Ah! excusez-moi, alors, dit d'Artagnan, vous comprenez que j'ignorais cela, madame. -- De quoi donc se mêle cet étourneau, s'écria en s'abaissant à la hauteur de la portière le cavalier que Milady avait désigné comme son parent, et pourquoi ne passe-t-il pas son chemin? -- Étourneau vous-même, dit d'Artagnan en se baissant à son tour sur le cou de son cheval, et en répondant de son côté par la portière; je ne passe pas mon chemin parce qu'il me plaît de m'arrêter ici.» Le cavalier adressa quelques mots en anglais à sa soeur. «Je vous parle français, moi, dit d'Artagnan; faites-moi donc, je vous prie, le plaisir de me répondre dans la même langue. Vous êtes le frère de madame, soit, mais vous n'êtes pas le mien, heureusement.» On eût pu croire que Milady, craintive comme l'est ordinairement une femme, allait s'interposer dans ce commencement de provocation, afin d'empêcher que la querelle n'allât plus loin; mais, tout au contraire, elle se rejeta au fond de son carrosse, et cria froidement au cocher: «Touche à l'hôtel!» La jolie soubrette jeta un regard d'inquiétude sur d'Artagnan, dont la bonne mine paraissait avoir produit son effet sur elle. Le carrosse partit et laissa les deux hommes en face l'un de l'autre, aucun obstacle matériel ne les séparant plus. Le cavalier fit un mouvement pour suivre la voiture; mais d'Artagnan, dont la colère déjà bouillante s'était encore augmentée en reconnaissant en lui l'Anglais qui, à Amiens, lui avait gagné son cheval et avait failli gagner à Athos son diamant, sauta à la bride et l'arrêta. «Eh! Monsieur, dit-il, vous me semblez encore plus étourneau que moi, car vous me faites l'effet d'oublier qu'il y a entre nous une petite querelle engagée. -- Ah! ah! dit l'Anglais, c'est vous, mon maître. Il faut donc toujours que vous jouiez un jeu ou un autre? -- Oui, et cela me rappelle que j'ai une revanche à prendre. Nous verrons, mon cher monsieur, si vous maniez aussi adroitement la rapière que le cornet. -- Vous voyez bien que je n'ai pas d'épée, dit l'Anglais; voulez- vous faire le brave contre un homme sans armes? -- J'espère bien que vous en avez chez vous, répondit d'Artagnan. En tout cas, j'en ai deux, et si vous le voulez, je vous en jouerai une. -- Inutile, dit l'Anglais, je suis muni suffisamment de ces sortes d'ustensiles. -- Eh bien, mon digne gentilhomme, reprit d'Artagnan choisissez la plus longue et venez me la montrer ce soir. -- Où cela, s'il vous plaît? -- Derrière le Luxembourg, c'est un charmant quartier pour les promenades dans le genre de celle que je vous propose. -- C'est bien, on y sera. -- Votre heure? -- Six heures. -- À propos, vous avez aussi probablement un ou deux amis? -- Mais j'en ai trois qui seront fort honorés de jouer la même partie que moi. -- Trois? à merveille! comme cela se rencontre! dit d'Artagnan, c'est juste mon compte. -- Maintenant, qui êtes-vous? demanda l'Anglais. -- Je suis M. d'Artagnan, gentilhomme gascon, servant aux gardes, compagnie de M. des Essarts. Et vous? -- Moi, je suis Lord de Winter, baron de Sheffield. -- Eh bien, je suis votre serviteur, monsieur le baron, dit d'Artagnan, quoique vous ayez des noms bien difficiles à retenir.» Et piquant son cheval, il le mit au galop, et reprit le chemin de Paris. Comme il avait l'habitude de le faire en pareille occasion, d'Artagnan descendit droit chez Athos. Il trouva Athos couché sur un grand canapé, où il attendait, comme il l'avait dit, que son équipement le vînt trouver. Il raconta à Athos tout ce qui venait de se passer, moins la lettre de M. de Wardes. Athos fut enchanté lorsqu'il sut qu'il allait se battre contre un Anglais. Nous avons dit que c'était son rêve. On envoya chercher à l'instant même Porthos et Aramis par les laquais, et on les mit au courant de la situation. Porthos tira son épée hors du fourreau et se mit à espadonner contre le mur en se reculant de temps en temps et en faisant des pliés comme un danseur. Aramis, qui travaillait toujours à son poème, s'enferma dans le cabinet d'Athos et pria qu'on ne le dérangeât plus qu'au moment de dégainer. Athos demanda par signe à Grimaud une bouteille. Quant à d'Artagnan, il arrangea en lui-même un petit plan dont nous verrons plus tard l'exécution, et qui lui promettait quelque gracieuse aventure, comme on pouvait le voir aux sourires qui, de temps en temps, passaient sur son visage dont ils éclairaient la rêverie. CHAPITRE XXXI ANGLAIS ET FRANÇAIS L'heure venue, on se rendit avec les quatre laquais, derrière le Luxembourg, dans un enclos abandonné aux chèvres. Athos donna une pièce de monnaie au chevrier pour qu'il s'écartât. Les laquais furent chargés de faire sentinelle. Bientôt une troupe silencieuse s'approcha du même enclos, y pénétra et joignit les mousquetaires; puis, selon les habitudes d'outre-mer, les présentations eurent lieu. Les Anglais étaient tous gens de la plus haute qualité, les noms bizarres de leurs adversaires furent donc pour eux un sujet non seulement de surprise, mais encore d'inquiétude. «Mais, avec tout cela, dit Lord de Winter quand les trois amis eurent été nommés, nous ne savons pas qui vous êtes, et nous ne nous battrons pas avec des noms pareils; ce sont des noms de bergers, cela. -- Aussi, comme vous le supposez bien, Milord, ce sont de faux noms, dit Athos. -- Ce qui ne nous donne qu'un plus grand désir de connaître les noms véritables, répondit l'Anglais. -- Vous avez bien joué contre nous sans les connaître, dit Athos, à telles enseignes que vous nous avez gagné nos deux chevaux? -- C'est vrai, mais nous ne risquions que nos pistoles; cette fois nous risquons notre sang: on joue avec tout le monde, on ne se bat qu'avec ses égaux. -- C'est juste», dit Athos. Et il prit à l'écart celui des quatre Anglais avec lequel il devait se battre, et lui dit son nom tout bas. Porthos et Aramis en firent autant de leur côté. «Cela vous suffit-il, dit Athos à son adversaire, et me trouvez- vous assez grand seigneur pour me faire la grâce de croiser l'épée avec moi? -- Oui, monsieur, dit l'Anglais en s'inclinant. -- Eh bien, maintenant, voulez-vous que je vous dise une chose? reprit froidement Athos. -- Laquelle? demanda l'Anglais. -- C'est que vous auriez aussi bien fait de ne pas exiger que je me fisse connaître. -- Pourquoi cela? -- Parce qu'on me croit mort, que j'ai des raisons pour désirer qu'on ne sache pas que je vis, et que je vais être obligé de vous tuer, pour que mon secret ne coure pas les champs.» L'Anglais regarda Athos, croyant que celui-ci plaisantait; mais Athos ne plaisantait pas le moins du monde. «Messieurs, dit-il en s'adressant à la fois à ses compagnons et à leurs adversaires, y sommes-nous? -- Oui, répondirent tout d'une voix Anglais et Français. -- Alors, en garde», dit Athos. Et aussitôt huit épées brillèrent aux rayons du soleil couchant, et le combat commença avec un acharnement bien naturel entre gens deux fois ennemis. Athos s'escrimait avec autant de calme et de méthode que s'il eût été dans une salle d'armes. Porthos, corrigé sans doute de sa trop grande confiance par son aventure de Chantilly, jouait un jeu plein de finesse et de prudence. Aramis, qui avait le troisième chant de son poème à finir, se dépêchait en homme très pressé. Athos, le premier, tua son adversaire: il ne lui avait porté qu'un coup, mais, comme il l'en avait prévenu, le coup avait été mortel. L'épée lui traversa le coeur. Porthos, le second, étendit le sien sur l'herbe: il lui avait percé la cuisse. Alors, comme l'Anglais, sans faire plus longue résistance, lui avait rendu son épée, Porthos le prit dans ses bras et le porta dans son carrosse. Aramis poussa le sien si vigoureusement, qu'après avoir rompu une cinquantaine de pas, il finit par prendre la fuite à toutes jambes et disparut aux huées des laquais. Quant à d'Artagnan, il avait joué purement et simplement un jeu défensif; puis, lorsqu'il avait vu son adversaire bien fatigué, il lui avait, d'une vigoureuse flanconade, fait sauter son épée. Le baron, se voyant désarmé, fit deux ou trois pas en arrière; mais, dans ce mouvement, son pied glissa, et il tomba à la renverse. D'Artagnan fut sur lui d'un seul bond, et lui portant l'épée à la gorge: «Je pourrais vous tuer, monsieur, dit-il à l'Anglais, et vous êtes bien entre mes mains, mais je vous donne la vie pour l'amour de votre soeur.» D'Artagnan était au comble de la joie; il venait de réaliser le plan qu'il avait arrêté d'avance, et dont le développement avait fait éclore sur son visage les sourires dont nous avons parlé. L'Anglais, enchanté d'avoir affaire à un gentilhomme d'aussi bonne composition, serra d'Artagnan entre ses bras, fit mille caresses aux trois mousquetaires, et, comme l'adversaire de Porthos était déjà installé dans la voiture et que celui d'Aramis avait pris la poudre d'escampette, on ne songea plus qu'au défunt. Comme Porthos et Aramis le déshabillaient dans l'espérance que sa blessure n'était pas mortelle, une grosse bourse s'échappa de sa ceinture. D'Artagnan la ramassa et la tendit à Lord de Winter. «Et que diable voulez-vous que je fasse de cela? dit l'Anglais. -- Vous la rendrez à sa famille, dit d'Artagnan. -- Sa famille se soucie bien de cette misère: elle hérite de quinze mille louis de rente: gardez cette bourse pour vos laquais.» D'Artagnan mit la bourse dans sa poche. «Et maintenant, mon jeune ami, car vous me permettrez, je l'espère, de vous donner ce nom, dit Lord de Winter, dès ce soir, si vous le voulez bien, je vous présenterai à ma soeur, Lady Clarick; car je veux qu'elle vous prenne à son tour dans ses bonnes grâces, et, comme elle n'est point tout à fait mal en cour, peut-être dans l'avenir un mot dit par elle ne vous serait-il point inutile.» D'Artagnan rougit de plaisir, et s'inclina en signe d'assentiment. Pendant ce temps, Athos s'était approché de d'Artagnan. «Que voulez-vous faire de cette bourse? lui dit-il tout bas à l'oreille. -- Mais je comptais vous la remettre, mon cher Athos. -- À moi? et pourquoi cela? -- Dame, vous l'avez tué: ce sont les dépouilles opimes. -- Moi, héritier d'un ennemi! dit Athos, pour qui donc me prenez- vous? -- C'est l'habitude à la guerre, dit d'Artagnan; pourquoi ne serait-ce pas l'habitude dans un duel? -- Même sur le champ de bataille, dit Athos, je n'ai jamais fait cela.» Porthos leva les épaules. Aramis, d'un mouvement de lèvres, approuva Athos. «Alors, dit d'Artagnan, donnons cet argent aux laquais, comme Lord de Winter nous a dit de le faire. -- Oui, dit Athos, donnons cette bourse, non à nos laquais, mais aux laquais anglais.» Athos prit la bourse, et la jeta dans la main du cocher: «Pour vous et vos camarades.» Cette grandeur de manières dans un homme entièrement dénué frappa Porthos lui-même, et cette générosité française, redite par Lord de Winter et son ami, eut partout un grand succès, excepté auprès de MM. Grimaud, Mousqueton, Planchet et Bazin. Lord de Winter, en quittant d'Artagnan, lui donna l'adresse de sa soeur; elle demeurait place Royale, qui était alors le quartier à la mode, au n° 6. D'ailleurs, il s'engageait à le venir prendre pour le présenter. D'Artagnan lui donna rendez-vous à huit heures, chez Athos. Cette présentation à Milady occupait fort la tête de notre Gascon. Il se rappelait de quelle façon étrange cette femme avait été mêlée jusque-là dans sa destinée. Selon sa conviction, c'était quelque créature du cardinal, et cependant il se sentait invinciblement entraîné vers elle, par un de ces sentiments dont on ne se rend pas compte. Sa seule crainte était que Milady ne reconnût en lui l'homme de Meung et de Douvres. Alors, elle saurait qu'il était des amis de M. de Tréville, et par conséquent qu'il appartenait corps et âme au roi, ce qui, dès lors, lui ferait perdre une partie de ses avantages, puisque, connu de Milady comme il la connaissait, il jouerait avec elle à jeu égal. Quant à ce commencement d'intrigue entre elle et le comte de Wardes, notre présomptueux ne s'en préoccupait que médiocrement, bien que le marquis fût jeune, beau, riche et fort avant dans la faveur du cardinal. Ce n'est pas pour rien que l'on a vingt ans, et surtout que l'on est né à Tarbes. D'Artagnan commença par aller faire chez lui une toilette flamboyante; puis, il s'en revint chez Athos, et, selon son habitude, lui raconta tout. Athos écouta ses projets; puis il secoua la tête, et lui recommanda la prudence avec une sorte d'amertume. «Quoi! lui dit-il, vous venez de perdre une femme que vous disiez bonne, charmante, parfaite, et voilà que vous courez déjà après une autre!» D'Artagnan sentit la vérité de ce reproche. «J'aimais Mme Bonacieux avec le coeur, tandis que j'aime Milady avec la tête, dit-il; en me faisant conduire chez elle, je cherche surtout à m'éclairer sur le rôle qu'elle joue à la cour. -- Le rôle qu'elle joue, pardieu! il n'est pas difficile à deviner d'après tout ce que vous m'avez dit. C'est quelque émissaire du cardinal: une femme qui vous attirera dans un piège, où vous laisserez votre tête tout bonnement. -- Diable! mon cher Athos, vous voyez les choses bien en noir, ce me semble. -- Mon cher, je me défie des femmes; que voulez-vous! je suis payé pour cela, et surtout des femmes blondes. Milady est blonde, m'avez-vous dit? -- Elle a les cheveux du plus beau blond qui se puisse voir. -- Ah! mon pauvre d'Artagnan, fit Athos. -- Écoutez, je veux m'éclairer; puis, quand je saurai ce que je désire savoir, je m'éloignerai. -- Éclairez-vous», dit flegmatiquement Athos. Lord de Winter arriva à l'heure dite, mais Athos, prévenu à temps, passa dans la seconde pièce. Il trouva donc d'Artagnan seul, et, comme il était près de huit heures, il emmena le jeune homme. Un élégant carrosse attendait en bas, et comme il était attelé de deux excellents chevaux, en un instant on fut place Royale. Milady Clarick reçut gracieusement d'Artagnan. Son hôtel était d'une somptuosité remarquable; et, bien que la plupart des Anglais, chassés par la guerre, quittassent la France, ou fussent sur le point de la quitter, Milady venait de faire faire chez elle de nouvelles dépenses: ce qui prouvait que la mesure générale qui renvoyait les Anglais ne la regardait pas. «Vous voyez, dit Lord de Winter en présentant d'Artagnan à sa soeur, un jeune gentilhomme qui a tenu ma vie entre ses mains, et qui n'a point voulu abuser de ses avantages, quoique nous fussions deux fois ennemis, puisque c'est moi qui l'ai insulté, et que je suis anglais. Remerciez-le donc, madame, si vous avez quelque amitié pour moi.» Milady fronça légèrement le sourcil; un nuage à peine visible passa sur son front, et un sourire tellement étrange apparut sur ses lèvres, que le jeune homme, qui vit cette triple nuance, en eut comme un frisson. Le frère ne vit rien; il s'était retourné pour jouer avec le singe favori de Milady, qui l'avait tiré par son pourpoint. «Soyez le bienvenu, monsieur, dit Milady d'une voix dont la douceur singulière contrastait avec les symptômes de mauvaise humeur que venait de remarquer d'Artagnan, vous avez acquis aujourd'hui des droits éternels à ma reconnaissance.» L'Anglais alors se retourna et raconta le combat sans omettre un détail. Milady l'écouta avec la plus grande attention; cependant on voyait facilement, quelque effort qu'elle fît pour cacher ses impressions, que ce récit ne lui était point agréable. Le sang lui montait à la tête, et son petit pied s'agitait impatiemment sous sa robe. Lord de Winter ne s'aperçut de rien. Puis, lorsqu'il eut fini, il s'approcha d'une table où étaient servis sur un plateau une bouteille de vin d'Espagne et des verres. Il emplit deux verres et d'un signe invita d'Artagnan à boire. D'Artagnan savait que c'était fort désobliger un Anglais que de refuser de toaster avec lui. Il s'approcha donc de la table, et prit le second verre. Cependant il n'avait point perdu de vue Milady, et dans la glace il s'aperçut du changement qui venait de s'opérer sur son visage. Maintenant qu'elle croyait n'être plus regardée, un sentiment qui ressemblait à de la férocité animait sa physionomie. Elle mordait son mouchoir à belles dents. Cette jolie petite soubrette, que d'Artagnan avait déjà remarquée, entra alors; elle dit en anglais quelques mots à Lord de Winter, qui demanda aussitôt à d'Artagnan la permission de se retirer, s'excusant sur l'urgence de l'affaire qui l'appelait, et chargeant sa soeur d'obtenir son pardon. D'Artagnan échangea une poignée de main avec Lord de Winter et revint près de Milady. Le visage de cette femme, avec une mobilité surprenante, avait repris son expression gracieuse, seulement quelques petites taches rouges disséminées sur son mouchoir indiquaient qu'elle s'était mordu les lèvres jusqu'au sang. Ses lèvres étaient magnifiques, on eût dit du corail. La conversation prit une tournure enjouée. Milady paraissait s'être entièrement remise. Elle raconta que Lord de Winter n'était que son beau-frère et non son frère: elle avait épousé un cadet de famille qui l'avait laissée veuve avec un enfant. Cet enfant était le seul héritier de Lord de Winter, si Lord de Winter ne se mariait point. Tout cela laissait voir à d'Artagnan un voile qui enveloppait quelque chose, mais il ne distinguait pas encore sous ce voile. Au reste, au bout d'une demi-heure de conversation, d'Artagnan était convaincu que Milady était sa compatriote: elle parlait le français avec une pureté et une élégance qui ne laissaient aucun doute à cet égard. D'Artagnan se répandit en propos galants et en protestations de dévouement. À toutes les fadaises qui échappèrent à notre Gascon, Milady sourit avec bienveillance. L'heure de se retirer arriva. D'Artagnan prit congé de Milady et sortit du salon le plus heureux des hommes. Sur l'escalier il rencontra la jolie soubrette, laquelle le frôla doucement en passant, et, tout en rougissant jusqu'aux yeux, lui demanda pardon de l'avoir touché, d'une voix si douce, que le pardon lui fut accordé à l'instant même. D'Artagnan revint le lendemain et fut reçu encore mieux que la veille. Lord de Winter n'y était point, et ce fut Milady qui lui fit cette fois tous les honneurs de la soirée. Elle parut prendre un grand intérêt à lui, lui demanda d'où il était, quels étaient ses amis, et s'il n'avait pas pensé quelquefois à s'attacher au service de M. le cardinal. D'Artagnan, qui, comme on le sait, était fort prudent pour un garçon de vingt ans, se souvint alors de ses soupçons sur Milady; il lui fit un grand éloge de Son Éminence, lui dit qu'il n'eût point manqué d'entrer dans les gardes du cardinal au lieu d'entrer dans les gardes du roi, s'il eût connu par exemple M. de Cavois au lieu de connaître M. de Tréville. Milady changea de conversation sans affectation aucune, et demanda à d'Artagnan de la façon la plus négligée du monde s'il n'avait jamais été en Angleterre. D'Artagnan répondit qu'il y avait été envoyé par M. de Tréville pour traiter d'une remonte de chevaux et qu'il en avait même ramené quatre comme échantillon. Milady, dans le cours de la conversation, se pinça deux ou trois fois les lèvres: elle avait affaire à un Gascon qui jouait serré. À la même heure que la veille d'Artagnan se retira. Dans le corridor il rencontra encore la jolie Ketty; c'était le nom de la soubrette. Celle-ci le regarda avec une expression de mystérieuse bienveillance à laquelle il n'y avait point à se tromper. Mais d'Artagnan était si préoccupé de la maîtresse, qu'il ne remarquait absolument que ce qui venait d'elle. D'Artagnan revint chez Milady le lendemain et le surlendemain, et chaque fois Milady lui fit un accueil plus gracieux. Chaque fois aussi, soit dans l'antichambre, soit dans le corridor, soit sur l'escalier, il rencontrait la jolie soubrette. Mais, comme nous l'avons dit, d'Artagnan ne faisait aucune attention à cette persistance de la pauvre Ketty. CHAPITRE XXXII UN DÎNER DE PROCUREUR Cependant le duel dans lequel Porthos avait joué un rôle si brillant ne lui avait pas fait oublier le dîner auquel l'avait invité la femme du procureur. Le lendemain, vers une heure, il se fit donner le dernier coup de brosse par Mousqueton, et s'achemina vers la rue aux Ours, du pas d'un homme qui est en double bonne fortune. Son coeur battait, mais ce n'était pas, comme celui de d'Artagnan, d'un jeune et impatient amour. Non, un intérêt plus matériel lui fouettait le sang, il allait enfin franchir ce seuil mystérieux, gravir cet escalier inconnu qu'avaient monté, un à un, les vieux écus de maître Coquenard. Il allait voir en réalité certain bahut dont vingt fois il avait vu l'image dans ses rêves; bahut de forme longue et profonde, cadenassé, verrouillé, scellé au sol; bahut dont il avait si souvent entendu parler, et que les mains un peu sèches, il est vrai, mais non pas sans élégance de la procureuse, allaient ouvrir à ses regards admirateurs. Et puis lui, l'homme errant sur la terre, l'homme sans fortune, l'homme sans famille, le soldat habitué aux auberges, aux cabarets, aux tavernes, aux posadas, le gourmet forcé pour la plupart du temps de s'en tenir aux lippées de rencontre, il allait tâter des repas de ménage, savourer un intérieur confortable, et se laisser faire à ces petits soins, qui, plus on est dur, plus ils plaisent, comme disent les vieux soudards. Venir en qualité de cousin s'asseoir tous les jours à une bonne table, dérider le front jaune et plissé du vieux procureur, plumer quelque peu les jeunes clercs en leur apprenant la bassette, le passe-dix et le lansquenet dans leurs plus fines pratiques, et en leur gagnant par manière d'honoraires, pour la leçon qu'il leur donnerait en une heure, leurs économies d'un mois, tout cela souriait énormément à Porthos. Le mousquetaire se retraçait bien, de-ci, de-là, les mauvais propos qui couraient dès ce temps-là sur les procureurs et qui leur ont survécu: la lésine, la rognure, les jours de jeûne, mais comme, après tout, sauf quelques accès d'économie que Porthos avait toujours trouvés fort intempestifs, il avait vu la procureuse assez libérale, pour une procureuse, bien entendu, il espéra rencontrer une maison montée sur un pied flatteur. Cependant, à la porte, le mousquetaire eut quelques doutes, l'abord n'était point fait pour engager les gens: allée puante et noire, escalier mal éclairé par des barreaux au travers desquels filtrait le jour gris d'une cour voisine; au premier une porte basse et ferrée d'énorme clous comme la porte principale du Grand- Châtelet. Porthos heurta du doigt; un grand clerc pâle et enfoui sous une forêt de cheveux vierges vint ouvrir et salua de l'air d'un homme forcé de respecter à la fois dans un autre la haute taille qui indique la force, l'habit militaire qui indique l'état, et la mine vermeille qui indique l'habitude de bien vivre. Autre clerc plus petit derrière le premier, autre clerc plus grand derrière le second, saute-ruisseau de douze ans derrière le troisième. En tout, trois clercs et demi; ce qui, pour le temps, annonçait une étude des plus achalandées. Quoique le mousquetaire ne dût arriver qu'à une heure, depuis midi la procureuse avait l'oeil au guet et comptait sur le coeur et peut-être aussi sur l'estomac de son adorateur pour lui faire devancer l'heure. Mme Coquenard arriva donc par la porte de l'appartement, presque en même temps que son convive arrivait par la porte de l'escalier, et l'apparition de la digne dame le tira d'un grand embarras. Les clercs avaient l'oeil curieux, et lui, ne sachant trop que dire à cette gamme ascendante et descendante, demeurait la langue muette. «C'est mon cousin, s'écria la procureuse; entrez donc, entrez donc, monsieur Porthos.» Le nom de Porthos fit son effet sur les clercs, qui se mirent à rire; mais Porthos se retourna, et tous les visages rentrèrent dans leur gravité. On arriva dans le cabinet du procureur après avoir traversé l'antichambre où étaient les clercs, et l'étude où ils auraient dû être: cette dernière chambre était une sorte de salle noire et meublée de paperasses. En sortant de l'étude on laissa la cuisine à droite, et l'on entra dans la salle de réception. Toutes ces pièces qui se commandaient n'inspirèrent point à Porthos de bonnes idées. Les paroles devaient s'entendre de loin par toutes ces portes ouvertes; puis, en passant, il avait jeté un regard rapide et investigateur sur la cuisine, et il s'avouait à lui-même, à la honte de la procureuse et à son grand regret, à lui, qu'il n'y avait pas vu ce feu, cette animation, ce mouvement qui, au moment d'un bon repas, règnent ordinairement dans ce sanctuaire de la gourmandise. Le procureur avait sans doute été prévenu de cette visite, car il ne témoigna aucune surprise à la vue de Porthos, qui s'avança jusqu'à lui d'un air assez dégagé et le salua courtoisement. «Nous sommes cousins, à ce qu'il paraît, monsieur Porthos?» dit le procureur en se soulevant à la force des bras sur son fauteuil de canne. Le vieillard, enveloppé dans un grand pourpoint noir où se perdait son corps fluet, était vert et sec; ses petits yeux gris brillaient comme des escarboucles, et semblaient, avec sa bouche grimaçante, la seule partie de son visage où la vie fût demeurée. Malheureusement les jambes commençaient à refuser le service à toute cette machine osseuse; depuis cinq ou six mois que cet affaiblissement s'était fait sentir, le digne procureur était à peu près devenu l'esclave de sa femme. Le cousin fut accepté avec résignation, voilà tout. Maître Coquenard ingambe eût décliné toute parenté avec M. Porthos. «Oui, monsieur, nous sommes cousins, dit sans se déconcerter Porthos, qui, d'ailleurs, n'avait jamais compté être reçu par le mari avec enthousiasme. -- Par les femmes, je crois?» dit malicieusement le procureur. Porthos ne sentit point cette raillerie et la prit pour une naïveté dont il rit dans sa grosse moustache. Mme Coquenard, qui savait que le procureur naïf était une variété fort rare dans l'espèce, sourit un peu et rougit beaucoup. Maître Coquenard avait, dès l'arrivée de Porthos, jeté les yeux avec inquiétude sur une grande armoire placée en face de son bureau de chêne. Porthos comprit que cette armoire, quoiqu'elle ne répondît point par la forme à celle qu'il avait vue dans ses songes, devait être le bienheureux bahut, et il s'applaudit de ce que la réalité avait six pieds de plus en hauteur que le rêve. Maître Coquenard ne poussa pas plus loin ses investigations généalogiques, mais en ramenant son regard inquiet de l'armoire sur Porthos, il se contenta de dire: «Monsieur notre cousin, avant son départ pour la campagne, nous fera bien la grâce de dîner une fois avec nous, n'est-ce pas, madame Coquenard!» Cette fois, Porthos reçut le coup en plein estomac et le sentit; il paraît que de son côté Mme Coquenard non plus n'y fut pas insensible, car elle ajouta: «Mon cousin ne reviendra pas s'il trouve que nous le traitons mal; mais, dans le cas contraire, il a trop peu de temps à passer à Paris, et par conséquent à nous voir, pour que nous ne lui demandions pas presque tous les instants dont il peut disposer jusqu'à son départ. -- Oh! mes jambes, mes pauvres jambes! où êtes-vous?» murmura Coquenard. Et il essaya de sourire. Ce secours qui était arrivé à Porthos au moment où il était attaqué dans ses espérances gastronomiques inspira au mousquetaire beaucoup de reconnaissance pour sa procureuse. Bientôt l'heure du dîner arriva. On passa dans la salle à manger, grande pièce noire qui était située en face de la cuisine. Les clercs, qui, à ce qu'il paraît, avaient senti dans la maison des parfums inaccoutumés, étaient d'une exactitude militaire, et tenaient en main leurs tabourets, tout prêts qu'ils étaient à s'asseoir. On les voyait d'avance remuer les mâchoires avec des dispositions effrayantes. «Tudieu! pensa Porthos en jetant un regard sur les trois affamés, car le saute-ruisseau n'était pas, comme on le pense bien, admis aux honneurs de la table magistrale; tudieu! à la place de mon cousin, je ne garderais pas de pareils gourmands. On dirait des naufragés qui n'ont pas mangé depuis six semaines.» Maître Coquenard entra, poussé sur son fauteuil à roulettes par Mme Coquenard, à qui Porthos, à son tour, vint en aide pour rouler son mari jusqu'à la table. À peine entré, il remua le nez et les mâchoires à l'exemple de ses clercs. «Oh! oh! dit-il, voici un potage qui est engageant!» «Que diable sentent-ils donc d'extraordinaire dans ce potage?» dit Porthos à l'aspect d'un bouillon pâle, abondant, mais parfaitement aveugle, et sur lequel quelques croûtes nageaient rares comme les îles d'un archipel. Mme Coquenard sourit, et, sur un signe d'elle, tout le monde s'assit avec empressement. Maître Coquenard fut le premier servi, puis Porthos; ensuite Mme Coquenard emplit son assiette, et distribua les croûtes sans bouillon aux clercs impatients. En ce moment la porte de la salle à manger s'ouvrit d'elle-même en criant, et Porthos, à travers les battants entrebâillés, aperçut le petit clerc, qui, ne pouvant prendre part au festin, mangeait son pain à la double odeur de la cuisine et de la salle à manger. Après le potage la servante apporta une poule bouillie; magnificence qui fit dilater les paupières des convives, de telle façon qu'elles semblaient prêtes à se fendre. «On voit que vous aimez votre famille, madame Coquenard, dit le procureur avec un sourire presque tragique; voilà certes une galanterie que vous faites à votre cousin.» La pauvre poule était maigre et revêtue d'une de ces grosses peaux hérissées que les os ne percent jamais malgré leurs efforts; il fallait qu'on l'eût cherchée bien longtemps avant de la trouver sur le perchoir où elle s'était retirée pour mourir de vieillesse. «Diable! pensa Porthos, voilà qui est fort triste; je respecte la vieillesse, mais j'en fais peu de cas bouillie ou rôtie.» Et il regarda à la ronde pour voir si son opinion était partagée; mais tout au contraire de lui, il ne vit que des yeux flamboyants, qui dévoraient d'avance cette sublime poule, objet de ses mépris. Mme Coquenard tira le plat à elle, détacha adroitement les deux grandes pattes noires, qu'elle plaça sur l'assiette de son mari; trancha le cou, qu'elle mit avec la tête à part pour elle-même; leva l'aile pour Porthos, et remit à la servante, qui venait de l'apporter, l'animal qui s'en retourna presque intact, et qui avait disparu avant que le mousquetaire eût eu le temps d'examiner les variations que le désappointement amène sur les visages, selon les caractères et les tempéraments de ceux qui l'éprouvent. Au lieu de poulet, un plat de fèves fit son entrée, plat énorme, dans lequel quelques os de mouton, qu'on eût pu, au premier abord, croire accompagnés de viande, faisaient semblant de se montrer. Mais les clercs ne furent pas dupes de cette supercherie, et les mines lugubres devinrent des visages résignés. Mme Coquenard distribua ce mets aux jeunes gens avec la modération d'une bonne ménagère. Le tour du vin était venu. Maître Coquenard versa d'une bouteille de grès fort exiguë le tiers d'un verre à chacun des jeunes gens, s'en versa à lui-même dans des proportions à peu près égales, et la bouteille passa aussitôt du côté de Porthos et de Mme Coquenard. Les jeunes gens remplissaient d'eau ce tiers de vin, puis, lorsqu'ils avaient bu la moitié du verre, ils le remplissaient encore, et ils faisaient toujours ainsi; ce qui les amenait à la fin du repas à avaler une boisson qui de la couleur du rubis était passée à celle de la topaze brûlée. Porthos mangea timidement son aile de poule, et frémit lorsqu'il sentit sous la table le genou de la procureuse qui venait trouver le sien. Il but aussi un demi-verre de ce vin fort ménagé, et qu'il reconnut pour cet horrible cru de Montreuil, la terreur des palais exercés. Maître Coquenard le regarda engloutir ce vin pur et soupira. «Mangerez-vous bien de ces fèves, mon cousin Porthos?» dit Mme Coquenard de ce ton qui veut dire: croyez-moi, n'en mangez pas. «Du diable si j'en goûte!» murmura tout bas Porthos... Puis tout haut: «Merci, ma cousine, dit-il, je n'ai plus faim.» Il se fit un silence: Porthos ne savait quelle contenance tenir. Le procureur répéta plusieurs fois: «Ah! madame Coquenard! je vous en fais mon compliment, votre dîner était un véritable festin; Dieu! ai-je mangé!» Maître Coquenard avait mangé son potage, les pattes noires de la poule et le seul os de mouton où il y eût un peu de viande. Porthos crut qu'on le mystifiait, et commença à relever sa moustache et à froncer le sourcil; mais le genou de Mme Coquenard vint tout doucement lui conseiller la patience. Ce silence et cette interruption de service, qui étaient restés inintelligibles pour Porthos, avaient au contraire une signification terrible pour les clercs: sur un regard du procureur, accompagné d'un sourire de Mme Coquenard, ils se levèrent lentement de table, plièrent leurs serviettes plus lentement encore, puis ils saluèrent et partirent. «Allez, jeunes gens, allez faire la digestion en travaillant», dit gravement le procureur. Les clercs partis, Mme Coquenard se leva et tira d'un buffet un morceau de fromage, des confitures de coings et un gâteau qu'elle avait fait elle-même avec des amandes et du miel. Maître Coquenard fronça le sourcil, parce qu'il voyait trop de mets; Porthos se pinça les lèvres, parce qu'il voyait qu'il n'y avait pas de quoi dîner. Il regarda si le plat de fèves était encore là, le plat de fèves avait disparu. «Festin décidément, s'écria maître Coquenard en s'agitant sur sa chaise, véritable festin, _epulae epularum_; Lucullus dîne chez Lucullus.» Porthos regarda la bouteille qui était près de lui, et il espéra qu'avec du vin, du pain et du fromage il dînerait; mais le vin manquait, la bouteille était vide; M. et Mme Coquenard n'eurent point l'air de s'en apercevoir. «C'est bien, se dit Porthos à lui-même, me voilà prévenu.» Il passa la langue sur une petite cuillerée de confitures, et s'englua les dents dans la pâte collante de Mme Coquenard. «Maintenant, se dit-il, le sacrifice est consommé. Ah! si je n'avais pas l'espoir de regarder avec Mme Coquenard dans l'armoire de son mari!» Maître Coquenard, après les délices d'un pareil repas, qu'il appelait un excès, éprouva le besoin de faire sa sieste. Porthos espérait que la chose aurait lieu séance tenante et dans la localité même; mais le procureur maudit ne voulut entendre à rien: il fallut le conduire dans sa chambre et il cria tant qu'il ne fut pas devant son armoire, sur le rebord de laquelle, pour plus de précaution encore, il posa ses pieds. La procureuse emmena Porthos dans une chambre voisine et l'on commença de poser les bases de la réconciliation. «Vous pourrez venir dîner trois fois la semaine, dit Mme Coquenard. -- Merci, dit Porthos, je n'aime pas à abuser; d'ailleurs, il faut que je songe à mon équipement. -- C'est vrai, dit la procureuse en gémissant... c'est ce malheureux équipement. -- Hélas! oui, dit Porthos, c'est lui. -- Mais de quoi donc se compose l'équipement de votre corps, monsieur Porthos? -- Oh! de bien des choses, dit Porthos; les mousquetaires, comme vous savez, sont soldats d'élite, et il leur faut beaucoup d'objets inutiles aux gardes ou aux Suisses. -- Mais encore, détaillez-le-moi. -- Mais cela peut aller à...», dit Porthos, qui aimait mieux discuter le total que le menu. La procureuse attendait frémissante. «À combien? dit-elle, j'espère bien que cela ne passe point...» Elle s'arrêta, la parole lui manquait. «Oh! non, dit Porthos, cela ne passe point deux mille cinq cents livres; je crois même qu'en y mettant de l'économie, avec deux mille livres je m'en tirerai. -- Bon Dieu, deux mille livres! s'écria-t-elle, mais c'est une fortune.» Porthos fit une grimace des plus significatives, Mme Coquenard la comprit. «Je demandais le détail, dit-elle, parce qu'ayant beaucoup de parents et de pratiques dans le commerce, j'étais presque sûre d'obtenir les choses à cent pour cent au-dessous du prix où vous les payeriez vous-même. -- Ah! ah! fit Porthos, si c'est cela que vous avez voulu dire! -- Oui, cher monsieur Porthos! ainsi ne vous faut-il pas d'abord un cheval? -- Oui, un cheval. -- Eh bien, justement j'ai votre affaire. -- Ah! dit Porthos rayonnant, voilà donc qui va bien quant à mon cheval; ensuite il me faut le harnachement complet, qui se compose d'objets qu'un mousquetaire seul peut acheter, et qui ne montera pas, d'ailleurs, à plus de trois cents livres. -- Trois cents livres: alors mettons trois cents livres» dit la procureuse avec un soupir. Porthos sourit: on se souvient qu'il avait la selle qui lui venait de Buckingham, c'était donc trois cents livres qu'il comptait mettre sournoisement dans sa poche. «Puis, continua-t-il, il y a le cheval de mon laquais et ma valise; quant aux armes, il est inutile que vous vous en préoccupiez, je les ai. -- Un cheval pour votre laquais? reprit en hésitant la procureuse; mais c'est bien grand seigneur, mon ami. -- Eh! madame! dit fièrement Porthos, est-ce que je suis un croquant, par hasard? -- Non; je vous disais seulement qu'un joli mulet avait quelquefois aussi bon air qu'un cheval, et qu'il me semble qu'en vous procurant un joli mulet pour Mousqueton... -- Va pour un joli mulet, dit Porthos; vous avez raison, j'ai vu de très grands seigneurs espagnols dont toute la suite était à mulets. Mais alors, vous comprenez, madame Coquenard, un mulet avec des panaches et des grelots? -- Soyez tranquille, dit la procureuse. -- Reste la valise, reprit Porthos. -- Oh! que cela ne vous inquiète point, s'écria Mme Coquenard: mon mari a cinq ou six valises, vous choisirez la meilleure; il y en a une surtout qu'il affectionnait dans ses voyages, et qui est grande à tenir un monde. -- Elle est donc vide, votre valise? demanda naïvement Porthos. -- Assurément qu'elle est vide, répondit naïvement de son côté la procureuse. -- Ah! mais la valise dont j'ai besoin est une valise bien garnie, ma chère.» Mme Coquenard poussa de nouveaux soupirs. Molière n'avait pas encore écrit sa scène de l'Avare. Mme Coquenard a donc le pas sur Harpagon. Enfin le reste de l'équipement fut successivement débattu de la même manière; et le résultat de la scène fut que la procureuse demanderait à son mari un prêt de huit cents livres en argent, et fournirait le cheval et le mulet qui auraient l'honneur de porter à la gloire Porthos et Mousqueton. Ces conditions arrêtées, et les intérêts stipulés ainsi que l'époque du remboursement, Porthos prit congé de Mme Coquenard. Celle-ci voulait bien le retenir en lui faisant les yeux doux; mais Porthos prétexta les exigences du service, et il fallut que la procureuse cédât le pas au roi. Le mousquetaire rentra chez lui avec une faim de fort mauvaise humeur. CHAPITRE XXXIII SOUBRETTE ET MAÎTRESSE Cependant, comme nous l'avons dit, malgré les cris de sa conscience et les sages conseils d'Athos, d'Artagnan devenait d'heure en heure plus amoureux de Milady; aussi ne manquait-il pas tous les jours d'aller lui faire une cour à laquelle l'aventureux Gascon était convaincu qu'elle ne pouvait, tôt ou tard, manquer de répondre. Un soir qu'il arrivait le nez au vent, léger comme un homme qui attend une pluie d'or, il rencontra la soubrette sous la porte cochère; mais cette fois la jolie Ketty ne se contenta point de lui sourire en passant, elle lui prit doucement la main. «Bon! fit d'Artagnan, elle est chargée de quelque message pour moi de la part de sa maîtresse; elle va m'assigner quelque rendez-vous qu'on n'aura pas osé me donner de vive voix.» Et il regarda la belle enfant de l'air le plus vainqueur qu'il put prendre. «Je voudrais bien vous dire deux mots, monsieur le chevalier..., balbutia la soubrette. -- Parle, mon enfant, parle, dit d'Artagnan, j'écoute. -- Ici, impossible: ce que j'ai à vous dire est trop long et surtout trop secret. -- Eh bien, mais comment faire alors? -- Si monsieur le chevalier voulait me suivre, dit timidement Ketty. -- Où tu voudras, ma belle enfant. -- Alors, venez.» Et Ketty, qui n'avait point lâché la main de d'Artagnan, l'entraîna par un petit escalier sombre et tournant, et, après lui avoir fait monter une quinzaine de marches, ouvrit une porte. «Entrez, monsieur le chevalier, dit-elle, ici nous serons seuls et nous pourrons causer. -- Et quelle est donc cette chambre, ma belle enfant? demanda d'Artagnan. -- C'est la mienne, monsieur le chevalier; elle communique avec celle de ma maîtresse par cette porte. Mais soyez tranquille, elle ne pourra entendre ce que nous dirons, jamais elle ne se couche qu'à minuit.» D'Artagnan jeta un coup d'oeil autour de lui. La petite chambre était charmante de goût et de propreté; mais, malgré lui, ses yeux se fixèrent sur cette porte que Ketty lui avait dit conduire à la chambre de Milady. Ketty devina ce qui se passait dans l'âme du jeune homme et poussa un soupir. «Vous aimez donc bien ma maîtresse, monsieur le chevalier, dit- elle. -- Oh! plus que je ne puis dire! j'en suis fou!» Ketty poussa un second soupir. «Hélas! monsieur, dit-elle, c'est bien dommage! -- Et que diable vois-tu donc là de si fâcheux? demanda d'Artagnan. -- C'est que, monsieur, reprit Ketty, ma maîtresse ne vous aime pas du tout. -- Hein! fit d'Artagnan, t'aurait-elle chargée de me le dire? -- Oh! non pas, monsieur! mais c'est moi qui, par intérêt pour vous, ai pris la résolution de vous en prévenir. -- Merci, ma bonne Ketty, mais de l'intention seulement, car la confidence, tu en conviendras, n'est point agréable. -- C'est-à-dire que vous ne croyez point à ce que je vous ai dit, n'est-ce pas? -- On a toujours peine à croire de pareilles choses, ma belle enfant, ne fût-ce que par amour-propre. -- Donc vous ne me croyez pas? -- J'avoue que jusqu'à ce que tu daignes me donner quelques preuves de ce que tu avances... -- Que dites-vous de celle-ci?» Et Ketty tira de sa poitrine un petit billet. «Pour moi? dit d'Artagnan en s'emparant vivement de la lettre. -- Non, pour un autre. -- Pour un autre? -- Oui. -- Son nom, son nom! s'écria d'Artagnan. -- Voyez l'adresse. -- M. le comte de Wardes.» Le souvenir de la scène de Saint-Germain se présenta aussitôt à l'esprit du présomptueux Gascon; par un mouvement rapide comme la pensée, il déchira l'enveloppe malgré le cri que poussa Ketty en voyant ce qu'il allait faire, ou plutôt ce qu'il faisait. «Oh! mon Dieu! monsieur le chevalier, dit-elle, que faites-vous? -- Moi, rien!» dit d'Artagnan, et il lut: «Vous n'avez pas répondu à mon premier billet; êtes-vous donc souffrant, ou bien auriez-vous oublié quels yeux vous me fîtes au bal de Mme de Guise? Voici l'occasion, comte! ne la laissez pas échapper.» D'Artagnan pâlit; il était blessé dans son amour-propre, il se crut blessé dans son amour. «Pauvre cher monsieur d'Artagnan! dit Ketty d'une voix pleine de compassion et en serrant de nouveau la main du jeune homme. -- Tu me plains, bonne petite! dit d'Artagnan. -- Oh! oui, de tout mon coeur! car je sais ce que c'est que l'amour, moi! -- Tu sais ce que c'est que l'amour? dit d'Artagnan la regardant pour la première fois avec une certaine attention. -- Hélas! oui. -- Eh bien, au lieu de me plaindre, alors, tu ferais bien mieux de m'aider à me venger de ta maîtresse. -- Et quelle sorte de vengeance voudriez-vous en tirer? -- Je voudrais triompher d'elle, supplanter mon rival. -- Je ne vous aiderai jamais à cela, monsieur le chevalier! dit vivement Ketty. -- Et pourquoi cela? demanda d'Artagnan. -- Pour deux raisons. -- Lesquelles? -- La première, c'est que jamais ma maîtresse ne vous a aimé. -- Qu'en sais-tu? -- Vous l'avez blessée au coeur. -- Moi! en quoi puis-je l'avoir blessée, moi qui, depuis que je la connais, vis à ses pieds comme un esclave! parle, je t'en prie. -- Je n'avouerais jamais cela qu'à l'homme... qui lirait jusqu'au fond de mon âme!» D'Artagnan regarda Ketty pour la seconde fois. La jeune fille était d'une fraîcheur et d'une beauté que bien des duchesses eussent achetées de leur couronne. «Ketty, dit-il, je lirai jusqu'au fond de ton âme quand tu voudras; qu'à cela ne tienne, ma chère enfant.» Et il lui donna un baiser sous lequel la pauvre enfant devint rouge comme une cerise. «Oh! non, s'écria Ketty, vous ne m'aimez pas! C'est ma maîtresse que vous aimez, vous me l'avez dit tout à l'heure. -- Et cela t'empêche-t-il de me faire connaître la seconde raison? -- La seconde raison, monsieur le chevalier, reprit Ketty enhardie par le baiser d'abord et ensuite par l'expression des yeux du jeune homme, c'est qu'en amour chacun pour soi.» Alors seulement d'Artagnan se rappela les coups d'oeil languissants de Ketty, ses rencontres dans l'antichambre, sur l'escalier, dans le corridor, ses frôlements de main chaque fois qu'elle le rencontrait, et ses soupirs étouffés; mais, absorbé par le désir de plaire à la grande dame, il avait dédaigné la soubrette: qui chasse l'aigle ne s'inquiète pas du passereau. Mais cette fois notre Gascon vit d'un seul coup d'oeil tout le parti qu'on pouvait tirer de cet amour que Ketty venait d'avouer d'une façon si naïve ou si effrontée: interception des lettres adressées au comte de Wardes, intelligences dans la place, entrée à toute heure dans la chambre de Ketty, contiguë à celle de sa maîtresse. Le perfide, comme on le voit, sacrifiait déjà en idée la pauvre fille pour obtenir Milady de gré ou de force. «Eh bien, dit-il à la jeune fille, veux-tu, ma chère Ketty, que je te donne une preuve de cet amour dont tu doutes? -- De quel amour? demanda la jeune fille. -- De celui que je suis tout prêt à ressentir pour toi. -- Et quelle est cette preuve? -- Veux-tu que ce soir je passe avec toi le temps que je passe ordinairement avec ta maîtresse? -- Oh! oui, dit Ketty en battant des mains, bien volontiers. -- Eh bien, ma chère enfant, dit d'Artagnan en s'établissant dans un fauteuil, viens çà que je te dise que tu es la plus jolie soubrette que j'aie jamais vue!» Et il le lui dit tant et si bien, que la pauvre enfant, qui ne demandait pas mieux que de le croire, le crut... Cependant, au grand étonnement de d'Artagnan, la jolie Ketty se défendait avec une certaine résolution. Le temps passe vite, lorsqu'il se passe en attaques et en défenses. Minuit sonna, et l'on entendit presque en même temps retentir la sonnette dans la chambre de Milady. «Grand Dieu! s'écria Ketty, voici ma maîtresse qui m'appelle! Partez, partez vite!» D'Artagnan se leva, prit son chapeau comme s'il avait l'intention d'obéir; puis, ouvrant vivement la porte d'une grande armoire au lieu d'ouvrir celle de l'escalier, il se blottit dedans au milieu des robes et des peignoirs de Milady. «Que faites-vous donc?» s'écria Ketty. D'Artagnan, qui d'avance avait pris la clef, s'enferma dans son armoire sans répondre. «Eh bien, cria Milady d'une voix aigre, dormez-vous donc que vous ne venez pas quand je sonne?» Et d'Artagnan entendit qu'on ouvrit violemment la porte de communication. «Me voici, Milady, me voici», s'écria Ketty en s'élançant à la rencontre de sa maîtresse. Toutes deux rentrèrent dans la chambre à coucher et comme la porte de communication resta ouverte, d'Artagnan put entendre quelque temps encore Milady gronder sa suivante, puis enfin elle s'apaisa, et la conversation tomba sur lui tandis que Ketty accommodait sa maîtresse. «Eh bien, dit Milady, je n'ai pas vu notre Gascon ce soir? -- Comment, madame, dit Ketty, il n'est pas venu! Serait-il volage avant d'être heureux? -- Oh non! il faut qu'il ait été empêché par M. de Tréville ou par M. des Essarts. Je m'y connais, Ketty, et je le tiens, celui-là. -- Qu'en fera madame? -- Ce que j'en ferai!... Sois tranquille, Ketty, il y a entre cet homme et moi une chose qu'il ignore... il a manqué me faire perdre mon crédit près de Son Éminence... Oh! je me vengerai! -- Je croyais que madame l'aimait? -- Moi, l'aimer! je le déteste! Un niais, qui tient la vie de Lord de Winter entre ses mains et qui ne le tue pas, et qui me fait perdre trois cent mille livres de rente! -- C'est vrai, dit Ketty, votre fils était le seul héritier de son oncle, et jusqu'à sa majorité vous auriez eu la jouissance de sa fortune.» D'Artagnan frissonna jusqu'à la moelle des os en entendant cette suave créature lui reprocher, avec cette voix stridente qu'elle avait tant de peine à cacher dans la conversation, de n'avoir pas tué un homme qu'il l'avait vue combler d'amitié. «Aussi, continua Milady, je me serais déjà vengée sur lui-même, si, je ne sais pourquoi, le cardinal ne m'avait recommandé de le ménager. -- Oh! oui, mais madame n'a point ménagé cette petite femme qu'il aimait. -- Oh! la mercière de la rue des Fossoyeurs: est-ce qu'il n'a pas déjà oublié qu'elle existait? La belle vengeance, ma foi!» Une sueur froide coulait sur le front de d'Artagnan: c'était donc un monstre que cette femme. Il se remit à écouter, mais malheureusement la toilette était finie. «C'est bien, dit Milady, rentrez chez vous et demain tâchez enfin d'avoir une réponse à cette lettre que je vous ai donnée. -- Pour M. de Wardes? dit Ketty. -- Sans doute, pour M. de Wardes. -- En voilà un, dit Ketty, qui m'a bien l'air d'être tout le contraire de ce pauvre M. d'Artagnan. -- Sortez, mademoiselle, dit Milady, je n'aime pas les commentaires.» D'Artagnan entendit la porte qui se refermait, puis le bruit de deux verrous que mettait Milady afin de s'enfermer chez elle; de son côté, mais le plus doucement qu'elle put, Ketty donna à la serrure un tour de clef; d'Artagnan alors poussa la porte de l'armoire. «O mon Dieu! dit tout bas Ketty, qu'avez-vous? et comme vous êtes pâle! -- L'abominable créature! murmura d'Artagnan. -- Silence! silence! sortez, dit Ketty; il n'y a qu'une cloison entre ma chambre et celle de Milady, on entend de l'une tout ce qui se dit dans l'autre! -- C'est justement pour cela que je ne sortirai pas, dit d'Artagnan. -- Comment? fit Ketty en rougissant. -- Ou du moins que je sortirai... plus tard.» Et il attira Ketty à lui; il n'y avait plus moyen de résister, la résistance fait tant de bruit! aussi Ketty céda. C'était un mouvement de vengeance contre Milady. D'Artagnan trouva qu'on avait raison de dire que la vengeance est le plaisir des dieux. Aussi, avec un peu de coeur, se serait-il contenté de cette nouvelle conquête; mais d'Artagnan n'avait que de l'ambition et de l'orgueil. Cependant, il faut le dire à sa louange, le premier emploi qu'il avait fait de son influence sur Ketty avait été d'essayer de savoir d'elle ce qu'était devenue Mme Bonacieux, mais la pauvre fille jura sur le crucifix à d'Artagnan qu'elle l'ignorait complètement, sa maîtresse ne laissant jamais pénétrer que la moitié de ses secrets; seulement, elle croyait pouvoir répondre qu'elle n'était pas morte. Quant à la cause qui avait manqué faire perdre à Milady son crédit près du cardinal, Ketty n'en savait pas davantage; mais cette fois, d'Artagnan était plus avancé qu'elle: comme il avait aperçu Milady sur un bâtiment consigné au moment où lui-même quittait l'Angleterre, il se douta qu'il était question cette fois des ferrets de diamants. Mais ce qu'il y avait de plus clair dans tout cela, c'est que la haine véritable, la haine profonde, la haine invétérée de Milady lui venait de ce qu'il n'avait pas tué son beau-frère. D'Artagnan retourna le lendemain chez Milady. Elle était de fort méchante humeur, d'Artagnan se douta que c'était le défaut de réponse de M. de Wardes qui l'agaçait ainsi. Ketty entra; mais Milady la reçut fort durement. Un coup d'oeil qu'elle lança à d'Artagnan voulait dire: Vous voyez ce que je souffre pour vous. Cependant vers la fin de la soirée, la belle lionne s'adoucit, elle écouta en souriant les doux propos de d'Artagnan, elle lui donna même sa main à baiser. D'Artagnan sortit ne sachant plus que penser: mais comme c'était un garçon à qui on ne faisait pas facilement perdre la tête, tout en faisant sa cour à Milady il avait bâti dans son esprit un petit plan. Il trouva Ketty à la porte, et comme la veille il monta chez elle pour avoir des nouvelles. Ketty avait été fort grondée, on l'avait accusée de négligence. Milady ne comprenait rien au silence du comte de Wardes, et elle lui avait ordonné d'entrer chez elle à neuf heures du matin pour y prendre une troisième lettre. D'Artagnan fit promettre à Ketty de lui apporter chez lui cette lettre le lendemain matin; la pauvre fille promit tout ce que voulut son amant: elle était folle. Les choses se passèrent comme la veille: d'Artagnan s'enferma dans son armoire, Milady appela, fit sa toilette, renvoya Ketty et referma sa porte. Comme la veille d'Artagnan ne rentra chez lui qu'à cinq heures du matin. À onze heures, il vit arriver Ketty; elle tenait à la main un nouveau billet de Milady. Cette fois, la pauvre enfant n'essaya pas même de le disputer à d'Artagnan; elle le laissa faire; elle appartenait corps et âme à son beau soldat. D'Artagnan ouvrit le billet et lut ce qui suit: «Voilà la troisième fois que je vous écris pour vous dire que je vous aime. Prenez garde que je ne vous écrive une quatrième pour vous dire que je vous déteste. «Si vous vous repentez de la façon dont vous avez agi avec moi, la jeune fille qui vous remettra ce billet vous dira de quelle manière un galant homme peut obtenir son pardon.» D'Artagnan rougit et pâlit plusieurs fois en lisant ce billet. «Oh! vous l'aimez toujours! dit Ketty, qui n'avait pas détourné un instant les yeux du visage du jeune homme. -- Non, Ketty, tu te trompes, je ne l'aime plus; mais je veux me venger de ses mépris. -- Oui, je connais votre vengeance; vous me l'avez dite. -- Que t'importe, Ketty! tu sais bien que c'est toi seule que j'aime. -- Comment peut-on savoir cela? -- Par le mépris que je ferai d'elle.» Ketty soupira. D'Artagnan prit une plume et écrivit: «Madame, jusqu'ici j'avais douté que ce fût bien à moi que vos deux premiers billets eussent été adressés, tant je me croyais indigne d'un pareil honneur; d'ailleurs j'étais si souffrant, que j'eusse en tout cas hésité à y répondre. «Mais aujourd'hui il faut bien que je croie à l'excès de vos bontés, puisque non seulement votre lettre, mais encore votre suivante, m'affirme que j'ai le bonheur d'être aimé de vous. «Elle n'a pas besoin de me dire de quelle manière un galant homme peut obtenir son pardon. J'irai donc vous demander le mien ce soir à onze heures. Tarder d'un jour serait à mes yeux, maintenant, vous faire une nouvelle offense. «Celui que vous avez rendu le plus heureux des hommes. «Comte DE WARDES.» Ce billet était d'abord un faux, c'était ensuite une indélicatesse; c'était même, au point de vue de nos moeurs actuelles, quelque chose comme une infamie; mais on se ménageait moins à cette époque qu'on ne le fait aujourd'hui. D'ailleurs d'Artagnan, par ses propres aveux, savait Milady coupable de trahison à des chefs plus importants, et il n'avait pour elle qu'une estime fort mince. Et cependant malgré ce peu d'estime, il sentait qu'une passion insensée le brûlait pour cette femme. Passion ivre de mépris, mais passion ou soif, comme on voudra. L'intention de d'Artagnan était bien simple: par la chambre de Ketty il arrivait à celle de sa maîtresse; il profitait du premier moment de surprise, de honte, de terreur pour triompher d'elle; peut-être aussi échouerait-il, mais il fallait bien donner quelque chose au hasard. Dans huit jours la campagne s'ouvrait, et il fallait partir; d'Artagnan n'avait pas le temps de filer le parfait amour. «Tiens, dit le jeune homme en remettant à Ketty le billet tout cacheté, donne cette lettre à Milady; c'est la réponse de M. de Wardes.» La pauvre Ketty devint pâle comme la mort, elle se doutait de ce que contenait le billet. «Écoute, ma chère enfant, lui dit d'Artagnan, tu comprends qu'il faut que tout cela finisse d'une façon ou de l'autre; Milady peut découvrir que tu as remis le premier billet à mon valet, au lieu de le remettre au valet du comte; que c'est moi qui ai décacheté les autres qui devaient être décachetés par M. de Wardes; alors Milady te chasse, et, tu la connais, ce n'est pas une femme à borner là sa vengeance. -- Hélas! dit Ketty, pour qui me suis-je exposée à tout cela? -- Pour moi, je le sais bien, ma toute belle, dit le jeune homme, aussi je t'en suis bien reconnaissant, je te le jure. -- Mais enfin, que contient votre billet? -- Milady te le dira. -- Ah! vous ne m'aimez pas! s'écria Ketty, et je suis bien malheureuse!» À ce reproche il y a une réponse à laquelle les femmes se trompent toujours; d'Artagnan répondit de manière que Ketty demeurât dans la plus grande erreur. Cependant elle pleura beaucoup avant de se décider à remettre cette lettre à Milady, mais enfin elle se décida, c'est tout ce que voulait d'Artagnan. D'ailleurs il lui promit que le soir il sortirait de bonne heure de chez sa maîtresse, et qu'en sortant de chez sa maîtresse il monterait chez elle. Cette promesse acheva de consoler la pauvre Ketty. CHAPITRE XXXIV OÙ IL EST TRAITÉ DE L'ÉQUIPEMENT D'ARAMIS ET DE PORTHOS Depuis que les quatre amis étaient chacun à la chasse de son équipement, il n'y avait plus entre eux de réunion arrêtée. On dînait les uns sans les autres, où l'on se trouvait, ou plutôt où l'on pouvait. Le service, de son côté, prenait aussi sa part de ce temps précieux, qui s'écoulait si vite. Seulement on était convenu de se trouver une fois la semaine, vers une heure, au logis d'Athos, attendu que ce dernier, selon le serment qu'il avait fait, ne passait plus le seuil de sa porte. C'était le jour même où Ketty était venue trouver d'Artagnan chez lui, jour de réunion. À peine Ketty fut-elle sortie, que d'Artagnan se dirigea vers la rue Férou. Il trouva Athos et Aramis qui philosophaient. Aramis avait quelques velléités de revenir à la soutane. Athos, selon ses habitudes, ne le dissuadait ni ne l'encourageait. Athos était pour qu'on laissât à chacun son libre arbitre. Il ne donnait jamais de conseils qu'on ne les lui demandât. Encore fallait-il les lui demander deux fois. «En général, on ne demande de conseils, disait-il, que pour ne les pas suivre; ou, si on les a suivis, que pour avoir quelqu'un à qui l'on puisse faire le reproche de les avoir donnés.» Porthos arriva un instant après d'Artagnan. Les quatre amis se trouvaient donc réunis. Les quatre visages exprimaient quatre sentiments différents: celui de Porthos la tranquillité, celui de d'Artagnan l'espoir, celui d'Aramis l'inquiétude, celui d'Athos l'insouciance. Au bout d'un instant de conversation dans laquelle Porthos laissa entrevoir qu'une personne haut placée avait bien voulu se charger de le tirer d'embarras, Mousqueton entra. Il venait prier Porthos de passer à son logis, où, disait-il d'un air fort piteux, sa présence était urgente. «Sont-ce mes équipages? demanda Porthos. -- Oui et non, répondit Mousqueton. -- Mais enfin que veux-tu dire?... -- Venez, monsieur.» Porthos se leva, salua ses amis et suivit Mousqueton. Un instant après, Bazin apparut au seuil de la porte. «Que me voulez-vous, mon ami? dit Aramis avec cette douceur de langage que l'on remarquait en lui chaque fois que ses idées le ramenaient vers l'église... -- Un homme attend monsieur à la maison, répondit Bazin. -- Un homme! quel homme? -- Un mendiant. -- Faites-lui l'aumône, Bazin, et dites-lui de prier pour un pauvre pécheur. -- Ce mendiant veut à toute force vous parler, et prétend que vous serez bien aise de le voir. -- N'a-t-il rien dit de particulier pour moi? -- Si fait. "Si M. Aramis, a-t-il dit, hésite à me venir trouver, vous lui annoncerez que j'arrive de Tours." -- De Tours? s'écria Aramis; messieurs, mille pardons, mais sans doute cet homme m'apporte des nouvelles que j'attendais.» Et, se levant aussitôt, il s'éloigna rapidement. Restèrent Athos et d'Artagnan. «Je crois que ces gaillards-là ont trouvé leur affaire. Qu'en pensez-vous, d'Artagnan? dit Athos. -- Je sais que Porthos était en bon train, dit d'Artagnan; et quant à Aramis, à vrai dire, je n'en ai jamais été sérieusement inquiet: mais vous, mon cher Athos, vous qui avez si généreusement distribué les pistoles de l'Anglais qui étaient votre bien légitime, qu'allez-vous faire? -- Je suis fort content d'avoir tué ce drôle, mon enfant, vu que c'est pain bénit que de tuer un Anglais: mais si j'avais empoché ses pistoles, elles me pèseraient comme un remords. -- Allons donc, mon cher Athos! vous avez vraiment des idées inconcevables. -- Passons, passons! Que me disait donc M. de Tréville, qui me fit l'honneur de me venir voir hier, que vous hantez ces Anglais suspects que protège le cardinal? -- C'est-à-dire que je rends visite à une Anglaise, celle dont je vous ai parlé. -- Ah! oui, la femme blonde au sujet de laquelle je vous ai donné des conseils que naturellement vous vous êtes bien gardé de suivre. -- Je vous ai donné mes raisons. -- Oui; vous voyez là votre équipement, je crois, à ce que vous m'avez dit. -- Point du tout! j'ai acquis la certitude que cette femme était pour quelque chose dans l'enlèvement de Mme Bonacieux. -- Oui, et je comprends; pour retrouver une femme, vous faites la cour à une autre: c'est le chemin le plus long, mais le plus amusant. D'Artagnan fut sur le point de tout raconter à Athos; mais un point l'arrêta: Athos était un gentilhomme sévère sur le point d'honneur, et il y avait, dans tout ce petit plan que notre amoureux avait arrêté à l'endroit de Milady, certaines choses qui, d'avance, il en était sûr, n'obtiendraient pas l'assentiment du puritain; il préféra donc garder le silence, et comme Athos était l'homme le moins curieux de la terre, les confidences de d'Artagnan en étaient restées là. Nous quitterons donc les deux amis, qui n'avaient rien de bien important à se dire, pour suivre Aramis. À cette nouvelle, que l'homme qui voulait lui parler arrivait de Tours, nous avons vu avec quelle rapidité le jeune homme avait suivi ou plutôt devancé Bazin; il ne fit donc qu'un saut de la rue Férou à la rue de Vaugirard. En entrant chez lui, il trouva effectivement un homme de petite taille, aux yeux intelligents, mais couvert de haillons. «C'est vous qui me demandez? dit le mousquetaire. -- C'est-à-dire que je demande M. Aramis: est-ce vous qui vous appelez ainsi? -- Moi-même: vous avez quelque chose à me remettre? -- Oui, si vous me montrez certain mouchoir brodé. -- Le voici, dit Aramis en tirant une clef de sa poitrine, et en ouvrant un petit coffret de bois d'ébène incrusté de nacre, le voici, tenez. -- C'est bien, dit le mendiant, renvoyez votre laquais.» En effet, Bazin, curieux de savoir ce que le mendiant voulait à son maître, avait réglé son pas sur le sien, et était arrivé presque en même temps que lui; mais cette célérité ne lui servit pas à grand-chose; sur l'invitation du mendiant, son maître lui fit signe de se retirer, et force lui fut d'obéir. Bazin parti, le mendiant jeta un regard rapide autour de lui, afin d'être sûr que personne ne pouvait ni le voir ni l'entendre, et ouvrant sa veste en haillons mal serrée par une ceinture de cuir, il se mit à découdre le haut de son pourpoint, d'où il tira une lettre. Aramis jeta un cri de joie à la vue du cachet, baisa l'écriture, et avec un respect presque religieux, il ouvrit l'épître qui contenait ce qui suit: «Ami, le sort veut que nous soyons séparés quelque temps encore; mais les beaux jours de la jeunesse ne sont pas perdus sans retour. Faites votre devoir au camp; je fais le mien autre part. Prenez ce que le porteur vous remettra; faites la campagne en beau et bon gentilhomme, et pensez à moi, qui baise tendrement vos yeux noirs. «Adieu, ou plutôt au revoir!» Le mendiant décousait toujours; il tira une à une de ses sales habits cent cinquante doubles pistoles d'Espagne, qu'il aligna sur la table; puis, il ouvrit la porte, salua et partit avant que le jeune homme, stupéfait, eût osé lui adresser une parole. Aramis alors relut la lettre, et s'aperçut que cette lettre avait un post-scriptum. «P.-S. -- Vous pouvez faire accueil au porteur, qui est comte et grand d'Espagne.» «Rêves dorés! s'écria Aramis. Oh! la belle vie! oui, nous sommes jeunes! oui, nous aurons encore des jours heureux! Oh! à toi, mon amour, mon sang, ma vie! tout, tout, tout, ma belle maîtresse!» Et il baisait la lettre avec passion, sans même regarder l'or qui étincelait sur la table. Bazin gratta à la porte; Aramis n'avait plus de raison pour le tenir à distance; il lui permit d'entrer. Bazin resta stupéfait à la vue de cet or, et oublia qu'il venait annoncer d'Artagnan, qui, curieux de savoir ce que c'était que le mendiant, venait chez Aramis en sortant de chez Athos. Or, comme d'Artagnan ne se gênait pas avec Aramis, voyant que Bazin oubliait de l'annoncer, il s'annonça lui-même. «Ah! diable, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, si ce sont là les pruneaux qu'on nous envoie de Tours, vous en ferez mon compliment au jardinier qui les récolte. -- Vous vous trompez, mon cher, dit Aramis toujours discret: c'est mon libraire qui vient de m'envoyer le prix de ce poème en vers d'une syllabe que j'avais commencé là-bas. -- Ah! vraiment! dit d'Artagnan; eh bien, votre libraire est généreux, mon cher Aramis, voilà tout ce que je puis vous dire. -- Comment, monsieur! s'écria Bazin, un poème se vend si cher! c'est incroyable! Oh! monsieur! vous faites tout ce que vous voulez, vous pouvez devenir l'égal de M. de Voiture et de M. de Benserade. J'aime encore cela, moi. Un poète, c'est presque un abbé. Ah! monsieur Aramis, mettez-vous donc poète, je vous en prie. -- Bazin, mon ami, dit Aramis, je crois que vous vous mêlez à la conversation.» Bazin comprit qu'il était dans son tort; il baissa la tête, et sortit. «Ah! dit d'Artagnan avec un sourire, vous vendez vos productions au poids de l'or: vous êtes bien heureux, mon ami; mais prenez garde, vous allez perdre cette lettre qui sort de votre casaque, et qui est sans doute aussi de votre libraire.» Aramis rougit jusqu'au blanc des yeux, renfonça sa lettre, et reboutonna son pourpoint. «Mon cher d'Artagnan, dit-il, nous allons, si vous le voulez bien, aller trouver nos amis; et puisque je suis riche, nous recommencerons aujourd'hui à dîner ensemble en attendant que vous soyez riches à votre tour. -- Ma foi! dit d'Artagnan, avec grand plaisir. Il y a longtemps que nous n'avons fait un dîner convenable; et comme j'ai pour mon compte une expédition quelque peu hasardeuse à faire ce soir, je ne serais pas fâché, je l'avoue, de me monter un peu la tête avec quelques bouteilles de vieux bourgogne. -- Va pour le vieux bourgogne; je ne le déteste pas non plus», dit Aramis, auquel la vue de l'or avait enlevé comme avec la main ses idées de retraite. Et ayant mis trois ou quatre doubles pistoles dans sa poche pour répondre aux besoins du moment, il enferma les autres dans le coffre d'ébène incrusté de nacre, où était déjà le fameux mouchoir qui lui avait servi de talisman. Les deux amis se rendirent d'abord chez Athos, qui, fidèle au serment qu'il avait fait de ne pas sortir, se chargea de faire apporter à dîner chez lui: comme il entendait à merveille les détails gastronomiques, d'Artagnan et Aramis ne firent aucune difficulté de lui abandonner ce soin important. Ils se rendaient chez Porthos, lorsque, au coin de la rue du Bac, ils rencontrèrent Mousqueton, qui, d'un air piteux, chassait devant lui un mulet et un cheval. D'Artagnan poussa un cri de surprise, qui n'était pas exempt d'un mélange de joie. «Ah! mon cheval jaune! s'écria-t-il. Aramis, regardez ce cheval! -- Oh! l'affreux roussin! dit Aramis. -- Eh bien, mon cher, reprit d'Artagnan, c'est le cheval sur lequel je suis venu à Paris. -- Comment, monsieur connaît ce cheval? dit Mousqueton. -- Il est d'une couleur originale, fit Aramis; c'est le seul que j'aie jamais vu de ce poil-là. -- Je le crois bien, reprit d'Artagnan, aussi je l'ai vendu trois écus, et il faut bien que ce soit pour le poil, car la carcasse ne vaut certes pas dix-huit livres. Mais comment ce cheval se trouve- t-il entre tes mains, Mousqueton? -- Ah! dit le valet, ne m'en parlez pas, monsieur, c'est un affreux tour du mari de notre duchesse! -- Comment cela, Mousqueton? -- Oui nous sommes vus d'un très bon oeil par une femme de qualité, la duchesse de...; mais pardon! mon maître m'a recommandé d'être discret: elle nous avait forcés d'accepter un petit souvenir, un magnifique genet d'Espagne et un mulet andalou, que c'était merveilleux à voir; le mari a appris la chose, il a confisqué au passage les deux magnifiques bêtes qu'on nous envoyait, et il leur a substitué ces horribles animaux! -- Que tu lui ramènes? dit d'Artagnan. -- Justement! reprit Mousqueton; vous comprenez que nous ne pouvons point accepter de pareilles montures en échange de celles que l'on nous avait promises. -- Non, pardieu, quoique j'eusse voulu voir Porthos sur mon Bouton-d'Or; cela m'aurait donné une idée de ce que j'étais moi- même, quand je suis arrivé à Paris. Mais que nous ne t'arrêtions pas, Mousqueton; va faire la commission de ton maître, va. Est-il chez lui? -- Oui, monsieur, dit Mousqueton, mais bien maussade, allez!» Et il continua son chemin vers le quai des Grands-Augustins, tandis que les deux amis allaient sonner à la porte de l'infortuné Porthos. Celui-ci les avait vus traversant la cour, et il n'avait garde d'ouvrir. Ils sonnèrent donc inutilement. Cependant, Mousqueton continuait sa route, et, traversant le Pont- Neuf, toujours chassant devant lui ses deux haridelles, il atteignit la rue aux Ours. Arrivé là, il attacha, selon les ordres de son maître, cheval et mulet au marteau de la porte du procureur; puis, sans s'inquiéter de leur sort futur, il s'en revint trouver Porthos et lui annonça que sa commission était faite. Au bout d'un certain temps, les deux malheureuses bêtes, qui n'avaient pas mangé depuis le matin, firent un tel bruit en soulevant et en laissant retomber le marteau de la porte, que le procureur ordonna à son saute-ruisseau d'aller s'informer dans le voisinage à qui appartenaient ce cheval et ce mulet. Mme Coquenard reconnut son présent, et ne comprit rien d'abord à cette restitution; mais bientôt la visite de Porthos l'éclaira. Le courroux qui brillait dans les yeux du mousquetaire, malgré la contrainte qu'il s'imposait, épouvanta la sensible amante. En effet, Mousqueton n'avait point caché à son maître qu'il avait rencontré d'Artagnan et Aramis, et que d'Artagnan, dans le cheval jaune, avait reconnu le bidet béarnais sur lequel il était venu à Paris, et qu'il avait vendu trois écus. Porthos sortit après avoir donné rendez-vous à la procureuse dans le cloître Saint-Magloire. Le procureur, voyant que Porthos partait, l'invita à dîner, invitation que le mousquetaire refusa avec un air plein de majesté. Mme Coquenard se rendit toute tremblante au cloître Saint- Magloire, car elle devinait les reproches qui l'y attendaient; mais elle était fascinée par les grandes façons de Porthos. Tout ce qu'un homme blessé dans son amour-propre peut laisser tomber d'imprécations et de reproches sur la tête d'une femme, Porthos le laissa tomber sur la tête courbée de la procureuse. «Hélas! dit-elle, j'ai fait pour le mieux. Un de nos clients est marchand de chevaux, il devait de l'argent à l'étude, et s'est montré récalcitrant. J'ai pris ce mulet et ce cheval pour ce qu'il nous devait; il m'avait promis deux montures royales. -- Eh bien, madame, dit Porthos, s'il vous devait plus de cinq écus, votre maquignon est un voleur. -- Il n'est pas défendu de chercher le bon marché, monsieur Porthos, dit la procureuse cherchant à s'exprimer. -- Non, madame, mais ceux qui cherchent le bon marché doivent permettre aux autres de chercher des amis plus généreux.» Et Porthos, tournant sur ses talons, fit un pas pour se retirer. «Monsieur Porthos! monsieur Porthos! s'écria la procureuse, j'ai tort, je le reconnais, je n'aurais pas dû marchander quand il s'agissait d'équiper un cavalier comme vous!» Porthos, sans répondre, fit un second pas de retraite. La procureuse crut le voir dans un nuage étincelant tout entouré de duchesses et de marquises qui lui jetaient des sacs d'or sous les pieds. «Arrêtez, au nom du Ciel! monsieur Porthos, s'écria-t-elle, arrêtez et causons. -- Causer avec vous me porte malheur, dit Porthos. -- Mais, dites-moi, que demandez-vous? -- Rien, car cela revient au même que si je vous demandais quelque chose.» La procureuse se pendit au bras de Porthos, et, dans l'élan de sa douleur, elle s'écria: «Monsieur Porthos, je suis ignorante de tout cela, moi; sais-je ce que c'est qu'un cheval? sais-je ce que c'est que des harnais? -- Il fallait vous en rapporter à moi, qui m'y connais, madame; mais vous avez voulu ménager, et, par conséquent, prêter à usure. -- C'est un tort, monsieur Porthos, et je le réparerai sur ma parole d'honneur. -- Et comment cela? demanda le mousquetaire. -- Écoutez. Ce soir M. Coquenard va chez M. le duc de Chaulnes, qui l'a mandé. C'est pour une consultation qui durera deux heures au moins, venez, nous serons seuls, et nous ferons nos comptes. -- À la bonne heure! voilà qui est parler, ma chère! -- Vous me pardonnez? -- Nous verrons», dit majestueusement Porthos. Et tous deux se séparèrent en se disant: «À ce soir.» «Diable! pensa Porthos en s'éloignant, il me semble que je me rapproche enfin du bahut de maître Coquenard.» CHAPITRE XXXV LA NUIT TOUS LES CHATS SONT GRIS Ce soir, attendu si impatiemment par Porthos et par d'Artagnan, arriva enfin. D'Artagnan, comme d'habitude, se présenta vers les neuf heures chez Milady. Il la trouva d'une humeur charmante; jamais elle ne l'avait si bien reçu. Notre Gascon vit du premier coup d'oeil que son billet avait été remis, et ce billet faisait son effet. Ketty entra pour apporter des sorbets. Sa maîtresse lui fit une mine charmante, lui sourit de son plus gracieux sourire; mais, hélas! la pauvre fille était si triste, qu'elle ne s'aperçut même pas de la bienveillance de Milady. D'Artagnan regardait l'une après l'autre ces deux femmes, et il était forcé de s'avouer que la nature s'était trompée en les formant; à la grande dame elle avait donné une âme vénale et vile, à la soubrette elle avait donné le coeur d'une duchesse. À dix heures Milady commença à paraître inquiète, d'Artagnan comprit ce que cela voulait dire; elle regardait la pendule, se levait, se rasseyait, souriait à d'Artagnan d'un air qui voulait dire: Vous êtes fort aimable sans doute, mais vous seriez charmant si vous partiez! D'Artagnan se leva et prit son chapeau; Milady lui donna sa main à baiser; le jeune homme sentit qu'elle la lui serrait et comprit que c'était par un sentiment non pas de coquetterie, mais de reconnaissance à cause de son départ. «Elle l'aime diablement», murmura-t-il. Puis il sortit. Cette fois Ketty ne l'attendait aucunement, ni dans l'antichambre, ni dans le corridor, ni sous la grande porte. Il fallut que d'Artagnan trouvât tout seul l'escalier et la petite chambre. Ketty était assise la tête cachée dans ses mains, et pleurait. Elle entendit entrer d'Artagnan, mais elle ne releva point la tête; le jeune homme alla à elle et lui prit les mains, alors elle éclata en sanglots. Comme l'avait présumé d'Artagnan, Milady, en recevant la lettre, avait, dans le délire de sa joie, tout dit à sa suivante; puis, en récompense de la manière dont cette fois elle avait fait la commission, elle lui avait donné une bourse. Ketty, en rentrant chez elle, avait jeté la bourse dans un coin, où elle était restée tout ouverte, dégorgeant trois ou quatre pièces d'or sur le tapis. La pauvre fille, à la voix de d'Artagnan, releva la tête. D'Artagnan lui-même fut effrayé du bouleversement de son visage; elle joignit les mains d'un air suppliant, mais sans oser dire une parole. Si peu sensible que fût le coeur de d'Artagnan, il se sentit attendri par cette douleur muette; mais il tenait trop à ses projets et surtout à celui-ci, pour rien changer au programme qu'il avait fait d'avance. Il ne laissa donc à Ketty aucun espoir de le fléchir, seulement il lui présenta son action comme une simple vengeance. Cette vengeance, au reste, devenait d'autant plus facile, que Milady, sans doute pour cacher sa rougeur à son amant, avait recommandé à Ketty d'éteindre toutes les lumières dans l'appartement, et même dans sa chambre, à elle. Avant le jour, M. de Wardes devait sortir, toujours dans l'obscurité. Au bout d'un instant on entendit Milady qui rentrait dans sa chambre. D'Artagnan s'élança aussitôt dans son armoire. À peine y était-il blotti que la sonnette se fit entendre. Ketty entra chez sa maîtresse, et ne laissa point la porte ouverte; mais la cloison était si mince, que l'on entendait à peu près tout ce qui se disait entre les deux femmes. Milady semblait ivre de joie, elle se faisait répéter par Ketty les moindres détails de la prétendue entrevue de la soubrette avec de Wardes, comment il avait reçu sa lettre, comment il avait répondu, quelle était l'expression de son visage, s'il paraissait bien amoureux; et à toutes ces questions la pauvre Ketty, forcée de faire bonne contenance, répondait d'une voix étouffée dont sa maîtresse ne remarquait même pas l'accent douloureux, tant le bonheur est égoïste. Enfin, comme l'heure de son entretien avec le comte approchait, Milady fit en effet tout éteindre chez elle, et ordonna à Ketty de rentrer dans sa chambre, et d'introduire de Wardes aussitôt qu'il se présenterait. L'attente de Ketty ne fut pas longue. À peine d'Artagnan eut-il vu par le trou de la serrure de son armoire que tout l'appartement était dans l'obscurité, qu'il s'élança de sa cachette au moment même où Ketty refermait la porte de communication. «Qu'est-ce que ce bruit? demanda Milady. -- C'est moi, dit d'Artagnan à demi-voix; moi, le comte de Wardes. -- Oh! mon Dieu, mon Dieu! murmura Ketty, il n'a pas même pu attendre l'heure qu'il avait fixée lui-même! -- Eh bien, dit Milady d'une voix tremblante, pourquoi n'entre-t- il pas? Comte, comte, ajouta-t-elle, vous savez bien que je vous attends!» À cet appel, d'Artagnan éloigna doucement Ketty et s'élança dans la chambre de Milady. Si la rage et la douleur doivent torturer une âme, c'est celle de l'amant qui reçoit sous un nom qui n'est pas le sien des protestations d'amour qui s'adressent à son heureux rival. D'Artagnan était dans une situation douloureuse qu'il n'avait pas prévue, la jalousie le mordait au coeur, et il souffrait presque autant que la pauvre Ketty, qui pleurait en ce même moment dans la chambre voisine. «Oui, comte, disait Milady de sa plus douce voix en lui serrant tendrement la main dans les siennes; oui, je suis heureuse de l'amour que vos regards et vos paroles m'ont exprimé chaque fois que nous nous sommes rencontrés. Moi aussi, je vous aime. Oh! demain, demain, je veux quelque gage de vous qui me prouve que vous pensez à moi, et comme vous pourriez m'oublier, tenez.» Et elle passa une bague de son doigt à celui de d'Artagnan. D'Artagnan se rappela avoir vu cette bague à la main de Milady: c'était un magnifique saphir entouré de brillants. Le premier mouvement de d'Artagnan fut de le lui rendre, mais Milady ajouta: «Non, non; gardez cette bague pour l'amour de moi. Vous me rendez d'ailleurs, en l'acceptant, ajouta-t-elle d'une voix émue, un service bien plus grand que vous ne sauriez l'imaginer.» «Cette femme est pleine de mystères», murmura en lui-même d'Artagnan. En ce moment il se sentit prêt à tout révéler. Il ouvrit la bouche pour dire à Milady qui il était, et dans quel but de vengeance il était venu, mais elle ajouta: «Pauvre ange, que ce monstre de Gascon a failli tuer!» Le monstre, c'était lui. «Oh! continua Milady, est-ce que vos blessures vous font encore souffrir? -- Oui, beaucoup, dit d'Artagnan, qui ne savait trop que répondre. -- Soyez tranquille, murmura Milady, je vous vengerai, moi, et cruellement!» «Peste! se dit d'Artagnan, le moment des confidences n'est pas encore venu.» Il fallut quelque temps à d'Artagnan pour se remettre de ce petit dialogue: mais toutes les idées de vengeance qu'il avait apportées s'étaient complètement évanouies. Cette femme exerçait sur lui une incroyable puissance, il la haïssait et l'adorait à la fois, il n'avait jamais cru que deux sentiments si contraires pussent habiter dans le même coeur, et en se réunissant, former un amour étrange et en quelque sorte diabolique. Cependant une heure venait de sonner; il fallut se séparer; d'Artagnan, au moment de quitter Milady, ne sentit plus qu'un vif regret de s'éloigner, et, dans l'adieu passionné qu'ils s'adressèrent réciproquement, une nouvelle entrevue fut convenue pour la semaine suivante. La pauvre Ketty espérait pouvoir adresser quelques mots à d'Artagnan lorsqu'il passerait dans sa chambre; mais Milady le reconduisit elle-même dans l'obscurité et ne le quitta que sur l'escalier. Le lendemain au matin, d'Artagnan courut chez Athos. Il était engagé dans une si singulière aventure qu'il voulait lui demander conseil. Il lui raconta tout: Athos fronça plusieurs fois le sourcil. «Votre Milady, lui dit-il, me paraît une créature infâme, mais vous n'en avez pas moins eu tort de la tromper: vous voilà d'une façon ou d'une autre une ennemie terrible sur les bras.» Et tout en lui parlant, Athos regardait avec attention le saphir entouré de diamants qui avait pris au doigt de d'Artagnan la place de la bague de la reine, soigneusement remise dans un écrin. «Vous regardez cette bague? dit le Gascon tout glorieux d'étaler aux regards de ses amis un si riche présent. -- Oui, dit Athos, elle me rappelle un bijou de famille. -- Elle est belle, n'est-ce pas? dit d'Artagnan. -- Magnifique! répondit Athos; je ne croyais pas qu'il existât deux saphirs d'une si belle eau. L'avez-vous donc troquée contre votre diamant? -- Non, dit d'Artagnan; c'est un cadeau de ma belle Anglaise, ou plutôt de ma belle Française: car, quoique je ne le lui aie point demandé, je suis convaincu qu'elle est née en France. -- Cette bague vous vient de Milady? s'écria Athos avec une voix dans laquelle il était facile de distinguer une grande émotion. -- D'elle-même; elle me l'a donnée cette nuit. -- Montrez-moi donc cette bague, dit Athos. -- La voici», répondit d'Artagnan en la tirant de son doigt. Athos l'examina et devint très pâle, puis il l'essaya à l'annulaire de sa main gauche; elle allait à ce doigt comme si elle eût été faite pour lui. Un nuage de colère et de vengeance passa sur le front ordinairement calme du gentilhomme. «Il est impossible que ce soit la même, dit-il; comment cette bague se trouverait-elle entre les mains de Milady Clarick? Et cependant il est bien difficile qu'il y ait entre deux bijoux une pareille ressemblance. -- Connaissez-vous cette bague? demanda d'Artagnan. -- J'avais cru la reconnaître, dit Athos, mais sans doute que je me trompais.» Et il la rendit à d'Artagnan, sans cesser cependant de la regarder. «Tenez, dit-il au bout d'un instant, d'Artagnan, ôtez cette bague de votre doigt ou tournez-en le chaton en dedans; elle me rappelle de si cruels souvenirs, que je n'aurais pas ma tête pour causer avec vous. Ne veniez-vous pas me demander des conseils, ne me disiez-vous point que vous étiez embarrassé sur ce que vous deviez faire?... Mais attendez... rendez-moi ce saphir: celui dont je voulais parler doit avoir une de ses faces éraillée par suite d'un accident.» D'Artagnan tira de nouveau la bague de son doigt et la rendit à Athos. Athos tressaillit: «Tenez, dit-il, voyez, n'est-ce pas étrange?» Et il montrait à d'Artagnan cette égratignure qu'il se rappelait devoir exister. «Mais de qui vous venait ce saphir, Athos? -- De ma mère, qui le tenait de sa mère à elle. Comme je vous le dis, c'est un vieux bijou... qui ne devait jamais sortir de la famille. -- Et vous l'avez... vendu? demanda avec hésitation d'Artagnan. -- Non, reprit Athos avec un singulier sourire; je l'ai donné pendant une nuit d'amour, comme il vous a été donné à vous.» D'Artagnan resta pensif à son tour, il lui semblait voir dans l'âme de Milady des abîmes dont les profondeurs étaient sombres et inconnues. Il remit la bague non pas à son doigt, mais dans sa poche. «Écoutez, lui dit Athos en lui prenant la main, vous savez si je vous aime, d'Artagnan; j'aurais un fils que je ne l'aimerais pas plus que vous. Eh bien, croyez-moi, renoncez à cette femme. Je ne la connais pas, mais une espèce d'intuition me dit que c'est une créature perdue, et qu'il y a quelque chose de fatal en elle. -- Et vous avez raison, dit d'Artagnan. Aussi, je m'en sépare; je vous avoue que cette femme m'effraie moi-même. -- Aurez-vous ce courage? dit Athos. -- Je l'aurai, répondit d'Artagnan, et à l'instant même. -- Eh bien, vrai, mon enfant, vous avez raison, dit le gentilhomme en serrant la main du Gascon avec une affection presque paternelle; que Dieu veuille que cette femme, qui est à peine entrée dans votre vie, n'y laisse pas une trace funeste!» Et Athos salua d'Artagnan de la tête, en homme qui veut faire comprendre qu'il n'est pas fâché de rester seul avec ses pensées. En rentrant chez lui d'Artagnan trouva Ketty, qui l'attendait. Un mois de fièvre n'eût pas plus changé la pauvre enfant qu'elle ne l'était pour cette nuit d'insomnie et de douleur. Elle était envoyée par sa maîtresse au faux de Wardes. Sa maîtresse était folle d'amour, ivre de joie: elle voulait savoir quand le comte lui donnerait une seconde entrevue. Et la pauvre Ketty, pâle et tremblante, attendait la réponse de d'Artagnan. Athos avait une grande influence sur le jeune homme: les conseils de son ami joints aux cris de son propre coeur l'avaient déterminé, maintenant que son orgueil était sauvé et sa vengeance satisfaite, à ne plus revoir Milady. Pour toute réponse il prit donc une plume et écrivit la lettre suivante: «Ne comptez pas sur moi, madame, pour le prochain rendez-vous: depuis ma convalescence j'ai tant d'occupations de ce genre qu'il m'a fallu y mettre un certain ordre. Quand votre tour viendra, j'aurai l'honneur de vous en faire part. «Je vous baise les mains. «Comte de Wardes.» Du saphir pas un mot: le Gascon voulait-il garder une arme contre Milady? ou bien, soyons franc, ne conservait-il pas ce saphir comme une dernière ressource pour l'équipement? On aurait tort au reste de juger les actions d'une époque au point de vue d'une autre époque. Ce qui aujourd'hui serait regardé comme une honte pour un galant homme était dans ce temps une chose toute simple et toute naturelle, et les cadets des meilleures familles se faisaient en général entretenir par leurs maîtresses. D'Artagnan passa sa lettre tout ouverte à Ketty, qui la lut d'abord sans la comprendre et qui faillit devenir folle de joie en la relisant une seconde fois. Ketty ne pouvait croire à ce bonheur: d'Artagnan fut forcé de lui renouveler de vive voix les assurances que la lettre lui donnait par écrit; et quel que fût, avec le caractère emporté de Milady, le danger que courût la pauvre enfant à remettre ce billet à sa maîtresse, elle n'en revint pas moins place Royale de toute la vitesse de ses jambes. Le coeur de la meilleure femme est impitoyable pour les douleurs d'une rivale. Milady ouvrit la lettre avec un empressement égal à celui que Ketty avait mis à l'apporter, mais au premier mot qu'elle lut, elle devint livide; puis elle froissa le papier; puis elle se retourna avec un éclair dans les yeux du côté de Ketty. «Qu'est-ce que cette lettre? dit-elle. -- Mais c'est la réponse à celle de madame, répondit Ketty toute tremblante. -- Impossible! s'écria Milady; impossible qu'un gentilhomme ait écrit à une femme une pareille lettre!» Puis tout à coup tressaillant: «Mon Dieu! dit-elle, saurait-il...» Et elle s'arrêta. Ses dents grinçaient, elle était couleur de cendre: elle voulut faire un pas vers la fenêtre pour aller chercher de l'air; mais elle ne put qu'étendre les bras, les jambes lui manquèrent, et elle tomba sur un fauteuil. Ketty crut qu'elle se trouvait mal et se précipita pour ouvrir son corsage. Mais Milady se releva vivement: «Que me voulez-vous? dit-elle, et pourquoi portez-vous la main sur moi? -- J'ai pensé que madame se trouvait mal et j'ai voulu lui porter secours, répondit la suivante tout épouvantée de l'expression terrible qu'avait prise la figure de sa maîtresse. -- Me trouver mal, moi? moi? me prenez-vous pour une femmelette? Quand on m'insulte, je ne me trouve pas mal, je me venge, entendez-vous!» Et de la main elle fit signe à Ketty de sortir. CHAPITRE XXXVI RÊVE DE VENGEANCE Le soir Milady donna l'ordre d'introduire M. d'Artagnan aussitôt qu'il viendrait, selon son habitude. Mais il ne vint pas. Le lendemain Ketty vint voir de nouveau le jeune homme et lui raconta tout ce qui s'était passé la veille: d'Artagnan sourit; cette jalouse colère de Milady, c'était sa vengeance. Le soir Milady fut plus impatiente encore que la veille, elle renouvela l'ordre relatif au Gascon; mais comme la veille elle l'attendit inutilement. Le lendemain Ketty se présenta chez d'Artagnan, non plus joyeuse et alerte comme les deux jours précédents, mais au contraire triste à mourir. D'Artagnan demanda à la pauvre fille ce qu'elle avait; mais celle- ci, pour toute réponse, tira une lettre de sa poche et la lui remit. Cette lettre était de l'écriture de Milady: seulement cette fois elle était bien à l'adresse de d'Artagnan et non à celle de M. de Wardes. Il l'ouvrit et lut ce qui suit: «Cher monsieur d'Artagnan, c'est mal de négliger ainsi ses amis, surtout au moment où l'on va les quitter pour si longtemps. Mon beau-frère et moi nous avons attendu hier et avant-hier inutilement. En sera-t-il de même ce soir? «Votre bien reconnaissante, «Lady Clarick.» «C'est tout simple, dit d'Artagnan, et je m'attendais à cette lettre. Mon crédit hausse de la baisse du comte de Wardes. -- Est-ce que vous irez? demanda Ketty. -- Écoute, ma chère enfant, dit le Gascon, qui cherchait à s'excuser à ses propres yeux de manquer à la promesse qu'il avait faite à Athos, tu comprends qu'il serait impolitique de ne pas se rendre à une invitation si positive. Milady, en ne me voyant pas revenir, ne comprendrait rien à l'interruption de mes visites, elle pourrait se douter de quelque chose, et qui peut dire jusqu'où irait la vengeance d'une femme de cette trempe? -- Oh! mon Dieu! dit Ketty, vous savez présenter les choses de façon que vous avez toujours raison. Mais vous allez encore lui faire la cour; et si cette fois vous alliez lui plaire sous votre véritable nom et votre vrai visage, ce serait bien pis que la première fois!» L'instinct faisait deviner à la pauvre fille une partie de ce qui allait arriver. D'Artagnan la rassura du mieux qu'il put et lui promit de rester insensible aux séductions de Milady. Il lui fit répondre qu'il était on ne peut plus reconnaissant de ses bontés et qu'il se rendrait à ses ordres; mais il n'osa lui écrire de peur de ne pouvoir, à des yeux aussi exercés que ceux de Milady, déguiser suffisamment son écriture. À neuf heures sonnant, d'Artagnan était place Royale. Il était évident que les domestiques qui attendaient dans l'antichambre étaient prévenus, car aussitôt que d'Artagnan parut, avant même qu'il eût demandé si Milady était visible, un d'eux courut l'annoncer. «Faites entrer», dit Milady d'une voix brève, mais si perçante que d'Artagnan l'entendit de l'antichambre. On l'introduisit. «Je n'y suis pour personne, dit Milady; entendez-vous, pour personne.» Le laquais sortit. D'Artagnan jeta un regard curieux sur Milady: elle était pâle et avait les yeux fatigués, soit par les larmes, soit par l'insomnie. On avait avec intention diminué le nombre habituel des lumières, et cependant la jeune femme ne pouvait arriver à cacher les traces de la fièvre qui l'avait dévorée depuis deux jours. D'Artagnan s'approcha d'elle avec sa galanterie ordinaire; elle fit alors un effort suprême pour le recevoir, mais jamais physionomie plus bouleversée ne démentit sourire plus aimable. Aux questions que d'Artagnan lui fit sur sa santé: «Mauvaise, répondit-elle, très mauvaise. -- Mais alors, dit d'Artagnan, je suis indiscret, vous avez besoin de repos sans doute et je vais me retirer. -- Non pas, dit Milady; au contraire, restez, monsieur d'Artagnan, votre aimable compagnie me distraira.» «Oh! oh! pensa d'Artagnan, elle n'a jamais été si charmante, défions-nous.» Milady prit l'air le plus affectueux qu'elle put prendre, et donna tout l'éclat possible à sa conversation. En même temps cette fièvre qui l'avait abandonnée un instant revenait rendre l'éclat à ses yeux, le coloris à ses joues, le carmin à ses lèvres. D'Artagnan retrouva la Circé qui l'avait déjà enveloppé de ses enchantements. Son amour, qu'il croyait éteint et qui n'était qu'assoupi, se réveilla dans son coeur. Milady souriait et d'Artagnan sentait qu'il se damnerait pour ce sourire. Il y eut un moment où il sentit quelque chose comme un remords de ce qu'il avait fait contre elle. Peu à peu Milady devint plus communicative. Elle demanda à d'Artagnan s'il avait une maîtresse. «Hélas! dit d'Artagnan de l'air le plus sentimental qu'il put prendre, pouvez-vous être assez cruelle pour me faire une pareille question, à moi qui, depuis que je vous ai vue, ne respire et ne soupire que par vous et pour vous!» Milady sourit d'un étrange sourire. «Ainsi vous m'aimez? dit-elle. -- Ai-je besoin de vous le dire, et ne vous en êtes-vous point aperçue? -- Si fait; mais, vous le savez, plus les coeurs sont fiers, plus ils sont difficiles à prendre. -- Oh! les difficultés ne m'effraient pas, dit d'Artagnan; il n'y a que les impossibilités qui m'épouvantent. -- Rien n'est impossible, dit Milady, à un véritable amour. -- Rien, madame? -- Rien», reprit Milady. «Diable! reprit d'Artagnan à part lui, la note est changée. Deviendrait-elle amoureuse de moi, par hasard, la capricieuse, et serait-elle disposée à me donner à moi-même quelque autre saphir pareil à celui qu'elle m'a donné me prenant pour de Wardes?» D'Artagnan rapprocha vivement son siège de celui de Milady. «Voyons, dit-elle, que feriez-vous bien pour prouver cet amour dont vous parlez? -- Tout ce qu'on exigerait de moi. Qu'on ordonne, et je suis prêt. -- À tout? -- À tout! s'écria d'Artagnan qui savait d'avance qu'il n'avait pas grand-chose à risquer en s'engageant ainsi. -- Eh bien, causons un peu, dit à son tour Milady en rapprochant son fauteuil de la chaise de d'Artagnan. -- Je vous écoute, madame», dit celui-ci. Milady resta un instant soucieuse et comme indécise puis paraissant prendre une résolution: «J'ai un ennemi, dit-elle. -- Vous, madame! s'écria d'Artagnan jouant la surprise, est-ce possible, mon Dieu? belle et bonne comme vous l'êtes! -- Un ennemi mortel. -- En vérité? -- Un ennemi qui m'a insultée si cruellement que c'est entre lui et moi une guerre à mort. Puis-je compter sur vous comme auxiliaire?» D'Artagnan comprit sur-le-champ où la vindicative créature en voulait venir. «Vous le pouvez, madame, dit-il avec emphase, mon bras et ma vie vous appartiennent comme mon amour. -- Alors, dit Milady, puisque vous êtes aussi généreux qu'amoureux...» Elle s'arrêta. «Eh bien? demanda d'Artagnan. -- Eh bien, reprit Milady après un moment de silence, cessez dès aujourd'hui de parler d'impossibilités. -- Ne m'accablez pas de mon bonheur», s'écria d'Artagnan en se précipitant à genoux et en couvrant de baisers les mains qu'on lui abandonnait. -- Venge-moi de cet infâme de Wardes, murmura Milady entre ses dents, et je saurai bien me débarrasser de toi ensuite, double sot, lame d'épée vivante! -- Tombe volontairement entre mes bras après m'avoir raillé si effrontément, hypocrite et dangereuse femme, pensait d'Artagnan de son côté, et ensuite je rirai de toi avec celui que tu veux tuer par ma main.» D'Artagnan releva la tête. «Je suis prêt, dit-il. -- Vous m'avez donc comprise, cher monsieur d'Artagnan! dit Milady. -- Je devinerais un de vos regards. -- Ainsi vous emploieriez pour moi votre bras, qui s'est déjà acquis tant de renommée? -- À l'instant même. Mais moi, dit Milady, comment paierai-je un pareil service; je connais les amoureux, ce sont des gens qui ne font rien pour rien? -- Vous savez la seule réponse que je désire, dit d'Artagnan, la seule qui soit digne de vous et de moi!» Et il l'attira doucement vers lui. Elle résista à peine. «Intéressé! dit-elle en souriant. -- Ah! s'écria d'Artagnan véritablement emporté par la passion que cette femme avait le don d'allumer dans son coeur, ah! c'est que mon bonheur me paraît invraisemblable, et qu'ayant toujours peur de le voir s'envoler comme un rêve, j'ai hâte d'en faire une réalité. -- Eh bien, méritez donc ce prétendu bonheur. -- Je suis à vos ordres, dit d'Artagnan. -- Bien sûr? fit Milady avec un dernier doute. -- Nommez-moi l'infâme qui a pu faire pleurer vos beaux yeux. -- Qui vous dit que j'ai pleuré? dit-elle. -- Il me semblait... -- Les femmes comme moi ne pleurent pas, dit Milady. -- Tant mieux! Voyons, dites-moi comment il s'appelle. -- Songez que son nom c'est tout mon secret. -- Il faut cependant que je sache son nom. -- Oui, il le faut; voyez si j'ai confiance en vous! -- Vous me comblez de joie. Comment s'appelle-t-il? -- Vous le connaissez. -- Vraiment? -- Oui. -- Ce n'est pas un de mes amis? reprit d'Artagnan en jouant l'hésitation pour faire croire à son ignorance. -- Si c'était un de vos amis, vous hésiteriez donc?» s'écria Milady. Et un éclair de menace passa dans ses yeux. «Non, fût-ce mon frère!» s'écria d'Artagnan comme emporté par l'enthousiasme. Notre Gascon s'avançait sans risque; car il savait où il allait. «J'aime votre dévouement, dit Milady. -- Hélas! n'aimez-vous que cela en moi? demanda d'Artagnan. -- Je vous aime aussi, vous», dit-elle en lui prenant la main. Et l'ardente pression fit frissonner d'Artagnan, comme si, par le toucher, cette fièvre qui brûlait Milady le gagnait lui-même. «Vous m'aimez, vous! s'écria-t-il. Oh! si cela était, ce serait à en perdre la raison.» Et il l'enveloppa de ses deux bras. Elle n'essaya point d'écarter ses lèvres de son baiser, seulement elle ne le lui rendit pas. Ses lèvres étaient froides: il sembla à d'Artagnan qu'il venait d'embrasser une statue. Il n'en était pas moins ivre de joie, électrisé d'amour, il croyait presque à la tendresse de Milady; il croyait presque au crime de de Wardes. Si de Wardes eût été en ce moment sous sa main, il l'eût tué. Milady saisit l'occasion. «Il s'appelle..., dit-elle à son tour. -- De Wardes, je le sais, s'écria d'Artagnan. -- Et comment le savez-vous?» demanda Milady en lui saisissant les deux mains et en essayant de lire par ses yeux jusqu'au fond de son âme. D'Artagnan sentit qu'il s'était laissé emporter, et qu'il avait fait une faute. «Dites, dites, mais dites donc! répétait Milady, comment le savez- vous? -- Comment je le sais? dit d'Artagnan. -- Oui. -- Je le sais, parce que, hier, de Wardes, dans un salon où j'étais, a montré une bague qu'il a dit tenir de vous. -- Le misérable!» s'écria Milady. L'épithète, comme on le comprend bien, retentit jusqu'au fond du coeur de d'Artagnan. «Eh bien? continua-t-elle. -- Eh bien, je vous vengerai de ce misérable, reprit d'Artagnan en se donnant des airs de don Japhet d'Arménie. -- Merci, mon brave ami! s'écria Milady; et quand serai-je vengée? -- Demain, tout de suite, quand vous voudrez.» Milady allait s'écrier: «Tout de suite»; mais elle réfléchit qu'une pareille précipitation serait peu gracieuse pour d'Artagnan. D'ailleurs, elle avait mille précautions à prendre, mille conseils à donner à son défenseur, pour qu'il évitât les explications devant témoins avec le comte. Tout cela se trouva prévu par un mot de d'Artagnan. «Demain, dit-il, vous serez vengée ou je serai mort. -- Non! dit-elle, vous me vengerez; mais vous ne mourrez pas. C'est un lâche. -- Avec les femmes peut-être, mais pas avec les hommes. J'en sais quelque chose, moi. -- Mais il me semble que dans votre lutte avec lui, vous n'avez pas eu à vous plaindre de la fortune. -- La fortune est une courtisane: favorable hier, elle peut me trahir demain. -- Ce qui veut dire que vous hésitez maintenant. -- Non, je n'hésite pas, Dieu m'en garde; mais serait-il juste de me laisser aller à une mort possible sans m'avoir donné au moins un peu plus que de l'espoir?» Milady répondit par un coup d'oeil qui voulait dire: «N'est-ce que cela? parlez donc.» Puis, accompagnant le coup d'oeil de paroles explicatives. «C'est trop juste, dit-elle tendrement. -- Oh! vous êtes un ange, dit le jeune homme. -- Ainsi, tout est convenu? dit-elle. -- Sauf ce que je vous demande, chère âme! -- Mais, lorsque je vous dis que vous pouvez vous fier à ma tendresse? -- Je n'ai pas de lendemain pour attendre. -- Silence; j'entends mon frère: il est inutile qu'il vous trouve ici.» Elle sonna; Ketty parut. «Sortez par cette porte, dit-elle en poussant une petit porte dérobée, et revenez à onze heures; nous achèverons cet entretien: Ketty vous introduira chez moi.» La pauvre enfant pensa tomber à la renverse en entendant ces paroles. «Eh bien, que faites-vous, mademoiselle, à demeurer immobile comme une statue? Allons, reconduisez le chevalier; et ce soir, à onze heures, vous avez entendu!» «Il paraît que ses rendez-vous sont à onze heures, pensa d'Artagnan: c'est une habitude prise.» Milady lui tendit une main qu'il baisa tendrement. «Voyons, dit-il en se retirant et en répondant à peine aux reproches de Ketty, voyons, ne soyons pas un sot; décidément cette femme est une grande scélérate: prenons garde.» CHAPITRE XXXVII LE SECRET DE MILADY D'Artagnan était sorti de l'hôtel au lieu de monter tout de suite chez Ketty, malgré les instances que lui avait faites la jeune fille, et cela pour deux raisons: la première parce que de cette façon il évitait les reproches, les récriminations, les prières; la seconde, parce qu'il n'était pas fâché de lire un peu dans sa pensée, et, s'il était possible, dans celle de cette femme. Tout ce qu'il y avait de plus clair là-dedans, c'est que d'Artagnan aimait Milady comme un fou et qu'elle ne l'aimait pas le moins du monde. Un instant d'Artagnan comprit que ce qu'il aurait de mieux à faire serait de rentrer chez lui et d'écrire à Milady une longue lettre dans laquelle il lui avouerait que lui et de Wardes étaient jusqu'à présent absolument le même, que par conséquent il ne pouvait s'engager, sous peine de suicide, à tuer de Wardes. Mais lui aussi était éperonné d'un féroce désir de vengeance; il voulait posséder à son tour cette femme sous son propre nom; et comme cette vengeance lui paraissait avoir une certaine douceur, il ne voulait point y renoncer. Il fit cinq ou six fois le tour de la place Royale, se retournant de dix pas en dix pas pour regarder la lumière de l'appartement de Milady, qu'on apercevait à travers les jalousies; il était évident que cette fois la jeune femme était moins pressée que la première de rentrer dans sa chambre. Enfin la lumière disparut. Avec cette lueur s'éteignit la dernière irrésolution dans le coeur de d'Artagnan; il se rappela les détails de la première nuit, et, le coeur bondissant, la tête en feu, il rentra dans l'hôtel et se précipita dans la chambre de Ketty. La jeune fille, pâle comme la mort, tremblant de tous ses membres, voulut arrêter son amant; mais Milady, l'oreille au guet, avait entendu le bruit qu'avait fait d'Artagnan: elle ouvrit la porte. «Venez», dit-elle. Tout cela était d'une si incroyable imprudence, d'une si monstrueuse effronterie, qu'à peine si d'Artagnan pouvait croire à ce qu'il voyait et à ce qu'il entendait. Il croyait être entraîné dans quelqu'une de ces intrigues fantastiques comme on en accomplit en rêve. Il ne s'élança pas moins vers Milady, cédant à cette attraction que l'aimant exerce sur le fer. La porte se referma derrière eux. Ketty s'élança à son tour contre la porte. La jalousie, la fureur, l'orgueil offensé, toutes les passions enfin qui se disputent le coeur d'une femme amoureuse la poussaient à une révélation; mais elle était perdue si elle avouait avoir donné les mains à une pareille machination; et, par- dessus tout, d'Artagnan était perdu pour elle. Cette dernière pensée d'amour lui conseilla encore ce dernier sacrifice. D'Artagnan, de son côté, était arrivé au comble de tous ses voeux: ce n'était plus un rival qu'on aimait en lui, c'était lui-même qu'on avait l'air d'aimer. Une voix secrète lui disait bien au fond du coeur qu'il n'était qu'un instrument de vengeance que l'on caressait en attendant qu'il donnât la mort, mais l'orgueil, mais l'amour-propre, mais la folie faisaient taire cette voix, étouffaient ce murmure. Puis notre Gascon, avec la dose de confiance que nous lui connaissons, se comparait à de Wardes et se demandait pourquoi, au bout du compte, on ne l'aimerait pas, lui aussi, pour lui-même. Il s'abandonna donc tout entier aux sensations du moment. Milady ne fut plus pour lui cette femme aux intentions fatales qui l'avait un instant épouvanté, ce fut une maîtresse ardente et passionnée s'abandonnant tout entière à un amour qu'elle semblait éprouver elle-même. Deux heures à peu près s'écoulèrent ainsi. Cependant les transports des deux amants se calmèrent; Milady, qui n'avait point les mêmes motifs que d'Artagnan pour oublier, revint la première à la réalité et demanda au jeune homme si les mesures qui devaient amener le lendemain entre lui et de Wardes une rencontre étaient bien arrêtées d'avance dans son esprit. Mais d'Artagnan, dont les idées avaient pris un tout autre cours, s'oublia comme un sot et répondit galamment qu'il était bien tard pour s'occuper de duels à coups d'épée. Cette froideur pour les seuls intérêts qui l'occupassent effraya Milady, dont les questions devinrent plus pressantes. Alors d'Artagnan, qui n'avait jamais sérieusement pensé à ce duel impossible, voulut détourner la conversation, mais il n'était plus de force. Milady le contint dans les limites qu'elle avait tracées d'avance avec son esprit irrésistible et sa volonté de fer. D'Artagnan se crut fort spirituel en conseillant à Milady de renoncer, en pardonnant à de Wardes, aux projets furieux qu'elle avait formés. Mais aux premiers mots qu'il dit, la jeune femme tressaillit et s'éloigna. «Auriez-vous peur, cher d'Artagnan? dit-elle d'une voix aiguë et railleuse qui résonna étrangement dans l'obscurité. -- Vous ne le pensez pas, chère âme! répondit d'Artagnan; mais enfin, si ce pauvre comte de Wardes était moins coupable que vous ne le pensez? -- En tout cas dit gravement Milady, il m'a trompée, et du moment où il m'a trompée il a mérité la mort. -- Il mourra donc, puisque vous le condamnez!» dit d'Artagnan d'un ton si ferme, qu'il parut à Milady l'expression d'un dévouement à toute épreuve. Aussitôt elle se rapprocha de lui. Nous ne pourrions dire le temps que dura la nuit pour Milady; mais d'Artagnan croyait être près d'elle depuis deux heures à peine lorsque le jour parut aux fentes des jalousies et bientôt envahit la chambre de sa lueur blafarde. Alors Milady, voyant que d'Artagnan allait la quitter, lui rappela la promesse qu'il lui avait faite de la venger de de Wardes. «Je suis tout prêt, dit d'Artagnan, mais auparavant je voudrais être certain d'une chose. -- De laquelle? demanda Milady. -- C'est que vous m'aimez. -- Je vous en ai donné la preuve, ce me semble. -- Oui, aussi je suis à vous corps et âme. -- Merci, mon brave amant! mais de même que je vous ai prouvé mon amour, vous me prouverez le vôtre à votre tour, n'est-ce pas? -- Certainement. Mais si vous m'aimez comme vous me le dites, reprit d'Artagnan, ne craignez-vous pas un peu pour moi? -- Que puis-je craindre? -- Mais enfin, que je sois blessé dangereusement, tué même. -- Impossible, dit Milady, vous êtes un homme si vaillant et une si fine épée. -- Vous ne préféreriez donc point, reprit d'Artagnan, un moyen qui vous vengerait de même tout en rendant inutile le combat.» Milady regarda son amant en silence: cette lueur blafarde des premiers rayons du jour donnait à ses yeux clairs une expression étrangement funeste. «Vraiment, dit-elle, je crois que voilà que vous hésitez maintenant. -- Non, je n'hésite pas; mais c'est que ce pauvre comte de Wardes me fait vraiment peine depuis que vous ne l'aimez plus, et il me semble qu'un homme doit être si cruellement puni par la perte seule de votre amour, qu'il n'a pas besoin d'autre châtiment. -- Qui vous dit que je l'aie aimé? demanda Milady. -- Au moins puis-je croire maintenant sans trop de fatuité que vous en aimez un autre, dit le jeune homme d'un ton caressant, et je vous le répète, je m'intéresse au comte. -- Vous? demanda Milady. -- Oui moi. -- Et pourquoi vous? -- Parce que seul je sais... -- Quoi? -- Qu'il est loin d'être ou plutôt d'avoir été aussi coupable envers vous qu'il le paraît. -- En vérité! dit Milady d'un air inquiet; expliquez-vous, car je ne sais vraiment ce que vous voulez dire.» Et elle regardait d'Artagnan, qui la tenait embrassée avec des yeux qui semblaient s'enflammer peu à peu. «Oui, je suis galant homme, moi! dit d'Artagnan décidé à en finir; et depuis que votre amour est à moi, que je suis bien sûr de le posséder, car je le possède, n'est-ce pas?... -- Tout entier, continuez. -- Eh bien, je me sens comme transporté, un aveu me pèse. -- Un aveu? -- Si j'eusse douté de votre amour je ne l'eusse pas fait; mais vous m'aimez, ma belle maîtresse? n'est-ce pas, vous m'aimez? -- Sans doute. -- Alors si par excès d'amour je me suis rendu coupable envers vous, vous me pardonnerez? -- Peut-être!» D'Artagnan essaya, avec le plus doux sourire qu'il pût prendre, de rapprocher ses lèvres des lèvres de Milady, mais celle-ci l'écarta. «Cet aveu, dit-elle en pâlissant, quel est cet aveu? -- Vous aviez donné rendez-vous à de Wardes, jeudi dernier, dans cette même chambre, n'est-ce pas? -- Moi, non! cela n'est pas, dit Milady d'un ton de voix si ferme et d'un visage si impassible, que si d'Artagnan n'eût pas eu une certitude si parfaite, il eût douté. -- Ne mentez pas, mon bel ange, dit d'Artagnan en souriant, ce serait inutile. -- Comment cela? parlez donc! vous me faites mourir! -- Oh! rassurez-vous, vous n'êtes point coupable envers moi, et je vous ai déjà pardonné! -- Après, après? -- De Wardes ne peut se glorifier de rien. -- Pourquoi? Vous m'avez dit vous-même que cette bague... -- Cette bague, mon amour, c'est moi qui l'ai. Le comte de Wardes de jeudi et le d'Artagnan d'aujourd'hui sont la même personne.» L'imprudent s'attendait à une surprise mêlée de pudeur, à un petit orage qui se résoudrait en larmes; mais il se trompait étrangement, et son erreur ne fut pas longue. Pâle et terrible, Milady se redressa, et, repoussant d'Artagnan d'un violent coup dans la poitrine, elle s'élança hors du lit. Il faisait alors presque grand jour. D'Artagnan la retint par son peignoir de fine toile des Indes pour implorer son pardon; mais elle, d'un mouvement puissant et résolu, elle essaya de fuir. Alors la batiste se déchira en laissant à nu les épaules et sur l'une de ces belles épaules rondes et blanches, d'Artagnan avec un saisissement inexprimable, reconnut la fleur de lis, cette marque indélébile qu'imprime la main infamante du bourreau. «Grand Dieu!» s'écria d'Artagnan en lâchant le peignoir. Et il demeura muet, immobile et glacé sur le lit. Mais Milady se sentait dénoncée par l'effroi même de d'Artagnan. Sans doute il avait tout vu: le jeune homme maintenant savait son secret, secret terrible, que tout le monde ignorait, excepté lui. Elle se retourna, non plus comme une femme furieuse mais comme une panthère blessée. «Ah! misérable, dit-elle, tu m'as lâchement trahie, et de plus tu as mon secret! Tu mourras!» Et elle courut à un coffret de marqueterie posé sur la toilette, l'ouvrit d'une main fiévreuse et tremblante, en tira un petit poignard à manche d'or, à la lame aiguë et mince et revint d'un bond sur d'Artagnan à demi nu. Quoique le jeune homme fût brave, on le sait, il fut épouvanté de cette figure bouleversée, de ces pupilles dilatées horriblement, de ces joues pâles et de ces lèvres sanglantes; il recula jusqu'à la ruelle, comme il eût fait à l'approche d'un serpent qui eût rampé vers lui, et son épée se rencontrant sous sa main souillée de sueur, il la tira du fourreau. Mais sans s'inquiéter de l'épée, Milady essaya de remonter sur le lit pour le frapper, et elle ne s'arrêta que lorsqu'elle sentit la pointe aiguë sur sa gorge. Alors elle essaya de saisir cette épée avec les mains mais d'Artagnan l'écarta toujours de ses étreintes et, la lui présentant tantôt aux yeux, tantôt à la poitrine, il se laissa glisser à bas du lit, cherchant pour faire retraite la porte qui conduisait chez Ketty. Milady, pendant ce temps, se ruait sur lui avec d'horribles transports, rugissant d'une façon formidable. Cependant cela ressemblait à un duel, aussi d'Artagnan se remettait petit à petit. «Bien, belle dame, bien! disait-il, mais, de par Dieu, calmez- vous, ou je vous dessine une seconde fleur de lis sur l'autre épaule. -- Infâme! infâme!» hurlait Milady. Mais d'Artagnan, cherchant toujours la porte, se tenait sur la défensive. Au bruit qu'ils faisaient, elle renversant les meubles pour aller à lui, lui s'abritant derrière les meubles pour se garantir d'elle, Ketty ouvrit la porte. D'Artagnan, qui avait sans cesse manoeuvré pour se rapprocher de cette porte, n'en était plus qu'à trois pas. D'un seul élan il s'élança de la chambre de Milady dans celle de la suivante, et, rapide comme l'éclair, il referma la porte, contre laquelle il s'appuya de tout son poids tandis que Ketty poussait les verrous. Alors Milady essaya de renverser l'arc-boutant qui l'enfermait dans sa chambre, avec des forces bien au-dessus de celles d'une femme; puis, lorsqu'elle sentit que c'était chose impossible, elle cribla la porte de coups de poignard, dont quelques-uns traversèrent l'épaisseur du bois. Chaque coup était accompagné d'une imprécation terrible. «Vite, vite, Ketty, dit d'Artagnan à demi-voix lorsque les verrous furent mis, fais-moi sortir de l'hôtel, ou si nous lui laissons le temps de se retourner, elle me fera tuer par les laquais. -- Mais vous ne pouvez pas sortir ainsi, dit Ketty, vous êtes tout nu. -- C'est vrai, dit d'Artagnan, qui s'aperçut alors seulement du costume dans lequel il se trouvait, c'est vrai; habille-moi comme tu pourras, mais hâtons-nous; comprends-tu, il y va de la vie et de la mort!» Ketty ne comprenait que trop; en un tour de main elle l'affubla d'une robe à fleurs, d'une large coiffe et d'un mantelet; elle lui donna des pantoufles, dans lesquelles il passa ses pieds nus, puis elle l'entraîna par les degrés. Il était temps, Milady avait déjà sonné et réveillé tout l'hôtel. Le portier tira le cordon à la voix de Ketty au moment même où Milady, à demi nue de son côté, criait par la fenêtre: «N'ouvrez pas!» CHAPITRE XXXVIII COMMENT, SANS SE DÉRANGER, ATHOS TROUVA SON ÉQUIPEMENT Le jeune homme s'enfuit tandis qu'elle le menaçait encore d'un geste impuissant. Au moment où elle le perdit de vue, Milady tomba évanouie dans sa chambre. D'Artagnan était tellement bouleversé, que, sans s'inquiéter de ce que deviendrait Ketty, il traversa la moitié de Paris tout en courant, et ne s'arrêta que devant la porte d'Athos. L'égarement de son esprit, la terreur qui l'éperonnait, les cris de quelques patrouilles qui se mirent à sa poursuite, et les huées de quelques passants qui, malgré l'heure peu avancée, se rendaient à leurs affaires, ne firent que précipiter sa course. Il traversa la cour, monta les deux étages d'Athos et frappa à la porte à tout rompre. Grimaud vint ouvrir les yeux bouffis de sommeil. D'Artagnan s'élança avec tant de force dans l'antichambre qu'il faillit le culbuter en entrant. Malgré le mutisme habituel du pauvre garçon, cette fois la parole lui revint. «Hé, là, là! s'écria-t-il, que voulez-vous, coureuse? que demandez-vous, drôlesse?» D'Artagnan releva ses coiffes et dégagea ses mains de dessous son mantelet; à la vue de ses moustaches et de son épée nue, le pauvre diable s'aperçut qu'il avait affaire à un homme. Il crut alors que c'était quelque assassin. «Au secours! à l'aide! au secours! s'écria-t-il. -- Tais-toi, malheureux! dit le jeune homme, je suis d'Artagnan, ne me reconnais-tu pas? Où est ton maître? -- Vous, monsieur d'Artagnan! s'écria Grimaud épouvanté. Impossible. -- Grimaud, dit Athos sortant de son appartement en robe de chambre, je crois que vous vous permettez de parler. -- Ah! monsieur! c'est que... -- Silence.» Grimaud se contenta de montrer du doigt d'Artagnan à son maître. Athos reconnut son camarade, et, tout flegmatique qu'il était, il partit d'un éclat de rire que motivait bien la mascarade étrange qu'il avait sous les yeux: coiffes de travers, jupes tombantes sur les souliers; manches retroussées et moustaches raides d'émotion. «Ne riez pas, mon ami, s'écria d'Artagnan; de par le Ciel ne riez pas, car, sur mon âme, je vous le dis, il n'y a point de quoi rire.» Et il prononça ces mots d'un air si solennel et avec une épouvante si vraie qu'Athos lui prit aussitôt les mains en s'écriant: «Seriez-vous blessé, mon ami? vous êtes bien pâle! -- Non, mais il vient de m'arriver un terrible événement. Êtes- vous seul, Athos? -- Pardieu! qui voulez-vous donc qui soit chez moi à cette heure? -- Bien, bien.» Et d'Artagnan se précipita dans la chambre d'Athos. «Hé, parlez! dit celui-ci en refermant la porte et en poussant les verrous pour n'être pas dérangés. Le roi est-il mort? avez-vous tué M. le cardinal? vous êtes tout renversé; voyons, voyons, dites, car je meurs véritablement d'inquiétude. -- Athos, dit d'Artagnan se débarrassant de ses vêtements de femme et apparaissant en chemise, préparez-vous à entendre une histoire incroyable, inouïe. -- Prenez d'abord cette robe de chambre», dit le mousquetaire à son ami. D'Artagnan passa la robe de chambre, prenant une manche pour une autre tant il était encore ému. «Eh bien? dit Athos. -- Eh bien, répondit d'Artagnan en se courbant vers l'oreille d'Athos et en baissant la voix, Milady est marquée d'une fleur de lis à l'épaule. -- Ah! cria le mousquetaire comme s'il eût reçu une balle dans le coeur. -- Voyons, dit d'Artagnan, êtes-vous sûr que l'autre soit bien morte? -- L'autre? dit Athos d'une voix si sourde, qu'à peine si d'Artagnan l'entendit. -- Oui, celle dont vous m'avez parlé un jour à Amiens.» Athos poussa un gémissement et laissa tomber sa tête dans ses mains. «Celle-ci, continua d'Artagnan, est une femme de vingt-six à vingt-huit ans. -- Blonde, dit Athos, n'est-ce pas? -- Oui. -- Des yeux clairs, d'une clarté étrange, avec des cils et sourcils noirs? -- Oui. -- Grande, bien faite? Il lui manque une dent près de l'oeillère gauche. -- Oui. -- La fleur de lis est petite, rousse de couleur et comme effacée par les couches de pâte qu'on y applique. -- Oui. -- Cependant vous dites qu'elle est anglaise! -- On l'appelle Milady, mais elle peut être française. Malgré cela, Lord de Winter n'est que son beau-frère. -- Je veux la voir, d'Artagnan. -- Prenez garde, Athos, prenez garde; vous avez voulu la tuer, elle est femme à vous rendre la pareille et à ne pas vous manquer. -- Elle n'osera rien dire, car ce serait se dénoncer elle-même. -- Elle est capable de tout! L'avez-vous jamais vue furieuse? -- Non, dit Athos. -- Une tigresse, une panthère! Ah! mon cher Athos! j'ai bien peur d'avoir attiré sur nous deux une vengeance terrible!» D'Artagnan raconta tout alors: la colère insensée de Milady et ses menaces de mort. «Vous avez raison, et, sur mon âme, je donnerais ma vie pour un cheveu, dit Athos. Heureusement, c'est après-demain que nous quittons Paris; nous allons, selon toute probabilité, à La Rochelle, et une fois partis... -- Elle vous suivra jusqu'au bout du monde, Athos, si elle vous reconnaît; laissez donc sa haine s'exercer sur moi seul. -- Ah! mon cher! que m'importe qu'elle me tue! dit Athos; est-ce que par hasard vous croyez que je tiens à la vie? -- Il y a quelque horrible mystère sous tout cela, Athos! cette femme est l'espion du cardinal, j'en suis sûr! -- En ce cas, prenez garde à vous. Si le cardinal ne vous a pas dans une haute admiration pour l'affaire de Londres, il vous a en grande haine; mais comme, au bout du compte, il ne peut rien vous reprocher ostensiblement, et qu'il faut que haine se satisfasse, surtout quand c'est une haine de cardinal, prenez garde à vous! Si vous sortez, ne sortez pas seul; si vous mangez, prenez vos précautions: méfiez-vous de tout enfin, même de votre ombre. -- Heureusement, dit d'Artagnan, qu'il s'agit seulement d'aller jusqu'à après-demain soir sans encombre, car une fois à l'armée nous n'aurons plus, je l'espère, que des hommes à craindre. -- En attendant, dit Athos, je renonce à mes projets de réclusion, et je vais partout avec vous: il faut que vous retourniez rue des Fossoyeurs, je vous accompagne. -- Mais si près que ce soit d'ici, reprit d'Artagnan, je ne puis y retourner comme cela. -- C'est juste», dit Athos. Et il tira la sonnette. Grimaud entra. Athos lui fit signe d'aller chez d'Artagnan, et d'en rapporter des habits. Grimaud répondit par un autre signe qu'il comprenait parfaitement et partit. «Ah çà! mais voilà qui ne nous avance pas pour l'équipement, cher ami, dit Athos; car, si je ne m'abuse, vous avez laissé toute votre défroque chez Milady, qui n'aura sans doute pas l'attention de vous la retourner. Heureusement que vous avez le saphir. -- Le saphir est à vous, mon cher Athos! ne m'avez-vous pas dit que c'était une bague de famille? -- Oui, mon père l'acheta deux mille écus, à ce qu'il me dit autrefois; il faisait partie des cadeaux de noces qu'il fit à ma mère; et il est magnifique. Ma mère me le donna, et moi, fou que j'étais, plutôt que de garder cette bague comme une relique sainte, je la donnai à mon tour à cette misérable. -- Alors, mon cher, reprenez cette bague, à laquelle je comprends que vous devez tenir. -- Moi, reprendre cette bague, après qu'elle a passé par les mains de l'infâme! jamais: cette bague est souillée, d'Artagnan. -- Vendez-la donc. -- Vendre un diamant qui vient de ma mère! je vous avoue que je regarderais cela comme une profanation. -- Alors engagez-la, on vous prêtera bien dessus un millier d'écus. Avec cette somme vous serez au-dessus de vos affaires, puis, au premier argent qui vous rentrera, vous la dégagerez, et vous la reprendrez lavée de ses anciennes taches, car elle aura passé par les mains des usuriers.» Athos sourit. «Vous êtes un charmant compagnon, dit-il, mon cher d'Artagnan; vous relevez par votre éternelle gaieté les pauvres esprits dans l'affliction. Eh bien, oui, engageons cette bague, mais à une condition! -- Laquelle? -- C'est qu'il y aura cinq cents écus pour vous et cinq cents écus pour moi. -- Y songez-vous, Athos? je n'ai pas besoin du quart de cette somme, moi qui suis dans les gardes, et en vendant ma selle je me la procurerai. Que me faut-il? Un cheval pour Planchet, voilà tout. Puis vous oubliez que j'ai une bague aussi. -- À laquelle vous tenez encore plus, ce me semble, que je ne tiens, moi, à la mienne; du moins j'ai cru m'en apercevoir. -- Oui, car dans une circonstance extrême elle peut nous tirer non seulement de quelque grand embarras mais encore de quelque grand danger; c'est non seulement un diamant précieux, mais c'est encore un talisman enchanté. -- Je ne vous comprends pas, mais je crois à ce que vous me dites. Revenons donc à ma bague, ou plutôt à la vôtre, vous toucherez la moitié de la somme qu'on nous donnera sur elle ou je la jette dans la Seine, et je doute que, comme à Polycrate, quelque poisson soit assez complaisant pour nous la rapporter. -- Eh bien, donc, j'accepte!» dit d'Artagnan. En ce moment Grimaud rentra accompagné de Planchet; celui-ci, inquiet de son maître et curieux de savoir ce qui lui était arrivé, avait profité de la circonstance et apportait les habits lui-même. D'Artagnan s'habilla, Athos en fit autant: puis quand tous deux furent prêts à sortir, ce dernier fit à Grimaud le signe d'un homme qui met en joue; celui-ci décrocha aussitôt son mousqueton et s'apprêta à accompagner son maître. Athos et d'Artagnan suivis de leurs valets arrivèrent sans incident à la rue des Fossoyeurs. Bonacieux était sur la porte, il regarda d'Artagnan d'un air goguenard. «Eh, mon cher locataire! dit-il, hâtez-vous donc, vous avez une belle jeune fille qui vous attend chez vous, et les femmes, vous le savez, n'aiment pas qu'on les fasse attendre! -- C'est Ketty!» s'écria d'Artagnan. Et il s'élança dans l'allée. Effectivement, sur le carré conduisant à sa chambre, et tapie contre sa porte, il trouva la pauvre enfant toute tremblante. Dès qu'elle l'aperçut: «Vous m'avez promis votre protection, vous m'avez promis de me sauver de sa colère, dit-elle; souvenez-vous que c'est vous qui m'avez perdue! -- Oui, sans doute, dit d'Artagnan, sois tranquille, Ketty. Mais qu'est-il arrivé après mon départ? -- Le sais-je? dit Ketty. Aux cris qu'elle a poussés, les laquais sont accourus; elle était folle de colère; tout ce qu'il existe d'imprécations elle les a vomies contre vous. Alors j'ai pensé qu'elle se rappellerait que c'était par ma chambre que vous aviez pénétré dans la sienne, et qu'alors elle songerait que j'étais votre complice; j'ai pris le peu d'argent que j'avais, mes hardes les plus précieuses, et je me suis sauvée. -- Pauvre enfant! Mais que vais-je faire de toi? Je pars après- demain. -- Tout ce que vous voudrez, Monsieur le chevalier, faites-moi quitter Paris, faites-moi quitter la France. -- Je ne puis cependant pas t'emmener avec moi au siège de La Rochelle, dit d'Artagnan. -- Non; mais vous pouvez me placer en province, chez quelque dame de votre connaissance: dans votre pays, par exemple. -- Ah! ma chère amie! dans mon pays les dames n'ont point de femmes de chambre. Mais, attends, j'ai ton affaire. Planchet, va me chercher Aramis: qu'il vienne tout de suite. Nous avons quelque chose de très important à lui dire. -- Je comprends, dit Athos; mais pourquoi pas Porthos? Il me semble que sa marquise... -- La marquise de Porthos se fait habiller par les clercs de son mari, dit d'Artagnan en riant. D'ailleurs Ketty ne voudrait pas demeurer rue aux Ours, n'est-ce pas, Ketty? -- Je demeurerai où l'on voudra, dit Ketty, pourvu que je sois bien cachée et que l'on ne sache pas où je suis. -- Maintenant, Ketty, que nous allons nous séparer, et par conséquent que tu n'es plus jalouse de moi... -- Monsieur le chevalier, de loin ou de près, dit Ketty, je vous aimerai toujours.» «Où diable la constance va-t-elle se nicher?» murmura Athos. «Moi aussi, dit d'Artagnan, moi aussi, je t'aimerai toujours, sois tranquille. Mais voyons, réponds-moi. Maintenant j'attache une grande importance à la question que je te fais: n'aurais-tu jamais entendu parler d'une jeune dame qu'on aurait enlevée pendant une nuit. -- Attendez donc... Oh! mon Dieu! monsieur le chevalier, est-ce que vous aimez encore cette femme? -- Non, c'est un de mes amis qui l'aime. Tiens, c'est Athos que voilà. -- Moi! s'écria Athos avec un accent pareil à celui d'un homme qui s'aperçoit qu'il va marcher sur une couleuvre. -- Sans doute, vous! fit d'Artagnan en serrant la main d'Athos. Vous savez bien l'intérêt que nous prenons tous à cette pauvre petite Mme Bonacieux. D'ailleurs Ketty ne dira rien: n'est-ce pas, Ketty? Tu comprends, mon enfant, continua d'Artagnan, c'est la femme de cet affreux magot que tu as vu sur le pas de la porte en entrant ici. -- Oh! mon Dieu! s'écria Ketty, vous me rappelez ma peur; pourvu qu'il ne m'ait pas reconnue! -- Comment, reconnue! tu as donc déjà vu cet homme? -- Il est venu deux fois chez Milady. -- C'est cela. Vers quelle époque? -- Mais il y a quinze ou dix-huit jours à peu près. -- Justement. -- Et hier soir il est revenu. -- Hier soir. -- Oui, un instant avant que vous vinssiez vous-même. -- Mon cher Athos, nous sommes enveloppés dans un réseau d'espions! Et tu crois qu'il t'a reconnue, Ketty? -- J'ai baissé ma coiffe en l'apercevant, mais peut-être était-il trop tard. -- Descendez, Athos, vous dont il se méfie moins que de moi, et voyez s'il est toujours sur sa porte.» Athos descendit et remonta bientôt. «Il est parti, dit-il, et la maison est fermée. -- Il est allé faire son rapport, et dire que tous les pigeons sont en ce moment au colombier. -- Eh bien, mais, envolons-nous, dit Athos, et ne laissons ici que Planchet pour nous rapporter les nouvelles. -- Un instant! Et Aramis que nous avons envoyé chercher! -- C'est juste, dit Athos, attendons Aramis. En ce moment Aramis entra. On lui exposa l'affaire, et on lui dit comment il était urgent que parmi toutes ses hautes connaissances il trouvât une place à Ketty. Aramis réfléchit un instant, et dit en rougissant: «Cela vous rendra-t-il bien réellement service, d'Artagnan? -- Je vous en serai reconnaissant toute ma vie. -- Eh bien, Mme de Bois-Tracy m'a demandé, pour une de ses amies qui habite la province, je crois, une femme de chambre sûre; et si vous pouvez, mon cher d'Artagnan, me répondre de mademoiselle... -- Oh! monsieur, s'écria Ketty, je serai toute dévouée, soyez-en certain, à la personne qui me donnera les moyens de quitter Paris. -- Alors, dit Aramis, cela va pour le mieux.» Il se mit à une table et écrivit un petit mot qu'il cacheta avec une bague, et donna le billet à Ketty. «Maintenant, mon enfant, dit d'Artagnan, tu sais qu'il ne fait pas meilleur ici pour nous que pour toi. Ainsi séparons-nous. Nous nous retrouverons dans des jours meilleurs. -- Et dans quelque temps que nous nous retrouvions et dans quelque lieu que ce soit, dit Ketty, vous me retrouverez vous aimant encore comme je vous aime aujourd'hui.» «Serment de joueur», dit Athos pendant que d'Artagnan allait reconduire Ketty sur l'escalier. Un instant après, les trois jeunes gens se séparèrent en prenant rendez-vous à quatre heures chez Athos et en laissant Planchet pour garder la maison. Aramis rentra chez lui, et Athos et d'Artagnan s'inquiétèrent du placement du saphir. Comme l'avait prévu notre Gascon, on trouva facilement trois cents pistoles sur la bague. De plus, le juif annonça que si on voulait la lui vendre, comme elle lui ferait un pendant magnifique pour des boucles d'oreilles, il en donnerait jusqu'à cinq cents pistoles. Athos et d'Artagnan, avec l'activité de deux soldats et la science de deux connaisseurs, mirent trois heures à peine à acheter tout l'équipement du mousquetaire. D'ailleurs Athos était de bonne composition et grand seigneur jusqu'au bout des ongles. Chaque fois qu'une chose lui convenait, il payait le prix demandé sans essayer même d'en rabattre. D'Artagnan voulait bien là-dessus faire ses observations, mais Athos lui posait la main sur l'épaule en souriant, et d'Artagnan comprenait que c'était bon pour lui, petit gentilhomme gascon, de marchander, mais non pour un homme qui avait les airs d'un prince. Le mousquetaire trouva un superbe cheval andalou, noir comme du jais, aux narines de feu, aux jambes fines et élégantes, qui prenait six ans. Il l'examina et le trouva sans défaut. On le lui fit mille livres. Peut-être l'eût-il eu pour moins; mais tandis que d'Artagnan discutait sur le prix avec le maquignon, Athos comptait les cent pistoles sur la table. Grimaud eut un cheval picard, trapu et fort, qui coûta trois cents livres. Mais la selle de ce dernier cheval et les armes de Grimaud achetées, il ne restait plus un sou des cent cinquante pistoles d'Athos. D'Artagnan offrit à son ami de mordre une bouchée dans la part qui lui revenait, quitte à lui rendre plus tard ce qu'il lui aurait emprunté. Mais Athos, pour toute réponse, se contenta de hausser les épaules. «Combien le juif donnait-il du saphir pour l'avoir en toute propriété? demanda Athos. -- Cinq cents pistoles. -- C'est-à-dire, deux cents pistoles de plus; cent pistoles pour vous, cent pistoles pour moi. Mais c'est une véritable fortune, cela, mon ami, retournez chez le juif. -- Comment, vous voulez... -- Cette bague, décidément, me rappellerait de trop tristes souvenirs; puis nous n'aurons jamais trois cents pistoles à lui rendre, de sorte que nous perdrions deux mille livres à ce marché. Allez lui dire que la bague est à lui, d'Artagnan, et revenez avec les deux cents pistoles. -- Réfléchissez, Athos. -- L'argent comptant est cher par le temps qui court, et il faut savoir faire des sacrifices. Allez, d'Artagnan, allez; Grimaud vous accompagnera avec son mousqueton.» Une demi-heure après, d'Artagnan revint avec les deux mille livres et sans qu'il lui fût arrivé aucun accident. Ce fut ainsi qu'Athos trouva dans son ménage des ressources auxquelles il ne s'attendait pas. CHAPITRE XXXIX UNE VISION À quatre heures, les quatre amis étaient donc réunis chez Athos. Leurs préoccupations sur l'équipement avaient tout à fait disparu, et chaque visage ne conservait plus l'expression que de ses propres et secrètes inquiétudes; car derrière tout bonheur présent est cachée une crainte à venir. Tout à coup Planchet entra apportant deux lettres à l'adresse de d'Artagnan. L'une était un petit billet gentiment plié en long avec un joli cachet de cire verte sur lequel était empreinte une colombe rapportant un rameau vert. L'autre était une grande épître carrée et resplendissante des armes terribles de Son Éminence le cardinal-duc. À la vue de la petite lettre, le coeur de d'Artagnan bondit, car il avait cru reconnaître l'écriture; et quoiqu'il n'eût vu cette écriture qu'une fois, la mémoire en était restée au plus profond de son coeur. Il prit donc la petite épître et la décacheta vivement. «Promenez-vous, lui disait-on, mercredi prochain, de six heures à sept heures du soir, sur la route de Chaillot, et regardez avec soin dans les carrosses qui passeront, mais si vous tenez à votre vie et à celle des gens qui vous aiment, ne dites pas un mot, ne faites pas un mouvement qui puisse faire croire que vous avez reconnu celle qui s'expose à tout pour vous apercevoir un instant.» Pas de signature. «C'est un piège, dit Athos, n'y allez pas, d'Artagnan. -- Cependant, dit d'Artagnan, il me semble bien reconnaître l'écriture. -- Elle est peut-être contrefaite, reprit Athos; à six ou sept heures, dans ce temps-ci, la route de Chaillot est tout à fait déserte: autant que vous alliez vous promener dans la forêt de Bondy. -- Mais si nous y allions tous! dit d'Artagnan; que diable! on ne nous dévorera point tous les quatre; plus, quatre laquais; plus, les chevaux; plus, les armes. -- Puis ce sera une occasion de montrer nos équipages, dit Porthos. -- Mais si c'est une femme qui écrit, dit Aramis, et que cette femme désire ne pas être vue, songez que vous la compromettez, d'Artagnan: ce qui est mal de la part d'un gentilhomme. -- Nous resterons en arrière, dit Porthos, et lui seul s'avancera. -- Oui, mais un coup de pistolet est bientôt tiré d'un carrosse qui marche au galop. -- Bah! dit d'Artagnan, on me manquera. Nous rejoindrons alors le carrosse, et nous exterminerons ceux qui se trouvent dedans. Ce sera toujours autant d'ennemis de moins. -- Il a raison, dit Porthos; bataille; il faut bien essayer nos armes d'ailleurs. -- Bah! donnons-nous ce plaisir, dit Aramis de son air doux et nonchalant. -- Comme vous voudrez, dit Athos. -- Messieurs, dit d'Artagnan, il est quatre heures et demie, et nous avons le temps à peine d'être à six heures sur la route de Chaillot. -- Puis, si nous sortions trop tard, dit Porthos, on ne nous verrait pas, ce qui serait dommage. Allons donc nous apprêter, messieurs. -- Mais cette seconde lettre, dit Athos, vous l'oubliez; il me semble que le cachet indique cependant qu'elle mérite bien d'être ouverte: quant à moi, je vous déclare, mon cher d'Artagnan, que je m'en soucie bien plus que du petit brimborion que vous venez tout doucement de glisser sur votre coeur.» D'Artagnan rougit. «Eh bien, dit le jeune homme, voyons, messieurs, ce que me veut Son Éminence.» Et d'Artagnan décacheta la lettre et lut: «M. d'Artagnan, garde du roi, compagnie des Essarts, est attendu au Palais-Cardinal ce soir à huit heures. «La Houdinière, «Capitaine des gardes.» «Diable! dit Athos, voici un rendez-vous bien autrement inquiétant que l'autre. -- J'irai au second en sortant du premier, dit d'Artagnan: l'un est pour sept heures, l'autre pour huit; il y aura temps pour tout. -- Hum! je n'irais pas, dit Aramis: un galant chevalier ne peut manquer à un rendez-vous donné par une dame; mais un gentilhomme prudent peut s'excuser de ne pas se rendre chez Son Éminence, surtout lorsqu'il a quelque raison de croire que ce n'est pas pour y recevoir des compliments. -- Je suis de l'avis d'Aramis, dit Porthos. -- Messieurs, répondit d'Artagnan, j'ai déjà reçu par M. de Cavois pareille invitation de Son Éminence, je l'ai négligée, et le lendemain il m'est arrivé un grand malheur! Constance a disparu; quelque chose qui puisse advenir, j'irai. -- Si c'est un parti pris, dit Athos, faites. -- Mais la Bastille? dit Aramis. -- Bah! vous m'en tirerez, reprit d'Artagnan. -- Sans doute, reprirent Aramis et Porthos avec un aplomb admirable et comme si c'était la chose la plus simple, sans doute nous vous en tirerons; mais, en attendant, comme nous devons partir après-demain, vous feriez mieux de ne pas risquer cette Bastille. -- Faisons mieux, dit Athos, ne le quittons pas de la soirée, attendons-le chacun à une porte du palais avec trois mousquetaires derrière nous; si nous voyons sortir quelque voiture à portière fermée et à demi suspecte, nous tomberons dessus. Il y a longtemps que nous n'avons eu maille à partir avec les gardes de M. le cardinal, et M. de Tréville doit nous croire morts. -- Décidément, Athos, dit Aramis, vous étiez fait pour être général d'armée; que dites-vous du plan, messieurs? -- Admirable! répétèrent en choeur les jeunes gens. -- Eh bien, dit Porthos, je cours à l'hôtel, je préviens nos camarades de se tenir prêts pour huit heures, le rendez-vous sera sur la place du Palais-Cardinal; vous, pendant ce temps, faites seller les chevaux par les laquais. -- Mais moi, je n'ai pas de cheval, dit d'Artagnan; mais je vais en faire prendre un chez M. de Tréville. -- C'est inutile, dit Aramis, vous prendrez un des miens. -- Combien en avez-vous donc? demanda d'Artagnan. -- Trois, répondit en souriant Aramis. -- Mon cher! dit Athos, vous êtes certainement le poète le mieux monté de France et de Navarre. -- Écoutez, mon cher Aramis, vous ne saurez que faire de trois chevaux, n'est-ce pas? je ne comprends pas même que vous ayez acheté trois chevaux. -- Aussi, je n'en ai acheté que deux, dit Aramis. -- Le troisième vous est donc tombé du ciel? -- Non, le troisième m'a été amené ce matin même par un domestique sans livrée qui n'a pas voulu me dire à qui il appartenait et qui m'a affirmé avoir reçu l'ordre de son maître... -- Ou de sa maîtresse, interrompit d'Artagnan. -- La chose n'y fait rien, dit Aramis en rougissant... et qui m'a affirmé, dis-je, avoir reçu l'ordre de sa maîtresse de mettre ce cheval dans mon écurie sans me dire de quelle part il venait. -- Il n'y a qu'aux poètes que ces choses-là arrivent, reprit gravement Athos. -- Eh bien, en ce cas, faisons mieux, dit d'Artagnan; lequel des deux chevaux monterez-vous: celui que vous avez acheté, ou celui qu'on vous a donné? -- Celui que l'on m'a donné sans contredit; vous comprenez, d'Artagnan, que je ne puis faire cette injure... -- Au donateur inconnu, reprit d'Artagnan. -- Ou à la donatrice mystérieuse, dit Athos. -- Celui que vous avez acheté vous devient donc inutile? -- À peu près. -- Et vous l'avez choisi vous-même? -- Et avec le plus grand soin; la sûreté du cavalier, vous le savez, dépend presque toujours de son cheval! -- Eh bien, cédez-le-moi pour le prix qu'il vous a coûté! -- J'allais vous l'offrir, mon cher d'Artagnan, en vous donnant tout le temps qui vous sera nécessaire pour me rendre cette bagatelle. -- Et combien vous coûte-t-il? -- Huit cents livres. -- Voici quarante doubles pistoles, mon cher ami, dit d'Artagnan en tirant la somme de sa poche; je sais que c'est la monnaie avec laquelle on vous paie vos poèmes. -- Vous êtes donc en fonds? dit Aramis. -- Riche, richissime, mon cher!» Et d'Artagnan fit sonner dans sa poche le reste de ses pistoles. «Envoyez votre selle à l'Hôtel des Mousquetaires, et l'on vous amènera votre cheval ici avec les nôtres. -- Très bien; mais il est bientôt cinq heures, hâtons-nous.» Un quart d'heure après, Porthos apparut à un bout de la rue Férou sur un genet magnifique; Mousqueton le suivait sur un cheval d'Auvergne, petit, mais solide. Porthos resplendissait de joie et d'orgueil. En même temps Aramis apparut à l'autre bout de la rue monté sur un superbe coursier anglais; Bazin le suivait sur un cheval rouan, tenant en laisse un vigoureux mecklembourgeois: c'était la monture de d'Artagnan. Les deux mousquetaires se rencontrèrent à la porte: Athos et d'Artagnan les regardaient par la fenêtre. «Diable! dit Aramis, vous avez là un superbe cheval, mon cher Porthos. -- Oui, répondit Porthos; c'est celui qu'on devait m'envoyer tout d'abord: une mauvaise plaisanterie du mari lui a substitué l'autre; mais le mari a été puni depuis et j'ai obtenu toute satisfaction.» Planchet et Grimaud parurent alors à leur tour, tenant en main les montures de leurs maîtres; d'Artagnan et Athos descendirent, se mirent en selle près de leurs compagnons, et tous quatre se mirent en marche: Athos sur le cheval qu'il devait à sa femme, Aramis sur le cheval qu'il devait à sa maîtresse, Porthos sur le cheval qu'il devait à sa procureuse, et d'Artagnan sur le cheval qu'il devait à sa bonne fortune, la meilleure maîtresse qui soit. Les valets suivirent. Comme l'avait pensé Porthos, la cavalcade fit bon effet; et si Mme Coquenard s'était trouvée sur le chemin de Porthos et eût pu voir quel grand air il avait sur son beau genet d'Espagne, elle n'aurait pas regretté la saignée qu'elle avait faite au coffre- fort de son mari. Près du Louvre les quatre amis rencontrèrent M. de Tréville qui revenait de Saint-Germain; il les arrêta pour leur faire compliment sur leur équipage, ce qui en un instant amena autour d'eux quelques centaines de badauds. D'Artagnan profita de la circonstance pour parler à M. de Tréville de la lettre au grand cachet rouge et aux armes ducales; il est bien entendu que de l'autre il n'en souffla point mot. M. de Tréville approuva la résolution qu'il avait prise, et l'assura que, si le lendemain il n'avait pas reparu, il saurait bien le retrouver, lui, partout où il serait. En ce moment, l'horloge de la Samaritaine sonna six heures; les quatre amis s'excusèrent sur un rendez-vous, et prirent congé de M. de Tréville. Un temps de galop les conduisit sur la route de Chaillot; le jour commençait à baisser, les voitures passaient et repassaient; d'Artagnan, gardé à quelques pas par ses amis, plongeait ses regards jusqu'au fond des carrosses, et n'y apercevait aucune figure de connaissance. Enfin, après un quart d'heure d'attente et comme le crépuscule tombait tout à fait, une voiture apparut, arrivant au grand galop par la route de Sèvres; un pressentiment dit d'avance à d'Artagnan que cette voiture renfermait la personne qui lui avait donné rendez-vous: le jeune homme fut tout étonné lui-même de sentir son coeur battre si violemment. Presque aussitôt une tête de femme sortit par la portière, deux doigts sur la bouche, comme pour recommander le silence, ou comme pour envoyer un baiser; d'Artagnan poussa un léger cri de joie, cette femme, ou plutôt cette apparition, car la voiture était passée avec la rapidité d'une vision, était Mme Bonacieux. Par un mouvement involontaire, et malgré la recommandation faite, d'Artagnan lança son cheval au galop et en quelques bonds rejoignit la voiture; mais la glace de la portière était hermétiquement fermée: la vision avait disparu. D'Artagnan se rappela alors cette recommandation: «Si vous tenez à votre vie et à celle des personnes qui vous aiment, demeurez immobile et comme si vous n'aviez rien vu.» Il s'arrêta donc, tremblant non pour lui, mais pour la pauvre femme qui évidemment s'était exposée à un grand péril en lui donnant ce rendez-vous. La voiture continua sa route toujours marchant à fond de train, s'enfonça dans Paris et disparut. D'Artagnan était resté interdit à la même place et ne sachant que penser. Si c'était Mme Bonacieux et si elle revenait à Paris, pourquoi ce rendez-vous fugitif, pourquoi ce simple échange d'un coup d'oeil, pourquoi ce baiser perdu? Si d'un autre côté ce n'était pas elle, ce qui était encore bien possible, car le peu de jour qui restait rendait une erreur facile, si ce n'était pas elle, ne serait-ce pas le commencement d'un coup de main monté contre lui avec l'appât de cette femme pour laquelle on connaissait son amour? Les trois compagnons se rapprochèrent de lui. Tous trois avaient parfaitement vu une tête de femme apparaître à la portière, mais aucun d'eux, excepté Athos, ne connaissait Mme Bonacieux. L'avis d'Athos, au reste, fut que c'était bien elle; mais moins préoccupé que d'Artagnan de ce joli visage, il avait cru voir une seconde tête, une tête d'homme au fond de la voiture. «S'il en est ainsi, dit d'Artagnan, ils la transportent sans doute d'une prison dans une autre. Mais que veulent-ils donc faire de cette pauvre créature, et comment la rejoindrai-je jamais? -- Ami, dit gravement Athos, rappelez-vous que les morts sont les seuls qu'on ne soit pas exposé à rencontrer sur la terre. Vous en savez quelque chose ainsi que moi, n'est-ce pas? Or, si votre maîtresse n'est pas morte, si c'est elle que nous venons de voir, vous la retrouverez un jour ou l'autre. Et peut-être, mon Dieu, ajouta-t-il avec un accent misanthropique qui lui était propre, peut être plus tôt que vous ne voudrez.» Sept heures et demie sonnèrent, la voiture était en retard d'une vingtaine de minutes sur le rendez-vous donné. Les amis de d'Artagnan lui rappelèrent qu'il avait une visite à faire, tout en lui faisant observer qu'il était encore temps de s'en dédire. Mais d'Artagnan était à la fois entêté et curieux. Il avait mis dans sa tête qu'il irait au Palais-Cardinal, et qu'il saurait ce que voulait lui dire Son Éminence. Rien ne put le faire changer de résolution. On arriva rue Saint-Honoré, et place du Palais-Cardinal on trouva les douze mousquetaires convoqués qui se promenaient en attendant leurs camarades. Là seulement, on leur expliqua ce dont il était question. D'Artagnan était fort connu dans l'honorable corps des mousquetaires du roi, où l'on savait qu'il prendrait un jour sa place; on le regardait donc d'avance comme un camarade. Il résulta de ces antécédents que chacun accepta de grand coeur la mission pour laquelle il était convié; d'ailleurs il s'agissait, selon toute probabilité, de jouer un mauvais tour à M. le cardinal et à ses gens, et pour de pareilles expéditions, ces dignes gentilshommes étaient toujours prêts. Athos les partagea donc en trois groupes, prit le commandement de l'un, donna le second à Aramis et le troisième à Porthos, puis chaque groupe alla s'embusquer en face d'une sortie. D'Artagnan, de son côté, entra bravement par la porte principale. Quoiqu'il se sentît vigoureusement appuyé, le jeune homme n'était pas sans inquiétude en montant pas à pas le grand escalier. Sa conduite avec Milady ressemblait tant soit peu à une trahison, et il se doutait des relations politiques qui existaient entre cette femme et le cardinal; de plus, de Wardes, qu'il avait si mal accommodé, était des fidèles de Son Éminence, et d'Artagnan savait que si Son Éminence était terrible à ses ennemis, elle était fort attachée à ses amis. «Si de Wardes a raconté toute notre affaire au cardinal, ce qui n'est pas douteux, et s'il m'a reconnu, ce qui est probable, je dois me regarder à peu près comme un homme condamné, disait d'Artagnan en secouant la tête. Mais pourquoi a-t-il attendu jusqu'aujourd'hui? C'est tout simple, Milady aura porté plainte contre moi avec cette hypocrite douleur qui la rend si intéressante, et ce dernier crime aura fait déborder le vase. «Heureusement, ajouta-t-il, mes bons amis sont en bas, et ils ne me laisseront pas emmener sans me défendre. Cependant la compagnie des mousquetaires de M. de Tréville ne peut pas faire à elle seule la guerre au cardinal, qui dispose des forces de toute la France, et devant lequel la reine est sans pouvoir et le roi sans volonté. D'Artagnan, mon ami, tu es brave, tu as d'excellentes qualités, mais les femmes te perdront!» Il en était à cette triste conclusion lorsqu'il entra dans l'antichambre. Il remit sa lettre à l'huissier de service qui le fit passer dans la salle d'attente et s'enfonça dans l'intérieur du palais. Dans cette salle d'attente étaient cinq ou six gardes de M. le cardinal, qui, reconnaissant d'Artagnan et sachant que c'était lui qui avait blessé Jussac, le regardèrent en souriant d'un singulier sourire. Ce sourire parut à d'Artagnan d'un mauvais augure; seulement, comme notre Gascon n'était pas facile à intimider, ou que plutôt, grâce à un grand orgueil naturel aux gens de son pays, il ne laissait pas voir facilement ce qui se passait dans son âme, quand ce qui s'y passait ressemblait à de la crainte, il se campa fièrement devant MM. les gardes et attendit la main sur la hanche, dans une attitude qui ne manquait pas de majesté. L'huissier rentra et fit signe à d'Artagnan de le suivre. Il sembla au jeune homme que les gardes, en le regardant s'éloigner, chuchotaient entre eux. Il suivit un corridor, traversa un grand salon, entra dans une bibliothèque, et se trouva en face d'un homme assis devant un bureau et qui écrivait. L'huissier l'introduisit et se retira sans dire une parole. D'Artagnan crut d'abord qu'il avait affaire à quelque juge examinant son dossier, mais il s'aperçut que l'homme de bureau écrivait ou plutôt corrigeait des lignes d'inégales longueurs, en scandant des mots sur ses doigts; il vit qu'il était en face d'un poète. Au bout d'un instant, le poète ferma son manuscrit sur la couverture duquel était écrit: _Mirame_, tragédie en cinq actes, et leva la tête. D'Artagnan reconnut le cardinal. CHAPITRE XL LE CARDINAL Le cardinal appuya son coude sur son manuscrit, sa joue sur sa main, et regarda un instant le jeune homme. Nul n'avait l'oeil plus profondément scrutateur que le cardinal de Richelieu, et d'Artagnan sentit ce regard courir par ses veines comme une fièvre. Cependant il fit bonne contenance, tenant son feutre à la main, et attendant le bon plaisir de Son Éminence, sans trop d'orgueil, mais aussi sans trop d'humilité. «Monsieur, lui dit le cardinal, êtes-vous un d'Artagnan du Béarn? -- Oui, Monseigneur, répondit le jeune homme. -- Il y a plusieurs branches de d'Artagnan à Tarbes et dans les environs, dit le cardinal, à laquelle appartenez-vous? -- Je suis le fils de celui qui a fait les guerres de religion avec le grand roi Henri, père de Sa Gracieuse Majesté. -- C'est bien cela. C'est vous qui êtes parti, il y a sept à huit mois à peu près, de votre pays, pour venir chercher fortune dans la capitale? -- Oui, Monseigneur. -- Vous êtes venu par Meung, où il vous est arrivé quelque chose, je ne sais plus trop quoi, mais enfin quelque chose. Monseigneur, dit d'Artagnan, voici ce qui m'est arrivé... -- Inutile, inutile, reprit le cardinal avec un sourire qui indiquait qu'il connaissait l'histoire aussi bien que celui qui voulait la lui raconter; vous étiez recommandé à M. de Tréville, n'est-ce pas? -- Oui, Monseigneur; mais justement, dans cette malheureuse affaire de Meung... -- La lettre avait été perdue, reprit l'Éminence; oui, je sais cela; mais M. de Tréville est un habile physionomiste qui connaît les hommes à la première vue, et il vous a placé dans la compagnie de son beau-frère, M. des Essarts, en vous laissant espérer qu'un jour ou l'autre vous entreriez dans les mousquetaires. -- Monseigneur est parfaitement renseigné, dit d'Artagnan. Depuis ce temps-là, il vous est arrivé bien des choses: vous vous êtes promené derrière les Chartreux, un jour qu'il eût mieux valu que vous fussiez ailleurs; puis, vous avez fait avec vos amis un voyage aux eaux de Forges; eux se sont arrêtés en route; mais vous, vous avez continué votre chemin. C'est tout simple, vous aviez des affaires en Angleterre. -- Monseigneur, dit d'Artagnan tout interdit, j'allais... -- À la chasse, à Windsor, ou ailleurs, cela ne regarde personne. Je sais cela, moi, parce que mon état est de tout savoir. À votre retour, vous avez été reçu par une auguste personne, et je vois avec plaisir que vous avez conservé le souvenir qu'elle vous a donné.» -- D'Artagnan porta la main au diamant qu'il tenait de la reine, et en tourna vivement le chaton en dedans; mais il était trop tard. «Le lendemain de ce jour vous avez reçu la visite de Cavois, reprit le cardinal; il allait vous prier de passer au palais; cette visite vous ne la lui avez pas rendue, et vous avez eu tort. -- Monseigneur, je craignais d'avoir encouru la disgrâce de Votre Éminence. -- Eh! pourquoi cela, monsieur? pour avoir suivi les ordres de vos supérieurs avec plus d'intelligence et de courage que ne l'eût fait un autre, encourir ma disgrâce quand vous méritiez des éloges! Ce sont les gens qui n'obéissent pas que je punis, et non pas ceux qui, comme vous, obéissent... trop bien... Et, la preuve, rappelez-vous la date du jour où je vous avais fait dire de me venir voir, et cherchez dans votre mémoire ce qui est arrivé le soir même.» C'était le soir même qu'avait eu lieu l'enlèvement de Mme Bonacieux. D'Artagnan frissonna; et il se rappela qu'une demi- heure auparavant la pauvre femme était passée près de lui, sans doute encore emportée par la même puissance qui l'avait fait disparaître. «Enfin, continua le cardinal, comme je n'entendais pas parler de vous depuis quelque temps, j'ai voulu savoir ce que vous faisiez. D'ailleurs, vous me devez bien quelque remerciement: vous avez remarqué vous-même combien vous avez été ménagé dans toutes les circonstances. D'Artagnan s'inclina avec respect. «Cela, continua le cardinal, partait non seulement d'un sentiment d'équité naturelle, mais encore d'un plan que je m'étais tracé à votre égard. D'Artagnan était de plus en plus étonné. «Je voulais vous exposer ce plan le jour où vous reçûtes ma première invitation; mais vous n'êtes pas venu. Heureusement, rien n'est perdu pour ce retard, et aujourd'hui vous allez l'entendre. Asseyez-vous là, devant moi, monsieur d'Artagnan: vous êtes assez bon gentilhomme pour ne pas écouter debout.» Et le cardinal indiqua du doigt une chaise au jeune homme, qui était si étonné de ce qui se passait, que, pour obéir, il attendit un second signe de son interlocuteur. «Vous êtes brave, monsieur d'Artagnan, continua l'Éminence; vous êtes prudent, ce qui vaut mieux. J'aime les hommes de tête et de coeur, moi; ne vous effrayez pas, dit-il en souriant, par les hommes de coeur, j'entends les hommes de courage; mais, tout jeune que vous êtes, et à peine entrant dans le monde, vous avez des ennemis puissants: si vous n'y prenez garde, ils vous perdront! -- Hélas! Monseigneur, répondit le jeune homme, ils le feront bien facilement, sans doute; car ils sont forts et bien appuyés, tandis que moi je suis seul! -- Oui, c'est vrai; mais, tout seul que vous êtes, vous avez déjà fait beaucoup, et vous ferez encore plus, je n'en doute pas. Cependant, vous avez, je le crois, besoin d'être guidé dans l'aventureuse carrière que vous avez entreprise; car, si je ne me trompe, vous êtes venu à Paris avec l'ambitieuse idée de faire fortune. -- Je suis dans l'âge des folles espérances, Monseigneur, dit d'Artagnan. -- Il n'y a de folles espérances que pour les sots, monsieur, et vous êtes homme d'esprit. Voyons, que diriez-vous d'une enseigne dans mes gardes, et d'une compagnie après la campagne? -- Ah! Monseigneur! -- Vous acceptez, n'est-ce pas? -- Monseigneur, reprit d'Artagnan d'un air embarrassé. -- Comment, vous refusez? s'écria le cardinal avec étonnement. -- Je suis dans les gardes de Sa Majesté, Monseigneur, et je n'ai point de raisons d'être mécontent. -- Mais il me semble, dit l'Éminence, que mes gardes, à moi, sont aussi les gardes de Sa Majesté, et que, pourvu qu'on serve dans un corps français, on sert le roi. -- Monseigneur, Votre Éminence a mal compris mes paroles. -- Vous voulez un prétexte, n'est-ce pas? Je comprends. Eh bien, ce prétexte, vous l'avez. L'avancement, la campagne qui s'ouvre, l'occasion que je vous offre, voilà pour le monde; pour vous, le besoin de protections sûres; car il est bon que vous sachiez, monsieur d'Artagnan, que j'ai reçu des plaintes graves contre vous, vous ne consacrez pas exclusivement vos jours et vos nuits au service du roi.» D'Artagnan rougit. «Au reste, continua le cardinal en posant la main sur une liasse de papiers, j'ai là tout un dossier qui vous concerne; mais avant de le lire, j'ai voulu causer avec vous. Je vous sais homme de résolution et vos services bien dirigés, au lieu de vous mener à mal pourraient vous rapporter beaucoup. Allons, réfléchissez, et décidez-vous. -- Votre bonté me confond, Monseigneur, répondit d'Artagnan, et je reconnais dans Votre Éminence une grandeur d'âme qui me fait petit comme un ver de terre; mais enfin, puisque Monseigneur me permet de lui parler franchement...» D'Artagnan s'arrêta. «Oui, parlez. -- Eh bien, je dirai à Votre Éminence que tous mes amis sont aux mousquetaires et aux gardes du roi, et que mes ennemis, par une fatalité inconcevable, sont à Votre Éminence; je serais donc mal venu ici et mal regardé là-bas, si j'acceptais ce que m'offre Monseigneur. -- Auriez-vous déjà cette orgueilleuse idée que je ne vous offre pas ce que vous valez, monsieur? dit le cardinal avec un sourire de dédain. -- Monseigneur, Votre Éminence est cent fois trop bonne pour moi, et au contraire je pense n'avoir point encore fait assez pour être digne de ses bontés. Le siège de La Rochelle va s'ouvrir, Monseigneur; je servirai sous les yeux de Votre Éminence, et si j'ai le bonheur de me conduire à ce siège de telle façon que je mérite d'attirer ses regards, eh bien, après j'aurai au moins derrière moi quelque action d'éclat pour justifier la protection dont elle voudra bien m'honorer. Toute chose doit se faire à son temps, Monseigneur; peut-être plus tard aurai-je le droit de me donner, à cette heure j'aurais l'air de me vendre. -- C'est-à-dire que vous refusez de me servir, monsieur, dit le cardinal avec un ton de dépit dans lequel perçait cependant une sorte d'estime; demeurez donc libre et gardez vos haines et vos sympathies. -- Monseigneur... -- Bien, bien, dit le cardinal, je ne vous en veux pas, mais vous comprenez, on a assez de défendre ses amis et de les récompenser, on ne doit rien à ses ennemis, et cependant je vous donnerai un conseil: tenez-vous bien, monsieur d'Artagnan, car, du moment que j'aurai retiré ma main de dessus vous, je n'achèterai pas votre vie pour une obole. -- J'y tâcherai, Monseigneur, répondit le Gascon avec une noble assurance. -- Songez plus tard, et à un certain moment, s'il vous arrive malheur, dit Richelieu avec intention, que c'est moi qui ai été vous chercher, et que j'ai fait ce que j'ai pu pour que ce malheur ne vous arrivât pas. -- J'aurai, quoi qu'il arrive, dit d'Artagnan en mettant la main sur sa poitrine et en s'inclinant, une éternelle reconnaissance à Votre Éminence de ce qu'elle fait pour moi en ce moment. -- Eh bien donc! comme vous l'avez dit, monsieur d'Artagnan, nous nous reverrons après la campagne; je vous suivrai des yeux; car je serai là-bas, reprit le cardinal en montrant du doigt à d'Artagnan une magnifique armure qu'il devait endosser, et à notre retour, eh bien, nous compterons! -- Ah! Monseigneur, s'écria d'Artagnan, épargnez-moi le poids de votre disgrâce; restez neutre, Monseigneur, si vous trouvez que j'agis en galant homme. -- Jeune homme, dit Richelieu, si je puis vous dire encore une fois ce que je vous ai dit aujourd'hui, je vous promets de vous le dire.» Cette dernière parole de Richelieu exprimait un doute terrible; elle consterna d'Artagnan plus que n'eût fait une menace, car c'était un avertissement. Le cardinal cherchait donc à le préserver de quelque malheur qui le menaçait. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais d'un geste hautain, le cardinal le congédia. D'Artagnan sortit; mais à la porte le coeur fut prêt à lui manquer, et peu s'en fallut qu'il ne rentrât. Cependant la figure grave et sévère d'Athos lui apparut: s'il faisait avec le cardinal le pacte que celui-ci lui proposait, Athos ne lui donnerait plus la main, Athos le renierait. Ce fut cette crainte qui le retint, tant est puissante l'influence d'un caractère vraiment grand sur tout ce qui l'entoure. D'Artagnan descendit par le même escalier qu'il était entré, et trouva devant la porte Athos et les quatre mousquetaires qui attendaient son retour et qui commençaient à s'inquiéter. D'un mot d'Artagnan les rassura, et Planchet courut prévenir les autres postes qu'il était inutile de monter une plus longue garde, attendu que son maître était sorti sain et sauf du Palais- Cardinal. Rentrés chez Athos, Aramis et Porthos s'informèrent des causes de cet étrange rendez-vous; mais d'Artagnan se contenta de leur dire que M. de Richelieu l'avait fait venir pour lui proposer d'entrer dans ses gardes avec le grade d'enseigne, et qu'il avait refusé. «Et vous avez eu raison», s'écrièrent d'une seule voix Porthos et Aramis. Athos tomba dans une profonde rêverie et ne répondit rien. Mais lorsqu'il fut seul avec d'Artagnan: «Vous avez fait ce que vous deviez faire, d'Artagnan, dit Athos, mais peut-être avez-vous eu tort.» D'Artagnan poussa un soupir; car cette voix répondait à une voix secrète de son âme, qui lui disait que de grands malheurs l'attendaient. La journée du lendemain se passa en préparatifs de départ; d'Artagnan alla faire ses adieux à M. de Tréville. À cette heure on croyait encore que la séparation des gardes et des mousquetaires serait momentanée, le roi tenant son parlement le jour même et devant partir le lendemain. M. de Tréville se contenta donc de demander à d'Artagnan s'il avait besoin de lui, mais d'Artagnan répondit fièrement qu'il avait tout ce qu'il lui fallait. La nuit réunit tous les camarades de la compagnie des gardes de M. des Essarts et de la compagnie des mousquetaires de M. de Tréville, qui avaient fait amitié ensemble. On se quittait pour se revoir quand il plairait à Dieu et s'il plaisait à Dieu. La nuit fut donc des plus bruyantes, comme on peut le penser, car, en pareil cas, on ne peut combattre l'extrême préoccupation que par l'extrême insouciance. Le lendemain, au premier son des trompettes, les amis se quittèrent: les mousquetaires coururent à l'hôtel de M. de Tréville, les gardes à celui de M. des Essarts. Chacun des capitaines conduisit aussitôt sa compagnie au Louvre, où le roi passait sa revue. Le roi était triste et paraissait malade, ce qui lui ôtait un peu de sa haute mine. En effet, la veille, la fièvre l'avait pris au milieu du parlement et tandis qu'il tenait son lit de justice. Il n'en était pas moins décidé à partir le soir même; et, malgré les observations qu'on lui avait faites, il avait voulu passer sa revue, espérant, par le premier coup de vigueur, vaincre la maladie qui commençait à s'emparer de lui. La revue passée, les gardes se mirent seuls en marche, les mousquetaires ne devant partir qu'avec le roi, ce qui permit à Porthos d'aller faire, dans son superbe équipage, un tour dans la rue aux Ours. La procureuse le vit passer dans son uniforme neuf et sur son beau cheval. Elle aimait trop Porthos pour le laisser partir ainsi; elle lui fit signe de descendre et de venir auprès d'elle. Porthos était magnifique; ses éperons résonnaient, sa cuirasse brillait, son épée lui battait fièrement les jambes. Cette fois les clercs n'eurent aucune envie de rire, tant Porthos avait l'air d'un coupeur d'oreilles. Le mousquetaire fut introduit près de M. Coquenard, dont le petit oeil gris brilla de colère en voyant son cousin tout flambant neuf. Cependant une chose le consola intérieurement; c'est qu'on disait partout que la campagne serait rude: il espérait tout doucement, au fond du coeur, que Porthos y serait tué. Porthos présenta ses compliments à maître Coquenard et lui fit ses adieux; maître Coquenard lui souhaita toutes sortes de prospérités. Quant à Mme Coquenard, elle ne pouvait retenir ses larmes; mais on ne tira aucune mauvaise conséquence de sa douleur, on la savait fort attachée à ses parents, pour lesquels elle avait toujours eu de cruelles disputes avec son mari. Mais les véritables adieux se firent dans la chambre de Mme Coquenard: ils furent déchirants. Tant que la procureuse put suivre des yeux son amant, elle agita un mouchoir en se penchant hors de la fenêtre, à croire qu'elle voulait se précipiter. Porthos reçut toutes ces marques de tendresse en homme habitué à de pareilles démonstrations. Seulement, en tournant le coin de la rue, il souleva son feutre et l'agita en signe d'adieu. De son côté, Aramis écrivait une longue lettre. À qui? Personne n'en savait rien. Dans la chambre voisine, Ketty, qui devait partir le soir même pour Tours, attendait cette lettre mystérieuse. Athos buvait à petits coups la dernière bouteille de son vin d'Espagne. Pendant ce temps, d'Artagnan défilait avec sa compagnie. En arrivant au faubourg Saint-Antoine, il se retourna pour regarder gaiement la Bastille; mais, comme c'était la Bastille seulement qu'il regardait, il ne vit point Milady, qui, montée sur un cheval isabelle, le désignait du doigt à deux hommes de mauvaise mine qui s'approchèrent aussitôt des rangs pour le reconnaître. Sur une interrogation qu'ils firent du regard, Milady répondit par un signe que c'était bien lui. Puis, certaine qu'il ne pouvait plus y avoir de méprise dans l'exécution de ses ordres, elle piqua son cheval et disparut. Les deux hommes suivirent alors la compagnie, et, à la sortie du faubourg Saint-Antoine, montèrent sur des chevaux tout préparés qu'un domestique sans livrée tenait en les attendant. CHAPITRE XLI LE SIÈGE DE LA ROCHELLE Le siège de La Rochelle fut un des grands événements politiques du règne de Louis XIII, et une des grandes entreprises militaires du cardinal. Il est donc intéressant, et même nécessaire, que nous en disions quelques mots; plusieurs détails de ce siège se liant d'ailleurs d'une manière trop importante à l'histoire que nous avons entrepris de raconter, pour que nous les passions sous silence. Les vues politiques du cardinal, lorsqu'il entreprit ce siège, étaient considérables. Exposons-les d'abord, puis nous passerons aux vues particulières qui n'eurent peut-être pas sur Son Éminence moins d'influence que les premières. Des villes importantes données par Henri IV aux huguenots comme places de sûreté, il ne restait plus que La Rochelle. Il s'agissait donc de détruire ce dernier boulevard du calvinisme, levain dangereux, auquel se venaient incessamment mêler des ferments de révolte civile ou de guerre étrangère. Espagnols, Anglais, Italiens mécontents, aventuriers de toute nation, soldats de fortune de toute secte accouraient au premier appel sous les drapeaux des protestants et s'organisaient comme une vaste association dont les branches divergeaient à loisir sur tous les points de l'Europe. La Rochelle, qui avait pris une nouvelle importance de la ruine des autres villes calvinistes, était donc le foyer des dissensions et des ambitions. Il y avait plus, son port était la dernière porte ouverte aux Anglais dans le royaume de France; et en la fermant à l'Angleterre, notre éternelle ennemie, le cardinal achevait l'oeuvre de Jeanne d'Arc et du duc de Guise. Aussi Bassompierre, qui était à la fois protestant et catholique, protestant de conviction et catholique comme commandeur du Saint- Esprit; Bassompierre, qui était allemand de naissance et français de coeur; Bassompierre, enfin, qui avait un commandement particulier au siège de La Rochelle, disait-il, en chargeant à la tête de plusieurs autres seigneurs protestants comme lui: «Vous verrez, messieurs, que nous serons assez bêtes pour prendre La Rochelle!» Et Bassompierre avait raison: la canonnade de l'île de Ré lui présageait les dragonnades des Cévennes; la prise de La Rochelle était la préface de la révocation de l'édit de Nantes. Mais nous l'avons dit, à côté de ces vues du ministre niveleur et simplificateur, et qui appartiennent à l'histoire, le chroniqueur est bien forcé de reconnaître les petites visées de l'homme amoureux et du rival jaloux. Richelieu, comme chacun sait, avait été amoureux de la reine; cet amour avait-il chez lui un simple but politique ou était-ce tout naturellement une de ces profondes passions comme en inspira Anne d'Autriche à ceux qui l'entouraient, c'est ce que nous ne saurions dire; mais en tout cas on a vu, par les développements antérieurs de cette histoire, que Buckingham l'avait emporté sur lui, et que, dans deux ou trois circonstances et particulièrement dans celles des ferrets, il l'avait, grâce au dévouement des trois mousquetaires et au courage de d'Artagnan, cruellement mystifié. Il s'agissait donc pour Richelieu, non seulement de débarrasser la France d'un ennemi, mais de se venger d'un rival; au reste, la vengeance devait être grande et éclatante, et digne en tout d'un homme qui tient dans sa main, pour épée de combat, les forces de tout un royaume. Richelieu savait qu'en combattant l'Angleterre il combattait Buckingham, qu'en triomphant de l'Angleterre il triomphait de Buckingham, enfin qu'en humiliant l'Angleterre aux yeux de l'Europe il humiliait Buckingham aux yeux de la reine. De son côté Buckingham, tout en mettant en avant l'honneur de l'Angleterre, était mû par des intérêts absolument semblables à ceux du cardinal; Buckingham aussi poursuivait une vengeance particulière: sous aucun prétexte, Buckingham n'avait pu rentrer en France comme ambassadeur, il voulait y rentrer comme conquérant. Il en résulte que le véritable enjeu de cette partie, que les deux plus puissants royaumes jouaient pour le bon plaisir de deux hommes amoureux, était un simple regard d'Anne d'Autriche. Le premier avantage avait été au duc de Buckingham: arrivé inopinément en vue de l'île de Ré avec quatre-vingt-dix vaisseaux et vingt mille hommes à peu près, il avait surpris le comte de Toiras, qui commandait pour le roi dans l'île; il avait, après un combat sanglant, opéré son débarquement. Relatons en passant que dans ce combat avait péri le baron de Chantal; le baron de Chantal laissait orpheline une petite fille de dix-huit mois. Cette petite fille fut depuis Mme de Sévigné. Le comte de Toiras se retira dans la citadelle Saint-Martin avec la garnison, et jeta une centaine d'hommes dans un petit fort qu'on appelait le fort de La Prée. Cet événement avait hâté les résolutions du cardinal; et en attendant que le roi et lui pussent aller prendre le commandement du siège de La Rochelle, qui était résolu, il avait fait partir Monsieur pour diriger les premières opérations, et avait fait filer vers le théâtre de la guerre toutes les troupes dont il avait pu disposer. C'était de ce détachement envoyé en avant-garde que faisait partie notre ami d'Artagnan. Le roi, comme nous l'avons dit, devait suivre, aussitôt son lit de justice tenu, mais en se levant de ce lit de justice, le 28 juin, il s'était senti pris par la fièvre; il n'en avait pas moins voulu partir, mais, son état empirant, il avait été forcé de s'arrêter à Villeroi. Or, où s'arrêtait le roi s'arrêtaient les mousquetaires; il en résultait que d'Artagnan, qui était purement et simplement dans les gardes, se trouvait séparé, momentanément du moins, de ses bons amis Athos, Porthos et Aramis; cette séparation, qui n'était pour lui qu'une contrariété, fût certes devenue une inquiétude sérieuse s'il eût pu deviner de quels dangers inconnus il était entouré. Il n'en arriva pas moins sans accident au camp établi devant La Rochelle, vers le 10 du mois de septembre de l'année 1627. Tout était dans le même état: le duc de Buckingham et ses Anglais, maîtres de l'île de Ré, continuaient d'assiéger mais sans succès, la citadelle de Saint-Martin et le fort de La Prée, et les hostilités avec La Rochelle étaient commencées depuis deux ou trois jours à propos d'un fort que le duc d'Angoulême venait de faire construire près de la ville. Les gardes, sous le commandement de M. des Essarts, avaient leur logement aux Minimes. Mais nous le savons, d'Artagnan, préoccupé de l'ambition de passer aux mousquetaires, avait rarement fait amitié avec ses camarades; il se trouvait donc isolé et livré à ses propres réflexions. Ses réflexions n'étaient pas riantes: depuis un an qu'il était arrivé à Paris, il s'était mêlé aux affaires publiques; ses affaires privées n'avaient pas fait grand chemin comme amour et comme fortune. Comme amour, la seule femme qu'il eût aimée était Mme Bonacieux, et Mme Bonacieux avait disparu sans qu'il pût découvrir encore ce qu'elle était devenue. Comme fortunes il s'était fait, lui chétif, ennemi du cardinal, c'est-à-dire d'un homme devant lequel tremblaient les plus grands du royaume, à commencer par le roi. Cet homme pouvait l'écraser, et cependant il ne l'avait pas fait: pour un esprit aussi perspicace que l'était d'Artagnan, cette indulgence était un jour par lequel il voyait dans un meilleur avenir. Puis, il s'était fait encore un autre ennemi moins à craindre, pensait-il, mais que cependant il sentait instinctivement n'être pas à mépriser: cet ennemi, c'était Milady. En échange de tout cela il avait acquis la protection et la bienveillance de la reine, mais la bienveillance de la reine était, par le temps qui courait, une cause de plus de persécution; et sa protection, on le sait, protégeait fort mal: témoins Chalais et Mme Bonacieux. Ce qu'il avait donc gagné de plus clair dans tout cela c'était le diamant de cinq ou six mille livres qu'il portait au doigt; et encore ce diamant, en supposant que d'Artagnan dans ses projets d'ambition, voulût le garder pour s'en faire un jour un signe de reconnaissance près de la reine n'avait en attendant, puisqu'il ne pouvait s'en défaire, pas plus de valeur que les cailloux qu'il foulait à ses pieds. Nous disons «que les cailloux qu'il foulait à ses pieds», car d'Artagnan faisait ces réflexions en se promenant solitairement sur un joli petit chemin qui conduisait du camp au village d'Angoutin; or ces réflexions l'avaient conduit plus loin qu'il ne croyait, et le jour commençait à baisser, lorsqu'au dernier rayon du soleil couchant il lui sembla voir briller derrière une haie le canon d'un mousquet. D'Artagnan avait l'oeil vif et l'esprit prompt, il comprit que le mousquet n'était pas venu là tout seul et que celui qui le portait ne s'était pas caché derrière une haie dans des intentions amicales. Il résolut donc de gagner au large, lorsque de l'autre côté de la route, derrière un rocher, il aperçut l'extrémité d'un second mousquet. C'était évidemment une embuscade. Le jeune homme jeta un coup d'oeil sur le premier mousquet et vit avec une certaine inquiétude qu'il s'abaissait dans sa direction, mais aussitôt qu'il vit l'orifice du canon immobile il se jeta ventre à terre. En même temps le coup partit, il entendit le sifflement d'une balle qui passait au-dessus de sa tête. Il n'y avait pas de temps à perdre, d'Artagnan se redressa d'un bond, et au même moment la balle de l'autre mousquet fit voler les cailloux à l'endroit même du chemin où il s'était jeté la face contre terre. D'Artagnan n'était pas un de ces hommes inutilement braves qui cherchent une mort ridicule pour qu'on dise d'eux qu'ils n'ont pas reculé d'un pas, d'ailleurs il ne s'agissait plus de courage ici, d'Artagnan était tombé dans un guet-apens. «S'il y a un troisième coup, se dit-il, je suis un homme perdu!» Et aussitôt prenant ses jambes à son cou, il s'enfuit dans la direction du camp, avec la vitesse des gens de son pays si renommés pour leur agilité; mais, quelle que fût la rapidité de sa course, le premier qui avait tiré, ayant eu le temps de recharger son arme, lui tira un second coup si bien ajusté, cette fois, que la balle traversa son feutre et le fit voler à dix pas de lui. Cependant, comme d'Artagnan n'avait pas d'autre chapeau, il ramassa le sien tout en courant, arriva fort essoufflé et fort pâle, dans son logis, s'assit sans rien dire à personne et se mit à réfléchir. Cet événement pouvait avoir trois causes: La première et la plus naturelle pouvait être une embuscade des Rochelois, qui n'eussent pas été fâchés de tuer un des gardes de Sa Majesté, d'abord parce que c'était un ennemi de moins, et que cet ennemi pouvait avoir une bourse bien garnie dans sa poche. D'Artagnan prit son chapeau, examina le trou de la balle, et secoua la tête. La balle n'était pas une balle de mousquet, c'était une balle d'arquebuse; la justesse du coup lui avait déjà donné l'idée qu'il avait été tiré par une arme particulière: ce n'était donc pas une embuscade militaire, puisque la balle n'était pas de calibre. Ce pouvait être un bon souvenir de M. le cardinal. On se rappelle qu'au moment même où il avait, grâce à ce bienheureux rayon de soleil, aperçu le canon du fusil, il s'étonnait de la longanimité de Son Éminence à son égard. Mais d'Artagnan secoua la tête. Pour les gens vers lesquels elle n'avait qu'à étendre la main, Son Éminence recourait rarement à de pareils moyens. Ce pouvait être une vengeance de Milady. Ceci, c'était plus probable. Il chercha inutilement à se rappeler ou les traits ou le costume des assassins; il s'était éloigné d'eux si rapidement, qu'il n'avait eu le loisir de rien remarquer. «Ah! mes pauvres amis, murmura d'Artagnan, où êtes-vous? et que vous me faites faute!» D'Artagnan passa une fort mauvaise nuit. Trois ou quatre fois il se réveilla en sursaut, se figurant qu'un homme s'approchait de son lit pour le poignarder. Cependant le jour parut sans que l'obscurité eût amené aucun incident. Mais d'Artagnan se douta bien que ce qui était différé n'était pas perdu. D'Artagnan resta toute la journée dans son logis; il se donna pour excuse, vis-à-vis de lui-même, que le temps était mauvais. Le surlendemain, à neuf heures, on battit aux champs. Le duc d'Orléans visitait les postes. Les gardes coururent aux armes, d'Artagnan prit son rang au milieu de ses camarades. Monsieur passa sur le front de bataille; puis tous les officiers supérieurs s'approchèrent de lui pour lui faire leur cour, M. des Essarts, le capitaine des gardes, comme les autres. Au bout d'un instant il parut à d'Artagnan que M. des Essarts lui faisait signe de s'approcher de lui: il attendit un nouveau geste de son supérieur, craignant de se tromper, mais ce geste s'étant renouvelé, il quitta les rangs et s'avança pour prendre l'ordre. «Monsieur va demander des hommes de bonne volonté pour une mission dangereuse, mais qui fera honneur à ceux qui l'auront accomplie, et je vous ai fait signe afin que vous vous tinssiez prêt. -- Merci, mon capitaine!» répondit d'Artagnan, qui ne demandait pas mieux que de se distinguer sous les yeux du lieutenant général. En effet, les Rochelois avaient fait une sortie pendant la nuit et avaient repris un bastion dont l'armée royaliste s'était emparée deux jours auparavant; il s'agissait de pousser une reconnaissance perdue pour voir comment l'armée gardait ce bastion. Effectivement, au bout de quelques instants, Monsieur éleva la voix et dit: «Il me faudrait, pour cette mission, trois ou quatre volontaires conduits par un homme sûr. -- Quant à l'homme sûr, je l'ai sous la main, Monseigneur, dit M. des Essarts en montrant d'Artagnan; et quant aux quatre ou cinq volontaires, Monseigneur n'a qu'à faire connaître ses intentions, et les hommes ne lui manqueront pas. -- Quatre hommes de bonne volonté pour venir se faire tuer avec moi!» dit d'Artagnan en levant son épée. Deux de ses camarades aux gardes s'élancèrent aussitôt, et deux soldats s'étant joints à eux, il se trouva que le nombre demandé était suffisant; d'Artagnan refusa donc tous les autres, ne voulant pas faire de passe-droit à ceux qui avaient la priorité. On ignorait si, après la prise du bastion, les Rochelois l'avaient évacué ou s'ils y avaient laissé garnison; il fallait donc examiner le lieu indiqué d'assez près pour vérifier la chose. D'Artagnan partit avec ses quatre compagnons et suivit la tranchée: les deux gardes marchaient au même rang que lui et les soldats venaient par-derrière. Ils arrivèrent ainsi, en se couvrant de revêtements, jusqu'à une centaine de pas du bastion! Là, d'Artagnan, en se retournant, s'aperçut que les deux soldats avaient disparu. Il crut qu'ayant eu peur ils étaient restés en arrière et continua d'avancer. Au détour de la contrescarpe, ils se trouvèrent à soixante pas à peu près du bastion. On ne voyait personne, et le bastion semblait abandonné. Les trois enfants perdus délibéraient s'ils iraient plus avant, lorsque tout à coup une ceinture de fumée ceignit le géant de pierre, et une douzaine de balles vinrent siffler autour de d'Artagnan et de ses deux compagnons. Ils savaient ce qu'ils voulaient savoir: le bastion était gardé. Une plus longue station dans cet endroit dangereux eût donc été une imprudence inutile; d'Artagnan et les deux gardes tournèrent le dos et commencèrent une retraite qui ressemblait à une fuite. En arrivant à l'angle de la tranchée qui allait leur servir de rempart, un des gardes tomba: une balle lui avait traversé la poitrine. L'autre, qui était sain et sauf, continua sa course vers le camp. D'Artagnan ne voulut pas abandonner ainsi son compagnon, et s'inclina vers lui pour le relever et l'aider à rejoindre les lignes; mais en ce moment deux coups de fusil partirent: une balle cassa la tête du garde déjà blessé, et l'autre vint s'aplatir sur le roc après avoir passé à deux pouces de d'Artagnan. Le jeune homme se retourna vivement, car cette attaque ne pouvait venir du bastion, qui était masqué par l'angle de la tranchée. L'idée des deux soldats qui l'avaient abandonné lui revint à l'esprit et lui rappela ses assassins de la surveille; il résolut donc cette fois de savoir à quoi s'en tenir, et tomba sur le corps de son camarade comme s'il était mort. Il vit aussitôt deux têtes qui s'élevaient au-dessus d'un ouvrage abandonné qui était à trente pas de là: c'étaient celles de nos deux soldats. D'Artagnan ne s'était pas trompé: ces deux hommes ne l'avaient suivi que pour l'assassiner, espérant que la mort du jeune homme serait mise sur le compte de l'ennemi. Seulement, comme il pouvait n'être que blessé et dénoncer leur crime, ils s'approchèrent pour l'achever; heureusement, trompés par la ruse de d'Artagnan, ils négligèrent de recharger leurs fusils. Lorsqu'ils furent à dix pas de lui, d'Artagnan, qui en tombant avait eu grand soin de ne pas lâcher son épée, se releva tout à coup et d'un bond se trouva près d'eux. Les assassins comprirent que s'ils s'enfuyaient du côté du camp sans avoir tué leur homme, ils seraient accusés par lui; aussi leur première idée fut-elle de passer à l'ennemi. L'un d'eux prit son fusil par le canon, et s'en servit comme d'une massue: il en porta un coup terrible à d'Artagnan, qui l'évita en se jetant de côté, mais par ce mouvement il livra passage au bandit, qui s'élança aussitôt vers le bastion. Comme les Rochelois qui le gardaient ignoraient dans quelle intention cet homme venait à eux, ils firent feu sur lui et il tomba frappé d'une balle qui lui brisa l'épaule. Pendant ce temps, d'Artagnan s'était jeté sur le second soldat, l'attaquant avec son épée; la lutte ne fut pas longue, ce misérable n'avait pour se défendre que son arquebuse déchargée; l'épée du garde glissa contre le canon de l'arme devenue inutile et alla traverser la cuisse de l'assassin, qui tomba. D'Artagnan lui mit aussitôt la pointe du fer sur la gorge. «Oh! ne me tuez pas! s'écria le bandit; grâce, grâce, mon officier! et je vous dirai tout. -- Ton secret vaut-il la peine que je te garde la vie au moins? demanda le jeune homme en retenant son bras. -- Oui; si vous estimez que l'existence soit quelque chose quand on a vingt-deux ans comme vous et qu'on peut arriver à tout, étant beau et brave comme vous l'êtes. -- Misérable! dit d'Artagnan, voyons, parle vite, qui t'a chargé de m'assassiner? -- Une femme que je ne connais pas, mais qu'on appelle Milady. -- Mais si tu ne connais pas cette femme, comment sais-tu son nom? -- Mon camarade la connaissait et l'appelait ainsi, c'est à lui qu'elle a eu affaire et non pas à moi; il a même dans sa poche une lettre de cette personne qui doit avoir pour vous une grande importance, à ce que je lui ai entendu dire. -- Mais comment te trouves-tu de moitié dans ce guet-apens? -- Il m'a proposé de faire le coup à nous deux et j'ai accepté. -- Et combien vous a-t-elle donné pour cette belle expédition? -- Cent louis. -- Eh bien, à la bonne heure, dit le jeune homme en riant, elle estime que je vaux quelque chose; cent louis! c'est une somme pour deux misérables comme vous: aussi je comprends que tu aies accepté, et je te fais grâce, mais à une condition! -- Laquelle? demanda le soldat inquiet en voyant que tout n'était pas fini. -- C'est que tu vas aller me chercher la lettre que ton camarade a dans sa poche. -- Mais, s'écria le bandit, c'est une autre manière de me tuer; comment voulez-vous que j'aille chercher cette lettre sous le feu du bastion? -- Il faut pourtant que tu te décides à l'aller chercher, ou je te jure que tu vas mourir de ma main. -- Grâce, monsieur, pitié! au nom de cette jeune dame que vous aimez, que vous croyez morte peut-être, et qui ne l'est pas! s'écria le bandit en se mettant à genoux et s'appuyant sur sa main, car il commençait à perdre ses forces avec son sang. -- Et d'où sais-tu qu'il y a une jeune femme que j'aime, et que j'ai cru cette femme morte? demanda d'Artagnan. -- Par cette lettre que mon camarade a dans sa poche. -- Tu vois bien alors qu'il faut que j'aie cette lettre, dit d'Artagnan; ainsi donc plus de retard, plus d'hésitation, ou quelle que soit ma répugnance à tremper une seconde fois mon épée dans le sang d'un misérable comme toi, je le jure par ma foi d'honnête homme...» Et à ces mots d'Artagnan fit un geste si menaçant, que le blessé se releva. «Arrêtez! arrêtez! s'écria-t-il reprenant courage à force de terreur, j'irai... j'irai!...» D'Artagnan prit l'arquebuse du soldat, le fit passer devant lui et le poussa vers son compagnon en lui piquant les reins de la pointe de son épée. C'était une chose affreuse que de voir ce malheureux, laissant sur le chemin qu'il parcourait une longue trace de sang, pâle de sa mort prochaine, essayant de se traîner sans être vu jusqu'au corps de son complice qui gisait à vingt pas de là! La terreur était tellement peinte sur son visage couvert d'une froide sueur, que d'Artagnan en eut pitié; et que, le regardant avec mépris: «Eh bien, lui dit-il, je vais te montrer la différence qu'il y a entre un homme de coeur et un lâche comme toi; reste, j'irai.» Et d'un pas agile, l'oeil au guet, observant les mouvements de l'ennemi, s'aidant de tous les accidents de terrain, d'Artagnan parvint jusqu'au second soldat. Il y avait deux moyens d'arriver à son but: le fouiller sur la place, ou l'emporter en se faisant un bouclier de son corps, et le fouiller dans la tranchée. D'Artagnan préféra le second moyen et chargea l'assassin sur ses épaules au moment même où l'ennemi faisait feu. Une légère secousse, le bruit mat de trois balles qui trouaient les chairs, un dernier cri, un frémissement d'agonie prouvèrent à d'Artagnan que celui qui avait voulu l'assassiner venait de lui sauver la vie. D'Artagnan regagna la tranchée et jeta le cadavre auprès du blessé aussi pâle qu'un mort. Aussitôt il commença l'inventaire: un portefeuille de cuir, une bourse où se trouvait évidemment une partie de la somme que le bandit avait reçue, un cornet et des dés formaient l'héritage du mort. Il laissa le cornet et les dés où ils étaient tombés, jeta la bourse au blessé et ouvrit avidement le portefeuille. Au milieu de quelques papiers sans importance, il trouva la lettre suivante: c'était celle qu'il était allé chercher au risque de sa vie: «Puisque vous avez perdu la trace de cette femme et qu'elle est maintenant en sûreté dans ce couvent où vous n'auriez jamais dû la laisser arriver, tâchez au moins de ne pas manquer l'homme; sinon, vous savez que j'ai la main longue et que vous payeriez cher les cent louis que vous avez à moi.» Pas de signature. Néanmoins il était évident que la lettre venait de Milady. En conséquence, il la garda comme pièce à conviction, et, en sûreté derrière l'angle de la tranchée, il se mit à interroger le blessé. Celui-ci confessa qu'il s'était chargé avec son camarade, le même qui venait d'être tué, d'enlever une jeune femme qui devait sortir de Paris par la barrière de La Villette, mais que, s'étant arrêtés à boire dans un cabaret, ils avaient manqué la voiture de dix minutes. «Mais qu'eussiez-vous fait de cette femme? demanda d'Artagnan avec angoisse. -- Nous devions la remettre dans un hôtel de la place Royale, dit le blessé. -- Oui! oui! murmura d'Artagnan, c'est bien cela, chez Milady elle-même.» Alors le jeune homme comprit en frémissant quelle terrible soif de vengeance poussait cette femme à le perdre, ainsi que ceux qui l'aimaient, et combien elle en savait sur les affaires de la cour, puisqu'elle avait tout découvert. Sans doute elle devait ces renseignements au cardinal. Mais, au milieu de tout cela, il comprit, avec un sentiment de joie bien réel, que la reine avait fini par découvrir la prison où la pauvre Mme Bonacieux expiait son dévouement, et qu'elle l'avait tirée de cette prison. Alors la lettre qu'il avait reçue de la jeune femme et son passage sur la route de Chaillot, passage pareil à une apparition, lui furent expliqués. Dès lors, ainsi qu'Athos l'avait prédit, il était possible de retrouver Mme Bonacieux, et un couvent n'était pas imprenable. Cette idée acheva de lui remettre la clémence au coeur. Il se retourna vers le blessé qui suivait avec anxiété toutes les expressions diverses de son visage, et lui tendant le bras: «Allons, lui dit-il, je ne veux pas t'abandonner ainsi. Appuie-toi sur moi et retournons au camp. -- Oui, dit le blessé, qui avait peine à croire à tant de magnanimité, mais n'est-ce point pour me faire pendre? -- Tu as ma parole, dit-il, et pour la seconde fois je te donne la vie.» Le blessé se laissa glisser à genoux et baisa de nouveau les pieds de son sauveur; mais d'Artagnan, qui n'avait plus aucun motif de rester si près de l'ennemi, abrégea lui-même les témoignages de sa reconnaissance. Le garde qui était revenu à la première décharge des Rochelois avait annoncé la mort de ses quatre compagnons. On fut donc à la fois fort étonné et fort joyeux dans le régiment, quand on vit reparaître le jeune homme sain et sauf. D'Artagnan expliqua le coup d'épée de son compagnon par une sortie qu'il improvisa. Il raconta la mort de l'autre soldat et les périls qu'ils avaient courus. Ce récit fut pour lui l'occasion d'un véritable triomphe. Toute l'armée parla de cette expédition pendant un jour, et Monsieur lui en fit faire ses compliments. Au reste, comme toute belle action porte avec elle sa récompense, la belle action de d'Artagnan eut pour résultat de lui rendre la tranquillité qu'il avait perdue. En effet, d'Artagnan croyait pouvoir être tranquille, puisque, de ses deux ennemis, l'un était tué et l'autre dévoué à ses intérêts. Cette tranquillité prouvait une chose, c'est que d'Artagnan ne connaissait pas encore Milady. CHAPITRE XLII LE VIN D'ANJOU Après des nouvelles presque désespérées du roi, le bruit de sa convalescence commençait à se répandre dans le camp; et comme il avait grande hâte d'arriver en personne au siège, on disait qu'aussitôt qu'il pourrait remonter à cheval, il se remettrait en route. Pendant ce temps, Monsieur, qui savait que, d'un jour à l'autre, il allait être remplacé dans son commandement, soit par le duc d'Angoulême, soit par Bassompierre ou par Schomberg, qui se disputaient le commandement, faisait peu de choses, perdait ses journées en tâtonnements, et n'osait risquer quelque grande entreprise pour chasser les Anglais de l'île de Ré, où ils assiégeaient toujours la citadelle Saint-Martin et le fort de La Prée, tandis que, de leur côté, les Français assiégeaient La Rochelle. D'Artagnan, comme nous l'avons dit, était redevenu plus tranquille, comme il arrive toujours après un danger passé, et quand le danger semble évanoui; il ne lui restait qu'une inquiétude, c'était de n'apprendre aucune nouvelle de ses amis. Mais, un matin du commencement du mois de novembre, tout lui fut expliqué par cette lettre, datée de Villeroi: «Monsieur d'Artagnan, «MM. Athos, Porthos et Aramis, après avoir fait une bonne partie chez moi, et s'être égayés beaucoup, ont mené si grand bruit, que le prévôt du château, homme très rigide, les a consignés pour quelques jours; mais j'accomplis les ordres qu'ils m'ont donnés, de vous envoyer douze bouteilles de mon vin d'Anjou, dont ils ont fait grand cas: ils veulent que vous buviez à leur santé avec leur vin favori. «Je l'ai fait, et suis, monsieur, avec un grand respect, «Votre serviteur très humble et très obéissant, «Godeau, «Hôtelier de messieurs les mousquetaires.» «À la bonne heure! s'écria d'Artagnan, ils pensent à moi dans leurs plaisirs comme je pensais à eux dans mon ennui; bien certainement que je boirai à leur santé et de grand coeur; mais je n'y boirai pas seul.» Et d'Artagnan courut chez deux gardes, avec lesquels il avait fait plus amitié qu'avec les autres, afin de les inviter à boire avec lui le délicieux petit vin d'Anjou qui venait d'arriver de Villeroi. L'un des deux gardes était invité pour le soir même, et l'autre invité pour le lendemain; la réunion fut donc fixée au surlendemain. D'Artagnan, en rentrant, envoya les douze bouteilles de vin à la buvette des gardes, en recommandant qu'on les lui gardât avec soin; puis, le jour de la solennité, comme le dîner était fixé pour l'heure de midi, d'Artagnan envoya, dès neuf heures, Planchet pour tout préparer. Planchet, tout fier d'être élevé à la dignité de maître d'hôtel, songea à tout apprêter en homme intelligent; à cet effet il s'adjoignit le valet d'un des convives de son maître, nommé Fourreau, et ce faux soldat qui avait voulu tuer d'Artagnan, et qui, n'appartenant à aucun corps, était entré à son service ou plutôt à celui de Planchet, depuis que d'Artagnan lui avait sauvé la vie. L'heure du festin venue, les deux convives arrivèrent, prirent place et les mets s'alignèrent sur la table. Planchet servait la serviette au bras, Fourreau débouchait les bouteilles, et Brisemont, c'était le nom du convalescent, transvasait dans des carafons de verre le vin qui paraissait avoir déposé par effet des secousses de la route. De ce vin, la première bouteille était un peu trouble vers la fin, Brisemont versa cette lie dans un verre, et d'Artagnan lui permit de la boire; car le pauvre diable n'avait pas encore beaucoup de forces. Les convives, après avoir mangé le potage, allaient porter le premier verre à leurs lèvres, lorsque tout à coup le canon retentit au fort Louis et au fort Neuf; aussitôt les gardes, croyant qu'il s'agissait de quelque attaque imprévue, soit des assiégés, soit des Anglais, sautèrent sur leurs épées; d'Artagnan, non moins leste, fit comme eux, et tous trois sortirent en courant, afin de se rendre à leurs postes. Mais à peine furent-ils hors de la buvette, qu'ils se trouvèrent fixés sur la cause de ce grand bruit; les cris de Vive le roi! Vive M. le cardinal! retentissaient de tous côtés, et les tambours battaient dans toutes les directions. En effet, le roi, impatient comme on l'avait dit, venait de doubler deux étapes, et arrivait à l'instant même avec toute sa maison et un renfort de dix mille hommes de troupe; ses mousquetaires le précédaient et le suivaient. D'Artagnan, placé en haie avec sa compagnie, salua d'un geste expressif ses amis, qui lui répondirent des yeux, et M. de Tréville, qui le reconnut tout d'abord. La cérémonie de réception achevée, les quatre amis furent bientôt dans les bras l'un de l'autre. «Pardieu! s'écria d'Artagnan, il n'est pas possible de mieux arriver, et les viandes n'auront pas encore eu le temps de refroidir! n'est-ce pas, messieurs? ajouta le jeune homme en se tournant vers les deux gardes, qu'il présenta à ses amis. -- Ah! ah! il paraît que nous banquetions, dit Porthos. -- J'espère, dit Aramis, qu'il n'y a pas de femmes à votre dîner! -- Est-ce qu'il y a du vin potable dans votre bicoque? demanda Athos. -- Mais, pardieu! il y a le vôtre, cher ami, répondit d'Artagnan. -- Notre vin? fit Athos étonné. -- Oui, celui que vous m'avez envoyé. -- Nous vous avons envoyé du vin? -- Mais vous savez bien, de ce petit vin des coteaux d'Anjou? -- Oui, je sais bien de quel vin vous voulez parler. -- Le vin que vous préférez. -- Sans doute, quand je n'ai ni champagne ni chambertin. -- Eh bien, à défaut de champagne et de chambertin, vous vous contenterez de celui-là. -- Nous avons donc fait venir du vin d'Anjou, gourmet que nous sommes? dit Porthos. -- Mais non, c'est le vin qu'on m'a envoyé de votre part. -- De notre part? firent les trois mousquetaires. -- Est-ce vous, Aramis, dit Athos, qui avez envoyé du vin? -- Non, et vous, Porthos? -- Non, et vous, Athos? -- Non. -- Si ce n'est pas vous, dit d'Artagnan, c'est votre hôtelier. -- Notre hôtelier? -- Eh oui! votre hôtelier, Godeau, hôtelier des mousquetaires. -- Ma foi, qu'il vienne d'où il voudra, n'importe, dit Porthos, goûtons-le, et, s'il est bon, buvons-le. -- Non pas, dit Athos, ne buvons pas le vin qui a une source inconnue. -- Vous avez raison, Athos, dit d'Artagnan. Personne de vous n'a chargé l'hôtelier Godeau de m'envoyer du vin? -- Non! et cependant il vous en a envoyé de notre part? -- Voici la lettre!» dit d'Artagnan. Et il présenta le billet à ses camarades. «Ce n'est pas son écriture! s'écria Athos, je la connais, c'est moi qui, avant de partir, ai réglé les comptes de la communauté. -- Fausse lettre, dit Porthos; nous n'avons pas été consignés. -- D'Artagnan, demanda Aramis d'un ton de reproche, comment avez- vous pu croire que nous avions fait du bruit?...» D'Artagnan pâlit, et un tremblement convulsif secoua tous ses membres. «Tu m'effraies, dit Athos, qui ne le tutoyait que dans les grandes occasions, qu'est-il donc arrivé? -- Courons, courons, mes amis! s'écria d'Artagnan, un horrible soupçon me traverse l'esprit! serait-ce encore une vengeance de cette femme?» Ce fut Athos qui pâlit à son tour. D'Artagnan s'élança vers la buvette, les trois mousquetaires et les deux gardes l'y suivirent. Le premier objet qui frappa la vue de d'Artagnan en entrant dans la salle à manger, fut Brisemont étendu par terre et se roulant dans d'atroces convulsions. Planchet et Fourreau, pâles comme des morts, essayaient de lui porter secours; mais il était évident que tout secours était inutile: tous les traits du moribond étaient crispés par l'agonie. «Ah! s'écria-t-il en apercevant d'Artagnan, ah! c'est affreux, vous avez l'air de me faire grâce et vous m'empoisonnez! -- Moi! s'écria d'Artagnan, moi, malheureux! moi! que dis-tu donc là? -- Je dis que c'est vous qui m'avez donné ce vin, je dis que c'est vous qui m'avez dit de le boire, je dis que vous avez voulu vous venger de moi, je dis que c'est affreux! -- N'en croyez rien, Brisemont, dit d'Artagnan, n'en croyez rien; je vous jure, je vous proteste... -- Oh! mais Dieu est là! Dieu vous punira! Mon Dieu! qu'il souffre un jour ce que je souffre! -- Sur l'évangile, s'écria d'Artagnan en se précipitant vers le moribond, je vous jure que j'ignorais que ce vin fût empoisonné et que j'allais en boire comme vous. -- Je ne vous crois pas», dit le soldat. Et il expira dans un redoublement de tortures. «Affreux! affreux! murmurait Athos, tandis que Porthos brisait les bouteilles et qu'Aramis donnait des ordres un peu tardifs pour qu'on allât chercher un confesseur. -- O mes amis! dit d'Artagnan, vous venez encore une fois de me sauver la vie, non seulement à moi, mais à ces messieurs. Messieurs, continua-t-il en s'adressant aux gardes, je vous demanderai le silence sur toute cette aventure; de grands personnages pourraient avoir trempé dans ce que vous avez vu, et le mal de tout cela retomberait sur nous. -- Ah! monsieur! balbutiait Planchet plus mort que vif; ah! monsieur! que je l'ai échappé belle! -- Comment, drôle, s'écria d'Artagnan, tu allais donc boire mon vin? -- À la santé du roi, monsieur, j'allais en boire un pauvre verre, si Fourreau ne m'avait pas dit qu'on m'appelait. -- Hélas! dit Fourreau, dont les dents claquaient de terreur, je voulais l'éloigner pour boire tout seul! -- Messieurs, dit d'Artagnan en s'adressant aux gardes, vous comprenez qu'un pareil festin ne pourrait être que fort triste après ce qui vient de se passer; ainsi recevez toutes mes excuses et remettez la partie à un autre jour, je vous prie.» Les deux gardes acceptèrent courtoisement les excuses de d'Artagnan, et, comprenant que les quatre amis désiraient demeurer seuls, ils se retirèrent. Lorsque le jeune garde et les trois mousquetaires furent sans témoins, ils se regardèrent d'un air qui voulait dire que chacun comprenait la gravité de la situation. «D'abord, dit Athos, sortons de cette chambre; c'est une mauvaise compagnie qu'un mort, mort de mort violente. -- Planchet, dit d'Artagnan, je vous recommande le cadavre de ce pauvre diable. Qu'il soit enterré en terre sainte. Il avait commis un crime, c'est vrai, mais il s'en était repenti.» Et les quatre amis sortirent de la chambre, laissant à Planchet et à Fourreau le soin de rendre les honneurs mortuaires à Brisemont. L'hôte leur donna une autre chambre dans laquelle il leur servit des oeufs à la coque et de l'eau, qu'Athos alla puiser lui-même à la fontaine. En quelques paroles Porthos et Aramis furent mis au courant de la situation. «Eh bien, dit d'Artagnan à Athos, vous le voyez, cher ami, c'est une guerre à mort.» Athos secoua la tête. «Oui, oui, dit-il, je le vois bien; mais croyez-vous que ce soit elle? -- J'en suis sûr. -- Cependant je vous avoue que je doute encore. -- Mais cette fleur de lis sur l'épaule? -- C'est une Anglaise qui aura commis quelque méfait en France, et qu'on aura flétrie à la suite de son crime. -- Athos, c'est votre femme, vous dis-je, répétait d'Artagnan, ne vous rappelez-vous donc pas comme les deux signalements se ressemblent? -- J'aurais cependant cru que l'autre était morte, je l'avais si bien pendue.» Ce fut d'Artagnan qui secoua la tête à son tour. «Mais enfin, que faire? dit le jeune homme. -- Le fait est qu'on ne peut rester ainsi avec une épée éternellement suspendue au-dessus de sa tête, dit Athos, et qu'il faut sortir de cette situation. -- Mais comment? -- Écoutez, tâchez de la rejoindre et d'avoir une explication avec elle; dites-lui: La paix ou la guerre! ma parole de gentilhomme de ne jamais rien dire de vous, de ne jamais rien faire contre vous; de votre côté serment solennel de rester neutre à mon égard: sinon, je vais trouver le chancelier, je vais trouver le roi, je vais trouver le bourreau, j'ameute la cour contre vous, je vous dénonce comme flétrie, je vous fais mettre en jugement, et si l'on vous absout, eh bien, je vous tue, foi de gentilhomme! au coin de quelque borne, comme je tuerais un chien enragé. -- J'aime assez ce moyen, dit d'Artagnan, mais comment la joindre? -- Le temps, cher ami, le temps amène l'occasion, l'occasion c'est la martingale de l'homme: plus on a engagé, plus l'on gagne quand on sait attendre. -- Oui, mais attendre entouré d'assassins et d'empoisonneurs... -- Bah! dit Athos, Dieu nous a gardés jusqu'à présent, Dieu nous gardera encore. -- Oui, nous; nous d'ailleurs, nous sommes des hommes, et, à tout prendre, c'est notre état de risquer notre vie: mais elle! ajouta- t-il à demi-voix. -- Qui elle? demanda Athos. -- Constance. -- Mme Bonacieux! ah! c'est juste, fit Athos; pauvre ami! j'oubliais que vous étiez amoureux. -- Eh bien, mais, dit Aramis, n'avez-vous pas vu par la lettre même que vous avez trouvée sur le misérable mort qu'elle était dans un couvent? On est très bien dans un couvent, et aussitôt le siège de La Rochelle terminé, je vous promets que pour mon compte... -- Bon! dit Athos, bon! oui, mon cher Aramis! nous savons que vos voeux tendent à la religion. -- Je ne suis mousquetaire que par intérim, dit humblement Aramis. -- Il paraît qu'il y a longtemps qu'il n'a reçu des nouvelles de sa maîtresse, dit tout bas Athos; mais ne faites pas attention, nous connaissons cela. -- Eh bien, dit Porthos, il me semble qu'il y aurait un moyen bien simple. -- Lequel? demanda d'Artagnan. -- Elle est dans un couvent, dites-vous? reprit Porthos. -- Oui. -- Eh bien, aussitôt le siège fini, nous l'enlevons de ce couvent. -- Mais encore faut-il savoir dans quel couvent elle est. -- C'est juste, dit Porthos. -- Mais, j'y pense, dit Athos, ne prétendez-vous pas, cher d'Artagnan, que c'est la reine qui a fait choix de ce couvent pour elle? -- Oui, je le crois du moins. -- Eh bien, mais Porthos nous aidera là-dedans. -- Et comment cela, s'il vous plaît? -- Mais par votre marquise, votre duchesse, votre princesse; elle doit avoir le bras long. -- Chut! dit Porthos en mettant un doigt sur ses lèvres, je la crois cardinaliste et elle ne doit rien savoir. -- Alors, dit Aramis, je me charge, moi, d'en avoir des nouvelles. -- Vous, Aramis, s'écrièrent les trois amis, vous, et comment cela? -- Par l'aumônier de la reine, avec lequel je suis fort lié...», dit Aramis en rougissant. Et sur cette assurance, les quatre amis, qui avaient achevé leur modeste repas, se séparèrent avec promesse de se revoir le soir même: d'Artagnan retourna aux Minimes, et les trois mousquetaires rejoignirent le quartier du roi, où ils avaient à faire préparer leur logis. CHAPITRE XLIII L'AUBERGE DU COLOMBIER-ROUGE À peine arrivé au camp, le roi, qui avait si grande hâte de se trouver en face de l'ennemi, et qui, à meilleur droit que le cardinal, partageait sa haine contre Buckingham, voulut faire toutes les dispositions, d'abord pour chasser les Anglais de l'île de Ré, ensuite pour presser le siège de La Rochelle; mais, malgré lui, il fut retardé par les dissensions qui éclatèrent entre MM. de Bassompierre et Schomberg, contre le duc d'Angoulême. MM. de Bassompierre et Schomberg étaient maréchaux de France, et réclamaient leur droit de commander l'armée sous les ordres du roi; mais le cardinal, qui craignait que Bassompierre, huguenot au fond du coeur, ne pressât faiblement les Anglais et les Rochelois, ses frères en religion, poussait au contraire le duc d'Angoulême, que le roi, à son instigation, avait nommé lieutenant général. Il en résulta que, sous peine de voir MM. de Bassompierre et Schomberg déserter l'armée, on fut obligé de faire à chacun un commandement particulier: Bassompierre prit ses quartiers au nord de la ville, depuis La Leu jusqu'à Dompierre; le duc d'Angoulême à l'est, depuis Dompierre jusqu'à Périgny; et M. de Schomberg au midi, depuis Périgny jusqu'à Angoutin. Le logis de Monsieur était à Dompierre. Le logis du roi était tantôt à Étré, tantôt à La Jarrie. Enfin le logis du cardinal était sur les dunes, au pont de La Pierre, dans une simple maison sans aucun retranchement. De cette façon, Monsieur surveillait Bassompierre; le roi, le duc d'Angoulême, et le cardinal, M. de Schomberg. Aussitôt cette organisation établie, on s'était occupé de chasser les Anglais de l'île. La conjoncture était favorable: les Anglais, qui ont, avant toute chose, besoin de bons vivres pour être de bons soldats, ne mangeant que des viandes salées et de mauvais biscuits, avaient force malades dans leur camp; de plus, la mer, fort mauvaise à cette époque de l'année sur toutes les côtes de l'océan, mettait tous les jours quelque petit bâtiment à mal; et la plage, depuis la pointe de l'Aiguillon jusqu'à la tranchée, était littéralement, à chaque marée, couverte des débris de pinasses, de roberges et de felouques; il en résultait que, même les gens du roi se tinssent- ils dans leur camp, il était évident qu'un jour ou l'autre Buckingham, qui ne demeurait dans l'île de Ré que par entêtement, serait obligé de lever le siège. Mais, comme M. de Toiras fit dire que tout se préparait dans le camp ennemi pour un nouvel assaut, le roi jugea qu'il fallait en finir et donna les ordres nécessaires pour une affaire décisive. Notre intention n'étant pas de faire un journal de siège, mais au contraire de n'en rapporter que les événements qui ont trait à l'histoire que nous racontons, nous nous contenterons de dire en deux mots que l'entreprise réussit au grand étonnement du roi et à la grande gloire de M. le cardinal. Les Anglais, repoussés pied à pied, battus dans toutes les rencontres, écrasés au passage de l'île de Loix, furent obligés de se rembarquer, laissant sur le champ de bataille deux mille hommes parmi lesquels cinq colonels, trois lieutenant-colonels, deux cent cinquante capitaines et vingt gentilshommes de qualité, quatre pièces de canon et soixante drapeaux qui furent apportés à Paris par Claude de Saint-Simon, et suspendus en grande pompe aux voûtes de Notre-Dame. Des Te Deum furent chantés au camp, et de là se répandirent par toute la France. Le cardinal resta donc maître de poursuivre le siège sans avoir, du moins momentanément, rien à craindre de la part des Anglais. Mais, comme nous venons de le dire, le repos n'était que momentané. Un envoyé du duc de Buckingham, nommé Montaigu, avait été pris, et l'on avait acquis la preuve d'une ligue entre l'Empire, l'Espagne, l'Angleterre et la Lorraine. Cette ligue était dirigée contre la France. De plus, dans le logis de Buckingham, qu'il avait été forcé d'abandonner plus précipitamment qu'il ne l'avait cru, on avait trouvé des papiers qui confirmaient cette ligue, et qui, à ce qu'assure M. le cardinal dans ses mémoires, compromettaient fort Mme de Chevreuse, et par conséquent la reine. C'était sur le cardinal que pesait toute la responsabilité, car on n'est pas ministre absolu sans être responsable; aussi toutes les ressources de son vaste génie étaient-elles tendues nuit et jour, et occupées à écouter le moindre bruit qui s'élevait dans un des grands royaumes de l'Europe. Le cardinal connaissait l'activité et surtout la haine de Buckingham; si la ligue qui menaçait la France triomphait, toute son influence était perdue: la politique espagnole et la politique autrichienne avaient leurs représentants dans le cabinet du Louvre, où elles n'avaient encore que des partisans; lui Richelieu, le ministre français, le ministre national par excellence, était perdu. Le roi, qui, tout en lui obéissant comme un enfant, le haïssait comme un enfant hait son maître, l'abandonnait aux vengeances réunies de Monsieur et de la reine; il était donc perdu, et peut-être la France avec lui. Il fallait parer à tout cela. Aussi vit-on les courriers, devenus à chaque instant plus nombreux, se succéder nuit et jour dans cette petite maison du pont de La Pierre, où le cardinal avait établi sa résidence. C'étaient des moines qui portaient si mal le froc, qu'il était facile de reconnaître qu'ils appartenaient surtout à l'église militante; des femmes un peu gênées dans leurs costumes de pages, et dont les larges trousses ne pouvaient entièrement dissimuler les formes arrondies; enfin des paysans aux mains noircies, mais à la jambe fine, et qui sentaient l'homme de qualité à une lieue à la ronde. Puis encore d'autres visites moins agréables, car deux ou trois fois le bruit se répandit que le cardinal avait failli être assassiné. Il est vrai que les ennemis de Son Éminence disaient que c'était elle-même qui mettait en campagne les assassins maladroits, afin d'avoir le cas échéant le droit d'user de représailles; mais il ne faut croire ni à ce que disent les ministres, ni à ce que disent leurs ennemis. Ce qui n'empêchait pas, au reste, le cardinal, à qui ses plus acharnés détracteurs n'ont jamais contesté la bravoure personnelle, de faire force courses nocturnes tantôt pour communiquer au duc d'Angoulême des ordres importants, tantôt pour aller se concerter avec le roi, tantôt pour aller conférer avec quelque messager qu'il ne voulait pas qu'on laissât entrer chez lui. De leur côté les mousquetaires qui n'avaient pas grand-chose à faire au siège n'étaient pas tenus sévèrement et menaient joyeuse vie. Cela leur était d'autant plus facile, à nos trois compagnons surtout, qu'étant des amis de M. de Tréville, ils obtenaient facilement de lui de s'attarder et de rester après la fermeture du camp avec des permissions particulières. Or, un soir que d'Artagnan, qui était de tranchée, n'avait pu les accompagner, Athos, Porthos et Aramis, montés sur leurs chevaux de bataille, enveloppés de manteaux de guerre, une main sur la crosse de leurs pistolets, revenaient tous trois d'une buvette qu'Athos avait découverte deux jours auparavant sur la route de La Jarrie, et qu'on appelait le Colombier-Rouge, suivant le chemin qui conduisait au camp, tout en se tenant sur leurs gardes, comme nous l'avons dit, de peur d'embuscade, lorsqu'à un quart de lieue à peu près du village de Boisnar ils crurent entendre le pas d'une cavalcade qui venait à eux; aussitôt tous trois s'arrêtèrent, serrés l'un contre l'autre, et attendirent, tenant le milieu de la route: au bout d'un instant, et comme la lune sortait justement d'un nuage, ils virent apparaître au détour d'un chemin deux cavaliers qui, en les apercevant, s'arrêtèrent à leur tour, paraissant délibérer s'ils devaient continuer leur route ou retourner en arrière. Cette hésitation donna quelques soupçons aux trois amis, et Athos, faisant quelques pas en avant, cria de sa voix ferme: «Qui vive? -- Qui vive vous-même? répondit un de ces deux cavaliers. -- Ce n'est pas répondre, cela! dit Athos. Qui vive? Répondez, ou nous chargeons. -- Prenez garde à ce que vous allez faire, messieurs! dit alors une voix vibrante qui paraissait avoir l'habitude du commandement. -- C'est quelque officier supérieur qui fait sa ronde de nuit, dit Athos, que voulez-vous faire, messieurs? -- Qui êtes-vous? dit la même voix du même ton de commandement; répondez à votre tour, ou vous pourriez vous mal trouver de votre désobéissance. -- Mousquetaires du roi, dit Athos, de plus en plus convaincu que celui qui les interrogeait en avait le droit. -- Quelle compagnie? -- Compagnie de Tréville. -- Avancez à l'ordre, et venez me rendre compte de ce que vous faites ici, à cette heure.» Les trois compagnons s'avancèrent, l'oreille un peu basse, car tous trois maintenant étaient convaincus qu'ils avaient affaire à plus fort qu'eux; on laissa, au reste, à Athos le soin de porter la parole. Un des deux cavaliers, celui qui avait pris la parole en second lieu, était à dix pas en avant de son compagnon; Athos fit signe à Porthos et à Aramis de rester de leur côté en arrière, et s'avança seul. «Pardon, mon officier! dit Athos; mais nous ignorions à qui nous avions affaire, et vous pouvez voir que nous faisions bonne garde. -- Votre nom? dit l'officier, qui se couvrait une partie du visage avec son manteau. -- Mais vous-même, monsieur, dit Athos qui commençait à se révolter contre cette inquisition; donnez-moi, je vous prie, la preuve que vous avez le droit de m'interroger. -- Votre nom? reprit une seconde fois le cavalier en laissant tomber son manteau de manière à avoir le visage découvert. -- Monsieur le cardinal! s'écria le mousquetaire stupéfait. -- Votre nom? reprit pour la troisième fois Son Éminence. -- Athos», dit le mousquetaire. Le cardinal fit un signe à l'écuyer, qui se rapprocha. «Ces trois mousquetaires nous suivront, dit-il à voix basse, je ne veux pas qu'on sache que je suis sorti du camp, et, en nous suivant, nous serons sûrs qu'ils ne le diront à personne. -- Nous sommes gentilshommes, Monseigneur, dit Athos; demandez- nous donc notre parole et ne vous inquiétez de rien. Dieu merci, nous savons garder un secret.» Le cardinal fixa ses yeux perçants sur ce hardi interlocuteur. «Vous avez l'oreille fine, monsieur Athos, dit le cardinal; mais maintenant, écoutez ceci: ce n'est point par défiance que je vous prie de me suivre, c'est pour ma sûreté: sans doute vos deux compagnons sont MM. Porthos et Aramis? -- Oui, Votre Éminence, dit Athos, tandis que les deux mousquetaires restés en arrière s'approchaient, le chapeau à la main. -- Je vous connais, messieurs, dit le cardinal, je vous connais: je sais que vous n'êtes pas tout à fait de mes amis, et j'en suis fâché, mais je sais que vous êtes de braves et loyaux gentilshommes, et qu'on peut se fier à vous. Monsieur Athos, faites-moi donc l'honneur de m'accompagner, vous et vos deux amis, et alors j'aurai une escorte à faire envie à Sa Majesté, si nous la rencontrons.» Les trois mousquetaires s'inclinèrent jusque sur le cou de leurs chevaux. «Eh bien, sur mon honneur, dit Athos, Votre Éminence a raison de nous emmener avec elle: nous avons rencontré sur la route des visages affreux, et nous avons même eu avec quatre de ces visages une querelle au Colombier-Rouge. -- Une querelle, et pourquoi, messieurs? dit le cardinal, je n'aime pas les querelleurs, vous le savez! -- C'est justement pour cela que j'ai l'honneur de prévenir Votre Éminence de ce qui vient d'arriver; car elle pourrait l'apprendre par d'autres que par nous, et, sur un faux rapport, croire que nous sommes en faute. -- Et quels ont été les résultats de cette querelle? demanda le cardinal en fronçant le sourcil. -- Mais mon ami Aramis, que voici, a reçu un petit coup d'épée dans le bras, ce qui ne l'empêchera pas, comme Votre Éminence peut le voir, de monter à l'assaut demain, si Votre Éminence ordonne l'escalade. -- Mais vous n'êtes pas hommes à vous laisser donner des coups d'épée ainsi, dit le cardinal: voyons, soyez francs, messieurs, vous en avez bien rendu quelques-uns; confessez-vous, vous savez que j'ai le droit de donner l'absolution. -- Moi, Monseigneur, dit Athos, je n'ai pas même mis l'épée à la main, mais j'ai pris celui à qui j'avais affaire à bras-le-corps et je l'ai jeté par la fenêtre; il paraît qu'en tombant, continua Athos avec quelque hésitation, il s'est cassé la cuisse. -- Ah! ah! fit le cardinal; et vous, monsieur Porthos? -- Moi, Monseigneur, sachant que le duel est défendu, j'ai saisi un banc, et j'en ai donné à l'un de ces brigands un coup qui, je crois, lui a brisé l'épaule. -- Bien, dit le cardinal; et vous, monsieur Aramis? -- Moi, Monseigneur, comme je suis d'un naturel très doux et que, d'ailleurs, ce que Monseigneur ne sait peut-être pas, je suis sur le point de rentrer dans les ordres, je voulais séparer mes camarades, quand un de ces misérables m'a donné traîtreusement un coup d'épée à travers le bras gauche: alors la patience m'a manqué, j'ai tiré mon épée à mon tour, et comme il revenait à la charge, je crois avoir senti qu'en se jetant sur moi il se l'était passée au travers du corps: je sais bien qu'il est tombé seulement, et il m'a semblé qu'on l'emportait avec ses deux compagnons. -- Diable, messieurs! dit le cardinal, trois hommes hors de combat pour une dispute de cabaret, vous n'y allez pas de main morte; et à propos de quoi était venue la querelle? -- Ces misérables étaient ivres, dit Athos, et sachant qu'il y avait une femme qui était arrivée le soir dans le cabaret, ils voulaient forcer la porte. -- Forcer la porte! dit le cardinal, et pour quoi faire? -- Pour lui faire violence sans doute, dit Athos; j'ai eu l'honneur de dire à Votre Éminence que ces misérables étaient ivres. -- Et cette femme était jeune et jolie? demanda le cardinal avec une certaine inquiétude. -- Nous ne l'avons pas vue, Monseigneur, dit Athos. -- Vous ne l'avez pas vue; ah! très bien, reprit vivement le cardinal; vous avez bien fait de défendre l'honneur d'une femme, et, comme c'est à l'auberge du Colombier-Rouge que je vais moi- même, je saurai si vous m'avez dit la vérité. -- Monseigneur, dit fièrement Athos, nous sommes gentilshommes, et pour sauver notre tête, nous ne ferions pas un mensonge. -- Aussi je ne doute pas de ce que vous me dites, monsieur Athos, je n'en doute pas un seul instant; mais, ajouta-t-il pour changer la conversation, cette dame était donc seule? -- Cette dame avait un cavalier enfermé avec elle, dit Athos; mais, comme malgré le bruit ce cavalier ne s'est pas montré, il est à présumer que c'est un lâche. -- Ne jugez pas témérairement, dit l'évangile», répliqua le cardinal. Athos s'inclina. «Et maintenant, messieurs, c'est bien, continua Son Éminence, je sais ce que je voulais savoir; suivez-moi.» Les trois mousquetaires passèrent derrière le cardinal, qui s'enveloppa de nouveau le visage de son manteau et remit son cheval en marche, se tenant à huit ou dix pas en avant de ses quatre compagnons. On arriva bientôt à l'auberge silencieuse et solitaire; sans doute l'hôte savait quel illustre visiteur il attendait, et en conséquence il avait renvoyé les importuns. Dix pas avant d'arriver à la porte, le cardinal fit signe à son écuyer et aux trois mousquetaires de faire halte, un cheval tout sellé était attaché au contrevent, le cardinal frappa trois coups et de certaine façon. Un homme enveloppé d'un manteau sortit aussitôt et échangea quelques rapides paroles avec le cardinal; après quoi il remonta à cheval et repartit dans la direction de Surgères, qui était aussi celle de Paris. «Avancez, messieurs, dit le cardinal. -- Vous m'avez dit la vérité, mes gentilshommes, dit-il en s'adressant aux trois mousquetaires, il ne tiendra pas à moi que notre rencontre de ce soir ne vous soit avantageuse; en attendant, suivez-moi.» Le cardinal mit pied à terre, les trois mousquetaires en firent autant; le cardinal jeta la bride de son cheval aux mains de son écuyer, les trois mousquetaires attachèrent les brides des leurs aux contrevents. L'hôte se tenait sur le seuil de la porte; pour lui, le cardinal n'était qu'un officier venant visiter une dame. «Avez-vous quelque chambre au rez-de-chaussée où ces messieurs puissent m'attendre près d'un bon feu?» dit le cardinal. L'hôte ouvrit la porte d'une grande salle, dans laquelle justement on venait de remplacer un mauvais poêle par une grande et excellente cheminée. «J'ai celle-ci, répondit-il. -- C'est bien, dit le cardinal; entrez là, messieurs, et veuillez m'attendre; je ne serai pas plus d'une demi-heure.» Et tandis que les trois mousquetaires entraient dans la chambre du rez-de-chaussée, le cardinal, sans demander plus amples renseignements, monta l'escalier en homme qui n'a pas besoin qu'on lui indique son chemin. CHAPITRE XLIV DE L'UTILITÉ DES TUYAUX DE POÊLE Il était évident que, sans s'en douter, et mus seulement par leur caractère chevaleresque et aventureux, nos trois amis venaient de rendre service à quelqu'un que le cardinal honorait de sa protection particulière. Maintenant quel était ce quelqu'un? C'est la question que se firent d'abord les trois mousquetaires; puis, voyant qu'aucune des réponses que pouvait leur faire leur intelligence n'était satisfaisante, Porthos appela l'hôte et demanda des dés. Porthos et Aramis se placèrent à une table et se mirent à jouer. Athos se promena en réfléchissant. En réfléchissant et en se promenant, Athos passait et repassait devant le tuyau du poêle rompu par la moitié et dont l'autre extrémité donnait dans la chambre supérieure, et à chaque fois qu'il passait et repassait, il entendait un murmure de paroles qui finit par fixer son attention. Athos s'approcha, et il distingua quelques mots qui lui parurent sans doute mériter un si grand intérêt qu'il fit signe à ses compagnons de se taire, restant lui- même courbé l'oreille tendue à la hauteur de l'orifice inférieur. «Écoutez, Milady, disait le cardinal, l'affaire est importante: asseyez-vous là et causons. -- Milady! murmura Athos. -- J'écoute Votre Éminence avec la plus grande attention, répondit une voix de femme qui fit tressaillir le mousquetaire. -- Un petit bâtiment avec équipage anglais, dont le capitaine est à moi, vous attend à l'embouchure de la Charente, au fort de La Pointe; il mettra à la voile demain matin. -- Il faut alors que je m'y rende cette nuit? -- À l'instant même, c'est-à-dire lorsque vous aurez reçu mes instructions. Deux hommes que vous trouverez à la porte en sortant vous serviront d'escorte; vous me laisserez sortir le premier, puis une demi-heure après moi, vous sortirez à votre tour. -- Oui, Monseigneur. Maintenant revenons à la mission dont vous voulez bien me charger; et comme je tiens à continuer de mériter la confiance de Votre Éminence, daignez me l'exposer en termes clairs et précis, afin que je ne commette aucune erreur.» Il y eut un instant de profond silence entre les deux interlocuteurs; il était évident que le cardinal mesurait d'avance les termes dans lesquels il allait parler, et que Milady recueillait toutes ses facultés intellectuelles pour comprendre les choses qu'il allait dire et les graver dans sa mémoire quand elles seraient dites. Athos profita de ce moment pour dire à ses deux compagnons de fermer la porte en dedans et pour leur faire signe de venir écouter avec lui. Les deux mousquetaires, qui aimaient leurs aises, apportèrent une chaise pour chacun d'eux, et une chaise pour Athos. Tous trois s'assirent alors, leurs têtes rapprochées et l'oreille au guet. «Vous allez partir pour Londres, continua le cardinal. Arrivée à Londres, vous irez trouver Buckingham. -- Je ferai observer à Son Éminence, dit Milady, que depuis l'affaire des ferrets de diamants, pour laquelle le duc m'a toujours soupçonnée, Sa Grâce se défie de moi. -- Aussi cette fois-ci, dit le cardinal, ne s'agit-il plus de capter sa confiance, mais de se présenter franchement et loyalement à lui comme négociatrice. -- Franchement et loyalement, répéta Milady avec une indicible expression de duplicité. -- Oui, franchement et loyalement, reprit le cardinal du même ton; toute cette négociation doit être faite à découvert. -- Je suivrai à la lettre les instructions de Son Éminence, et j'attends qu'elle me les donne. -- Vous irez trouver Buckingham de ma part, et vous lui direz que je sais tous les préparatifs qu'il fait mais que je ne m'en inquiète guère, attendu qu'au premier mouvement qu'il risquera, je perds la reine. -- Croira-t-il que Votre Éminence est en mesure d'accomplir la menace qu'elle lui fait? -- Oui, car j'ai des preuves. -- Il faut que je puisse présenter ces preuves à son appréciation. -- Sans doute, et vous lui direz que je publie le rapport de Bois- Robert et du marquis de Beautru sur l'entrevue que le duc a eu chez Mme la connétable avec la reine, le soir que Mme la connétable a donné une fête masquée; vous lui direz, afin qu'il ne doute de rien, qu'il y est venu sous le costume du grand mogol que devait porter le chevalier de Guise, et qu'il a acheté à ce dernier moyennant la somme de trois mille pistoles. -- Bien, Monseigneur. -- Tous les détails de son entrée au Louvre et de sa sortie pendant la nuit où il s'est introduit au palais sous le costume d'un diseur de bonne aventure italien me sont connus; vous lui direz, pour qu'il ne doute pas encore de l'authenticité de mes renseignements, qu'il avait sous son manteau une grande robe blanche semée de larmes noires, de têtes de mort et d'os en sautoir: car, en cas de surprise, il devait se faire passer pour le fantôme de la Dame blanche qui, comme chacun le sait, revient au Louvre chaque fois que quelque grand événement va s'accomplir. -- Est-ce tout, Monseigneur? -- Dites-lui que je sais encore tous les détails de l'aventure d'Amiens, que j'en ferai faire un petit roman, spirituellement tourné, avec un plan du jardin et les portraits des principaux acteurs de cette scène nocturne. -- Je lui dirai cela. -- Dites-lui encore que je tiens Montaigu, que Montaigu est à la Bastille, qu'on n'a surpris aucune lettre sur lui, c'est vrai, mais que la torture peut lui faire dire ce qu'il sait, et même... ce qu'il ne sait pas. -- À merveille. -- Enfin ajoutez que Sa Grâce, dans la précipitation qu'elle a mise à quitter l'île de Ré, oublia dans son logis certaine lettre de Mme de Chevreuse qui compromet singulièrement la reine, en ce qu'elle prouve non seulement que Sa Majesté peut aimer les ennemis du roi, mais encore qu'elle conspire avec ceux de la France. Vous avez bien retenu tout ce que je vous ai dit, n'est-ce pas? -- Votre Éminence va en juger: le bal de Mme la connétable; la nuit du Louvre; la soirée d'Amiens; l'arrestation de Montaigu; la lettre de Mme de Chevreuse. -- C'est cela, dit le cardinal, c'est cela: vous avez une bien heureuse mémoire, Milady. -- Mais, reprit celle à qui le cardinal venait d'adresser ce compliment flatteur, si malgré toutes ces raisons le duc ne se rend pas et continue de menacer la France? -- Le duc est amoureux comme un fou, ou plutôt comme un niais, reprit Richelieu avec une profonde amertume; comme les anciens paladins, il n'a entrepris cette guerre que pour obtenir un regard de sa belle. S'il sait que cette guerre peut coûter l'honneur et peut-être la liberté à la dame de ses pensées, comme il dit, je vous réponds qu'il y regardera à deux fois. -- Et cependant, dit Milady avec une persistance qui prouvait qu'elle voulait voir clair jusqu'au bout, dans la mission dont elle allait être chargée, cependant s'il persiste? -- S'il persiste, dit le cardinal..., ce n'est pas probable. -- C'est possible, dit Milady. -- S'il persiste...» Son Éminence fit une pause et reprit... «S'il persiste, eh bien, j'espérerai dans un de ces événements qui changent la face des États. -- Si Son Éminence voulait me citer dans l'histoire quelques-uns de ces événements, dit Milady, peut-être partagerais-je sa confiance dans l'avenir. -- Eh bien, tenez! par exemple, dit Richelieu, lorsqu'en 1610, pour une cause à peu près pareille à celle qui fait mouvoir le duc, le roi Henri IV, de glorieuse mémoire, allait à la fois envahir les Flandres et l'Italie pour frapper à la fois l'Autriche des deux côtés, eh bien, n'est-il pas arrivé un événement qui a sauvé l'Autriche? Pourquoi le roi de France n'aurait-il pas la même chance que l'empereur? -- Votre Éminence veut parler du coup de couteau de la rue de la Ferronnerie? -- Justement, dit le cardinal. -- Votre Éminence ne craint-elle pas que le supplice de Ravaillac épouvante ceux qui auraient un instant l'idée de l'imiter? -- Il y aura en tout temps et dans tous les pays, surtout si ces pays sont divisés de religion, des fanatiques qui ne demanderont pas mieux que de se faire martyrs. Et tenez, justement il me revient à cette heure que les puritains sont furieux contre le duc de Buckingham et que leurs prédicateurs le désignent comme l'Antéchrist. -- Eh bien? fit Milady. -- Eh bien, continua le cardinal d'un air indifférent, il ne s'agirait, pour le moment, par exemple, que de trouver une femme, belle, jeune, adroite, qui eût à se venger elle-même du duc. Une pareille femme peut se rencontrer: le duc est homme à bonnes fortunes, et, s'il a semé bien des amours par ses promesses de constance éternelle, il a dû semer bien des haines aussi par ses éternelles infidélités. -- Sans doute, dit froidement Milady, une pareille femme peut se rencontrer. -- Eh bien, une pareille femme, qui mettrait le couteau de Jacques Clément ou de Ravaillac aux mains d'un fanatique, sauverait la France. -- Oui, mais elle serait complice d'un assassinat. -- A-t-on jamais connu les complices de Ravaillac ou de Jacques Clément? -- Non, car peut-être étaient-ils placés trop haut pour qu'on osât les aller chercher là où ils étaient: on ne brûlerait pas le Palais de Justice pour tout le monde, Monseigneur. -- Vous croyez donc que l'incendie du Palais de Justice a une cause autre que celle du hasard? demanda Richelieu du ton dont il eût fait une question sans aucune importance. -- Moi, Monseigneur, répondit Milady, je ne crois rien, je cite un fait, voilà tout, seulement, je dis que si je m'appelais Mlle de Monpensier ou la reine Marie de Médicis, je prendrais moins de précautions que j'en prends, m'appelant tout simplement Lady Clarick. -- C'est juste, dit Richelieu, et que voudriez-vous donc? -- Je voudrais un ordre qui ratifiât d'avance tout ce que je croirai devoir faire pour le plus grand bien de la France. -- Mais il faudrait d'abord trouver la femme que j'ai dit, et qui aurait à se venger du duc. -- Elle est trouvée, dit Milady. -- Puis il faudrait trouver ce misérable fanatique qui servira d'instrument à la justice de Dieu. -- On le trouvera. -- Eh bien, dit le duc, alors il sera temps de réclamer l'ordre que vous demandiez tout à l'heure. -- Votre Éminence a raison, dit Milady, et c'est moi qui ai eu tort de voir dans la mission dont elle m'honore autre chose que ce qui est réellement, c'est-à-dire d'annoncer à Sa Grâce, de la part de Son Éminence, que vous connaissez les différents déguisements à l'aide desquels il est parvenu à se rapprocher de la reine pendant la fête donnée par Mme la connétable; que vous avez les preuves de l'entrevue accordée au Louvre par la reine à certain astrologue italien qui n'est autre que le duc de Buckingham; que vous avez commandé un petit roman, des plus spirituels, sur l'aventure d'Amiens, avec plan du jardin où cette aventure s'est passée et portraits des acteurs qui y ont figuré; que Montaigu est à la Bastille, et que la torture peut lui faire dire des choses dont il se souvient et même des choses qu'il aurait oubliées; enfin, que vous possédez certaine lettre de Mme de Chevreuse, trouvée dans le logis de Sa Grâce, qui compromet singulièrement, non seulement celle qui l'a écrite, mais encore celle au nom de qui elle a été écrite. Puis, s'il persiste malgré tout cela, comme c'est à ce que je viens de dire que se borne ma mission, je n'aurai plus qu'à prier Dieu de faire un miracle pour sauver la France. C'est bien cela, n'est-ce pas, Monseigneur, et je n'ai pas autre chose à faire? -- C'est bien cela, reprit sèchement le cardinal. -- Et maintenant, dit Milady sans paraître remarquer le changement de ton du duc à son égard, maintenant que j'ai reçu les instructions de Votre Éminence à propos de ses ennemis, Monseigneur me permettra-t-il de lui dire deux mots des miens? -- Vous avez donc des ennemis? demanda Richelieu. -- Oui, Monseigneur; des ennemis contre lesquels vous me devez tout votre appui, car je me les suis faits en servant Votre Éminence. -- Et lesquels? répliqua le duc. -- D'abord une petite intrigante du nom de Bonacieux. -- Elle est dans la prison de Mantes. -- C'est-à-dire qu'elle y était, reprit Milady, mais la reine a surpris un ordre du roi, à l'aide duquel elle l'a fait transporter dans un couvent. -- Dans un couvent? dit le duc. -- Oui, dans un couvent. -- Et dans lequel? -- Je l'ignore, le secret a été bien gardé... -- Je le saurai, moi! -- Et Votre Éminence me dira dans quel couvent est cette femme? -- Je n'y vois pas d'inconvénient, dit le cardinal. -- Bien; maintenant j'ai un autre ennemi bien autrement à craindre pour moi que cette petite Mme Bonacieux. -- Et lequel? -- Son amant. -- Comment s'appelle-t-il? -- Oh! Votre Éminence le connaît bien, s'écria Milady emportée par la colère, c'est notre mauvais génie à tous deux; c'est celui qui, dans une rencontre avec les gardes de Votre Éminence, a décidé la victoire en faveur des mousquetaires du roi; c'est celui qui a donné trois coups d'épée à de Wardes, votre émissaire, et qui a fait échouer l'affaire des ferrets; c'est celui enfin qui, sachant que c'était moi qui lui avais enlevé Mme Bonacieux, a juré ma mort. -- Ah! ah! dit le cardinal, je sais de qui vous voulez parler. -- Je veux parler de ce misérable d'Artagnan. -- C'est un hardi compagnon, dit le cardinal. -- Et c'est justement parce que c'est un hardi compagnon qu'il n'en est que plus à craindre. -- Il faudrait, dit le duc, avoir une preuve de ses intelligences avec Buckingham. -- Une preuve, s'écria Milady, j'en aurai dix. -- Eh bien, alors! c'est la chose la plus simple du monde, ayez- moi cette preuve et je l'envoie à la Bastille. -- Bien, Monseigneur! mais ensuite? -- Quand on est à la Bastille, il n'y a pas d'ensuite, dit le cardinal d'une voix sourde. Ah! pardieu, continua-t-il, s'il m'était aussi facile de me débarrasser de mon ennemi qu'il m'est facile de me débarrasser des vôtres, et si c'était contre de pareilles gens que vous me demandiez l'impunité!... -- Monseigneur, reprit Milady, troc pour troc, existence pour existence, homme pour homme; donnez-moi celui-là, je vous donne l'autre. -- Je ne sais pas ce que vous voulez dire, reprit le cardinal, et ne veux même pas le savoir, mais j'ai le désir de vous être agréable et ne vois aucun inconvénient à vous donner ce que vous demandez à l'égard d'une si infime créature; d'autant plus, comme vous me le dites, que ce petit d'Artagnan est un libertin, un duelliste, un traître. -- Un infâme, Monseigneur, un infâme! -- Donnez-moi donc du papier, une plume et de l'encre, dit le cardinal. -- En voici, Monseigneur.» Il se fit un instant de silence qui prouvait que le cardinal était occupé à chercher les termes dans lesquels devait être écrit le billet, ou même à l'écrire. Athos, qui n'avait pas perdu un mot de la conversation, prit ses deux compagnons chacun par une main et les conduisit à l'autre bout de la chambre. «Eh bien, dit Porthos, que veux-tu, et pourquoi ne nous laisses-tu pas écouter la fin de la conversation? -- Chut! dit Athos parlant à voix basse, nous en avons entendu tout ce qu'il est nécessaire que nous entendions; d'ailleurs je ne vous empêche pas d'écouter le reste, mais il faut que je sorte. -- Il faut que tu sortes! dit Porthos; mais si le cardinal te demande, que répondrons-nous? -- Vous n'attendrez pas qu'il me demande, vous lui direz les premiers que je suis parti en éclaireur parce que certaines paroles de notre hôte m'ont donné à penser que le chemin n'était pas sûr; j'en toucherai d'abord deux mots à l'écuyer du cardinal; le reste me regarde, ne vous en inquiétez pas. -- Soyez prudent, Athos! dit Aramis. -- Soyez tranquille, répondit Athos, vous le savez, j'ai du sang- froid.» Porthos et Aramis allèrent reprendre leur place près du tuyau de poêle. Quant à Athos, il sortit sans aucun mystère, alla prendre son cheval attaché avec ceux de ses deux amis aux tourniquets des contrevents, convainquit en quatre mots l'écuyer de la nécessité d'une avant-garde pour le retour, visita avec affectation l'amorce de ses pistolets, mit l'épée aux dents et suivit, en enfant perdu, la route qui conduisait au camp. CHAPITRE XLV SCÈNE CONJUGALE Comme l'avait prévu Athos, le cardinal ne tarda point à descendre; il ouvrit la porte de la chambre où étaient entrés les mousquetaires, et trouva Porthos faisant une partie de dés acharnée avec Aramis. D'un coup d'oeil rapide, il fouilla tous les coins de la salle, et vit qu'un de ses hommes lui manquait. «Qu'est devenu M. Athos? demanda-t-il. -- Monseigneur, répondit Porthos, il est parti en éclaireur sur quelques propos de notre hôte, qui lui ont fait croire que la route n'était pas sûre. -- Et vous, qu'avez-vous fait, monsieur Porthos? -- J'ai gagné cinq pistoles à Aramis. -- Et maintenant, vous pouvez revenir avec moi? -- Nous sommes aux ordres de Votre Éminence. -- À cheval donc, messieurs, car il se fait tard.» L'écuyer était à la porte, et tenait en bride le cheval du cardinal. Un peu plus loin, un groupe de deux hommes et de trois chevaux apparaissait dans l'ombre; ces deux hommes étaient ceux qui devaient conduire Milady au fort de La Pointe, et veiller à son embarquement. L'écuyer confirma au cardinal ce que les deux mousquetaires lui avaient déjà dit à propos d'Athos. Le cardinal fit un geste approbateur, et reprit la route, s'entourant au retour des mêmes précautions qu'il avait prises au départ. Laissons-le suivre le chemin du camp, protégé par l'écuyer et les deux mousquetaires, et revenons à Athos. Pendant une centaine de pas, il avait marché de la même allure; mais, une fois hors de vue, il avait lancé son cheval à droite, avait fait un détour, et était revenu à une vingtaine de pas, dans le taillis, guetter le passage de la petite troupe; ayant reconnu les chapeaux bordés de ses compagnons et la frange dorée du manteau de M. le cardinal, il attendit que les cavaliers eussent tourné l'angle de la route, et, les ayant perdus de vue, il revint au galop à l'auberge, qu'on lui ouvrit sans difficulté. L'hôte le reconnut. «Mon officier, dit Athos, a oublié de faire à la dame du premier une recommandation importante, il m'envoie pour réparer son oubli. -- Montez, dit l'hôte, elle est encore dans sa chambre.» Athos profita de la permission, monta l'escalier de son pas le plus léger, arriva sur le carré, et, à travers la porte entrouverte, il vit Milady qui attachait son chapeau. Il entra dans la chambre, et referma la porte derrière lui. Au bruit qu'il fit en repoussant le verrou, Milady se retourna. Athos était debout devant la porte, enveloppé dans son manteau, son chapeau rabattu sur ses yeux. En voyant cette figure muette et immobile comme une statue, Milady eut peur. «Qui êtes-vous? et que demandez-vous?» s'écria-t-elle. «Allons, c'est bien elle!» murmura Athos. Et, laissant tomber son manteau, et relevant son feutre, il s'avança vers Milady. «Me reconnaissez-vous, madame?» dit-il. Milady fit un pas en avant, puis recula comme à la vue d'un serpent. «Allons, dit Athos, c'est bien, je vois que vous me reconnaissez. -- Le comte de La Fère! murmura Milady en pâlissant et en reculant jusqu'à ce que la muraille l'empêchât d'aller plus loin. -- Oui, Milady, répondit Athos, le comte de La Fère en personne, qui revient tout exprès de l'autre monde pour avoir le plaisir de vous voir. Asseyons-nous donc, et causons, comme dit Monseigneur le cardinal.» Milady, dominée par une terreur inexprimable, s'assit sans proférer une seule parole. «Vous êtes donc un démon envoyé sur la terre? dit Athos. Votre puissance est grande, je le sais; mais vous savez aussi qu'avec l'aide de Dieu les hommes ont souvent vaincu les démons les plus terribles. Vous vous êtes déjà trouvée sur mon chemin, je croyais vous avoir terrassée, madame; mais, ou je me trompai, ou l'enfer vous a ressuscitée.» Milady, à ces paroles qui lui rappelaient des souvenirs effroyables, baissa la tête avec un gémissement sourd. «Oui, l'enfer vous a ressuscitée, reprit Athos, l'enfer vous a faite riche, l'enfer vous a donné un autre nom, l'enfer vous a presque refait même un autre visage; mais il n'a effacé ni les souillures de votre âme, ni la flétrissure de votre corps.» Milady se leva comme mue par un ressort, et ses yeux lancèrent des éclairs. Athos resta assis. «Vous me croyiez mort, n'est-ce pas, comme je vous croyais morte? et ce nom d'Athos avait caché le comte de La Fère, comme le nom de Milady Clarick avait caché Anne de Breuil! N'était-ce pas ainsi que vous vous appeliez quand votre honoré frère nous a mariés? Notre position est vraiment étrange, poursuivit Athos en riant; nous n'avons vécu jusqu'à présent l'un et l'autre que parce que nous nous croyions morts, et qu'un souvenir gêne moins qu'une créature, quoique ce soit chose dévorante parfois qu'un souvenir! -- Mais enfin, dit Milady d'une voix sourde, qui vous ramène vers moi? et que me voulez-vous? -- Je veux vous dire que, tout en restant invisible à vos yeux, je ne vous ai pas perdue de vue, moi! -- Vous savez ce que j'ai fait? -- Je puis vous raconter jour par jour vos actions, depuis votre entrée au service du cardinal jusqu'à ce soir.» Un sourire d'incrédulité passa sur les lèvres pâles de Milady. «Écoutez: c'est vous qui avez coupé les deux ferrets de diamants sur l'épaule du duc de Buckingham; c'est vous qui avez fait enlever Mme Bonacieux; c'est vous qui, amoureuse de de Wardes, et croyant passer la nuit avec lui, avez ouvert votre porte à M. d'Artagnan; c'est vous qui, croyant que de Wardes vous avait trompée, avez voulu le faire tuer par son rival; c'est vous qui, lorsque ce rival eut découvert votre infâme secret, avez voulu le faire tuer à son tour par deux assassins que vous avez envoyés à sa poursuite; c'est vous qui, voyant que les balles avaient manqué leur coup, avez envoyé du vin empoisonné avec une fausse lettre, pour faire croire à votre victime que ce vin venait de ses amis; c'est vous, enfin, qui venez là, dans cette chambre, assise sur cette chaise où je suis, de prendre avec le cardinal de Richelieu l'engagement de faire assassiner le duc de Buckingham, en échange de la promesse qu'il vous a faite de vous laisser assassiner d'Artagnan.» Milady était livide. «Mais vous êtes donc Satan? dit-elle. -- Peut-être, dit Athos; mais, en tout cas, écoutez bien ceci: Assassinez ou faites assassiner le duc de Buckingham, peu m'importe! je ne le connais pas: d'ailleurs c'est un Anglais; mais ne touchez pas du bout du doigt à un seul cheveu de d'Artagnan, qui est un fidèle ami que j'aime et que je défends, ou, je vous le jure par la tête de mon père, le crime que vous aurez commis sera le dernier. -- M. d'Artagnan m'a cruellement offensée, dit Milady d'une voix sourde, M. d'Artagnan mourra. -- En vérité, cela est-il possible qu'on vous offense, madame? dit en riant Athos; il vous a offensée, et il mourra? -- Il mourra, reprit Milady; elle d'abord, lui ensuite.» Athos fut saisi comme d'un vertige: la vue de cette créature, qui n'avait rien d'une femme, lui rappelait des souvenirs terribles; il pensa qu'un jour, dans une situation moins dangereuse que celle où il se trouvait, il avait déjà voulu la sacrifier à son honneur; son désir de meurtre lui revint brûlant et l'envahit comme une fièvre ardente: il se leva à son tour, porta la main à sa ceinture, en tira un pistolet et l'arma. Milady, pâle comme un cadavre, voulut crier, mais sa langue glacée ne put proférer qu'un son rauque qui n'avait rien de la parole humaine et qui semblait le râle d'une bête fauve; collée contre la sombre tapisserie, elle apparaissait, les cheveux épars, comme l'image effrayante de la terreur. Athos leva lentement son pistolet, étendit le bras de manière que l'arme touchât presque le front de Milady puis, d'une voix d'autant plus terrible qu'elle avait le calme suprême d'une inflexible résolution: «Madame, dit-il, vous allez à l'instant même me remettre le papier que vous a signé le cardinal, ou, sur mon âme, je vous fais sauter la cervelle.» Avec un autre homme Milady aurait pu conserver quelque doute, mais elle connaissait Athos; cependant elle resta immobile. «Vous avez une seconde pour vous décider», dit-il. Milady vit à la contraction de son visage que le coup allait partir; elle porta vivement la main à sa poitrine, en tira un papier et le tendit à Athos. «Tenez, dit-elle, et soyez maudit!» Athos prit le papier, repassa le pistolet à sa ceinture, s'approcha de la lampe pour s'assurer que c'était bien celui-là, le déplia et lut: «C'est par mon ordre et pour le bien de l'État que le porteur du présent a fait ce qu'il a fait. 3 décembre 1627. «Richelieu» «Et maintenant, dit Athos en reprenant son manteau et en replaçant son feutre sur sa tête, maintenant que je t'ai arraché les dents, vipère, mords si tu peux.» Et il sortit de la chambre sans même regarder en arrière. À la porte il trouva les deux hommes et le cheval qu'ils tenaient en main. «Messieurs, dit-il, l'ordre de Monseigneur, vous le savez, est de conduire cette femme, sans perdre de temps, au fort de La Pointe et de ne la quitter que lorsqu'elle sera à bord.» Comme ces paroles s'accordaient effectivement avec l'ordre qu'ils avaient reçu, ils inclinèrent la tête en signe d'assentiment. Quant à Athos, il se mit légèrement en selle et partit au galop; seulement, au lieu de suivre la route, il prit à travers champs, piquant avec vigueur son cheval et de temps en temps s'arrêtant pour écouter. Dans une de ces haltes, il entendit sur la route le pas de plusieurs chevaux. Il ne douta point que ce ne fût le cardinal et son escorte. Aussitôt il fit une nouvelle pointe en avant, bouchonna son cheval avec de la bruyère et des feuilles d'arbres, et vint se mettre en travers de la route à deux cents pas du camp à peu près. «Qui vive? cria-t-il de loin quand il aperçut les cavaliers. -- C'est notre brave mousquetaire, je crois, dit le cardinal. -- Oui, Monseigneur, répondit Athos. C'est lui-même. -- Monsieur Athos, dit Richelieu, recevez tous mes remerciements pour la bonne garde que vous nous avez faite; messieurs, nous voici arrivés: prenez la porte à gauche, le mot d'ordre est Roi et Ré.» En disant ces mots, le cardinal salua de la tête les trois amis, et prit à droite suivi de son écuyer; car, cette nuit-là, lui-même couchait au camp. «Eh bien! dirent ensemble Porthos et Aramis lorsque le cardinal fut hors de la portée de la voix, eh bien il a signé le papier qu'elle demandait. -- Je le sais, dit tranquillement Athos, puisque le voici.» Et les trois amis n'échangèrent plus une seule parole jusqu'à leur quartier, excepté pour donner le mot d'ordre aux sentinelles. Seulement, on envoya Mousqueton dire à Planchet que son maître était prié, en relevant de tranchée, de se rendre à l'instant même au logis des mousquetaires. D'un autre côté, comme l'avait prévu Athos, Milady, en retrouvant à la porte les hommes qui l'attendaient, ne fit aucune difficulté de les suivre; elle avait bien eu l'envie un instant de se faire reconduire devant le cardinal et de lui tout raconter, mais une révélation de sa part amenait une révélation de la part d'Athos: elle dirait bien qu'Athos l'avait pendue, mais Athos dirait qu'elle était marquée; elle pensa qu'il valait donc encore mieux garder le silence, partir discrètement, accomplir avec son habileté ordinaire la mission difficile dont elle s'était chargée, puis, toutes les choses accomplies à la satisfaction du cardinal, venir lui réclamer sa vengeance. En conséquence, après avoir voyagé toute la nuit, à sept heures du matin elle était au fort de La Pointe, à huit heures elle était embarquée, et à neuf heures le bâtiment, qui, avec des lettres de marque du cardinal, était censé être en partance pour Bayonne, levait l'ancre et faisait voile pour l'Angleterre. CHAPITRE XLVI LE BASTION SAINT-GERVAIS En arrivant chez ses trois amis, d'Artagnan les trouva réunis dans la même chambre: Athos réfléchissait, Porthos frisait sa moustache, Aramis disait ses prières dans un charmant petit livre d'heures relié en velours bleu. «Pardieu, messieurs! dit-il, j'espère que ce que vous avez à me dire en vaut la peine, sans cela je vous préviens que je ne vous pardonnerai pas de m'avoir fait venir, au lieu de me laisser reposer après une nuit passée à prendre et à démanteler un bastion. Ah! que n'étiez-vous là, messieurs! il y a fait chaud! -- Nous étions ailleurs, où il ne faisait pas froid non plus! répondit Porthos tout en faisant prendre à sa moustache un pli qui lui était particulier. -- Chut! dit Athos. -- Oh! oh! fit d'Artagnan comprenant le léger froncement de sourcils du mousquetaire, il paraît qu'il y a du nouveau ici. -- Aramis, dit Athos, vous avez été déjeuner avant-hier à l'auberge du Parpaillot, je crois? -- Oui. -- Comment est-on là? -- Mais, j'y ai fort mal mangé pour mon compte, avant-hier était un jour maigre, et ils n'avaient que du gras. -- Comment! dit Athos, dans un port de mer ils n'ont pas de poisson? -- Ils disent, reprit Aramis en se remettant à sa pieuse lecture, que la digue que fait bâtir M. le cardinal le chasse en pleine mer. -- Mais, ce n'est pas cela que je vous demandais, Aramis, reprit Athos; je vous demandais si vous aviez été bien libre, et si personne ne vous avait dérangé? -- Mais il me semble que nous n'avons pas eu trop d'importuns; oui, au fait, pour ce que vous voulez dire, Athos, nous serons assez bien au Parpaillot. -- Allons donc au Parpaillot, dit Athos, car ici les murailles sont comme des feuilles de papier.» D'Artagnan, qui était habitué aux manières de faire de son ami, et qui reconnaissait tout de suite à une parole, à un geste, à un signe de lui, que les circonstances étaient graves, prit le bras d'Athos et sortit avec lui sans rien dire; Porthos suivit en devisant avec Aramis. En route, on rencontra Grimaud, Athos lui fit signe de suivre; Grimaud, selon son habitude, obéit en silence; le pauvre garçon avait à peu près fini par désapprendre de parler. On arriva à la buvette du Parpaillot: il était sept heures du matin, le jour commençait à paraître; les trois amis commandèrent à déjeuner, et entrèrent dans une salle où au dire de l'hôte, ils ne devaient pas être dérangés. Malheureusement l'heure était mal choisie pour un conciliabule; on venait de battre la diane, chacun secouait le sommeil de la nuit, et, pour chasser l'air humide du matin, venait boire la goutte à la buvette: dragons, Suisses, gardes, mousquetaires, chevau-légers se succédaient avec une rapidité qui devait très bien faire les affaires de l'hôte, mais qui remplissait fort mal les vues des quatre amis. Aussi répondaient-ils d'une manière fort maussade aux saluts, aux toasts et aux _lazzi_ de leurs compagnons. «Allons! dit Athos, nous allons nous faire quelque bonne querelle, et nous n'avons pas besoin de cela en ce moment. D'Artagnan, racontez-nous votre nuit; nous vous raconterons la nôtre après. -- En effet, dit un chevau-léger qui se dandinait en tenant à la main un verre d'eau-de-vie qu'il dégustait lentement; en effet, vous étiez de tranchée cette nuit, messieurs les gardes, et il me semble que vous avez eu maille à partir avec les Rochelois?» D'Artagnan regarda Athos pour savoir s'il devait répondre à cet intrus qui se mêlait à la conversation. «Eh bien, dit Athos, n'entends-tu pas M. de Busigny qui te fait l'honneur de t'adresser la parole? Raconte ce qui s'est passé cette nuit, puisque ces messieurs désirent le savoir. -- N'avre-bous bas bris un pastion? demanda un Suisse qui buvait du rhum dans un verre à bière. -- Oui, monsieur, répondit d'Artagnan en s'inclinant, nous avons eu cet honneur, nous avons même, comme vous avez pu l'entendre, introduit sous un des angles un baril de poudre qui, en éclatant, a fait une fort jolie brèche; sans compter que, comme le bastion n'était pas d'hier, tout le reste de la bâtisse s'en est trouvé fort ébranlé. -- Et quel bastion est-ce? demanda un dragon qui tenait enfilée à son sabre une oie qu'il apportait pour qu'on la fît cuire. -- Le bastion Saint-Gervais, répondit d'Artagnan, derrière lequel les Rochelois inquiétaient nos travailleurs. -- Et l'affaire a été chaude? -- Mais, oui; nous y avons perdu cinq hommes, et les Rochelois huit ou dix. -- Balzampleu! fit le Suisse, qui, malgré l'admirable collection de jurons que possède la langue allemande, avait pris l'habitude de jurer en français. -- Mais il est probable, dit le chevau-léger, qu'ils vont, ce matin, envoyer des pionniers pour remettre le bastion en état. -- Oui, c'est probable, dit d'Artagnan. -- Messieurs, dit Athos, un pari! -- Ah! woui! un bari! dit le Suisse. -- Lequel? demanda le chevau-léger. -- Attendez, dit le dragon en posant son sabre comme une broche sur les deux grands chenets de fer qui soutenaient le feu de la cheminée, j'en suis. Hôtelier de malheur! une lèchefrite tout de suite, que je ne perde pas une goutte de la graisse de cette estimable volaille. -- Il avre raison, dit le Suisse, la graisse t'oie, il est très ponne avec des gonfitures. -- Là! dit le dragon. Maintenant, voyons le pari! Nous écoutons, monsieur Athos! -- Oui, le pari! dit le chevau-léger. -- Eh bien, monsieur de Busigny, je parie avec vous, dit Athos, que mes trois compagnons, MM. Porthos, Aramis, d'Artagnan et moi, nous allons déjeuner dans le bastion Saint-Gervais et que nous y tenons une heure, montre à la main, quelque chose que l'ennemi fasse pour nous déloger.» Porthos et Aramis se regardèrent, ils commençaient à comprendre. «Mais, dit d'Artagnan en se penchant à l'oreille d'Athos, tu vas nous faire tuer sans miséricorde. -- Nous sommes bien plus tués, répondit Athos, si nous n'y allons pas. -- Ah! ma foi! messieurs, dit Porthos en se renversant sur sa chaise et frisant sa moustache, voici un beau pari, j'espère. -- Aussi je l'accepte, dit M. de Busigny; maintenant il s'agit de fixer l'enjeu. -- Mais vous êtes quatre, messieurs, dit Athos, nous sommes quatre; un dîner à discrétion pour huit, cela vous va-t-il? -- À merveille, reprit M. de Busigny. -- Parfaitement, dit le dragon. -- Ça me fa», dit le Suisse. Le quatrième auditeur, qui, dans toute cette conversation, avait joué un rôle muet, fit un signe de la tête en signe qu'il acquiesçait à la proposition. «Le déjeuner de ces messieurs est prêt, dit l'hôte. -- Eh bien, apportez-le», dit Athos. L'hôte obéit. Athos appela Grimaud, lui montra un grand panier qui gisait dans un coin et fit le geste d'envelopper dans les serviettes les viandes apportées. Grimaud comprit à l'instant même qu'il s'agissait d'un déjeuner sur l'herbe, prit le panier, empaqueta les viandes, y joignit les bouteilles et prit le panier à son bras. «Mais où allez-vous manger mon déjeuner? dit l'hôte. -- Que vous importe, dit Athos, pourvu qu'on vous le paie?» Et il jeta majestueusement deux pistoles sur la table. «Faut-il vous rendre, mon officier? dit l'hôte. -- Non; ajoute seulement deux bouteilles de vin de Champagne et la différence sera pour les serviettes.» L'hôte ne faisait pas une aussi bonne affaire qu'il l'avait cru d'abord, mais il se rattrapa en glissant aux quatre convives deux bouteilles de vin d'Anjou au lieu de deux bouteilles de vin de Champagne. «Monsieur de Busigny, dit Athos, voulez-vous bien régler votre montre sur la mienne, ou me permettre de régler la mienne sur la vôtre? -- À merveille, monsieur! dit le chevau-léger en tirant de son gousset une fort belle montre entourée de diamants; sept heures et demie, dit-il. -- Sept heures trente-cinq minutes, dit Athos; nous saurons que j'avance de cinq minutes sur vous, monsieur.» Et, saluant les assistants ébahis, les quatre jeunes gens prirent le chemin du bastion Saint-Gervais, suivis de Grimaud, qui portait le panier, ignorant où il allait, mais, dans l'obéissance passive dont il avait pris l'habitude avec Athos, ne songeait pas même à le demander. Tant qu'ils furent dans l'enceinte du camp, les quatre amis n'échangèrent pas une parole; d'ailleurs ils étaient suivis par les curieux, qui, connaissant le pari engagé, voulaient savoir comment ils s'en tireraient. Mais une fois qu'ils eurent franchi la ligne de circonvallation et qu'ils se trouvèrent en plein air, d'Artagnan, qui ignorait complètement ce dont il s'agissait, crut qu'il était temps de demander une explication. «Et maintenant, mon cher Athos, dit-il, faites-moi l'amitié de m'apprendre où nous allons? -- Vous le voyez bien, dit Athos, nous allons au bastion. -- Mais qu'y allons-nous faire? -- Vous le savez bien, nous y allons déjeuner. -- Mais pourquoi n'avons-nous pas déjeuné au Parpaillot? -- Parce que nous avons des choses fort importantes à nous dire, et qu'il était impossible de causer cinq minutes dans cette auberge avec tous ces importuns qui vont, qui viennent, qui saluent, qui accostent; ici, du moins, continua Athos en montrant le bastion, on ne viendra pas nous déranger. -- Il me semble, dit d'Artagnan avec cette prudence qui s'alliait si bien et si naturellement chez lui à une excessive bravoure, il me semble que nous aurions pu trouver quelque endroit écarté dans les dunes, au bord de la mer. -- Où l'on nous aurait vus conférer tous les quatre ensemble, de sorte qu'au bout d'un quart d'heure le cardinal eût été prévenu par ses espions que nous tenions conseil. Oui, dit Aramis, Athos a raison: _Animadvertuntur in desertis_. Un désert n'aurait pas été mal, dit Porthos, mais il s'agissait de le trouver. -- Il n'y a pas de désert où un oiseau ne puisse passer au-dessus de la tête, où un poisson ne puisse sauter au-dessus de l'eau, où un lapin ne puisse partir de son gîte, et je crois qu'oiseau, poisson, lapin, tout s'est fait espion du cardinal. Mieux vaut donc poursuivre notre entreprise, devant laquelle d'ailleurs nous ne pouvons plus reculer sans honte; nous avons fait un pari, un pari qui ne pouvait être prévu, et dont je défie qui que ce soit de deviner la véritable cause: nous allons, pour le gagner, tenir une heure dans le bastion. Ou nous serons attaqués, ou nous ne le serons pas. Si nous ne le sommes pas, nous aurons tout le temps de causer et personne ne nous entendra, car je réponds que les murs de ce bastion n'ont pas d'oreilles; si nous le sommes, nous causerons de nos affaires tout de même, et de plus, tout en nous défendant, nous nous couvrons de gloire. Vous voyez bien que tout est bénéfice. -- Oui, dit d'Artagnan, mais nous attraperons indubitablement une balle. -- Eh! mon cher, dit Athos, vous savez bien que les balles les plus à craindre ne sont pas celles de l'ennemi. -- Mais il me semble que pour une pareille expédition, nous aurions dû au moins emporter nos mousquets. -- Vous êtes un niais, ami Porthos; pourquoi nous charger d'un fardeau inutile? -- Je ne trouve pas inutile en face de l'ennemi un bon mousquet de calibre, douze cartouches et une poire à poudre. -- Oh! bien, dit Athos, n'avez-vous pas entendu ce qu'a dit d'Artagnan? -- Qu'a dit d'Artagnan? demanda Porthos. -- D'Artagnan a dit que dans l'attaque de cette nuit il y avait eu huit ou dix Français de tués et autant de Rochelois. -- Après? -- On n'a pas eu le temps de les dépouiller, n'est-ce pas? attendu qu'on avait autre chose pour le moment de plus pressé à faire. -- Eh bien? -- Eh bien, nous allons trouver leurs mousquets, leurs poires à poudre et leurs cartouches, et au lieu de quatre mousquetons et de douze balles, nous allons avoir une quinzaine de fusils et une centaine de coups à tirer. -- O Athos! dit Aramis, tu es véritablement un grand homme!» Porthos inclina la tête en signe d'adhésion. D'Artagnan seul ne paraissait pas convaincu. Sans doute Grimaud partageait les doutes du jeune homme; car, voyant que l'on continuait de marcher vers le bastion, chose dont il avait douté jusqu'alors, il tira son maître par le pan de son habit. «Où allons-nous?» demanda-t-il par geste. Athos lui montra le bastion. «Mais, dit toujours dans le même dialecte le silencieux Grimaud, nous y laisserons notre peau.» Athos leva les yeux et le doigt vers le ciel. Grimaud posa son panier à terre et s'assit en secouant la tête. Athos prit à sa ceinture un pistolet, regarda s'il était bien amorcé, l'arma et approcha le canon de l'oreille de Grimaud. Grimaud se retrouva sur ses jambes comme par un ressort. Athos alors lui fit signe de prendre le panier et de marcher devant. Grimaud obéit. Tout ce qu'avait gagné le pauvre garçon à cette pantomime d'un instant, c'est qu'il était passé de l'arrière-garde à l'avant- garde. Arrivés au bastion, les quatre amis se retournèrent. Plus de trois cents soldats de toutes armes étaient assemblés à la porte du camp, et dans un groupe séparé on pouvait distinguer M. de Busigny, le dragon, le Suisse et le quatrième parieur. Athos ôta son chapeau, le mit au bout de son épée et l'agita en l'air. Tous les spectateurs lui rendirent son salut, accompagnant cette politesse d'un grand hourra qui arriva jusqu'à eux. Après quoi, ils disparurent tous quatre dans le bastion, où les avait déjà précédés Grimaud. CHAPITRE XLVII LE CONSEIL DES MOUSQUETAIRES Comme l'avait prévu Athos, le bastion n'était occupé que par une douzaine de morts tant Français que Rochelois. «Messieurs, dit Athos, qui avait pris le commandement de l'expédition, tandis que Grimaud va mettre la table, commençons par recueillir les fusils et les cartouches; nous pouvons d'ailleurs causer tout en accomplissant cette besogne. Ces messieurs, ajouta-t-il en montrant les morts, ne nous écoutent pas. -- Mais nous pourrions toujours les jeter dans le fossé, dit Porthos, après toutefois nous être assurés qu'ils n'ont rien dans leurs poches. -- Oui, dit Aramis, c'est l'affaire de Grimaud. -- Ah! bien alors, dit d'Artagnan, que Grimaud les fouille et les jette par-dessus les murailles. -- Gardons-nous-en bien, dit Athos, ils peuvent nous servir. -- Ces morts peuvent nous servir? dit Porthos. Ah çà, vous devenez fou, cher ami. -- Ne jugez pas témérairement, disent l'évangile et M. le cardinal, répondit Athos; combien de fusils, messieurs? -- Douze, répondit Aramis. -- Combien de coups à tirer? -- Une centaine. -- C'est tout autant qu'il nous en faut; chargeons les armes.» Les quatre mousquetaires se mirent à la besogne. Comme ils achevaient de charger le dernier fusil, Grimaud fit signe que le déjeuner était servi. Athos répondit, toujours par geste, que c'était bien, et indiqua à Grimaud une espèce de poivrière où celui-ci comprit qu'il se devait tenir en sentinelle. Seulement, pour adoucir l'ennui de la faction, Athos lui permit d'emporter un pain, deux côtelettes et une bouteille de vin. «Et maintenant, à table», dit Athos. Les quatre amis s'assirent à terre, les jambes croisées, comme les Turcs ou comme les tailleurs. «Ah! maintenant, dit d'Artagnan, que tu n'as plus la crainte d'être entendu, j'espère que tu vas nous faire part de ton secret, Athos. -- J'espère que je vous procure à la fois de l'agrément et de la gloire, messieurs, dit Athos. Je vous ai fait faire une promenade charmante; voici un déjeuner des plus succulents, et cinq cents personnes là-bas, comme vous pouvez les voir à travers les meurtrières, qui nous prennent pour des fous ou pour des héros, deux classes d'imbéciles qui se ressemblent assez. -- Mais ce secret? demanda d'Artagnan. -- Le secret, dit Athos, c'est que j'ai vu Milady hier soir.» D'Artagnan portait son verre à ses lèvres; mais à ce nom de Milady, la main lui trembla si fort, qu'il le posa à terre pour ne pas en répandre le contenu. «Tu as vu ta fem... -- Chut donc! interrompit Athos: vous oubliez, mon cher, que ces messieurs ne sont pas initiés comme vous dans le secret de mes affaires de ménage; j'ai vu Milady. -- Et où cela? demanda d'Artagnan. -- À deux lieues d'ici à peu près, à l'auberge du Colombier-Rouge. -- En ce cas je suis perdu, dit d'Artagnan. -- Non, pas tout à fait encore, reprit Athos; car, à cette heure, elle doit avoir quitté les côtes de France.» D'Artagnan respira. «Mais au bout du compte, demanda Porthos, qu'est-ce donc que cette Milady? -- Une femme charmante, dit Athos en dégustant un verre de vin mousseux. Canaille d'hôtelier! s'écria-t-il, qui nous donne du vin d'Anjou pour du vin de Champagne, et qui croit que nous nous y laisserons prendre! Oui, continua-t-il, une femme charmante qui a eu des bontés pour notre ami d'Artagnan, qui lui a fait je ne sais quelle noirceur dont elle a essayé de se venger, il y a un mois en voulant le faire tuer à coups de mousquet, il y a huit jours en essayant de l'empoisonner, et hier en demandant sa tête au cardinal. -- Comment! en demandant ma tête au cardinal? s'écria d'Artagnan, pâle de terreur. -- Ça, dit Porthos, c'est vrai comme l'évangile; je l'ai entendu de mes deux oreilles. -- Moi aussi, dit Aramis. -- Alors, dit d'Artagnan en laissant tomber son bras avec découragement, il est inutile de lutter plus longtemps; autant que je me brûle la cervelle et que tout soit fini! -- C'est la dernière sottise qu'il faut faire, dit Athos, attendu que c'est la seule à laquelle il n'y ait pas de remède. -- Mais je n'en réchapperai jamais, dit d'Artagnan, avec des ennemis pareils. D'abord mon inconnu de Meung; ensuite de Wardes, à qui j'ai donné trois coups d'épée; puis Milady, dont j'ai surpris le secret; enfin, le cardinal, dont j'ai fait échouer la vengeance. -- Eh bien, dit Athos, tout cela ne fait que quatre, et nous sommes quatre, un contre un. Pardieu! si nous en croyons les signes que nous fait Grimaud, nous allons avoir affaire à un bien plus grand nombre de gens. Qu'y a-t-il, Grimaud? Considérant la gravité de la circonstance, je vous permets de parler, mon ami, mais soyez laconique je vous prie. Que voyez-vous? -- Une troupe. -- De combien de personnes? -- De vingt hommes. -- Quels hommes? -- Seize pionniers, quatre soldats. -- À combien de pas sont-ils? -- À cinq cents pas. -- Bon, nous avons encore le temps d'achever cette volaille et de boire un verre de vin à ta santé, d'Artagnan! -- À ta santé! répétèrent Porthos et Aramis. -- Eh bien donc, à ma santé! quoique je ne croie pas que vos souhaits me servent à grand-chose. -- Bah! dit Athos, Dieu est grand, comme disent les sectateurs de Mahomet, et l'avenir est dans ses mains.» Puis, avalant le contenu de son verre, qu'il posa près de lui, Athos se leva nonchalamment, prit le premier fusil venu et s'approcha d'une meurtrière. Porthos, Aramis et d'Artagnan en firent autant. Quant à Grimaud, il reçut l'ordre de se placer derrière les quatre amis afin de recharger les armes. Au bout d'un instant on vit paraître la troupe; elle suivait une espèce de boyau de tranchée qui établissait une communication entre le bastion et la ville. «Pardieu! dit Athos, c'est bien la peine de nous déranger pour une vingtaine de drôles armés de pioches, de hoyaux et de pelles! Grimaud n'aurait eu qu'à leur faire signe de s'en aller, et je suis convaincu qu'ils nous eussent laissés tranquilles. -- J'en doute, observa d'Artagnan, car ils avancent fort résolument de ce côté. D'ailleurs, il y a avec les travailleurs quatre soldats et un brigadier armés de mousquets. -- C'est qu'ils ne nous ont pas vus, reprit Athos. -- Ma foi! dit Aramis, j'avoue que j'ai répugnance à tirer sur ces pauvres diables de bourgeois. -- Mauvais prêtre, répondit Porthos, qui a pitié des hérétiques! -- En vérité, dit Athos, Aramis a raison, je vais les prévenir. -- Que diable faites-vous donc? s'écria d'Artagnan, vous allez vous faire fusiller, mon cher.» Mais Athos ne tint aucun compte de l'avis, et, montant sur la brèche, son fusil d'une main et son chapeau de l'autre: «Messieurs, dit-il en s'adressant aux soldats et aux travailleurs, qui, étonnés de son apparition, s'arrêtaient à cinquante pas environ du bastion, et en les saluant courtoisement, messieurs, nous sommes, quelques amis et moi, en train de déjeuner dans ce bastion. Or, vous savez que rien n'est désagréable comme d'être dérangé quand on déjeune; nous vous prions donc, si vous avez absolument affaire ici, d'attendre que nous ayons fini notre repas, ou de repasser plus tard, à moins qu'il ne vous prenne la salutaire envie de quitter le parti de la rébellion et de venir boire avec nous à la santé du roi de France. -- Prends garde, Athos! s'écria d'Artagnan; ne vois-tu pas qu'ils te mettent en joue? -- Si fait, si fait, dit Athos, mais ce sont des bourgeois qui tirent fort mal, et qui n'ont garde de me toucher.» En effet, au même instant quatre coups de fusil partirent, et les balles vinrent s'aplatir autour d'Athos, mais sans qu'une seule le touchât. Quatre coups de fusil leur répondirent presque en même temps, mais ils étaient mieux dirigés que ceux des agresseurs, trois soldats tombèrent tués raide, et un des travailleurs fut blessé. «Grimaud, un autre mousquet!» dit Athos toujours sur la brèche. Grimaud obéit aussitôt. De leur côté, les trois amis avaient chargé leurs armes; une seconde décharge suivit la première: le brigadier et deux pionniers tombèrent morts, le reste de la troupe prit la fuite. «Allons, messieurs, une sortie», dit Athos. Et les quatre amis, s'élançant hors du fort, parvinrent jusqu'au champ de bataille, ramassèrent les quatre mousquets des soldats et la demi-pique du brigadier; et, convaincus que les fuyards ne s'arrêteraient qu'à la ville, reprirent le chemin du bastion, rapportant les trophées de leur victoire. «Rechargez les armes, Grimaud, dit Athos, et nous, messieurs, reprenons notre déjeuner et continuons notre conversation. Où en étions-nous? -- Je me le rappelle, dit d'Artagnan; vous disiez qu'après avoir demandé ma tête au cardinal, milady avait quitté les côtes de France. -- C'est vrai. -- Et où va-t-elle? ajouta d'Artagnan, qui se préoccupait fort de l'itinéraire que devrait suivre milady. -- Elle va en Angleterre, répondit Athos. -- Et dans quel but? -- Dans le but d'assassiner ou de faire assassiner Buckingham.» D'Artagnan poussa une exclamation de surprise et d'indignation. «Mais c'est infâme! s'écria-t-il. -- Oh! quant à cela, dit Athos, je vous prie de croire que je m'en inquiète fort peu. Maintenant que vous avez fini, Grimaud, continua Athos, prenez la demi-pique de notre brigadier, attachez- y une serviette et plantez-la au haut de notre bastion, afin que ces rebelles de Rochelois voient qu'ils ont affaire à de braves et loyaux soldats du roi.» Grimaud obéit sans répondre. Un instant après le drapeau blanc flottait au-dessus de la tête des quatre amis; un tonnerre d'applaudissements salua son apparition; la moitié du camp était aux barrières. «Comment! reprit d'Artagnan, tu t'inquiètes fort peu qu'elle tue ou qu'elle fasse tuer Buckingham? Mais le duc est notre ami. -- Le duc est Anglais, le duc combat contre nous; qu'elle fasse du duc ce qu'elle voudra, je m'en soucie comme d'une bouteille vide.» Et Athos envoya à quinze pas de lui une bouteille qu'il tenait, et dont il venait de transvaser jusqu'à la dernière goutte dans son verre. «Un instant, dit d'Artagnan, je n'abandonne pas Buckingham ainsi; il nous avait donné de fort beaux chevaux. -- Et surtout de fort belles selles, ajouta Porthos, qui, à ce moment même, portait à son manteau le galon de la sienne. -- Puis, observa Aramis, Dieu veut la conversion et non la mort du pécheur. -- Amen, dit Athos, et nous reviendrons là-dessus plus tard, si tel est votre plaisir; mais ce qui, pour le moment, me préoccupait le plus, et je suis sûr que tu me comprendras, d'Artagnan, c'était de reprendre à cette femme une espèce de blanc-seing qu'elle avait extorqué au cardinal, et à l'aide duquel elle devait impunément se débarrasser de toi et peut-être de nous. -- Mais c'est donc un démon que cette créature? dit Porthos en tendant son assiette à Aramis, qui découpait une volaille. -- Et ce blanc-seing, dit d'Artagnan, ce blanc-seing est-il resté entre ses mains? -- Non, il est passé dans les miennes; je ne dirai pas que ce fut sans peine, par exemple, car je mentirais. -- Mon cher Athos, dit d'Artagnan, je ne compte plus les fois que je vous dois la vie. -- Alors c'était donc pour venir près d'elle que vous nous avez quittés? demanda Aramis. -- Justement. Et tu as cette lettre du cardinal? dit d'Artagnan. -- La voici», dit Athos. Et il tira le précieux papier de la poche de sa casaque. D'Artagnan le déplia d'une main dont il n'essayait pas même de dissimuler le tremblement et lut: «C'est par mon ordre et pour le bien de l'État que le porteur du présent a fait ce qu'il a fait. «5 décembre 1627 «Richelieu» «En effet, dit Aramis, c'est une absolution dans toutes les règles. -- Il faut déchirer ce papier, s'écria d'Artagnan, qui semblait lire sa sentence de mort. -- Bien au contraire, dit Athos, il faut le conserver précieusement, et je ne donnerais pas ce papier quand on le couvrirait de pièces d'or. -- Et que va-t-elle faire maintenant? demanda le jeune homme. -- Mais, dit négligemment Athos, elle va probablement écrire au cardinal qu'un damné mousquetaire, nommé Athos, lui a arraché son sauf-conduit; elle lui donnera dans la même lettre le conseil de se débarrasser, en même temps que de lui, de ses deux amis, Porthos et Aramis; le cardinal se rappellera que ce sont les mêmes hommes qu'il rencontre toujours sur son chemin; alors, un beau matin il fera arrêter d'Artagnan, et, pour qu'il ne s'ennuie pas tout seul, il nous enverra lui tenir compagnie à la Bastille. -- Ah çà, mais, dit Porthos, il me semble que vous faites là de tristes plaisanteries, mon cher. -- Je ne plaisante pas, répondit Athos. -- Savez-vous, dit Porthos, que tordre le cou à cette damnée Milady serait un péché moins grand que de le tordre à ces pauvres diables de huguenots, qui n'ont jamais commis d'autres crimes que de chanter en français des psaumes que nous chantons en latin? -- Qu'en dit l'abbé? demanda tranquillement Athos. -- Je dis que je suis de l'avis de Porthos, répondit Aramis. -- Et moi donc! fit d'Artagnan. -- Heureusement qu'elle est loin, observa Porthos; car j'avoue qu'elle me gênerait fort ici. -- Elle me gêne en Angleterre aussi bien qu'en France, dit Athos. -- Elle me gêne partout, continua d'Artagnan. -- Mais puisque vous la teniez, dit Porthos, que ne l'avez-vous noyée, étranglée, pendue? il n'y a que les morts qui ne reviennent pas. -- Vous croyez cela, Porthos? répondit le mousquetaire avec un sombre sourire que d'Artagnan comprit seul. -- J'ai une idée, dit d'Artagnan. -- Voyons, dirent les mousquetaires. -- Aux armes!» cria Grimaud. Les jeunes gens se levèrent vivement et coururent aux fusils. Cette fois, une petite troupe s'avançait composée de vingt ou vingt-cinq hommes; mais ce n'étaient plus des travailleurs, c'étaient des soldats de la garnison. «Si nous retournions au camp? dit Porthos, il me semble que la partie n'est pas égale. -- Impossible pour trois raisons, répondit Athos: la première, c'est que nous n'avons pas fini de déjeuner; la seconde, c'est que nous avons encore des choses d'importance à dire; la troisième, c'est qu'il s'en manque encore de dix minutes que l'heure ne soit écoulée. -- Voyons, dit Aramis, il faut cependant arrêter un plan de bataille. -- Il est bien simple, répondit Athos: aussitôt que l'ennemi est à portée de mousquet, nous faisons feu; s'il continue d'avancer, nous faisons feu encore, nous faisons feu tant que nous avons des fusils chargés; si ce qui reste de la troupe veut encore monter à l'assaut, nous laissons les assiégeants descendre jusque dans le fossé, et alors nous leur poussons sur la tête ce pan de mur qui ne tient plus que par un miracle d'équilibre. -- Bravo! s'écria Porthos; décidément, Athos, vous étiez né pour être général, et le cardinal, qui se croit un grand homme de guerre, est bien peu de chose auprès de vous. -- Messieurs, dit Athos, pas de double emploi, je vous prie; visez bien chacun votre homme. -- Je tiens le mien, dit d'Artagnan. -- Et moi le mien dit Porthos. -- Et moi idem, dit Aramis. -- Alors feu!» dit Athos. Les quatre coups de fusil ne firent qu'une détonation, et quatre hommes tombèrent. Aussitôt le tambour battit, et la petite troupe s'avança au pas de charge. Alors les coups de fusil se succédèrent sans régularité, mais toujours envoyés avec la même justesse. Cependant, comme s'ils eussent connu la faiblesse numérique des amis, les Rochelois continuaient d'avancer au pas de course. Sur trois autres coups de fusil, deux hommes tombèrent; mais cependant la marche de ceux qui restaient debout ne se ralentissait pas. Arrivés au bas du bastion, les ennemis étaient encore douze ou quinze; une dernière décharge les accueillit, mais ne les arrêta point: ils sautèrent dans le fossé et s'apprêtèrent à escalader la brèche. «Allons, mes amis, dit Athos, finissons-en d'un coup: à la muraille! à la muraille!» Et les quatre amis, secondés par Grimaud, se mirent à pousser avec le canon de leurs fusils un énorme pan de mur, qui s'inclina comme si le vent le poussait, et, se détachant de sa base, tomba avec un bruit horrible dans le fossé: puis on entendit un grand cri, un nuage de poussière monta vers le ciel, et tout fut dit. «Les aurions-nous écrasés depuis le premier jusqu'au dernier? demanda Athos. -- Ma foi, cela m'en a l'air, dit d'Artagnan. -- Non, dit Porthos, en voilà deux ou trois qui se sauvent tout éclopés.» En effet, trois ou quatre de ces malheureux, couverts de boue et de sang, fuyaient dans le chemin creux et regagnaient la ville: c'était tout ce qui restait de la petite troupe. Athos regarda à sa montre. «Messieurs, dit-il, il y a une heure que nous sommes ici, et maintenant le pari est gagné, mais il faut être beaux joueurs: d'ailleurs d'Artagnan ne nous a pas dit son idée.» Et le mousquetaire, avec son sang-froid habituel, alla s'asseoir devant les restes du déjeuner. «Mon idée? dit d'Artagnan. -- Oui, vous disiez que vous aviez une idée, répliqua Athos. -- Ah! j'y suis, reprit d'Artagnan: je passe en Angleterre une seconde fois, je vais trouver M. de Buckingham et je l'avertis du complot tramé contre sa vie. -- Vous ne ferez pas cela, d'Artagnan, dit froidement Athos. -- Et pourquoi cela? ne l'ai-je pas fait déjà? -- Oui, mais à cette époque nous n'étions pas en guerre; à cette époque, M. de Buckingham était un allié et non un ennemi: ce que vous voulez faire serait taxé de trahison.» D'Artagnan comprit la force de ce raisonnement et se tut. «Mais, dit Porthos, il me semble que j'ai une idée à mon tour. -- Silence pour l'idée de M. Porthos! dit Aramis. -- Je demande un congé à M. de Tréville, sous un prétexte quelconque que vous trouverez: je ne suis pas fort sur les prétextes, moi. Milady ne me connaît pas, je m'approche d'elle sans qu'elle me redoute, et lorsque je trouve ma belle, je l'étrangle. -- Eh bien, dit Athos, je ne suis pas très éloigné d'adopter l'idée de Porthos. -- Fi donc! dit Aramis, tuer une femme! Non, tenez, moi, j'ai la véritable idée. -- Voyons votre idée, Aramis! demanda Athos, qui avait beaucoup de déférence pour le jeune mousquetaire. -- Il faut prévenir la reine. -- Ah! ma foi, oui, s'écrièrent ensemble Porthos et d'Artagnan; je crois que nous touchons au moyen. -- Prévenir la reine! dit Athos, et comment cela? Avons-nous des relations à la cour? Pouvons-nous envoyer quelqu'un à Paris sans qu'on le sache au camp? D'ici à Paris il y a cent quarante lieues; notre lettre ne sera pas à Angers que nous serons au cachot, nous. -- Quant à ce qui est de faire remettre sûrement une lettre à Sa Majesté, proposa Aramis en rougissant, moi, je m'en charge; je connais à Tours une personne adroite...» Aramis s'arrêta en voyant sourire Athos. «Eh bien, vous n'adoptez pas ce moyen, Athos? dit d'Artagnan. -- Je ne le repousse pas tout à fait, dit Athos, mais je voulais seulement faire observer à Aramis qu'il ne peut quitter le camp; que tout autre qu'un de nous n'est pas sûr; que, deux heures après que le messager sera parti, tous les capucins, tous les alguazils, tous les bonnets noirs du cardinal sauront votre lettre par coeur, et qu'on arrêtera vous et votre adroite personne. -- Sans compter, objecta Porthos, que la reine sauvera M. de Buckingham, mais ne nous sauvera pas du tout, nous autres. -- Messieurs, dit d'Artagnan, ce qu'objecte Porthos est plein de sens. -- Ah! ah! que se passe-t-il donc dans la ville? dit Athos. -- On bat la générale.» Les quatre amis écoutèrent, et le bruit du tambour parvint effectivement jusqu'à eux. «Vous allez voir qu'ils vont nous envoyer un régiment tout entier, dit Athos. -- Vous ne comptez pas tenir contre un régiment tout entier? dit Porthos. -- Pourquoi pas? dit le mousquetaire, je me sens en train; et je tiendrais devant une armée, si nous avions seulement eu la précaution de prendre une douzaine de bouteilles en plus. -- Sur ma parole, le tambour se rapproche, dit d'Artagnan. -- Laissez-le se rapprocher, dit Athos; il y a pour un quart d'heure de chemin d'ici à la ville, et par conséquent de la ville ici. C'est plus de temps qu'il ne nous en faut pour arrêter notre plan; si nous nous en allons d'ici, nous ne retrouverons jamais un endroit aussi convenable. Et tenez, justement, messieurs, voilà la vraie idée qui me vient. -- Dites alors. -- Permettez que je donne à Grimaud quelques ordres indispensables.» Athos fit signe à son valet d'approcher. «Grimaud, dit Athos, en montrant les morts qui gisaient dans le bastion, vous allez prendre ces messieurs, vous allez les dresser contre la muraille, vous leur mettrez leur chapeau sur la tête et leur fusil à la main. -- O grand homme! s'écria d'Artagnan, je te comprends. -- Vous comprenez? dit Porthos. -- Et toi, comprends-tu, Grimaud?» demanda Aramis. Grimaud fit signe que oui. «C'est tout ce qu'il faut, dit Athos, revenons à mon idée. -- Je voudrais pourtant bien comprendre, observa Porthos. -- C'est inutile. -- Oui, oui, l'idée d'Athos, dirent en même temps d'Artagnan et Aramis. -- Cette Milady, cette femme, cette créature, ce démon, a un beau- frère, à ce que vous m'avez dit, je crois, d'Artagnan. -- Oui, je le connais beaucoup même, et je crois aussi qu'il n'a pas une grande sympathie pour sa belle-soeur. -- Il n'y a pas de mal à cela, répondit Athos, et il la détesterait que cela n'en vaudrait que mieux. -- En ce cas nous sommes servis à souhait. -- Cependant, dit Porthos, je voudrais bien comprendre ce que fait Grimaud. -- Silence, Porthos! dit Aramis. -- Comment se nomme ce beau-frère? -- Lord de Winter. -- Où est-il maintenant? -- Il est retourné à Londres au premier bruit de guerre. -- Eh bien, voilà justement l'homme qu'il nous faut, dit Athos, c'est celui qu'il nous convient de prévenir; nous lui ferons savoir que sa belle-soeur est sur le point d'assassiner quelqu'un, et nous le prierons de ne pas la perdre de vue. Il y a bien à Londres, je l'espère, quelque établissement dans le genre des Madelonnettes ou des Filles repenties; il y fait mettre sa belle- soeur, et nous sommes tranquilles. -- Oui, dit d'Artagnan, jusqu'à ce qu'elle en sorte. -- Ah! ma foi, reprit Athos, vous en demandez trop, d'Artagnan, je vous ai donné tout ce que j'avais et je vous préviens que c'est le fond de mon sac. -- Moi, je trouve que c'est ce qu'il y a de mieux, dit Aramis; nous prévenons à la fois la reine et Lord de Winter. -- Oui, mais par qui ferons-nous porter la lettre à Tours et la lettre à Londres? -- Je réponds de Bazin, dit Aramis. -- Et moi de Planchet, continua d'Artagnan. -- En effet, dit Porthos, si nous ne pouvons nous absenter du camp, nos laquais peuvent le quitter. -- Sans doute, dit Aramis, et dès aujourd'hui nous écrivons les lettres, nous leur donnons de l'argent, et ils partent. -- Nous leur donnons de l'argent? reprit Athos, vous en avez donc, de l'argent?» Les quatre amis se regardèrent, et un nuage passa sur les fronts qui s'étaient un instant éclaircis. «Alerte! cria d'Artagnan, je vois des points noirs et des points rouges qui s'agitent là-bas; que disiez-vous donc d'un régiment, Athos? c'est une véritable armée. -- Ma foi, oui, dit Athos, les voilà. Voyez-vous les sournois qui venaient sans tambours ni trompettes. Ah! ah! tu as fini, Grimaud?» Grimaud fit signe que oui, et montra une douzaine de morts qu'il avait placés dans les attitudes les plus pittoresques: les uns au port d'armes, les autres ayant l'air de mettre en joue, les autres l'épée à la main. «Bravo! reprit Athos, voilà qui fait honneur à ton imagination. -- C'est égal, dit Porthos, je voudrais cependant bien comprendre. -- Décampons d'abord, interrompit d'Artagnan, tu comprendras après. -- Un instant, messieurs, un instant! donnons le temps à Grimaud de desservir. -- Ah! dit Aramis, voici les points noirs et les points rouges qui grandissent fort visiblement et je suis de l'avis de d'Artagnan; je crois que nous n'avons pas de temps à perdre pour regagner notre camp. -- Ma foi, dit Athos, je n'ai plus rien contre la retraite: nous avions parié pour une heure, nous sommes restés une heure et demie; il n'y a rien à dire; partons, messieurs, partons.» Grimaud avait déjà pris les devants avec le panier et la desserte. Les quatre amis sortirent derrière lui et firent une dizaine de pas. «Eh! s'écria Athos, que diable faisons-nous, messieurs? -- Avez-vous oublié quelque chose? demanda Aramis. -- Et le drapeau, morbleu! Il ne faut pas laisser un drapeau aux mains de l'ennemi, même quand ce drapeau ne serait qu'une serviette.» Et Athos s'élança dans le bastion, monta sur la plate-forme, et enleva le drapeau; seulement comme les Rochelois étaient arrivés à portée de mousquet, ils firent un feu terrible sur cet homme, qui, comme par plaisir, allait s'exposer aux coups. Mais on eût dit qu'Athos avait un charme attaché à sa personne, les balles passèrent en sifflant tout autour de lui, pas une ne le toucha. Athos agita son étendard en tournant le dos aux gens de la ville et en saluant ceux du camp. Des deux côtés de grands cris retentirent, d'un côté des cris de colère, de l'autre des cris d'enthousiasme. Une seconde décharge suivit la première, et trois balles, en la trouant, firent réellement de la serviette un drapeau. On entendit les clameurs de tout le camp qui criait: -- Descendez, descendez!» Athos descendit; ses camarades, qui l'attendaient avec anxiété, le virent paraître avec joie. -- Allons, Athos, allons, dit d'Artagnan, allongeons, allongeons; maintenant que nous avons tout trouvé, excepté l'argent, il serait stupide d'être tués.» Mais Athos continua de marcher majestueusement, quelque observation que pussent lui faire ses compagnons, qui, voyant toute observation inutile, réglèrent leur pas sur le sien. Grimaud et son panier avaient pris les devants et se trouvaient tous deux hors d'atteinte. Au bout d'un instant on entendit le bruit d'une fusillade enragée. «Qu'est-ce que cela? demanda Porthos, et sur quoi tirent-ils? je n'entends pas siffler les balles et je ne vois personne. -- Ils tirent sur nos morts, répondit Athos. -- Mais nos morts ne répondront pas. -- Justement; alors ils croiront à une embuscade, ils délibéreront; ils enverront un parlementaire, et quand ils s'apercevront de la plaisanterie, nous serons hors de la portée des balles. Voilà pourquoi il est inutile de gagner une pleurésie en nous pressant. -- Oh! je comprends, s'écria Porthos émerveillé. -- C'est bien heureux!» dit Athos en haussant les épaules. De leur côté, les Français, en voyant revenir les quatre amis au pas, poussaient des cris d'enthousiasme. Enfin une nouvelle mousquetade se fit entendre, et cette fois les balles vinrent s'aplatir sur les cailloux autour des quatre amis et siffler lugubrement à leurs oreilles. Les Rochelois venaient enfin de s'emparer du bastion. «Voici des gens bien maladroits, dit Athos; combien en avons-nous tué? douze? -- Ou quinze. -- Combien en avons-nous écrasé? -- Huit ou dix. -- Et en échange de tout cela pas une égratignure? Ah! si fait! Qu'avez-vous donc là à la main, d'Artagnan? du sang, ce me semble? -- Ce n'est rien, dit d'Artagnan. -- Une balle perdue? -- Pas même. -- Qu'est-ce donc alors?» Nous l'avons dit, Athos aimait d'Artagnan comme son enfant, et ce caractère sombre et inflexible avait parfois pour le jeune homme des sollicitudes de père. «Une écorchure, reprit d'Artagnan; mes doigts ont été pris entre deux pierres, celle du mur et celle de ma bague; alors la peau s'est ouverte. -- Voilà ce que c'est que d'avoir des diamants, mon maître, dit dédaigneusement Athos. -- Ah çà, mais, s'écria Porthos, il y a un diamant en effet, et pourquoi diable alors, puisqu'il y a un diamant, nous plaignons- nous de ne pas avoir d'argent? -- Tiens, au fait! dit Aramis. -- À la bonne heure, Porthos; cette fois-ci voilà une idée. -- Sans doute, dit Porthos, en se rengorgeant sur le compliment d'Athos, puisqu'il y a un diamant, vendons-le. -- Mais, dit d'Artagnan, c'est le diamant de la reine. -- Raison de plus, reprit Athos, la reine sauvant M. de Buckingham son amant, rien de plus juste; la reine nous sauvant, nous ses amis, rien de plus moral: vendons le diamant. Qu'en pense monsieur l'abbé? Je ne demande pas l'avis de Porthos, il est donné. -- Mais je pense, dit Aramis en rougissant, que sa bague ne venant pas d'une maîtresse, et par conséquent n'étant pas un gage d'amour, d'Artagnan peut la vendre. -- Mon cher, vous parlez comme la théologie en personne. Ainsi votre avis est?... -- De vendre le diamant, répondit Aramis. -- Eh bien, dit gaiement d'Artagnan, vendons le diamant et n'en parlons plus.» La fusillade continuait, mais les amis étaient hors de portée, et les Rochelois ne tiraient plus que pour l'acquit de leur conscience. «Ma foi, dit Athos, il était temps que cette idée vînt à Porthos; nous voici au camp. Ainsi, messieurs, pas un mot de plus sur cette affaire. On nous observe, on vient à notre rencontre, nous allons être portés en triomphe.» En effet, comme nous l'avons dit, tout le camp était en émoi; plus de deux mille personnes avaient assisté, comme à un spectacle, à l'heureuse forfanterie des quatre amis, forfanterie dont on était bien loin de soupçonner le véritable motif. On n'entendait que le cri de: Vivent les gardes! Vivent les mousquetaires! M. de Busigny était venu le premier serrer la main à Athos et reconnaître que le pari était perdu. Le dragon et le Suisse l'avaient suivi, tous les camarades avaient suivi le dragon et le Suisse. C'étaient des félicitations, des poignées de main, des embrassades à n'en plus finir, des rires inextinguibles à l'endroit des Rochelois; enfin, un tumulte si grand, que M. le cardinal crut qu'il y avait émeute et envoya La Houdinière, son capitaine des gardes, s'informer de ce qui se passait. La chose fut racontée au messager avec toute l'efflorescence de l'enthousiasme. «Eh bien? demanda le cardinal en voyant La Houdinière. -- Eh bien, Monseigneur, dit celui-ci, ce sont trois mousquetaires et un garde qui ont fait le pari avec M. de Busigny d'aller déjeuner au bastion Saint-Gervais, et qui, tout en déjeunant, ont tenu là deux heures contre l'ennemi, et ont tué je ne sais combien de Rochelois. -- Vous êtes-vous informé du nom de ces trois mousquetaires? -- Oui, Monseigneur. -- Comment les appelle-t-on? -- Ce sont MM. Athos, Porthos et Aramis. -- Toujours mes trois braves! murmura le cardinal. Et le garde? -- M. d'Artagnan. -- Toujours mon jeune drôle! Décidément il faut que ces quatre hommes soient à moi.» Le soir même, le cardinal parla à M. de Tréville de l'exploit du matin, qui faisait la conversation de tout le camp. M. de Tréville, qui tenait le récit de l'aventure de la bouche même de ceux qui en étaient les héros, la raconta dans tous ses détails à Son Éminence, sans oublier l'épisode de la serviette. «C'est bien, monsieur de Tréville, dit le cardinal, faites-moi tenir cette serviette, je vous prie. J'y ferai broder trois fleurs de lis d'or, et je la donnerai pour guidon à votre compagnie. -- Monseigneur, dit M. de Tréville, il y aura injustice pour les gardes: M. d'Artagnan n'est pas à moi, mais à M. des Essarts. -- Eh bien, prenez-le, dit le cardinal; il n'est pas juste que, puisque ces quatre braves militaires s'aiment tant, ils ne servent pas dans la même compagnie.» Le même soir, M. de Tréville annonça cette bonne nouvelle aux trois mousquetaires et à d'Artagnan, en les invitant tous les quatre à déjeuner le lendemain. D'Artagnan ne se possédait pas de joie. On le sait, le rêve de toute sa vie avait été d'être mousquetaire. Les trois amis étaient fort joyeux. «Ma foi! dit d'Artagnan à Athos, tu as eu une triomphante idée, et, comme tu l'as dit, nous y avons acquis de la gloire, et nous avons pu lier une conversation de la plus haute importance. -- Que nous pourrons reprendre maintenant, sans que personne nous soupçonne; car, avec l'aide de Dieu, nous allons passer désormais pour des cardinalistes.» Le même soir, d'Artagnan alla présenter ses hommages à M. des Essarts, et lui faire part de l'avancement qu'il avait obtenu. M. des Essarts, qui aimait beaucoup d'Artagnan, lui fit alors ses offres de service: ce changement de corps amenant des dépenses d'équipement. D'Artagnan refusa; mais, trouvant l'occasion bonne, il le pria de faire estimer le diamant qu'il lui remit, et dont il désirait faire de l'argent. Le lendemain à huit heures du matin, le valet de M. des Essarts entra chez d'Artagnan, et lui remit un sac d'or contenant sept mille livres. C'était le prix du diamant de la reine. CHAPITRE XLVIII AFFAIRE DE FAMILLE Athos avait trouvé le mot: affaire de famille. Une affaire de famille n'était point soumise à l'investigation du cardinal; une affaire de famille ne regardait personne; on pouvait s'occuper devant tout le monde d'une affaire de famille. Ainsi, Athos avait trouvé le mot: affaire de famille. Aramis avait trouvé l'idée: les laquais. Porthos avait trouvé le moyen: le diamant. D'Artagnan seul n'avait rien trouvé, lui ordinairement le plus inventif des quatre; mais il faut dire aussi que le nom seul de Milady le paralysait. Ah! si; nous nous trompons: il avait trouvé un acheteur pour le diamant. Le déjeuner chez M. de Tréville fut d'une gaieté charmante. D'Artagnan avait déjà son uniforme; comme il était à peu près de la même taille qu'Aramis, et qu'Aramis, largement payé, comme on se le rappelle, par le libraire qui lui avait acheté son poème, avait fait tout en double, il avait cédé à son ami un équipement complet. D'Artagnan eût été au comble de ses voeux, s'il n'eût point vu pointer Milady, comme un nuage sombre à l'horizon. Après déjeuner, on convint qu'on se réunirait le soir au logis d'Athos, et que là on terminerait l'affaire. D'Artagnan passa la journée à montrer son habit de mousquetaire dans toutes les rues du camp. Le soir, à l'heure dite, les quatre amis se réunirent: il ne restait plus que trois choses à décider: Ce qu'on écrirait au frère de Milady; Ce qu'on écrirait à la personne adroite de Tours; Et quels seraient les laquais qui porteraient les lettres. Chacun offrait le sien: Athos parlait de la discrétion de Grimaud, qui ne parlait que lorsque son maître lui décousait la bouche; Porthos vantait la force de Mousqueton, qui était de taille à rosser quatre hommes de complexion ordinaire; Aramis, confiant dans l'adresse de Bazin, faisait un éloge pompeux de son candidat; enfin, d'Artagnan avait foi entière dans la bravoure de Planchet, et rappelait de quelle façon il s'était conduit dans l'affaire épineuse de Boulogne. Ces quatre vertus disputèrent longtemps le prix, et donnèrent lieu à de magnifiques discours, que nous ne rapporterons pas ici, de peur qu'ils ne fassent longueur. «Malheureusement, dit Athos, il faudrait que celui qu'on enverra possédât en lui seul les quatre qualités réunies. -- Mais où rencontrer un pareil laquais? -- Introuvable! dit Athos; je le sais bien: prenez donc Grimaud. -- Prenez Mousqueton. -- Prenez Bazin. -- Prenez Planchet; Planchet est brave et adroit: c'est déjà deux qualités sur quatre. -- Messieurs, dit Aramis, le principal n'est pas de savoir lequel de nos quatre laquais est le plus discret, le plus fort, le plus adroit ou le plus brave; le principal est de savoir lequel aime le plus l'argent. -- Ce que dit Aramis est plein de sens, reprit Athos; il faut spéculer sur les défauts des gens et non sur leurs vertus: Monsieur l'abbé, vous êtes un grand moraliste! -- Sans doute, répliqua Aramis; car non seulement nous avons besoin d'être bien servis pour réussir, mais encore pour ne pas échouer; car, en cas d'échec, il y va de la tête, non pas pour les laquais... -- Plus bas, Aramis! dit Athos. -- C'est juste, non pas pour les laquais, reprit Aramis, mais pour le maître, et même pour les maîtres! Nos valets nous sont-ils assez dévoués pour risquer leur vie pour nous? Non. -- Ma foi, dit d'Artagnan, je répondrais presque de Planchet, moi. -- Eh bien, mon cher ami, ajoutez à son dévouement naturel une bonne somme qui lui donne quelque aisance, et alors, au lieu d'en répondre une fois, répondez-en deux. -- Eh! bon Dieu! vous serez trompés tout de même, dit Athos, qui était optimiste quand il s'agissait des choses, et pessimiste quand il s'agissait des hommes. Ils promettront tout pour avoir de l'argent, et en chemin la peur les empêchera d'agir. Une fois pris, on les serrera; serrés, ils avoueront. Que diable! nous ne sommes pas des enfants! Pour aller en Angleterre (Athos baissa la voix), il faut traverser toute la France, semée d'espions et de créatures du cardinal; il faut une passe pour s'embarquer; il faut savoir l'anglais pour demander son chemin à Londres. Tenez, je vois la chose bien difficile. -- Mais point du tout, dit d'Artagnan, qui tenait fort à ce que la chose s'accomplît; je la vois facile, au contraire, moi. Il va sans dire, parbleu! que si l'on écrit à Lord de Winter des choses par-dessus les maisons, des horreurs du cardinal... -- Plus bas! dit Athos. -- Des intrigues et des secrets d'état, continua d'Artagnan en se conformant à la recommandation, il va sans dire que nous serons tous roués vifs; mais, pour Dieu, n'oubliez pas, comme vous l'avez dit vous-même, Athos, que nous lui écrivons pour affaire de famille; que nous lui écrivons à cette seule fin qu'il mette Milady, dès son arrivée à Londres, hors d'état de nous nuire. Je lui écrirai donc une lettre à peu près en ces termes: -- Voyons, dit Aramis, en prenant par avance un visage de critique. --«Monsieur et cher ami...» -- Ah! oui; cher ami, à un Anglais, interrompit Athos; bien commencé! bravo, d'Artagnan! Rien qu'avec ce mot-là vous serez écartelé, au lieu d'être roué vif. -- Eh bien, soit; je dirai donc, monsieur, tout court. -- Vous pouvez même dire, Milord, reprit Athos, qui tenait fort aux convenances. --»Milord, vous souvient-il du petit enclos aux chèvres du Luxembourg?» -- Bon! le Luxembourg à présent! On croira que c'est une allusion à la reine mère! Voilà qui est ingénieux, dit Athos. -- Eh bien, nous mettrons tout simplement: «Milord, vous souvient- il de certain petit enclos où l'on vous sauva la vie?» -- Mon cher d'Artagnan, dit Athos, vous ne serez jamais qu'un fort mauvais rédacteur: «Où l'on vous sauva la vie!» Fi donc! ce n'est pas digne. On ne rappelle pas ces services-là à un galant homme. Bienfait reproché, offense faite. -- Ah! mon cher, dit d'Artagnan, vous êtes insupportable, et s'il faut écrire sous votre censure, ma foi, j'y renonce. -- Et vous faites bien. Maniez le mousquet et l'épée, mon cher, vous vous tirez galamment des deux exercices; mais passez la plume à M. l'abbé, cela le regarde. -- Ah! oui, au fait, dit Porthos, passez la plume à Aramis, qui écrit des thèses en latin, lui. -- Eh bien, soit dit d'Artagnan, rédigez-nous cette note, Aramis; mais, de par notre Saint-Père le pape! tenez-vous serré, car je vous épluche à mon tour, je vous en préviens. -- Je ne demande pas mieux, dit Aramis avec cette naïve confiance que tout poète a en lui-même; mais qu'on me mette au courant: j'ai bien ouï dire, de-ci de-là, que cette belle-soeur était une coquine, j'en ai même acquis la preuve en écoutant sa conversation avec le cardinal. -- Plus bas donc, sacrebleu! dit Athos. -- Mais, continua Aramis, le détail m'échappe. -- Et à moi aussi», dit Porthos. D'Artagnan et Athos se regardèrent quelque temps en silence. Enfin Athos, après s'être recueilli, et en devenant plus pâle encore qu'il n'était de coutume, fit un signe d'adhésion, d'Artagnan comprit qu'il pouvait parler. «Eh bien, voici ce qu'il y a à dire, reprit d'Artagnan: Milord, votre belle-soeur est une scélérate, qui a voulu vous faire tuer pour hériter de vous. Mais elle ne pouvait épouser votre frère, étant déjà mariée en France, et ayant été...» D'Artagnan s'arrêta comme s'il cherchait le mot, en regardant Athos. «Chassée par son mari, dit Athos. -- Parce qu'elle avait été marquée, continua d'Artagnan. -- Bah! s'écria Porthos, impossible! elle a voulu faire tuer son beau-frère? -- Oui. -- Elle était mariée? demanda Aramis. -- Oui. -- Et son mari s'est aperçu qu'elle avait une fleur de lis sur l'épaule? s'écria Porthos. -- Oui.» Ces trois oui avaient été dits par Athos, chacun avec une intonation plus sombre. «Et qui l'a vue, cette fleur de lis? demanda Aramis. -- D'Artagnan et moi, ou plutôt, pour observer l'ordre chronologique, moi et d'Artagnan, répondit Athos. -- Et le mari de cette affreuse créature vit encore? dit Aramis. -- Il vit encore. -- Vous en êtes sûr? -- J'en suis sûr.» Il y eut un instant de froid silence, pendant lequel chacun se sentit impressionné selon sa nature. «Cette fois, reprit Athos, interrompant le premier le silence, d'Artagnan nous a donné un excellent programme, et c'est cela qu'il faut écrire d'abord. -- Diable! vous avez raison, Athos, reprit Aramis, et la rédaction est épineuse. M. le chancelier lui-même serait embarrassé pour rédiger une épître de cette force, et cependant M. le chancelier rédige très agréablement un procès-verbal. N'importe! taisez-vous, j'écris.» Aramis en effet prit la plume, réfléchit quelques instants, se mit à écrire huit ou dix lignes d'une charmante petite écriture de femme, puis, d'une voix douce et lente, comme si chaque mot eût été scrupuleusement pesé, il lut ce qui suit: «Milord, «La personne qui vous écrit ces quelques lignes a eu l'honneur de croiser l'épée avec vous dans un petit enclos de la rue d'Enfer. Comme vous avez bien voulu, depuis, vous dire plusieurs fois l'ami de cette personne, elle vous doit de reconnaître cette amitié par un bon avis. Deux fois vous avez failli être victime d'une proche parente que vous croyez votre héritière, parce que vous ignorez qu'avant de contracter mariage en Angleterre, elle était déjà mariée en France. Mais, la troisième fois, qui est celle-ci, vous pouvez y succomber. Votre parente est partie de La Rochelle pour l'Angleterre pendant la nuit. Surveillez son arrivée car elle a de grands et terribles projets. Si vous tenez absolument à savoir ce dont elle est capable, lisez son passé sur son épaule gauche.» «Eh bien, voilà qui est à merveille, dit Athos, et vous avez une plume de secrétaire d'état, mon cher Aramis. Lord de Winter fera bonne garde maintenant, si toutefois l'avis lui arrive; et tombât- il aux mains de Son Éminence elle-même, nous ne saurions être compromis. Mais comme le valet qui partira pourrait nous faire accroire qu'il a été à Londres et s'arrêter à Châtelleraut, ne lui donnons avec la lettre que la moitié de la somme en lui promettant l'autre moitié en échange de la réponse. Avez-vous le diamant? continua Athos. «J'ai mieux que cela, j'ai la somme.» Et d'Artagnan jeta le sac sur la table: au son de l'or, Aramis leva les yeux. Porthos tressaillit; quant à Athos, il resta impassible. «Combien dans ce petit sac? dit-il. -- Sept mille livres en louis de douze francs. -- Sept mille livres! s'écria Porthos, ce mauvais petit diamant valait sept mille livres? -- Il paraît, dit Athos, puisque les voilà; je ne présume pas que notre ami d'Artagnan y ait mis du sien. -- Mais, messieurs, dans tout cela, dit d'Artagnan, nous ne pensons pas à la reine. Soignons un peu la santé de son cher Buckingham. C'est le moins que nous lui devions. -- C'est juste, dit Athos, mais ceci regarde Aramis. -- Eh bien, répondit celui-ci en rougissant, que faut-il que je fasse? -- Mais, répliqua Athos, c'est tout simple: rédiger une seconde lettre pour cette adroite personne qui habite Tours.» Aramis reprit la plume, se mit à réfléchir de nouveau, et écrivit les lignes suivantes, qu'il soumit à l'instant même à l'approbation de ses amis: «Ma chère cousine...» «Ah! dit Athos, cette personne adroite est votre parente! -- Cousine germaine, dit Aramis. -- Va donc pour cousine!» Aramis continua: «Ma chère cousine, Son Éminence le cardinal, que Dieu conserve pour le bonheur de la France et la confusion des ennemis du royaume, est sur le point d'en finir avec les rebelles hérétiques de La Rochelle: il est probable que le secours de la flotte anglaise n'arrivera pas même en vue de la place; j'oserai même dire que je suis certain que M. de Buckingham sera empêché de partir par quelque grand événement. Son Éminence est le plus illustre politique des temps passés, du temps présent et probablement des temps à venir. Il éteindrait le soleil si le soleil le gênait. Donnez ces heureuses nouvelles à votre soeur, ma chère cousine. J'ai rêvé que cet Anglais maudit était mort. Je ne puis me rappeler si c'était par le fer ou par le poison; seulement ce dont je suis sûr, c'est que j'ai rêvé qu'il était mort, et, vous le savez, mes rêves ne me trompent jamais. Assurez-vous donc de me voir revenir bientôt.» «À merveille! s'écria Athos, vous êtes le roi des poètes; mon cher Aramis, vous parlez comme l'Apocalypse et vous êtes vrai comme l'évangile. Il ne vous reste maintenant que l'adresse à mettre sur cette lettre. -- C'est bien facile», dit Aramis. Il plia coquettement la lettre, la reprit et écrivit: «À Mademoiselle Marie Michon, lingère à Tours. Les trois amis se regardèrent en riant: ils étaient pris. «Maintenant, dit Aramis, vous comprenez, messieurs, que Bazin seul peut porter cette lettre à Tours; ma cousine ne connaît que Bazin et n'a confiance qu'en lui: tout autre ferait échouer l'affaire. D'ailleurs Bazin est ambitieux et savant; Bazin a lu l'histoire, messieurs, il sait que Sixte Quint est devenu pape après avoir gardé les pourceaux; eh bien, comme il compte se mettre d'église en même temps que moi, il ne désespère pas à son tour de devenir pape ou tout au moins cardinal: vous comprenez qu'un homme qui a de pareilles visées ne se laissera pas prendre, ou, s'il est pris, subira le martyre plutôt que de parler. -- Bien, bien, dit d'Artagnan, je vous passe de grand coeur Bazin; mais passez-moi Planchet: Milady l'a fait jeter à la porte, certain jour, avec force coups de bâton; or Planchet a bonne mémoire, et, je vous en réponds, s'il peut supposer une vengeance possible, il se fera plutôt échiner que d'y renoncer. Si vos affaires de Tours sont vos affaires, Aramis, celles de Londres sont les miennes. Je prie donc qu'on choisisse Planchet, lequel d'ailleurs a déjà été à Londres avec moi et sait dire très correctement: London, _sir, if you please_ et _my master_ lord d'Artagnan; avec cela soyez tranquilles, il fera son chemin en allant et en revenant. -- En ce cas, dit Athos, il faut que Planchet reçoive sept cents livres pour aller et sept cents livres pour revenir, et Bazin, trois cents livres pour aller et trois cents livres pour revenir; cela réduira la somme à cinq mille livres; nous prendrons mille livres chacun pour les employer comme bon nous semblera, et nous laisserons un fond de mille livres que gardera l'abbé pour les cas extraordinaires ou les besoins communs. Cela vous va-t-il? -- Mon cher Athos, dit Aramis, vous parlez comme Nestor, qui était, comme chacun sait, le plus sage des Grecs. -- Eh bien, c'est dit, reprit Athos, Planchet et Bazin partiront; à tout prendre, je ne suis pas fâché de conserver Grimaud: il est accoutumé à mes façons et j'y tiens; la journée d'hier a déjà dû l'ébranler, ce voyage le perdrait.» On fit venir Planchet, et on lui donna des instructions; il avait été prévenu déjà par d'Artagnan, qui, du premier coup, lui avait annoncé la gloire, ensuite l'argent, puis le danger. «Je porterai la lettre dans le parement de mon habit, dit Planchet, et je l'avalerai si l'on me prend. -- Mais alors tu ne pourras pas faire la commission, dit d'Artagnan. -- Vous m'en donnerez ce soir une copie que je saurai par coeur demain.» D'Artagnan regarda ses amis comme pour leur dire: «Eh bien, que vous avais-je promis?» «Maintenant, continua-t-il en s'adressant à Planchet, tu as huit jours pour arriver près de Lord de Winter, tu as huit autres jours pour revenir ici, en tout seize jours; si le seizième jour de ton départ, à huit heures du soir, tu n'es pas arrivé, pas d'argent, fût-il huit heures cinq minutes. Alors, monsieur, dit Planchet, achetez-moi une montre. Prends celle-ci, dit Athos, en lui donnant la sienne avec une insouciante générosité, et sois brave garçon. Songe que, si tu parles, si tu bavardes, si tu flânes, tu fais couper le cou à ton maître, qui a si grande confiance dans ta fidélité qu'il nous a répondu de toi. Mais songe aussi que s'il arrive, par ta faute, malheur à d'Artagnan, je te retrouverai partout, et ce sera pour t'ouvrir le ventre. -- Oh! monsieur! dit Planchet, humilié du soupçon et surtout effrayé de l'air calme du mousquetaire. -- Et moi, dit Porthos en roulant ses gros yeux, songe que je t'écorche vif. -- Ah! monsieur! -- Et moi, continua Aramis de sa voix douce et mélodieuse, songe que je te brûle à petit feu comme un sauvage. -- Ah! monsieur!» Et Planchet se mit à pleurer; nous n'oserions dire si ce fut de terreur, à cause des menaces qui lui étaient faites, ou d'attendrissement de voir quatre amis si étroitement unis. D'Artagnan lui prit la main, et l'embrassa. «Vois-tu, Planchet, lui dit-il, ces messieurs te disent tout cela par tendresse pour moi, mais au fond ils t'aiment. -- Ah! monsieur! dit Planchet, ou je réussirai, ou l'on me coupera en quatre; me coupât-on en quatre, soyez convaincu qu'il n'y a pas un morceau qui parlera.» Il fut décidé que Planchet partirait le lendemain à huit heures du matin, afin, comme il l'avait dit, qu'il pût, pendant la nuit, apprendre la lettre par coeur. Il gagna juste douze heures à cet arrangement; il devait être revenu le seizième jour, à huit heures du soir. Le matin, au moment où il allait monter à cheval, d'Artagnan, qui se sentait au fond du coeur un faible pour le duc, prit Planchet à part. «Écoute, lui dit-il, quand tu auras remis la lettre à Lord de Winter et qu'il l'aura lue, tu lui diras encore: "Veillez sur Sa Grâce Lord Buckingham, car on veut l'assassiner." Mais ceci, Planchet, vois-tu, c'est si grave et si important, que je n'ai pas même voulu avouer à mes amis que je te confierais ce secret, et que pour une commission de capitaine je ne voudrais pas te l'écrire. -- Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous verrez si l'on peut compter sur moi. Et monté sur un excellent cheval, qu'il devait quitter à vingt lieues de là pour prendre la poste, Planchet partit au galop, le coeur un peu serré par la triple promesse que lui avaient faite les mousquetaires, mais du reste dans les meilleures dispositions du monde. Bazin partit le lendemain matin pour Tours, et eut huit jours pour faire sa commission. Les quatre amis, pendant toute la durée de ces deux absences, avaient, comme on le comprend bien, plus que jamais l'oeil au guet, le nez au vent et l'oreille aux écoutes. Leurs journées se passaient à essayer de surprendre ce qu'on disait, à guetter les allures du cardinal et à flairer les courriers qui arrivaient. Plus d'une fois un tremblement insurmontable les prit, lorsqu'on les appela pour quelque service inattendu. Ils avaient d'ailleurs à se garder pour leur propre sûreté; Milady était un fantôme qui, lorsqu'il était apparu une fois aux gens, ne les laissait pas dormir tranquillement. Le matin du huitième jour, Bazin, frais comme toujours et souriant selon son habitude, entra dans le cabaret de Parpaillot, comme les quatre amis étaient en train de déjeuner, en disant, selon la convention arrêtée: «Monsieur Aramis, voici la réponse de votre cousine.» Les quatre amis échangèrent un coup d'oeil joyeux: la moitié de la besogne était faite; il est vrai que c'était la plus courte et la plus facile. Aramis prit, en rougissant malgré lui, la lettre, qui était d'une écriture grossière et sans orthographe. «Bon Dieu! s'écria-t-il en riant, décidément j'en désespère; jamais cette pauvre Michon n'écrira comme M. de Voiture. -- Qu'est-ce que cela feut dire, cette baufre Migeon? demanda le Suisse, qui était en train de causer avec les quatre amis quand la lettre était arrivée. -- Oh! mon Dieu! moins que rien, dit Aramis, une petite lingère charmante que j'aimais fort et à qui j'ai demandé quelques lignes de sa main en manière de souvenir. -- Dutieu! dit le Suisse; zi zella il être auzi grante tame que son l'égridure, fous l'être en ponne fordune, mon gamarate! Aramis lut la lettre et la passa à Athos. «Voyez donc ce qu'elle m'écrit, Athos», dit-il. Athos jeta un coup d'oeil sur l'épître, et, pour faire évanouir tous les soupçons qui auraient pu naître, lut tout haut: «Mon cousin, ma soeur et moi devinons très bien les rêves, et nous en avons même une peur affreuse; mais du vôtre, on pourra dire, je l'espère, tout songe est mensonge. Adieu! portez-vous bien, et faites que de temps en temps nous entendions parler de vous. «Aglé Michon. «Et de quel rêve parle-t-elle? demanda le dragon, qui s'était approché pendant la lecture. -- Foui, te quel rêfe? dit le Suisse. -- Eh! pardieu! dit Aramis, c'est tout simple, d'un rêve que j'ai fait et que je lui ai raconté. -- Oh! foui, par Tieu! c'être tout simple de ragonter son rêfe; mais moi je ne rêfe jamais. -- Vous êtes fort heureux, dit Athos en se levant, et je voudrais bien pouvoir en dire autant que vous! -- Chamais! reprit le Suisse, enchanté qu'un homme comme Athos lui enviât quelque chose, chamais! chamais!» D'Artagnan, voyant qu'Athos se levait, en fit autant, prit son bras, et sortit. Porthos et Aramis restèrent pour faire face aux quolibets du dragon et du Suisse. Quant à Bazin, il s'alla coucher sur une botte de paille; et comme il avait plus d'imagination que le Suisse, il rêva que M. Aramis, devenu pape, le coiffait d'un chapeau de cardinal. Mais, comme nous l'avons dit, Bazin n'avait, par son heureux retour, enlevé qu'une partie de l'inquiétude qui aiguillonnait les quatre amis. Les jours de l'attente sont longs, et d'Artagnan surtout aurait parié que les jours avaient maintenant quarante- huit heures. Il oubliait les lenteurs obligées de la navigation, il s'exagérait la puissance de Milady. Il prêtait à cette femme, qui lui apparaissait pareille à un démon, des auxiliaires surnaturels comme elle; il s'imaginait, au moindre bruit, qu'on venait l'arrêter, et qu'on ramenait Planchet pour le confronter avec lui et ses amis. Il y a plus: sa confiance autrefois si grande dans le digne Picard, diminuait de jour en jour. Cette inquiétude était si grande, qu'elle gagnait Porthos et Aramis. Il n'y avait qu'Athos qui demeurât impassible, comme si aucun danger ne s'agitait autour de lui, et qu'il respirât son atmosphère quotidienne. Le seizième jour surtout, ces signes d'agitation étaient si visibles chez d'Artagnan et ses deux amis, qu'ils ne pouvaient rester en place, et qu'ils erraient comme des ombres sur le chemin par lequel devait revenir Planchet. «Vraiment, leur disait Athos, vous n'êtes pas des hommes, mais des enfants, pour qu'une femme vous fasse si grand-peur! Et de quoi s'agit-il, après tout? D'être emprisonnés! Eh bien, mais on nous tirera de prison: on en a bien retiré Mme Bonacieux. D'être décapités? Mais tous les jours, dans la tranchée, nous allons joyeusement nous exposer à pis que cela, car un boulet peut nous casser la jambe, et je suis convaincu qu'un chirurgien nous fait plus souffrir en nous coupant la cuisse qu'un bourreau en nous coupant la tête. Demeurez donc tranquilles; dans deux heures, dans quatre, dans six heures, au plus tard, Planchet sera ici: il a promis d'y être, et moi j'ai très grande foi aux promesses de Planchet, qui m'a l'air d'un fort brave garçon. -- Mais s'il n'arrive pas? dit d'Artagnan. -- Eh bien, s'il n'arrive pas, c'est qu'il aura été retardé, voilà tout. Il peut être tombé de cheval, il peut avoir fait une cabriole par-dessus le pont, il peut avoir couru si vite qu'il en ait attrapé une fluxion de poitrine. Eh! messieurs! faisons donc la part des événements. La vie est un chapelet de petites misères que le philosophe égrène en riant. Soyez philosophes comme moi, messieurs, mettez-vous à table et buvons; rien ne fait paraître l'avenir couleur de rose comme de le regarder à travers un verre de chambertin. -- C'est fort bien, répondit d'Artagnan; mais je suis las d'avoir à craindre, en buvant frais, que le vin ne sorte de la cave de Milady. -- Vous êtes bien difficile, dit Athos, une si belle femme! -- Une femme de marque!» dit Porthos avec son gros rire. Athos tressaillit, passa la main sur son front pour en essuyer la sueur, et se leva à son tour avec un mouvement nerveux qu'il ne put réprimer. Le jour s'écoula cependant, et le soir vint plus lentement, mais enfin il vint; les buvettes s'emplirent de chalands; Athos, qui avait empoché sa part du diamant, ne quittait plus le Parpaillot. Il avait trouvé dans M. de Busigny, qui, au reste, leur avait donné un dîner magnifique, un _partner_ digne de lui. Ils jouaient donc ensemble, comme d'habitude, quand sept heures sonnèrent: on entendit passer les patrouilles qui allaient doubler les postes; à sept heures et demie la retraite sonna. «Nous sommes perdus, dit d'Artagnan à l'oreille d'Athos. -- Vous voulez dire que nous avons perdu, dit tranquillement Athos en tirant quatre pistoles de sa poche et en les jetant sur la table. Allons, messieurs, continua-t-il, on bat la retraite, allons nous coucher.» Et Athos sortit du Parpaillot suivi de d'Artagnan. Aramis venait derrière donnant le bras à Porthos. Aramis mâchonnait des vers, et Porthos s'arrachait de temps en temps quelques poils de moustache en signe de désespoir. Mais voilà que tout à coup, dans l'obscurité, une ombre se dessine, dont la forme est familière à d'Artagnan, et qu'une voix bien connue lui dit: «Monsieur, je vous apporte votre manteau, car il fait frais ce soir. -- Planchet! s'écria d'Artagnan, ivre de joie. -- Planchet! répétèrent Porthos et Aramis. -- Eh bien, oui, Planchet, dit Athos, qu'y a-t-il d'étonnant à cela? Il avait promis d'être de retour à huit heures, et voilà les huit heures qui sonnent. Bravo! Planchet, vous êtes un garçon de parole, et si jamais vous quittez votre maître, je vous garde une place à mon service. -- Oh! non, jamais, dit Planchet, jamais je ne quitterai M. d'Artagnan.» En même temps d'Artagnan sentit que Planchet lui glissait un billet dans la main. D'Artagnan avait grande envie d'embrasser Planchet au retour comme il l'avait embrassé au départ; mais il eut peur que cette marque d'effusion, donnée à son laquais en pleine rue, ne parût extraordinaire à quelque passant, et il se contint. «J'ai le billet, dit-il à Athos et à ses amis. -- C'est bien, dit Athos, entrons chez nous, et nous le lirons. Le billet brûlait la main de d'Artagnan: il voulait hâter le pas; mais Athos lui prit le bras et le passa sous le sien, et force fut au jeune homme de régler sa course sur celle de son ami. Enfin on entra dans la tente, on alluma une lampe, et tandis que Planchet se tenait sur la porte pour que les quatre amis ne fussent pas surpris, d'Artagnan, d'une main tremblante, brisa le cachet et ouvrit la lettre tant attendue. Elle contenait une demi-ligne, d'une écriture toute britannique et d'une concision toute spartiate: «_Thank you, be easy._» Ce qui voulait dire: «Merci, soyez tranquille.» Athos prit la lettre des mains de d'Artagnan, l'approcha de la lampe, y mit le feu, et ne la lâcha point qu'elle ne fût réduite en cendres. Puis appelant Planchet: «Maintenant, mon garçon, lui dit-il, tu peux réclamer tes sept cents livres, mais tu ne risquais pas grand-chose avec un billet comme celui-là. -- Ce n'est pas faute que j'aie inventé bien des moyens de le serrer, dit Planchet. -- Eh bien, dit d'Artagnan, conte-nous cela. -- Dame! c'est bien long, monsieur. -- Tu as raison, Planchet, dit Athos; d'ailleurs la retraite est battue, et nous serions remarqués en gardant de la lumière plus longtemps que les autres. -- Soit, dit d'Artagnan, couchons-nous. Dors bien, Planchet! -- Ma foi, monsieur! ce sera la première fois depuis seize jours. -- Et moi aussi! dit d'Artagnan. -- Et moi aussi! répéta Porthos. -- Et moi aussi! répéta Aramis. -- Eh bien, voulez-vous que je vous avoue la vérité? et moi aussi!» dit Athos. CHAPITRE XLIX FATALITÉ Cependant Milady, ivre de colère, rugissant sur le pont du bâtiment comme une lionne qu'on embarque, avait été tentée de se jeter à la mer pour regagner la côte, car elle ne pouvait se faire à l'idée qu'elle avait été insultée par d'Artagnan, menacée par Athos, et qu'elle quittait la France sans se venger d'eux. Bientôt, cette idée était devenue pour elle tellement insupportable, qu'au risque de ce qui pouvait arriver de terrible pour elle-même, elle avait supplié le capitaine de la jeter sur la côte; mais le capitaine, pressé d'échapper à sa fausse position, placé entre les croiseurs français et anglais, comme la chauve- souris entre les rats et les oiseaux, avait grande hâte de regagner l'Angleterre, et refusa obstinément d'obéir à ce qu'il prenait pour un caprice de femme, promettant à sa passagère, qui au reste lui était particulièrement recommandée par le cardinal, de la jeter, si la mer et les Français le permettaient, dans un des ports de la Bretagne, soit à Lorient, soit à Brest; mais en attendant, le vent était contraire, la mer mauvaise, on louvoyait et l'on courait des bordées. Neuf jours après la sortie de la Charente, Milady, toute pâle de ses chagrins et de sa rage, voyait apparaître seulement les côtes bleuâtres du Finistère. Elle calcula que pour traverser ce coin de la France et revenir près du cardinal il lui fallait au moins trois jours; ajoutez un jour pour le débarquement et cela faisait quatre; ajoutez ces quatre jours aux neuf autres, c'était treize jours de perdus, treize jours pendant lesquels tant d'événements importants se pouvaient passer à Londres. Elle songea que sans aucun doute le cardinal serait furieux de son retour, et que par conséquent il serait plus disposé à écouter les plaintes qu'on porterait contre elle que les accusations qu'elle porterait contre les autres. Elle laissa donc passer Lorient et Brest sans insister près du capitaine, qui, de son côté, se garda bien de lui donner l'éveil. Milady continua donc sa route, et le jour même où Planchet s'embarquait de Portsmouth pour la France, la messagère de son Éminence entrait triomphante dans le port. Toute la ville était agitée d'un mouvement extraordinaire: -- quatre grands vaisseaux récemment achevés venaient d'être lancés à la mer; -- debout sur la jetée, chamarré d'or, éblouissant, selon son habitude de diamants et de pierreries, le feutre orné d'une plume blanche qui retombait sur son épaule, on voyait Buckingham entouré d'un état-major presque aussi brillant que lui. C'était une de ces belles et rares journées d'hiver où l'Angleterre se souvient qu'il y a un soleil. L'astre pâli, mais cependant splendide encore, se couchait à l'horizon, empourprant à la fois le ciel et la mer de bandes de feu et jetant sur les tours et les vieilles maisons de la ville un dernier rayon d'or qui faisait étinceler les vitres comme le reflet d'un incendie. Milady, en respirant cet air de l'Océan plus vif et plus balsamique à l'approche de la terre, en contemplant toute la puissance de ces préparatifs qu'elle était chargée de détruire, toute la puissance de cette armée qu'elle devait combattre à elle seule -- elle femme -- avec quelques sacs d'or, se compara mentalement à Judith, la terrible Juive, lorsqu'elle pénétra dans le camp des Assyriens et qu'elle vit la masse énorme de chars, de chevaux, d'hommes et d'armes qu'un geste de sa main devait dissiper comme un nuage de fumée. On entra dans la rade; mais comme on s'apprêtait à y jeter l'ancre, un petit cutter formidablement armé s'approcha du bâtiment marchand, se donnant comme garde-côte, et fit mettre à la mer son canot, qui se dirigea vers l'échelle. Ce canot renfermait un officier, un contremaître et huit rameurs; l'officier seul monta à bord, où il fut reçu avec toute la déférence qu'inspire l'uniforme. L'officier s'entretint quelques instants avec le patron, lui fit lire un papier dont il était porteur, et, sur l'ordre du capitaine marchand, tout l'équipage du bâtiment, matelots et passagers, fut appelé sur le pont. Lorsque cette espèce d'appel fut fait, l'officier s'enquit tout haut du point de départ du brik, de sa route, de ses atterrissements, et à toutes les questions le capitaine satisfit sans hésitation et sans difficulté. Alors l'officier commença de passer la revue de toutes les personnes les unes après les autres, et, s'arrêtant à Milady, la considéra avec un grand soin, mais sans lui adresser une seule parole. Puis il revint au capitaine, lui dit encore quelques mots; et, comme si c'eût été à lui désormais que le bâtiment dût obéir, il commanda une manoeuvre que l'équipage exécuta aussitôt. Alors le bâtiment se remit en route, toujours escorté du petit cutter, qui voguait bord à bord avec lui, menaçant son flanc de la bouche de ses six canons tandis que la barque suivait dans le sillage du navire, faible point près de l'énorme masse. Pendant l'examen que l'officier avait fait de Milady, Milady, comme on le pense bien, l'avait de son côté dévoré du regard. Mais, quelque habitude que cette femme aux yeux de flamme eût de lire dans le coeur de ceux dont elle avait besoin de deviner les secrets, elle trouva cette fois un visage d'une impassibilité telle qu'aucune découverte ne suivit son investigation. L'officier qui s'était arrêté devant elle et qui l'avait silencieusement étudiée avec tant de soin pouvait être âgé de vingt-cinq à vingt- six ans, était blanc de visage avec des yeux bleu clair un peu enfoncés; sa bouche, fine et bien dessinée, demeurait immobile dans ses lignes correctes; son menton, vigoureusement accusé, dénotait cette force de volonté qui, dans le type vulgaire britannique, n'est ordinairement que de l'entêtement; un front un peu fuyant, comme il convient aux poètes, aux enthousiastes et aux soldats, était à peine ombragé d'une chevelure courte et clairsemée, qui, comme la barbe qui couvrait le bas de son visage, était d'une belle couleur châtain foncé. Lorsqu'on entra dans le port, il faisait déjà nuit. La brume épaississait encore l'obscurité et formait autour des fanaux et des lanternes des jetées un cercle pareil à celui qui entoure la lune quand le temps menace de devenir pluvieux. L'air qu'on respirait était triste, humide et froid. Milady, cette femme si forte, se sentait frissonner malgré elle. L'officier se fit indiquer les paquets de Milady, fit porter son bagage dans le canot; et lorsque cette opération fut faite, il l'invita à y descendre elle-même en lui tendant sa main. Milady regarda cet homme et hésita. «Qui êtes-vous, monsieur, demanda-t-elle, qui avez la bonté de vous occuper si particulièrement de moi? -- Vous devez le voir, madame, à mon uniforme; je suis officier de la marine anglaise, répondit le jeune homme. -- Mais enfin, est-ce l'habitude que les officiers de la marine anglaise se mettent aux ordres de leurs compatriotes lorsqu'ils abordent dans un port de la Grande-Bretagne, et poussent la galanterie jusqu'à les conduire à terre? -- Oui, Milady, c'est l'habitude, non point par galanterie, mais par prudence, qu'en temps de guerre les étrangers soient conduits à une hôtellerie désignée, afin que jusqu'à parfaite information sur eux ils restent sous la surveillance du gouvernement.» Ces mots furent prononcés avec la politesse la plus exacte et le calme le plus parfait. Cependant ils n'eurent point le don de convaincre Milady. «Mais je ne suis pas étrangère, monsieur, dit-elle avec l'accent le plus pur qui ait jamais retenti de Portsmouth à Manchester, je me nomme Lady Clarick, et cette mesure... -- Cette mesure est générale, Milady, et vous tenteriez inutilement de vous y soustraire. -- Je vous suivrai donc, monsieur.» Et acceptant la main de l'officier, elle commença de descendre l'échelle au bas de laquelle l'attendait le canot. L'officier la suivit; un grand manteau était étendu à la poupe, l'officier la fit asseoir sur le manteau et s'assit près d'elle. «Nagez», dit-il aux matelots. Les huit rames retombèrent dans la mer, ne formant qu'un seul bruit, ne frappant qu'un seul coup, et le canot sembla voler sur la surface de l'eau. Au bout de cinq minutes on touchait à terre. L'officier sauta sur le quai et offrit la main à Milady. Une voiture attendait. «Cette voiture est-elle pour nous? demanda Milady. -- Oui, madame, répondit l'officier. -- L'hôtellerie est donc bien loin? -- À l'autre bout de la ville. -- Allons», dit Milady. Et elle monta résolument dans la voiture. L'officier veilla à ce que les paquets fussent soigneusement attachés derrière la caisse, et cette opération terminée, prit sa place près de Milady et referma la portière. Aussitôt, sans qu'aucun ordre fût donné et sans qu'on eût besoin de lui indiquer sa destination, le cocher partit au galop et s'enfonça dans les rues de la ville. Une réception si étrange devait être pour Milady une ample matière à réflexion; aussi, voyant que le jeune officier ne paraissait nullement disposé à lier conversation, elle s'accouda dans un angle de la voiture et passa les unes après les autres en revue toutes les suppositions qui se présentaient à son esprit. Cependant, au bout d'un quart d'heure, étonnée de la longueur du chemin, elle se pencha vers la portière pour voir où on la conduisait. On n'apercevait plus de maisons; des arbres apparaissaient dans les ténèbres comme de grands fantômes noirs courant les uns après les autres. Milady frissonna. «Mais nous ne sommes plus dans la ville, monsieur», dit-elle. Le jeune officier garda le silence. «Je n'irai pas plus loin, si vous ne me dites pas où vous me conduisez; je vous en préviens, monsieur!» Cette menace n'obtint aucune réponse. «Oh! c'est trop fort! s'écria Milady, au secours! au secours!» Pas une voix ne répondit à la sienne, la voiture continua de rouler avec rapidité; l'officier semblait une statue. Milady regarda l'officier avec une de ces expressions terribles, particulières à son visage et qui manquaient si rarement leur effet; la colère faisait étinceler ses yeux dans l'ombre. Le jeune homme resta impassible. Milady voulut ouvrir la portière et se précipiter. «Prenez garde, madame, dit froidement le jeune homme, vous vous tuerez en sautant.» Milady se rassit écumante; l'officier se pencha, la regarda à son tour et parut surpris de voir cette figure, si belle naguère, bouleversée par la rage et devenue presque hideuse. L'astucieuse créature comprit qu'elle se perdait en laissant voir ainsi dans son âme; elle rasséréna ses traits, et d'une voix gémissante: «Au nom du Ciel, monsieur! dites-moi si c'est à vous, si c'est à votre gouvernement, si c'est à un ennemi que je dois attribuer la violence que l'on me fait? -- On ne vous fait aucune violence, madame, et ce qui vous arrive est le résultat d'une mesure toute simple que nous sommes forcés de prendre avec tous ceux qui débarquent en Angleterre. -- Alors vous ne me connaissez pas, monsieur? -- C'est la première fois que j'ai l'honneur de vous voir. -- Et, sur votre honneur, vous n'avez aucun sujet de haine contre moi? -- Aucun, je vous le jure.» II y avait tant de sérénité, de sang-froid, de douceur même dans la voix du jeune homme, que Milady fut rassurée. Enfin, après une heure de marche à peu près, la voiture s'arrêta devant une grille de fer qui fermait un chemin creux conduisant à un château sévère de forme, massif et isolé. Alors, comme les roues tournaient sur un sable fin, Milady entendit un vaste mugissement, qu'elle reconnut pour le bruit de la mer qui vient se briser sur une côte escarpée. La voiture passa sous deux voûtes, et enfin s'arrêta dans une cour sombre et carrée; presque aussitôt la portière de la voiture s'ouvrit, le jeune homme sauta légèrement à terre et présenta sa main à Milady, qui s'appuya dessus, et descendit à son tour avec assez de calme. «Toujours est-il, dit Milady en regardant autour d'elle et en ramenant ses yeux sur le jeune officier avec le plus gracieux sourire, que je suis prisonnière; mais ce ne sera pas pour longtemps, j'en suis sûre, ajouta-t-elle, ma conscience et votre politesse, monsieur, m'en sont garants.» Si flatteur que fût le compliment, l'officier ne répondit rien; mais, tirant de sa ceinture un petit sifflet d'argent pareil à celui dont se servent les contremaîtres sur les bâtiments de guerre, il siffla trois fois, sur trois modulations différentes: alors plusieurs hommes parurent, dételèrent les chevaux fumants et emmenèrent la voiture sous une remise. Puis l'officier, toujours avec la même politesse calme, invita sa prisonnière à entrer dans la maison. Celle-ci, toujours avec son même visage souriant, lui prit le bras, et entra avec lui sous une porte basse et cintrée qui, par une voûte éclairée seulement au fond, conduisait à un escalier de pierre tournant autour d'une arête de pierre; puis on s'arrêta devant une porte massive qui, après l'introduction dans la serrure d'une clef que le jeune homme portait sur lui, roula lourdement sur ses gonds et donna ouverture à la chambre destinée à Milady. D'un seul regard, la prisonnière embrassa l'appartement dans ses moindres détails. C'était une chambre dont l'ameublement était à la fois bien propre pour une prison et bien sévère pour une habitation d'homme libre; cependant, des barreaux aux fenêtres et des verrous extérieurs à la porte décidaient le procès en faveur de la prison. Un instant toute la force d'âme de cette créature, trempée cependant aux sources les plus vigoureuses, l'abandonna; elle tomba sur un fauteuil, croisant les bras, baissant la tête, et s'attendant à chaque instant à voir entrer un juge pour l'interroger. Mais personne n'entra, que deux ou trois soldats de marine qui apportèrent les malles et les caisses, les déposèrent dans un coin et se retirèrent sans rien dire. L'officier présidait à tous ces détails avec le même calme que Milady lui avait constamment vu, ne prononçant pas une parole lui- même, et se faisant obéir d'un geste de sa main ou d'un coup de son sifflet. On eût dit qu'entre cet homme et ses inférieurs la langue parlée n'existait pas ou devenait inutile. Enfin Milady n'y put tenir plus longtemps, elle rompit le silence: «Au nom du Ciel, monsieur! s'écria-t-elle, que veut dire tout ce qui se passe? Fixez mes irrésolutions; j'ai du courage pour tout danger que je prévois, pour tout malheur que je comprends. Où suis-je et que suis-je ici? suis-je libre, pourquoi ces barreaux et ces portes? suis-je prisonnière, quel crime ai-je commis? -- Vous êtes ici dans l'appartement qui vous est destiné, madame. J'ai reçu l'ordre d'aller vous prendre en mer et de vous conduire en ce château: cet ordre, je l'ai accompli, je crois, avec toute la rigidité d'un soldat, mais aussi avec toute la courtoisie d'un gentilhomme. Là se termine, du moins jusqu'à présent, la charge que j'avais à remplir près de vous, le reste regarde une autre personne. -- Et cette autre personne, quelle est-elle? demanda Milady; ne pouvez-vous me dire son nom?...» En ce moment on entendit par les escaliers un grand bruit d'éperons; quelques voix passèrent et s'éteignirent, et le bruit d'un pas isolé se rapprocha de la porte. «Cette personne, la voici, madame», dit l'officier en démasquant le passage, et en se rangeant dans l'attitude du respect et de la soumission. En même temps, la porte s'ouvrit; un homme parut sur le seuil. Il était sans chapeau, portait l'épée au côté, et froissait un mouchoir entre ses doigts. Milady crut reconnaître cette ombre dans l'ombre, elle s'appuya d'une main sur le bras de son fauteuil, et avança la tête comme pour aller au-devant d'une certitude. Alors l'étranger s'avança lentement; et, à mesure qu'il s'avançait en entrant dans le cercle de lumière projeté par la lampe, Milady se reculait involontairement. Puis, lorsqu'elle n'eut plus aucun doute: «Eh quoi! mon frère! s'écria-t-elle au comble de la stupeur, c'est vous? -- Oui, belle dame! répondit Lord de Winter en faisant un salut moitié courtois, moitié ironique, moi-même. -- Mais alors, ce château? -- Est à moi. -- Cette chambre? -- C'est la vôtre. -- Je suis donc votre prisonnière? -- À peu près. -- Mais c'est un affreux abus de la force! -- Pas de grands mots; asseyons-nous, et causons tranquillement, comme il convient de faire entre un frère et une soeur.» Puis, se retournant vers la porte, et voyant que le jeune officier attendait ses derniers ordres: «C'est bien, dit-il, je vous remercie; maintenant, laissez-nous, monsieur Felton.» CHAPITRE L CAUSERIE D'UN FRÈRE AVEC SA SOEUR Pendant le temps que Lord de Winter mit à fermer la porte, à pousser un volet et à approcher un siège du fauteuil de sa belle- soeur, Milady, rêveuse, plongea son regard dans les profondeurs de la possibilité, et découvrit toute la trame qu'elle n'avait pas même pu entrevoir, tant qu'elle ignorait en quelles mains elle était tombée. Elle connaissait son beau-frère pour un bon gentilhomme, franc-chasseur, joueur intrépide, entreprenant près des femmes, mais d'une force inférieure à la sienne à l'endroit de l'intrigue. Comment avait-il pu découvrir son arrivée? la faire saisir? Pourquoi la retenait-il? Athos lui avait bien dit quelques mots qui prouvaient que la conversation qu'elle avait eue avec le cardinal était tombée dans des oreilles étrangères; mais elle ne pouvait admettre qu'il eût pu creuser une contre-mine si prompte et si hardie. Elle craignit bien plutôt que ses précédentes opérations en Angleterre n'eussent été découvertes. Buckingham pouvait avoir deviné que c'était elle qui avait coupé les deux ferrets, et se venger de cette petite trahison; mais Buckingham était incapable de se porter à aucun excès contre une femme, surtout si cette femme était censée avoir agi par un sentiment de jalousie. Cette supposition lui parut la plus probable; il lui sembla qu'on voulait se venger du passé, et non aller au-devant de l'avenir. Toutefois, et en tout cas, elle s'applaudit d'être tombée entre les mains de son beau-frère, dont elle comptait avoir bon marché, plutôt qu'entre celles d'un ennemi direct et intelligent. «Oui, causons, mon frère, dit-elle avec une espèce d'enjouement, décidée qu'elle était à tirer de la conversation, malgré toute la dissimulation que pourrait y apporter Lord de Winter, les éclaircissements dont elle avait besoin pour régler sa conduite à venir. -- Vous vous êtes donc décidée à revenir en Angleterre, dit Lord de Winter, malgré la résolution que vous m'aviez si souvent manifestée à Paris de ne jamais remettre les pieds sur le territoire de la Grande-Bretagne?» Milady répondit à une question par une autre question. «Avant tout, dit-elle, apprenez-moi donc comment vous m'avez fait guetter assez sévèrement pour être d'avance prévenu non seulement de mon arrivée, mais encore du jour, de l'heure et du port où j'arrivais.» Lord de Winter adopta la même tactique que Milady, pensant que, puisque sa belle-soeur l'employait, ce devait être la bonne. «Mais, dites-moi vous-même, ma chère soeur, reprit-il, ce que vous venez faire en Angleterre. -- Mais je viens vous voir, reprit Milady, sans savoir combien elle aggravait, par cette réponse, les soupçons qu'avait fait naître dans l'esprit de son beau-frère la lettre de d'Artagnan, et voulant seulement capter la bienveillance de son auditeur par un mensonge. -- Ah! me voir? dit sournoisement Lord de Winter. -- Sans doute, vous voir. Qu'y a-t-il d'étonnant à cela? -- Et vous n'avez pas, en venant en Angleterre, d'autre but que de me voir? -- Non. -- Ainsi, c'est pour moi seul que vous vous êtes donné la peine de traverser la Manche? -- Pour vous seul. -- Peste! quelle tendresse, ma soeur! -- Mais ne suis-je pas votre plus proche parente? demanda Milady du ton de la plus touchante naïveté. -- Et même ma seule héritière, n'est-ce pas?» dit à son tour Lord de Winter, en fixant ses yeux sur ceux de Milady. Quelque puissance qu'elle eût sur elle-même, Milady ne put s'empêcher de tressaillir, et comme, en prononçant les dernières paroles qu'il avait dites, Lord de Winter avait posé la main sur le bras de sa soeur, ce tressaillement ne lui échappa point. En effet, le coup était direct et profond. La première idée qui vint à l'esprit de Milady fut qu'elle avait été trahie par Ketty, et que celle-ci avait raconté au baron cette aversion intéressée dont elle avait imprudemment laissé échapper des marques devant sa suivante; elle se rappela aussi la sortie furieuse et imprudente qu'elle avait faite contre d'Artagnan, lorsqu'il avait sauvé la vie de son beau-frère. «Je ne comprends pas, Milord, dit-elle pour gagner du temps et faire parler son adversaire. Que voulez-vous dire? et y a-t-il quelque sens inconnu caché sous vos paroles? -- Oh! mon Dieu, non, dit Lord de Winter avec une apparente bonhomie; vous avez le désir de me voir, et vous venez en Angleterre. J'apprends ce désir, ou plutôt je me doute que vous l'éprouvez, et afin de vous épargner tous les ennuis d'une arrivée nocturne dans un port, toutes les fatigues d'un débarquement, j'envoie un de mes officiers au-devant de vous; je mets une voiture à ses ordres, et il vous amène ici dans ce château, dont je suis gouverneur, où je viens tous les jours, et où, pour que notre double désir de nous voir soit satisfait, je vous fais préparer une chambre. Qu'y a-t-il dans tout ce que je dis là de plus étonnant que dans ce que vous m'avez dit? -- Non, ce que je trouve d'étonnant, c'est que vous ayez été prévenu de mon arrivée. -- C'est cependant la chose la plus simple, ma chère soeur: n'avez-vous pas vu que le capitaine de votre petit bâtiment avait, en entrant dans la rade, envoyé en avant et afin d'obtenir son entrée dans le port, un petit canot porteur de son livre de loch et de son registre d'équipage? Je suis commandant du port, on m'a apporté ce livre, j'y ai reconnu votre nom. Mon coeur m'a dit ce que vient de me confier votre bouche, c'est-à-dire dans quel but vous vous exposiez aux dangers d'une mer si périlleuse ou tout au moins si fatigante en ce moment, et j'ai envoyé mon cutter au- devant de vous. Vous savez le reste.» Milady comprit que Lord de Winter mentait et n'en fut que plus effrayée. «Mon frère, continua-t-elle, n'est-ce pas Milord Buckingham que je vis sur la jetée, le soir, en arrivant? -- Lui-même. Ah! je comprends que sa vue vous ait frappée, reprit Lord de Winter: vous venez d'un pays où l'on doit beaucoup s'occuper de lui, et je sais que ses armements contre la France préoccupent fort votre ami le cardinal. -- Mon ami le cardinal! s'écria Milady, voyant que, sur ce point comme sur l'autre, Lord de Winter paraissait instruit de tout. -- N'est-il donc point votre ami? reprit négligemment le baron; ah! pardon, je le croyais; mais nous reviendrons à Milord duc plus tard, ne nous écartons point du tour sentimental que la conversation avait pris: vous veniez, disiez-vous, pour me voir? -- Oui. -- Eh bien, je vous ai répondu que vous seriez servie à souhait et que nous nous verrions tous les jours. -- Dois-je donc demeurer éternellement ici? demanda Milady avec un certain effroi. -- Vous trouveriez-vous mal logée, ma soeur? demandez ce qui vous manque, et je m'empresserai de vous le faire donner. -- Mais je n'ai ni mes femmes ni mes gens... -- Vous aurez tout cela, madame; dites-moi sur quel pied votre premier mari avait monté votre maison; quoique je ne sois que votre beau-frère, je vous la monterai sur un pied pareil. -- Mon premier mari! s'écria Milady en regardant Lord de Winter avec des yeux effarés. -- Oui, votre mari français; je ne parle pas de mon frère. Au reste, si vous l'avez oublié, comme il vit encore, je pourrais lui écrire et il me ferait passer des renseignements à ce sujet.» Une sueur froide perla sur le front de Milady. «Vous raillez, dit-elle d'une voix sourde. -- En ai-je l'air? demanda le baron en se relevant et en faisant un pas en arrière. -- Ou plutôt vous m'insultez, continua-t-elle en pressant de ses mains crispées les deux bras du fauteuil et en se soulevant sur ses poignets. -- Vous insulter, moi! dit Lord de Winter avec mépris; en vérité, madame, croyez-vous que ce soit possible? -- En vérité, monsieur, dit Milady, vous êtes ou ivre ou insensé; sortez et envoyez-moi une femme. -- Des femmes sont bien indiscrètes, ma soeur! ne pourrais-je pas vous servir de suivante? de cette façon tous nos secrets resteraient en famille. -- Insolent! s'écria Milady, et, comme mue par un ressort, elle bondit sur le baron, qui l'attendait avec impassibilité, mais une main cependant sur la garde de son épée. -- Eh! eh! dit-il, je sais que vous avez l'habitude d'assassiner les gens, mais je me défendrai, moi, je vous en préviens, fût-ce contre vous. -- Oh! vous avez raison, dit Milady, et vous me faites l'effet d'être assez lâche pour porter la main sur une femme. -- Peut-être que oui, d'ailleurs j'aurais mon excuse: ma main ne serait pas la première main d'homme qui se serait posée sur vous, j'imagine.» Et le baron indiqua d'un geste lent et accusateur l'épaule gauche de Milady, qu'il toucha presque du doigt. Milady poussa un rugissement sourd, et se recula jusque dans l'angle de la chambre, comme une panthère qui veut s'acculer pour s'élancer. «Oh! rugissez tant que vous voudrez, s'écria Lord de Winter, mais n'essayez pas de mordre, car, je vous en préviens, la chose tournerait à votre préjudice: il n'y a pas ici de procureurs qui règlent d'avance les successions, il n'y a pas de chevalier errant qui vienne me chercher querelle pour la belle dame que je retiens prisonnière; mais je tiens tout prêts des juges qui disposeront d'une femme assez éhontée pour venir se glisser, bigame, dans le lit de Lord de Winter, mon frère aîné, et ces juges, je vous en préviens, vous enverront à un bourreau qui vous fera les deux épaules pareilles.» Les yeux de Milady lançaient de tels éclairs, que quoiqu'il fût homme et armé devant une femme désarmée il sentit le froid de la peur se glisser jusqu'au fond de son âme; il n'en continua pas moins, mais avec une fureur croissante: «Oui, je comprends, après avoir hérité de mon frère, il vous eût été doux d'hériter de moi; mais, sachez-le d'avance, vous pouvez me tuer ou me faire tuer, mes précautions sont prises, pas un penny de ce que je possède ne passera dans vos mains. N'êtes-vous pas déjà assez riche, vous qui possédez près d'un million, et ne pouviez-vous vous arrêter dans votre route fatale, si vous ne faisiez le mal que pour la jouissance infinie et suprême de le faire? Oh! tenez, je vous le dis, si la mémoire de mon frère ne m'était sacrée, vous iriez pourrir dans un cachot d'État ou rassasier à Tyburn la curiosité des matelots; je me tairai, mais vous, supportez tranquillement votre captivité; dans quinze ou vingt jours je pars pour La Rochelle avec l'armée; mais la veille de mon départ, un vaisseau viendra vous prendre, que je verrai partir et qui vous conduira dans nos colonies du Sud; et, soyez tranquille, je vous adjoindrai un compagnon qui vous brûlera la cervelle à la première tentative que vous risquerez pour revenir en Angleterre ou sur le continent.» Milady écoutait avec une attention qui dilatait ses yeux enflammés. «Oui, mais à cette heure, continua Lord de Winter, vous demeurerez dans ce château: les murailles en sont épaisses, les portes en sont fortes, les barreaux en sont solides; d'ailleurs votre fenêtre donne à pic sur la mer: les hommes de mon équipage, qui me sont dévoués à la vie et à la mort, montent la garde autour de cet appartement, et surveillent tous les passages qui conduisent à la cour; puis arrivée à la cour, il vous resterait encore trois grilles à traverser. La consigne est précise: un pas, un geste, un mot qui simule une évasion, et l'on fait feu sur vous; si l'on vous tue, la justice anglaise m'aura, je l'espère, quelque obligation de lui avoir épargné de la besogne. Ah! vos traits reprennent leur calme, votre visage retrouve son assurance: Quinze jours, vingt jours dites-vous, bah! d'ici là, j'ai l'esprit inventif, il me viendra quelque idée; j'ai l'esprit infernal, et je trouverai quelque victime. D'ici à quinze jours, vous dites- vous, je serai hors d'ici. Ah! ah! essayez!» Milady se voyant devinée s'enfonça les ongles dans la chair pour dompter tout mouvement qui eût pu donner à sa physionomie une signification quelconque, autre que celle de l'angoisse. Lord de Winter continua: «L'officier qui commande seul ici en mon absence, vous l'avez vu, donc vous le connaissez déjà, sait, comme vous voyez, observer une consigne, car vous n'êtes pas, je vous connais, venue de Portsmouth ici sans avoir essayé de le faire parler. Qu'en dites- vous? une statue de marbre eût-elle été plus impassible et plus muette? Vous avez déjà essayé le pouvoir de vos séductions sur bien des hommes, et malheureusement vous avez toujours réussi; mais essayez sur celui-là, pardieu! si vous en venez à bout, je vous déclare le démon lui-même.» Il alla vers la porte et l'ouvrit brusquement. «Qu'on appelle M. Felton, dit-il. Attendez encore un instant, et je vais vous recommander à lui.» Il se fit entre ces deux personnages un silence étrange, pendant lequel on entendit le bruit d'un pas lent et régulier qui se rapprochait; bientôt, dans l'ombre du corridor, on vit se dessiner une forme humaine, et le jeune lieutenant avec lequel nous avons déjà fait connaissance s'arrêta sur le seuil, attendant les ordres du baron. «Entrez, mon cher John, dit Lord de Winter, entrez et fermez la porte.» Le jeune officier entra. «Maintenant, dit le baron, regardez cette femme: elle est jeune, elle est belle, elle a toutes les séductions de la terre, eh bien, c'est un monstre qui, à vingt-cinq ans, s'est rendu coupable d'autant de crimes que vous pouvez en lire en un an dans les archives de nos tribunaux; sa voix prévient en sa faveur, sa beauté sert d'appât aux victimes, son corps même paye ce qu'elle a promis, c'est une justice à lui rendre; elle essayera de vous séduire, peut-être même essayera-t-elle de vous tuer. Je vous ai tiré de la misère, Felton, je vous ai fait nommer lieutenant, je vous ai sauvé la vie une fois, vous savez à quelle occasion; je suis pour vous non seulement un protecteur, mais un ami; non seulement un bienfaiteur, mais un père; cette femme est revenue en Angleterre afin de conspirer contre ma vie; je tiens ce serpent entre mes mains; eh bien, je vous fais appeler et vous dis: Ami Felton, John, mon enfant, garde-moi et surtout garde-toi de cette femme; jure sur ton salut de la conserver pour le châtiment qu'elle a mérité. John Felton, je me fie à ta parole; John Felton, je crois à ta loyauté. -- Milord, dit le jeune officier en chargeant son regard pur de toute la haine qu'il put trouver dans son coeur, Milord, je vous jure qu'il sera fait comme vous désirez.» Milady reçut ce regard en victime résignée: il était impossible de voir une expression plus soumise et plus douce que celle qui régnait alors sur son beau visage. À peine si Lord de Winter lui- même reconnut la tigresse qu'un instant auparavant il s'apprêtait à combattre. «Elle ne sortira jamais de cette chambre, entendez-vous, John, continua le baron; elle ne correspondra avec personne, elle ne parlera qu'à vous, si toutefois vous voulez bien lui faire l'honneur de lui adresser la parole. -- Il suffit, Milord, j'ai juré. -- Et maintenant, madame, tâchez de faire la paix avec Dieu, car vous êtes jugée par les hommes.» Milady laissa tomber sa tête comme si elle se fût sentie écrasée par ce jugement. Lord de Winter sortit en faisant un geste à Felton, qui sortit derrière lui et ferma la porte. Un instant après on entendait dans le corridor le pas pesant d'un soldat de marine qui faisait sentinelle, sa hache à la ceinture et son mousquet à la main. Milady demeura pendant quelques minutes dans la même position, car elle songea qu'on l'examinait peut-être par la serrure; puis lentement elle releva sa tête, qui avait repris une expression formidable de menace et de défi, courut écouter à la porte, regarda par la fenêtre, et revenant s'enterrer dans un vaste fauteuil, elle songea. CHAPITRE LI OFFICIER Cependant le cardinal attendait des nouvelles d'Angleterre, mais aucune nouvelle n'arrivait, si ce n'est fâcheuse et menaçante. Si bien que La Rochelle fût investie, si certain que pût paraître le succès, grâce aux précautions prises et surtout à la digue qui ne laissait plus pénétrer aucune barque dans la ville assiégée, cependant le blocus pouvait durer longtemps encore; et c'était un grand affront pour les armes du roi et une grande gêne pour M. le cardinal, qui n'avait plus, il est vrai, à brouiller Louis XIII avec Anne d'Autriche, la chose était faite, mais à raccommoder M. de Bassompierre, qui était brouillé avec le duc d'Angoulême. Quant à Monsieur, qui avait commencé le siège, il laissait au cardinal le soin de l'achever. La ville, malgré l'incroyable persévérance de son maire, avait tenté une espèce de mutinerie pour se rendre; le maire avait fait pendre les émeutiers. Cette exécution calma les plus mauvaises têtes, qui se décidèrent alors à se laisser mourir de faim. Cette mort leur paraissait toujours plus lente et moins sûre que le trépas par strangulation. De leur côté, de temps en temps, les assiégeants prenaient des messagers que les Rochelois envoyaient à Buckingham ou des espions que Buckingham envoyait aux Rochelois. Dans l'un et l'autre cas le procès était vite fait. M. le cardinal disait ce seul mot: Pendu! On invitait le roi à venir voir la pendaison. Le roi venait languissamment, se mettait en bonne place pour voir l'opération dans tous ses détails: cela le distrayait toujours un peu et lui faisait prendre le siège en patience, mais cela ne l'empêchait pas de s'ennuyer fort, de parler à tout moment de retourner à Paris; de sorte que si les messagers et les espions eussent fait défaut, Son Éminence, malgré toute son imagination, se fût trouvée fort embarrassée. Néanmoins le temps passait, les Rochelois ne se rendaient pas: le dernier espion que l'on avait pris était porteur d'une lettre. Cette lettre disait bien à Buckingham que la ville était à toute extrémité; mais, au lieu d'ajouter: «Si votre secours n'arrive pas avant quinze jours, nous nous rendrons», elle ajoutait tout simplement: «Si votre secours n'arrive pas avant quinze jours, nous serons tous morts de faim quand il arrivera.» Les Rochelois n'avaient donc espoir qu'en Buckingham. Buckingham était leur Messie. Il était évident que si un jour ils apprenaient d'une manière certaine qu'il ne fallait plus compter sur Buckingham, avec l'espoir leur courage tomberait. Le cardinal attendait donc avec grande impatience des nouvelles d'Angleterre qui devaient annoncer que Buckingham ne viendrait pas. La question d'emporter la ville de vive force, débattue souvent dans le conseil du roi, avait toujours été écartée; d'abord La Rochelle semblait imprenable, puis le cardinal, quoi qu'il eût dit, savait bien que l'horreur du sang répandu en cette rencontre, où Français devaient combattre contre Français, était un mouvement rétrograde de soixante ans imprimé à la politique, et le cardinal était, à cette époque, ce qu'on appelle aujourd'hui un homme de progrès. En effet, le sac de La Rochelle, l'assassinat de trois ou quatre mille huguenots qui se fussent fait tuer ressemblaient trop, en 1628, au massacre de la Saint-Barthélémy, en 1572; et puis, par-dessus tout cela, ce moyen extrême, auquel le roi, bon catholique, ne répugnait aucunement, venait toujours échouer contre cet argument des généraux assiégeants: La Rochelle est imprenable autrement que par la famine. Le cardinal ne pouvait écarter de son esprit la crainte où le jetait sa terrible émissaire, car il avait compris, lui aussi, les proportions étranges de cette femme, tantôt serpent, tantôt lion. L'avait-elle trahi? était-elle morte? Il la connaissait assez, en tout cas, pour savoir qu'en agissant pour lui ou contre lui, amie ou ennemie, elle ne demeurait pas immobile sans de grands empêchements. C'était ce qu'il ne pouvait savoir. Au reste, il comptait, et avec raison, sur Milady: il avait deviné dans le passé de cette femme de ces choses terribles que son manteau rouge pouvait seul couvrir; et il sentait que, pour une cause ou pour une autre, cette femme lui était acquise, ne pouvant trouver qu'en lui un appui supérieur au danger qui la menaçait. Il résolut donc de faire la guerre tout seul et de n'attendre tout succès étranger que comme on attend une chance heureuse. Il continua de faire élever la fameuse digue qui devait affamer La Rochelle; en attendant, il jeta les yeux sur cette malheureuse ville, qui renfermait tant de misère profonde et tant d'héroïques vertus, et, se rappelant le mot de Louis XI, son prédécesseur politique, comme lui-même était le prédécesseur de Robespierre, il murmura cette maxime du compère de Tristan: «Diviser pour régner.» Henri IV, assiégeant Paris, faisait jeter par-dessus les murailles du pain et des vivres; le cardinal fit jeter des petits billets par lesquels il représentait aux Rochelois combien la conduite de leurs chefs était injuste, égoïste et barbare; ces chefs avaient du blé en abondance, et ne le partageaient pas; ils adoptaient cette maxime, car eux aussi avaient des maximes, que peu importait que les femmes, les enfants et les vieillards mourussent, pourvu que les hommes qui devaient défendre leurs murailles restassent forts et bien portants. Jusque-là, soit dévouement, soit impuissance de réagir contre elle, cette maxime, sans être généralement adoptée, était cependant passée de la théorie à la pratique; mais les billets vinrent y porter atteinte. Les billets rappelaient aux hommes que ces enfants, ces femmes, ces vieillards qu'on laissait mourir étaient leurs fils, leurs épouses et leurs pères; qu'il serait plus juste que chacun fût réduit à la misère commune, afin qu'une même position fit prendre des résolutions unanimes. Ces billets firent tout l'effet qu'en pouvait attendre celui qui les avait écrits, en ce qu'ils déterminèrent un grand nombre d'habitants à ouvrir des négociations particulières avec l'armée royale. Mais au moment où le cardinal voyait déjà fructifier son moyen et s'applaudissait de l'avoir mis en usage, un habitant de La Rochelle, qui avait pu passer à travers les lignes royales, Dieu sait comment, tant était grande la surveillance de Bassompierre, de Schomberg et du duc d'Angoulême, surveillés eux-mêmes par le cardinal, un habitant de La Rochelle, disons-nous, entra dans la ville, venant de Portsmouth et disant qu'il avait vu une flotte magnifique prête à mettre à la voile avant huit jours. De plus, Buckingham annonçait au maire qu'enfin la grande ligue contre la France allait se déclarer, et que le royaume allait être envahi à la fois par les armées anglaises, impériales et espagnoles. Cette lettre fut lue publiquement sur toutes les places, on en afficha des copies aux angles des rues, et ceux-là mêmes qui avaient commencé d'ouvrir des négociations les interrompirent, résolus d'attendre ce secours si pompeusement annoncé. Cette circonstance inattendue rendit à Richelieu ses inquiétudes premières, et le força malgré lui à tourner de nouveau les yeux de l'autre côté de la mer. Pendant ce temps, exempte des inquiétudes de son seul et véritable chef, l'armée royale menait joyeuse vie; les vivres ne manquaient pas au camp, ni l'argent non plus; tous les corps rivalisaient d'audace et de gaieté. Prendre des espions et les pendre, faire des expéditions hasardeuses sur la digue ou sur la mer, imaginer des folies, les exécuter froidement, tel était le passe-temps qui faisait trouver courts à l'armée ces jours si longs, non seulement pour les Rochelois, rongés par la famine et l'anxiété, mais encore pour le cardinal qui les bloquait si vivement. Quelquefois, quand le cardinal, toujours chevauchant comme le dernier gendarme de l'armée, promenait son regard pensif sur ces ouvrages, si lents au gré de son désir, qu'élevaient sous son ordre les ingénieurs qu'il faisait venir de tous les coins du royaume de France, s'il rencontrait un mousquetaire de la compagnie de Tréville, il s'approchait de lui, le regardait d'une façon singulière, et ne le reconnaissant pas pour un de nos quatre compagnons, il laissait aller ailleurs son regard profond et sa vaste pensée. Un jour où, rongé d'un mortel ennui, sans espérance dans les négociations avec la ville, sans nouvelles d'Angleterre, le cardinal était sorti sans autre but que de sortir, accompagné seulement de Cahusac et de La Houdinière, longeant les grèves et mêlant l'immensité de ses rêves à l'immensité de l'océan, il arriva au petit pas de son cheval sur une colline du haut de laquelle il aperçut derrière une haie, couchés sur le sable et prenant au passage un de ces rayons de soleil si rares à cette époque de l'année, sept hommes entourés de bouteilles vides. Quatre de ces hommes étaient nos mousquetaires s'apprêtant à écouter la lecture d'une lettre que l'un d'eux venait de recevoir. Cette lettre était si importante, qu'elle avait fait abandonner sur un tambour des cartes et des dés. Les trois autres s'occupaient à décoiffer une énorme dame-jeanne de vin de Collioure; c'étaient les laquais de ces messieurs. Le cardinal, comme nous l'avons dit, était de sombre humeur, et rien, quand il était dans cette situation d'esprit, ne redoublait sa maussaderie comme la gaieté des autres. D'ailleurs, il avait une préoccupation étrange, c'était de croire toujours que les causes mêmes de sa tristesse excitaient la gaieté des étrangers. Faisant signe à La Houdinière et à Cahusac de s'arrêter, il descendit de cheval et s'approcha de ces rieurs suspects, espérant qu'à l'aide du sable qui assourdissait ses pas, et de la haie qui voilait sa marche, il pourrait entendre quelques mots de cette conversation qui lui paraissait si intéressante; à dix pas de la haie seulement il reconnut le babil gascon de d'Artagnan, et comme il savait déjà que ces hommes étaient des mousquetaires, il ne douta pas que les trois autres ne fussent ceux qu'on appelait les inséparables, c'est-à-dire Athos, Porthos et Aramis. On juge si son désir d'entendre la conversation s'augmenta de cette découverte; ses yeux prirent une expression étrange, et d'un pas de chat-tigre il s'avança vers la haie; mais il n'avait pu saisir encore que des syllabes vagues et sans aucun sens positif, lorsqu'un cri sonore et bref le fit tressaillir et attira l'attention des mousquetaires. «Officier! cria Grimaud. -- Vous parlez, je crois, drôle», dit Athos se soulevant sur un coude et fascinant Grimaud de son regard flamboyant. Aussi Grimaud n'ajouta-t-il point une parole, se contentant de tendre le doigt indicateur dans la direction de la haie et dénonçant par ce geste le cardinal et son escorte. D'un seul bond les quatre mousquetaires furent sur pied et saluèrent avec respect. Le cardinal semblait furieux. «Il paraît qu'on se fait garder chez messieurs les mousquetaires! dit-il. Est-ce que l'Anglais vient par terre, ou serait-ce que les mousquetaires se regardent comme des officiers supérieurs? -- Monseigneur, répondit Athos, car au milieu de l'effroi général lui seul avait conservé ce calme et ce sang-froid de grand seigneur qui ne le quittaient jamais, Monseigneur, les mousquetaires, lorsqu'ils ne sont pas de service, ou que leur service est fini, boivent et jouent aux dés, et ils sont des officiers très supérieurs pour leurs laquais. -- Des laquais! grommela le cardinal, des laquais qui ont la consigne d'avertir leurs maîtres quand passe quelqu'un, ce ne sont point des laquais, ce sont des sentinelles. -- Son Éminence voit bien cependant que si nous n'avions point pris cette précaution, nous étions exposés à la laisser passer sans lui présenter nos respects et lui offrir nos remerciements pour la grâce qu'elle nous a faite de nous réunir. D'Artagnan, continua Athos, vous qui tout à l'heure demandiez cette occasion d'exprimer votre reconnaissance à Monseigneur, la voici venue, profitez-en. Ces mots furent prononcés avec ce flegme imperturbable qui distinguait Athos dans les heures du danger, et cette excessive politesse qui faisait de lui dans certains moments un roi plus majestueux que les rois de naissance. D'Artagnan s'approcha et balbutia quelques paroles de remerciements, qui bientôt expirèrent sous le regard assombri du cardinal. «N'importe, messieurs, continua le cardinal sans paraître le moins du monde détourné de son intention première par l'incident qu'Athos avait soulevé; n'importe, messieurs, je n'aime pas que de simples soldats, parce qu'ils ont l'avantage de servir dans un corps privilégié, fassent ainsi les grands seigneurs, et la discipline est la même pour eux que pour tout le monde.» Athos laissa le cardinal achever parfaitement sa phrase et, s'inclinant en signe d'assentiment, il reprit à son tour: «La discipline, Monseigneur, n'a en aucune façon, je l'espère, été oubliée par nous. Nous ne sommes pas de service, et nous avons cru que, n'étant pas de service, nous pouvions disposer de notre temps comme bon nous semblait. Si nous sommes assez heureux pour que Son Éminence ait quelque ordre particulier à nous donner, nous sommes prêts à lui obéir. Monseigneur voit, continua Athos en fronçant le sourcil, car cette espèce d'interrogatoire commençait à l'impatienter, que, pour être prêts à la moindre alerte, nous sommes sortis avec nos armes.» Et il montra du doigt au cardinal les quatre mousquets en faisceau près du tambour sur lequel étaient les cartes et les dés. «Que Votre Éminence veuille croire, ajouta d'Artagnan, que nous nous serions portés au-devant d'elle si nous eussions pu supposer que c'était elle qui venait vers nous en si petite compagnie.» Le cardinal se mordait les moustaches et un peu les lèvres. «Savez-vous de quoi vous avez l'air, toujours ensemble, comme vous voilà, armés comme vous êtes, et gardés par vos laquais? dit le cardinal, vous avez l'air de quatre conspirateurs. -- Oh! quant à ceci, Monseigneur, c'est vrai, dit Athos, et nous conspirons, comme Votre Éminence a pu le voir l'autre matin, seulement c'est contre les Rochelois. -- Eh! messieurs les politiques, reprit le cardinal en fronçant le sourcil à son tour, on trouverait peut-être dans vos cervelles le secret de bien des choses qui sont ignorées, si on pouvait y lire comme vous lisiez dans cette lettre que vous avez cachée quand vous m'avez vu venir.» Le rouge monta à la figure d'Athos, il fit un pas vers Son Éminence. «On dirait que vous nous soupçonnez réellement, Monseigneur, et que nous subissons un véritable interrogatoire; s'il en est ainsi, que Votre Éminence daigne s'expliquer, et nous saurons du moins à quoi nous en tenir. -- Et quand cela serait un interrogatoire, reprit le cardinal, d'autres que vous en ont subi, monsieur Athos, et y ont répondu. -- Aussi, Monseigneur, ai-je dit à Votre Éminence qu'elle n'avait qu'à questionner, et que nous étions prêts à répondre. -- Quelle était cette lettre que vous alliez lire, monsieur Aramis, et que vous avez cachée? -- Une lettre de femme, Monseigneur. -- Oh! je conçois, dit le cardinal, il faut être discret pour ces sortes de lettres; mais cependant on peut les montrer à un confesseur, et, vous le savez, j'ai reçu les ordres. -- Monseigneur, dit Athos avec un calme d'autant plus terrible qu'il jouait sa tête en faisant cette réponse, la lettre est d'une femme, mais elle n'est signée ni Marion de Lorme, ni Mme d'Aiguillon.» Le cardinal devint pâle comme la mort, un éclair fauve sortit de ses yeux; il se retourna comme pour donner un ordre à Cahusac et à La Houdinière. Athos vit le mouvement; il fit un pas vers les mousquetons, sur lesquels les trois amis avaient les yeux fixés en hommes mal disposés à se laisser arrêter. Le cardinal était, lui, troisième; les mousquetaires, y compris les laquais, étaient sept: il jugea que la partie serait d'autant moins égale, qu'Athos et ses compagnons conspiraient réellement; et, par un de ces retours rapides qu'il tenait toujours à sa disposition, toute sa colère se fondit dans un sourire. «Allons, allons! dit-il, vous êtes de braves jeunes gens, fiers au soleil, fidèles dans l'obscurité; il n'y a pas de mal à veiller sur soi quand on veille si bien sur les autres; messieurs, je n'ai point oublié la nuit où vous m'avez servi d'escorte pour aller au Colombier-Rouge; s'il y avait quelque danger à craindre sur la route que je vais suivre, je vous prierais de m'accompagner; mais, comme il n'y en a pas, restez où vous êtes, achevez vos bouteilles, votre partie et votre lettre. Adieu, messieurs.» Et, remontant sur son cheval, que Cahusac lui avait amené, il les salua de la main et s'éloigna. Les quatre jeunes gens, debout et immobiles, le suivirent des yeux sans dire un seul mot jusqu'à ce qu'il eût disparu. Puis ils se regardèrent. Tous avaient la figure consternée, car malgré l'adieu amical de Son Éminence, ils comprenaient que le cardinal s'en allait la rage dans le coeur. Athos seul souriait d'un sourire puissant et dédaigneux. Quand le cardinal fut hors de la portée de la voix et de la vue: «Ce Grimaud a crié bien tard!» dit Porthos, qui avait grande envie de faire tomber sa mauvaise humeur sur quelqu'un. Grimaud allait répondre pour s'excuser. Athos leva le doigt et Grimaud se tut. «Auriez-vous rendu la lettre, Aramis? dit d'Artagnan. -- Moi, dit Aramis de sa voix la plus flûtée, j'étais décidé: s'il avait exigé que la lettre lui fût remise, je lui présentais la lettre d'une main, et de l'autre je lui passais mon épée au travers du corps. -- Je m'y attendais bien, dit Athos; voilà pourquoi je me suis jeté entre vous et lui. En vérité, cet homme est bien imprudent de parler ainsi à d'autres hommes; on dirait qu'il n'a jamais eu affaire qu'à des femmes et à des enfants. -- Mon cher Athos, dit d'Artagnan, je vous admire, mais cependant nous étions dans notre tort, après tout. -- Comment, dans notre tort! reprit Athos. À qui donc cet air que nous respirons? à qui cet océan sur lequel s'étendent nos regards? à qui ce sable sur lequel nous étions couchés? à qui cette lettre de votre maîtresse? Est-ce au cardinal? Sur mon honneur, cet homme se figure que le monde lui appartient: vous étiez là, balbutiant, stupéfait, anéanti; on eût dit que la Bastille se dressait devant vous et que la gigantesque Méduse vous changeait en pierre. Est-ce que c'est conspirer, voyons, que d'être amoureux? Vous êtes amoureux d'une femme que le cardinal a fait enfermer, vous voulez la tirer des mains du cardinal; c'est une partie que vous jouez avec Son Éminence: cette lettre c'est votre jeu; pourquoi montreriez-vous votre jeu à votre adversaire? cela ne se fait pas. Qu'il le devine, à la bonne heure! nous devinons bien le sien, nous! -- Au fait, dit d'Artagnan, c'est plein de sens, ce que vous dites là, Athos. -- En ce cas, qu'il ne soit plus question de ce qui vient de se passer, et qu'Aramis reprenne la lettre de sa cousine où M. le cardinal l'a interrompue.» Aramis tira la lettre de sa poche, les trois amis se rapprochèrent de lui, et les trois laquais se groupèrent de nouveau auprès de la dame-jeanne. «Vous n'aviez lu qu'une ligne ou deux, dit d'Artagnan, reprenez donc la lettre à partir du commencement. «Volontiers», dit Aramis. «Mon cher cousin, je crois bien que je me déciderai à partir pour Stenay, où ma soeur a fait entrer notre petite servante dans le couvent des Carmélites; cette pauvre enfant s'est résignée, elle sait qu'elle ne peut vivre autre part sans que le salut de son âme soit en danger. Cependant, si les affaires de notre famille s'arrangent comme nous le désirons, je crois qu'elle courra le risque de se damner, et qu'elle reviendra près de ceux qu'elle regrette, d'autant plus qu'elle sait qu'on pense toujours à elle. En attendant, elle n'est pas trop malheureuse: tout ce qu'elle désire c'est une lettre de son prétendu. Je sais bien que ces sortes de denrées passent difficilement par les grilles; mais, après tout, comme je vous en ai donné des preuves, mon cher cousin, je ne suis pas trop maladroite et je me chargerai de cette commission. Ma soeur vous remercie de votre bon et éternel souvenir. Elle a eu un instant de grande inquiétude; mais enfin elle est quelque peu rassurée maintenant, ayant envoyé son commis là-bas afin qu'il ne s'y passe rien d'imprévu. «Adieu, mon cher cousin, donnez-nous de vos nouvelles le plus souvent que vous pourrez, c'est-à-dire toutes les fois que vous croirez pouvoir le faire sûrement. Je vous embrasse. «Marie Michon.» «Oh! que ne vous dois-je pas, Aramis? s'écria d'Artagnan. Chère Constance! j'ai donc enfin de ses nouvelles; elle vit, elle est en sûreté dans un couvent, elle est à Stenay! Où prenez-vous Stenay, Athos? -- Mais à quelques lieues des frontières; une fois le siège levé, nous pourrons aller faire un tour de ce côté. -- Et ce ne sera pas long, il faut l'espérer, dit Porthos, car on a, ce matin, pendu un espion, lequel a déclaré que les Rochelois en étaient aux cuirs de leurs souliers. En supposant qu'après avoir mangé le cuir ils mangent la semelle, je ne vois pas trop ce qui leur restera après, à moins de se manger les uns les autres. -- Pauvres sots! dit Athos en vidant un verre d'excellent vin de Bordeaux, qui, sans avoir à cette époque la réputation qu'il a aujourd'hui, ne la méritait pas moins; pauvres sots! comme si la religion catholique n'était pas la plus avantageuse et la plus agréable des religions! C'est égal, reprit-il après avoir fait claquer sa langue contre son palais, ce sont de braves gens. Mais que diable faites-vous donc, Aramis? continua Athos; vous serrez cette lettre dans votre poche? -- Oui, dit d'Artagnan, Athos a raison, il faut la brûler; encore, qui sait si M. le cardinal n'a pas un secret pour interroger les cendres? -- Il doit en avoir un, dit Athos. -- Mais que voulez-vous faire de cette lettre? demanda Porthos. -- Venez ici, Grimaud», dit Athos. Grimaud se leva et obéit. «Pour vous punir d'avoir parlé sans permission, mon ami, vous allez manger ce morceau de papier, puis, pour vous récompenser du service que vous nous aurez rendu, vous boirez ensuite ce verre de vin; voici la lettre d'abord, mâchez avec énergie.» Grimaud sourit, et, les yeux fixés sur le verre qu'Athos venait de remplir bord à bord, il broya le papier et l'avala. «Bravo, maître Grimaud! dit Athos, et maintenant prenez ceci; bien, je vous dispense de dire merci.» Grimaud avala silencieusement le verre de vin de Bordeaux, mais ses yeux levés au ciel parlaient, pendant tout le temps que dura cette douce occupation, un langage qui, pour être muet, n'en était pas moins expressif. «Et maintenant, dit Athos, à moins que M. le cardinal n'ait l'ingénieuse idée de faire ouvrir le ventre à Grimaud, je crois que nous pouvons être à peu près tranquilles.» Pendant ce temps, Son Éminence continuait sa promenade mélancolique en murmurant entre ses moustaches: «Décidément, il faut que ces quatre hommes soient à moi.» CHAPITRE LII PREMIERE JOURNÉE DE CAPTIVITÉ Revenons à Milady, qu'un regard jeté sur les côtes de France nous a fait perdre de vue un instant. Nous la retrouverons dans la position désespérée où nous l'avons laissée, se creusant un abîme de sombres réflexions, sombre enfer à la porte duquel elle a presque laissé l'espérance: car pour la première fois elle doute, pour la première fois elle craint. Dans deux occasions sa fortune lui a manqué, dans deux occasions elle s'est vue découverte et trahie, et dans ces deux occasions, c'est contre le génie fatal envoyé sans doute par le Seigneur pour la combattre qu'elle a échoué: d'Artagnan l'a vaincue, elle, cette invincible puissance du mal. Il l'a abusée dans son amour, humiliée dans son orgueil, trompée dans son ambition, et maintenant voilà qu'il la perd dans sa fortune, qu'il l'atteint dans sa liberté, qu'il la menace même dans sa vie. Bien plus, il a levé un coin de son masque, cette égide dont elle se couvre et qui la rend si forte. D'Artagnan a détourné de Buckingham, qu'elle hait, comme elle hait tout ce qu'elle a aimé, la tempête dont le menaçait Richelieu dans la personne de la reine. D'Artagnan s'est fait passer pour de Wardes, pour lequel elle avait une de ces fantaisies de tigresse, indomptables comme en ont les femmes de ce caractère. D'Artagnan connaît ce terrible secret qu'elle a juré que nul ne connaîtrait sans mourir. Enfin, au moment où elle vient d'obtenir un blanc-seing à l'aide duquel elle va se venger de son ennemi, le blanc-seing lui est arraché des mains, et c'est d'Artagnan qui la tient prisonnière et qui va l'envoyer dans quelque immonde Botany- Bay, dans quelque Tyburn infâme de l'océan Indien. Car tout cela lui vient de d'Artagnan sans doute; de qui viendraient tant de hontes amassées sur sa tête, sinon de lui? Lui seul a pu transmettre à Lord de Winter tous ces affreux secrets, qu'il a découverts les uns après les autres par une sorte de fatalité. Il connaît son beau-frère, il lui aura écrit. Que de haine elle distille! Là, immobile, et les yeux ardents et fixes dans son appartement désert, comme les éclats de ses rugissements sourds, qui parfois s'échappent avec sa respiration du fond de sa poitrine, accompagnent bien le bruit de la houle qui monte, gronde, mugit et vient se briser, comme un désespoir éternel et impuissant, contre les rochers sur lesquels est bâti ce château sombre et orgueilleux! Comme, à la lueur des éclairs que sa colère orageuse fait briller dans son esprit, elle conçoit contre Mme Bonacieux, contre Buckingham, et surtout contre d'Artagnan, de magnifiques projets de vengeance, perdus dans les lointains de l'avenir! Oui, mais pour se venger il faut être libre, et pour être libre, quand on est prisonnier, il faut percer un mur, desceller des barreaux, trouer un plancher; toutes entreprises que peut mener à bout un homme patient et fort mais devant lesquelles doivent échouer les irritations fébriles d'une femme. D'ailleurs, pour faire tout cela il faut avoir le temps, des mois, des années, et elle... elle a dix ou douze jours, à ce que lui a dit Lord de Winter, son fraternel et terrible geôlier. Et cependant, si elle était un homme, elle tenterait tout cela, et peut-être réussirait-elle: pourquoi donc le Ciel s'est-il ainsi trompé, en mettant cette âme virile dans ce corps frêle et délicat! Aussi les premiers moments de la captivité ont été terribles: quelques convulsions de rage qu'elle n'a pu vaincre ont payé sa dette de faiblesse féminine à la nature. Mais peu à peu elle a surmonté les éclats de sa folle colère, les frémissements nerveux qui ont agité son corps ont disparu, et maintenant elle s'est repliée sur elle-même comme un serpent fatigué qui se repose. «Allons, allons; j'étais folle de m'emporter ainsi, dit-elle en plongeant dans la glace, qui reflète dans ses yeux son regard brûlant, par lequel elle semble s'interroger elle-même. Pas de violence, la violence est une preuve de faiblesse. D'abord je n'ai jamais réussi par ce moyen: peut-être, si j'usais de ma force contre des femmes, aurais-je chance de les trouver plus faibles encore que moi, et par conséquent de les vaincre; mais c'est contre des hommes que je lutte, et je ne suis qu'une femme pour eux. Luttons en femme, ma force est dans ma faiblesse.» Alors, comme pour se rendre compte à elle-même des changements qu'elle pouvait imposer à sa physionomie si expressive et si mobile, elle lui fit prendre à la fois toutes les expressions, depuis celle de la colère qui crispait ses traits, jusqu'à celle du plus doux, du plus affectueux et du plus séduisant sourire. Puis ses cheveux prirent successivement sous ses mains savantes les ondulations qu'elle crut pouvoir aider aux charmes de son visage. Enfin elle murmura, satisfaite d'elle-même: «Allons, rien n'est perdu. Je suis toujours belle.» Il était huit heures du soir à peu près. Milady aperçut un lit; elle pensa qu'un repos de quelques heures rafraîchirait non seulement sa tête et ses idées, mais encore son teint. Cependant, avant de se coucher, une idée meilleure lui vint. Elle avait entendu parler de souper. Déjà elle était depuis une heure dans cette chambre, on ne pouvait tarder à lui apporter son repas. La prisonnière ne voulut pas perdre de temps, et elle résolut de faire, dès cette même soirée, quelque tentative pour sonder le terrain, en étudiant le caractère des gens auxquels sa garde était confiée. Une lumière apparut sous la porte; cette lumière annonçait le retour de ses geôliers. Milady, qui s'était levée, se rejeta vivement sur son fauteuil, la tête renversée en arrière, ses beaux cheveux dénoués et épars, sa gorge demi-nue sous ses dentelles froissées, une main sur son coeur et l'autre pendante. On ouvrit les verrous, la porte grinça sur ses gonds, des pas retentirent dans la chambre et s'approchèrent. «Posez là cette table», dit une voix que la prisonnière reconnut pour celle de Felton. L'ordre fut exécuté. «Vous apporterez des flambeaux et ferez relever la sentinelle», continua Felton. Ce double ordre que donna aux mêmes individus le jeune lieutenant prouva à Milady que ses serviteurs étaient les mêmes hommes que ses gardiens, c'est-à-dire des soldats. Les ordres de Felton étaient, au reste, exécutés avec une silencieuse rapidité qui donnait une bonne idée de l'état florissant dans lequel il maintenait la discipline. Enfin, Felton, qui n'avait pas encore regardé Milady, se retourna vers elle. «Ah! ah! dit-il, elle dort, c'est bien: à son réveil elle soupera.» Et il fit quelques pas pour sortir. «Mais, mon lieutenant, dit un soldat moins stoïque que son chef, et qui s'était approché de Milady, cette femme ne dort pas. -- Comment, elle ne dort pas? dit Felton, que fait-elle donc, alors? -- Elle est évanouie; son visage est très pâle, et j'ai beau écouter, je n'entends pas sa respiration. -- Vous avez raison, dit Felton après avoir regardé Milady de la place où il se trouvait, sans faire un pas vers elle, allez prévenir Lord de Winter que sa prisonnière est évanouie, car je ne sais que faire, le cas n'ayant pas été prévu.» Le soldat sortit pour obéir aux ordres de son officier; Felton s'assit sur un fauteuil qui se trouvait par hasard près de la porte et attendit sans dire une parole, sans faire un geste. Milady possédait ce grand art, tant étudié par les femmes, de voir à travers ses longs cils sans avoir l'air d'ouvrir les paupières: elle aperçut Felton qui lui tournait le dos, elle continua de le regarder pendant dix minutes à peu près, et pendant ces dix minutes, l'impassible gardien ne se retourna pas une seule fois. Elle songea alors que Lord de Winter allait venir et rendre, par sa présence, une nouvelle force à son geôlier: sa première épreuve était perdue, elle en prit son parti en femme qui compte sur ses ressources; en conséquence elle leva la tête, ouvrit les yeux et soupira faiblement. À ce soupir, Felton se retourna enfin. «Ah! vous voici réveillée, madame! dit-il, je n'ai donc plus affaire ici! Si vous avez besoin de quelque chose, vous appellerez. -- Oh! mon Dieu, mon Dieu! que j'ai souffert!» murmura Milady avec cette voix harmonieuse qui, pareille à celle des enchanteresses antiques, charmait tous ceux qu'elle voulait perdre. Et elle prit en se redressant sur son fauteuil une position plus gracieuse et plus abandonnée encore que celle qu'elle avait lorsqu'elle était couchée. Felton se leva. «Vous serez servie ainsi trois fois par jour, madame, dit-il: le matin à neuf heures, dans la journée à une heure, et le soir à huit heures. Si cela ne vous convient pas, vous pouvez indiquer vos heures au lieu de celles que je vous propose, et, sur ce point, on se conformera à vos désirs. -- Mais vais-je donc rester toujours seule dans cette grande et triste chambre? demanda Milady. -- Une femme des environs a été prévenue, elle sera demain au château, et viendra toutes les fois que vous désirerez sa présence. -- Je vous rends grâce, monsieur», répondit humblement la prisonnière. Felton fit un léger salut et se dirigea vers la porte. Au moment où il allait en franchir le seuil, Lord de Winter parut dans le corridor, suivi du soldat qui était allé lui porter la nouvelle de l'évanouissement de Milady. Il tenait à la main un flacon de sels. «Eh bien! qu'est-ce? et que se passe-t-il donc ici? dit-il d'une voix railleuse en voyant sa prisonnière debout et Felton prêt à sortir. Cette morte est-elle donc déjà ressuscitée? Pardieu, Felton, mon enfant, tu n'as donc pas vu qu'on te prenait pour un novice et qu'on te jouait le premier acte d'une comédie dont nous aurons sans doute le plaisir de suivre tous les développements? -- Je l'ai bien pensé, Milord, dit Felton; mais, enfin, comme la prisonnière est femme, après tout, j'ai voulu avoir les égards que tout homme bien né doit à une femme, sinon pour elle, du moins pour lui-même.» Milady frissonna par tout son corps. Ces paroles de Felton passaient comme une glace par toutes ses veines. «Ainsi, reprit de Winter en riant, ces beaux cheveux savamment étalés, cette peau blanche et ce langoureux regard ne t'ont pas encore séduit, coeur de pierre? -- Non, Milord, répondit l'impassible jeune homme, et croyez-moi bien, il faut plus que des manèges et des coquetteries de femme pour me corrompre. -- En ce cas, mon brave lieutenant, laissons Milady chercher autre chose et allons souper; ah! sois tranquille, elle a l'imagination féconde et le second acte de la comédie ne tardera pas à suivre le premier.» Et à ces mots Lord de Winter passa son bras sous celui de Felton et l'emmena en riant. «Oh! je trouverai bien ce qu'il te faut, murmura Milady entre ses dents; sois tranquille, pauvre moine manqué, pauvre soldat converti qui t'es taillé ton uniforme dans un froc.» «À propos, reprit de Winter en s'arrêtant sur le seuil de la porte, il ne faut pas, Milady, que cet échec vous ôte l'appétit. Tâtez de ce poulet et de ces poissons que je n'ai pas fait empoisonner, sur l'honneur. Je m'accommode assez de mon cuisinier, et comme il ne doit pas hériter de moi, j'ai en lui pleine et entière confiance. Faites comme moi. Adieu, chère soeur! à votre prochain évanouissement.» C'était tout ce que pouvait supporter Milady: ses mains se crispèrent sur son fauteuil, ses dents grincèrent sourdement, ses yeux suivirent le mouvement de la porte qui se fermait derrière Lord de Winter et Felton; et, lorsqu'elle se vit seule, une nouvelle crise de désespoir la prit; elle jeta les yeux sur la table, vit briller un couteau, s'élança et le saisit; mais son désappointement fut cruel: la lame en était ronde et d'argent flexible. Un éclat de rire retentit derrière la porte mal fermée, et la porte se rouvrit. «Ah! ah! s'écria Lord de Winter; ah! ah! vois-tu bien, mon brave Felton, vois-tu ce que je t'avais dit: ce couteau, c'était pour toi; mon enfant, elle t'aurait tué; vois-tu, c'est un de ses travers, de se débarrasser ainsi, d'une façon ou de l'autre, des gens qui la gênent. Si je t'eusse écouté, le couteau eût été pointu et d'acier: alors plus de Felton, elle t'aurait égorgé et, après toi, tout le monde. Vois donc, John, comme elle sait bien tenir son couteau.» En effet, Milady tenait encore l'arme offensive dans sa main crispée, mais ces derniers mots, cette suprême insulte, détendirent ses mains, ses forces et jusqu'à sa volonté. Le couteau tomba par terre. «Vous avez raison, Milord, dit Felton avec un accent de profond dégoût qui retentit jusqu'au fond du coeur de Milady, vous avez raison et c'est moi qui avais tort.» Et tous deux sortirent de nouveau. Mais cette fois, Milady prêta une oreille plus attentive que la première fois, et elle entendit leurs pas s'éloigner et s'éteindre dans le fond du corridor. «Je suis perdue, murmura-t-elle, me voilà au pouvoir de gens sur lesquels je n'aurai pas plus de prise que sur des statues de bronze ou de granit; ils me savent par coeur et sont cuirassés contre toutes mes armes. «Il est cependant impossible que cela finisse comme ils l'ont décidé.» En effet, comme l'indiquait cette dernière réflexion, ce retour instinctif à l'espérance, dans cette âme profonde la crainte et les sentiments faibles ne surnageaient pas longtemps. Milady se mit à table, mangea de plusieurs mets, but un peu de vin d'Espagne, et sentit revenir toute sa résolution. Avant de se coucher elle avait déjà commenté, analysé, retourné sur toutes leurs faces, examiné sous tous les points, les paroles, les pas, les gestes, les signes et jusqu'au silence de ses geôliers, et de cette étude profonde, habile et savante, il était résulté que Felton était, à tout prendre, le plus vulnérable de ses deux persécuteurs. Un mot surtout revenait à l'esprit de la prisonnière: «Si je t'eusse écouté», avait dit Lord de Winter à Felton. Donc Felton avait parlé en sa faveur, puisque Lord de Winter n'avait pas voulu écouter Felton. «Faible ou forte, répétait Milady, cet homme a donc une lueur de pitié dans son âme; de cette lueur je ferai un incendie qui le dévorera. «Quant à l'autre, il me connaît, il me craint et sait ce qu'il a à attendre de moi si jamais je m'échappe de ses mains, il est donc inutile de rien tenter sur lui. Mais Felton, c'est autre chose; c'est un jeune homme naïf, pur et qui semble vertueux; celui-là, il y a moyen de le perdre.» Et Milady se coucha et s'endormit le sourire sur les lèvres; quelqu'un qui l'eût vue dormant eût dit une jeune fille rêvant à la couronne de fleurs qu'elle devait mettre sur son front à la prochaine fête. CHAPITRE LIII DEUXIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ Milady rêvait qu'elle tenait enfin d'Artagnan, qu'elle assistait à son supplice, et c'était la vue de son sang odieux, coulant sous la hache du bourreau, qui dessinait ce charmant sourire sur les lèvres. Elle dormait comme dort un prisonnier bercé par sa première espérance. Le lendemain, lorsqu'on entra dans sa chambre, elle était encore au lit. Felton était dans le corridor: il amenait la femme dont il avait parlé la veille, et qui venait d'arriver; cette femme entra et s'approcha du lit de Milady en lui offrant ses services. Milady était habituellement pâle; son teint pouvait donc tromper une personne qui la voyait pour la première fois. «J'ai la fièvre, dit-elle; je n'ai pas dormi un seul instant pendant toute cette longue nuit, je souffre horriblement: serez- vous plus humaine qu'on ne l'a été hier avec moi? Tout ce que je demande, au reste, c'est la permission de rester couchée. -- Voulez-vous qu'on appelle un médecin?» dit la femme. Felton écoutait ce dialogue sans dire une parole. Milady réfléchissait que plus on l'entourerait de monde, plus elle aurait de monde à apitoyer, et plus la surveillance de Lord de Winter redoublerait; d'ailleurs le médecin pourrait déclarer que la maladie était feinte, et Milady après avoir perdu la première partie ne voulait pas perdre la seconde. «Aller chercher un médecin, dit-elle, à quoi bon? ces messieurs ont déclaré hier que mon mal était une comédie, il en serait sans doute de même aujourd'hui; car depuis hier soir, on a eu le temps de prévenir le docteur. -- Alors, dit Felton impatienté, dites vous-même, madame, quel traitement vous voulez suivre. -- Eh! le sais-je, moi? mon Dieu! je sens que je souffre, voilà tout, que l'on me donne ce que l'on voudra, peu m'importe. -- Allez chercher Lord de Winter, dit Felton fatigué de ces plaintes éternelles. -- Oh! non, non! s'écria Milady, non, monsieur, ne l'appelez pas, je vous en conjure, je suis bien, je n'ai besoin de rien, ne l'appelez pas.» Elle mit une véhémence si prodigieuse, une éloquence si entraînante dans cette exclamation, que Felton, entraîné, fit quelques pas dans la chambre. «Il est ému», pensa Milady. «Cependant, madame, dit Felton, si vous souffrez réellement, on enverra chercher un médecin, et si vous nous trompez, eh bien, ce sera tant pis pour vous, mais du moins, de notre côté, nous n'aurons rien à nous reprocher.» Milady ne répondit point; mais renversant sa belle tête sur son oreiller, elle fondit en larmes et éclata en sanglots. Felton la regarda un instant avec son impassibilité ordinaire; puis voyant que la crise menaçait de se prolonger, il sortit; la femme le suivit. Lord de Winter ne parut pas. «Je crois que je commence à voir clair», murmura Milady avec une joie sauvage, en s'ensevelissant sous les draps pour cacher à tous ceux qui pourraient l'épier cet élan de satisfaction intérieure. Deux heures s'écoulèrent. «Maintenant il est temps que la maladie cesse, dit-elle: levons- nous et obtenons quelque succès dès aujourd'hui; je n'ai que dix jours, et ce soir il y en aura deux d'écoulés. En entrant, le matin, dans la chambre de Milady, on lui avait apporté son déjeuner; or elle avait pensé qu'on ne tarderait pas à venir enlever la table, et qu'en ce moment elle reverrait Felton. Milady ne se trompait pas. Felton reparut, et, sans faire attention si Milady avait ou non touché au repas, fit un signe pour qu'on emportât hors de la chambre la table, que l'on apportait ordinairement toute servie. Felton resta le dernier, il tenait un livre à la main. Milady, couchée dans un fauteuil près de la cheminée, belle, pâle et résignée, ressemblait à une vierge sainte attendant le martyre. Felton s'approcha d'elle et dit: «Lord de Winter, qui est catholique comme vous, madame, a pensé que la privation des rites et des cérémonies de votre religion peut vous être pénible: il consent donc à ce que vous lisiez chaque jour l'ordinaire de votre messe, et voici un livre qui en contient le rituel.» À l'air dont Felton déposa ce livre sur la petite table près de laquelle était Milady, au ton dont il prononça ces deux mots, votre messe, au sourire dédaigneux dont il les accompagna, Milady leva la tête et regarda plus attentivement l'officier. Alors, à cette coiffure sévère, à ce costume d'une simplicité exagérée, à ce front poli comme le marbre, mais dur et impénétrable comme lui, elle reconnut un de ces sombres puritains qu'elle avait rencontrés si souvent tant à la cour du roi Jacques qu'à celle du roi de France, où, malgré le souvenir de la Saint- Barthélémy, ils venaient parfois chercher un refuge. Elle eut donc une de ces inspirations subites comme les gens de génie seuls en reçoivent dans les grandes crises, dans les moments suprêmes qui doivent décider de leur fortune ou de leur vie. Ces deux mots, votre messe, et un simple coup d'oeil jeté sur Felton, lui avaient en effet révélé toute l'importance de la réponse qu'elle allait faire. Mais avec cette rapidité d'intelligence qui lui était particulière, cette réponse toute formulée se présenta sur ses lèvres: «Moi! dit-elle avec un accent de dédain monté à l'unisson de celui qu'elle avait remarqué dans la voix du jeune officier, moi, monsieur, ma messe! Lord de Winter, le catholique corrompu, sait bien que je ne suis pas de sa religion, et c'est un piège qu'il veut me tendre! -- Et de quelle religion êtes-vous donc, madame? demanda Felton avec un étonnement que, malgré son empire sur lui-même, il ne put cacher entièrement. -- Je le dirai, s'écria Milady avec une exaltation feinte, le jour où j'aurai assez souffert pour ma foi.» Le regard de Felton découvrit à Milady toute l'étendue de l'espace qu'elle venait de s'ouvrir par cette seule parole. Cependant le jeune officier demeura muet et immobile, son regard seul avait parlé. «Je suis aux mains de mes ennemis, continua-t-elle avec ce ton d'enthousiasme qu'elle savait familier aux puritains; eh bien, que mon Dieu me sauve ou que je périsse pour mon Dieu! voilà la réponse que je vous prie de faire à Lord de Winter. Et quant à ce livre, ajouta-t-elle en montrant le rituel du bout du doigt, mais sans le toucher, comme si elle eût dû être souillée par cet attouchement, vous pouvez le remporter et vous en servir pour vous-même, car sans doute vous êtes doublement complice de Lord de Winter, complice dans sa persécution, complice dans son hérésie.» Felton ne répondit rien, prit le livre avec le même sentiment de répugnance qu'il avait déjà manifesté et se retira pensif. Lord de Winter vint vers les cinq heures du soir; Milady avait eu le temps pendant toute la journée de se tracer son plan de conduite; elle le reçut en femme qui a déjà repris tous ses avantages. «Il paraît, dit le baron en s'asseyant dans un fauteuil en face de celui qu'occupait Milady et en étendant nonchalamment ses pieds sur le foyer, il paraît que nous avons fait une petite apostasie! -- Que voulez-vous dire, monsieur? -- Je veux dire que depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, nous avons changé de religion; auriez-vous épousé un troisième mari protestant, par hasard? -- Expliquez-vous, Milord, reprit la prisonnière avec majesté, car je vous déclare que j'entends vos paroles, mais que je ne les comprends pas. -- Alors, c'est que vous n'avez pas de religion du tout; j'aime mieux cela, reprit en ricanant Lord de Winter. -- Il est certain que cela est plus selon vos principes, reprit froidement Milady. -- Oh! je vous avoue que cela m'est parfaitement égal. -- Oh! vous n'avoueriez pas cette indifférence religieuse, Milord, que vos débauches et vos crimes en feraient foi. -- Hein! vous parlez de débauches, madame Messaline, vous parlez de crimes, Lady Macbeth! Ou j'ai mal entendu, ou vous êtes, pardieu, bien impudente. -- Vous parlez ainsi parce que vous savez qu'on nous écoute, monsieur, répondit froidement Milady, et que vous voulez intéresser vos geôliers et vos bourreaux contre moi. -- Mes geôliers! mes bourreaux! Ouais, madame, vous le prenez sur un ton poétique, et la comédie d'hier tourne ce soir à la tragédie. Au reste, dans huit jours vous serez où vous devez être et ma tâche sera achevée. -- Tâche infâme! tâche impie! reprit Milady avec l'exaltation de la victime qui provoque son juge. -- Je crois, ma parole d'honneur, dit de Winter en se levant, que la drôlesse devient folle. Allons, allons, calmez-vous, madame la puritaine, ou je vous fais mettre au cachot. Pardieu! c'est mon vin d'Espagne qui vous monte à la tête, n'est-ce pas? mais, soyez tranquille, cette ivresse-là n'est pas dangereuse et n'aura pas de suites.» Et Lord de Winter se retira en jurant, ce qui à cette époque était une habitude toute cavalière. Felton était en effet derrière la porte et n'avait pas perdu un mot de toute cette scène. Milady avait deviné juste. «Oui, va! va! dit-elle à son frère, les suites approchent, au contraire, mais tu ne les verras, imbécile, que lorsqu'il ne sera plus temps de les éviter.» Le silence se rétablit, deux heures s'écoulèrent; on apporta le souper, et l'on trouva Milady occupée à faire tout haut ses prières, prières qu'elle avait apprises d'un vieux serviteur de son second mari, puritain des plus austères. Elle semblait en extase et ne parut pas même faire attention à ce qui se passait autour d'elle. Felton fit signe qu'on ne la dérangeât point, et lorsque tout fut en état il sortit sans bruit avec les soldats. Milady savait qu'elle pouvait être épiée, elle continua donc ses prières jusqu'à la fin, et il lui sembla que le soldat qui était de sentinelle à sa porte ne marchait plus du même pas et paraissait écouter. Pour le moment, elle n'en voulait pas davantage, elle se releva, se mit à table, mangea peu et ne but que de l'eau. Une heure après on vint enlever la table, mais Milady remarqua que cette fois Felton n'accompagnait point les soldats. Il craignait donc de la voir trop souvent. Elle se retourna vers le mur pour sourire, car il y avait dans ce sourire une telle expression de triomphe que ce seul sourire l'eût dénoncée. Elle laissa encore s'écouler une demi-heure, et comme en ce moment tout faisait silence dans le vieux château, comme on n'entendait que l'éternel murmure de la houle, cette respiration immense de l'océan, de sa voix pure, harmonieuse et vibrante, elle commença le premier couplet de ce psaume alors en entière faveur près des puritains: _Seigneur, si tu nous abandonnes,_ _C'est pour voir si nous sommes forts;_ _Mais ensuite c'est toi qui donnes_ _De ta céleste main la palme à nos efforts._ Ces vers n'étaient pas excellents, il s'en fallait même de beaucoup; mais, comme on le sait, les protestants ne se piquaient pas de poésie. Tout en chantant, Milady écoutait: le soldat de garde à sa porte s'était arrêté comme s'il eût été changé en pierre. Milady put donc juger de l'effet qu'elle avait produit. Alors elle continua son chant avec une ferveur et un sentiment inexprimables; il lui sembla que les sons se répandaient au loin sous les voûtes et allaient comme un charme magique adoucir le coeur de ses geôliers. Cependant il paraît que le soldat en sentinelle, zélé catholique sans doute, secoua le charme, car à travers la porte: «Taisez-vous donc madame, dit-il, votre chanson est triste comme un _De profondis_, et si, outre l'agrément d'être en garnison ici, il faut encore y entendre de pareilles choses, ce sera à n'y point tenir. -- Silence! dit alors une voix grave, que Milady reconnut pour celle de Felton; de quoi vous mêlez-vous, drôle? Vous a-t-on ordonné d'empêcher cette femme de chanter? Non. On vous a dit de la garder, de tirer sur elle si elle essayait de fuir. Gardez-la; si elle fuit, tuez-la, mais ne changez rien à la consigne.» Une expression de joie indicible illumina le visage de Milady, mais cette expression fut fugitive comme le reflet d'un éclair, et, sans paraître avoir entendu le dialogue dont elle n'avait pas perdu un mot, elle reprit en donnant à sa voix tout le charme, toute l'étendue et toute la séduction que le démon y avait mis: _Pour tant de pleurs et de misère,_ _Pour mon exil et pour mes fers,_ _J'ai ma jeunesse, ma prière,_ _Et Dieu, qui comptera les maux que j'ai soufferts._ Cette voix, d'une étendue inouïe et d'une passion sublime, donnait à la poésie rude et inculte de ces psaumes une magie et une expression que les puritains les plus exaltés trouvaient rarement dans les chants de leurs frères et qu'ils étaient forcés d'orner de toutes les ressources de leur imagination: Felton crut entendre chanter l'ange qui consolait les trois Hébreux dans la fournaise. Milady continua: _Mais le jour de la délivrance_ _Viendra pour nous, Dieu juste et fort;_ _Et s'il trompe notre espérance,_ _Il nous reste toujours le martyre et la mort._ Ce couplet, dans lequel la terrible enchanteresse s'efforça de mettre toute son âme, acheva de porter le désordre dans le coeur du jeune officier: il ouvrit brusquement la porte, et Milady le vit apparaître pâle comme toujours, mais les yeux ardents et presque égarés. «Pourquoi chantez-vous ainsi, dit-il, et avec une pareille voix? -- Pardon, monsieur, dit Milady avec douceur, j'oubliais que mes chants ne sont pas de mise dans cette maison. Je vous ai sans doute offensé dans vos croyances; mais c'était sans le vouloir, je vous jure; pardonnez-moi donc une faute qui est peut-être grande, mais qui certainement est involontaire.» Milady était si belle dans ce moment, l'extase religieuse dans laquelle elle semblait plongée donnait une telle expression à sa physionomie, que Felton, ébloui, crut voir l'ange que tout à l'heure il croyait seulement entendre. «Oui, oui, répondit-il, oui: vous troublez, vous agitez les gens qui habitent ce château.» Et le pauvre insensé ne s'apercevait pas lui-même de l'incohérence de ses discours, tandis que Milady plongeait son oeil de lynx au plus profond de son coeur. «Je me tairai, dit Milady en baissant les yeux avec toute la douceur qu'elle put donner à sa voix, avec toute la résignation qu'elle put imprimer à son maintien. -- Non, non, madame, dit Felton; seulement, chantez moins haut, la nuit surtout.» Et à ces mots, Felton, sentant qu'il ne pourrait pas conserver longtemps sa sévérité à l'égard de la prisonnière, s'élança hors de son appartement. «Vous avez bien fait, lieutenant, dit le soldat; ces chants bouleversent l'âme; cependant on finit par s'y accoutumer: sa voix est si belle!» CHAPITRE LIV TROISIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ Felton était venu; mais il y avait encore un pas à faire: il fallait le retenir, ou plutôt il fallait qu'il restât tout seul; et Milady ne voyait encore qu'obscurément le moyen qui devait la conduire à ce résultat. Il fallait plus encore: il fallait le faire parler, afin de lui parler aussi: car, Milady le savait bien, sa plus grande séduction était dans sa voix, qui parcourait si habilement toute la gamme des tons, depuis la parole humaine jusqu'au langage céleste. Et cependant, malgré toute cette séduction, Milady pouvait échouer, car Felton était prévenu, et cela contre le moindre hasard. Dès lors, elle surveilla toutes ses actions, toutes ses paroles, jusqu'au plus simple regard de ses yeux, jusqu'à son geste, jusqu'à sa respiration, qu'on pouvait interpréter comme un soupir. Enfin, elle étudia tout comme fait un habile comédien à qui l'on vient de donner un rôle nouveau dans un emploi qu'il n'a pas l'habitude de tenir. Vis-à-vis de Lord de Winter sa conduite était plus facile; aussi avait-elle été arrêtée dès la veille. Rester muette et digne en sa présence, de temps en temps l'irriter par un dédain affecté, par un mot méprisant, le pousser à des menaces et à des violences qui faisaient un contraste avec sa résignation à elle, tel était son projet. Felton verrait: peut-être ne dirait-il rien; mais il verrait. Le matin, Felton vint comme d'habitude; mais Milady le laissa présider à tous les apprêts du déjeuner sans lui adresser la parole. Aussi, au moment où il allait se retirer, eut-elle une lueur d'espoir; car elle crut que c'était lui qui allait parler; mais ses lèvres remuèrent sans qu'aucun son sortît de sa bouche, et, faisant un effort sur lui-même, il renferma dans son coeur les paroles qui allaient s'échapper de ses lèvres, et sortit. Vers midi, Lord de Winter entra. Il faisait une assez belle journée d'hiver, et un rayon de ce pâle soleil d'Angleterre qui éclaire, mais qui n'échauffe pas, passait à travers les barreaux de la prison. Milady regardait par la fenêtre, et fit semblant de ne pas entendre la porte qui s'ouvrait. «Ah! ah! dit Lord de Winter, après avoir fait de la comédie, après avoir fait de la tragédie, voilà que nous faisons de la mélancolie.» La prisonnière ne répondit pas. «Oui, oui, continua Lord de Winter, je comprends; vous voudriez bien être en liberté sur ce rivage; vous voudriez bien, sur un bon navire, fendre les flots de cette mer verte comme de l'émeraude; vous voudriez bien, soit sur terre, soit sur l'océan, me dresser une de ces bonnes petites embuscades comme vous savez si bien les combiner. Patience! patience! Dans quatre jours, le rivage vous sera permis, la mer vous sera ouverte, plus ouverte que vous ne le voudrez, car dans quatre jours l'Angleterre sera débarrassée de vous.» Milady joignit les mains, et levant ses beaux yeux vers le ciel: «Seigneur! Seigneur! dit-elle avec une angélique suavité de geste et d'intonation, pardonnez à cet homme, comme je lui pardonne moi- même. -- Oui, prie, maudite, s'écria le baron, ta prière est d'autant plus généreuse que tu es, je te le jure, au pouvoir d'un homme qui ne pardonnera pas.» Et il sortit. Au moment où il sortait, un regard perçant glissa par la porte entrebâillée, et elle aperçut Felton qui se rangeait rapidement pour n'être pas vu d'elle. Alors elle se jeta à genoux et se mit à prier. «Mon Dieu! mon Dieu! dit-elle, vous savez pour quelle sainte cause je souffre, donnez-moi donc la force de souffrir.» La porte s'ouvrit doucement; la belle suppliante fit semblant de n'avoir pas entendu, et d'une voix pleine de larmes, elle continua: «Dieu vengeur! Dieu de bonté! laisserez-vous s'accomplir les affreux projets de cet homme!» Alors, seulement, elle feignit d'entendre le bruit des pas de Felton et, se relevant rapide comme la pensée, elle rougit comme si elle eût été honteuse d'avoir été surprise à genoux. «Je n'aime point à déranger ceux qui prient, madame, dit gravement Felton; ne vous dérangez donc pas pour moi, je vous en conjure. -- Comment savez-vous que je priais, monsieur? dit Milady d'une voix suffoquée par les sanglots; vous vous trompiez, monsieur, je ne priais pas. -- Pensez-vous donc, madame, répondit Felton de sa même voix grave, quoique avec un accent plus doux, que je me croie le droit d'empêcher une créature de se prosterner devant son Créateur? À Dieu ne plaise! D'ailleurs le repentir sied bien aux coupables; quelque crime qu'il ait commis, un coupable m'est sacré aux pieds de Dieu. -- Coupable, moi! dit Milady avec un sourire qui eût désarmé l'ange du jugement dernier. Coupable! mon Dieu, tu sais si je le suis! Dites que je suis condamnée, monsieur, à la bonne heure; mais vous le savez, Dieu qui aime les martyrs, permet que l'on condamne quelquefois les innocents. -- Fussiez-vous condamnée, fussiez-vous martyre, répondit Felton, raison de plus pour prier, et moi-même je vous aiderai de mes prières. -- Oh! vous êtes un juste, vous, s'écria Milady en se précipitant à ses pieds; tenez, je n'y puis tenir plus longtemps, car je crains de manquer de force au moment où il me faudra soutenir la lutte et confesser ma foi, écoutez donc la supplication d'une femme au désespoir. On vous abuse, monsieur, mais il n'est pas question de cela, je ne vous demande qu'une grâce, et, si vous me l'accordez, je vous bénirai dans ce monde et dans l'autre. -- Parlez au maître, madame, dit Felton; je ne suis heureusement chargé, moi, ni de pardonner ni de punir, et c'est à plus haut que moi que Dieu a remis cette responsabilité. -- À vous, non, à vous seul. Écoutez-moi, plutôt que de contribuer à ma perte, plutôt que de contribuer à mon ignominie. -- Si vous avez mérité cette honte, madame, si vous avez encouru cette ignominie, il faut la subir en l'offrant à Dieu. -- Que dites-vous? Oh! vous ne me comprenez pas! Quand je parle d'ignominie, vous croyez que je parle d'un châtiment quelconque, de la prison ou de la mort! Plût au Ciel! que m'importent, à moi, la mort ou la prison! -- C'est moi qui ne vous comprends plus, madame. -- Ou qui faites semblant de ne plus me comprendre, monsieur, répondit la prisonnière avec un sourire de doute. -- Non, madame, sur l'honneur d'un soldat, sur la foi d'un chrétien! -- Comment! vous ignorez les desseins de Lord de Winter sur moi. -- Je les ignore. -- Impossible, vous son confident! -- Je ne mens jamais, madame. -- Oh! il se cache trop peu cependant pour qu'on ne les devine pas. -- Je ne cherche à rien deviner, madame; j'attends qu'on me confie, et à part ce qu'il m'a dit devant vous, Lord de Winter ne m'a rien confié. -- Mais, s'écria Milady avec un incroyable accent de vérité, vous n'êtes donc pas son complice, vous ne savez donc pas qu'il me destine à une honte que tous les châtiments de la terre ne sauraient égaler en horreur? -- Vous vous trompez, madame, dit Felton en rougissant, Lord de Winter n'est pas capable d'un tel crime.» «Bon, dit Milady en elle-même, sans savoir ce que c'est, il appelle cela un crime!» Puis tout haut: «L'ami de l'infâme est capable de tout. -- Qui appelez-vous l'infâme? demanda Felton. -- Y a-t-il donc en Angleterre deux hommes à qui un semblable nom puisse convenir? -- Vous voulez parler de Georges Villiers? dit Felton, dont les regards s'enflammèrent. -- Que les païens, les gentils et les infidèles appellent duc de Buckingham, reprit Milady; je n'aurais pas cru qu'il y aurait eu un Anglais dans toute l'Angleterre qui eût eu besoin d'une si longue explication pour reconnaître celui dont je voulais parler! -- La main du Seigneur est étendue sur lui, dit Felton, il n'échappera pas au châtiment qu'il mérite.» Felton ne faisait qu'exprimer à l'égard du duc le sentiment d'exécration que tous les Anglais avaient voué à celui que les catholiques eux-mêmes appelaient l'exacteur, le concussionnaire, le débauché, et que les puritains appelaient tout simplement Satan. «Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'écria Milady, quand je vous supplie d'envoyer à cet homme le châtiment qui lui est dû, vous savez que ce n'est pas ma propre vengeance que je poursuis, mais la délivrance de tout un peuple que j'implore. -- Le connaissez-vous donc?» demanda Felton. «Enfin, il m'interroge», se dit en elle-même Milady au comble de la joie d'en être arrivée si vite à un si grand résultat. «Oh! si je le connais! oh, oui! pour mon malheur, pour mon malheur éternel.» Et Milady se tordit les bras comme arrivée au paroxysme de la douleur. Felton sentit sans doute en lui-même que sa force l'abandonnait, et il fit quelques pas vers la porte; la prisonnière, qui ne le perdait pas de vue, bondit à sa poursuite et l'arrêta. «Monsieur! s'écria-t-elle, soyez bon, soyez clément, écoutez ma prière: ce couteau que la fatale prudence du baron m'a enlevé, parce qu'il sait l'usage que j'en veux faire; oh! écoutez-moi jusqu'au bout! ce couteau, rendez-le moi une minute seulement, par grâce, par pitié! J'embrasse vos genoux; voyez, vous fermerez la porte, ce n'est pas à vous que j'en veux: Dieu! vous en vouloir, à vous, le seul être juste, bon et compatissant que j'aie rencontré! à vous, mon sauveur peut-être! une minute, ce couteau, une minute, une seule, et je vous le rends par le guichet de la porte; rien qu'une minute, monsieur Felton, et vous m'aurez sauvé l'honneur! -- Vous tuer! s'écria Felton avec terreur, oubliant de retirer ses mains des mains de la prisonnière; vous tuer! -- J'ai dit, monsieur, murmura Milady en baissant la voix et en se laissant tomber affaissée sur le parquet, j'ai dit mon secret! il sait tout! mon Dieu, je suis perdue!» Felton demeurait debout, immobile et indécis. «Il doute encore, pensa Milady, je n'ai pas été assez vraie.» On entendit marcher dans le corridor; Milady reconnut le pas de Lord de Winter. Felton le reconnut aussi et s'avança vers la porte. Milady s'élança. «Oh! pas un mot, dit-elle d'une voix concentrée, pas un mot de tout ce que je vous ai dit à cet homme, ou je suis perdue, et c'est vous, vous...» Puis, comme les pas se rapprochaient, elle se tut de peur qu'on n'entendit sa voix, appuyant avec un geste de terreur infinie sa belle main sur la bouche de Felton. Felton repoussa doucement Milady, qui alla tomber sur une chaise longue. Lord de Winter passa devant la porte sans s'arrêter, et l'on entendit le bruit des pas qui s'éloignaient. Felton, pâle comme la mort, resta quelques instants l'oreille tendue et écoutant, puis quand le bruit se fut éteint tout à fait, il respira comme un homme qui sort d'un songe, et s'élança hors de l'appartement. «Ah! dit Milady en écoutant à son tour le bruit des pas de Felton, qui s'éloignaient dans la direction opposée à ceux de Lord de Winter, enfin tu es donc à moi!» Puis son front se rembrunit. «S'il parle au baron, dit-elle, je suis perdue, car le baron, qui sait bien que je ne me tuerai pas, me mettra devant lui un couteau entre les mains, et il verra bien que tout ce grand désespoir n'était qu'un jeu.» Elle alla se placer devant sa glace et se regarda; jamais elle n'avait été si belle. «Oh! oui! dit-elle en souriant, mais il ne lui parlera pas.» Le soir, Lord de Winter accompagna le souper. -- Monsieur, lui dit Milady, votre présence est-elle un accessoire obligé de ma captivité, et ne pourriez-vous pas m'épargner ce surcroît de tortures que me causent vos visites? -- Comment donc, chère soeur! dit de Winter, ne m'avez-vous pas sentimentalement annoncé, de cette jolie bouche si cruelle pour moi aujourd'hui, que vous veniez en Angleterre à cette seule fin de me voir tout à votre aise, jouissance dont, me disiez-vous, vous ressentiez si vivement la privation, que vous avez tout risqué pour cela, mal de mer, tempête, captivité! eh bien, me voilà, soyez satisfaite; d'ailleurs, cette fois ma visite a un motif.» Milady frissonna, elle crut que Felton avait parlé; jamais de sa vie, peut-être, cette femme, qui avait éprouvé tant d'émotions puissantes et opposées, n'avait senti battre son coeur si violemment. Elle était assise; Lord de Winter prit un fauteuil, le tira à son côté et s'assit auprès d'elle, puis prenant dans sa poche un papier qu'il déploya lentement: «Tenez, lui dit-il, je voulais vous montrer cette espèce de passeport que j'ai rédigé moi-même et qui vous servira désormais de numéro d'ordre dans la vie que je consens à vous laisser.» Puis ramenant ses yeux de Milady sur le papier, il lut: «Ordre de conduire à...» Le nom est en blanc, interrompit de Winter: si vous avez quelque préférence, vous me l'indiquerez; et pour peu que ce soit à un millier de lieues de Londres, il sera fait droit à votre requête. Je reprends donc: «Ordre de conduire à... la nommée Charlotte Backson, flétrie par la justice du royaume de France, mais libérée après châtiment; elle demeurera dans cette résidence, sans jamais s'en écarter de plus de trois lieues. En cas de tentative d'évasion, la peine de mort lui sera appliquée. Elle touchera cinq shillings par jour pour son logement et sa nourriture.» «Cet ordre ne me concerne pas, répondit froidement Milady, puisqu'un autre nom que le mien y est porté. -- Un nom! Est-ce que vous en avez un? -- J'ai celui de votre frère. -- Vous vous trompez, mon frère n'est que votre second mari, et le premier vit encore. Dites-moi son nom et je le mettrai en place du nom de Charlotte Backson. Non?... vous ne voulez pas?... vous gardez le silence? C'est bien! vous serez écrouée sous le nom de Charlotte Backson.» Milady demeura silencieuse; seulement, cette fois ce n'était plus par affectation, mais par terreur: elle crut l'ordre prêt à être exécuté: elle pensa que Lord de Winter avait avancé son départ; elle crut qu'elle était condamnée à partir le soir même. Tout dans son esprit fut donc perdu pendant un instant, quand tout à coup elle s'aperçut que l'ordre n'était revêtu d'aucune signature. La joie qu'elle ressentit de cette découverte fut si grande, qu'elle ne put la cacher. «Oui, oui, dit Lord de Winter, qui s'aperçut de ce qui se passait en elle, oui, vous cherchez la signature, et vous vous dites: tout n'est pas perdu, puisque cet acte n'est pas signé; on me le montre pour m'effrayer, voilà tout. Vous vous trompez: demain cet ordre sera envoyé à Lord Buckingham; après-demain il reviendra signé de sa main et revêtu de son sceau, et vingt-quatre heures après, c'est moi qui vous en réponds, il recevra son commencement d'exécution. Adieu, madame, voilà tout ce que j'avais à vous dire. -- Et moi je vous répondrai, monsieur, que cet abus de pouvoir, que cet exil sous un nom supposé sont une infamie. -- Aimez-vous mieux être pendue sous votre vrai nom, Milady? Vous le savez, les lois anglaises sont inexorables sur l'abus que l'on fait du mariage; expliquez-vous franchement: quoique mon nom ou plutôt le nom de mon frère se trouve mêlé dans tout cela, je risquerai le scandale d'un procès public pour être sûr que du coup je serai débarrassé de vous.» Milady ne répondit pas, mais devint pâle comme un cadavre. «Oh! je vois que vous aimez mieux la pérégrination. À merveille, madame, et il y a un vieux proverbe qui dit que les voyages forment la jeunesse. Ma foi! vous n'avez pas tort, après tout, et la vie est bonne. C'est pour cela que je ne me soucie pas que vous me l'ôtiez. Reste donc à régler l'affaire des cinq shillings; je me montre un peu parcimonieux, n'est-ce pas? cela tient à ce que je ne me soucie pas que vous corrompiez vos gardiens. D'ailleurs il vous restera toujours vos charmes pour les séduire. Usez-en si votre échec avec Felton ne vous a pas dégoûtée des tentatives de ce genre.» «Felton n'a point parlé, se dit Milady à elle-même, rien n'est perdu alors.» «Et maintenant, madame, à vous revoir. Demain je viendrai vous annoncer le départ de mon messager.» Lord de Winter se leva, salua ironiquement Milady et sortit. Milady respira: elle avait encore quatre jours devant elle; quatre jours lui suffiraient pour achever de séduire Felton. Une idée terrible lui vint alors, c'est que Lord de Winter enverrait peut-être Felton lui-même pour faire signer l'ordre à Buckingham; de cette façon Felton lui échappait, et pour que la prisonnière réussît il fallait la magie d'une séduction continue. Cependant, comme nous l'avons dit, une chose la rassurait: Felton n'avait pas parlé. Elle ne voulut point paraître émue par les menaces de Lord de Winter, elle se mit à table et mangea. Puis, comme elle avait fait la veille, elle se mit à genoux, et répéta tout haut ses prières. Comme la veille, le soldat cessa de marcher et s'arrêta pour l'écouter. Bientôt elle entendit des pas plus légers que ceux de la sentinelle qui venaient du fond du corridor et qui s'arrêtaient devant sa porte. «C'est lui», dit-elle. Et elle commença le même chant religieux qui la veille avait si violemment exalté Felton. Mais, quoique sa voix douce, pleine et sonore eût vibré plus harmonieuse et plus déchirante que jamais, la porte resta close. Il parut bien à Milady, dans un des regards furtifs qu'elle lançait sur le petit guichet, apercevoir à travers le grillage serré les yeux ardents du jeune homme mais, que ce fût une réalité ou une vision, cette fois il eut sur lui-même la puissance de ne pas entrer. Seulement, quelques instants après qu'elle eût fini son chant religieux, Milady crut entendre un profond soupir; puis les mêmes pas qu'elle avait entendus s'approcher s'éloignèrent lentement et comme à regret. CHAPITRE LV QUATRIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ Le lendemain, lorsque Felton entra chez Milady, il la trouva debout, montée sur un fauteuil, tenant entre ses mains une corde tissée à l'aide de quelques mouchoirs de batiste déchirés en lanières tressées les unes avec les autres et attachées bout à bout; au bruit que fit Felton en ouvrant la porte, Milady sauta légèrement à bas de son fauteuil, et essaya de cacher derrière elle cette corde improvisée, qu'elle tenait à la main. Le jeune homme était plus pâle encore que d'habitude, et ses yeux rougis par l'insomnie indiquaient qu'il avait passé une nuit fiévreuse. Cependant son front était armé d'une sérénité plus austère que jamais. Il s'avança lentement vers Milady, qui s'était assise, et prenant un bout de la tresse meurtrière que par mégarde ou à dessein peut- être elle avait laissée passer: «Qu'est-ce que cela, madame? demanda-t-il froidement. -- Cela, rien, dit Milady en souriant avec cette expression douloureuse qu'elle savait si bien donner à son sourire, l'ennui est l'ennemi mortel des prisonniers, je m'ennuyais et je me suis amusée à tresser cette corde.» Felton porta les yeux vers le point du mur de l'appartement devant lequel il avait trouvé Milady debout sur le fauteuil où elle était assise maintenant, et au-dessus de sa tête il aperçut un crampon doré, scellé dans le mur, et qui servait à accrocher soit des hardes, soit des armes. Il tressaillit, et la prisonnière vit ce tressaillement; car, quoiqu'elle eût les yeux baissés, rien ne lui échappait. «Et que faisiez-vous, debout sur ce fauteuil? demanda-t-il. -- Que vous importe? répondit Milady. -- Mais, reprit Felton, je désire le savoir. -- Ne m'interrogez pas, dit la prisonnière, vous savez bien qu'à nous autres, véritables chrétiens, il nous est défendu de mentir. -- Eh bien, dit Felton, je vais vous le dire, ce que vous faisiez, ou plutôt ce que vous alliez faire, vous alliez achever l'oeuvre fatale que vous nourrissez dans votre esprit: songez-y, madame, si notre Dieu défend le mensonge, il défend bien plus sévèrement encore le suicide. -- Quand Dieu voit une de ses créatures persécutée injustement, placée entre le suicide et le déshonneur, croyez-moi, monsieur, répondit Milady d'un ton de profonde conviction, Dieu lui pardonne le suicide: car, alors, le suicide c'est le martyre. -- Vous en dites trop ou trop peu; parlez, madame, au nom du Ciel, expliquez-vous. -- Que je vous raconte mes malheurs, pour que vous les traitiez de fables; que je vous dise mes projets, pour que vous alliez les dénoncer à mon persécuteur: non, monsieur; d'ailleurs, que vous importe la vie ou la mort d'une malheureuse condamnée? vous ne répondez que de mon corps, n'est-ce pas? et pourvu que vous représentiez un cadavre, qu'il soit reconnu pour le mien, on ne vous en demandera pas davantage, et peut-être, même, aurez-vous double récompense. -- Moi, madame, moi! s'écria Felton, supposer que j'accepterais jamais le prix de votre vie; oh! vous ne pensez pas ce que vous dites. -- Laissez-moi faire, Felton, laissez-moi faire, dit Milady en s'exaltant, tout soldat doit être ambitieux, n'est-ce pas? vous êtes lieutenant, eh bien, vous suivrez mon convoi avec le grade de capitaine. -- Mais que vous ai-je donc fait, dit Felton ébranlé, pour que vous me chargiez d'une pareille responsabilité devant les hommes et devant Dieu? Dans quelques jours vous allez être loin d'ici, madame, votre vie ne sera plus sous ma garde, et, ajouta-t-il avec un soupir, alors vous en ferez ce que vous voudrez. -- Ainsi, s'écria Milady comme si elle ne pouvait résister à une sainte indignation, vous, un homme pieux, vous que l'on appelle un juste, vous ne demandez qu'une chose: c'est de n'être point inculpé, inquiété pour ma mort! -- Je dois veiller sur votre vie, madame, et j'y veillerai. -- Mais comprenez-vous la mission que vous remplissez? cruelle déjà si j'étais coupable, quel nom lui donnerez-vous, quel nom le Seigneur lui donnera-t-il, si je suis innocente? -- Je suis soldat, madame, et j'accomplis les ordres que j'ai reçus. -- Croyez-vous qu'au jour du jugement dernier Dieu séparera les bourreaux aveugles des juges iniques? vous ne voulez pas que je tue mon corps, et vous vous faites l'agent de celui qui veut tuer mon âme! -- Mais, je vous le répète, reprit Felton ébranlé, aucun danger ne vous menace, et je réponds de Lord de Winter comme de moi-même. -- Insensé! s'écria Milady, pauvre insensé, qui ose répondre d'un autre homme quand les plus sages, quand les plus grands selon Dieu hésitent à répondre d'eux-mêmes, et qui se range du parti le plus fort et le plus heureux, pour accabler la plus faible et la plus malheureuse! -- Impossible, madame, impossible, murmura Felton, qui sentait au fond du coeur la justesse de cet argument: prisonnière, vous ne recouvrerez pas par moi la liberté, vivante, vous ne perdrez pas par moi la vie. -- Oui, s'écria Milady, mais je perdrai ce qui m'est bien plus cher que la vie, je perdrai l'honneur, Felton; et c'est vous, vous que je ferai responsable devant Dieu et devant les hommes de ma honte et de mon infamie.» Cette fois Felton, tout impassible qu'il était ou qu'il faisait semblant d'être, ne put résister à l'influence secrète qui s'était déjà emparée de lui: voir cette femme si belle, blanche comme la plus candide vision, la voir tour à tour éplorée et menaçante, subir à la fois l'ascendant de la douleur et de la beauté, c'était trop pour un visionnaire, c'était trop pour un cerveau miné par les rêves ardents de la foi extatique, c'était trop pour un coeur corrodé à la fois par l'amour du Ciel qui brûle, par la haine des hommes qui dévore. Milady vit le trouble, elle sentait par intuition la flamme des passions opposées qui brûlaient avec le sang dans les veines du jeune fanatique; et, pareille à un général habile qui, voyant l'ennemi prêt à reculer, marche sur lui en poussant un cri de victoire, elle se leva, belle comme une prêtresse antique, inspirée comme une vierge chrétienne et, le bras étendu, le col découvert, les cheveux épars retenant d'une main sa robe pudiquement ramenée sur sa poitrine, le regard illuminé de ce feu qui avait déjà porté le désordre dans les sens du jeune puritain, elle marcha vers lui, s'écriant sur un air véhément, de sa voix si douce, à laquelle, dans l'occasion, elle donnait un accent terrible: Livre à Baal sa victime. Jette aux lions le martyr: Dieu te fera repentir!... Je crie à lui de l'abîme. Felton s'arrêta sous cette étrange apostrophe, et comme pétrifié. «Qui êtes-vous, qui êtes-vous? s'écria-t-il en joignant les mains; êtes-vous une envoyée de Dieu, êtes-vous un ministre des enfers, êtes-vous ange ou démon, vous appelez-vous Eloa ou Astarté? -- Ne m'as-tu pas reconnue, Felton? Je ne suis ni un ange, ni un démon, je suis une fille de la terre, je suis une soeur de ta croyance, voilà tout. -- Oui! oui! dit Felton, je doutais encore, mais maintenant je crois. -- Tu crois, et cependant tu es le complice de cet enfant de Bélial qu'on appelle Lord de Winter! Tu crois, et cependant tu me laisses aux mains de mes ennemis, de l'ennemi de l'Angleterre, de l'ennemi de Dieu? Tu crois, et cependant tu me livres à celui qui remplit et souille le monde de ses hérésies et de ses débauches, à cet infâme Sardanapale que les aveugles nomment le duc de Buckingham et que les croyants appellent l'Antéchrist. -- Moi, vous livrer à Buckingham! moi! que dites-vous là? -- Ils ont des yeux, s'écria Milady, et ils ne verront pas; ils ont des oreilles, et ils n'entendront point. -- Oui, oui, dit Felton en passant ses mains sur son front couvert de sueur, comme pour en arracher son dernier doute; oui, je reconnais la voix qui me parle dans mes rêves; oui, je reconnais les traits de l'ange qui m'apparaît chaque nuit, criant à mon âme qui ne peut dormir: "Frappe, sauve l'Angleterre, sauve-toi, car tu mourras sans avoir désarmé Dieu!" Parlez, parlez! s'écria Felton, je puis vous comprendre à présent.» Un éclair de joie terrible, mais rapide comme la pensée, jaillit des yeux de Milady. Si fugitive qu'eût été cette lueur homicide, Felton la vit et tressaillit comme si cette lueur eût éclairé les abîmes du coeur de cette femme. Felton se rappela tout à coup les avertissements de Lord de Winter, les séductions de Milady, ses premières tentatives lors de son arrivée; il recula d'un pas et baissa la tête, mais sans cesser de la regarder: comme si, fasciné par cette étrange créature, ses yeux ne pouvaient se détacher de ses yeux. Milady n'était point femme à se méprendre au sens de cette hésitation. Sous ses émotions apparentes, son sang-froid glacé ne l'abandonnait point. Avant que Felton lui eût répondu et qu'elle fût forcée de reprendre cette conversation si difficile à soutenir sur le même accent d'exaltation, elle laissa retomber ses mains, et, comme si la faiblesse de la femme reprenait le dessus sur l'enthousiasme de l'inspirée: «Mais, non, dit-elle, ce n'est pas à moi d'être la Judith qui délivrera Béthulie de cet Holopherne. Le glaive de l'éternel est trop lourd pour mon bras. Laissez-moi donc fuir le déshonneur par la mort, laissez-moi me réfugier dans le martyre. Je ne vous demande ni la liberté, comme ferait une coupable, ni la vengeance, comme ferait une païenne. Laissez-moi mourir, voilà tout. Je vous supplie, je vous implore à genoux; laissez-moi mourir, et mon dernier soupir sera une bénédiction pour mon sauveur.» À cette voix douce et suppliante, à ce regard timide et abattu, Felton se rapprocha. Peu à peu l'enchanteresse avait revêtu cette parure magique qu'elle reprenait et quittait à volonté, c'est-à- dire la beauté, la douceur, les larmes et surtout l'irrésistible attrait de la volupté mystique, la plus dévorante des voluptés. «Hélas! dit Felton, je ne puis qu'une chose, vous plaindre si vous me prouvez que vous êtes une victime! Mais Lord de Winter a de cruels griefs contre vous. Vous êtes chrétienne, vous êtes ma soeur en religion; je me sens entraîné vers vous, moi qui n'ai aimé que mon bienfaiteur, moi qui n'ai trouvé dans la vie que des traîtres et des impies. Mais vous, madame, vous si belle en réalité, vous si pure en apparence, pour que Lord de Winter vous poursuive ainsi, vous avez donc commis des iniquités? -- Ils ont des yeux, répéta Milady avec un accent d'indicible douleur, et ils ne verront pas; ils ont des oreilles, et ils n'entendront point. -- Mais, alors, s'écria le jeune officier, parlez, parlez donc! -- Vous confier ma honte! s'écria Milady avec le rouge de la pudeur au visage, car souvent le crime de l'un est la honte de l'autre; vous confier ma honte, à vous homme, moi femme! Oh! continua-t-elle en ramenant pudiquement sa main sur ses beaux yeux, oh! jamais, jamais je ne pourrai! -- À moi, à un frère!» s'écria Felton. Milady le regarda longtemps avec une expression que le jeune officier prit pour du doute, et qui cependant n'était que de l'observation et surtout la volonté de fasciner. Felton, à son tour suppliant, joignit les mains. «Eh bien, dit Milady, je me fie à mon frère, j'oserai!» En ce moment, on entendit le pas de Lord de Winter; mais, cette fois le terrible beau-frère de Milady ne se contenta point, comme il avait fait la veille, de passer devant la porte et de s'éloigner, il s'arrêta, échangea deux mots avec la sentinelle, puis la porte s'ouvrit et il parut. Pendant ces deux mots échangés, Felton s'était reculé vivement, et lorsque Lord de Winter entra, il était à quelques pas de la prisonnière. Le baron entra lentement, et porta son regard scrutateur de la prisonnière au jeune officier: «Voilà bien longtemps, John, dit-il, que vous êtes ici; cette femme vous a-t-elle raconté ses crimes? alors je comprends la durée de l'entretien.» Felton tressaillit, et Milady sentit qu'elle était perdue si elle ne venait au secours du puritain décontenancé. «Ah! vous craignez que votre prisonnière ne vous échappe! dit- elle, eh bien, demandez à votre digne geôlier quelle grâce, à l'instant même, je sollicitais de lui. -- Vous demandiez une grâce? dit le baron soupçonneux. -- Oui, Milord, reprit le jeune homme confus. -- Et quelle grâce, voyons? demanda Lord de Winter. -- Un couteau qu'elle me rendra par le guichet, une minute après l'avoir reçu, répondit Felton. -- Il y a donc quelqu'un de caché ici que cette gracieuse personne veuille égorger? reprit Lord de Winter de sa voix railleuse et méprisante. -- Il y a moi, répondit Milady. -- Je vous ai donné le choix entre l'Amérique et Tyburn, reprit Lord de Winter, choisissez Tyburn, Milady: la corde est, croyez- moi, encore plus sûre que le couteau.» Felton pâlit et fit un pas en avant, en songeant qu'au moment où il était entré, Milady tenait une corde. «Vous avez raison, dit celle-ci, et j'y avais déjà pensé; puis elle ajouta d'une voix sourde: j'y penserai encore.» Felton sentit courir un frisson jusque dans la moelle de ses os; probablement Lord de Winter aperçut ce mouvement. «Méfie-toi, John, dit-il, John, mon ami, je me suis reposé sur toi, prends garde! Je t'ai prévenu! D'ailleurs, aie bon courage, mon enfant, dans trois jours nous serons délivrés de cette créature, et où je l'envoie, elle ne nuira plus à personne. -- Vous l'entendez!» s'écria Milady avec éclat, de façon que le baron crût qu'elle s'adressait au Ciel et que Felton comprît que c'était à lui. Felton baissa la tête et rêva. Le baron prit l'officier par le bras en tournant la tête sur son épaule, afin de ne pas perdre Milady de vue jusqu'à ce qu'il fût sorti. «Allons, allons, dit la prisonnière lorsque la porte se fut refermée, je ne suis pas encore si avancée que je le croyais. Winter a changé sa sottise ordinaire en une prudence inconnue; ce que c'est que le désir de la vengeance, et comme ce désir forme l'homme! Quant à Felton, il hésite. Ah! ce n'est pas un homme comme ce d'Artagnan maudit. Un puritain n'adore que les vierges, et il les adore en joignant les mains. Un mousquetaire aime les femmes, et il les aime en joignant les bras.» Cependant Milady attendit avec impatience, car elle se doutait bien que la journée ne se passerait pas sans qu'elle revit Felton. Enfin, une heure après la scène que nous venons de raconter, elle entendit que l'on parlait bas à la porte, puis bientôt la porte s'ouvrit, et elle reconnut Felton. Le jeune homme s'avança rapidement dans la chambre en laissant la porte ouverte derrière lui et en faisant signe à Milady de se taire; il avait le visage bouleversé. «Que me voulez-vous? dit-elle. -- Écoutez, répondit Felton à voix basse, je viens d'éloigner la sentinelle pour pouvoir rester ici sans qu'on sache que je suis venu, pour vous parler sans qu'on puisse entendre ce que je vous dis. Le baron vient de me raconter une histoire effroyable.» Milady prit son sourire de victime résignée, et secoua la tête. «Ou vous êtes un démon, continua Felton, ou le baron, mon bienfaiteur, mon père, est un monstre. Je vous connais depuis quatre jours, je l'aime depuis dix ans, lui; je puis donc hésiter entre vous deux: ne vous effrayez pas de ce que je vous dis, j'ai besoin d'être convaincu. Cette nuit, après minuit, je viendrai vous voir, vous me convaincrez. -- Non, Felton, non, mon frère, dit-elle, le sacrifice est trop grand, et je sens qu'il vous coûte. Non, je suis perdue, ne vous perdez pas avec moi. Ma mort sera bien plus éloquente que ma vie, et le silence du cadavre vous convaincra bien mieux que les paroles de la prisonnière. -- Taisez-vous, madame, s'écria Felton, et ne me parlez pas ainsi; je suis venu pour que vous me promettiez sur l'honneur, pour que vous me juriez sur ce que vous avez de plus sacré, que vous n'attenterez pas à votre vie. -- Je ne veux pas promettre, dit Milady, car personne plus que moi n'a le respect du serment, et, si je promettais, il me faudrait tenir. -- Eh bien, dit Felton, engagez-vous seulement jusqu'au moment où vous m'aurez revu. Si, lorsque vous m'aurez revu, vous persistez encore, eh bien, alors, vous serez libre, et moi-même je vous donnerai l'arme que vous m'avez demandée. -- Eh bien, dit Milady, pour vous j'attendrai. -- Jurez-le. -- Je le jure par notre Dieu. Êtes-vous content? -- Bien, dit Felton, à cette nuit!» Et il s'élança hors de l'appartement, referma la porte, et attendit en dehors, la demi-pique du soldat à la main, comme s'il eût monté la garde à sa place. Le soldat revenu, Felton lui rendit son arme. Alors, à travers le guichet dont elle s'était rapprochée, Milady vit le jeune homme se signer avec une ferveur délirante et s'en aller par le corridor avec un transport de joie. Quant à elle, elle revint à sa place, un sourire de sauvage mépris sur les lèvres, et elle répéta en blasphémant ce nom terrible de Dieu, par lequel elle avait juré sans jamais avoir appris à le connaître. «Mon Dieu! dit-elle, fanatique insensé! mon Dieu! c'est moi, moi et celui qui m'aidera à me venger.» CHAPITRE LVI CINQUIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ Cependant Milady en était arrivée à un demi-triomphe, et le succès obtenu doublait ses forces. Il n'était pas difficile de vaincre, ainsi qu'elle l'avait fait jusque-là, des hommes prompts à se laisser séduire, et que l'éducation galante de la cour entraînait vite dans le piège; Milady était assez belle pour ne pas trouver de résistance de la part de la chair, et elle était assez adroite pour l'emporter sur tous les obstacles de l'esprit. Mais, cette fois, elle avait à lutter contre une nature sauvage, concentrée, insensible à force d'austérité; la religion et la pénitence avaient fait de Felton un homme inaccessible aux séductions ordinaires. Il roulait dans cette tête exaltée des plans tellement vastes, des projets tellement tumultueux, qu'il n'y restait plus de place pour aucun amour, de caprice ou de matière, ce sentiment qui se nourrit de loisir et grandit par la corruption. Milady avait donc fait brèche, avec sa fausse vertu, dans l'opinion d'un homme prévenu horriblement contre elle, et par sa beauté, dans le coeur et les sens d'un homme chaste et pur. Enfin, elle s'était donné la mesure de ses moyens, inconnus d'elle-même jusqu'alors, par cette expérience faite sur le sujet le plus rebelle que la nature et la religion pussent soumettre à son étude. Bien des fois néanmoins pendant la soirée elle avait désespéré du sort et d'elle-même; elle n'invoquait pas Dieu, nous le savons, mais elle avait foi dans le génie du mal, cette immense souveraineté qui règne dans tous les détails de la vie humaine, et à laquelle, comme dans la fable arabe, un grain de grenade suffit pour reconstruire un monde perdu. Milady, bien préparée à recevoir Felton, put dresser ses batteries pour le lendemain. Elle savait qu'il ne lui restait plus que deux jours, qu'une fois l'ordre signé par Buckingham (et Buckingham le signerait d'autant plus facilement, que cet ordre portait un faux nom, et qu'il ne pourrait reconnaître la femme dont il était question), une fois cet ordre signé, disons-nous, le baron la faisait embarquer sur-le-champ, et elle savait aussi que les femmes condamnées à la déportation usent d'armes bien moins puissantes dans leurs séductions que les prétendues femmes vertueuses dont le soleil du monde éclaire la beauté, dont la voix de la mode vante l'esprit et qu'un reflet d'aristocratie dore de ses lueurs enchantées. Être une femme condamnée à une peine misérable et infamante n'est pas un empêchement à être belle, mais c'est un obstacle à jamais redevenir puissante. Comme tous les gens d'un mérite réel, Milady connaissait le milieu qui convenait à sa nature, à ses moyens. La pauvreté lui répugnait, l'abjection la diminuait des deux tiers de sa grandeur. Milady n'était reine que parmi les reines; il fallait à sa domination le plaisir de l'orgueil satisfait. Commander aux êtres inférieurs était plutôt une humiliation qu'un plaisir pour elle. Certes, elle fût revenue de son exil, elle n'en doutait pas un seul instant; mais combien de temps cet exil pouvait-il durer? Pour une nature agissante et ambitieuse comme celle de Milady, les jours qu'on n'occupe point à monter sont des jours néfastes; qu'on trouve donc le mot dont on doive nommer les jours qu'on emploie à descendre! Perdre un an, deux ans, trois ans, c'est-à-dire une éternité; revenir quand d'Artagnan, heureux et triomphant, aurait, lui et ses amis, reçu de la reine la récompense qui leur était bien acquise pour les services qu'ils lui avaient rendus, c'étaient là de ces idées dévorantes qu'une femme comme Milady ne pouvait supporter. Au reste, l'orage qui grondait en elle doublait sa force, et elle eût fait éclater les murs de sa prison, si son corps eût pu prendre un seul instant les proportions de son esprit. Puis ce qui l'aiguillonnait encore au milieu de tout cela, c'était le souvenir du cardinal. Que devait penser, que devait dire de son silence le cardinal défiant, inquiet, soupçonneux, le cardinal, non seulement son seul appui, son seul soutien, son seul protecteur dans le présent, mais encore le principal instrument de sa fortune et de sa vengeance à venir? Elle le connaissait, elle savait qu'à son retour, après un voyage inutile, elle aurait beau arguer de la prison, elle aurait beau exalter les souffrances subies, le cardinal répondrait avec ce calme railleur du sceptique puissant à la fois par la force et par le génie: «Il ne fallait pas vous laisser prendre!» Alors Milady réunissait toute son énergie, murmurant au fond de sa pensée le nom de Felton, la seule lueur de jour qui pénétrât jusqu'à elle au fond de l'enfer où elle était tombée; et comme un serpent qui roule et déroule ses anneaux pour se rendre compte à lui-même de sa force, elle enveloppait d'avance Felton dans les mille replis de son inventive imagination. Cependant le temps s'écoulait, les heures les unes après les autres semblaient réveiller la cloche en passant, et chaque coup du battant d'airain retentissait sur le coeur de la prisonnière. À neuf heures, Lord de Winter fit sa visite accoutumée, regarda la fenêtre et les barreaux, sonda le parquet et les murs, visita la cheminée et les portes, sans que, pendant cette longue et minutieuse visite, ni lui ni Milady prononçassent une seule parole. Sans doute que tous deux comprenaient que la situation était devenue trop grave pour perdre le temps en mots inutiles et en colère sans effet. «Allons, allons, dit le baron en la quittant, vous ne vous sauverez pas encore cette nuit!» À dix heures, Felton vint placer une sentinelle; Milady reconnut son pas. Elle le devinait maintenant comme une maîtresse devine celui de l'amant de son coeur, et cependant Milady détestait et méprisait à la fois ce faible fanatique. Ce n'était point l'heure convenue, Felton n'entra point. Deux heures après et comme minuit sonnait, la sentinelle fut relevée. Cette fois c'était l'heure: aussi, à partir de ce moment, Milady attendit-elle avec impatience. La nouvelle sentinelle commença à se promener dans le corridor. Au bout de dix minutes Felton vint. Milady prêta l'oreille. «Écoutez, dit le jeune homme à la sentinelle, sous aucun prétexte ne t'éloigne de cette porte, car tu sais que la nuit dernière un soldat a été puni par Milord pour avoir quitté son poste un instant, et cependant c'est moi qui, pendant sa courte absence, avais veillé à sa place. -- Oui, je le sais, dit le soldat. -- Je te recommande donc la plus exacte surveillance. Moi, ajouta- t-il, je vais rentrer pour visiter une seconde fois la chambre de cette femme, qui a, j'en ai peur, de sinistres projets sur elle- même et que j'ai reçu l'ordre de surveiller.» «Bon, murmura Milady, voilà l'austère puritain qui ment!» Quant au soldat, il se contenta de sourire. «Peste! mon lieutenant, dit-il, vous n'êtes pas malheureux d'être chargé de commissions pareilles, surtout si Milord vous a autorisé à regarder jusque dans son lit.» Felton rougit; dans toute autre circonstance il eut réprimandé le soldat qui se permettait une pareille plaisanterie; mais sa conscience murmurait trop haut pour que sa bouche osât parler. «Si j'appelle, dit-il, viens; de même que si l'on vient, appelle- moi. -- Oui, mon lieutenant», dit le soldat. Felton entra chez Milady. Milady se leva. «Vous voilà? dit-elle. -- Je vous avais promis de venir, dit Felton, et je suis venu. -- Vous m'avez promis autre chose encore. -- Quoi donc? mon Dieu! dit le jeune homme, qui malgré son empire sur lui-même, sentait ses genoux trembler et la sueur poindre sur son front. -- Vous avez promis de m'apporter un couteau, et de me le laisser après notre entretien. -- Ne parlez pas de cela, madame, dit Felton, il n'y a pas de situation, si terrible qu'elle soit, qui autorise une créature de Dieu à se donner la mort. J'ai réfléchi que jamais je ne devais me rendre coupable d'un pareil péché. -- Ah! vous avez réfléchi! dit la prisonnière en s'asseyant sur son fauteuil avec un sourire de dédain; et moi aussi j'ai réfléchi. -- À quoi? -- Que je n'avais rien à dire à un homme qui ne tenait pas sa parole. -- O mon Dieu! murmura Felton. -- Vous pouvez vous retirer, dit Milady, je ne parlerai pas. -- Voilà le couteau! dit Felton tirant de sa poche l'arme que, selon sa promesse, il avait apportée, mais qu'il hésitait à remettre à sa prisonnière. -- Voyons-le, dit Milady. -- Pour quoi faire? -- Sur l'honneur, je vous le rends à l'instant même; vous le poserez sur cette table; et vous resterez entre lui et moi. Felton tendit l'arme à Milady, qui en examina attentivement la trempe, et qui en essaya la pointe sur le bout de son doigt. «Bien, dit-elle en rendant le couteau au jeune officier, celui-ci est en bel et bon acier; vous êtes un fidèle ami, Felton.» Felton reprit l'arme et la posa sur la table comme il venait d'être convenu avec sa prisonnière. Milady le suivit des yeux et fit un geste de satisfaction. «Maintenant, dit-elle, écoutez-moi.» La recommandation était inutile: le jeune officier se tenait debout devant elle, attendant ses paroles pour les dévorer. «Felton, dit Milady avec une solennité pleine de mélancolie, Felton, si votre soeur, la fille de votre père, vous disait: «Jeune encore, assez belle par malheur, on m'a fait tomber dans un piège, j'ai résisté; on a multiplié autour de moi les embûches, les violences, j'ai résisté; on a blasphémé la religion que je sers, le Dieu que j'adore, parce que j'appelais à mon secours ce Dieu et cette religion, j'ai résisté; alors on m'a prodigué les outrages, et comme on ne pouvait perdre mon âme, on a voulu à tout jamais flétrir mon corps; enfin...» Milady s'arrêta, et un sourire amer passa sur ses lèvres. «Enfin, dit Felton, enfin qu'a-t-on fait? -- Enfin, un soir, on résolut de paralyser cette résistance qu'on ne pouvait vaincre: un soir, on mêla à mon eau un narcotique puissant; à peine eus-je achevé mon repas, que je me sentis tomber peu à peu dans une torpeur inconnue. Quoique je fusse sans défiance, une crainte vague me saisit et j'essayai de lutter contre le sommeil; je me levai, je voulus courir à la fenêtre, appeler au secours, mais mes jambes refusèrent de me porter; il me semblait que le plafond s'abaissait sur ma tête et m'écrasait de son poids; je tendis les bras, j'essayai de parler, je ne pus que pousser des sons inarticulés; un engourdissement irrésistible s'emparait de moi, je me retins à un fauteuil, sentant que j'allais tomber, mais bientôt cet appui fut insuffisant pour mes bras débiles, je tombai sur un genou, puis sur les deux; je voulus crier, ma langue était glacée; Dieu ne me vit ni ne m'entendit sans doute, et je glissai sur le parquet, en proie à un sommeil qui ressemblait à la mort. «De tout ce qui se passa dans ce sommeil et du temps qui s'écoula pendant sa durée, je n'eus aucun souvenir; la seule chose que je me rappelle, c'est que je me réveillai couchée dans une chambre ronde, dont l'ameublement était somptueux, et dans laquelle le jour ne pénétrait que par une ouverture au plafond. Du reste, aucune porte ne semblait y donner entrée: on eût dit une magnifique prison. «Je fus longtemps à pouvoir me rendre compte du lieu où je me trouvais et de tous les détails que je rapporte, mon esprit semblait lutter inutilement pour secouer les pesantes ténèbres de ce sommeil auquel je ne pouvais m'arracher; j'avais des perceptions vagues d'un espace parcouru, du roulement d'une voiture, d'un rêve horrible dans lequel mes forces se seraient épuisées; mais tout cela était si sombre et si indistinct dans ma pensée, que ces événements semblaient appartenir à une autre vie que la mienne et cependant mêlée à la mienne par une fantastique dualité. «Quelque temps, l'état dans lequel je me trouvais me sembla si étrange, que je crus que je faisais un rêve. Je me levai chancelante, mes habits étaient près de moi, sur une chaise: je ne me rappelai ni m'être dévêtue, ni m'être couchée. Alors peu à peu la réalité se présenta à moi pleine de pudiques terreurs: je n'étais plus dans la maison que j'habitais; autant que j'en pouvais juger par la lumière du soleil, le jour était déjà aux deux tiers écoulé! c'était la veille au soir que je m'étais endormie; mon sommeil avait donc déjà duré près de vingt-quatre heures. Que s'était-il passé pendant ce long sommeil? «Je m'habillai aussi rapidement qu'il me fut possible. Tous mes mouvements lents et engourdis attestaient que l'influence du narcotique n'était point encore entièrement dissipée. Au reste, cette chambre était meublée pour recevoir une femme; et la coquette la plus achevée n'eût pas eu un souhait à former, qu'en promenant son regard autour de l'appartement elle n'eût vu son souhait accompli. «Certes, je n'étais pas la première captive qui s'était vue enfermée dans cette splendide prison; mais, vous le comprenez, Felton, plus la prison était belle, plus je m'épouvantais. «Oui, c'était une prison, car j'essayai vainement d'en sortir. Je sondai tous les murs afin de découvrir une porte, partout les murs rendirent un son plein et mat. «Je fis peut-être vingt fois le tour de cette chambre, cherchant une issue quelconque; il n'y en avait pas: je tombai écrasée de fatigue et de terreur sur un fauteuil. «Pendant ce temps, la nuit venait rapidement, et avec la nuit mes terreurs augmentaient: je ne savais si je devais rester où j'étais assise; il me semblait que j'étais entourée de dangers inconnus, dans lesquels j'allais tomber à chaque pas. Quoique je n'eusse rien mangé depuis la veille, mes craintes m'empêchaient de ressentir la faim. «Aucun bruit du dehors, qui me permît de mesurer le temps, ne venait jusqu'à moi; je présumai seulement qu'il pouvait être sept ou huit heures du soir; car nous étions au mois d'octobre, et il faisait nuit entière. «Tout à coup, le cri d'une porte qui tourne sur ses gonds me fit tressaillir; un globe de feu apparut au-dessus de l'ouverture vitrée du plafond, jetant une vive lumière dans ma chambre, et je m'aperçus avec terreur qu'un homme était debout à quelques pas de moi. «Une table à deux couverts, supportant un souper tout préparé, s'était dressée comme par magie au milieu de l'appartement. «Cet homme était celui qui me poursuivait depuis un an, qui avait juré mon déshonneur, et qui, aux premiers mots qui sortirent de sa bouche, me fit comprendre qu'il l'avait accompli la nuit précédente. -- L'infâme! murmura Felton. -- Oh! oui, l'infâme! s'écria Milady, voyant l'intérêt que le jeune officier, dont l'âme semblait suspendue à ses lèvres, prenait à cet étrange récit; oh! oui, l'infâme! il avait cru qu'il lui suffisait d'avoir triomphé de moi dans mon sommeil, pour que tout fût dit; il venait, espérant que j'accepterais ma honte, puisque ma honte était consommée; il venait m'offrir sa fortune en échange de mon amour. «Tout ce que le coeur d'une femme peut contenir de superbe mépris et de paroles dédaigneuses, je le versai sur cet homme; sans doute, il était habitué à de pareils reproches; car il m'écouta calme, souriant, et les bras croisés sur la poitrine; puis, lorsqu'il crut que j'avais tout dit, il s'avança vers moi; je bondis vers la table, je saisis un couteau, je l'appuyai sur ma poitrine. «Faites un pas de plus, lui dis-je, et outre mon déshonneur, vous aurez encore ma mort à vous reprocher.» «Sans doute, il y avait dans mon regard, dans ma voix, dans toute ma personne, cette vérité de geste, de pose et d'accent, qui porte la conviction dans les âmes les plus perverses, car il s'arrêta. «Votre mort! me dit-il; oh! non, vous êtes une trop charmante maîtresse pour que je consente à vous perdre ainsi, après avoir eu le bonheur de vous posséder une seule fois seulement. Adieu, ma toute belle! j'attendrai, pour revenir vous faire ma visite, que vous soyez dans de meilleures dispositions.» «À ces mots, il donna un coup de sifflet; le globe de flamme qui éclairait ma chambre remonta et disparut; je me retrouvai dans l'obscurité. Le même bruit d'une porte qui s'ouvre et se referme se reproduisit un instant après, le globe flamboyant descendit de nouveau, et je me retrouvai seule. «Ce moment fut affreux; si j'avais encore quelques doutes sur mon malheur, ces doutes s'étaient évanouis dans une désespérante réalité: j'étais au pouvoir d'un homme que non seulement je détestais, mais que je méprisais; d'un homme capable de tout, et qui m'avait déjà donné une preuve fatale de ce qu'il pouvait oser. -- Mais quel était donc cet homme? demanda Felton. -- Je passai la nuit sur une chaise, tressaillant au moindre bruit, car à minuit à peu près, la lampe s'était éteinte, et je m'étais retrouvée dans l'obscurité. Mais la nuit se passa sans nouvelle tentative de mon persécuteur; le jour vint: la table avait disparu; seulement, j'avais encore le couteau à la main. «Ce couteau c'était tout mon espoir. «J'étais écrasée de fatigue; l'insomnie brûlait mes yeux; je n'avais pas osé dormir un seul instant: le jour me rassura, j'allai me jeter sur mon lit sans quitter le couteau libérateur que je cachai sous mon oreiller. «Quand je me réveillai, une nouvelle table était servie. «Cette fois, malgré mes terreurs, en dépit de mes angoisses, une faim dévorante se faisait sentir; il y avait quarante-huit heures que je n'avais pris aucune nourriture: je mangeai du pain et quelques fruits; puis, me rappelant le narcotique mêlé à l'eau que j'avais bue, je ne touchai point à celle qui était sur la table, et j'allai remplir mon verre à une fontaine de marbre scellée dans le mur, au-dessus de ma toilette. «Cependant, malgré cette précaution, je ne demeurai pas moins quelque temps encore dans une affreuse angoisse; mais mes craintes, cette fois, n'étaient pas fondées: je passai la journée sans rien éprouver qui ressemblât à ce que je redoutais. «J'avais eu la précaution de vider à demi la carafe, pour qu'on ne s'aperçût point de ma défiance. «Le soir vint, et avec lui l'obscurité; cependant, si profonde qu'elle fût, mes yeux commençaient à s'y habituer; je vis, au milieu des ténèbres, la table s'enfoncer dans le plancher; un quart d'heure après, elle reparut portant mon souper; un instant après, grâce à la même lampe, ma chambre s'éclaira de nouveau. «J'étais résolue à ne manger que des objets auxquels il était impossible de mêler aucun somnifère: deux oeufs et quelques fruits composèrent mon repas; puis, j'allai puiser un verre d'eau à ma fontaine protectrice, et je le bus. «Aux premières gorgées, il me sembla qu'elle n'avait plus le même goût que le matin: un soupçon rapide me prit, je m'arrêtai; mais j'en avais déjà avalé un demi-verre. «Je jetai le reste avec horreur, et j'attendis, la sueur de l'épouvante au front. «Sans doute quelque invisible témoin m'avait vue prendre de l'eau à cette fontaine, et avait profité de ma confiance même pour mieux assurer ma perte si froidement résolue, si cruellement poursuivie. «Une demi-heure ne s'était pas écoulée, que les mêmes symptômes se produisirent; seulement, comme cette fois je n'avais bu qu'un demi-verre d'eau, je luttai plus longtemps, et, au lieu de m'endormir tout à fait, je tombai dans un état de somnolence qui me laissait le sentiment de ce qui se passait autour de moi, tout en m'ôtant la force ou de me défendre ou de fuir. «Je me traînai vers mon lit, pour y chercher la seule défense qui me restât, mon couteau sauveur; mais je ne pus arriver jusqu'au chevet: je tombai à genoux, les mains cramponnées à l'une des colonnes du pied; alors, je compris que j'étais perdue.» Felton pâlit affreusement, et un frisson convulsif courut par tout son corps. «Et ce qu'il y avait de plus affreux, continua Milady, la voix altérée comme si elle eût encore éprouvé la même angoisse qu'en ce moment terrible, c'est que, cette fois, j'avais la conscience du danger qui me menaçait; c'est que mon âme, je puis le dire, veillait dans mon corps endormi; c'est que je voyais, c'est que j'entendais: il est vrai que tout cela était comme dans un rêve; mais ce n'en était que plus effrayant. «Je vis la lampe qui remontait et qui peu à peu me laissait dans l'obscurité; puis j'entendis le cri si bien connu de cette porte, quoique cette porte ne se fût ouverte que deux fois. «Je sentis instinctivement qu'on s'approchait de moi: on dit que le malheureux perdu dans les déserts de l'Amérique sent ainsi l'approche du serpent. «Je voulais faire un effort, je tentai de crier; par une incroyable énergie de volonté je me relevai même, mais pour retomber aussitôt... et retomber dans les bras de mon persécuteur. -- Dites-moi donc quel était cet homme?» s'écria le jeune officier. Milady vit d'un seul regard tout ce qu'elle inspirait de souffrance à Felton, en pesant sur chaque détail de son récit; mais elle ne voulait lui faire grâce d'aucune torture. Plus profondément elle lui briserait le coeur, plus sûrement il la vengerait. Elle continua donc comme si elle n'eût point entendu son exclamation, ou comme si elle eût pensé que le moment n'était pas encore venu d'y répondre. «Seulement, cette fois, ce n'était plus à une espèce de cadavre inerte, sans aucun sentiment, que l'infâme avait affaire. Je vous l'ai dit: sans pouvoir parvenir à retrouver l'exercice complet de mes facultés, il me restait le sentiment de mon danger: je luttai donc de toutes mes forces et sans doute j'opposai, tout affaiblie que j'étais, une longue résistance, car je l'entendis s'écrier: «Ces misérables puritaines! je savais bien qu'elles lassaient leurs bourreaux, mais je les croyais moins fortes contre leurs séducteurs.« «Hélas! cette résistance désespérée ne pouvait durer longtemps, je sentis mes forces qui s'épuisaient, et cette fois ce ne fut pas de mon sommeil que le lâche profita, ce fut de mon évanouissement.» Felton écoutait sans faire entendre autre chose qu'une espèce de rugissement sourd; seulement la sueur ruisselait sur son front de marbre, et sa main cachée sous son habit déchirait sa poitrine. «Mon premier mouvement, en revenant à moi, fui de chercher sous mon oreiller ce couteau que je n'avais pu atteindre; s'il n'avait point servi à la défense, il pouvait au moins servir à l'expiation. «Mais en prenant ce couteau, Felton, une idée terrible me vint. J'ai juré de tout vous dire et je vous dirai tout; je vous ai promis la vérité, je la dirai, dût-elle me perdre. -- L'idée vous vint de vous venger de cet homme, n'est-ce pas? s'écria Felton. -- Eh bien, oui! dit Milady: cette idée n'était pas d'une chrétienne, je le sais; sans doute cet éternel ennemi de notre âme, ce lion rugissant sans cesse autour de nous la soufflait à mon esprit. Enfin, que vous dirai-je, Felton? continua Milady du ton d'une femme qui s'accuse d'un crime, cette idée me vint et ne me quitta plus sans doute. C'est de cette pensée homicide que je porte aujourd'hui la punition. -- Continuez, continuez, dit Felton, j'ai hâte de vous voir arriver à la vengeance. -- Oh! je résolus qu'elle aurait lieu le plus tôt possible, je ne doutais pas qu'il ne revînt la nuit suivante. Dans le jour je n'avais rien à craindre. «Aussi, quand vint l'heure du déjeuner, je n'hésitai pas à manger et à boire: j'étais résolue à faire semblant de souper, mais à ne rien prendre: je devais donc par la nourriture du matin combattre le jeûne du soir. «Seulement je cachai un verre d'eau soustraite à mon déjeuner, la soif ayant été ce qui m'avait le plus fait souffrir quand j'étais demeurée quarante-huit heures sans boire ni manger. «La journée s'écoula sans avoir d'autre influence sur moi que de m'affermir dans la résolution prise: seulement j'eus soin que mon visage ne trahît en rien la pensée de mon coeur, car je ne doutais pas que je ne fusse observée; plusieurs fois même je sentis un sourire sur mes lèvres. Felton, je n'ose pas vous dire à quelle idée je souriais, vous me prendriez en horreur... -- Continuez, continuez, dit Felton, vous voyez bien que j'écoute et que j'ai hâte d'arriver. -- Le soir vint, les événements ordinaires s'accomplirent; pendant l'obscurité, comme d'habitude, mon souper fut servi, puis la lampe s'alluma, et je me mis à table. «Je mangeai quelques fruits seulement: je fis semblant de me verser de l'eau de la carafe, mais je ne bus que celle que j'avais conservée dans mon verre, la substitution, au reste, fut faite assez adroitement pour que mes espions, si j'en avais, ne conçussent aucun soupçon. «Après le souper, je donnai les mêmes marques d'engourdissement que la veille; mais cette fois, comme si je succombais à la fatigue ou comme si je me familiarisais avec le danger, je me traînai vers mon lit, et je fis semblant de m'endormir. «Cette fois, j'avais retrouvé mon couteau sous l'oreiller, et tout en feignant de dormir, ma main serrait convulsivement la poignée. «Deux heures s'écoulèrent sans qu'il se passât rien de nouveau: cette fois, ô mon Dieu! qui m'eût dit cela la veille? je commençais à craindre qu'il ne vînt pas. «Enfin, je vis la lampe s'élever doucement et disparaître dans les profondeurs du plafond; ma chambre s'emplit de ténèbres, mais je fis un effort pour percer du regard l'obscurité. «Dix minutes à peu près se passèrent. Je n'entendais d'autre bruit que celui du battement de mon coeur. «J'implorais le Ciel pour qu'il vînt. «Enfin j'entendis le bruit si connu de la porte qui s'ouvrait et se refermait; j'entendis, malgré l'épaisseur du tapis, un pas qui faisait crier le parquet; je vis, malgré l'obscurité, une ombre qui approchait de mon lit. -- Hâtez-vous, hâtez-vous! dit Felton, ne voyez-vous pas que chacune de vos paroles me brûle comme du plomb fondu! -- Alors, continua Milady, alors je réunis toutes mes forces, je me rappelai que le moment de la vengeance ou plutôt de la justice avait sonné; je me regardai comme une autre Judith; je me ramassai sur moi-même, mon couteau à la main, et quand je le vis près de moi, étendant les bras pour chercher sa victime, alors, avec le dernier cri de la douleur et du désespoir, je le frappai au milieu de la poitrine. «Le misérable! il avait tout prévu: sa poitrine était couverte d'une cotte de mailles; le couteau s'émoussa. «Ah! ah! s'écria-t-il en me saisissant le bras et en m'arrachant l'arme qui m'avait si mal servie, vous en voulez à ma vie, ma belle puritaine! mais c'est plus que de la haine, cela, c'est de l'ingratitude! Allons, allons, calmez-vous, ma belle enfant! j'avais cru que vous étiez adoucie. Je ne suis pas de ces tyrans qui gardent les femmes de force: vous ne m'aimez pas, j'en doutais avec ma fatuité ordinaire; maintenant j'en suis convaincu. Demain, vous serez libre.» «Je n'avais qu'un désir, c'était qu'il me tuât. «Prenez garde! lui dis-je, car ma liberté c'est votre déshonneur. Oui, car, à peine sortie d'ici, je dirai tout, je dirai la violence dont vous avez usé envers moi, je dirai ma captivité. Je dénoncerai ce palais d'infamie; vous êtes bien haut placé, Milord, mais tremblez! Au-dessus de vous il y a le roi, au-dessus du roi il y a Dieu.» «Si maître qu'il parût de lui, mon persécuteur laissa échapper un mouvement de colère. Je ne pouvais voir l'expression de son visage, mais j'avais senti frémir son bras sur lequel était posée ma main. «-- Alors, vous ne sortirez pas d'ici, dit-il. «-- Bien, bien! m'écriai-je, alors le lieu de mon supplice sera aussi celui de mon tombeau. Bien! je mourrai ici et vous verrez si un fantôme qui accuse n'est pas plus terrible encore qu'un vivant qui menace! «-- On ne vous laissera aucune arme. «-- Il y en a une que le désespoir a mise à la portée de toute créature qui a le courage de s'en servir. Je me laisserai mourir de faim. «-- Voyons, dit le misérable, la paix ne vaut-elle pas mieux qu'une pareille guerre? Je vous rends la liberté à l'instant même, je vous proclame une vertu, je vous surnomme la Lucrèce de l'Angleterre. «-- Et moi je dis que vous en êtes le Sextus, moi je vous dénonce aux hommes comme je vous ai déjà dénoncé à Dieu; et s'il faut que, comme Lucrèce, je signe mon accusation de mon sang, je la signerai. «-- Ah! ah! dit mon ennemi d'un ton railleur, alors c'est autre chose. Ma foi, au bout du compte, vous êtes bien ici, rien ne vous manquera, et si vous vous laissez mourir de faim ce sera de votre faute.» «À ces mots, il se retira, j'entendis s'ouvrir et se refermer la porte, et je restai abîmée, moins encore, je l'avoue, dans ma douleur, que dans la honte de ne m'être pas vengée. «Il me tint parole. Toute la journée, toute la nuit du lendemain s'écoulèrent sans que je le revisse. Mais moi aussi je lui tins parole, et je ne mangeai ni ne bus; j'étais, comme je le lui avais dit, résolue à me laisser mourir de faim. «Je passai le jour et la nuit en prière, car j'espérais que Dieu me pardonnerait mon suicide. «La seconde nuit la porte s'ouvrit; j'étais couchée à terre sur le parquet, les forces commençaient à m'abandonner. «Au bruit je me relevai sur une main. «Eh bien, me dit une voix qui vibrait d'une façon trop terrible à mon oreille pour que je ne la reconnusse pas, eh bien! sommes-nous un peu adoucie et paierons nous notre liberté d'une seule promesse de silence? «Tenez, moi, je suis bon prince, ajouta-t-il, et, quoique je n'aime pas les puritains, je leur rends justice, ainsi qu'aux puritaines, quand elles sont jolies. Allons, faites-moi un petit serment sur la croix, je ne vous en demande pas davantage. «-- Sur la croix! m'écriai-je en me relevant, car à cette voix abhorrée j'avais retrouvé toutes mes forces; sur la croix! je jure que nulle promesse, nulle menace, nulle torture ne me fermera la bouche; sur la croix! je jure de vous dénoncer partout comme un meurtrier, comme un larron d'honneur, comme un lâche; sur la croix! je jure, si jamais je parviens à sortir d'ici, de demander vengeance contre vous au genre humain entier. «-- Prenez garde! dit la voix avec un accent de menace que je n'avais pas encore entendu, j'ai un moyen suprême, que je n'emploierai qu'à la dernière extrémité, de vous fermer la bouche ou du moins d'empêcher qu'on ne croie à un seul mot de ce que vous direz.» «Je rassemblai toutes mes forces pour répondre par un éclat de rire. «Il vit que c'était entre nous désormais une guerre éternelle, une guerre à mort. «Écoutez, dit-il, je vous donne encore le reste de cette nuit et la journée de demain; réfléchissez: promettez de vous taire, la richesse, la considération, les honneurs mêmes vous entoureront; menacez de parler, et je vous condamne à l'infamie. «-- Vous! m'écriai-je, vous! «-- À l'infamie éternelle, ineffaçable! «-- Vous!» répétai-je. Oh! je vous le dis, Felton, je le croyais insensé! «Oui, moi! reprit-il. «-- Ah! laissez-moi, lui dis-je, sortez, si vous ne voulez pas qu'à vos yeux je me brise la tête contre la muraille! «-- C'est bien, reprit-il, vous le voulez, à demain soir! «-- À demain soir, répondis-je en me laissant tomber et en mordant le tapis de rage...» Felton s'appuyait sur un meuble, et Milady voyait avec une joie de démon que la force lui manquerait peut-être avant la fin du récit. CHAPITRE LVII UN MOYEN DE TRAGÉDIE CLASSIQUE Après un moment de silence employé par Milady à observer le jeune homme qui l'écoutait, elle continua son récit: «Il y avait près de trois jours que je n'avais ni bu ni mangé, je souffrais des tortures atroces: parfois il me passait comme des nuages qui me serraient le front, qui me voilaient les yeux: c'était le délire. «Le soir vint; j'étais si faible, qu'à chaque instant je m'évanouissais et à chaque fois que je m'évanouissais je remerciais Dieu, car je croyais que j'allais mourir. «Au milieu de l'un de ces évanouissements, j'entendis la porte s'ouvrir; la terreur me rappela à moi. «Mon persécuteur entra suivi d'un homme masqué, il était masqué lui-même; mais je reconnus son pas, je reconnus cet air imposant que l'enfer a donné à sa personne pour le malheur de l'humanité. «Eh bien, me dit-il, êtes-vous décidée à me faire le serment que je vous ai demandé? «Vous l'avez dit, les puritains n'ont qu'une parole: la mienne, vous l'avez entendue, c'est de vous poursuivre sur la terre au tribunal des hommes, dans le ciel au tribunal de Dieu! «Ainsi, vous persistez? «Je le jure devant ce Dieu qui m'entend: je prendrai le monde entier à témoin de votre crime, et cela jusqu'à ce que j'aie trouvé un vengeur. «Vous êtes une prostituée, dit-il d'une voix tonnante, et vous subirez le supplice des prostituées! Flétrie aux yeux du monde que vous invoquerez, tâchez de prouver à ce monde que vous n'êtes ni coupable ni folle!» «Puis s'adressant à l'homme qui l'accompagnait: «Bourreau, dit-il, fais ton devoir.» -- Oh! son nom, son nom! s'écria Felton; son nom, dites-le-moi! -- Alors, malgré mes cris, malgré ma résistance, car je commençais à comprendre qu'il s'agissait pour moi de quelque chose de pire que la mort, le bourreau me saisit, me renversa sur le parquet, me meurtrit de ses étreintes, et suffoquée par les sanglots, presque sans connaissance invoquant Dieu, qui ne m'écoutait pas, je poussai tout à coup un effroyable cri de douleur et de honte; un fer brûlant, un fer rouge, le fer du bourreau, s'était imprimé sur mon épaule.» Felton poussa un rugissement. «Tenez, dit Milady, en se levant alors avec une majesté de reine, -- tenez, Felton, voyez comment on a inventé un nouveau martyre pour la jeune fille pure et cependant victime de la brutalité d'un scélérat. Apprenez à connaître le coeur des hommes, et désormais faites-vous moins facilement l'instrument de leurs injustes vengeances.» Milady d'un geste rapide ouvrit sa robe, déchira la batiste qui couvrait son sein, et, rouge d'une feinte colère et d'une honte jouée, montra au jeune homme l'empreinte ineffaçable qui déshonorait cette épaule si belle. «Mais, s'écria Felton, c'est une fleur de lis que je vois là! -- Et voilà justement où est l'infamie, répondit Milady. La flétrissure d'Angleterre!... il fallait prouver quel tribunal me l'avait imposée, et j'aurais fait un appel public à tous les tribunaux du royaume; mais la flétrissure de France... oh! par elle, j'étais bien réellement flétrie.» C'en était trop pour Felton. Pâle, immobile, écrasé par cette révélation effroyable, ébloui par la beauté surhumaine de cette femme qui se dévoilait à lui avec une impudeur qu'il trouva sublime, il finit par tomber à genoux devant elle comme faisaient les premiers chrétiens devant ces pures et saintes martyres que la persécution des empereurs livrait dans le cirque à la sanguinaire lubricité des populaces. La flétrissure disparut, la beauté seule resta. «Pardon, pardon! s'écria Felton, oh! pardon!» Milady lut dans ses yeux: Amour, amour. «Pardon de quoi? demanda-t-elle. -- Pardon de m'être joint à vos persécuteurs.» Milady lui tendit la main. «Si belle, si jeune!» s'écria Felton en couvrant cette main de baisers. Milady laissa tomber sur lui un de ces regards qui d'un esclave font un roi. Felton était puritain: il quitta la main de cette femme pour baiser ses pieds. Il ne l'aimait déjà plus, il l'adorait. Quand cette crise fut passée, quand Milady parut avoir recouvré son sang-froid, qu'elle n'avait jamais perdu; lorsque Felton eut vu se refermer sous le voile de la chasteté ces trésors d'amour qu'on ne lui cachait si bien que pour les lui faire désirer plus ardemment: «Ah! maintenant, dit-il, je n'ai plus qu'une chose à vous demander, c'est le nom de votre véritable bourreau; car pour moi il n'y en a qu'un; l'autre était l'instrument, voilà tout. -- Eh quoi, frère! s'écria Milady, il faut encore que je te le nomme, et tu ne l'as pas deviné? -- Quoi! reprit Felton, lui!... encore lui!... toujours lui!... Quoi! le vrai coupable... -- Le vrai coupable, dit Milady, c'est le ravageur de l'Angleterre, le persécuteur des vrais croyants, le lâche ravisseur de l'honneur de tant de femmes, celui qui pour un caprice de son coeur corrompu va faire verser tant de sang à deux royaumes, qui protège les protestants aujourd'hui et qui les trahira demain... -- Buckingham! c'est donc Buckingham!» s'écria Felton exaspéré. Milady cacha son visage dans ses mains, comme si elle n'eût pu supporter la honte que lui rappelait ce nom. «Buckingham, le bourreau de cette angélique créature! s'écria Felton. Et tu ne l'as pas foudroyé, mon Dieu! et tu l'as laissé noble, honoré, puissant pour notre perte à tous! -- Dieu abandonne qui s'abandonne lui-même, dit Milady. -- Mais il veut donc attirer sur sa tête le châtiment réservé aux maudits! continua Felton avec une exaltation croissante, il veut donc que la vengeance humaine prévienne la justice céleste! -- Les hommes le craignent et l'épargnent. -- Oh! moi, dit Felton, je ne le crains pas et je ne l'épargnerai pas!...» Milady sentit son âme baignée d'une joie infernale. «Mais comment Lord de Winter, mon protecteur, mon père, demanda Felton, se trouve-t-il mêlé à tout cela? -- Écoutez, Felton, reprit Milady, car à côté des hommes lâches et méprisables, il est encore des natures grandes et généreuses. J'avais un fiancé, un homme que j'aimais et qui m'aimait; un coeur comme le vôtre, Felton, un homme comme vous. Je vins à lui et je lui racontai tout, il me connaissait, celui-là, et ne douta point un instant. C'était un grand seigneur, c'était un homme en tout point l'égal de Buckingham. Il ne dit rien, il ceignit seulement son épée, s'enveloppa de son manteau et se rendit à Buckingham Palace. -- Oui, oui, dit Felton, je comprends; quoique avec de pareils hommes ce ne soit pas l'épée qu'il faille employer, mais le poignard. -- Buckingham était parti depuis la veille, envoyé comme ambassadeur en Espagne, où il allait demander la main de l'infante pour le roi Charles Ier, qui n'était alors que prince de Galles. Mon fiancé revint. «Écoutez, me dit-il, cet homme est parti, et pour le moment, par conséquent, il échappe à ma vengeance; mais en attendant soyons unis, comme nous devions l'être, puis rapportez-vous-en à Lord de Winter pour soutenir son honneur et celui de sa femme.» -- Lord de Winter! s'écria Felton. -- Oui, dit Milady, Lord de Winter, et maintenant vous devez tout comprendre, n'est-ce pas? Buckingham resta plus d'un an absent. Huit jours avant son arrivée, Lord de Winter mourut subitement, me laissant sa seule héritière. D'où venait le coup? Dieu, qui sait tout, le sait sans doute, moi je n'accuse personne... -- Oh! quel abîme, quel abîme! s'écria Felton. -- Lord de Winter était mort sans rien dire à son frère. Le secret terrible devait être caché à tous, jusqu'à ce qu'il éclatât comme la foudre sur la tête du coupable. Votre protecteur avait vu avec peine ce mariage de son frère aîné avec une jeune fille sans fortune. Je sentis que je ne pouvais attendre d'un homme trompé dans ses espérances d'héritage aucun appui. Je passai en France résolue à y demeurer pendant tout le reste de ma vie. Mais toute ma fortune est en Angleterre; les communications fermées par la guerre, tout me manqua: force fut alors d'y revenir; il y a six jours j'abordais à Portsmouth. -- Eh bien? dit Felton. -- Eh bien, Buckingham apprit sans doute mon retour, il en parla à Lord de Winter, déjà prévenu contre moi, et lui dit que sa belle- soeur était une prostituée, une femme flétrie. La voix pure et noble de mon mari n'était plus là pour me défendre. Lord de Winter crut tout ce qu'on lui dit, avec d'autant plus de facilité qu'il avait intérêt à le croire. Il me fit arrêter, me conduisit ici, me remit sous votre garde. Vous savez le reste: après-demain il me bannit, il me déporte; après-demain il me relègue parmi les infâmes. Oh! la trame est bien ourdie, allez! le complot est habile et mon honneur n'y survivra pas. Vous voyez bien qu'il faut que je meure, Felton; Felton, donnez-moi ce couteau!» Et à ces mots, comme si toutes ses forces étaient épuisées, Milady se laissa aller débile et languissante entre les bras du jeune officier, qui, ivre d'amour, de colère et de voluptés inconnues, la reçut avec transport, la serra contre son coeur, tout frissonnant à l'haleine de cette bouche si belle, tout éperdu au contact de ce sein si palpitant. «Non, non, dit-il; non, tu vivras honorée et pure, tu vivras pour triompher de tes ennemis.» Milady le repoussa lentement de la main en l'attirant du regard; mais Felton, à son tour, s'empara d'elle, l'implorant comme une Divinité. «Oh! la mort, la mort! dit-elle en voilant sa voix et ses paupières, oh! la mort plutôt que la honte; Felton, mon frère, mon ami, je t'en conjure! -- Non, s'écria Felton, non, tu vivras, et tu seras vengée! -- Felton, je porte malheur à tout ce qui m'entoure! Felton, abandonne-moi! Felton, laisse-moi mourir! -- Eh bien, nous mourrons donc ensemble!» s'écria-t-il en appuyant ses lèvres sur celles de la prisonnière. Plusieurs coups retentirent à la porte; cette fois, Milady le repoussa réellement. «Écoutez, dit-elle, on nous a entendus, on vient! c'en est fait, nous sommes perdus! -- Non, dit Felton, c'est la sentinelle qui me prévient seulement qu'une ronde arrive. -- Alors, courez à la porte et ouvrez vous-même.» Felton obéit; cette femme était déjà toute sa pensée, toute son âme. Il se trouva en face d'un sergent commandant une patrouille de surveillance. «Eh bien, qu'y a-t-il? demanda le jeune lieutenant. -- Vous m'aviez dit d'ouvrir la porte si j'entendais crier au secours, dit le soldat, mais vous aviez oublié de me laisser la clef; je vous ai entendu crier sans comprendre ce que vous disiez, j'ai voulu ouvrir la porte, elle était fermée en dedans, alors j'ai appelé le sergent. -- Et me voilà», dit le sergent. Felton, égaré, presque fou, demeurait sans voix. Milady comprit que c'était à elle de s'emparer de la situation, elle courut à la table et prit le couteau qu'y avait déposé Felton: «Et de quel droit voulez-vous m'empêcher de mourir? dit-elle. -- Grand Dieu!» s'écria Felton en voyant le couteau luire à sa main. En ce moment, un éclat de rire ironique retentit dans le corridor. Le baron, attiré par le bruit, en robe de chambre, son épée sous le bras, se tenait debout sur le seuil de la porte. «Ah! ah! dit-il, nous voici au dernier acte de la tragédie; vous le voyez, Felton, le drame a suivi toutes les phases que j'avais indiquées; mais soyez tranquille, le sang ne coulera pas.» Milady comprit qu'elle était perdue si elle ne donnait pas à Felton une preuve immédiate et terrible de son courage. «Vous vous trompez, Milord, le sang coulera, et puisse ce sang retomber sur ceux qui le font couler!» Felton jeta un cri et se précipita vers elle; il était trop tard: Milady s'était frappée. Mais le couteau avait rencontré, heureusement, nous devrions dire adroitement, le busc de fer qui, à cette époque, défendait comme une cuirasse la poitrine des femmes; il avait glissé en déchirant la robe, et avait pénétré de biais entre la chair et les côtes. La robe de Milady n'en fut pas moins tachée de sang en une seconde. Milady était tombée à la renverse et semblait évanouie. Felton arracha le couteau. «Voyez, Milord, dit-il d'un air sombre, voici une femme qui était sous ma garde et qui s'est tuée! -- Soyez tranquille, Felton, dit Lord de Winter, elle n'est pas morte, les démons ne meurent pas si facilement, soyez tranquille et allez m'attendre chez moi. -- Mais, Milord... -- Allez, je vous l'ordonne.» À cette injonction de son supérieur, Felton obéit; mais, en sortant, il mit le couteau dans sa poitrine. Quant à Lord de Winter, il se contenta d'appeler la femme qui servait Milady et, lorsqu'elle fut venue, lui recommandant la prisonnière toujours évanouie, il la laissa seule avec elle. Cependant, comme à tout prendre, malgré ses soupçons, la blessure pouvait être grave, il envoya, à l'instant même, un homme à cheval chercher un médecin. CHAPITRE LVIII ÉVASION Comme l'avait pensé Lord de Winter, la blessure de Milady n'était pas dangereuse; aussi dès qu'elle se trouva seule avec la femme que le baron avait fait appeler et qui se hâtait de la déshabiller, rouvrit-elle les yeux. Cependant, il fallait jouer la faiblesse et la douleur; ce n'étaient pas choses difficiles pour une comédienne comme Milady; aussi la pauvre femme fut-elle si complètement dupe de sa prisonnière, que, malgré ses instances, elle s'obstina à la veiller toute la nuit. Mais la présence de cette femme n'empêchait pas Milady de songer. Il n'y avait plus de doute, Felton était convaincu, Felton était à elle: un ange apparût-il au jeune homme pour accuser Milady, il le prendrait certainement, dans la disposition d'esprit où il se trouvait, pour un envoyé du démon. Milady souriait à cette pensée, car Felton, c'était désormais sa seule espérance, son seul moyen de salut. Mais Lord de Winter pouvait l'avoir soupçonné, mais Felton maintenant pouvait être surveillé lui-même. Vers les quatre heures du matin, le médecin arriva; mais depuis le temps où Milady s'était frappée, la blessure s'était déjà refermée: le médecin ne put donc en mesurer ni la direction, ni la profondeur; il reconnut seulement au pouls de la malade que le cas n'était point grave. Le matin, Milady, sous prétexte qu'elle n'avait pas dormi de la nuit et qu'elle avait besoin de repos, renvoya la femme qui veillait près d'elle. Elle avait une espérance, c'est que Felton arriverait à l'heure du déjeuner, mais Felton ne vint pas. Ses craintes s'étaient-elles réalisées? Felton, soupçonné par le baron, allait-il lui manquer au moment décisif? Elle n'avait plus qu'un jour: Lord de Winter lui avait annoncé son embarquement pour le 23 et l'on était arrivé au matin du 22. Néanmoins, elle attendit encore assez patiemment jusqu'à l'heure du dîner. Quoiqu'elle n'eût pas mangé le matin, le dîner fut apporté à l'heure habituelle; Milady s'aperçut alors avec effroi que l'uniforme des soldats qui la gardaient était changé. Alors elle se hasarda à demander ce qu'était devenu Felton. On lui répondit que Felton était monté à cheval il y avait une heure, et était parti. Elle s'informa si le baron était toujours au château; le soldat répondit que oui, et qu'il avait ordre de le prévenir si la prisonnière désirait lui parler. Milady répondit qu'elle était trop faible pour le moment, et que son seul désir était de demeurer seule. Le soldat sortit, laissant le dîner servi. Felton était écarté, les soldats de marine étaient changés, on se défiait donc de Felton. C'était le dernier coup porté à la prisonnière. Restée seule, elle se leva; ce lit où elle se tenait par prudence et pour qu'on la crût gravement blessée, la brûlait comme un brasier ardent. Elle jeta un coup d'oeil sur la porte: le baron avait fait clouer une planche sur le guichet; il craignait sans doute que, par cette ouverture, elle ne parvint encore, par quelque moyen diabolique, à séduire les gardes. Milady sourit de joie; elle pouvait donc se livrer à ses transports sans être observée: elle parcourait la chambre avec l'exaltation d'une folle furieuse ou d'une tigresse enfermée dans une cage de fer. Certes, si le couteau lui fût resté, elle eût songé, non plus à se tuer elle-même, mais, cette fois, à tuer le baron. À six heures, Lord de Winter entra; il était armé jusqu'aux dents. Cet homme, dans lequel, jusque-là, Milady n'avait vu qu'un gentleman assez niais, était devenu un admirable geôlier: il semblait tout prévoir, tout deviner, tout prévenir. Un seul regard jeté sur Milady lui apprit ce qui se passait dans son âme. «Soit, dit-il, mais vous ne me tuerez point encore aujourd'hui; vous n'avez plus d'armes, et d'ailleurs je suis sur mes gardes. Vous aviez commencé à pervertir mon pauvre Felton: il subissait déjà votre infernale influence, mais je veux le sauver, il ne vous verra plus, tout est fini. Rassemblez vos hardes, demain vous partirez. J'avais fixé l'embarquement au 24, mais j'ai pensé que plus la chose serait rapprochée, plus elle serait sûre. Demain à midi j'aurai l'ordre de votre exil, signé Buckingham. Si vous dites un seul mot à qui que ce soit avant d'être sur le navire, mon sergent vous fera sauter la cervelle, et il en a l'ordre; si, sur le navire, vous dites un mot à qui que ce soit avant que le capitaine vous le permette, le capitaine vous fait jeter à la mer, c'est convenu. Au revoir, voilà ce que pour aujourd'hui j'avais à vous dire. Demain je vous reverrai pour vous faire mes adieux!» Et sur ces paroles le baron sortit. Milady avait écouté toute cette menaçante tirade le sourire du dédain sur les lèvres, mais la rage dans le coeur. On servit le souper; Milady sentit qu'elle avait besoin de forces, elle ne savait pas ce qui pouvait se passer pendant cette nuit qui s'approchait menaçante, car de gros nuages roulaient au ciel, et des éclairs lointains annonçaient un orage. L'orage éclata vers les dix heures du soir: Milady sentait une consolation à voir la nature partager le désordre de son coeur; la foudre grondait dans l'air comme la colère dans sa pensée, il lui semblait que la rafale, en passant, échevelait son front comme les arbres dont elle courbait les branches et enlevait les feuilles; elle hurlait comme l'ouragan, et sa voix se perdait dans la grande voix de la nature, qui, elle aussi, semblait gémir et se désespérer. Tout à coup elle entendit frapper à une vitre, et, à la lueur d'un éclair, elle vit le visage d'un homme apparaître derrière les barreaux. Elle courut à la fenêtre et l'ouvrit. «Felton! s'écria-t-elle, je suis sauvée! -- Oui, dit Felton! mais silence, silence! il me faut le temps de scier vos barreaux. Prenez garde seulement qu'ils ne vous voient par le guichet. -- Oh! c'est une preuve que le Seigneur est pour nous, Felton, reprit Milady, ils ont fermé le guichet avec une planche. -- C'est bien, Dieu les a rendus insensés! dit Felton. -- Mais que faut-il que je fasse? demanda Milady. -- Rien, rien; refermez la fenêtre seulement. Couchez-vous, ou, du moins, mettez-vous dans votre lit tout habillée; quand j'aurai fini, je frapperai aux carreaux. Mais pourrez-vous me suivre? -- Oh! oui. -- Votre blessure? -- Me fait souffrir, mais ne m'empêche pas de marcher. -- Tenez-vous donc prête au premier signal.» Milady referma la fenêtre, éteignit la lampe, et alla, comme le lui avait recommandé Felton, se blottir dans son lit. Au milieu des plaintes de l'orage, elle entendait le grincement de la lime contre les barreaux, et, à la lueur de chaque éclair, elle apercevait l'ombre de Felton derrière les vitres. Elle passa une heure sans respirer, haletante, la sueur sur le front, et le coeur serré par une épouvantable angoisse à chaque mouvement qu'elle entendait dans le corridor. Il y a des heures qui durent une année. Au bout d'une heure, Felton frappa de nouveau. Milady bondit hors de son lit et alla ouvrir. Deux barreaux de moins formaient une ouverture à passer un homme. «Êtes-vous prête? demanda Felton. -- Oui. Faut-il que j'emporte quelque chose? -- De l'or, si vous en avez. -- Oui, heureusement on m'a laissé ce que j'en avais. -- Tant mieux, car j'ai usé tout le mien pour fréter une barque. -- Prenez», dit Milady en mettant aux mains de Felton un sac plein d'or. Felton prit le sac et le jeta au pied du mur. «Maintenant, dit-il, voulez-vous venir? -- Me voici.» Milady monta sur un fauteuil et passa tout le haut de son corps par la fenêtre: elle vit le jeune officier suspendu au-dessus de l'abîme par une échelle de corde. Pour la première fois, un mouvement de terreur lui rappela qu'elle était femme. Le vide l'épouvantait. «Je m'en étais douté, dit Felton. -- Ce n'est rien, ce n'est rien, dit Milady, je descendrai les yeux fermés. -- Avez-vous confiance en moi? dit Felton. -- Vous le demandez? -- Rapprochez vos deux mains; croisez-les, c'est bien.» Felton lui lia les deux poignets avec son mouchoir, puis par- dessus le mouchoir, avec une corde. «Que faites-vous? demanda Milady avec surprise. -- Passez vos bras autour de mon cou et ne craignez rien. -- Mais je vous ferai perdre l'équilibre, et nous nous briserons tous les deux. -- Soyez tranquille, je suis marin.» Il n'y avait pas une seconde à perdre; Milady passa ses deux bras autour du cou de Felton et se laissa glisser hors de la fenêtre. Felton se mit à descendre les échelons lentement et un à un. Malgré la pesanteur des deux corps, le souffle de l'ouragan les balançait dans l'air. Tout à coup Felton s'arrêta. «Qu'y a-t-il? demanda Milady. -- Silence, dit Felton, j'entends des pas. -- Nous sommes découverts!» Il se fit un silence de quelques instants. «Non, dit Felton, ce n'est rien. -- Mais enfin quel est ce bruit? -- Celui de la patrouille qui va passer sur le chemin de ronde. -- Où est le chemin de ronde? -- Juste au-dessous de nous. -- Elle va nous découvrir. -- Non, s'il ne fait pas d'éclairs. -- Elle heurtera le bas de l'échelle. -- Heureusement elle est trop courte de six pieds. -- Les voilà, mon Dieu! -- Silence!» Tous deux restèrent suspendus, immobiles et sans souffle, à vingt pieds du sol; pendant ce temps les soldats passaient au-dessous riant et causant. Il y eut pour les fugitifs un moment terrible. La patrouille passa; on entendit le bruit des pas qui s'éloignait, et le murmure des voix qui allait s'affaiblissant. «Maintenant, dit Felton, nous sommes sauvés.» Milady poussa un soupir et s'évanouit. Felton continua de descendre. Parvenu au bas de l'échelle, et lorsqu'il ne sentit plus d'appui pour ses pieds, il se cramponna avec ses mains; enfin, arrivé au dernier échelon il se laissa pendre à la force des poignets et toucha la terre. Il se baissa, ramassa le sac d'or et le prit entre ses dents. Puis il souleva Milady dans ses bras, et s'éloigna vivement du côté opposé à celui qu'avait pris la patrouille. Bientôt il quitta le chemin de ronde, descendit à travers les rochers, et, arrivé au bord de la mer, fit entendre un coup de sifflet. Un signal pareil lui répondit, et, cinq minutes après, il vit apparaître une barque montée par quatre hommes. La barque s'approcha aussi près qu'elle put du rivage, mais il n'y avait pas assez de fond pour qu'elle pût toucher le bord; Felton se mit à l'eau jusqu'à la ceinture, ne voulant confier à personne son précieux fardeau. Heureusement la tempête commençait à se calmer, et cependant la mer était encore violente; la petite barque bondissait sur les vagues comme une coquille de noix. «Au sloop, dit Felton, et nagez vivement.» Les quatre hommes se mirent à la rame; mais la mer était trop grosse pour que les avirons eussent grande prise dessus. Toutefois on s'éloignait du château; c'était le principal. La nuit était profondément ténébreuse, et il était déjà presque impossible de distinguer le rivage de la barque, à plus forte raison n'eût-on pas pu distinguer la barque du rivage. Un point noir se balançait sur la mer. C'était le sloop. Pendant que la barque s'avançait de son côté de toute la force de ses quatre rameurs, Felton déliait la corde, puis le mouchoir qui liait les mains de Milady. Puis, lorsque ses mains furent déliées, il prit de l'eau de la mer et la lui jeta au visage. Milady poussa un soupir et ouvrit les yeux. «Où suis-je? dit-elle. -- Sauvée, répondit le jeune officier. -- Oh! sauvée! sauvée! s'écria-t-elle. Oui, voici le ciel, voici la mer! Cet air que je respire, c'est celui de la liberté. Ah!... merci, Felton, merci!» Le jeune homme la pressa contre son coeur. «Mais qu'ai-je donc aux mains? demanda Milady; il me semble qu'on m'a brisé les poignets dans un étau.» En effet, Milady souleva ses bras: elle avait les poignets meurtris. «Hélas! dit Felton en regardant ces belles mains et en secouant doucement la tête. -- Oh! ce n'est rien, ce n'est rien! s'écria Milady: maintenant je me rappelle!» Milady chercha des yeux autour d'elle. «Il est là», dit Felton en poussant du pied le sac d'or. On s'approchait du sloop. Le marin de quart héla la barque, la barque répondit. «Quel est ce bâtiment? demanda Milady. -- Celui que j'ai frété pour vous. -- Où va-t-il me conduire? -- Où vous voudrez, pourvu que, moi, vous me jetiez à Portsmouth. -- Qu'allez-vous faire à Portsmouth? demanda Milady. -- Accomplir les ordres de Lord de Winter, dit Felton avec un sombre sourire. -- Quels ordres? demanda Milady. -- Vous ne comprenez donc pas? dit Felton. -- Non; expliquez-vous, je vous en prie. -- Comme il se défiait de moi, il a voulu vous garder lui-même, et m'a envoyé à sa place faire signer à Buckingham l'ordre de votre déportation. -- Mais s'il se défiait de vous, comment vous a-t-il confié cet ordre? -- Étais-je censé savoir ce que je portais? -- C'est juste. Et vous allez à Portsmouth? -- Je n'ai pas de temps à perdre: c'est demain le 23, et Buckingham part demain avec la flotte. -- Il part demain, pour où part-il? -- Pour La Rochelle. -- Il ne faut pas qu'il parte! s'écria Milady, oubliant sa présence d'esprit accoutumée. -- Soyez tranquille, répondit Felton, il ne partira pas.» Milady tressaillit de joie; elle venait de lire au plus profond du coeur du jeune homme: la mort de Buckingham y était écrite en toutes lettres. «Felton..., dit-elle, vous êtes grand comme Judas Macchabée! Si vous mourez, je meurs avec vous: voilà tout ce que je puis vous dire. -- Silence! dit Felton, nous sommes arrivés.» En effet, on touchait au sloop. Felton monta le premier à l'échelle et donna la main à Milady, tandis que les matelots la soutenaient, car la mer était encore fort agitée. Un instant après ils étaient sur le pont. «Capitaine, dit Felton, voici la personne dont je vous ai parlé, et qu'il faut conduire saine et sauve en France. -- Moyennant mille pistoles, dit le capitaine. -- Je vous en ai donné cinq cents. -- C'est juste, dit le capitaine. -- Et voilà les cinq cents autres, reprit Milady, en portant la main au sac d'or. -- Non, dit le capitaine, je n'ai qu'une parole, et je l'ai donnée à ce jeune homme; les cinq cents autres pistoles ne me sont dues qu'en arrivant à Boulogne. -- Et nous y arriverons? -- Sains et saufs, dit le capitaine, aussi vrai que je m'appelle Jack Buttler. -- Eh bien, dit Milady, si vous tenez votre parole, ce n'est pas cinq cents, mais mille pistoles que je vous donnerai. -- Hurrah pour vous alors, ma belle dame, cria le capitaine, et puisse Dieu m'envoyer souvent des pratiques comme Votre Seigneurie! -- En attendant, dit Felton, conduisez-nous dans la petite baie de Chichester, en avant de Portsmouth; vous savez qu'il est convenu que vous nous conduirez là.» Le capitaine répondit en commandant la manoeuvre nécessaire, et vers les sept heures du matin le petit bâtiment jetait l'ancre dans la baie désignée. Pendant cette traversée, Felton avait tout raconté à Milady: comment, au lieu d'aller à Londres, il avait frété le petit bâtiment, comment il était revenu, comment il avait escaladé la muraille en plaçant dans les interstices des pierres, à mesure qu'il montait, des crampons, pour assurer ses pieds, et comment enfin, arrivé aux barreaux, il avait attaché l'échelle, Milady savait le reste. De son côté, Milady essaya d'encourager Felton dans son projet, mais aux premiers mots qui sortirent de sa bouche, elle vit bien que le jeune fanatique avait plutôt besoin d'être modéré que d'être affermi. Il fut convenu que Milady attendrait Felton jusqu'à dix heures; si à dix heures il n'était pas de retour, elle partirait. Alors, en supposant qu'il fût libre, il la rejoindrait en France, au couvent des Carmélites de Béthune. CHAPITRE LIX CE QUI SE PASSAIT À PORTSMOUTH LE 23 AOÛT 1628 Felton prit congé de Milady comme un frère qui va faire une simple promenade prend congé de sa soeur en lui baisant la main. Toute sa personne paraissait dans son état de calme ordinaire: seulement une lueur inaccoutumée brillait dans ses yeux, pareille à un reflet de fièvre; son front était plus pâle encore que de coutume; ses dents étaient serrées, et sa parole avait un accent bref et saccadé qui indiquait que quelque chose de sombre s'agitait en lui. Tant qu'il resta sur la barque qui le conduisait à terre, il demeura le visage tourné du côté de Milady, qui, debout sur le pont, le suivait des yeux. Tous deux étaient assez rassurés sur la crainte d'être poursuivis: on n'entrait jamais dans la chambre de Milady avant neuf heures; et il fallait trois heures pour venir du château à Londres. Felton mit pied à terre, gravit la petite crête qui conduisait au haut de la falaise, salua Milady une dernière fois, et prit sa course vers la ville. Au bout de cent pas, comme le terrain allait en descendant, il ne pouvait plus voir que le mât du sloop. Il courut aussitôt dans la direction de Portsmouth, dont il voyait en face de lui, à un demi-mille à peu près, se dessiner dans la brume du matin les tours et les maisons. Au-delà de Portsmouth, la mer était couverte de vaisseaux dont on voyait les mâts, pareils à une forêt de peupliers dépouillés par l'hiver, se balancer sous le souffle du vent. Felton, dans sa marche rapide, repassait ce que dix années de méditations ascétiques et un long séjour au milieu des puritains lui avaient fourni d'accusations vraies ou fausses contre le favori de Jacques VI et de Charles Ier. Lorsqu'il comparait les crimes publics de ce ministre, crimes éclatants, crimes européens, si on pouvait le dire, avec les crimes privés et inconnus dont l'avait chargé Milady, Felton trouvait que le plus coupable des deux hommes que renfermait Buckingham était celui dont le public ne connaissait pas la vie. C'est que son amour si étrange, si nouveau, si ardent, lui faisait voir les accusations infâmes et imaginaires de Lady de Winter, comme on voit au travers d'un verre grossissant, à l'état de monstres effroyables, des atomes imperceptibles en réalité auprès d'une fourmi. La rapidité de sa course allumait encore son sang: l'idée qu'il laissait derrière lui, exposée à une vengeance effroyable, la femme qu'il aimait ou plutôt qu'il adorait comme une sainte, l'émotion passée, sa fatigue présente, tout exaltait encore son âme au-dessus des sentiments humains. Il entra à Portsmouth vers les huit heures du matin; toute la population était sur pied; le tambour battait dans les rues et sur le port; les troupes d'embarquement descendaient vers la mer. Felton arriva au palais de l'Amirauté, couvert de poussière et ruisselant de sueur; son visage, ordinairement si pâle, était pourpre de chaleur et de colère. La sentinelle voulut le repousser; mais Felton appela le chef du poste, et tirant de sa poche la lettre dont il était porteur: «Message pressé de la part de Lord de Winter», dit-il. Au nom de Lord de Winter, qu'on savait l'un des plus intimes de Sa Grâce, le chef de poste donna l'ordre de laisser passer Felton, qui, du reste, portait lui-même l'uniforme d'officier de marine. Felton s'élança dans le palais. Au moment où il entrait dans le vestibule un homme entrait aussi, poudreux, hors d'haleine, laissant à la porte un cheval de poste qui en arrivant tomba sur les deux genoux. Felton et lui s'adressèrent en même temps à Patrick, le valet de chambre de confiance du duc. Felton nomma le baron de Winter, l'inconnu ne voulut nommer personne, et prétendit que c'était au duc seul qu'il pouvait se faire connaître. Tous deux insistaient pour passer l'un avant l'autre. Patrick, qui savait que Lord de Winter était en affaires de service et en relations d'amitié avec le duc, donna la préférence à celui qui venait en son nom. L'autre fut forcé d'attendre, et il fut facile de voir combien il maudissait ce retard. Le valet de chambre fit traverser à Felton une grande salle dans laquelle attendaient les députés de La Rochelle conduits par le prince de Soubise, et l'introduisit dans un cabinet où Buckingham, sortant du bain, achevait sa toilette, à laquelle, cette fois comme toujours, il accordait une attention extraordinaire. «Le lieutenant Felton, dit Patrick, de la part de Lord de Winter. -- De la part de Lord de Winter! répéta Buckingham, faites entrer.» Felton entra. En ce moment Buckingham jetait sur un canapé une riche robe de chambre brochée d'or, pour endosser un pourpoint de velours bleu tout brodé de perles. «Pourquoi le baron n'est-il pas venu lui-même? demanda Buckingham, je l'attendais ce matin. -- Il m'a chargé de dire à Votre Grâce, répondit Felton, qu'il regrettait fort de ne pas avoir cet honneur, mais qu'il en était empêché par la garde qu'il est obligé de faire au château. -- Oui, oui, dit Buckingham, je sais cela, il a une prisonnière. -- C'est justement de cette prisonnière que je voulais parler à Votre Grâce, reprit Felton. -- Eh bien, parlez. -- Ce que j'ai à vous dire ne peut être entendu que de vous, Milord. -- Laissez-nous, Patrick, dit Buckingham, mais tenez-vous à portée de la sonnette; je vous appellerai tout à l'heure.» Patrick sortit. «Nous sommes seuls, monsieur, dit Buckingham, parlez. -- Milord, dit Felton, le baron de Winter vous a écrit l'autre jour pour vous prier de signer un ordre d'embarquement relatif à une jeune femme nommée Charlotte Backson. -- Oui, monsieur, et je lui ai répondu de m'apporter ou de m'envoyer cet ordre et que je le signerais. -- Le voici, Milord. -- Donnez», dit le duc. Et, le prenant des mains de Felton, il jeta sur le papier un coup d'oeil rapide. Alors, s'apercevant que c'était bien celui qui lui était annoncé, il le posa sur la table, prit une plume et s'apprêta à signer. «Pardon, Milord, dit Felton arrêtant le duc, mais Votre Grâce sait-elle que le nom de Charlotte Backson n'est pas le véritable nom de cette jeune femme? -- Oui, monsieur, je le sais, répondit le duc en trempant la plume dans l'encrier. -- Alors, Votre Grâce connaît son véritable nom? demanda Felton d'une voix brève. -- Je le connais.» Le duc approcha la plume du papier. «Et, connaissant ce véritable nom, reprit Felton, Monseigneur signera tout de même? -- Sans doute, dit Buckingham, et plutôt deux fois qu'une. -- Je ne puis croire, continua Felton d'une voix qui devenait de plus en plus brève et saccadée, que Sa Grâce sache qu'il s'agit de Lady de Winter... -- Je le sais parfaitement, quoique je sois étonné que vous le sachiez, vous! -- Et Votre Grâce signera cet ordre sans remords?» Buckingham regarda le jeune homme avec hauteur. «Ah çà, monsieur, savez-vous bien, lui dit-il, que vous me faites là d'étranges questions, et que je suis bien simple d'y répondre? -- Répondez-y, Monseigneur, dit Felton, la situation est plus grave que vous ne le croyez peut-être.» Buckingham pensa que le jeune homme, venant de la part de Lord de Winter, parlait sans doute en son nom et se radoucit. «Sans remords aucun, dit-il, et le baron sait comme moi que Milady de Winter est une grande coupable, et que c'est presque lui faire grâce que de borner sa peine à l'extradition.» Le duc posa sa plume sur le papier. «Vous ne signerez pas cet ordre, Milord! dit Felton en faisant un pas vers le duc. -- Je ne signerai pas cet ordre, dit Buckingham, et pourquoi? -- Parce que vous descendrez en vous-même, et que vous rendrez justice à Milady. -- On lui rendra justice en l'envoyant à Tyburn, dit Buckingham; Milady est une infâme. -- Monseigneur, Milady est un ange, vous le savez bien, et je vous demande sa liberté. -- Ah çà, dit Buckingham, êtes-vous fou de me parler ainsi? -- Milord, excusez-moi! je parle comme je puis; je me contiens. Cependant, Milord, songez à ce que vous allez faire, et craignez d'outrepasser la mesure! -- Plaît-il?... Dieu me pardonne! s'écria Buckingham, mais je crois qu'il me menace! -- Non, Milord, je prie encore, et je vous dis: une goutte d'eau suffit pour faire déborder le vase plein, une faute légère peut attirer le châtiment sur la tête épargnée malgré tant de crimes. -- Monsieur Felton, dit Buckingham, vous allez sortir d'ici et vous rendre aux arrêts sur-le-champ. -- Vous allez m'écouter jusqu'au bout, Milord. Vous avez séduit cette jeune fille, vous l'avez outragée, souillée; réparez vos crimes envers elle, laissez-la partir librement, et je n'exigerai pas autre chose de vous. -- Vous n'exigerez pas? dit Buckingham regardant Felton avec étonnement et appuyant sur chacune des syllabes des trois mots qu'il venait de prononcer. -- Milord, continua Felton s'exaltant à mesure qu'il parlait, Milord, prenez garde, toute l'Angleterre est lasse de vos iniquités; Milord, vous avez abusé de la puissance royale que vous avez presque usurpée; Milord, vous êtes en horreur aux hommes et à Dieu; Dieu vous punira plus tard, mais, moi, je vous punirai aujourd'hui. -- Ah! ceci est trop fort!» cria Buckingham en faisant un pas vers la porte. Felton lui barra le passage. «Je vous le demande humblement, dit-il, signez l'ordre de mise en liberté de Lady de Winter; songez que c'est la femme que vous avez déshonorée. -- Retirez-vous, monsieur, dit Buckingham, ou j'appelle et vous fais mettre aux fers. -- Vous n'appellerez pas, dit Felton en se jetant entre le duc et la sonnette placée sur un guéridon incrusté d'argent; prenez garde, Milord, vous voilà entre les mains de Dieu. -- Dans les mains du diable, vous voulez dire, s'écria Buckingham en élevant la voix pour attirer du monde, sans cependant appeler directement. -- Signez, Milord, signez la liberté de Lady de Winter, dit Felton en poussant un papier vers le duc. -- De force! vous moquez-vous? holà, Patrick! -- Signez, Milord! -- Jamais! -- Jamais! -- À moi», cria le duc, et en même temps il sauta sur son épée. Mais Felton ne lui donna pas le temps de la tirer: il tenait tout ouvert et caché dans son pourpoint le couteau dont s'était frappée Milady; d'un bond il fut sur le duc. En ce moment Patrick entrait dans la salle en criant: «Milord, une lettre de France! -- De France!» s'écria Buckingham, oubliant tout en pensant de qui lui venait cette lettre. Felton profita du moment et lui enfonça dans le flanc le couteau jusqu'au manche. «Ah! traître! cria Buckingham, tu m'as tué... -- Au meurtre!» hurla Patrick. Felton jeta les yeux autour de lui pour fuir, et, voyant la porte libre, s'élança dans la chambre voisine, qui était celle où attendaient, comme nous l'avons dit, les députés de La Rochelle, la traversa tout en courant et se précipita vers l'escalier; mais, sur la première marche, il rencontra Lord de Winter, qui, le voyant pâle, égaré, livide, taché de sang à la main et à la figure, lui sauta au cou en s'écriant: «Je le savais, je l'avais deviné et j'arrive trop tard d'une minute! oh! malheureux que je suis!» Felton ne fit aucune résistance; Lord de Winter le remit aux mains des gardes, qui le conduisirent, en attendant de nouveaux ordres, sur une petite terrasse dominant la mer, et il s'élança dans le cabinet de Buckingham. Au cri poussé par le duc, à l'appel de Patrick, l'homme que Felton avait rencontré dans l'antichambre se précipita dans le cabinet. Il trouva le duc couché sur un sofa, serrant sa blessure dans sa main crispée. «La Porte, dit le duc d'une voix mourante, La Porte, viens-tu de sa part? -- Oui, Monseigneur, répondit le fidèle serviteur d'Anne d'Autriche, mais trop tard peut-être. -- Silence, La Porte! on pourrait vous entendre; Patrick, ne laissez entrer personne: oh! je ne saurai pas ce qu'elle me fait dire! mon Dieu, je me meurs!» Et le duc s'évanouit. Cependant, Lord de Winter, les députés, les chefs de l'expédition, les officiers de la maison de Buckingham, avaient fait irruption dans sa chambre; partout des cris de désespoir retentissaient. La nouvelle qui emplissait le palais de plaintes et de gémissements en déborda bientôt partout et se répandit par la ville. Un coup de canon annonça qu'il venait de se passer quelque chose de nouveau et d'inattendu. Lord de Winter s'arrachait les cheveux. «Trop tard d'une minute! s'écriait-il, trop tard d'une minute! oh! mon Dieu, mon Dieu, quel malheur!» En effet, on était venu lui dire à sept heures du matin qu'une échelle de corde flottait à une des fenêtres du château; il avait couru aussitôt à la chambre de Milady, avait trouvé la chambre vide et la fenêtre ouverte, les barreaux sciés, il s'était rappelé la recommandation verbale que lui avait fait transmettre d'Artagnan par son messager, il avait tremblé pour le duc, et, courant à l'écurie, sans prendre le temps de faire seller son cheval, avait sauté sur le premier venu, était accouru ventre à terre, et sautant à bas dans la cour, avait monté précipitamment l'escalier, et, sur le premier degré, avait, comme nous l'avons dit, rencontré Felton. Cependant le duc n'était pas mort: il revint à lui, rouvrit les yeux, et l'espoir rentra dans tous les coeurs. «Messieurs, dit-il, laissez-moi seul avec Patrick et La Porte. «Ah! c'est vous, de Winter! vous m'avez envoyé ce matin un singulier fou, voyez l'état dans lequel il m'a mis! -- Oh! Milord! s'écria le baron, je ne m'en consolerai jamais. -- Et tu aurais tort, mon cher de Winter, dit Buckingham en lui tendant la main, je ne connais pas d'homme qui mérite d'être regretté pendant toute la vie d'un autre homme; mais laisse-nous, je t'en prie.» Le baron sortit en sanglotant. Il ne resta dans le cabinet que le duc blessé, La Porte et Patrick. On cherchait un médecin, qu'on ne pouvait trouver. «Vous vivrez, Milord, vous vivrez, répétait, à genoux devant le sofa du duc, le messager d'Anne d'Autriche. -- Que m'écrivait-elle? dit faiblement Buckingham tout ruisselant de sang et domptant, pour parler de celle qu'il aimait, d'atroces douleurs, que m'écrivait-elle? Lis-moi sa lettre. -- Oh! Milord! fit La Porte. -- Obéis, La Porte; ne vois-tu pas que je n'ai pas de temps à perdre?» La Porte rompit le cachet et plaça le parchemin sous les yeux du duc; mais Buckingham essaya vainement de distinguer l'écriture. «Lis donc, dit-il, lis donc, je n'y vois plus; lis donc! car bientôt peut-être je n'entendrai plus, et je mourrai sans savoir ce qu'elle m'a écrit.» La Porte ne fit plus de difficulté, et lut: «Milord, «Par ce que j'ai, depuis que je vous connais, souffert par vous et pour vous, je vous conjure, si vous avez souci de mon repos, d'interrompre les grands armements que vous faites contre la France et de cesser une guerre dont on dit tout haut que la religion est la cause visible, et tout bas que votre amour pour moi est la cause cachée. Cette guerre peut non seulement amener pour la France et pour l'Angleterre de grandes catastrophes, mais encore pour vous, Milord, des malheurs dont je ne me consolerais pas. «Veillez sur votre vie, que l'on menace et qui me sera chère du moment où je ne serai pas obligée de voir en vous un ennemi. «Votre affectionnée, «Anne.» Buckingham rappela tous les restes de sa vie pour écouter cette lecture; puis, lorsqu'elle fut finie, comme s'il eût trouvé dans cette lettre un amer désappointement: «N'avez-vous donc pas autre chose à me dire de vive voix, La Porte? demanda-t-il. -- Si fait, Monseigneur: la reine m'avait chargé de vous dire de veiller sur vous, car elle avait eu avis qu'on voulait vous assassiner. -- Et c'est tout, c'est tout? reprit Buckingham avec impatience. -- Elle m'avait encore chargé de vous dire qu'elle vous aimait toujours. -- Ah! fit Buckingham, Dieu soit loué! ma mort ne sera donc pas pour elle la mort d'un étranger!...» La Porte fondit en larmes. «Patrick, dit le duc, apportez-moi le coffret où étaient les ferrets de diamants.» Patrick apporta l'objet demandé, que La Porte reconnut pour avoir appartenu à la reine. «Maintenant le sachet de satin blanc, où son chiffre est brodé en perles.» Patrick obéit encore. «Tenez, La Porte, dit Buckingham, voici les seuls gages que j'eusse à elle, ce coffret d'argent, et ces deux lettres. Vous les rendrez à Sa Majesté; et pour dernier souvenir... (il chercha autour de lui quelque objet précieux)... vous y joindrez...» Il chercha encore; mais ses regards obscurcis par la mort ne rencontrèrent que le couteau tombé des mains de Felton, et fumant encore du sang vermeil étendu sur la lame. «Et vous y joindrez ce couteau», dit le duc en serrant la main de La Porte. Il put encore mettre le sachet au fond du coffret d'argent, y laissa tomber le couteau en faisant signe à La Porte qu'il ne pouvait plus parler; puis, dans une dernière convulsion, que cette fois il n'avait plus la force de combattre, il glissa du sofa sur le parquet. Patrick poussa un grand cri. Buckingham voulut sourire une dernière fois; mais la mort arrêta sa pensée, qui resta gravée sur son front comme un dernier baiser d'amour. En ce moment le médecin du duc arriva tout effaré; il était déjà à bord du vaisseau amiral, on avait été obligé d'aller le chercher là. Il s'approcha du duc, prit sa main, la garda un instant dans la sienne, et la laissa retomber. «Tout est inutile, dit-il, il est mort. -- Mort, mort!» s'écria Patrick. À ce cri toute la foule rentra dans la salle, et partout ce ne fut que consternation et que tumulte. Aussitôt que Lord de Winter vit Buckingham expiré, il courut à Felton, que les soldats gardaient toujours sur la terrasse du palais. «Misérable! dit-il au jeune homme qui, depuis la mort de Buckingham, avait retrouvé ce calme et ce sang-froid qui ne devaient plus l'abandonner; misérable! qu'as-tu fait? -- Je me suis vengé, dit-il. -- Toi! dit le baron; dis que tu as servi d'instrument à cette femme maudite; mais je te le jure, ce crime sera son dernier crime. -- Je ne sais ce que vous voulez dire, reprit tranquillement Felton, et j'ignore de qui vous voulez parler, Milord; j'ai tué M. de Buckingham parce qu'il a refusé deux fois à vous-même de me nommer capitaine: je l'ai puni de son injustice, voilà tout.» De Winter, stupéfait, regardait les gens qui liaient Felton, et ne savait que penser d'une pareille insensibilité. Une seule chose jetait cependant un nuage sur le front pur de Felton. À chaque bruit qu'il entendait, le naïf puritain croyait reconnaître les pas et la voix de Milady venant se jeter dans ses bras pour s'accuser et se perdre avec lui. Tout à coup il tressaillit, son regard se fixa sur un point de la mer, que de la terrasse où il se trouvait on dominait tout entière; avec ce regard d'aigle du marin, il avait reconnu, là où un autre n'aurait vu qu'un goéland se balançant sur les flots, la voile du sloop qui se dirigeait vers les côtes de France. Il pâlit, porta la main à son coeur, qui se brisait, et comprit toute la trahison. «Une dernière grâce, Milord! dit-il au baron. -- Laquelle? demanda celui-ci. -- Quelle heure est-il?» Le baron tira sa montre. «Neuf heures moins dix minutes», dit-il. Milady avait avancé son départ d'une heure et demie dès qu'elle avait entendu le coup de canon qui annonçait le fatal événement, elle avait donné l'ordre de lever l'ancre. La barque voguait sous un ciel bleu à une grande distance de la côte. «Dieu l'a voulu», dit Felton avec la résignation du fanatique, mais cependant sans pouvoir détacher les yeux de cet esquif à bord duquel il croyait sans doute distinguer le blanc fantôme de celle à qui sa vie allait être sacrifiée. De Winter suivit son regard, interrogea sa souffrance et devina tout. «Sois puni seul d'abord, misérable, dit Lord de Winter à Felton, qui se laissait entraîner les yeux tournés vers la mer; mais je te jure, sur la mémoire de mon frère que j'aimais tant, que ta complice n'est pas sauvée.» Felton baissa la tête sans prononcer une syllabe. Quant à de Winter, il descendit rapidement l'escalier et se rendit au port. CHAPITRE LX EN FRANCE La première crainte du roi d'Angleterre, Charles Ier, en apprenant cette mort, fut qu'une si terrible nouvelle ne décourageât les Rochelois; il essaya, dit Richelieu dans ses Mémoires, de la leur cacher le plus longtemps possible, faisant fermer les ports par tout son royaume, et prenant soigneusement garde qu'aucun vaisseau ne sortit jusqu'à ce que l'armée que Buckingham apprêtait fût partie, se chargeant, à défaut de Buckingham, de surveiller lui- même le départ. Il poussa même la sévérité de cet ordre jusqu'à retenir en Angleterre l'ambassadeur de Danemark, qui avait pris congé, et l'ambassadeur ordinaire de Hollande, qui devait ramener dans le port de Flessingue les navires des Indes que Charles Ier avait fait restituer aux Provinces-Unies. Mais comme il ne songea à donner cet ordre que cinq heures après l'événement, c'est-à-dire à deux heures de l'après-midi, deux navires étaient déjà sortis du port: l'un emmenant, comme nous le savons, Milady, laquelle, se doutant déjà de l'événement, fut encore confirmée dans cette croyance en voyant le pavillon noir se déployer au mât du vaisseau amiral. Quant au second bâtiment, nous dirons plus tard qui il portait et comment il partit. Pendant ce temps, du reste, rien de nouveau au camp de La Rochelle; seulement le roi, qui s'ennuyait fort, comme toujours, mais peut-être encore un peu plus au camp qu'ailleurs, résolut d'aller incognito passer les fêtes de Saint-Louis à Saint-Germain, et demanda au cardinal de lui faire préparer une escorte de vingt mousquetaires seulement. Le cardinal, que l'ennui du roi gagnait quelquefois, accorda avec grand plaisir ce congé à son royal lieutenant, lequel promit d'être de retour vers le 15 septembre. M. de Tréville, prévenu par Son Éminence, fit son portemanteau, et comme, sans en savoir la cause, il savait le vif désir et même l'impérieux besoin que ses amis avaient de revenir à Paris, il va sans dire qu'il les désigna pour faire partie de l'escorte. Les quatre jeunes gens surent la nouvelle un quart d'heure après M. de Tréville, car ils furent les premiers à qui il la communiqua. Ce fut alors que d'Artagnan apprécia la faveur que lui avait accordée le cardinal en le faisant enfin passer aux mousquetaires; sans cette circonstance, il était forcé de rester au camp tandis que ses compagnons partaient. On verra plus tard que cette impatience de remonter vers Paris avait pour cause le danger que devait courir Mme Bonacieux en se rencontrant au couvent de Béthune avec Milady, son ennemie mortelle. Aussi, comme nous l'avons dit, Aramis avait écrit immédiatement à Marie Michon, cette lingère de Tours qui avait de si belles connaissances, pour qu'elle obtînt que la reine donnât l'autorisation à Mme Bonacieux de sortir du couvent et de se retirer soit en Lorraine, soit en Belgique. La réponse ne s'était pas fait attendre, et, huit ou dix jours après, Aramis avait reçu cette lettre: «Mon cher cousin, «Voici l'autorisation de ma soeur à retirer notre petite servante du couvent de Béthune, dont vous pensez que l'air est mauvais pour elle. Ma soeur vous envoie cette autorisation avec grand plaisir, car elle aime fort cette petite fille, à laquelle elle se réserve d'être utile plus tard. «Je vous embrasse. «Marie Michon.» À cette lettre était jointe une autorisation ainsi conçue: «La supérieure du couvent de Béthune remettra aux mains de la personne qui lui remettra ce billet la novice qui était entrée dans son couvent sous ma recommandation et sous mon patronage. «Au Louvre, le 10 août 1628. «Anne.» On comprend combien ces relations de parenté entre Aramis et une lingère qui appelait la reine sa soeur avaient égayé la verve des jeunes gens; mais Aramis, après avoir rougi deux ou trois fois jusqu'au blanc des yeux aux grosses plaisanteries de Porthos, avait prié ses amis de ne plus revenir sur ce sujet, déclarant que s'il lui en était dit encore un seul mot, il n'emploierait plus sa cousine comme intermédiaire dans ces sortes d'affaires. Il ne fut donc plus question de Marie Michon entre les quatre mousquetaires, qui d'ailleurs avaient ce qu'ils voulaient: l'ordre de tirer Mme Bonacieux du couvent des Carmélites de Béthune. Il est vrai que cet ordre ne leur servirait pas à grand-chose tant qu'ils seraient au camp de La Rochelle, c'est-à-dire à l'autre bout de la France; aussi d'Artagnan allait-il demander un congé à M. de Tréville, en lui confiant tout bonnement l'importance de son départ, lorsque cette nouvelle lui fut transmise, ainsi qu'à ses trois compagnons, que le roi allait partir pour Paris avec une escorte de vingt mousquetaires, et qu'ils faisaient partie de l'escorte. La joie fut grande. On envoya les valets devant avec les bagages, et l'on partit le 16 au matin. Le cardinal reconduisit Sa Majesté de Surgères à Mauzé, et là, le roi et son ministre prirent congé l'un de l'autre avec de grandes démonstrations d'amitié. Cependant le roi, qui cherchait de la distraction, tout en cheminant le plus vite qu'il lui était possible, car il désirait être arrivé à Paris pour le 23, s'arrêtait de temps en temps pour voler la pie, passe-temps dont le goût lui avait autrefois été inspiré par de Luynes, et pour lequel il avait toujours conservé une grande prédilection. Sur les vingt mousquetaires, seize, lorsque la chose arrivait, se réjouissaient fort de ce bon temps; mais quatre maugréaient de leur mieux. D'Artagnan surtout avait des bourdonnements perpétuels dans les oreilles, ce que Porthos expliquait ainsi: «Une très grande dame m'a appris que cela veut dire que l'on parle de vous quelque part.» Enfin l'escorte traversa Paris le 23, dans la nuit; le roi remercia M. de Tréville, et lui permit de distribuer des congés pour quatre jours, à la condition que pas un des favorisés ne paraîtrait dans un lieu public, sous peine de la Bastille. Les quatre premiers congés accordés, comme on le pense bien, furent à nos quatre amis. Il y a plus, Athos obtint de M. de Tréville six jours au lieu de quatre et fit mettre dans ces six jours deux nuits de plus, car ils partirent le 24, à cinq heures du soir, et par complaisance encore, M. de Tréville postdata le congé du 25 au matin. «Eh, mon Dieu, disait d'Artagnan, qui, comme on le sait, ne doutait jamais de rien, il me semble que nous faisons bien de l'embarras pour une chose bien simple: en deux jours, et en crevant deux ou trois chevaux (peu m'importe: j'ai de l'argent), je suis à Béthune, je remets la lettre de la reine à la supérieure, et je ramène le cher trésor que je vais chercher, non pas en Lorraine, non pas en Belgique, mais à Paris, où il sera mieux caché, surtout tant que M. le cardinal sera à La Rochelle. Puis, une fois de retour de la campagne, eh bien, moitié par la protection de sa cousine, moitié en faveur de ce que nous avons fait personnellement pour elle, nous obtiendrons de la reine ce que nous voudrons. Restez donc ici, ne vous épuisez pas de fatigue inutilement; moi et Planchet, c'est tout ce qu'il faut pour une expédition aussi simple.» À ceci Athos répondit tranquillement: «Nous aussi, nous avons de l'argent; car je n'ai pas encore bu tout à fait le reste du diamant, et Porthos et Aramis ne l'ont pas tout à fait mangé. Nous crèverons donc aussi bien quatre chevaux qu'un. Mais songez, d'Artagnan, ajouta-t-il d'une voix si sombre que son accent donna le frisson au jeune homme, songez que Béthune est une ville où le cardinal a donné rendez-vous à une femme qui, partout où elle va, mène le malheur après elle. Si vous n'aviez affaire qu'à quatre hommes, d'Artagnan, je vous laisserais aller seul; vous avez affaire à cette femme, allons-y quatre, et plaise à Dieu qu'avec nos quatre valets nous soyons en nombre suffisant! -- Vous m'épouvantez, Athos, s'écria d'Artagnan; que craignez-vous donc, mon Dieu? -- Tout!» répondit Athos. D'Artagnan examina les visages de ses compagnons, qui, comme celui d'Athos, portaient l'empreinte d'une inquiétude profonde, et l'on continua la route au plus grand pas des chevaux, mais sans ajouter une seule parole. Le 25 au soir, comme ils entraient à Arras, et comme d'Artagnan venait de mettre pied à terre à l'auberge de la Herse d'Or pour boire un verre de vin, un cavalier sortit de la cour de la poste, où il venait de relayer, prenant au grand galop, et avec un cheval frais, le chemin de Paris. Au moment où il passait de la grande porte dans la rue, le vent entrouvrit le manteau dont il était enveloppé, quoiqu'on fût au mois d'août, et enleva son chapeau, que le voyageur retint de sa main, au moment où il avait déjà quitté sa tête, et l'enfonça vivement sur ses yeux. D'Artagnan, qui avait les yeux fixés sur cet homme, devint fort pâle et laissa tomber son verre. «Qu'avez-vous, monsieur? dit Planchet... Oh! là, accourez, messieurs, voilà mon maître qui se trouve mal!» Les trois amis accoururent et trouvèrent d'Artagnan qui, au lieu de se trouver mal, courait à son cheval. Ils l'arrêtèrent sur le seuil de la porte. «Eh bien, où diable vas-tu donc ainsi? lui cria Athos. -- C'est lui! s'écria d'Artagnan, pâle de colère et la sueur sur le front, c'est lui! laissez-moi le rejoindre! -- Mais qui, lui? demanda Athos. -- Lui, cet homme! -- Quel homme? -- Cet homme maudit, mon mauvais génie, que j'ai toujours vu lorsque j'étais menacé de quelque malheur: celui qui accompagnait l'horrible femme lorsque je la rencontrai pour la première fois, celui que je cherchais quand j'ai provoqué Athos, celui que j'ai vu le matin du jour où Mme Bonacieux a été enlevée! l'homme de Meung enfin! je l'ai vu, c'est lui! Je l'ai reconnu quand le vent a entrouvert son manteau. -- Diable! dit Athos rêveur. -- En selle, messieurs, en selle; poursuivons-le, et nous le rattraperons. -- Mon cher, dit Aramis, songez qu'il va du côté opposé à celui où nous allons; qu'il a un cheval frais et que nos chevaux sont fatigués; que par conséquent nous crèverons nos chevaux sans même avoir la chance de le rejoindre. Laissons l'homme, d'Artagnan, sauvons la femme. -- Eh! monsieur! s'écria un garçon d'écurie courant après l'inconnu, eh! monsieur, voilà un papier qui s'est échappé de votre chapeau! Eh! monsieur! eh! -- Mon ami, dit d'Artagnan, une demi-pistole pour ce papier! -- Ma foi, monsieur, avec grand plaisir! le voici! Le garçon d'écurie, enchanté de la bonne journée qu'il avait faite, rentra dans la cour de l'hôtel: d'Artagnan déplia le papier. «Eh bien? demandèrent ses amis en l'entourant. -- Rien qu'un mot! dit d'Artagnan. -- Oui, dit Aramis, mais ce nom est un nom de ville ou de village. --«Armentières», lut Porthos. Armentières, je ne connais pas cela! -- Et ce nom de ville ou de village est écrit de sa main! s'écria Athos. -- Allons, allons, gardons soigneusement ce papier, dit d'Artagnan, peut-être n'ai-je pas perdu ma dernière pistole. À cheval, mes amis, à cheval!» Et les quatre compagnons s'élancèrent au galop sur la route de Béthune. CHAPITRE LXI LE COUVENT DES CARMÉLITES DE BÉTHUNE Les grands criminels portent avec eux une espèce de prédestination qui leur fait surmonter tous les obstacles, qui les fait échapper à tous les dangers, jusqu'au moment que la Providence, lassée, a marqué pour l'écueil de leur fortune impie. Il en était ainsi de Milady: elle passa au travers des croiseurs des deux nations, et arriva à Boulogne sans aucun accident. En débarquant à Portsmouth, Milady était une Anglaise que les persécutions de la France chassaient de La Rochelle; débarquée à Boulogne, après deux jours de traversée, elle se fit passer pour une Française que les Anglais inquiétaient à Portsmouth, dans la haine qu'ils avaient conçue contre la France. Milady avait d'ailleurs le plus efficace des passeports: sa beauté, sa grande mine et la générosité avec laquelle elle répandait les pistoles. Affranchie des formalités d'usage par le sourire affable et les manières galantes d'un vieux gouverneur du port, qui lui baisa la main, elle ne resta à Boulogne que le temps de mettre à la poste une lettre ainsi conçue: «À Son Éminence Monseigneur le cardinal de Richelieu, en son camp devant La Rochelle. «Monseigneur, que Votre Éminence se rassure, Sa Grâce le duc de Buckingham ne partira point pour la France. «Boulogne, 25 au soir. «Milady de *** «P. -S. -- Selon les désirs de Votre Éminence, je me rends au couvent des Carmélites de Béthune où j'attendrai ses ordres.» Effectivement, le même soir, Milady se mit en route; la nuit la prit: elle s'arrêta et coucha dans une auberge; puis, le lendemain, à cinq heures du matin, elle partit, et trois heures après, elle entra à Béthune. Elle se fit indiquer le couvent des Carmélites et y entra aussitôt. La supérieure vint au-devant d'elle; Milady lui montra l'ordre du cardinal, l'abbesse lui fit donner une chambre et servir à déjeuner. Tout le passé s'était déjà effacé aux yeux de cette femme, et, le regard fixé vers l'avenir, elle ne voyait que la haute fortune que lui réservait le cardinal, qu'elle avait si heureusement servi, sans que son nom fût mêlé en rien à toute cette sanglante affaire. Les passions toujours nouvelles qui la consumaient donnaient à sa vie l'apparence de ces nuages qui volent dans le ciel, reflétant tantôt l'azur, tantôt le feu, tantôt le noir opaque de la tempête, et qui ne laissent d'autres traces sur la terre que la dévastation et la mort. Après le déjeuner, l'abbesse vint lui faire sa visite; il y a peu de distraction au cloître, et la bonne supérieure avait hâte de faire connaissance avec sa nouvelle pensionnaire. Milady voulait plaire à l'abbesse; or, c'était chose facile à cette femme si réellement supérieure; elle essaya d'être aimable: elle fut charmante et séduisit la bonne supérieure par sa conversation si variée et par les grâces répandues dans toute sa personne. L'abbesse, qui était une fille de noblesse, aimait surtout les histoires de cour, qui parviennent si rarement jusqu'aux extrémités du royaume et qui, surtout, ont tant de peine à franchir les murs des couvents, au seuil desquels viennent expirer les bruits du monde. Milady, au contraire, était fort au courant de toutes les intrigues aristocratiques, au milieu desquelles, depuis cinq ou six ans, elle avait constamment vécu, elle se mit donc à entretenir la bonne abbesse des pratiques mondaines de la cour de France, mêlées aux dévotions outrées du roi, elle lui fit la chronique scandaleuse des seigneurs et des dames de la cour, que l'abbesse connaissait parfaitement de nom, toucha légèrement les amours de la reine et de Buckingham, parlant beaucoup pour qu'on parlât un peu. Mais l'abbesse se contenta d'écouter et de sourire, le tout sans répondre. Cependant, comme Milady vit que ce genre de récit l'amusait fort, elle continua; seulement, elle fit tomber la conversation sur le cardinal. Mais elle était fort embarrassée; elle ignorait si l'abbesse était royaliste ou cardinaliste: elle se tint dans un milieu prudent; mais l'abbesse, de son côté, se tint dans une réserve plus prudente encore, se contentant de faire une profonde inclination de tête toutes les fois que la voyageuse prononçait le nom de Son Éminence. Milady commença à croire qu'elle s'ennuierait fort dans le couvent; elle résolut donc de risquer quelque chose pour savoir de suite à quoi s'en tenir. Voulant voir jusqu'où irait la discrétion de cette bonne abbesse, elle se mit à dire un mal, très dissimulé d'abord, puis très circonstancié du cardinal, racontant les amours du ministre avec Mme d'Aiguillon, avec Marion de Lorme et avec quelques autres femmes galantes. L'abbesse écouta plus attentivement, s'anima peu à peu et sourit. «Bon, dit Milady, elle prend goût à mon discours; si elle est cardinaliste, elle n'y met pas de fanatisme au moins.» Alors elle passa aux persécutions exercées par le cardinal sur ses ennemis. L'abbesse se contenta de se signer, sans approuver ni désapprouver. Cela confirma Milady dans son opinion que la religieuse était plutôt royaliste que cardinaliste. Milady continua, renchérissant de plus en plus. «Je suis fort ignorante de toutes ces matières-là, dit enfin l'abbesse, mais tout éloignées que nous sommes de la cour, tout en dehors des intérêts du monde où nous nous trouvons placées, nous avons des exemples fort tristes de ce que vous nous racontez là; et l'une de nos pensionnaires a bien souffert des vengeances et des persécutions de M. le cardinal. -- Une de vos pensionnaires, dit Milady; oh! mon Dieu! pauvre femme, je la plains alors. -- Et vous avez raison, car elle est bien à plaindre: prison, menaces, mauvais traitements, elle a tout souffert. Mais, après tout, reprit l'abbesse, M. le cardinal avait peut-être des motifs plausibles pour agir ainsi, et quoiqu'elle ait l'air d'un ange, il ne faut pas toujours juger les gens sur la mine.» «Bon! dit Milady à elle-même, qui sait! je vais peut-être découvrir quelque chose ici, je suis en veine.» Et elle s'appliqua à donner à son visage une expression de candeur parfaite. «Hélas! dit Milady, je le sais; on dit cela, qu'il ne faut pas croire aux physionomies; mais à quoi croira-t-on cependant, si ce n'est au plus bel ouvrage du Seigneur? Quant à moi, je serai trompée toute ma vie peut-être; mais je me fierai toujours à une personne dont le visage m'inspirera de la sympathie. -- Vous seriez donc tentée de croire, dit l'abbesse, que cette jeune femme est innocente? -- M. le cardinal ne punit pas que les crimes, dit-elle; il y a certaines vertus qu'il poursuit plus sévèrement que certains forfaits. -- Permettez-moi, madame, de vous exprimer ma surprise, dit l'abbesse. -- Et sur quoi? demanda Milady avec naïveté. -- Mais sur le langage que vous tenez. -- Que trouvez-vous d'étonnant à ce langage? demanda en souriant Milady. -- Vous êtes l'amie du cardinal, puisqu'il vous envoie ici, et cependant... -- Et cependant j'en dis du mal, reprit Milady, achevant la pensée de la supérieure. -- Au moins n'en dites-vous pas de bien. -- C'est que je ne suis pas son amie, dit-elle en soupirant, mais sa victime. -- Mais cependant cette lettre par laquelle il vous recommande à moi?... -- Est un ordre à moi de me tenir dans une espèce de prison dont il me fera tirer par quelques-uns de ses satellites. -- Mais pourquoi n'avez-vous pas fui? -- Où irais-je? croyez-vous qu'il y ait un endroit de la terre où ne puisse atteindre le cardinal, s'il veut se donner la peine de tendre la main? Si j'étais un homme, à la rigueur cela serait possible encore; mais une femme, que voulez-vous que fasse une femme? Cette jeune pensionnaire que vous avez ici a-t-elle essayé de fuir, elle? -- Non, c'est vrai; mais elle, c'est autre chose, je la crois retenue en France par quelque amour. -- Alors, dit Milady avec un soupir, si elle aime, elle n'est pas tout à fait malheureuse. -- Ainsi, dit l'abbesse en regardant Milady avec un intérêt croissant, c'est encore une pauvre persécutée que je vois? -- Hélas, oui, dit Milady. L'abbesse regarda un instant Milady avec inquiétude, comme si une nouvelle pensée surgissait dans son esprit. «Vous n'êtes pas ennemie de notre sainte foi? dit-elle en balbutiant. -- Moi, s'écria Milady, moi, protestante! Oh! non, j'atteste le Dieu qui nous entend que je suis au contraire fervente catholique. -- Alors, madame, dit l'abbesse en souriant, rassurez-vous; la maison où vous êtes ne sera pas une prison bien dure, et nous ferons tout ce qu'il faudra pour vous faire chérir la captivité. Il y a plus, vous trouverez ici cette jeune femme persécutée sans doute par suite de quelque intrigue de cour. Elle est aimable, gracieuse. -- Comment la nommez-vous? -- Elle m'a été recommandée par quelqu'un de très haut placé, sous le nom de Ketty. Je n'ai pas cherché à savoir son autre nom. -- Ketty! s'écria Milady; quoi! vous êtes sûre?... -- Qu'elle se fait appeler ainsi? Oui, madame, la connaîtriez- vous?» Milady sourit à elle-même et à l'idée qui lui était venue que cette jeune femme pouvait être son ancienne camérière. Il se mêlait au souvenir de cette jeune fille un souvenir de colère, et un désir de vengeance avait bouleversé les traits de Milady, qui reprirent au reste presque aussitôt l'expression calme et bienveillante que cette femme aux cent visages leur avait momentanément fait perdre. «Et quand pourrai-je voir cette jeune dame, pour laquelle je me sens déjà une si grande sympathie? demanda Milady. -- Mais, ce soir, dit l'abbesse, dans la journée même. Mais vous voyagez depuis quatre jours, m'avez-vous dit vous-même; ce matin vous vous êtes levée à cinq heures, vous devez avoir besoin de repos. Couchez-vous et dormez, à l'heure du dîner nous vous réveillerons.» Quoique Milady eût très bien pu se passer de sommeil, soutenue qu'elle était par toutes les excitations qu'une aventure nouvelle faisait éprouver à son coeur avide d'intrigues, elle n'en accepta pas moins l'offre de la supérieure: depuis douze ou quinze jours elle avait passé par tant d'émotions diverses que, si son corps de fer pouvait encore soutenir la fatigue, son âme avait besoin de repos. Elle prit donc congé de l'abbesse et se coucha, doucement bercée par les idées de vengeance auxquelles l'avait tout naturellement ramenée le nom de Ketty. Elle se rappelait cette promesse presque illimitée que lui avait faite le cardinal, si elle réussissait dans son entreprise. Elle avait réussi, elle pourrait donc se venger de d'Artagnan. Une seule chose épouvantait Milady, c'était le souvenir de son mari! le comte de La Fère, qu'elle avait cru mort ou du moins expatrié, et qu'elle retrouvait dans Athos, le meilleur ami de d'Artagnan. Mais aussi, s'il était l'ami de d'Artagnan, il avait dû lui prêter assistance dans toutes les menées à l'aide desquelles la reine avait déjoué les projets de Son Éminence; s'il était l'ami de d'Artagnan, il était l'ennemi du cardinal; et sans doute elle parviendrait à l'envelopper dans la vengeance aux replis de laquelle elle comptait étouffer le jeune mousquetaire. Toutes ces espérances étaient de douces pensées pour Milady; aussi, bercée par elles, s'endormit-elle bientôt. Elle fut réveillée par une voix douce qui retentit au pied de son lit. Elle ouvrit les yeux, et vit l'abbesse accompagnée d'une jeune femme aux cheveux blonds, au teint délicat, qui fixait sur elle un regard plein d'une bienveillante curiosité. La figure de cette jeune femme lui était complètement inconnue; toutes deux s'examinèrent avec une scrupuleuse attention, tout en échangeant les compliments d'usage: toutes deux étaient fort belles, mais de beautés tout à fait différentes. Cependant Milady sourit en reconnaissant qu'elle l'emportait de beaucoup sur la jeune femme en grand air et en façons aristocratiques. Il est vrai que l'habit de novice que portait la jeune femme n'était pas très avantageux pour soutenir une lutte de ce genre. L'abbesse les présenta l'une à l'autre; puis, lorsque cette formalité fut remplie, comme ses devoirs l'appelaient à l'église, elle laissa les deux jeunes femmes seules. La novice, voyant Milady couchée, voulait suivre la supérieure, mais Milady la retint. «Comment, madame, lui dit-elle, à peine vous ai-je aperçue et vous voulez déjà me priver de votre présence, sur laquelle je comptais cependant un peu, je vous l'avoue, pour le temps que j'ai à passer ici? -- Non, madame, répondit la novice, seulement je craignais d'avoir mal choisi mon temps: vous dormiez, vous êtes fatiguée. -- Eh bien, dit Milady, que peuvent demander les gens qui dorment? un bon réveil. Ce réveil, vous me l'avez donné; laissez-moi en jouir tout à mon aise.» Et lui prenant la main, elle l'attira sur un fauteuil qui était près de son lit. La novice s'assit. «Mon Dieu! dit-elle, que je suis malheureuse! voilà six mois que je suis ici, sans l'ombre d'une distraction, vous arrivez, votre présence allait être pour moi une compagnie charmante, et voilà que, selon toute probabilité, d'un moment à l'autre je vais quitter le couvent! -- Comment! dit Milady, vous sortez bientôt? -- Du moins je l'espère, dit la novice avec une expression de joie qu'elle ne cherchait pas le moins du monde à déguiser. -- Je crois avoir appris que vous aviez souffert de la part du cardinal, continua Milady; c'eût été un motif de plus de sympathie entre nous. -- Ce que m'a dit notre bonne mère est donc la vérité, que vous étiez aussi une victime de ce méchant cardinal? -- Chut! dit Milady, même ici ne parlons pas ainsi de lui; tous mes malheurs viennent d'avoir dit à peu près ce que vous venez de dire, devant une femme que je croyais mon amie et qui m'a trahie. Et vous êtes aussi, vous, la victime d'une trahison? -- Non, dit la novice, mais de mon dévouement à une femme que j'aimais, pour qui j'eusse donné ma vie, pour qui je la donnerais encore. -- Et qui vous a abandonnée, c'est cela! -- J'ai été assez injuste pour le croire, mais depuis deux ou trois jours j'ai acquis la preuve du contraire, et j'en remercie Dieu; il m'aurait coûté de croire qu'elle m'avait oubliée. Mais vous, madame, continua la novice, il me semble que vous êtes libre, et que si vous vouliez fuir, il ne tiendrait qu'à vous. -- Où voulez-vous que j'aille, sans amis, sans argent, dans une partie de la France que je ne connais pas, où je ne suis jamais venue?... -- Oh! s'écria la novice, quant à des amis, vous en aurez partout où vous vous montrerez, vous paraissez si bonne et vous êtes si belle! -- Cela n'empêche pas, reprit Milady en adoucissant son sourire de manière à lui donner une expression angélique, que je suis seule et persécutée. -- Écoutez, dit la novice, il faut avoir bon espoir dans le Ciel, voyez-vous; il vient toujours un moment où le bien que l'on a fait plaide votre cause devant Dieu, et, tenez, peut-être est-ce un bonheur pour vous, tout humble et sans pouvoir que je suis, que vous m'ayez rencontrée: car, si je sors d'ici, eh bien, j'aurai quelques amis puissants, qui, après s'être mis en campagne pour moi, pourront aussi se mettre en campagne pour vous. -- Oh! quand j'ai dit que j'étais seule, dit Milady, espérant faire parler la novice en parlant d'elle-même, ce n'est pas faute d'avoir aussi quelques connaissances haut placées; mais ces connaissances tremblent elles-mêmes devant le cardinal: la reine elle-même n'ose pas soutenir contre le terrible ministre; j'ai la preuve que Sa Majesté, malgré son excellent coeur, a plus d'une fois été obligée d'abandonner à la colère de Son Éminence les personnes qui l'avaient servie. -- Croyez-moi, madame, la reine peut avoir l'air d'avoir abandonné ces personnes-là; mais il ne faut pas en croire l'apparence: plus elles sont persécutées, plus elle pense à elles, et souvent, au moment où elles y pensent le moins, elles ont la preuve d'un bon souvenir. -- Hélas! dit Milady, je le crois: la reine est si bonne. -- Oh! vous la connaissez donc, cette belle et noble reine, que vous parlez d'elle ainsi! s'écria la novice avec enthousiasme. -- C'est-à-dire, reprit Milady, poussée dans ses retranchements, qu'elle, personnellement, je n'ai pas l'honneur de la connaître; mais je connais bon nombre de ses amis les plus intimes: je connais M. de Putange; j'ai connu en Angleterre M. Dujart; je connais M. de Tréville. -- M. de Tréville! s'écria la novice, vous connaissez M. de Tréville? -- Oui, parfaitement, beaucoup même. -- Le capitaine des mousquetaires du roi? -- Le capitaine des mousquetaires du roi. -- Oh! mais vous allez voir, s'écria la novice, que tout à l'heure nous allons être des connaissances achevées, presque des amies; si vous connaissez M. de Tréville, vous avez dû aller chez lui? -- Souvent! dit Milady, qui, entrée dans cette voie, et s'apercevant que le mensonge réussissait, voulait le pousser jusqu'au bout. -- Chez lui, vous avez dû voir quelques-uns de ses mousquetaires? -- Tous ceux qu'il reçoit habituellement! répondit Milady, pour laquelle cette conversation commençait à prendre un intérêt réel. -- Nommez-moi quelques-uns de ceux que vous connaissez, et vous verrez qu'ils seront de mes amis. -- Mais, dit Milady embarrassée, je connais M. de Louvigny, M. de Courtivron, M. de Férussac.» La novice la laissa dire; puis, voyant qu'elle s'arrêtait: «Vous ne connaissez pas, dit-elle, un gentilhomme nommé Athos?» Milady devint aussi pâle que les draps dans lesquels elle était couchée, et, si maîtresse qu'elle fût d'elle-même, ne put s'empêcher de pousser un cri en saisissant la main de son interlocutrice et en la dévorant du regard. «Quoi! qu'avez-vous? Oh! mon Dieu! demanda cette pauvre femme, ai- je donc dit quelque chose qui vous ait blessée? -- Non, mais ce nom m'a frappée, parce que, moi aussi j'ai connu ce gentilhomme, et qu'il me paraît étrange de trouver quelqu'un qui le connaisse beaucoup. -- Oh! oui! beaucoup! beaucoup! non seulement lui, mais encore ses amis: MM. Porthos et Aramis! -- En vérité! eux aussi je les connais! s'écria Milady, qui sentit le froid pénétrer jusqu'à son coeur. -- Eh bien, si vous les connaissez, vous devez savoir qu'ils sont bons et francs compagnons; que ne vous adressez-vous à eux, si vous avez besoin d'appui? -- C'est-à-dire, balbutia Milady, je ne suis liée réellement avec aucun d'eux; je les connais pour en avoir beaucoup entendu parler par un de leurs amis, M. d'Artagnan. -- Vous connaissez M. d'Artagnan!» s'écria la novice à son tour, en saisissant la main de Milady et en la dévorant des yeux. Puis, remarquant l'étrange expression du regard de Milady: «Pardon, madame, dit-elle, vous le connaissez, à quel titre? -- Mais, reprit Milady embarrassée, mais à titre d'ami. -- Vous me trompez, madame, dit la novice; vous avez été sa maîtresse. -- C'est vous qui l'avez été, madame, s'écria Milady à son tour. -- Moi! dit la novice. -- Oui, vous; je vous connais maintenant: vous êtes madame Bonacieux.» La jeune femme se recula, pleine de surprise et de terreur. «Oh! ne niez pas! répondez, reprit Milady. -- Eh bien, oui, madame! je l'aime, dit la novice; sommes-nous rivales?» La figure de Milady s'illumina d'un feu tellement sauvage que, dans toute autre circonstance, Mme Bonacieux se fût enfuie d'épouvante; mais elle était toute à sa jalousie. «Voyons, dites, madame, reprit Mme Bonacieux avec une énergie dont on l'eût crue incapable, avez-vous été ou êtes-vous sa maîtresse? -- Oh! non! s'écria Milady avec un accent qui n'admettait pas le doute sur sa vérité, jamais! jamais! -- Je vous crois, dit Mme Bonacieux; mais pourquoi donc alors vous êtes-vous écriée ainsi? -- Comment, vous ne comprenez pas! dit Milady, qui était déjà remise de son trouble, et qui avait retrouvé toute sa présence d'esprit. -- Comment voulez-vous que je comprenne? je ne sais rien. -- Vous ne comprenez pas que M. d'Artagnan étant mon ami, il m'avait prise pour confidente? -- Vraiment! -- Vous ne comprenez pas que je sais tout, votre enlèvement de la petite maison de Saint-Germain, son désespoir, celui de ses amis, leurs recherches inutiles depuis ce moment! Et comment ne voulez- vous pas que je m'en étonne, quand, sans m'en douter, je me trouve en face de vous, de vous dont nous avons parlé si souvent ensemble, de vous qu'il aime de toute la force de son âme, de vous qu'il m'avait fait aimer avant que je vous eusse vue? Ah! chère Constance, je vous trouve donc, je vous vois donc enfin!» Et Milady tendit ses bras à Mme Bonacieux, qui, convaincue par ce qu'elle venait de lui dire, ne vit plus dans cette femme, qu'un instant auparavant elle avait crue sa rivale, qu'une amie sincère et dévouée. «Oh! pardonnez-moi! pardonnez-moi! s'écria-t-elle en se laissant aller sur son épaule, je l'aime tant!» Ces deux femmes se tinrent un instant embrassées. Certes, si les forces de Milady eussent été à la hauteur de sa haine, Mme Bonacieux ne fût sortie que morte de cet embrassement. Mais, ne pouvant pas l'étouffer, elle lui sourit. «O chère belle! chère bonne petite! dit Milady, que je suis heureuse de vous voir! Laissez-moi vous regarder. Et, en disant ces mots, elle la dévorait effectivement du regard. Oui, c'est bien vous. Ah! d'après ce qu'il m'a dit, je vous reconnais à cette heure, je vous reconnais parfaitement.» La pauvre jeune femme ne pouvait se douter de ce qui se passait d'affreusement cruel derrière le rempart de ce front pur, derrière ces yeux si brillants où elle ne lisait que de l'intérêt et de la compassion. «Alors vous savez ce que j'ai souffert, dit Mme Bonacieux, puisqu'il vous a dit ce qu'il souffrait; mais souffrir pour lui, c'est du bonheur.» Milady reprit machinalement: «Oui, c'est du bonheur.» Elle pensait à autre chose. «Et puis, continua Mme Bonacieux, mon supplice touche à son terme; demain, ce soir peut-être, je le reverrai, et alors le passé n'existera plus. -- Ce soir? demain? s'écria Milady tirée de sa rêverie par ces paroles, que voulez-vous dire? attendez-vous quelque nouvelle de lui? -- Je l'attends lui-même. -- Lui-même; d'Artagnan, ici! -- Lui-même. -- Mais, c'est impossible! il est au siège de La Rochelle avec le cardinal; il ne reviendra à Paris qu'après la prise de la ville. -- Vous le croyez ainsi, mais est-ce qu'il y a quelque chose d'impossible à mon d'Artagnan, le noble et loyal gentilhomme! -- Oh! je ne puis vous croire! -- Eh bien, lisez donc!» dit, dans l'excès de son orgueil et de sa joie, la malheureuse jeune femme en présentant une lettre à Milady. «L'écriture de Mme de Chevreuse! se dit en elle-même Milady. Ah! j'étais bien sûre qu'ils avaient des intelligences de ce côté-là!» Et elle lut avidement ces quelques lignes: «Ma chère enfant, tenez-vous prête; notre ami vous verra bientôt, et il ne vous verra que pour vous arracher de la prison où votre sûreté exigeait que vous fussiez cachée: préparez-vous donc au départ et ne désespérez jamais de nous. «Notre charmant Gascon vient de se montrer brave et fidèle comme toujours, dites-lui qu'on lui est bien reconnaissant quelque part de l'avis qu'il a donné.» «Oui, oui, dit Milady, oui, la lettre est précise. Savez-vous quel est cet avis? -- Non. Je me doute seulement qu'il aura prévenu la reine de quelque nouvelle machination du cardinal. -- Oui, c'est cela sans doute!» dit Milady en rendant la lettre à Mme Bonacieux et en laissant retomber sa tête pensive sur sa poitrine. En ce moment on entendit le galop d'un cheval. «Oh! s'écria Mme Bonacieux en s'élançant à la fenêtre, serait-ce déjà lui?» Milady était restée dans son lit, pétrifiée par la surprise; tant de choses inattendues lui arrivaient tout à coup, que pour la première fois la tête lui manquait. «Lui! lui! murmura-t-elle, serait-ce lui?» Et elle demeurait dans son lit les yeux fixes. «Hélas, non! dit Mme Bonacieux, c'est un homme que je ne connais pas, et qui cependant a l'air de venir ici; oui, il ralentit sa course, il s'arrête à la porte, il sonne. Milady sauta hors de son lit. «Vous êtes bien sûre que ce n'est pas lui? dit-elle. -- Oh! oui, bien sûre! -- Vous avez peut-être mal vu. -- Oh! je verrais la plume de son feutre, le bout de son manteau, que je le reconnaîtrais, lui! Milady s'habillait toujours. «N'importe! cet homme vient ici, dites-vous? -- Oui, il est entré. -- C'est ou pour vous ou pour moi. -- Oh! mon Dieu, comme vous semblez agitée! -- Oui, je l'avoue, je n'ai pas votre confiance, je crains tout du cardinal. -- Chut! dit Mme Bonacieux, on vient!» Effectivement, la porte s'ouvrit, et la supérieure entra. «Est-ce vous qui arrivez de Boulogne? demanda-t-elle à Milady. -- Oui, c'est moi, répondit celle-ci, et, tâchant de ressaisir son sang-froid, qui me demande? -- Un homme qui ne veut pas dire son nom, mais qui vient de la part du cardinal. -- Et qui veut me parler? demanda Milady. -- Qui veut parler à une dame arrivant de Boulogne. -- Alors faites entrer, madame, je vous prie. -- Oh! mon Dieu! mon Dieu! dit Mme Bonacieux, serait-ce quelque mauvaise nouvelle? -- J'en ai peur. -- Je vous laisse avec cet étranger, mais aussitôt son départ, si vous le permettez, je reviendrai. -- Comment donc! je vous en prie.» La supérieure et Mme Bonacieux sortirent. Milady resta seule, les yeux fixés sur la porte; un instant après on entendit le bruit d'éperons qui retentissaient sur les escaliers, puis les pas se rapprochèrent, puis la porte s'ouvrit, et un homme parut. Milady jeta un cri de joie: cet homme c'était le comte de Rochefort, l'âme damnée de Son Éminence. CHAPITRE LXII DEUX VARIÉTÉS DE DÉMONS «Ah! s'écrièrent ensemble Rochefort et Milady, c'est vous! -- Oui, c'est moi. -- Et vous arrivez...? demanda Milady. -- De La Rochelle, et vous? -- D'Angleterre. -- Buckingham? -- Mort ou blessé dangereusement; comme je partais sans avoir rien pu obtenir de lui, un fanatique venait de l'assassiner. -- Ah! fit Rochefort avec un sourire, voilà un hasard bien heureux! et qui satisfera Son Éminence! L'avez-vous prévenue? -- Je lui ai écrit de Boulogne. Mais comment êtes-vous ici? -- Son Éminence, inquiète, m'a envoyé à votre recherche. -- Je suis arrivée d'hier seulement. -- Et qu'avez-vous fait depuis hier? -- Je n'ai pas perdu mon temps. -- Oh! je m'en doute bien! -- Savez-vous qui j'ai rencontré ici? -- Non. -- Devinez. -- Comment voulez-vous?... -- Cette jeune femme que la reine a tirée de prison. -- La maîtresse du petit d'Artagnan? -- Oui, Mme Bonacieux, dont le cardinal ignorait la retraite. -- Eh bien, dit Rochefort, voilà encore un hasard qui peut aller de pair avec l'autre, M. le cardinal est en vérité un homme privilégié. -- Comprenez-vous mon étonnement, continua Milady, quand je me suis trouvée face à face avec cette femme? -- Vous connaît-elle? -- Non. -- Alors elle vous regarde comme une étrangère?» Milady sourit. «Je suis sa meilleure amie! -- Sur mon honneur, dit Rochefort, il n'y a que vous, ma chère comtesse, pour faire de ces miracles-là. -- Et bien m'en a pris, chevalier, dit Milady, car savez-vous ce qui se passe? -- Non. -- On va la venir chercher demain ou après-demain avec un ordre de la reine. -- Vraiment? et qui cela? -- D'Artagnan et ses amis. -- En vérité ils en feront tant, que nous serons obligés de les envoyer à la Bastille. -- Pourquoi n'est-ce point déjà fait? -- Que voulez-vous! parce que M. le cardinal a pour ces hommes une faiblesse que je ne comprends pas. -- Vraiment? -- Oui. -- Eh bien, dites-lui ceci, Rochefort: dites-lui que notre conversation à l'auberge du Colombier-Rouge a été entendue par ces quatre hommes; dites-lui qu'après son départ l'un d'eux est monté et m'a arraché par violence le sauf-conduit qu'il m'avait donné; dites-lui qu'ils avaient fait prévenir Lord de Winter de mon passage en Angleterre; que, cette fois encore, ils ont failli faire échouer ma mission, comme ils ont fait échouer celle des ferrets; dites-lui que parmi ces quatre hommes, deux seulement sont à craindre, d'Artagnan et Athos; dites-lui que le troisième, Aramis, est l'amant de Mme de Chevreuse: il faut laisser vivre celui-là, on sait son secret, il peut être utile; quant au quatrième, Porthos, c'est un sot, un fat et un niais, qu'il ne s'en occupe même pas. -- Mais ces quatre hommes doivent être à cette heure au siège de La Rochelle. -- Je le croyais comme vous; mais une lettre que Mme Bonacieux a reçue de Mme de Chevreuse, et qu'elle a eu l'imprudence de me communiquer, me porte à croire que ces quatre hommes au contraire sont en campagne pour la venir enlever. -- Diable! comment faire? -- Que vous a dit le cardinal à mon égard? -- De prendre vos dépêches écrites ou verbales, de revenir en poste, et, quand il saura ce que vous avez fait, il avisera à ce que vous devez faire. -- Je dois donc rester ici? demanda Milady. -- Ici ou dans les environs. -- Vous ne pouvez m'emmener avec vous? -- Non, l'ordre est formel: aux environs du camp, vous pourriez être reconnue, et votre présence, vous le comprenez, compromettrait Son Éminence, surtout après ce qui vient de se passer là-bas. Seulement, dites-moi d'avance où vous attendrez des nouvelles du cardinal, que je sache toujours où vous retrouver. -- Écoutez, il est probable que je ne pourrai rester ici. -- Pourquoi? -- Vous oubliez que mes ennemis peuvent arriver d'un moment à l'autre. -- C'est vrai; mais alors cette petite femme va échapper à Son Éminence? -- Bah! dit Milady avec un sourire qui n'appartenait qu'à elle, vous oubliez que je suis sa meilleure amie. -- Ah! c'est vrai! je puis donc dire au cardinal, à l'endroit de cette femme... -- Qu'il soit tranquille. -- Voilà tout? -- Il saura ce que cela veut dire. -- Il le devinera. Maintenant, voyons, que dois-je faire? -- Repartir à l'instant même; il me semble que les nouvelles que vous reportez valent bien la peine que l'on fasse diligence. -- Ma chaise s'est cassée en entrant à Lillers. -- À merveille! -- Comment, à merveille? -- Oui, j'ai besoin de votre chaise, moi, dit la comtesse. -- Et comment partirai-je, alors? -- À franc étrier. -- Vous en parlez bien à votre aise, cent quatre-vingts lieues. -- Qu'est-ce que cela? -- On les fera. Après? -- Après: en passant à Lillers, vous me renvoyez la chaise avec ordre à votre domestique de se mettre à ma disposition. -- Bien. -- Vous avez sans doute sur vous quelque ordre du cardinal? -- J'ai mon plein pouvoir. -- Vous le montrez à l'abbesse, et vous dites qu'on viendra me chercher, soit aujourd'hui, soit demain, et que j'aurai à suivre la personne qui se présentera en votre nom. -- Très bien! -- N'oubliez pas de me traiter durement en parlant de moi à l'abbesse. -- À quoi bon? -- Je suis une victime du cardinal. Il faut bien que j'inspire de la confiance à cette pauvre petite Mme Bonacieux. -- C'est juste. Maintenant voulez-vous me faire un rapport de tout ce qui est arrivé? -- Mais je vous ai raconté les événements, vous avez bonne mémoire, répétez les choses comme je vous les ai dites, un papier se perd. -- Vous avez raison; seulement que je sache où vous retrouver, que je n'aille pas courir inutilement dans les environs. -- C'est juste, attendez. -- Voulez-vous une carte? -- Oh! je connais ce pays à merveille. -- Vous? quand donc y êtes-vous venue? -- J'y ai été élevée. -- Vraiment? -- C'est bon à quelque chose, vous le voyez, que d'avoir été élevée quelque part. -- Vous m'attendrez donc...? -- Laissez-moi réfléchir un instant; eh! tenez, à Armentières. -- Qu'est-ce que cela, Armentières? -- Une petite ville sur la Lys! je n'aurai qu'à traverser la rivière et je suis en pays étranger. -- À merveille! mais il est bien entendu que vous ne traverserez la rivière qu'en cas de danger. -- C'est bien entendu. -- Et, dans ce cas, comment saurai-je où vous êtes? -- Vous n'avez pas besoin de votre laquais? -- Non. -- C'est un homme sûr? -- À l'épreuve. -- Donnez-le-moi; personne ne le connaît, je le laisse à l'endroit que je quitte, et il vous conduit où je suis. -- Et vous dites que vous m'attendez à Argentières? -- À Armentières, répondit Milady. -- Écrivez-moi ce nom-là sur un morceau de papier, de peur que je l'oublie; ce n'est pas compromettant, un nom de ville, n'est-ce pas? -- Eh, qui sait? N'importe, dit Milady en écrivant le nom sur une demi-feuille de papier, je me compromets. -- Bien! dit Rochefort en prenant des mains de Milady le papier, qu'il plia et qu'il enfonça dans la coiffe de son feutre; d'ailleurs, soyez tranquille, je vais faire comme les enfants, et, dans le cas où je perdrais ce papier, répéter le nom tout le long de la route. Maintenant est-ce tout? -- Je le crois. -- Cherchons bien: Buckingham mort ou grièvement blessé; votre entretien avec le cardinal entendu des quatre mousquetaires; Lord de Winter prévenu de votre arrivée à Portsmouth; d'Artagnan et Athos à la Bastille; Aramis l'amant de Mme de Chevreuse; Porthos un fat; Mme Bonacieux retrouvée; vous envoyer la chaise le plus tôt possible; mettre mon laquais à votre disposition; faire de vous une victime du cardinal, pour que l'abbesse ne prenne aucun soupçon; Armentières sur les bords de la Lys. Est-ce cela? -- En vérité, mon cher chevalier, vous êtes un miracle de mémoire. À propos, ajoutez une chose... -- Laquelle? -- J'ai vu de très jolis bois qui doivent toucher au jardin du couvent, dites qu'il m'est permis de me promener dans ces bois; qui sait? j'aurai peut-être besoin de sortir par une porte de derrière. -- Vous pensez à tout. -- Et vous, vous oubliez une chose... -- Laquelle? -- C'est de me demander si j'ai besoin d'argent. -- C'est juste, combien voulez-vous? -- Tout ce que vous aurez d'or. -- J'ai cinq cents pistoles à peu près. -- J'en ai autant: avec mille pistoles on fait face à tout; videz vos poches. -- Voilà, comtesse. -- Bien, mon cher comte! et vous partez...? -- Dans une heure; le temps de manger un morceau, pendant lequel j'enverrai chercher un cheval de poste. -- À merveille! Adieu, chevalier! -- Adieu, comtesse! -- Recommandez-moi au cardinal, dit Milady. -- Recommandez-moi à Satan», répliqua Rochefort. Milady et Rochefort échangèrent un sourire et se séparèrent. Une heure après, Rochefort partit au grand galop de son cheval; cinq heures après il passait à Arras. Nos lecteurs savent déjà comment il avait été reconnu par d'Artagnan, et comment cette reconnaissance, en inspirant des craintes aux quatre mousquetaires, avait donné une nouvelle activité à leur voyage. CHAPITRE LXIII UNE GOUTTE D'EAU À peine Rochefort fut-il sorti, que Mme Bonacieux rentra. Elle trouva Milady le visage riant. «Eh bien, dit la jeune femme, ce que vous craigniez est donc arrivé; ce soir ou demain le cardinal vous envoie prendre? -- Qui vous a dit cela, mon enfant? demanda Milady. -- Je l'ai entendu de la bouche même du messager. -- Venez vous asseoir ici près de moi, dit Milady. -- Me voici. -- Attendez que je m'assure si personne ne nous écoute. -- Pourquoi toutes ces précautions? -- Vous allez le savoir.» Milady se leva et alla à la porte, l'ouvrit, regarda dans le corridor, et revint se rasseoir près de Mme Bonacieux. «Alors, dit-elle, il a bien joué son rôle. -- Qui cela? -- Celui qui s'est présenté à l'abbesse comme l'envoyé du cardinal. -- C'était donc un rôle qu'il jouait? -- Oui, mon enfant. -- Cet homme n'est donc pas... -- Cet homme, dit Milady en baissant la voix, c'est mon frère. -- Votre frère! s'écria Mme Bonacieux. -- Eh bien, il n'y a que vous qui sachiez ce secret, mon enfant; si vous le confiez à qui que ce soit au monde, je serai perdue, et vous aussi peut-être. -- Oh! mon Dieu! -- Écoutez, voici ce qui se passe: mon frère, qui venait à mon secours pour m'enlever ici de force, s'il le fallait, a rencontré l'émissaire du cardinal qui venait me chercher; il l'a suivi. Arrivé à un endroit du chemin solitaire et écarté, il a mis l'épée à la main en sommant le messager de lui remettre les papiers dont il était porteur; le messager a voulu se défendre, mon frère l'a tué. -- Oh! fit Mme Bonacieux en frissonnant. -- C'était le seul moyen, songez-y. Alors mon frère a résolu de substituer la ruse à la force: il a pris les papiers, il s'est présenté ici comme l'émissaire du cardinal lui-même, et dans une heure ou deux, une voiture doit venir me prendre de la part de Son Éminence. -- Je comprends; cette voiture, c'est votre frère qui vous l'envoie. -- Justement; mais ce n'est pas tout: cette lettre que vous avez reçue, et que vous croyez de Mme Chevreuse... -- Eh bien? -- Elle est fausse. -- Comment cela? -- Oui, fausse: c'est un piège pour que vous ne fassiez pas de résistance quand on viendra vous chercher. -- Mais c'est d'Artagnan qui viendra. -- Détrompez-vous, d'Artagnan et ses amis sont retenus au siège de La Rochelle. -- Comment savez-vous cela? -- Mon frère a rencontré des émissaires du cardinal en habits de mousquetaires. On vous aurait appelée à la porte, vous auriez cru avoir affaire à des amis, on vous enlevait et on vous ramenait à Paris. -- Oh! mon Dieu! ma tête se perd au milieu de ce chaos d'iniquités. Je sens que si cela durait, continua Mme Bonacieux en portant ses mains à son front, je deviendrais folle! -- Attendez... -- Quoi? -- J'entends le pas d'un cheval, c'est celui de mon frère qui repart; je veux lui dire un dernier adieu, venez.» Milady ouvrit la fenêtre et fit signe à Mme Bonacieux de l'y rejoindre. La jeune femme y alla. Rochefort passait au galop. «Adieu, frère», s'écria Milady. Le chevalier leva la tête, vit les deux jeunes femmes, et, tout courant, fit à Milady un signe amical de la main. «Ce bon Georges!» dit-elle en refermant la fenêtre avec une expression de visage pleine d'affection et de mélancolie. Et elle revint s'asseoir à sa place, comme si elle eût été plongée dans des réflexions toutes personnelles. «Chère dame! dit Mme Bonacieux, pardon de vous interrompre! mais que me conseillez-vous de faire? mon Dieu! Vous avez plus d'expérience que moi, parlez, je vous écoute. -- D'abord, dit Milady, il se peut que je me trompe et que d'Artagnan et ses amis viennent véritablement à votre secours. -- Oh! c'eût été trop beau! s'écria Mme Bonacieux, et tant de bonheur n'est pas fait pour moi! -- Alors, vous comprenez; ce serait tout simplement une question de temps, une espèce de course à qui arrivera le premier. Si ce sont vos amis qui l'emportent en rapidité, vous êtes sauvée; si ce sont les satellites du cardinal, vous êtes perdue. -- Oh! oui, oui, perdue sans miséricorde! Que faire donc? que faire? -- Il y aurait un moyen bien simple, bien naturel... -- Lequel, dites? -- Ce serait d'attendre, cachée dans les environs, et de s'assurer ainsi quels sont les hommes qui viendront vous demander. -- Mais où attendre? -- Oh! ceci n'est point une question: moi-même je m'arrête et je me cache à quelques lieues d'ici en attendant que mon frère vienne me rejoindre; eh bien, je vous emmène avec moi, nous nous cachons et nous attendons ensemble. -- Mais on ne me laissera pas partir, je suis ici presque prisonnière. -- Comme on croit que je pars sur un ordre du cardinal, on ne vous croira pas très pressée de me suivre. -- Eh bien? -- Eh bien, la voiture est à la porte, vous me dites adieu, vous montez sur le marchepied pour me serrer dans vos bras une dernière fois; le domestique de mon frère qui vient me prendre est prévenu, il fait un signe au postillon, et nous partons au galop. -- Mais d'Artagnan, d'Artagnan, s'il vient? -- Ne le saurons-nous pas? -- Comment? -- Rien de plus facile. Nous renvoyons à Béthune ce domestique de mon frère, à qui, je vous l'ai dit, nous pouvons nous fier; il prend un déguisement et se loge en face du couvent: si ce sont les émissaires du cardinal qui viennent, il ne bouge pas; si c'est M. d'Artagnan et ses amis, il les amène où nous sommes. -- Il les connaît donc? -- Sans doute, n'a-t-il pas vu M. d'Artagnan chez moi! -- Oh! oui, oui, vous avez raison; ainsi, tout va bien, tout est pour le mieux; mais ne nous éloignons pas d'ici. -- À sept ou huit lieues tout au plus, nous nous tenons sur la frontière par exemple, et à la première alerte, nous sortons de France. -- Et d'ici là, que faire? -- Attendre. -- Mais s'ils arrivent? -- La voiture de mon frère arrivera avant eux. -- Si je suis loin de vous quand on viendra vous prendre; à dîner ou à souper, par exemple? -- Faites une chose. -- Laquelle? -- Dites à votre bonne supérieure que, pour nous quitter le moins possible, vous lui demanderez la permission de partager mon repas. -- Le permettra-t-elle? -- Quel inconvénient y a-t-il à cela? -- Oh! très bien, de cette façon nous ne nous quitterons pas un instant! -- Eh bien, descendez chez elle pour lui faire votre demande! je me sens la tête lourde, je vais faire un tour au jardin. -- Allez, et où vous retrouverai-je? -- Ici dans une heure. -- Ici dans une heure; oh! vous êtes bonne et je vous remercie. -- Comment ne m'intéresserais-je pas à vous? Quand vous ne seriez pas belle et charmante, n'êtes-vous pas l'amie d'un de mes meilleurs amis! -- Cher d'Artagnan, oh! comme il vous remerciera! -- Je l'espère bien. Allons! tout est convenu, descendons. -- Vous allez au jardin? -- Oui. -- Suivez ce corridor, un petit escalier vous y conduit. -- À merveille! merci.» Et les deux femmes se quittèrent en échangeant un charmant sourire. Milady avait dit la vérité, elle avait la tête lourde; car ses projets mal classés s'y heurtaient comme dans un chaos. Elle avait besoin d'être seule pour mettre un peu d'ordre dans ses pensées. Elle voyait vaguement dans l'avenir; mais il lui fallait un peu de silence et de quiétude pour donner à toutes ses idées, encore confuses, une forme distincte, un plan arrêté. Ce qu'il y avait de plus pressé, c'était d'enlever Mme Bonacieux, de la mettre en lieu de sûreté, et là, le cas échéant, de s'en faire un otage. Milady commençait à redouter l'issue de ce duel terrible, où ses ennemis mettaient autant de persévérance qu'elle mettait, elle, d'acharnement. D'ailleurs elle sentait, comme on sent venir un orage, que cette issue était proche et ne pouvait manquer d'être terrible. Le principal pour elle, comme nous l'avons dit, était donc de tenir Mme Bonacieux entre ses mains. Mme Bonacieux, c'était la vie de d'Artagnan; c'était plus que sa vie, c'était celle de la femme qu'il aimait; c'était, en cas de mauvaise fortune, un moyen de traiter et d'obtenir sûrement de bonnes conditions. Or, ce point était arrêté: Mme Bonacieux, sans défiance, la suivait; une fois cachée avec elle à Armentières, il était facile de lui faire croire que d'Artagnan n'était pas venu à Béthune. Dans quinze jours au plus, Rochefort serait de retour; pendant ces quinze jours, d'ailleurs, elle aviserait à ce qu'elle aurait à faire pour se venger des quatre amis. Elle ne s'ennuierait pas, Dieu merci, car elle aurait le plus doux passe-temps que les événements pussent accorder à une femme de son caractère: une bonne vengeance à perfectionner. Tout en rêvant, elle jetait les yeux autour d'elle et classait dans sa tête la topographie du jardin. Milady était comme un bon général, qui prévoit tout ensemble la victoire et la défaite, et qui est tout près, selon les chances de la bataille, à marcher en avant ou à battre en retraite. Au bout d'une heure, elle entendit une douce voix qui l'appelait; c'était celle de Mme Bonacieux. La bonne abbesse avait naturellement consenti à tout, et, pour commencer, elles allaient souper ensemble. En arrivant dans la cour, elles entendirent le bruit d'une voiture qui s'arrêtait a la porte. «Entendez-vous? dit-elle. -- Oui, le roulement d'une voiture. -- C'est celle que mon frère nous envoie. -- Oh! mon Dieu! -- Voyons, du courage!» On sonna à la porte du couvent, Milady ne s'était pas trompée. «Montez dans votre chambre, dit-elle à Mme Bonacieux, vous avez bien quelques bijoux que vous désirez emporter. -- J'ai ses lettres, dit-elle. -- Eh bien, allez les chercher et venez me rejoindre chez moi, nous souperons à la hâte, peut-être voyagerons-nous une partie de la nuit, il faut prendre des forces. -- Grand Dieu! dit Mme Bonacieux en mettant la main sur sa poitrine, le coeur m'étouffe, je ne puis marcher. -- Du courage, allons, du courage! pensez que dans un quart d'heure vous êtes sauvée, et songez que ce que vous allez faire, c'est pour lui que vous le faites. -- Oh! oui, tout pour lui. Vous m'avez rendu mon courage par un seul mot; allez, je vous rejoins.» Milady monta vivement chez elle, elle y trouva le laquais de Rochefort, et lui donna ses instructions. Il devait attendre à la porte; si par hasard les mousquetaires paraissaient, la voiture partait au galop, faisait le tour du couvent, et allait attendre Milady à un petit village qui était situé de l'autre côté du bois. Dans ce cas, Milady traversait le jardin et gagnait le village à pied; nous l'avons dit déjà, Milady connaissait à merveille cette partie de la France. Si les mousquetaires ne paraissaient pas, les choses allaient comme il était convenu: Mme Bonacieux montait dans la voiture sous prétexte de lui dire adieu et Milady enlevait Mme Bonacieux. Mme Bonacieux entra, et pour lui ôter tout soupçon si elle en avait, Milady répéta devant elle au laquais toute la dernière partie de ses instructions. Milady fit quelques questions sur la voiture: c'était une chaise attelée de trois chevaux, conduite par un postillon; le laquais de Rochefort devait la précéder en courrier. C'était à tort que Milady craignait que Mme Bonacieux n'eût des soupçons: la pauvre jeune femme était trop pure pour soupçonner dans une autre femme une telle perfidie; d'ailleurs le nom de la comtesse de Winter, qu'elle avait entendu prononcer par l'abbesse, lui était parfaitement inconnu, et elle ignorait même qu'une femme eût eu une part si grande et si fatale aux malheurs de sa vie. «Vous le voyez, dit Milady, lorsque le laquais fut sorti, tout est prêt. L'abbesse ne se doute de rien et croit qu'on me vient chercher de la part du cardinal. Cet homme va donner les derniers ordres; prenez la moindre chose, buvez un doigt de vin et partons. -- Oui, dit machinalement Mme Bonacieux, oui, partons.» Milady lui fit signe de s'asseoir devant elle, lui versa un petit verre de vin d'Espagne et lui servit un blanc de poulet. «Voyez, lui dit-elle, si tout ne nous seconde pas: voici la nuit qui vient; au point du jour nous serons arrivées dans notre retraite, et nul ne pourra se douter où nous sommes. Voyons, du courage, prenez quelque chose.» Mme Bonacieux mangea machinalement quelques bouchées et trempa ses lèvres dans son verre. «Allons donc, allons donc, dit Milady portant le sien à ses lèvres, faites comme moi.» Mais au moment où elle l'approchait de sa bouche, sa main resta suspendue: elle venait d'entendre sur la route comme le roulement lointain d'un galop qui allait s'approchant; puis, presque en même temps, il lui sembla entendre des hennissements de chevaux. Ce bruit la tira de sa joie comme un bruit d'orage réveille au milieu d'un beau rêve; elle pâlit et courut à la fenêtre, tandis que Mme Bonacieux, se levant toute tremblante, s'appuyait sur sa chaise pour ne point tomber. On ne voyait rien encore, seulement on entendait le galop qui allait toujours se rapprochant. «Oh! mon Dieu, dit Mme Bonacieux, qu'est-ce que ce bruit? -- Celui de nos amis ou de nos ennemis, dit Milady avec son sang- froid terrible; restez où vous êtes, je vais vous le dire.» Mme Bonacieux demeura debout, muette, immobile et pâle comme une statue. Le bruit devenait plus fort, les chevaux ne devaient pas être à plus de cent cinquante pas; si on ne les apercevait point encore, c'est que la route faisait un coude. Toutefois, le bruit devenait si distinct qu'on eût pu compter les chevaux par le bruit saccadé de leurs fers. Milady regardait de toute la puissance de son attention; il faisait juste assez clair pour qu'elle pût reconnaître ceux qui venaient. Tout à coup, au détour du chemin, elle vit reluire des chapeaux galonnés et flotter des plumes; elle compta deux, puis cinq puis huit cavaliers; l'un d'eux précédait tous les autres de deux longueurs de cheval. Milady poussa un rugissement étouffé. Dans celui qui tenait la tête elle reconnut d'Artagnan. «Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'écria Mme Bonacieux, qu'y a-t-il donc? -- C'est l'uniforme des gardes de M. le cardinal; pas un instant à perdre! s'écria Milady. Fuyons, fuyons! -- Oui, oui, fuyons», répéta Mme Bonacieux, mais sans pouvoir faire un pas, clouée qu'elle était à sa place par la terreur. On entendit les cavaliers qui passaient sous la fenêtre. «Venez donc! mais venez donc! s'écriait Milady en essayant de traîner la jeune femme par le bras. Grâce au jardin, nous pouvons fuir encore, j'ai la clef, mais hâtons-nous, dans cinq minutes il serait trop tard.» Mme Bonacieux essaya de marcher, fit deux pas et tomba sur ses genoux. Milady essaya de la soulever et de l'emporter, mais elle ne put en venir à bout. En ce moment on entendit le roulement de la voiture, qui à la vue des mousquetaires partait au galop. Puis, trois ou quatre coups de feu retentirent. «Une dernière fois, voulez-vous venir? s'écria Milady. -- Oh! mon Dieu! mon Dieu! vous voyez bien que les forces me manquent; vous voyez bien que je ne puis marcher: fuyez seule. -- Fuir seule! vous laisser ici! non, non, jamais», s'écria Milady. Tout à coup, un éclair livide jaillit de ses yeux; d'un bond, éperdue, elle courut à la table, versa dans le verre de Mme Bonacieux le contenu d'un chaton de bague qu'elle ouvrit avec une promptitude singulière. C'était un grain rougeâtre qui se fondit aussitôt. Puis, prenant le verre d'une main ferme: «Buvez, dit-elle, ce vin vous donnera des forces, buvez.» Et elle approcha le verre des lèvres de la jeune femme qui but machinalement. «Ah! ce n'est pas ainsi que je voulais me venger, dit Milady en reposant avec un sourire infernal le verre sur la table, mais, ma foi! on fait ce qu'on peut.» Et elle s'élança hors de l'appartement. Mme Bonacieux la regarda fuir, sans pouvoir la suivre; elle était comme ces gens qui rêvent qu'on les poursuit et qui essayent vainement de marcher. Quelques minutes se passèrent, un bruit affreux retentissait à la porte; à chaque instant Mme Bonacieux s'attendait à voir reparaître Milady, qui ne reparaissait pas. Plusieurs fois, de terreur sans doute, la sueur monta froide à son front brûlant. Enfin elle entendit le grincement des grilles qu'on ouvrait, le bruit des bottes et des éperons retentit par les escaliers; il se faisait un grand murmure de voix qui allaient se rapprochant, et au milieu desquelles il lui semblait entendre prononcer son nom. Tout à coup elle jeta un grand cri de joie et s'élança vers la porte, elle avait reconnu la voix de d'Artagnan. «D'Artagnan! d'Artagnan! s'écria-t-elle, est-ce vous? Par ici, par ici. -- Constance! Constance! répondit le jeune homme, où êtes-vous? mon Dieu!» Au même moment, la porte de la cellule céda au choc plutôt qu'elle ne s'ouvrit; plusieurs hommes se précipitèrent dans la chambre; Mme Bonacieux était tombée dans un fauteuil sans pouvoir faire un mouvement. D'Artagnan jeta un pistolet encore fumant qu'il tenait à la main, et tomba à genoux devant sa maîtresse, Athos repassa le sien à sa ceinture; Porthos et Aramis, qui tenaient leurs épées nues, les remirent au fourreau. «Oh! d'Artagnan! mon bien-aimé d'Artagnan! tu viens donc enfin, tu ne m'avais pas trompée, c'est bien toi! -- Oui, oui, Constance! réunis! -- Oh! elle avait beau dire que tu ne viendrais pas, j'espérais sourdement; je n'ai pas voulu fuir; oh! comme j'ai bien fait, comme je suis heureuse!» À ce mot, elle, Athos, qui s'était assis tranquillement, se leva tout à coup. «Elle! qui, elle? demanda d'Artagnan. -- Mais ma compagne; celle qui, par amitié pour moi, voulait me soustraire à mes persécuteurs; celle qui, vous prenant pour des gardes du cardinal, vient de s'enfuir. -- Votre compagne, s'écria d'Artagnan, devenant plus pâle que le voile blanc de sa maîtresse, de quelle compagne voulez-vous donc parler? -- De celle dont la voiture était à la porte, d'une femme qui se dit votre amie, d'Artagnan; d'une femme à qui vous avez tout raconté. -- Son nom, son nom! s'écria d'Artagnan; mon Dieu! ne savez-vous donc pas son nom? -- Si fait, on l'a prononcé devant moi, attendez... mais c'est étrange... oh! mon Dieu! ma tête se trouble, je n'y vois plus. -- À moi, mes amis, à moi! ses mains sont glacées, s'écria d'Artagnan, elle se trouve mal; grand Dieu! elle perd connaissance!» Tandis que Porthos appelait au secours de toute la puissance de sa voix, Aramis courut à la table pour prendre un verre d'eau; mais il s'arrêta en voyant l'horrible altération du visage d'Athos, qui, debout devant la table, les cheveux hérissés, les yeux glacés de stupeur, regardait l'un des verres et semblait en proie au doute le plus horrible. «Oh! disait Athos, oh! non, c'est impossible! Dieu ne permettrait pas un pareil crime. -- De l'eau, de l'eau, criait d'Artagnan, de l'eau! «Pauvre femme, pauvre femme!» murmurait Athos d'une voix brisée. Mme Bonacieux rouvrit les yeux sous les baisers de d'Artagnan. «Elle revient à elle! s'écria le jeune homme. Oh! mon Dieu, mon Dieu! je te remercie! -- Madame, dit Athos, madame, au nom du Ciel! à qui ce verre vide? -- À moi, monsieur..., répondit la jeune femme d'une voix mourante. -- Mais qui vous a versé ce vin qui était dans ce verre? -- Elle. -- Mais, qui donc, elle? -- Ah! je me souviens, dit Mme Bonacieux, la comtesse de Winter...» Les quatre amis poussèrent un seul et même cri, mais celui d'Athos domina tous les autres. En ce moment, le visage de Mme Bonacieux devint livide, une douleur sourde la terrassa, elle tomba haletante dans les bras de Porthos et d'Aramis. D'Artagnan saisit les mains d'Athos avec une angoisse difficile à décrire. «Et quoi! dit-il, tu crois...» Sa voix s'éteignit dans un sanglot. «Je crois tout, dit Athos en se mordant les lèvres jusqu'au sang. -- D'Artagnan, d'Artagnan! s'écria Mme Bonacieux, où es-tu? ne me quitte pas, tu vois bien que je vais mourir.» D'Artagnan lâcha les mains d'Athos, qu'il tenait encore entre ses mains crispées, et courut à elle. Son visage si beau était tout bouleversé, ses yeux vitreux n'avaient déjà plus de regard, un tremblement convulsif agitait son corps, la sueur coulait sur son front. «Au nom du Ciel! courez appeler Porthos, Aramis; demandez du secours! -- Inutile, dit Athos, inutile, au poison qu'elle verse il n'y a pas de contrepoison. -- Oui, oui, du secours, du secours! murmura Mme Bonacieux; du secours!» Puis, rassemblant toutes ses forces, elle prit la tête du jeune homme entre ses deux mains, le regarda un instant comme si toute son âme était passée dans son regard, et, avec un cri sanglotant, elle appuya ses lèvres sur les siennes. «Constance! Constance!» s'écria d'Artagnan. Un soupir s'échappa de la bouche de Mme Bonacieux, effleurant celle de d'Artagnan; ce soupir, c'était cette âme si chaste et si aimante qui remontait au ciel. D'Artagnan ne serrait plus qu'un cadavre entre ses bras. Le jeune homme poussa un cri et tomba près de sa maîtresse, aussi pâle et aussi glacé qu'elle. Porthos pleura, Aramis montra le poing au ciel, Athos fit le signe de la croix. En ce moment un homme parut sur la porte, presque aussi pâle que ceux qui étaient dans la chambre, et regarda tout autour de lui, vit Mme Bonacieux morte et d'Artagnan évanoui. Il apparaissait juste à cet instant de stupeur qui suit les grandes catastrophes. «Je ne m'étais pas trompé, dit-il, voilà M. d'Artagnan, et vous êtes ses trois amis, MM. Athos, Porthos et Aramis.» Ceux dont les noms venaient d'être prononcés regardaient l'étranger avec étonnement, il leur semblait à tous trois le reconnaître. «Messieurs, reprit le nouveau venu, vous êtes comme moi à la recherche d'une femme qui, ajouta-t-il avec un sourire terrible, a dû passer par ici, car j'y vois un cadavre!» Les trois amis restèrent muets; seulement la voix comme le visage leur rappelait un homme qu'ils avaient déjà vu; cependant, ils ne pouvaient se souvenir dans quelles circonstances. «Messieurs, continua l'étranger, puisque vous ne voulez pas reconnaître un homme qui probablement vous doit la vie deux fois, il faut bien que je me nomme; je suis Lord de Winter, le beau- frère de cette femme.» Les trois amis jetèrent un cri de surprise. Athos se leva et lui tendit la main. «Soyez le bienvenu, Milord, dit-il, vous êtes des nôtres. -- Je suis parti cinq heures après elle de Portsmouth, dit Lord de Winter, je suis arrivé trois heures après elle à Boulogne, je l'ai manquée de vingt minutes à Saint-Omer; enfin, à Lillers, j'ai perdu sa trace. J'allais au hasard, m'informant à tout le monde, quand je vous ai vus passer au galop; j'ai reconnu M. d'Artagnan. Je vous ai appelés, vous ne m'avez pas répondu; j'ai voulu vous suivre, mais mon cheval était trop fatigué pour aller du même train que les vôtres. Et cependant il paraît que malgré la diligence que vous avez faite, vous êtes encore arrivés trop tard! -- Vous voyez, dit Athos en montrant à Lord de Winter Mme Bonacieux morte et d'Artagnan que Porthos et Aramis essayaient de rappeler à la vie. -- Sont-ils donc morts tous deux? demanda froidement Lord de Winter. -- Non, heureusement, répondit Athos, M. d'Artagnan n'est qu'évanoui. -- Ah! tant mieux!» dit Lord de Winter. En effet, en ce moment d'Artagnan rouvrit les yeux. Il s'arracha des bras de Porthos et d'Aramis et se jeta comme un insensé sur le corps de sa maîtresse. Athos se leva, marcha vers son ami d'un pas lent et solennel, l'embrassa tendrement, et, comme il éclatait en sanglots, il lui dit de sa voix si noble et si persuasive: «Ami, sois homme: les femmes pleurent les morts, les hommes les vengent! -- Oh! oui, dit d'Artagnan, oui! si c'est pour la venger, je suis prêt à te suivre!» Athos profita de ce moment de force que l'espoir de la vengeance rendait à son malheureux ami pour faire signe à Porthos et à Aramis d'aller chercher la supérieure. Les deux amis la rencontrèrent dans le corridor, encore toute troublée et tout éperdue de tant d'événements; elle appela quelques religieuses, qui, contre toutes les habitudes monastiques, se trouvèrent en présence de cinq hommes. «Madame, dit Athos en passant le bras de d'Artagnan sous le sien, nous abandonnons à vos soins pieux le corps de cette malheureuse femme. Ce fut un ange sur la terre avant d'être un ange au ciel. Traitez-la comme une de vos soeurs; nous reviendrons un jour prier sur sa tombe.» D'Artagnan cacha sa figure dans la poitrine d'Athos et éclata en sanglots. «Pleure, dit Athos, pleure, coeur plein d'amour, de jeunesse et de vie! Hélas! je voudrais bien pouvoir pleurer comme toi!» Et il entraîna son ami, affectueux comme un père, consolant comme un prêtre, grand comme l'homme qui a beaucoup souffert. Tous cinq, suivis de leurs valets, tenant leurs chevaux par la bride, s'avancèrent vers la ville de Béthune, dont on apercevait le faubourg, et ils s'arrêtèrent devant la première auberge qu'ils rencontrèrent. «Mais, dit d'Artagnan, ne poursuivons-nous pas cette femme? -- Plus tard, dit Athos, j'ai des mesures à prendre. -- Elle nous échappera, reprit le jeune homme, elle nous échappera, Athos, et ce sera ta faute. -- Je réponds d'elle», dit Athos. D'Artagnan avait une telle confiance dans la parole de son ami, qu'il baissa la tête et entra dans l'auberge sans rien répondre. Porthos et Aramis se regardaient, ne comprenant rien à l'assurance d'Athos. Lord de Winter croyait qu'il parlait ainsi pour engourdir la douleur de d'Artagnan. «Maintenant, messieurs, dit Athos lorsqu'il se fut assuré qu'il y avait cinq chambres de libres dans l'hôtel, retirons-nous chacun chez soi; d'Artagnan a besoin d'être seul pour pleurer et vous pour dormir. Je me charge de tout, soyez tranquilles. -- Il me semble cependant, dit Lord de Winter, que s'il y a quelque mesure à prendre contre la comtesse, cela me regarde: c'est ma belle-soeur. -- Et moi, dit Athos, c'est ma femme. D'Artagnan tressaillit, car il comprit qu'Athos était sûr de sa vengeance, puisqu'il révélait un pareil secret; Porthos et Aramis se regardèrent en pâlissant. Lord de Winter pensa qu'Athos était fou. «Retirez-vous donc, dit Athos, et laissez-moi faire. Vous voyez bien qu'en ma qualité de mari cela me regarde. Seulement, d'Artagnan, si vous ne l'avez pas perdu, remettez-moi ce papier qui s'est échappé du chapeau de cet homme et sur lequel est écrit le nom de la ville... -- Ah! dit d'Artagnan, je comprends, ce nom écrit de sa main... -- Tu vois bien, dit Athos, qu'il y a un Dieu dans le ciel!» CHAPITRE LXIV L'HOMME AU MANTEAU ROUGE Le désespoir d'Athos avait fait place à une douleur concentrée, qui rendait plus lucides encore les brillantes facultés d'esprit de cet homme. Tout entier à une seule pensée, celle de la promesse qu'il avait faite et de la responsabilité qu'il avait prise, il se retira le dernier dans sa chambre, pria l'hôte de lui procurer une carte de la province, se courba dessus, interrogea les lignes tracées, reconnut que quatre chemins différents se rendaient de Béthune à Armentières, et fit appeler les valets. Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin se présentèrent et reçurent les ordres clairs, ponctuels et graves d'Athos. Ils devaient partir au point du jour, le lendemain, et se rendre à Armentières, chacun par une route différente. Planchet, le plus intelligent des quatre, devait suivre celle par laquelle avait disparu la voiture sur laquelle les quatre amis avaient tiré, et qui était accompagnée, on se le rappelle, du domestique de Rochefort. Athos mit les valets en campagne d'abord, parce que, depuis que ces hommes étaient à son service et à celui de ses amis, il avait reconnu en chacun d'eux des qualités différentes et essentielles. Puis, des valets qui interrogent inspirent aux passants moins de défiance que leurs maîtres, et trouvent plus de sympathie chez ceux auxquels ils s'adressent. Enfin, Milady connaissait les maîtres, tandis qu'elle ne connaissait pas les valets; au contraire, les valets connaissaient parfaitement Milady. Tous quatre devaient se trouver réunis le lendemain à onze heures à l'endroit indiqué; s'ils avaient découvert la retraite de Milady, trois resteraient à la garder, le quatrième reviendrait à Béthune pour prévenir Athos et servir de guide aux quatre amis. Ces dispositions prises, les valets se retirèrent à leur tour. Athos alors se leva de sa chaise, ceignit son épée, s'enveloppa dans son manteau et sortit de l'hôtel; il était dix heures à peu près. À dix heures du soir, on le sait, en province les rues sont peu fréquentées. Athos cependant cherchait visiblement quelqu'un à qui il pût adresser une question. Enfin il rencontra un passant attardé, s'approcha de lui, lui dit quelques paroles; l'homme auquel il s'adressait recula avec terreur, cependant il répondit aux paroles du mousquetaire par une indication. Athos offrit à cet homme une demi-pistole pour l'accompagner, mais l'homme refusa. Athos s'enfonça dans la rue que l'indicateur avait désignée du doigt; mais, arrivé à un carrefour, il s'arrêta de nouveau, visiblement embarrassé. Cependant, comme, plus qu'aucun autre lieu, le carrefour lui offrait la chance de rencontrer quelqu'un, il s'y arrêta. En effet, au bout d'un instant, un veilleur de nuit passa. Athos lui répéta la même question qu'il avait déjà faite à la première personne qu'il avait rencontrée, le veilleur de nuit laissa apercevoir la même terreur, refusa à son tour d'accompagner Athos, et lui montra de la main le chemin qu'il devait suivre. Athos marcha dans la direction indiquée et atteignit le faubourg situé à l'extrémité de la ville opposée à celle par laquelle lui et ses compagnons étaient entrés. Là il parut de nouveau inquiet et embarrassé, et s'arrêta pour la troisième fois. Heureusement un mendiant passa, qui s'approcha d'Athos pour lui demander l'aumône. Athos lui proposa un écu pour l'accompagner où il allait. Le mendiant hésita un instant, mais à la vue de la pièce d'argent qui brillait dans l'obscurité, il se décida et marcha devant Athos. Arrivé à l'angle d'une rue, il lui montra de loin une petite maison isolée, solitaire, triste; Athos s'en approcha, tandis que le mendiant, qui avait reçu son salaire, s'en éloignait à toutes jambes. Athos en fit le tour, avant de distinguer la porte au milieu de la couleur rougeâtre dont cette maison était peinte; aucune lumière ne paraissait à travers les gerçures des contrevents, aucun bruit ne pouvait faire supposer qu'elle fût habitée, elle était sombre et muette comme un tombeau. Trois fois Athos frappa sans qu'on lui répondît. Au troisième coup cependant des pas intérieurs se rapprochèrent; enfin la porte s'entrebâilla, et un homme de haute taille, au teint pâle, aux cheveux et à la barbe noire, parut. Athos et lui échangèrent quelques mots à voix basse, puis l'homme à la haute taille fit signe au mousquetaire qu'il pouvait entrer. Athos profita à l'instant même de la permission, et la porte se referma derrière lui. L'homme qu'Athos était venu chercher si loin et qu'il avait trouvé avec tant de peine, le fit entrer dans son laboratoire, où il était occupé à retenir avec des fils de fer les os cliquetants d'un squelette. Tout le corps était déjà rajusté: la tête seule était posée sur une table. Tout le reste de l'ameublement indiquait que celui chez lequel on se trouvait s'occupait de sciences naturelles: il y avait des bocaux pleins de serpents, étiquetés selon les espèces; des lézards desséchés reluisaient comme des émeraudes taillées dans de grands cadres de bois noir; enfin, des bottes d'herbes sauvages, odoriférantes et sans doute douées de vertus inconnues au vulgaire des hommes, étaient attachées au plafond et descendaient dans les angles de l'appartement. Du reste, pas de famille, pas de serviteurs; l'homme à la haute taille habitait seul cette maison. Athos jeta un coup d'oeil froid et indifférent sur tous les objets que nous venons de décrire, et, sur l'invitation de celui qu'il venait chercher, il s'assit près de lui. Alors il lui expliqua la cause de sa visite et le service qu'il réclamait de lui; mais à peine eut-il exposé sa demande, que l'inconnu, qui était resté debout devant le mousquetaire, recula de terreur et refusa. Alors Athos tira de sa poche un petit papier sur lequel étaient écrites deux lignes accompagnées d'une signature et d'un sceau, et le présenta à celui qui donnait trop prématurément ces signes de répugnance. L'homme à la grande taille eut à peine lu ces deux lignes, vu la signature et reconnu le sceau, qu'il s'inclina en signe qu'il n'avait plus aucune objection à faire, et qu'il était prêt à obéir. Athos n'en demanda pas davantage; il se leva, salua, sortit, reprit en s'en allant le chemin qu'il avait suivi pour venir, rentra dans l'hôtel et s'enferma chez lui. Au point du jour, d'Artagnan entra dans sa chambre et demanda ce qu'il fallait faire. «Attendre», répondit Athos. Quelques instants après, la supérieure du couvent fit prévenir les mousquetaires que l'enterrement de la victime de Milady aurait lieu à midi. Quant à l'empoisonneuse, on n'en avait pas eu de nouvelles; seulement elle avait dû fuir par le jardin, sur le sable duquel on avait reconnu la trace de ses pas et dont on avait retrouvé la porte fermée; quant à la clé, elle avait disparu. À l'heure indiquée, Lord de Winter et les quatre amis se rendirent au couvent: les cloches sonnaient à toute volée, la chapelle était ouverte, la grille du choeur était fermée. Au milieu du choeur, le corps de la victime, revêtue de ses habits de novice, était exposé. De chaque côté du choeur et derrière des grilles s'ouvrant sur le couvent était toute la communauté des Carmélites, qui écoutait de là le service divin et mêlait son chant au chant des prêtres, sans voir les profanes et sans être vue d'eux. À la porte de la chapelle, d'Artagnan sentit son courage qui fuyait de nouveau; il se retourna pour chercher Athos, mais Athos avait disparu. Fidèle à sa mission de vengeance, Athos s'était fait conduire au jardin; et là, sur le sable, suivant les pas légers de cette femme qui avait laissé une trace sanglante partout où elle avait passé, il s'avança jusqu'à la porte qui donnait sur le bois, se la fit ouvrir, et s'enfonça dans la forêt. Alors tous ses doutes se confirmèrent: le chemin par lequel la voiture avait disparu contournait la forêt. Athos suivit le chemin quelque temps les yeux fixés sur le sol; de légères taches de sang, qui provenaient d'une blessure faite ou à l'homme qui accompagnait la voiture en courrier, ou à l'un des chevaux, piquetaient le chemin. Au bout de trois quarts de lieue à peu près, à cinquante pas de Festubert, une tache de sang plus large apparaissait; le sol était piétiné par les chevaux. Entre la forêt et cet endroit dénonciateur, un peu en arrière de la terre écorchée, on retrouvait la même trace de petits pas que dans le jardin; la voiture s'était arrêtée. En cet endroit, Milady était sortie du bois et était montée dans la voiture. Satisfait de cette découverte qui confirmait tous ses soupçons, Athos revint à l'hôtel et trouva Planchet qui l'attendait avec impatience. Tout était comme l'avait prévu Athos. Planchet avait suivi la route, avait comme Athos remarqué les taches de sang, comme Athos il avait reconnu l'endroit où les chevaux s'étaient arrêtés; mais il avait poussé plus loin qu'Athos, de sorte qu'au village de Festubert, en buvant dans une auberge, il avait, sans avoir eu besoin de questionner, appris que la veille, à huit heures et demie du soir, un homme blessé, qui accompagnait une dame qui voyageait dans une chaise de poste, avait été obligé de s'arrêter, ne pouvant aller plus loin. L'accident avait été mis sur le compte de voleurs qui auraient arrêté la chaise dans le bois. L'homme était resté dans le village, la femme avait relayé et continué son chemin. Planchet se mit en quête du postillon qui avait conduit la chaise, et le retrouva. Il avait conduit la dame jusqu'à Fromelles, et de Fromelles elle était partie pour Armentières. Planchet prit la traverse, et à sept heures du matin il était à Armentières. Il n'y avait qu'un seul hôtel, celui de la Poste. Planchet alla s'y présenter comme un laquais sans place qui cherchait une condition. Il n'avait pas causé dix minutes avec les gens de l'auberge, qu'il savait qu'une femme seule était arrivée à onze heures du soir, avait pris une chambre, avait fait venir le maître d'hôtel et lui avait dit qu'elle désirerait demeurer quelque temps dans les environs. Planchet n'avait pas besoin d'en savoir davantage. Il courut au rendez-vous, trouva les trois laquais exacts à leur poste, les plaça en sentinelles à toutes les issues de l'hôtel, et vint trouver Athos, qui achevait de recevoir les renseignements de Planchet, lorsque ses amis rentrèrent. Tous les visages étaient sombres et crispés, même le doux visage d'Aramis. «Que faut-il faire? demanda d'Artagnan. -- Attendre», répondit Athos. Chacun se retira chez soi. À huit heures du soir, Athos donna l'ordre de seller les chevaux, et fit prévenir Lord de Winter et ses amis qu'ils eussent à se préparer pour l'expédition. En un instant tous cinq furent prêts. Chacun visita ses armes et les mit en état. Athos descendit le premier et trouva d'Artagnan déjà à cheval et s'impatientant. «Patience, dit Athos, il nous manque encore quelqu'un.» Les quatre cavaliers regardèrent autour d'eux avec étonnement, car ils cherchaient inutilement dans leur esprit quel était ce quelqu'un qui pouvait leur manquer. En ce moment Planchet amena le cheval d'Athos, le mousquetaire sauta légèrement en selle. «Attendez-moi, dit-il, je reviens.» Et il partit au galop. Un quart d'heure après, il revint effectivement accompagné d'un homme masqué et enveloppé d'un grand manteau rouge. Lord de Winter et les trois mousquetaires s'interrogèrent du regard. Nul d'entre eux ne put renseigner les autres, car tous ignoraient ce qu'était cet homme. Cependant ils pensèrent que cela devait être ainsi, puisque la chose se faisait par l'ordre d'Athos. À neuf heures, guidée par Planchet, la petite cavalcade se mit en route, prenant le chemin qu'avait suivi la voiture. C'était un triste aspect que celui de ces six hommes courant en silence, plongés chacun dans sa pensée, mornes comme le désespoir, sombres comme le châtiment. CHAPITRE LXV LE JUGEMENT C'était une nuit orageuse et sombre, de gros nuages couraient au ciel, voilant la clarté des étoiles; la lune ne devait se lever qu'à minuit. Parfois, à la lueur d'un éclair qui brillait à l'horizon, on apercevait la route qui se déroulait blanche et solitaire; puis, l'éclair éteint, tout rentrait dans l'obscurité. À chaque instant, Athos invitait d'Artagnan, toujours à la tête de la petite troupe, à reprendre son rang qu'au bout d'un instant il abandonnait de nouveau; il n'avait qu'une pensée, c'était d'aller en avant, et il allait. On traversa en silence le village de Festubert, où était resté le domestique blessé, puis on longea le bois de Richebourg; arrivés à Herlies, Planchet, qui dirigeait toujours la colonne, prit à gauche. Plusieurs fois, Lord de Winter, soit Porthos, soit Aramis, avaient essayé d'adresser la parole à l'homme au manteau rouge; mais à chaque interrogation qui lui avait été faite, il s'était incliné sans répondre. Les voyageurs avaient alors compris qu'il y avait quelque raison pour que l'inconnu gardât le silence, et ils avaient cessé de lui adresser la parole. D'ailleurs, l'orage grossissait, les éclairs se succédaient rapidement, le tonnerre commençait à gronder, et le vent, précurseur de l'ouragan, sifflait dans la plaine, agitant les plumes des cavaliers. La cavalcade prit le grand trot. Un peu au-delà de Fromelles, l'orage éclata; on déploya les manteaux; il restait encore trois lieues à faire: on les fit sous des torrents de pluie. D'Artagnan avait ôté son feutre et n'avait pas mis son manteau; il trouvait plaisir à laisser ruisseler l'eau sur son front brûlant et sur son corps agité de frissons fiévreux. Au moment où la petite troupe avait dépassé Goskal et allait arriver à la poste, un homme, abrité sous un arbre, se détacha du tronc avec lequel il était resté confondu dans l'obscurité, et s'avança jusqu'au milieu de la route, mettant son doigt sur ses lèvres. Athos reconnut Grimaud. «Qu'y a-t-il donc? s'écria d'Artagnan, aurait-elle quitté Armentières?» Grimaud fit de sa tête un signe affirmatif. D'Artagnan grinça des dents. «Silence, d'Artagnan! dit Athos, c'est moi qui me suis chargé de tout, c'est donc à moi d'interroger Grimaud. -- Où est-elle?» demanda Athos. Grimaud étendit la main dans la direction de la Lys. «Loin d'ici?» demanda Athos. Grimaud présenta à son maître son index plié. «Seule?» demanda Athos. Grimaud fit signe que oui. «Messieurs, dit Athos, elle est seule à une demi-lieue d'ici, dans la direction de la rivière. -- C'est bien, dit d'Artagnan, conduis-nous, Grimaud.» Grimaud prit à travers champs, et servit de guide à la cavalcade. Au bout de cinq cents pas à peu près, on trouva un ruisseau, que l'on traversa à gué. À la lueur d'un éclair, on aperçut le village d'Erquinghem. «Est-ce là?» demanda d'Artagnan. Grimaud secoua la tête en signe de négation. «Silence donc!» dit Athos. Et la troupe continua son chemin. Un autre éclair brilla; Grimaud étendit le bras, et à la lueur bleuâtre du serpent de feu on distingua une petite maison isolée, au bord de la rivière, à cent pas d'un bac. Une fenêtre était éclairée. «Nous y sommes», dit Athos. En ce moment, un homme couché dans le fossé se leva, c'était Mousqueton; il montra du doigt la fenêtre éclairée. «Elle est là, dit-il. -- Et Bazin? demanda Athos. -- Tandis que je gardais la fenêtre, il gardait la porte. -- Bien, dit Athos, vous êtes tous de fidèles serviteurs.» Athos sauta à bas de son cheval, dont il remit la bride aux mains de Grimaud, et s'avança vers la fenêtre après avoir fait signe au reste de la troupe de tourner du côté de la porte. La petite maison était entourée d'une haie vive, de deux ou trois pieds de haut. Athos franchit la haie, parvint jusqu'à la fenêtre privée de contrevents, mais dont les demi-rideaux étaient exactement tirés. Il monta sur le rebord de pierre, afin que son oeil pût dépasser la hauteur des rideaux. À la lueur d'une lampe, il vit une femme enveloppée d'une mante de couleur sombre, assise sur un escabeau, près d'un feu mourant: ses coudes étaient posés sur une mauvaise table, et elle appuyait sa tête dans ses deux mains blanches comme l'ivoire. On ne pouvait distinguer son visage, mais un sourire sinistre passa sur les lèvres d'Athos, il n'y avait pas à s'y tromper, c'était bien celle qu'il cherchait. En ce moment un cheval hennit: Milady releva la tête, vit, collé à la vitre, le visage pâle d'Athos, et poussa un cri. Athos comprit qu'il était reconnu, poussa la fenêtre du genou et de la main, la fenêtre céda, les carreaux se rompirent. Et Athos, pareil au spectre de la vengeance, sauta dans la chambre. Milady courut à la porte et l'ouvrit; plus pâle et plus menaçant encore qu'Athos, d'Artagnan était sur le seuil. Milady recula en poussant un cri. D'Artagnan, croyant qu'elle avait quelque moyen de fuir et craignant qu'elle ne leur échappât, tira un pistolet de sa ceinture; mais Athos leva la main. «Remets cette arme à sa place, d'Artagnan, dit-il, il importe que cette femme soit jugée et non assassinée. Attends encore un instant, d'Artagnan, et tu seras satisfait. Entrez, messieurs.» D'Artagnan obéit, car Athos avait la voix solennelle et le geste puissant d'un juge envoyé par le Seigneur lui-même. Aussi, derrière d'Artagnan, entrèrent Porthos, Aramis, Lord de Winter et l'homme au manteau rouge. Les quatre valets gardaient la porte et la fenêtre. Milady était tombée sur sa chaise les mains étendues, comme pour conjurer cette terrible apparition; en apercevant son beau-frère, elle jeta un cri terrible. «Que demandez-vous? s'écria Milady. -- Nous demandons, dit Athos, Charlotte Backson, qui s'est appelée d'abord la comtesse de La Fère, puis Lady de Winter, baronne de Sheffield. -- C'est moi, c'est moi! murmura-t-elle au comble de la terreur, que me voulez-vous? -- Nous voulons vous juger selon vos crimes, dit Athos: vous serez libre de vous défendre, justifiez-vous si vous pouvez. Monsieur d'Artagnan, à vous d'accuser le premier.» D'Artagnan s'avança. «Devant Dieu et devant les hommes, dit-il, j'accuse cette femme d'avoir empoisonné Constance Bonacieux, morte hier soir.» Il se retourna vers Porthos et vers Aramis. «Nous attestons», dirent d'un seul mouvement les deux mousquetaires. D'Artagnan continua. «Devant Dieu et devant les hommes, j'accuse cette femme d'avoir voulu m'empoisonner moi-même, dans du vin qu'elle m'avait envoyé de Villeroi, avec une fausse lettre, comme si le vin venait de mes amis; Dieu m'a sauvé; mais un homme est mort à ma place, qui s'appelait Brisemont. -- Nous attestons, dirent de la même voix Porthos et Aramis. -- Devant Dieu et devant les hommes, j'accuse cette femme de m'avoir poussé au meurtre du baron de Wardes; et, comme personne n'est là pour attester la vérité de cette accusation, je l'atteste, moi. «J'ai dit.» Et d'Artagnan passa de l'autre côté de la chambre avec Porthos et Aramis. «À vous, Milord!» dit Athos. Le baron s'approcha à son tour. «Devant Dieu et devant les hommes, dit-il, j'accuse cette femme d'avoir fait assassiner le duc de Buckingham. -- Le duc de Buckingham assassiné? s'écrièrent d'un seul cri tous les assistants. -- Oui, dit le baron, assassiné! Sur la lettre d'avis que vous m'aviez écrite, j'avais fait arrêter cette femme, et je l'avais donnée en garde à un loyal serviteur; elle a corrompu cet homme, elle lui a mis le poignard dans la main, elle lui a fait tuer le duc, et dans ce moment peut-être Felton paie de sa tête le crime de cette furie.» Un frémissement courut parmi les juges à la révélation de ces crimes encore inconnus. «Ce n'est pas tout, reprit Lord de Winter, mon frère, qui vous avait faite son héritière, est mort en trois heures d'une étrange maladie qui laisse des taches livides sur tout le corps. Ma soeur, comment votre mari est-il mort? -- Horreur! s'écrièrent Porthos et Aramis. -- Assassin de Buckingham, assassin de Felton, assassin de mon frère, je demande justice contre vous, et je déclare que si on ne me la fait pas, je me la ferai.» Et Lord de Winter alla se ranger près de d'Artagnan, laissant la place libre à un autre accusateur. Milady laissa tomber son front dans ses deux mains et essaya de rappeler ses idées confondues par un vertige mortel. «À mon tour, dit Athos, tremblant lui-même comme le lion tremble à l'aspect du serpent, à mon tour. J'épousai cette femme quand elle était jeune fille, je l'épousai malgré toute ma famille; je lui donnai mon bien, je lui donnai mon nom; et un jour je m'aperçus que cette femme était flétrie: cette femme était marquée d'une fleur de lis sur l'épaule gauche. -- Oh! dit Milady en se levant, je défie de retrouver le tribunal qui a prononcé sur moi cette sentence infâme. Je défie de retrouver celui qui l'a exécutée. -- Silence, dit une voix. À ceci, c'est à moi de répondre!» Et l'homme au manteau rouge s'approcha à son tour. «Quel est cet homme, quel est cet homme?» s'écria Milady suffoquée par la terreur et dont les cheveux se dénouèrent et se dressèrent sur sa tête livide comme s'ils eussent été vivants. Tous les yeux se tournèrent sur cet homme, car à tous, excepté à Athos, il était inconnu. Encore Athos le regardait-il avec autant de stupéfaction que les autres, car il ignorait comment il pouvait se trouver mêlé en quelque chose à l'horrible drame qui se dénouait en ce moment. Après s'être approché de Milady, d'un pas lent et solennel, de manière que la table seule le séparât d'elle, l'inconnu ôta son masque. Milady regarda quelque temps avec une terreur croissante ce visage pâle encadré de cheveux et de favoris noirs, dont la seule expression était une impassibilité glacée, puis tout à coup: «Oh! non, non, dit-elle en se levant et en reculant jusqu'au mur; non, non, c'est une apparition infernale! ce n'est pas lui! à moi! à moi!» s'écria-t-elle d'une voix rauque en se retournant vers la muraille, comme si elle eût pu s'y ouvrir un passage avec ses mains. «Mais qui êtes-vous donc? s'écrièrent tous les témoins de cette scène. -- Demandez-le à cette femme, dit l'homme au manteau rouge, car vous voyez bien qu'elle m'a reconnu, elle. -- Le bourreau de Lille, le bourreau de Lille!» s'écria Milady en proie à une terreur insensée et se cramponnant des mains à la muraille pour ne pas tomber. Tout le monde s'écarta, et l'homme au manteau rouge resta seul debout au milieu de la salle. «Oh! grâce! grâce! pardon!» s'écria la misérable en tombant à genoux. L'inconnu laissa le silence se rétablir. «Je vous le disais bien qu'elle m'avait reconnu! reprit-il. Oui, je suis le bourreau de la ville de Lille, et voici mon histoire.» Tous les yeux étaient fixés sur cet homme dont on attendait les paroles avec une avide anxiété. «Cette jeune femme était autrefois une jeune fille aussi belle qu'elle est belle aujourd'hui. Elle était religieuse au couvent des bénédictines de Templemar. Un jeune prêtre au coeur simple et croyant desservait l'église de ce couvent; elle entreprit de le séduire et y réussit, elle eût séduit un saint. «Leurs voeux à tous deux étaient sacrés, irrévocables; leur liaison ne pouvait durer longtemps sans les perdre tous deux. Elle obtint de lui qu'ils quitteraient le pays; mais pour quitter le pays, pour fuir ensemble, pour gagner une autre partie de la France, où ils pussent vivre tranquilles parce qu'ils seraient inconnus, il fallait de l'argent; ni l'un ni l'autre n'en avait. Le prêtre vola les vases sacrés, les vendit; mais comme ils s'apprêtaient à partir ensemble, ils furent arrêtés tous deux. «Huit jours après, elle avait séduit le fils du geôlier et s'était sauvée. Le jeune prêtre fut condamné à dix ans de fers et à la flétrissure. J'étais le bourreau de la ville de Lille, comme dit cette femme. Je fus obligé de marquer le coupable, et le coupable, messieurs, c'était mon frère! «Je jurai alors que cette femme qui l'avait perdu, qui était plus que sa complice, puisqu'elle l'avait poussé au crime, partagerait au moins le châtiment. Je me doutai du lieu où elle était cachée, je la poursuivis, je l'atteignis, je la garrottai et lui imprimai la même flétrissure que j'avais imprimée à mon frère. «Le lendemain de mon retour à Lille, mon frère parvint à s'échapper à son tour, on m'accusa de complicité, et l'on me condamna à rester en prison à sa place tant qu'il ne se serait pas constitué prisonnier. Mon pauvre frère ignorait ce jugement; il avait rejoint cette femme, ils avaient fui ensemble dans le Berry; et là, il avait obtenu une petite cure. Cette femme passait pour sa soeur. «Le seigneur de la terre sur laquelle était située l'église du curé vit cette prétendue soeur et en devint amoureux, amoureux au point qu'il lui proposa de l'épouser. Alors elle quitta celui qu'elle avait perdu pour celui qu'elle devait perdre, et devint la comtesse de La Fère...» Tous les yeux se tournèrent vers Athos, dont c'était le véritable nom, et qui fit signe de la tête que tout ce qu'avait dit le bourreau était vrai. «Alors, reprit celui-ci, fou, désespéré, décidé à se débarrasser d'une existence à laquelle elle avait tout enlevé, honneur et bonheur, mon pauvre frère revint à Lille, et apprenant l'arrêt qui m'avait condamné à sa place, se constitua prisonnier et se pendit le même soir au soupirail de son cachot. «Au reste, c'est une justice à leur rendre, ceux qui m'avaient condamné me tinrent parole. À peine l'identité du cadavre fut-elle constatée qu'on me rendit ma liberté. «Voilà le crime dont je l'accuse, voilà la cause pour laquelle je l'ai marquée. -- Monsieur d'Artagnan, dit Athos, quelle est la peine que vous réclamez contre cette femme? -- La peine de mort, répondit d'Artagnan. -- Milord de Winter, continua Athos, quelle est la peine que vous réclamez contre cette femme? -- La peine de mort, reprit Lord de Winter. -- Messieurs Porthos et Aramis, reprit Athos, vous qui êtes ses juges, quelle est la peine que vous portez contre cette femme? -- La peine de mort», répondirent d'une voix sourde les deux mousquetaires. Milady poussa un hurlement affreux, et fit quelques pas vers ses juges en se traînant sur ses genoux. Athos étendit la main vers elle. «Anne de Breuil, comtesse de La Fère, Milady de Winter, dit-il, vos crimes ont lassé les hommes sur la terre et Dieu dans le ciel. Si vous savez quelque prière, dites-la, car vous êtes condamnée et vous allez mourir.» À ces paroles, qui ne lui laissaient aucun espoir, Milady se releva de toute sa hauteur et voulut parler, mais les forces lui manquèrent; elle sentit qu'une main puissante et implacable la saisissait par les cheveux et l'entraînait aussi irrévocablement que la fatalité entraîne l'homme: elle ne tenta donc pas même de faire résistance et sortit de la chaumière. Lord de Winter, d'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis sortirent derrière elle. Les valets suivirent leurs maîtres et la chambre resta solitaire avec sa fenêtre brisée, sa porte ouverte et sa lampe fumeuse qui brûlait tristement sur la table. CHAPITRE LXVI L'EXÉCUTION Il était minuit à peu près; la lune, échancrée par sa décroissance et ensanglantée par les dernières traces de l'orage, se levait derrière la petite ville d'Armentières, qui détachait sur sa lueur blafarde la silhouette sombre de ses maisons et le squelette de son haut clocher découpé à jour. En face, la Lys roulait ses eaux pareilles à une rivière d'étain fondu; tandis que sur l'autre rive on voyait la masse noire des arbres se profiler sur un ciel orageux envahi par de gros nuages cuivrés qui faisaient une espèce de crépuscule au milieu de la nuit. À gauche s'élevait un vieux moulin abandonné, aux ailes immobiles, dans les ruines duquel une chouette faisait entendre son cri aigu, périodique et monotone. Çà et là dans la plaine, à droite et à gauche du chemin que suivait le lugubre cortège, apparaissaient quelques arbres bas et trapus, qui semblaient des nains difformes accroupis pour guetter les hommes à cette heure sinistre. De temps en temps un large éclair ouvrait l'horizon dans toute sa largeur, serpentait au-dessus de la masse noire des arbres et venait comme un effrayant cimeterre couper le ciel et l'eau en deux parties. Pas un souffle de vent ne passait dans l'atmosphère alourdie. Un silence de mort écrasait toute la nature; le sol était humide et glissant de la pluie qui venait de tomber, et les herbes ranimées jetaient leur parfum avec plus d'énergie. Deux valets traînaient Milady, qu'ils tenaient chacun par un bras; le bourreau marchait derrière, et Lord de Winter, d'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis marchaient derrière le bourreau. Planchet et Bazin venaient les derniers. Les deux valets conduisaient Milady du côté de la rivière. Sa bouche était muette; mais ses yeux parlaient avec leur inexprimable éloquence, suppliant tour à tour chacun de ceux qu'elle regardait. Comme elle se trouvait de quelques pas en avant, elle dit aux valets: «Mille pistoles à chacun de vous si vous protégez ma fuite; mais si vous me livrez à vos maîtres, j'ai ici près des vengeurs qui vous feront payer cher ma mort.» Grimaud hésitait. Mousqueton tremblait de tous ses membres. Athos, qui avait entendu la voix de Milady, s'approcha vivement, Lord de Winter en fit autant. «Renvoyez ces valets, dit-il, elle leur a parlé, ils ne sont plus sûrs.» On appela Planchet et Bazin, qui prirent la place de Grimaud et de Mousqueton. Arrivés au bord de l'eau, le bourreau s'approcha de Milady et lui lia les pieds et les mains. Alors elle rompit le silence pour s'écrier: «Vous êtes des lâches, vous êtes des misérables assassins, vous vous mettez à dix pour égorger une femme; prenez garde, si je ne suis point secourue, je serai vengée. -- Vous n'êtes pas une femme, dit froidement Athos, vous n'appartenez pas à l'espèce humaine, vous êtes un démon échappé de l'enfer et que nous allons y faire rentrer. -- Ah! messieurs les hommes vertueux! dit Milady, faites attention que celui qui touchera un cheveu de ma tête est à son tour un assassin. -- Le bourreau peut tuer, sans être pour cela un assassin, madame, dit l'homme au manteau rouge en frappant sur sa large épée; c'est le dernier juge, voilà tout: _Nachrichter_, comme disent nos voisins les Allemands.» Et, comme il la liait en disant ces paroles, Milady poussa deux ou trois cris sauvages, qui firent un effet sombre et étrange en s'envolant dans la nuit et en se perdant dans les profondeurs du bois. «Mais si je suis coupable, si j'ai commis les crimes dont vous m'accusez, hurlait Milady, conduisez-moi devant un tribunal, vous n'êtes pas des juges, vous, pour me condamner. -- Je vous avais proposé Tyburn, dit Lord de Winter, pourquoi n'avez-vous pas voulu? -- Parce que je ne veux pas mourir! s'écria Milady en se débattant, parce que je suis trop jeune pour mourir! -- La femme que vous avez empoisonnée à Béthune était plus jeune encore que vous, madame, et cependant elle est morte, dit d'Artagnan. -- J'entrerai dans un cloître, je me ferai religieuse, dit Milady. -- Vous étiez dans un cloître, dit le bourreau, et vous en êtes sortie pour perdre mon frère.» Milady poussa un cri d'effroi, et tomba sur ses genoux. Le bourreau la souleva sous les bras, et voulut l'emporter vers le bateau. «Oh! mon Dieu! s'écria-t-elle, mon Dieu! allez-vous donc me noyer!» Ces cris avaient quelque chose de si déchirant, que d'Artagnan, qui d'abord était le plus acharné à la poursuite de Milady, se laissa aller sur une souche, et pencha la tête, se bouchant les oreilles avec les paumes de ses mains; et cependant, malgré cela, il l'entendait encore menacer et crier. D'Artagnan était le plus jeune de tous ces hommes, le coeur lui manqua. «Oh! je ne puis voir cet affreux spectacle! je ne puis consentir à ce que cette femme meure ainsi!» Milady avait entendu ces quelques mots, et elle s'était reprise à une lueur d'espérance. «D'Artagnan! d'Artagnan! cria-t-elle, souviens-toi que je t'ai aimé!» Le jeune homme se leva et fit un pas vers elle. Mais Athos, brusquement, tira son épée, se mit sur son chemin. «Si vous faites un pas de plus, d'Artagnan, dit-il, nous croiserons le fer ensemble. D'Artagnan tomba à genoux et pria. «Allons, continua Athos, bourreau, fais ton devoir. -- Volontiers, Monseigneur, dit le bourreau, car aussi vrai que je suis bon catholique, je crois fermement être juste en accomplissant ma fonction sur cette femme. -- C'est bien.» Athos fit un pas vers Milady. «Je vous pardonne, dit-il, le mal que vous m'avez fait; je vous pardonne mon avenir brisé, mon honneur perdu, mon amour souillé et mon salut à jamais compromis par le désespoir où vous m'avez jeté. Mourez en paix.» Lord de Winter s'avança à son tour. «Je vous pardonne, dit-il, l'empoisonnement de mon frère, l'assassinat de Sa Grâce Lord Buckingham; je vous pardonne la mort du pauvre Felton, je vous pardonne vos tentatives sur ma personne. Mourez en paix. -- Et moi, dit d'Artagnan, pardonnez-moi, madame, d'avoir, par une fourberie indigne d'un gentilhomme, provoqué votre colère; et, en échange, je vous pardonne le meurtre de ma pauvre amie et vos vengeances cruelles pour moi, je vous pardonne et je pleure sur vous. Mourez en paix! -- _I am lost!_ murmura en anglais Milady. _I must die._» -- Oui, oui, murmura Athos, qui parla l'anglais comme sa langue maternelle; oui, vous êtes perdue, oui, il faut mourir. Alors elle se releva d'elle-même, jeta tout autour d'elle un de ces regards clairs qui semblaient jaillir d'un oeil de flamme. Elle ne vit rien. Elle écouta et n'entendit rien. Elle n'avait autour d'elle que des ennemis. «Où vais-je mourir? dit-elle. -- Sur l'autre rive», répondit le bourreau. Alors il la fit entrer dans la barque, et, comme il allait y mettre le pied pour la suivre, Athos lui remit une somme d'argent. «Tenez, dit-il, voici le prix de l'exécution; que l'on voie bien que nous agissons en juges. -- C'est bien, dit le bourreau; et que maintenant, à son tour, cette femme sache que je n'accomplis pas mon métier, mais mon devoir.» Et il jeta l'argent dans la rivière. -- Voyez, dit Athos, cette femme a un enfant, et cependant elle n'a pas dit un mot de son enfant! Le bateau s'éloigna vers la rive gauche de la Lys, emportant la coupable et l'exécuteur; tous les autres demeurèrent sur la rive droite, où ils étaient tombés à genoux. Le bateau glissait lentement le long de la corde du bac, sous le reflet d'un nuage pâle qui surplombait l'eau en ce moment. On le vit aborder sur l'autre rive; les personnages se dessinaient en noir sur l'horizon rougeâtre. Milady, pendant le trajet, était parvenue à détacher la corde qui liait ses pieds: en arrivant sur le rivage, elle sauta légèrement à terre et prit la fuite. Mais le sol était humide; en arrivant au haut du talus, elle glissa et tomba sur ses genoux. Une idée superstitieuse la frappa sans doute; elle comprit que le Ciel lui refusait son secours et resta dans l'attitude où elle se trouvait, la tête inclinée et les mains jointes. Alors on vit, de l'autre rive, le bourreau lever lentement ses deux bras, un rayon de lune se refléta sur la lame de sa large épée, les deux bras retombèrent; on entendit le sifflement du cimeterre et le cri de la victime, puis une masse tronquée s'affaissa sous le coup. Alors le bourreau détacha son manteau rouge, l'étendit à terre, y coucha le corps, y jeta la tête, le noua par les quatre coins, le chargea sur son épaule et remonta dans le bateau. Arrivé au milieu de la Lys, il arrêta la barque, et suspendant son fardeau au-dessus de la rivière: «Laissez passer la justice de Dieu!» cria-t-il à haute voix. Et il laissa tomber le cadavre au plus profond de l'eau, qui se referma sur lui. Trois jours après, les quatre mousquetaires rentraient à Paris; ils étaient restés dans les limites de leur congé, et le même soir ils allèrent faire leur visite accoutumée à M. de Tréville. «Eh bien, messieurs, leur demanda le brave capitaine, vous êtes- vous bien amusés dans votre excursion? -- Prodigieusement», répondit Athos, les dents serrées. CHAPITRE LXVII CONCLUSION Le 6 du mois suivant, le roi, tenant la promesse qu'il avait faite au cardinal de quitter Paris pour revenir à La Rochelle, sortit de sa capitale tout étourdi encore de la nouvelle qui venait de s'y répandre que Buckingham venait d'être assassiné. Quoique prévenue que l'homme qu'elle avait tant aimé courait un danger, la reine, lorsqu'on lui annonça cette mort, ne voulut pas la croire; il lui arriva même de s'écrier imprudemment: «C'est faux! il vient de m'écrire.» Mais le lendemain il lui fallut bien croire à cette fatale nouvelle; La Porte, retenu comme tout le monde en Angleterre par les ordres du roi Charles Ier, arriva porteur du dernier et funèbre présent que Buckingham envoyait à la reine. La joie du roi avait été très vive; il ne se donna pas la peine de la dissimuler et la fit même éclater avec affectation devant la reine. Louis XIII, comme tous les coeurs faibles, manquait de générosité. Mais bientôt le roi redevint sombre et mal portant: son front n'était pas de ceux qui s'éclaircissent pour longtemps; il sentait qu'en retournant au camp il allait reprendre son esclavage, et cependant il y retournait. Le cardinal était pour lui le serpent fascinateur et il était, lui, l'oiseau qui voltige de branche en branche sans pouvoir lui échapper. Aussi le retour vers La Rochelle était-il profondément triste. Nos quatre amis surtout faisaient l'étonnement de leurs camarades; ils voyageaient ensemble, côte à côte, l'oeil sombre et la tête baissée. Athos relevait seul de temps en temps son large front; un éclair brillait dans ses yeux, un sourire amer passait sur ses lèvres, puis, pareil à ses camarades, il se laissait de nouveau aller à ses rêveries. Aussitôt l'arrivée de l'escorte dans une ville, dès qu'ils avaient conduit le roi à son logis, les quatre amis se retiraient ou chez eux ou dans quelque cabaret écarté, où ils ne jouaient ni ne buvaient; seulement ils parlaient à voix basse en regardant avec attention si nul ne les écoutait. Un jour que le roi avait fait halte sur la route pour voler la pie, et que les quatre amis, selon leur habitude, au lieu de suivre la chasse, s'étaient arrêtés dans un cabaret sur la grande route, un homme, qui venait de La Rochelle à franc étrier, s'arrêta à la porte pour boire un verre de vin, et plongea son regard dans l'intérieur de la chambre où étaient attablés les quatre mousquetaires. «Holà! monsieur d'Artagnan! dit-il, n'est-ce point vous que je vois là-bas?» D'Artagnan leva la tête et poussa un cri de joie. Cet homme qu'il appelait son fantôme, c'était son inconnu de Meung, de la rue des Fossoyeurs et d'Arras. D'Artagnan tira son épée et s'élança vers la porte. Mais cette fois, au lieu de fuir, l'inconnu s'élança à bas de son cheval, et s'avança à la rencontre de d'Artagnan. «Ah! monsieur, dit le jeune homme, je vous rejoins donc enfin; cette fois vous ne m'échapperez pas. -- Ce n'est pas mon intention non plus, monsieur, car cette fois je vous cherchais; au nom du roi, je vous arrête et dis que vous ayez à me rendre votre épée, monsieur, et cela sans résistance; il y va de la tête, je vous en avertis. -- Qui êtes-vous donc? demanda d'Artagnan en baissant son épée, mais sans la rendre encore. -- Je suis le chevalier de Rochefort, répondit l'inconnu, l'écuyer de M. le cardinal de Richelieu, et j'ai ordre de vous ramener à Son Éminence. -- Nous retournons auprès de Son Éminence, monsieur le chevalier, dit Athos en s'avançant, et vous accepterez bien la parole de M. d'Artagnan, qu'il va se rendre en droite ligne à La Rochelle. -- Je dois le remettre entre les mains des gardes qui le ramèneront au camp. -- Nous lui en servirons, monsieur, sur notre parole de gentilshommes; mais sur notre parole de gentilshommes aussi, ajouta Athos en fronçant le sourcil, M. d'Artagnan ne nous quittera pas.» Le chevalier de Rochefort jeta un coup d'oeil en arrière et vit que Porthos et Aramis s'étaient placés entre lui et la porte; il comprit qu'il était complètement à la merci de ces quatre hommes. «Messieurs, dit-il, si M. d'Artagnan veut me rendre son épée, et joindre sa parole à la vôtre, je me contenterai de votre promesse de conduire M. d'Artagnan au quartier de Mgr le cardinal. -- Vous avez ma parole, monsieur, dit d'Artagnan, et voici mon épée. -- Cela me va d'autant mieux, ajouta Rochefort, qu'il faut que je continue mon voyage. -- Si c'est pour rejoindre Milady, dit froidement Athos, c'est inutile, vous ne la retrouverez pas. -- Qu'est-elle donc devenue? demanda vivement Rochefort. -- Revenez au camp et vous le saurez.» Rochefort demeura un instant pensif, puis, comme on n'était plus qu'à une journée de Surgères, jusqu'où le cardinal devait venir au-devant du roi, il résolut de suivre le conseil d'Athos et de revenir avec eux. D'ailleurs ce retour lui offrait un avantage, c'était de surveiller lui-même son prisonnier. On se remit en route. Le lendemain, à trois heures de l'après-midi, on arriva à Surgères. Le cardinal y attendait Louis XIII. Le ministre et le roi y échangèrent force caresses, se félicitèrent de l'heureux hasard qui débarrassait la France de l'ennemi acharné qui ameutait l'Europe contre elle. Après quoi, le cardinal, qui avait été prévenu par Rochefort que d'Artagnan était arrêté, et qui avait hâte de le voir, prit congé du roi en l'invitant à venir voir le lendemain les travaux de la digue qui étaient achevés. En revenant le soir à son quartier du pont de La Pierre, le cardinal trouva debout, devant la porte de la maison qu'il habitait, d'Artagnan sans épée et les trois mousquetaires armés. Cette fois, comme il était en force, il les regarda sévèrement, et fit signe de l'oeil et de la main à d'Artagnan de le suivre. D'Artagnan obéit. «Nous t'attendrons, d'Artagnan», dit Athos assez haut pour que le cardinal l'entendit. Son Éminence fronça le sourcil, s'arrêta un instant, puis continua son chemin sans prononcer une seule parole. D'Artagnan entra derrière le cardinal, et Rochefort derrière d'Artagnan; la porte fut gardée. Son Éminence se rendit dans la chambre qui lui servait de cabinet, et fit signe à Rochefort d'introduire le jeune mousquetaire. Rochefort obéit et se retira. D'Artagnan resta seul en face du cardinal; c'était sa seconde entrevue avec Richelieu, et il avoua depuis qu'il avait été bien convaincu que ce serait la dernière. Richelieu resta debout, appuyé contre la cheminée, une table était dressée entre lui et d'Artagnan. «Monsieur, dit le cardinal, vous avez été arrêté par mes ordres. -- On me l'a dit, Monseigneur. -- Savez-vous pourquoi? -- Non, Monseigneur; car la seule chose pour laquelle je pourrais être arrêté est encore inconnue de Son Éminence.» Richelieu regarda fixement le jeune homme. «Oh! Oh! dit-il, que veut dire cela? -- Si Monseigneur veut m'apprendre d'abord les crimes qu'on m'impute, je lui dirai ensuite les faits que j'ai accomplis. -- On vous impute des crimes qui ont fait choir des têtes plus hautes que la vôtre, monsieur! dit le cardinal. -- Lesquels, Monseigneur? demanda d'Artagnan avec un calme qui étonna le cardinal lui-même. -- On vous impute d'avoir correspondu avec les ennemis du royaume, on vous impute d'avoir surpris les secrets de l'État, on vous impute d'avoir essayé de faire avorter les plans de votre général. -- Et qui m'impute cela, Monseigneur? dit d'Artagnan, qui se doutait que l'accusation venait de Milady: une femme flétrie par la justice du pays, une femme qui a épousé un homme en France et un autre en Angleterre, une femme qui a empoisonné son second mari et qui a tenté de m'empoisonner moi-même! -- Que dites-vous donc là? Monsieur, s'écria le cardinal étonné, et de quelle femme parlez-vous ainsi? -- De Milady de Winter, répondit d'Artagnan; oui, de Milady de Winter, dont, sans doute, Votre Éminence ignorait tous les crimes lorsqu'elle l'a honorée de sa confiance. -- Monsieur, dit le cardinal, si Milady de Winter a commis les crimes que vous dites, elle sera punie. -- Elle l'est, Monseigneur. -- Et qui l'a punie? -- Nous. -- Elle est en prison? -- Elle est morte. -- Morte! répéta le cardinal, qui ne pouvait croire à ce qu'il entendait: morte! n'avez-vous pas dit qu'elle était morte? -- Trois fois elle avait essayé de me tuer, et je lui avais pardonné, mais elle a tué la femme que j'aimais. Alors, mes amis et moi, nous l'avons prise, jugée et condamnée.» D'Artagnan alors raconta l'empoisonnement de Mme Bonacieux dans le couvent des Carmélites de Béthune, le jugement de la maison isolée, l'exécution sur les bords de la Lys. Un frisson courut par tout le corps du cardinal, qui cependant ne frissonnait pas facilement. Mais tout à coup, comme subissant l'influence d'une pensée muette, la physionomie du cardinal, sombre jusqu'alors, s'éclaircit peu à peu et arriva à la plus parfaite sérénité. «Ainsi, dit-il avec une voix dont la douceur contrastait avec la sévérité de ses paroles, vous vous êtes constitués juges, sans penser que ceux qui n'ont pas mission de punir et qui punissent sont des assassins! -- Monseigneur, je vous jure que je n'ai pas eu un instant l'intention de défendre ma tête contre vous. Je subirai le châtiment que Votre Éminence voudra bien m'infliger. Je ne tiens pas assez à la vie pour craindre la mort. -- Oui, je le sais, vous êtes un homme de coeur, monsieur, dit le cardinal avec une voix presque affectueuse; je puis donc vous dire d'avance que vous serez jugé, condamné même. -- Un autre pourrait répondre à Votre Éminence qu'il a sa grâce dans sa poche; moi je me contenterai de vous dire: «Ordonnez, Monseigneur, je suis prêt.» -- Votre grâce? dit Richelieu surpris. -- Oui, Monseigneur, dit d'Artagnan. -- Et signée de qui? du roi?» Et le cardinal prononça ces mots avec une singulière expression de mépris. «Non, de Votre Éminence. -- De moi? vous êtes fou, monsieur? -- Monseigneur reconnaîtra sans doute son écriture.» Et d'Artagnan présenta au cardinal le précieux papier qu'Athos avait arraché à Milady, et qu'il avait donné à d'Artagnan pour lui servir de sauvegarde. Son Éminence prit le papier et lut d'une voix lente et en appuyant sur chaque syllabe: «C'est par mon ordre et pour le bien de État que le porteur du présent a fait ce qu'il a fait. «Au camp devant La Rochelle, ce 5 août 1628. «Richelieu.» Le cardinal, après avoir lu ces deux lignes, tomba dans une rêverie profonde, mais il ne rendit pas le papier à d'Artagnan. «Il médite de quel genre de supplice il me fera mourir, se dit tout bas d'Artagnan; eh bien, ma foi! il verra comment meurt un gentilhomme.» Le jeune mousquetaire était en excellente disposition pour trépasser héroïquement. Richelieu pensait toujours, roulait et déroulait le papier dans ses mains. Enfin il leva la tête, fixa son regard d'aigle sur cette physionomie loyale, ouverte, intelligente, lut sur ce visage sillonné de larmes toutes les souffrances qu'il avait endurées depuis un mois, et songea pour la troisième ou quatrième fois combien cet enfant de vingt et un ans avait d'avenir, et quelles ressources son activité, son courage et son esprit pouvaient offrir à un bon maître. D'un autre côté, les crimes, la puissance, le génie infernal de Milady l'avaient plus d'une fois épouvanté. Il sentait comme une joie secrète d'être à jamais débarrassé de ce complice dangereux. Il déchira lentement le papier que d'Artagnan lui avait si généreusement remis. «Je suis perdu», dit en lui-même d'Artagnan. Et il s'inclina profondément devant le cardinal en homme qui dit: «Seigneur, que votre volonté soit faite!» Le cardinal s'approcha de la table, et, sans s'asseoir, écrivit quelques lignes sur un parchemin dont les deux tiers étaient déjà remplis et y apposa son sceau. «Ceci est ma condamnation, dit d'Artagnan; il m'épargne l'ennui de la Bastille et les lenteurs d'un jugement. C'est encore fort aimable à lui.» «Tenez, monsieur, dit le cardinal au jeune homme, je vous ai pris un blanc-seing et je vous en rends un autre. Le nom manque sur ce brevet: vous l'écrirez vous-même.» D'Artagnan prit le papier en hésitant et jeta les yeux dessus. C'était une lieutenance dans les mousquetaires. D'Artagnan tomba aux pieds du cardinal. «Monseigneur, dit-il, ma vie est à vous; disposez-en désormais; mais cette faveur que vous m'accordez, je ne la mérite pas: j'ai trois amis qui sont plus méritants et plus dignes... -- Vous êtes un brave garçon, d'Artagnan, interrompit le cardinal en lui frappant familièrement sur l'épaule, charmé qu'il était d'avoir vaincu cette nature rebelle. Faites de ce brevet ce qu'il vous plaira. Seulement rappelez-vous que, quoique le nom soit en blanc, c'est à vous que je le donne. -- Je ne l'oublierai jamais, répondit d'Artagnan. Votre Éminence peut en être certaine.» Le cardinal se retourna et dit à haute voix: «Rochefort!» Le chevalier, qui sans doute était derrière la porte entra aussitôt. «Rochefort, dit le cardinal, vous voyez M. d'Artagnan; je le reçois au nombre de mes amis; ainsi donc que l'on s'embrasse et que l'on soit sage si l'on tient à conserver sa tête. Rochefort et d'Artagnan s'embrassèrent du bout des lèvres; mais le cardinal était là, qui les observait de son oeil vigilant. Ils sortirent de la chambre en même temps. «Nous nous retrouverons, n'est-ce pas, monsieur? -- Quand il vous plaira, fit d'Artagnan. -- L'occasion viendra, répondit Rochefort. -- Hein?» fit Richelieu en ouvrant la porte. Les deux hommes se sourirent, se serrèrent la main et saluèrent Son Éminence. «Nous commencions à nous impatienter, dit Athos. -- Me voilà, mes amis! répondit d'Artagnan, non seulement libre, mais en faveur. -- Vous nous conterez cela? -- Dès ce soir.» En effet, dès le soir même d'Artagnan se rendit au logis d'Athos, qu'il trouva en train de vider sa bouteille de vin d'Espagne, occupation qu'il accomplissait religieusement tous les soirs. Il lui raconta ce qui s'était passé entre le cardinal et lui, et tirant le brevet de sa poche: «Tenez, mon cher Athos, voilà, dit-il, qui vous revient tout naturellement.» Athos sourit de son doux et charmant sourire. «Amis, dit-il, pour Athos c'est trop; pour le comte de La Fère, c'est trop peu. Gardez ce brevet, il est à vous; hélas, mon Dieu! vous l'avez acheté assez cher.» D'Artagnan sortit de la chambre d'Athos, et entra dans celle de Porthos. Il le trouva vêtu d'un magnifique habit, couvert de broderies splendides, et se mirant dans une glace. «Ah! ah! dit Porthos, c'est vous, cher ami! comment trouvez-vous que ce vêtement me va? -- À merveille, dit d'Artagnan, mais je viens vous proposer un habit qui vous ira mieux encore. -- Lequel? demanda Porthos. -- Celui de lieutenant aux mousquetaires. D'Artagnan raconta à Porthos son entrevue avec le cardinal, et tirant le brevet de sa poche: «Tenez, mon cher, dit-il, écrivez votre nom là-dessus, et soyez bon chef pour moi. Porthos jeta les yeux sur le brevet, et le rendit à d'Artagnan, au grand étonnement du jeune homme. «Oui, dit-il, cela me flatterait beaucoup, mais je n'aurais pas assez longtemps à jouir de cette faveur. Pendant notre expédition de Béthune, le mari de ma duchesse est mort; de sorte que, mon cher, le coffre du défunt me tendant les bras, j'épouse la veuve. Tenez, j'essayais mon habit de noce; gardez la lieutenance, mon cher, gardez.» Et il rendit le brevet à d'Artagnan. Le jeune homme entra chez Aramis. Il le trouva agenouillé devant un prie-Dieu, le front appuyé contre son livre d'heures ouvert. Il lui raconta son entrevue avec le cardinal, et tirant pour la troisième fois son brevet de sa poche: «Vous, notre ami, notre lumière, notre protecteur invisible, dit- il, acceptez ce brevet; vous l'avez mérité plus que personne, par votre sagesse et vos conseils toujours suivis de si heureux résultats. -- Hélas, cher ami! dit Aramis, nos dernières aventures m'ont dégoûté tout à fait de la vie d'homme d'épée. Cette fois, mon parti est pris irrévocablement, après le siège j'entre chez les lazaristes. Gardez ce brevet, d'Artagnan, le métier des armes vous convient, vous serez un brave et aventureux capitaine.» D'Artagnan, l'oeil humide de reconnaissance et brillant de joie, revint à Athos, qu'il trouva toujours attablé et mirant son dernier verre de malaga à la lueur de la lampe. «Eh bien, dit-il, eux aussi m'ont refusé. -- C'est que personne, cher ami, n'en était plus digne que vous.» Il prit une plume, écrivit sur le brevet le nom de d'Artagnan, et le lui remit. «Je n'aurai donc plus d'amis, dit le jeune homme, hélas! plus rien, que d'amers souvenirs...» Et il laissa tomber sa tête entre ses deux mains, tandis que deux larmes roulaient le long de ses joues. «Vous êtes jeune, vous, répondit Athos, et vos souvenirs amers ont le temps de se changer en doux souvenirs!» ÉPILOGUE La Rochelle, privée du secours de la flotte anglaise et de la division promise par Buckingham, se rendit après un siège d'un an. Le 28 octobre 1628, on signa la capitulation. Le roi fit son entrée à Paris le 23 décembre de la même année. On lui fit un triomphe comme s'il revenait de vaincre l'ennemi et non des Français. Il entra par le faubourg Saint-Jacques sous des arcs de verdure. D'Artagnan prit possession de son grade. Porthos quitta le service et épousa, dans le courant de l'année suivante, Mme Coquenard, le coffre tant convoité contenait huit cent mille livres. Mousqueton eut une livrée magnifique, et de plus la satisfaction, qu'il avait ambitionnée toute sa vie, de monter derrière un carrosse doré. Aramis, après un voyage en Lorraine, disparut tout à coup et cessa d'écrire à ses amis. On apprit plus tard, par Mme de Chevreuse, qui le dit à deux ou trois de ses amants, qu'il avait pris l'habit dans un couvent de Nancy. Bazin devint frère lai. Athos resta mousquetaire sous les ordres de d'Artagnan jusqu'en 1633, époque à laquelle, à la suite d'un voyage qu'il fit en Touraine, il quitta aussi le service sous prétexte qu'il venait de recueillir un petit héritage en Roussillon. Grimaud suivit Athos. D'Artagnan se battit trois fois avec Rochefort et le blessa trois fois. «Je vous tuerai probablement à la quatrième, lui dit-il en lui tendant la main pour le relever. -- Il vaut donc mieux, pour vous et pour moi, que nous en restions là, répondit le blessé. Corbleu! je suis plus votre ami que vous ne pensez, car dès la première rencontre j'aurais pu, en disant un mot au cardinal, vous faire couper le cou.» Ils s'embrassèrent cette fois, mais de bon coeur et sans arrière- pensée. Planchet obtint de Rochefort le grade de sergent dans les gardes. M. Bonacieux vivait fort tranquille, ignorant parfaitement ce qu'était devenue sa femme et ne s'en inquiétant guère. Un jour, il eut l'imprudence de se rappeler au souvenir du cardinal; le cardinal lui fit répondre qu'il allait pourvoir à ce qu'il ne manquât jamais de rien désormais. En effet, le lendemain, M. Bonacieux, étant sorti à sept heures du soir de chez lui pour se rendre au Louvre, ne reparut plus rue des Fossoyeurs; l'avis de ceux qui parurent les mieux informés fut qu'il était nourri et logé dans quelque château royal aux frais de sa généreuse Éminence. FIN End of Project Gutenberg's Les trois mousquetaires, by Alexandre Dumas *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES TROIS MOUSQUETAIRES *** ***** This file should be named 13951-8.txt or 13951-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/1/3/9/5/13951/ This Etext was prepared by Ebooks libres et gratuits and is available at http://www.ebooksgratuits.com in Word format, Mobipocket Reader format, eReader format and Acrobat Reader format. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: https://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. Project Gutenberg's Alice's Adventures Under Ground, by Lewis Carroll This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Alice's Adventures Under Ground Author: Lewis Carroll Release Date: August 7, 2006 [EBook #19002] Language: English *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND *** Produced by Jason Isbell, Sankar Viswanathan, and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND _BEING A FACSIMILE OF THE_ _ORIGINAL MS. BOOK_ _AFTERWARDS DEVELOPED INTO_ "_ALICE'S ADVENTURES IN WONDERLAND_" BY LEWIS CARROLL _WITH THIRTY-SEVEN ILLUSTRATIONS BY THE AUTHOR_ _PRICE FOUR SHILLINGS_ London MACMILLAN AND CO. AND NEW YORK 1886 * * * * * CONTENTS. CHAPTER I. DOWN THE RABBIT-HOLE. THE POOL OF TEARS II. A LONG TALE. THE RABBIT SENDS IN A LITTLE BILL III. ADVICE FROM A CATERPILLAR IV. THE QUEEN'S CROQUET-GROUND. THE MOCK TURTLE'S STORY. THE LOBSTER QUADRILLE. WHO STOLE THE TARTS? * * * * * Chapter 1 [Illustration] Alice was beginning to get very tired of sitting by her sister on the bank, and of having nothing to do: once or twice she had peeped into the book her sister was reading, but it had no pictures or conversations in it, and where is the use of a book, thought Alice, without pictures or conversations? So she was considering in her own mind, (as well as she could, for the hot day made her feel very sleepy and stupid,) whether the pleasure of making a daisy-chain was worth the trouble of getting up and picking the daisies, when a white rabbit with pink eyes ran close by her. There was nothing very remarkable in that, nor did Alice think it so very much out of the way to hear the rabbit say to itself "dear, dear! I shall be too late!" (when she thought it over afterwards, it occurred to her that she ought to have wondered at this, but at the time it all seemed quite natural); but when the rabbit actually took a watch out of its waistcoat-pocket, looked at it, and then hurried on, Alice started to her feet, for it flashed across her mind that she had never before seen a rabbit with either a waistcoat-pocket or a watch to take out of it, and, full of curiosity, she hurried across the field after it, and was just in time to see it pop down a large rabbit-hole under the hedge. In a moment down went Alice after it, never once considering how in the world she was to get out again. The rabbit-hole went straight on like a tunnel for some way, and then dipped suddenly down, so suddenly, that Alice had not a moment to think about stopping herself, before she found herself falling down what seemed a deep well. Either the well was very deep, or she fell very slowly, for she had plenty of time as she went down to look about her, and to wonder what would happen next. First, she tried to look down and make out what she was coming to, but it was too dark to see anything: then, she looked at the sides of the well, and noticed that they were filled with cupboards and book-shelves: here and there were maps and pictures hung on pegs. She took a jar down off one of the shelves as she passed: it was labelled "Orange Marmalade," but to her great disappointment it was empty: she did not like to drop the jar, for fear of killing somebody underneath, so managed to put it into one of the cupboards as she fell past it. "Well!" thought Alice to herself, "after such a fall as this, I shall think nothing of tumbling down stairs! How brave they'll all think me at home! Why, I wouldn't say anything about it, even if I fell off the top of the house!" (which was most likely true.) Down, down, down. Would the fall never come to an end? "I wonder how many miles I've fallen by this time?" she said aloud, "I must be getting somewhere near the centre of the earth. Let me see: that would be four thousand miles down, I think--" (for you see Alice had learnt several things of this sort in her lessons in the schoolroom, and though this was not a very good opportunity of showing off her knowledge, as there was no one to hear her, still it was good practice to say it over,) "yes that's the right distance, but then what Longitude or Latitude-line shall I be in?" (Alice had no idea what Longitude was, or Latitude either, but she thought they were nice grand words to say.) Presently she began again: "I wonder if I shall fall right through the earth! How funny it'll be to come out among the people that walk with their heads downwards! But I shall have to ask them what the name of the country is, you know. Please, Ma'am, is this New Zealand or Australia?"--and she tried to curtsey as she spoke (fancy curtseying as you're falling through the air! do you think you could manage it?) "and what an ignorant little girl she'll think me for asking! No, it'll never do to ask: perhaps I shall see it written up somewhere." Down, down, down: there was nothing else to do, so Alice soon began talking again. "Dinah will miss me very much tonight, I should think!" (Dinah was the cat.) "I hope they'll remember her saucer of milk at tea-time! Oh, dear Dinah, I wish I had you here! There are no mice in the air, I'm afraid, but you might catch a bat, and that's very like a mouse, you know, my dear. But do cats eat bats, I wonder?" And here Alice began to get rather sleepy, and kept on saying to herself, in a dreamy sort of way "do cats eat bats? do cats eat bats?" and sometimes, "do bats eat cats?" for, as she couldn't answer either question, it didn't much matter which way she put it. She felt that she was dozing off, and had just begun to dream that she was walking hand in hand with Dinah, and was saying to her very earnestly, "Now, Dinah, my dear, tell me the truth. Did you ever eat a bat?" when suddenly, bump! bump! down she came upon a heap of sticks and shavings, and the fall was over. Alice was not a bit hurt, and jumped on to her feet directly: she looked up, but it was all dark overhead; before her was another long passage, and the white rabbit was still in sight, hurrying down it. There was not a moment to be lost: away went Alice like the wind, and just heard it say, as it turned a corner, "my ears and whiskers, how late it's getting!" She turned the corner after it, and instantly found herself in a long, low hall, lit up by a row of lamps which hung from the roof. [Illustration] There were doors all round the hall, but they were all locked, and when Alice had been all round it, and tried them all, she walked sadly down the middle, wondering how she was ever to get out again: suddenly she came upon a little three-legged table, all made of solid glass; there was nothing lying upon it, but a tiny golden key, and Alice's first idea was that it might belong to one of the doors of the hall, but alas! either the locks were too large, or the key too small, but at any rate it would open none of them. However, on the second time round, she came to a low curtain, behind which was a door about eighteen inches high: she tried the little key in the keyhole, and it fitted! Alice opened the door, and looked down a small passage, not larger than a rat-hole, into the loveliest garden you ever saw. How she longed to get out of that dark hall, and wander about among those beds of bright flowers and those cool fountains, but she could not even get her head through the doorway, "and even if my head would go through," thought poor Alice, "it would be very little use without my shoulders. Oh, how I wish I could shut up like a telescope! I think I could, if I only knew how to begin." For, you see, so many out-of-the-way things had happened lately, that Alice began to think very few things indeed were really impossible. There was nothing else to do, so she went back to the table, half hoping she might find another key on it, or at any rate a book of rules for shutting up people like telescopes: this time there was a little bottle on it--"which certainly was not there before" said Alice--and tied round the neck of the bottle was a paper label with the words DRINK ME beautifully printed on it in large letters. It was all very well to say "drink me," "but I'll look first," said the wise little Alice, "and see whether the bottle's marked "poison" or not," for Alice had read several nice little stories about children that got burnt, and eaten up by wild beasts, and other unpleasant things, because they would not remember the simple rules their friends had given them, such as, that, if you get into the fire, it will burn you, and that, if you cut your finger very deeply with a knife, it generally bleeds, and she had never forgotten that, if you drink a bottle marked "poison," it is almost certain to disagree with you, sooner or later. However, this bottle was not marked poison, so Alice tasted it, and finding it very nice, (it had, in fact, a sort of mixed flavour of cherry-tart, custard, pine-apple, roast turkey, toffy, and hot buttered toast,) she very soon finished it off. * * * * * "What a curious feeling!" said Alice, "I must be shutting up like a telescope." It was so indeed: she was now only ten inches high, and her face brightened up as it occurred to her that she was now the right size for going through the little door into that lovely garden. First, however, she waited for a few minutes to see whether she was going to shrink any further: she felt a little nervous about this, "for it might end, you know," said Alice to herself, "in my going out altogether, like a candle, and what should I be like then, I wonder?" and she tried to fancy what the flame of a candle is like after the candle is blown out, for she could not remember having ever seen one. However, nothing more happened so she decided on going into the garden at once, but, alas for poor Alice! when she got to the door, she found she had forgotten the little golden key, and when she went back to the table for the key, she found she could not possibly reach it: she could see it plainly enough through the glass, and she tried her best to climb up one of the legs of the table, but it was too slippery, and when she had tired herself out with trying, the poor little thing sat down and cried. [Illustration] "Come! there's no use in crying!" said Alice to herself rather sharply, "I advise you to leave off this minute!" (she generally gave herself very good advice, and sometimes scolded herself so severely as to bring tears into her eyes, and once she remembered boxing her own ears for having been unkind to herself in a game of croquet she was playing with herself, for this curious child was very fond of pretending to be two people,) "but it's no use now," thought poor Alice, "to pretend to be two people! Why, there's hardly enough of me left to make one respectable person!" Soon her eyes fell on a little ebony box lying under the table: she opened it, and found in it a very small cake, on which was lying a card with the words EAT ME beautifully printed on it in large letters. "I'll eat," said Alice, "and if it makes me larger, I can reach the key, and if it makes me smaller, I can creep under the door, so either way I'll get into the garden, and I don't care which happens!" She ate a little bit, and said anxiously to herself "which way? which way?" and laid her hand on the top of her head to feel which way it was growing, and was quite surprised to find that she remained the same size: to be sure this is what generally happens when one eats cake, but Alice had got into the way of expecting nothing but out-of-the way things to happen, and it seemed quite dull and stupid for things to go on in the common way. So she set to work, and very soon finished off the cake. * * * * * "Curiouser and curiouser!" cried Alice, (she was so surprised that she quite forgot how to speak good English,) "now I'm opening out like the largest telescope that ever was! Goodbye, feet!" (for when she looked down at her feet, they seemed almost out of sight, they were getting so far off,) "oh, my poor little feet, I wonder who will put on your shoes and stockings for you now, dears? I'm sure I can't! I shall be a great deal too far off to bother myself about you: you must manage the best way you can--but I must be kind to them," thought Alice, "or perhaps they won't walk the way I want to go! Let me see: I'll give them a new pair of boots every Christmas." [Illustration] And she went on planning to herself how she would manage it "they must go by the carrier," she thought, "and how funny it'll seem, sending presents to one's own feet! And how odd the directions will look! ALICE'S RIGHT FOOT, ESQ. THE CARPET, with ALICE'S LOVE oh dear! what nonsense I am talking!" Just at this moment, her head struck against the roof of the hall: in fact, she was now rather more than nine feet high, and she at once took up the little golden key, and hurried off to the garden door. Poor Alice! it was as much as she could do, lying down on one side, to look through into the garden with one eye, but to get through was more hopeless than ever: she sat down and cried again. "You ought to be ashamed of yourself," said Alice, "a great girl like you," (she might well say this,) "to cry in this way! Stop this instant, I tell you!" But she cried on all the same, shedding gallons of tears, until there was a large pool, about four inches deep, all round her, and reaching half way across the hall. After a time, she heard a little pattering of feet in the distance, and dried her eyes to see what was coming. It was the white rabbit coming back again, splendidly dressed, with a pair of white kid gloves in one hand, and a nosegay in the other. Alice was ready to ask help of any one, she felt so desperate, and as the rabbit passed her, she said, in a low, timid voice, "If you please, Sir--" the rabbit started violently, looked up once into the roof of the hall, from which the voice seemed to come, and then dropped the nosegay and the white kid gloves, and skurried away into the darkness, as hard as it could go. [Illustration] Alice took up the nosegay and gloves, and found the nosegay so delicious that she kept smelling at it all the time she went on talking to herself--"dear, dear! how queer everything is today! and yesterday everything happened just as usual: I wonder if I was changed in the night? Let me think: was I the same when I got up this morning? I think I remember feeling rather different. But if I'm not the same, who in the world am I? Ah, that's the great puzzle!" And she began thinking over all the children she knew of the same age as herself, to see if she could have been changed for any of them. "I'm sure I'm not Gertrude," she said, "for her hair goes in such long ringlets, and mine doesn't go in ringlets at all--and I'm sure I ca'n't be Florence, for I know all sorts of things, and she, oh! she knows such a very little! Besides, she's she, and I'm I, and--oh dear! how puzzling it all is! I'll try if I know all the things I used to know. Let me see: four times five is twelve, and four times six is thirteen, and four times seven is fourteen--oh dear! I shall never get to twenty at this rate! But the Multiplication Table don't signify--let's try Geography. London is the capital of France, and Rome is the capital of Yorkshire, and Paris--oh dear! dear! that's all wrong, I'm certain! I must have been changed for Florence! I'll try and say "How doth the little,"" and she crossed her hands on her lap, and began, but her voice sounded hoarse and strange, and the words did not sound the same as they used to do: "How doth the little crocodile Improve its shining tail, And pour the waters of the Nile On every golden scale! "How cheerfully it seems to grin! How neatly spreads its claws! And welcomes little fishes in With gently-smiling jaws!" "I'm sure those are not the right words," said poor Alice, and her eyes filled with tears as she thought "I must be Florence after all, and I shall have to go and live in that poky little house, and have next to no toys to play with, and oh! ever so many lessons to learn! No! I've made up my mind about it: if I'm Florence, I'll stay down here! It'll be no use their putting their heads down and saying 'come up, dear!' I shall only look up and say 'who am I then? answer me that first, and then, if I like being that person, I'll come up: if not, I'll stay down here till I'm somebody else--but, oh dear!" cried Alice with a sudden burst of tears, "I do wish they would put their heads down! I am so tired of being all alone here!" As she said this, she looked down at her hands, and was surprised to find she had put on one of the rabbit's little gloves while she was talking. "How can I have done that?" thought she, "I must be growing small again." She got up and went to the table to measure herself by it, and found that, as nearly as she could guess, she was now about two feet high, and was going on shrinking rapidly: soon she found out that the reason of it was the nosegay she held in her hand: she dropped it hastily, just in time to save herself from shrinking away altogether, and found that she was now only three inches high. "Now for the garden!" cried Alice, as she hurried back to the little door, but the little door was locked again, and the little gold key was lying on the glass table as before, and "things are worse than ever!" thought the poor little girl, "for I never was as small as this before, never! And I declare it's too bad, it is!" [Illustration] At this moment her foot slipped, and splash! she was up to her chin in salt water. Her first idea was that she had fallen into the sea: then she remembered that she was under ground, and she soon made out that it was the pool of tears she had wept when she was nine feet high. "I wish I hadn't cried so much!" said Alice, as she swam about, trying to find her way out, "I shall be punished for it now, I suppose, by being drowned in my own tears! Well! that'll be a queer thing, to be sure! However, every thing is queer today." Very soon she saw something splashing about in the pool near her: at first she thought it must be a walrus or a hippopotamus, but then she remembered how small she was herself, and soon made out that it was only a mouse, that had slipped in like herself. "Would it be any use, now," thought Alice, "to speak to this mouse? The rabbit is something quite out-of-the-way, no doubt, and so have I been, ever since I came down here, but that is no reason why the mouse should not be able to talk. I think I may as well try." So she began: "oh Mouse, do you know how to get out of this pool? I am very tired of swimming about here, oh Mouse!" The mouse looked at her rather inquisitively, and seemed to her to wink with one of its little eyes, but it said nothing. [Illustration] "Perhaps it doesn't understand English," thought Alice; "I daresay it's a French mouse, come over with William the Conqueror!" (for, with all her knowledge of history, Alice had no very clear notion how long ago anything had happened,) so she began again: "où est ma chatte?" which was the first sentence out of her French lesson-book. The mouse gave a sudden jump in the pool, and seemed to quiver with fright: "oh, I beg your pardon!" cried Alice hastily, afraid that she had hurt the poor animal's feelings, "I quite forgot you didn't like cats!" "Not like cats!" cried the mouse, in a shrill, passionate voice, "would you like cats if you were me?" "Well, perhaps not," said Alice in a soothing tone, "don't be angry about it. And yet I wish I could show you our cat Dinah: I think you'd take a fancy to cats if you could only see her. She is such a dear quiet thing," said Alice, half to herself, as she swam lazily about in the pool, "she sits purring so nicely by the fire, licking her paws and washing her face: and she is such a nice soft thing to nurse, and she's such a capital one for catching mice--oh! I beg your pardon!" cried poor Alice again, for this time the mouse was bristling all over, and she felt certain that it was really offended, "have I offended you?" "Offended indeed!" cried the mouse, who seemed to be positively trembling with rage, "our family always hated cats! Nasty, low, vulgar things! Don't talk to me about them any more!" "I won't indeed!" said Alice, in a great hurry to change the conversation, "are you--are you--fond of--dogs?" The mouse did not answer, so Alice went on eagerly: "there is such a nice little dog near our house I should like to show you! A little bright-eyed terrier, you know, with oh! such long curly brown hair! And it'll fetch things when you throw them, and it'll sit up and beg for its dinner, and all sorts of things--I ca'n't remember half of them--and it belongs to a farmer, and he says it kills all the rats and--oh dear!" said Alice sadly, "I'm afraid I've offended it again!" for the mouse was swimming away from her as hard as it could go, and making quite a commotion in the pool as it went. So she called softly after it: "mouse dear! Do come back again, and we won't talk about cats and dogs any more, if you don't like them!" When the mouse heard this, it turned and swam slowly back to her: its face was quite pale, (with passion, Alice thought,) and it said in a trembling low voice "let's get to the shore, and then I'll tell you my history, and you'll understand why it is I hate cats and dogs." It was high time to go, for the pool was getting quite full of birds and animals that had fallen into it. There was a Duck and a Dodo, a Lory and an Eaglet, and several other curious creatures. Alice led the way, and the whole party swam to the shore. [Illustration] Chapter II [Illustration] They were indeed a curious looking party that assembled on the bank--the birds with draggled feathers, the animals with their fur clinging close to them--all dripping wet, cross, and uncomfortable. The first question of course was, how to get dry: they had a consultation about this, and Alice hardly felt at all surprised at finding herself talking familiarly with the birds, as if she had known them all her life. Indeed, she had quite a long argument with the Lory, who at last turned sulky, and would only say "I am older than you, and must know best," and this Alice would not admit without knowing how old the Lory was, and as the Lory positively refused to tell its age, there was nothing more to be said. At last the mouse, who seemed to have some authority among them, called out "sit down, all of you, and attend to me! I'll soon make you dry enough!" They all sat down at once, shivering, in a large ring, Alice in the middle, with her eyes anxiously fixed on the mouse, for she felt sure she would catch a bad cold if she did not get dry very soon. "Ahem!" said the mouse, with a self-important air, "are you all ready? This is the driest thing I know. Silence all round, if you please! "William the Conqueror, whose cause was favoured by the pope, was soon submitted to by the English, who wanted leaders, and had been of late much accustomed to usurpation and conquest. Edwin and Morcar, the earls of Mercia and Northumbria--" "Ugh!" said the Lory with a shiver. "I beg your pardon?" said the mouse, frowning, but very politely, "did you speak?" "Not I!" said the Lory hastily. "I thought you did," said the mouse, "I proceed. Edwin and Morcar, the earls of Mercia and Northumbria, declared for him; and even Stigand, the patriotic archbishop of Canterbury, found it advisable to go with Edgar Atheling to meet William and offer him the crown. William's conduct was at first moderate--how are you getting on now, dear?" said the mouse, turning to Alice as it spoke. "As wet as ever," said poor Alice, "it doesn't seem to dry me at all." "In that case," said the Dodo solemnly, rising to his feet, "I move that the meeting adjourn, for the immediate adoption of more energetic remedies--" "Speak English!" said the Duck, "I don't know the meaning of half those long words, and what's more, I don't believe you do either!" And the Duck quacked a comfortable laugh to itself. Some of the other birds tittered audibly. "I only meant to say," said the Dodo in a rather offended tone, "that I know of a house near here, where we could get the young lady and the rest of the party dried, and then we could listen comfortably to the story which I think you were good enough to promise to tell us," bowing gravely to the mouse. The mouse made no objection to this, and the whole party moved along the river bank, (for the pool had by this time began to flow out of the hall, and the edge of it was fringed with rushes and forget-me-nots,) in a slow procession, the Dodo leading the way. After a time the Dodo became impatient, and, leaving the Duck to bring up the rest of the party, moved on at a quicker pace with Alice, the Lory, and the Eaglet, and soon brought them to a little cottage, and there they sat snugly by the fire, wrapped up in blankets, until the rest of the party had arrived, and they were all dry again. Then they all sat down again in a large ring on the bank, and begged the mouse to begin his story. "Mine is a long and a sad tale!" said the mouse, turning to Alice, and sighing. "It is a long tail, certainly," said Alice, looking down with wonder at the mouse's tail, which was coiled nearly all round the party, "but why do you call it sad?" and she went on puzzling about this as the mouse went on speaking, so that her idea of the tale was something like this: We lived beneath the mat Warm and snug and fat But one woe, & that Was the cat! To our joys a clog, In our eyes a fog, On our hearts a log Was the dog! When the cat's away, Then the mice will play, But, alas! one day, (So they say) Came the dog and cat, Hunting for a rat, Crushed the mice all flat; Each one as he sat. U n d e r n e a t h t h e m a t , m r a W g u n s & t a f & T h i n k? o f t h a t! "You are not attending!" said the mouse to Alice severely, "what are you thinking of?" "I beg your pardon," said Alice very humbly, "you had got to the fifth bend, I think?" "I had not!" cried the mouse, sharply and very angrily. "A knot!" said Alice, always ready to make herself useful, and looking anxiously about her, "oh, do let me help to undo it!" "I shall do nothing of the sort!" said the mouse, getting up and walking away from the party, "you insult me by talking such nonsense!" "I didn't mean it!" pleaded poor Alice, "but you're so easily offended, you know." The mouse only growled in reply. "Please come back and finish your story!" Alice called after it, and the others all joined in chorus "yes, please do!" but the mouse only shook its ears, and walked quickly away, and was soon out of sight. "What a pity it wouldn't stay!" sighed the Lory, and an old Crab took the opportunity of saying to its daughter "Ah, my dear! let this be a lesson to you never to lose your temper!" "Hold your tongue, Ma!" said the young Crab, a little snappishly, "you're enough to try the patience of an oyster!" "I wish I had our Dinah here, I know I do!" said Alice aloud, addressing no one in particular, "she'd soon fetch it back!" "And who is Dinah, if I might venture to ask the question?" said the Lory. [Illustration] Alice replied eagerly, for she was always ready to talk about her pet, "Dinah's our cat. And she's such a capital one for catching mice, you can't think! And oh! I wish you could see her after the birds! Why, she'll eat a little bird as soon as look at it!" This answer caused a remarkable sensation among the party: some of the birds hurried off at once; one old magpie began wrapping itself up very carefully, remarking "I really must be getting home: the night air does not suit my throat," and a canary called out in a trembling voice to its children "come away from her, my dears, she's no fit company for you!" On various pretexts, they all moved off, and Alice was soon left alone. [Illustration] She sat for some while sorrowful and silent, but she was not long before she recovered her spirits, and began talking to herself again as usual: "I do wish some of them had stayed a little longer! and I was getting to be such friends with them--really the Lory and I were almost like sisters! and so was that dear little Eaglet! And then the Duck and the Dodo! How nicely the Duck sang to us as we came along through the water: and if the Dodo hadn't known the way to that nice little cottage, I don't know when we should have got dry again--" and there is no knowing how long she might have prattled on in this way, if she had not suddenly caught the sound of pattering feet. It was the white rabbit, trotting slowly back again, and looking anxiously about it as it went, as if it had lost something, and she heard it muttering to itself "the Marchioness! the Marchioness! oh my dear paws! oh my fur and whiskers! She'll have me executed, as sure as ferrets are ferrets! Where can I have dropped them, I wonder?" Alice guessed in a moment that it was looking for the nosegay and the pair of white kid gloves, and she began hunting for them, but they were now nowhere to be seen--everything seemed to have changed since her swim in the pool, and her walk along the river-bank with its fringe of rushes and forget-me-nots, and the glass table and the little door had vanished. Soon the rabbit noticed Alice, as she stood looking curiously about her, and at once said in a quick angry tone, "why, Mary Ann! what are you doing out here? Go home this moment, and look on my dressing-table for my gloves and nosegay, and fetch them here, as quick as you can run, do you hear?" and Alice was so much frightened that she ran off at once, without saying a word, in the direction which the rabbit had pointed out. She soon found herself in front of a neat little house, on the door of which was a bright brass plate with the name W. RABBIT, ESQ. She went in, and hurried upstairs, for fear she should meet the real Mary Ann and be turned out of the house before she had found the gloves: she knew that one pair had been lost in the hall, "but of course," thought Alice, "it has plenty more of them in its house. How queer it seems to be going messages for a rabbit! I suppose Dinah'll be sending me messages next!" And she began fancying the sort of things that would happen: "Miss Alice! come here directly and get ready for your walk!" "Coming in a minute, nurse! but I've got to watch this mousehole till Dinah comes back, and see that the mouse doesn't get out--" "only I don't think," Alice went on, "that they'd let Dinah stop in the house, if it began ordering people about like that!" [Illustration] By this time she had found her way into a tidy little room, with a table in the window on which was a looking-glass and, (as Alice had hoped,) two or three pairs of tiny white kid gloves: she took up a pair of gloves, and was just going to leave the room, when her eye fell upon a little bottle that stood near the looking-glass: there was no label on it this time with the words "drink me," but nonetheless she uncorked it and put it to her lips: "I know something interesting is sure to happen," she said to herself, "whenever I eat or drink anything, so I'll see what this bottle does. I do hope it'll make me grow larger, for I'm quite tired of being such a tiny little thing!" [Illustration] It did so indeed, and much sooner than she expected: before she had drunk half the bottle, she found her head pressing against the ceiling, and she stooped to save her neck from being broken, and hastily put down the bottle, saying to herself "that's quite enough--I hope I sha'n't grow any more--I wish I hadn't drunk so much!" [Illustration] Alas! it was too late: she went on growing and growing, and very soon had to kneel down: in another minute there was not room even for this, and she tried the effect of lying down, with one elbow against the door, and the other arm curled round her head. Still she went on growing, and as a last resource she put one arm out of the window, and one foot up the chimney, and said to herself "now I can do no more--what will become of me?" Luckily for Alice, the little magic bottle had now had its full effect, and she grew no larger; still it was very uncomfortable, and as there seemed to be no sort of chance of ever getting out of the room again, no wonder she felt unhappy. "It was much pleasanter at home," thought poor Alice, "when one wasn't always growing larger and smaller, and being ordered about by mice and rabbits--I almost wish I hadn't gone down that rabbit-hole, and yet, and yet--it's rather curious, you know, this sort of life. I do wonder what can have happened to me! When I used to read fairy-tales, I fancied that sort of thing never happened, and now here I am in the middle of one! There out to be a book written about me, that there ought! and when I grow up I'll write one--but I'm grown up now" said she in a sorrowful tone, "at least there's no room to grow up any more here." [Illustration] "But then," thought Alice, "shall I never get any older than I am now? That'll be a comfort, one way--never to be an old woman--but then--always to have lessons to learn! Oh, I shouldn't like that!" "Oh, you foolish Alice!" she said again, "how can you learn lessons in here? Why, there's hardly room for you, and no room at all for any lesson-books!" And so she went on, taking first one side, and then the other, and making quite a conversation of it altogether, but after a few minutes she heard a voice outside, which made her stop to listen. "Mary Ann! Mary Ann!" said the voice, "fetch me my gloves this moment!" Then came a little pattering of feet on the stairs: Alice knew it was the rabbit coming to look for her, and she trembled till she shook the house, quite forgetting that she was now about a thousand times as large as the rabbit, and had no reason to be afraid of it. Presently the rabbit came to the door, and tried to open it, but as it opened inwards, and Alice's elbow was against it, the attempt proved a failure. Alice heard it say to itself "then I'll go round and get in at the window." "That you wo'n't!" thought Alice, and, after waiting till she fancied she heard the rabbit, just under the window, she suddenly spread out her hand, and made a snatch in the air. She did not get hold of anything, but she heard a little shriek and a fall and a crash of breaking glass, from which she concluded that it was just possible it had fallen into a cucumber-frame, or something of the sort. [Illustration] Next came an angry voice--the rabbit's--"Pat, Pat! where are you?" And then a voice she had never heard before, "shure then I'm here! digging for apples, anyway, yer honour!" "Digging for apples indeed!" said the rabbit angrily, "here, come and help me out of this!"--Sound of more breaking glass. "Now, tell me, Pat, what is that coming out of the window?" "Shure it's an arm, yer honour!" (He pronounced it "arrum".) "An arm, you goose! Who ever saw an arm that size? Why, it fills the whole window, don't you see?" "Shure, it does, yer honour, but it's an arm for all that." "Well, it's no business there: go and take it away!" There was a long silence after this, and Alice could only hear whispers now and then, such as "shure I don't like it, yer honour, at all at all!" "do as I tell you, you coward!" and at last she spread out her hand again and made another snatch in the air. This time there were two little shrieks, and more breaking glass--"what a number of cucumber-frames there must be!" thought Alice, "I wonder what they'll do next! As for pulling me out of the window, I only wish they could! I'm sure I don't want to stop in here any longer!" She waited for some time without hearing anything more: at last came a rumbling of little cart-wheels, and the sound of a good many voices all talking together: she made out the words "where's the other ladder?--why, I hadn't to bring but one, Bill's got the other--here, put 'em up at this corner--no, tie 'em together first--they don't reach high enough yet--oh, they'll do well enough, don't be particular--here, Bill! catch hold of this rope--will the roof bear?--mind that loose slate--oh, it's coming down! heads below!--" (a loud crash) "now, who did that?--it was Bill, I fancy--who's to go down the chimney?--nay, I sha'n't! you do it!--that I won't then--Bill's got to go down--here, Bill! the master says you've to go down the chimney!" "Oh, so Bill's got to come down the chimney, has he?" said Alice to herself, "why, they seem to put everything upon Bill! I wouldn't be in Bill's place for a good deal: the fireplace is a pretty tight one, but I think I can kick a little!" She drew her foot as far down the chimney as she could, and waited till she heard a little animal (she couldn't guess what sort it was) scratching and scrambling in the chimney close above her: then, saying to herself "this is Bill," she gave one sharp kick, and waited again to see what would happen next. [Illustration] The first thing was a general chorus of "there goes Bill!" then the rabbit's voice alone "catch him, you by the hedge!" then silence, and then another confusion of voices, "how was it, old fellow? what happened to you? tell us all about it." Last came a little feeble squeaking voice, ("that's Bill" thought Alice,) which said "well, I hardly know--I'm all of a fluster myself--something comes at me like a Jack-in-the-box, and the next minute up I goes like a rocket!" "And so you did, old fellow!" said the other voices. "We must burn the house down!" said the voice of the rabbit, and Alice called out as loud as she could "if you do, I'll set Dinah at you!" This caused silence again, and while Alice was thinking "but how can I get Dinah here?" she found to her great delight that she was getting smaller: very soon she was able to get up out of the uncomfortable position in which she had been lying, and in two or three minutes more she was once more three inches high. She ran out of the house as quick as she could, and found quite a crowd of little animals waiting outside--guinea-pigs, white mice, squirrels, and "Bill" a little green lizard, that was being supported in the arms of one of the guinea-pigs, while another was giving it something out of a bottle. They all made a rush at her the moment she appeared, but Alice ran her hardest, and soon found herself in a thick wood. [Illustration] Chapter III [Illustration] "The first thing I've got to do," said Alice to herself, as she wandered about in the wood, "is to grow to my right size, and the second thing is to find my way into that lovely garden. I think that will be the best plan." It sounded an excellent plan, no doubt, and very neatly and simply arranged: the only difficulty was, that she had not the smallest idea how to set about it, and while she was peering anxiously among the trees round her, a little sharp bark just over her head made her look up in a great hurry. An enormous puppy was looking down at her with large round eyes, and feebly stretching out one paw, trying to reach her: "poor thing!" said Alice in a coaxing tone, and she tried hard to whistle to it, but she was terribly alarmed all the while at the thought that it might be hungry, in which case it would probably devour her in spite of all her coaxing. Hardly knowing what she did, she picked up a little bit of stick, and held it out to the puppy: whereupon the puppy jumped into the air off all its feet at once, and with a yelp of delight rushed at the stick, and made believe to worry it then Alice dodged behind a great thistle to keep herself from being run over, and, the moment she appeared at the other side, the puppy made another dart at the stick, and tumbled head over heels in its hurry to get hold: then Alice, thinking it was very like having a game of play with a cart-horse, and expecting every moment to be trampled under its feet, ran round the thistle again: then the puppy begin a series of short charges at the stick, running a very little way forwards each time and a long way back, and barking hoarsely all the while, till at last it sat down a good way off, panting, with its tongue hanging out of its mouth, and its great eyes half shut. This seemed to Alice a good opportunity for making her escape. She set off at once, and ran till the puppy's bark sounded quite faint in the distance, and till she was quite tired and out of breath. "And yet what a dear little puppy it was!" said Alice, as she leant against a buttercup to rest herself, and fanned herself with her hat. "I should have liked teaching it tricks, if--if I'd only been the right size to do it! Oh! I'd nearly forgotten that I've got to grow up again! Let me see; how _is_ it to be managed? I suppose I ought to eat or drink something or other, but the great question is what?" The great question certainly was, what? Alice looked all round her at the flowers and the blades of grass but could not see anything that looked like the right thing to eat under the circumstances. There was a large mushroom near her, about the same height as herself, and when she had looked under it, and on both sides of it, and behind it, it occurred to her to look and see what was on the top of it. She stretched herself up on tiptoe, and peeped over the edge of the mushroom, and her eyes immediately met those of a large blue caterpillar, which was sitting with its arms folded, quietly smoking a long hookah, and taking not the least notice of her or of anything else. [Illustration] For some time they looked at each other in silence: at last the caterpillar took the hookah out of its mouth, and languidly addressed her. "Who are you?" said the caterpillar. This was not an encouraging opening for a conversation: Alice replied rather shyly, "I--I hardly know, sir, just at present--at least I know who I was when I got up this morning, but I think I must have been changed several times since that." "What do you mean by that?" said the caterpillar, "explain yourself!" "I ca'n't explain myself, I'm afraid, sir," said Alice, "because I'm not myself, you see." "I don't see," said the caterpillar. "I'm afraid I can't put it more clearly," Alice replied very politely, "for I ca'n't understand it myself, and really to be so many different sizes in one day is very confusing." "It isn't," said the caterpillar. "Well, perhaps you haven't found it so yet," said Alice, "but when you have to turn into a chrysalis, you know, and then after that into a butterfly, I should think it'll feel a little queer, don't you think so?" "Not a bit," said the caterpillar. "All I know is," said Alice, "it would feel queer to me." "You!" said the caterpillar contemptuously, "who are you?" Which brought them back again to the beginning of the conversation: Alice felt a little irritated at the caterpillar making such very short remarks, and she drew herself up and said very gravely "I think you ought to tell me who you are, first." "Why?" said the caterpillar. Here was another puzzling question: and as Alice had no reason ready, and the caterpillar seemed to be in a very bad temper, she turned round and walked away. "Come back!" the caterpillar called after her, "I've something important to say!" This sounded promising: Alice turned and came back again. "Keep your temper," said the caterpillar. "Is that all?" said Alice, swallowing down her anger as well as she could. "No," said the caterpillar. Alice thought she might as well wait, as she had nothing else to do, and perhaps after all the caterpillar might tell her something worth hearing. For some minutes it puffed away at its hookah without speaking, but at last it unfolded its arms, took the hookah out of its mouth again, and said "so you think you're changed, do you?" "Yes, sir," said Alice, "I ca'n't remember the things I used to know--I've tried to say "How doth the little busy bee" and it came all different!" "Try and repeat "You are old, father William"," said the caterpillar. Alice folded her hands, and began: [Illustration] 1. "You are old, father William," the young man said, "And your hair is exceedingly white: And yet you incessantly stand on your head-- Do you think, at your age, it is right?" 2. "In my youth," father William replied to his son, "I feared it might injure the brain But now that I'm perfectly sure I have none, Why, I do it again and again." [Illustration] 3. "You are old," said the youth, "as I mentioned before, And have grown most uncommonly fat: Yet you turned a back-somersault in at the door-- Pray what is the reason of that?" 4. "In my youth," said the sage, as he shook his gray locks, "I kept all my limbs very supple, By the use of this ointment, five shillings the box-- Allow me to sell you a couple." [Illustration] 5. "You are old," said the youth, "and your jaws are too weak For anything tougher than suet: Yet you eat all the goose, with the bones and the beak-- Pray, how did you manage to do it?" 6. "In my youth," said the old man, "I took to the law, And argued each case with my wife, And the muscular strength, which it gave to my jaw, Has lasted the rest of my life." [Illustration] 7. "You are old," said the youth; "one would hardly suppose That your eye was as steady as ever: Yet you balanced an eel on the end of your nose-- What made you so awfully clever?" 8. "I have answered three questions, and that is enough," Said his father, "don't give yourself airs! Do you think I can listen all day to such stuff? Be off, or I'll kick you down stairs!" "That is not said right," said the caterpillar. "Not quite right, I'm afraid," said Alice timidly, "some of the words have got altered." "It is wrong from beginning to end," said the caterpillar decidedly, and there was silence for some minutes: the caterpillar was the first to speak. "What size do you want to be?" it asked. "Oh, I'm not particular as to size," Alice hastily replied, "only one doesn't like changing so often, you know." "Are you content now?" said the caterpillar. "Well, I should like to be a little larger, sir, if you wouldn't mind," said Alice, "three inches is such a wretched height to be." "It is a very good height indeed!" said the caterpillar loudly and angrily, rearing itself straight up as it spoke (it was exactly three inches high). "But I'm not used to it!" pleaded poor Alice in a piteous tone, and she thought to herself "I wish the creatures wouldn't be so easily offended!" "You'll get used to it in time," said the caterpillar, and it put the hookah into its mouth, and began smoking again. This time Alice waited quietly until it chose to speak again: in a few minutes the caterpillar took the hookah out of its mouth, and got down off the mushroom, and crawled away into the grass, merely remarking as it went; "the top will make you grow taller, and the stalk will make you grow shorter." "The top of what? the stalk of what?" thought Alice. "Of the mushroom," said the caterpillar, just as if she had asked it aloud, and in another moment was out of sight. Alice remained looking thoughtfully at the mushroom for a minute, and then picked it and carefully broke it in two, taking the stalk in one hand, and the top in the other. [Illustration] "Which does the stalk do?" she said, and nibbled a little bit of it to try; the next moment she felt a violent blow on her chin: it had struck her foot! She was a good deal frightened by this very sudden change, but as she did not shrink any further, and had not dropped the top of the mushroom, she did not give up hope yet. There was hardly room to open her mouth, with her chin pressing against her foot, but she did it at last, and managed to bite off a little bit of the top of the mushroom. * * * * * "Come! my head's free at last!" said Alice in a tone of delight, which changed into alarm in another moment, when she found that her shoulders were nowhere to be seen: she looked down upon an immense length of neck, which seemed to rise like a stalk out of a sea of green leaves that lay far below her. [Illustration] "What can all that green stuff be?" said Alice, "and where have my shoulders got to? And oh! my poor hands! how is it I ca'n't see you?" She was moving them about as she spoke, but no result seemed to follow, except a little rustling among the leaves. Then she tried to bring her head down to her hands, and was delighted to find that her neck would bend about easily in every direction, like a serpent. She had just succeeded in bending it down in a beautiful zig-zag, and was going to dive in among the leaves, which she found to be the tops of the trees of the wood she had been wandering in, when a sharp hiss made her draw back: a large pigeon had flown into her face, and was violently beating her with its wings. [Illustration] "Serpent!" screamed the pigeon. "I'm not a serpent!" said Alice indignantly, "let me alone!" "I've tried every way!" the pigeon said desperately, with a kind of sob: "nothing seems to suit 'em!" "I haven't the least idea what you mean," said Alice. "I've tried the roots of trees, and I've tried banks, and I've tried hedges," the pigeon went on without attending to her, "but them serpents! There's no pleasing 'em!" Alice was more and more puzzled, but she thought there was no use in saying anything till the pigeon had finished. "As if it wasn't trouble enough hatching the eggs!" said the pigeon, "without being on the look out for serpents, day and night! Why, I haven't had a wink of sleep these three weeks!" "I'm very sorry you've been annoyed," said Alice, beginning to see its meaning. "And just as I'd taken the highest tree in the wood," said the pigeon raising its voice to a shriek, "and was just thinking I was free of 'em at last, they must needs come down from the sky! Ugh! Serpent!" "But I'm not a serpent," said Alice, "I'm a--I'm a--" "Well! What are you?" said the pigeon, "I see you're trying to invent something." "I--I'm a little girl," said Alice, rather doubtfully, as she remembered the number of changes she had gone through. "A likely story indeed!" said the pigeon, "I've seen a good many of them in my time, but never one with such a neck as yours! No, you're a serpent, I know that well enough! I suppose you'll tell me next that you never tasted an egg!" "I have tasted eggs, certainly," said Alice, who was a very truthful child, "but indeed I do'n't want any of yours. I do'n't like them raw." "Well, be off, then!" said the pigeon, and settled down into its nest again. Alice crouched down among the trees, as well as she could, as her neck kept getting entangled among the branches, and several times she had to stop and untwist it. Soon she remembered the pieces of mushroom which she still held in her hands, and set to work very carefully, nibbling first at one and then at the other, and growing sometimes taller and sometimes shorter, until she had succeeded in bringing herself down to her usual size. It was so long since she had been of the right size that it felt quite strange at first, but she got quite used to it in a minute or two, and began talking to herself as usual: "well! there's half my plan done now! How puzzling all these changes are! I'm never sure what I'm going to be, from one minute to another! However, I've got to my right size again: the next thing is, to get into that beautiful garden--how is that to be done, I wonder?" Just as she said this, she noticed that one of the trees had a doorway leading right into it. "That's very curious!" she thought, "but everything's curious today: I may as well go in." And in she went. Once more she found herself in the long hall, and close to the little glass table: "now, I'll manage better this time" she said to herself, and began by taking the little golden key, and unlocking the door that led into the garden. Then she set to work eating the pieces of mushroom till she was about fifteen inches high: then she walked down the little passage: and then--she found herself at last in the beautiful garden, among the bright flowerbeds and the cool fountains. [Illustration] Chapter IV [Illustration] A large rose tree stood near the entrance of the garden: the roses on it were white, but there were three gardeners at it, busily painting them red. This Alice thought a very curious thing, and she went near to watch them, and just as she came up she heard one of them say "look out, Five! Don't go splashing paint over me like that!" "I couldn't help it," said Five in a sulky tone, "Seven jogged my elbow." On which Seven lifted up his head and said "that's right, Five! Always lay the blame on others!" "You'd better not talk!" said Five, "I heard the Queen say only yesterday she thought of having you beheaded!" "What for?" said the one who had spoken first. "That's not your business, Two!" said Seven. "Yes, it is his business!" said Five, "and I'll tell him: it was for bringing in tulip-roots to the cook instead of potatoes." Seven flung down his brush, and had just begun "well! Of all the unjust things--" when his eye fell upon Alice, and he stopped suddenly; the others looked round, and all of them took off their hats and bowed low. "Would you tell me, please," said Alice timidly, "why you are painting those roses?" Five and Seven looked at Two, but said nothing: Two began, in a low voice, "why, Miss, the fact is, this ought to have been a red rose tree, and we put a white one in by mistake, and if the Queen was to find it out, we should all have our heads cut off. So, you see, we're doing our best, before she comes, to--" At this moment Five, who had been looking anxiously across the garden called out "the Queen! the Queen!" and the three gardeners instantly threw themselves flat upon their faces. There was a sound of many footsteps, and Alice looked round, eager to see the Queen. First came ten soldiers carrying clubs; these were all shaped like the three gardeners, flat and oblong, with their hands and feet at the corners: next the ten courtiers; these were all ornamented with diamonds, and walked two and two, as the soldiers did. After these came the Royal children: there were ten of them, and the little dears came jumping merrily along, hand in hand, in couples: they were all ornamented with hearts. Next came the guests, mostly kings and queens, among whom Alice recognised the white rabbit: it was talking in a hurried nervous manner, smiling at everything that was said, and went by without noticing her. Then followed the Knave of Hearts, carrying the King's crown on a cushion, and, last of all this grand procession, came THE KING AND QUEEN OF HEARTS. [Illustration] When the procession came opposite to Alice, they all stopped and looked at her, and the Queen said severely "who is this?" She said it to the Knave of Hearts, who only bowed and smiled in reply. "Idiot!" said the Queen, turning up her nose, and asked Alice "what's your name?" "My name is Alice, so please your Majesty," said Alice boldly, for she thought to herself "why, they're only a pack of cards! I needn't be afraid of them!" "Who are these?" said the Queen, pointing to the three gardeners lying round the rose tree, for, as they were lying on their faces, and the pattern on their backs was the same as the rest of the pack, she could not tell whether they were gardeners, or soldiers, or courtiers, or three of her own children. "How should I know?" said Alice, surprised at her own courage, "it's no business of mine." The Queen turned crimson with fury, and, after glaring at her for a minute, began in a voice of thunder "off with her--" "Nonsense!" said Alice, very loudly and decidedly, and the Queen was silent. The King laid his hand upon her arm, and said timidly "remember, my dear! She is only a child!" The Queen turned angrily away from him, and said to the Knave "turn them over!" The Knave did so, very carefully, with one foot. "Get up!" said the Queen, in a shrill loud voice, and the three gardeners instantly jumped up, and began bowing to the King, the Queen, the Royal children, and everybody else. "Leave off that!" screamed the Queen, "you make me giddy." And then, turning to the rose tree, she went on "what have you been doing here?" "May it please your Majesty," said Two very humbly, going down on one knee as he spoke, "we were trying--" "I see!" said the Queen, who had meantime been examining the roses, "off with their heads!" and the procession moved on, three of the soldiers remaining behind to execute the three unfortunate gardeners, who ran to Alice for protection. "You sha'n't be beheaded!" said Alice, and she put them into her pocket: the three soldiers marched once round her, looking for them, and then quietly marched off after the others. "Are their heads off?" shouted the Queen. "Their heads are gone," the soldiers shouted in reply, "if it please your Majesty!" "That's right!" shouted the Queen, "can you play croquet?" The soldiers were silent, and looked at Alice, as the question was evidently meant for her. "Yes!" shouted Alice at the top of her voice. "Come on then!" roared the Queen, and Alice joined the procession, wondering very much what would happen next. "It's--it's a very fine day!" said a timid little voice: she was walking by the white rabbit, who was peeping anxiously into her face. "Very," said Alice, "where's the Marchioness?" "Hush, hush!" said the rabbit in a low voice, "she'll hear you. The Queen's the Marchioness: didn't you know that?" "No, I didn't," said Alice, "what of?" "Queen of Hearts," said the rabbit in a whisper, putting its mouth close to her ear, "and Marchioness of Mock Turtles." "What are they?" said Alice, but there was no time for the answer, for they had reached the croquet-ground, and the game began instantly. Alice thought she had never seen such a curious croquet-ground in all her life: it was all in ridges and furrows: the croquet-balls were live hedgehogs, the mallets live ostriches, and the soldiers had to double themselves up, and stand on their feet and hands, to make the arches. [Illustration] [Illustration] The chief difficulty which Alice found at first was to manage her ostrich: she got its body tucked away, comfortably enough, under her arm, with its legs hanging down, but generally, just as she had got its neck straightened out nicely, and was going to give a blow with its head, it would twist itself round, and look up into her face, with such a puzzled expression that she could not help bursting out laughing: and when she had got its head down, and was going to begin again, it was very confusing to find that the hedgehog had unrolled itself, and was in the act of crawling away: besides all this, there was generally a ridge or a furrow in her way, wherever she wanted to send the hedgehog to, and as the doubled-up soldiers were always getting up and walking off to other parts of the ground, Alice soon came to the conclusion that it was a very difficult game indeed. The players all played at once without waiting for turns, and quarrelled all the while at the tops of their voices, and in a very few minutes the Queen was in a furious passion, and went stamping about and shouting "off with his head!" of "off with her head!" about once in a minute. All those whom she sentenced were taken into custody by the soldiers, who of course had to leave off being arches to do this, so that, by the end of half an hour or so, there were no arches left, and all the players, except the King, the Queen, and Alice, were in custody, and under sentence of execution. Then the Queen left off, quite out of breath, and said to Alice "have you seen the Mock Turtle?" "No," said Alice, "I don't even know what a Mock Turtle is." "Come on then," said the Queen, "and it shall tell you its history." As they walked off together, Alice heard the King say in a low voice, to the company generally, "you are all pardoned." "Come, that's a good thing!" thought Alice, who had felt quite grieved at the number of executions which the Queen had ordered. [Illustration] They very soon came upon a Gryphon, which lay fast asleep in the sun: (if you don't know what a Gryphon is, look at the picture): "Up, lazy thing!" said the Queen, "and take this young lady to see the Mock Turtle, and to hear its history. I must go back and see after some executions I ordered," and she walked off, leaving Alice with the Gryphon. Alice did not quite like the look of the creature, but on the whole she thought it quite as safe to stay as to go after that savage Queen: so she waited. The Gryphon sat up and rubbed its eyes: then it watched the Queen till she was out of sight: then it chuckled. "What fun!" said the Gryphon, half to itself, half to Alice. "What is the fun?" said Alice. "Why, she," said the Gryphon; "it's all her fancy, that: they never executes nobody, you know: come on!" "Everybody says 'come on!' here," thought Alice as she walked slowly after the Gryphon; "I never was ordered about so before in all my life--never!" They had not gone far before they saw the Mock Turtle in the distance, sitting sad and lonely on a little ledge of rock, and, as they came nearer, Alice could here it sighing as if its heart would break. She pitied it deeply: "what is its sorrow?" she asked the Gryphon, and the Gryphon answered, very nearly in the same words as before, "it's all its fancy, that: it hasn't got no sorrow, you know: come on!" [Illustration] So they went up to the Mock Turtle, who looked at them with large eyes full of tears, but said nothing. "This here young lady" said the Gryphon, "wants for to know your history, she do." "I'll tell it," said the Mock Turtle, in a deep hollow tone, "sit down, and don't speak till I've finished." So they sat down, and no one spoke for some minutes: Alice thought to herself "I don't see how it can ever finish, if it doesn't begin," but she waited patiently. "Once," said the Mock Turtle at last, with a deep sigh, "I was a real Turtle." These words were followed by a very long silence, broken only by an occasional exclamation of "hjckrrh!" from the Gryphon, and the constant heavy sobbing of the Mock Turtle. Alice was very nearly getting up and saying, "thank you, sir, for your interesting story," but she could not help thinking there must be more to come, so she sat still and said nothing. "When we were little," the Mock Turtle went on, more calmly, though still sobbing a little now and then, "we went to school in the sea. The master was an old Turtle--we used to call him Tortoise--" "Why did you call him Tortoise, if he wasn't one?" asked Alice. "We called him Tortoise because he taught us," said the Mock Turtle angrily, "really you are very dull!" "You ought to be ashamed of yourself for asking such a simple question," added the Gryphon, and then they both sat silent and looked at poor Alice, who felt ready to sink into the earth: at last the Gryphon said to the Mock Turtle, "get on, old fellow! Don't be all day!" and the Mock Turtle went on in these words: "You may not have lived much under the sea--" ("I haven't," said Alice,) "and perhaps you were never even introduced to a lobster--" (Alice began to say "I once tasted--" but hastily checked herself, and said "no, never," instead,) "so you can have no idea what a delightful thing a Lobster Quadrille is!" "No, indeed," said Alice, "what sort of a thing is it?" "Why," said the Gryphon, "you form into a line along the sea shore--" "Two lines!" cried the Mock Turtle, "seals, turtles, salmon, and so on--advance twice--" "Each with a lobster as partner!" cried the Gryphon. [Illustration] "Of course," the Mock Turtle said, "advance twice, set to partners--" "Change lobsters, and retire in same order--" interrupted the Gryphon. "Then, you know," continued the Mock Turtle, "you throw the--" "The lobsters!" shouted the Gryphon, with a bound into the air. "As far out to sea as you can--" "Swim after them!" screamed the Gryphon. "Turn a somersault in the sea!" cried the Mock Turtle, capering wildly about. "Change lobsters again!" yelled the Gryphon at the top of its voice, "and then--" "That's all," said the Mock Turtle, suddenly dropping its voice, and the two creatures, who had been jumping about like mad things all this time, sat down again very sadly and quietly, and looked at Alice. "It must be a very pretty dance," said Alice timidly. "Would you like to see a little of it?" said the Mock Turtle. "Very much indeed," said Alice. "Come, let's try the first figure!" said the Mock Turtle to the Gryphon, "we can do it without lobsters, you know. Which shall sing?" "Oh! you sing!" said the Gryphon, "I've forgotten the words." [Illustration] So they began solemnly dancing round and round Alice, every now and then treading on her toes when they came too close, and waving their fore-paws to mark the time, while the Mock Turtle sang, slowly and sadly, these words: "Beneath the waters of the sea Are lobsters thick as thick can be-- They love to dance with you and me, My own, my gentle Salmon!" The Gryphon joined in singing the chorus, which was: "Salmon come up! Salmon go down! Salmon come twist your tail around! Of all the fishes of the sea There's none so good as Salmon!" "Thank you," said Alice, feeling very glad that the figure was over. "Shall we try the second figure?" said the Gryphon, "or would you prefer a song?" "Oh, a song, please!" Alice replied, so eagerly, that the Gryphon said, in a rather offended tone, "hm! no accounting for tastes! Sing her 'Mock Turtle Soup', will you, old fellow!" The Mock Turtle sighed deeply, and began, in a voice sometimes choked with sobs, to sing this: "Beautiful Soup, so rich and green, Waiting in a hot tureen! Who for such dainties would not stoop? Soup of the evening, beautiful Soup! Soup of the evening, beautiful Soup! Beau--ootiful Soo--oop! Beau--ootiful Soo--oop! Soo--oop of the e--e--evening, Beautiful beautiful Soup! "Chorus again!" cried the Gryphon, and the Mock Turtle had just begun to repeat it, when a cry of "the trial's beginning!" was heard in the distance. "Come on!" cried the Gryphon, and, taking Alice by the hand, he hurried off, without waiting for the end of the song. "What trial is it?" panted Alice as she ran, but the Gryphon only answered "come on!" and ran the faster, and more and more faintly came, borne on the breeze that followed them, the melancholy words: "Soo--oop of the e--e--evening, Beautiful beautiful Soup!" The King and Queen were seated on their throne when they arrived, with a great crowd assembled around them: the Knave was in custody: and before the King stood the white rabbit, with a trumpet in one hand, and a scroll of parchment in the other. "Herald! read the accusation!" said the King. On this the white rabbit blew three blasts on the trumpet, and then unrolled the parchment scroll, and read as follows: [Illustration] "The Queen of Hearts she made some tarts All on a summer day: The Knave of Hearts he stole those tarts, And took them quite away!" [Illustration] "Now for the evidence," said the King, "and then the sentence." "No!" said the Queen, "first the sentence, and then the evidence!" "Nonsense!" cried Alice, so loudly that everybody jumped, "the idea of having the sentence first!" "Hold your tongue!" said the Queen. "I won't!" said Alice, "you're nothing but a pack of cards! Who cares for you?" At this the whole pack rose up into the air, and came flying down upon her: she gave a little scream of fright, and tried to beat them off, and found herself lying on the bank, with her head in the lap of her sister, who was gently brushing away some leaves that had fluttered down from the trees on to her face. "Wake up! Alice dear!" said her sister, "what a nice long sleep you've had!" "Oh, I've had such a curious dream!" said Alice, and she told her sister all her Adventures Under Ground, as you have read them, and when she had finished, her sister kissed her and said "it was a curious dream, dear, certainly! But now run in to your tea: it's getting late." So Alice ran off, thinking while she ran (as well she might) what a wonderful dream it had been. * * * * * But her sister sat there some while longer, watching the setting sun, and thinking of little Alice and her Adventures, till she too began dreaming after a fashion, and this was her dream: She saw an ancient city, and a quiet river winding near it along the plain, and up the stream went slowly gliding a boat with a merry party of children on board--she could hear their voices and laughter like music over the water--and among them was another little Alice, who sat listening with bright eager eyes to a tale that was being told, and she listened for the words of the tale, and lo! it was the dream of her own little sister. So the boat wound slowly along, beneath the bright summer-day, with its merry crew and its music of voices and laughter, till it passed round one of the many turnings of the stream, and she saw it no more. Then she thought, (in a dream within the dream, as it were,) how this same little Alice would, in the after-time, be herself a grown woman: and how she would keep, through her riper years, the simple and loving heart of her childhood: and how she would gather around her other little children, and make their eyes bright and eager with many a wonderful tale, perhaps even with these very adventures of the little Alice of long-ago: and how she would feel with all their simple sorrows, and find a pleasure in all their simple joys, remembering her own child-life, and the happy summer days. [Illustration] happy summer days. THE END. * * * * * _POSTSCRIPT._ _The profits, if any, of this book will be given to Children's Hospitals and Convalescent Homes for Sick Children; and the accounts, down to June 30 in each year, will be published in the St. James's Gazette, on the second Tuesday of the following December._ _P.P.S.--The thought, so prettily expressed by the little boy, is also to be found in Longfellow's "Hiawatha," where he appeals to those who believe_ "_That the feeble hands and helpless,_ _Groping blindly in the darkness_, _Touch_ GOD'S _right hand in that darkness_, _And are lifted up and strengthened_." * * * * * "Who will Riddle me the How and the Why?" _So questions one of England's sweetest singers. The "How?" has already been told, after a fashion, in the verses prefixed to "Alice in Wonderland"; and some other memories of that happy summer day are set down, for those who care to see them, in this little book--the germ that was to grow into the published volume. But the "Why?" cannot, and need not, be put into words. Those for whom a child's mind is a sealed book, and who see no divinity in a child's smile, would read such words in vain: while for any one that has ever loved one true child, no words are needed. For he will have known the awe that falls on one in the presence of a spirit fresh from_ GOD'S _hands, on whom no shadow of sin, and but the outermost fringe of the shadow of sorrow, has yet fallen: he will have felt the bitter contrast between the haunting selfishness that spoils his best deeds and the life that is but an overflowing love--for I think a child's_ first _attitude to the world is a simple love for all living things: and he will have learned that the best work a man can do is when he works for love's sake only, with no thought of name, or gain, or earthly reward. No deed of ours, I suppose, on this side the grave, is really unselfish: yet if one can put forth all one's powers in a task where nothing of reward is hoped for but a little child's whispered thanks, and the airy touch of a little child's pure lips, one seems to come somewhere near to this._ _There was no idea of publication in my mind when I wrote this little book_: that _was wholly an afterthought, pressed on me by the "perhaps too partial friends" who always have to bear the blame when a writer rushes into print: and I can truly say that no praise of theirs has ever given me one hundredth part of the pleasure it has been to think of the sick children in hospitals (where it has been a delight to me to send copies) forgetting, for a few bright hours, their pain and weariness--perhaps thinking lovingly of the unknown writer of the tale--perhaps even putting up a childish prayer (and oh, how much it needs!) for one who can but dimly hope to stand, some day, not quite out of sight of those pure young faces, before the great white throne. "I am very sure," writes a lady-visitor at a Home for Sick Children, "that there will be many loving earnest prayers for you on Easter morning from the children._" _I would like to quote further from her letters, as embodying a suggestion that may perhaps thus come to the notice of some one able and willing to carry it out._ "_I want you to send me one of your Easter Greetings for a very dear child who is dying at our Home. She is just fading away, and 'Alice' has brightened some of the weary hours in her illness, and I know that letter would be such a delight to her--especially if you would put 'Minnie' at the top, and she could know you had sent it for her._ She _knows_ you, _and would so value it.... She suffers so much that I long for what I know would so please her." ... "Thank you very much for sending me the letter, and for writing Minnie's name.... I am quite sure that all these children will say a loving prayer for the 'Alice-man' on Easter Day: and I am sure the letter will help the little ones to the real Easter joy. How I do wish that you, who have won the hearts and confidence of so many children, would do for them what is so very near my heart, and yet what no one will do, viz. write a book for children about_ GOD _and themselves, which is_ not _goody, and which begins at the right end, about religion, to make them see what it really is. I get quite miserable very often over the children I come across: hardly any of them have an idea of_ really _knowing that_ GOD _loves them, or of loving and confiding in Him. They will love and trust_ me, _and be sure that I want them to be happy, and will not let them suffer more than is necessary: but as for going to Him in the same way, they would never think of it. They are dreadfully afraid of Him, if they think of Him at all, which they generally only do when they have been naughty, and they look on all connected with Him as very grave and dull: and, when they are full of fun and thoroughly happy, I am sure they unconsciously hope He is not looking. I am sure I don't wonder they think of Him in this way, for people_ never _talk of Him in connection with what makes their little lives the brightest. If they are naughty, people put on solemn faces, and say He is very angry or shocked, or something which frightens them: and, for the rest, He is talked about only in a way that makes them think of church and having to be quiet. As for being taught that all Joy and all Gladness and Brightness is His Joy--that He is wearying for them to be happy, and is not hard and stern, but always doing things to make their days brighter, and caring for them so tenderly, and wanting them to run to Him with_ all _their little joys and sorrows, they are not taught that. I do so long to make them trust Him as they trust us, to feel that He will 'take their part' as they do with us in their little woes, and to go to Him in their plays and enjoyments and not only when they say their prayers. I was quite grateful to one little dot, a short time ago, who said to his mother 'when I am in bed, I put out my hand to see if I can feel_ JESUS _and my angel. I thought perhaps_ in the dark _they'd touch me, but they never have yet.' I do so want them to_ want _to go to Him, and to feel how, if He is there, it_ must _be happy._" _Let me add--for I feel I have drifted into far too serious a vein for a preface to a fairy-tale--the deliciously naïve remark of a very dear child-friend, whom I asked, after an acquaintance of two or three days, if she had read 'Alice' and the 'Looking-Glass.' "Oh yes," she replied readily, "I've read both of them! And I think" (this more slowly and thoughtfully) "I think 'Through the Looking-Glass' is_ more _stupid than 'Alice's Adventures.' Don't_ you _think so?" But this was a question I felt it would be hardly discreet for me to enter upon._ _LEWIS CARROLL._ _Dec._ 1886. * * * * * AN EASTER GREETING TO EVERY CHILD WHO LOVES "Alice." DEAR CHILD, _Please to fancy, if you can, that you are reading a real letter, from a real friend whom you have seen, and whose voice you can seem to yourself to hear wishing you, as I do now with all my heart, a happy Easter._ _Do you know that delicious dreamy feeling when one first wakes on a summer morning, with the twitter of birds in the air, and the fresh breeze coming in at the open window--when, lying lazily with eyes half shut, one sees as in a dream green boughs waving, or waters rippling in a golden light? It is a pleasure very near to sadness, bringing tears to one's eyes like a beautiful picture or poem. And is not that a Mother's gentle hand that undraws your curtains, and a Mother's sweet voice that summons you to rise? To rise and forget, in the bright sunlight, the ugly dreams that frightened you so when all was dark--to rise and enjoy another happy day, first kneeling to thank that unseen Friend, who sends you the beautiful sun_? _Are these strange words from a writer of such tales as "Alice"? And is this a strange letter to find in a book of nonsense? It may be so. Some perhaps may blame me for thus mixing together things grave and gay; others may smile and think it odd that any one should speak of solemn things at all, except in church and on a Sunday: but I think--nay, I am sure--that some children will read this gently and lovingly, and in the spirit in which I have written it._ _For I do not believe God means us thus to divide life into two halves--to wear a grave face on Sunday, and to think it out-of-place to even so much as mention Him on a week-day. Do you think He cares to see only kneeling figures, and to hear only tones of prayer--and that He does not also love to see the lambs leaping in the sunlight, and to hear the merry voices of the children, as they roll among the hay? Surely their innocent laughter is as sweet in His ears as the grandest anthem that ever rolled up from the "dim religious light" of some solemn cathedral?_ _And if I have written anything to add to those stores of innocent and healthy amusement that are laid up in books for the children I love so well, it is surely something I may hope to look back upon without shame and sorrow (as how much of life must then be recalled!) when_ my _turn comes to walk through the valley of shadows._ _This Easter sun will rise on you, dear child, feeling your "life in every limb," and eager to rush out into the fresh morning air_--_and many an Easter-day will come and go, before it finds you feeble and gray-headed, creeping wearily out to bask once more in the sunlight--but it is good, even now, to think sometimes of that great morning when the "Sun of Righteousness shall arise with healing in his wings."_ _Surely your gladness need not be the less for the thought that you will one day see a brighter dawn than this--when lovelier sights will meet your eyes than any waving trees or rippling waters--when angel-hands shall undraw your curtains, and sweeter tones than ever loving Mother breathed shall wake you to a new and glorious day--and when all the sadness, and the sin, that darkened life on this little earth, shall be forgotten like the dreams of a night that is past!_ _Your affectionate friend_, _LEWIS CARROLL_. EASTER, 1876. * * * * * CHRISTMAS GREETINGS. [FROM A FAIRY TO A CHILD.] Lady dear, if Fairies may For a moment lay aside Cunning tricks and elfish play, 'Tis at happy Christmas-tide. We have heard the children say-- Gentle children, whom we love-- Long ago, on Christmas Day, Came a message from above. Still, as Christmas-tide comes round, They remember it again-- Echo still the joyful sound "Peace on earth, good-will to men!" Yet the hearts must childlike be Where such heavenly guests abide: Unto children, in their glee, All the year is Christmas-tide! Thus, forgetting tricks and play For a moment, Lady dear, We would wish you, if we may, Merry Christmas, glad New Year! LEWIS CARROLL. _Christmas, 1867._ * * * * * WORKS BY LEWIS CARROLL. PUBLISHED BY MACMILLAN AND CO., LONDON. ALICE'S ADVENTURES _IN_ WONDERLAND. With Forty-two Illustrations by TENNIEL. (First published in 1865.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price 6_s._ Seventy-eighth Thousand. AVENTURES D'ALICE AU PAYS DES MERVEILLES. Traduit de l'Anglais par Henri Bué. Ouvrage illustré de 42 Vignettes par JOHN TENNIEL. (First published in 1869.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price 6_s._ ALICE'S ABENTEUER IM WUNDERLAND. AUS DEM ENGLISCHEN, VON ANTONIE ZIMMERMANN. MITT 42 ILLUSTRATIONEN VON JOHN TENNIEL. (First published in 1869.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price 6_s._ LE AVVENTURE D'ALICE NEL PAESE DELLE MERAVIGLIE. Tradotte dall' Inglese da T. PIETROCÒLA-ROSSETTI. Con 42 Vignette di GIOVANNI TENNIEL. (First published in 1872.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price 6_s._ THROUGH THE LOOKING-GLASS AND WHAT ALICE FOUND THERE. With Fifty Illustrations by TENNIEL. (First published in 1871.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price 6_s._ Fifty sixth Thousand. RHYME? AND REASON? With Sixty-five Illustrations by ARTHUR B. FROST, and Nine by HENRY HOLIDAY. (This book, first published in 1883, is a reprint, with a few additions, of the comic portion of "Phantasmagoria and other Poems," published in 1869, and of "The Hunting of the Snark," published in 1876. Mr. Frost's pictures are new.) Crown 8vo, cloth, coloured edges, price 6_s._ Fifth Thousand. * * * * * WORKS BY LEWIS CARROLL. PUBLISHED BY MACMILLAN AND CO., LONDON. A TANGLED TALE. Reprinted from _The Monthly Packet_. With Six Illustrations by ARTHUR B. FROST. (First published in 1885.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, 4_s._ 6_d._ Third Thousand. THE GAME OF LOGIC. (With an Envelope containing a card diagram and nine counters--four red and five grey.) Crown 8vo, cloth, price 3_s._ N.B.--The Envelope, etc., may be had separately at 3_d._ each. ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND. Being a Facsimile of the original MS. Book, afterwards developed into "Alice's Adventures in Wonderland." With Thirty-seven Illustrations by the Author. Crown 8vo, cloth, gilt edges. 4_s._ THE NURSERY ALICE. A selection of twenty of the pictures in "Alice's Adventures in Wonderland," enlarged and coloured under the Artist's superintendence, with explanations. [_In preparation._ * * * * * N.B. In selling the above-mentioned books to the Trade, Messrs. Macmillan and Co. will abate 2_d._ in the shilling (no odd copies), and allow 5 per cent. discount for payment within six months, and 10 per cent. for cash. In selling them to the Public (for cash only) they will allow 10 per cent. discount. * * * * * MR. LEWIS CARROLL, having been requested to allow "AN EASTER GREETING" (a leaflet, addressed to children, first published in 1876, and frequently given with his books) to be sold separately, has arranged with Messrs. Harrison, of 59, Pall Mall, who will supply a single copy for 1_d._, or 12 for 9_d._, or 100 for 5_s._ * * * * * End of Project Gutenberg's Alice's Adventures Under Ground, by Lewis Carroll *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND *** ***** This file should be named 19002-8.txt or 19002-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/1/9/0/0/19002/ Produced by Jason Isbell, Sankar Viswanathan, and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. The Project Gutenberg EBook of Hepu Zhu, by Yanshuisanren This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Hepu Zhu Author: Yanshuisanren Release Date: January 7, 2009 [EBook #27734] Language: Chinese Character set encoding: UTF-8 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HEPU ZHU *** Produced by Vicky Tseng 书名: 合浦珠 烟水散人 著 Title: Hepu Zhu Author: Yanshuisanren 第一回 梅花樓酒錢贈俠客   詞曰:     韶光遲速,休名利關心。塵途碌碌,門外鶯啼,正值春江拖綠。襟懷瀟灑須祛俗,締心交,芝 蘭同馥。草堂清晝,彈琴話古,諷梅哦竹。憑世上雨雲翻覆,惟男兒倜儻,別開眉目。莫笑寒酸,自有 文章盈腹。翠幃遙想人如玉,待他年貯金屋。晝哦窗下,賡詩花底,風流方足。    右調《疏簾淡月》   又詩曰:     才子自應逑美媛,不須仙洞覓胡麻。     請君試看明珠報,莫謂今無古押衙。   話說人生七尺軀,雖不可兒女情長、英雄志短,然晉人有云:「情之所鐘,正在我輩。」故才子必 須佳人為匹。假使有了雕龍繡虎之纔,乃琴瑟乖和,不能覓一如花似玉、知音詠絮之婦,則才子之情不 見,而才子之名亦虛。是以相如三弄求凰之曲,元稹待月西廂之下。千古以來,但聞其風流蘊藉,嘖嘖 人口,未嘗以其情深兒女,置而不談。予今不及遠拾異聞,姑以耳目所及,演述成編,以為風月場中談 資一助。這段佳話在明朝天啟中,有一錢生者,諱蘭,字九畹,排行十一,原籍金陵人氏,其父中丞公, 歷宦浙西。因見姑蘇風物清妍,山水秀麗,遂買宅於胥門內大街。蘭生五歲,中丞公即已棄世。其母魏 夫人,有治家材,且嚴於規訓。蘭亦天性穎敏,至十歲便能屬文,通《離騷》,兼秦漢諸史。及年十七, 即以案首入伴。雖先達名流,見其詩文,莫不嘖嘖贊賞,翕然推伏。蘭亦自負,謂一第易於指掌。其居 金陵祖宅,諱叫一鶴者,蘭之嫡堂叔也,以恩蔭,現任山東郡守。   蘭門第既高,又聲名藉甚,況生得眉秀神清,皎如玉樹。雖衛玠、潘安無以逾也。因此英郡縉紳巨 族,咸欲得蘭為婿。央媒議姻的,門無虛日。魏夫人因以年齒漸長,擇其門楣相對者,將欲許光。蘭以 功名未就,力為阻止。嘗讀《嬌紅傳》,廢卷而嘆道:「不遇佳人,何名才子?我若不得一個敏慧閨秀。 纔色雙全的,誓願終身不娶!」家有數婢,曰紅葉,曰秋煙,曰桂子,曰繡琴,皆十六七歲的佳麗人也。 然蘭無一當意者。群婢中,惟秋煙尤覺艷麗,狡慧機警,能猜人意中事,蘭稍注念,往往因事雜人稠, 亦未及向海棠枝上試腥紅。所與交游,皆當世名流韻士。其同窗社友,最為相知莫逆,惟有崔子文、李 若虛兩個。每日會文,功課之暇,必與二人尋芳拾草,以飲酒賦詩為樂。   一日,值二月中旬,蘇人游虎丘者,摯榼攜壺,紛紛接踵。又聞梅花樓酒肆甚佳,錢生游興勃然, 遂致柬邀訂崔、李。至期,二子以事阻不果。錢生悵然道:「俗哉二君,何乃此塵務相絆,誤我游興。」 有一書僮,喚做紫蕭,在旁相勸道:「既崔、李二相公有事不來,趁此風月清美,相公何不自去隨喜? 這叫做『乘興而往,興盡則返』,何必見戴?」錢生點頭微笑道:「不意汝亦能解說佳話。」遂攜枕頭 錢,令紫蕭隨往。   到了虎丘,果見畫船鱗次,羅綺如雲。乃覓幽勝之處,徘徊片晌,始詣梅花樓,沽酒獨酌。只是樓 中飲侶滿座,皆酒後暄語,俗氣逼人。錢生不勝厭悶,持杯而起,倚窗遙望,見淡煙芳草之中,乃真娘 墓也。因朗吟白香山之詩云:     真娘墓,虎丘道。不識真娘鏡中面,惟見真娘墓頭草。霜摧桃李風折蓮,真娘死時猶少年。脂 膚荑手不牢固,世間尤物難留連。難留連,易銷歇。塞北花,江南雲。   吟詠至再,興猶未已,乃問店家索取筆硯,向那粉壁之上,題著七言古體一篇。   詩曰:     春風處處黃鳥啼,桃花李花爭芳菲。     花蔭笑語人不見,花外香塵暗拂衣。     虎丘山寺鐘聲曉,虎丘山路生芳草。     香車寶馬往來多,水色山光領略少。     我來邀勝破春愁,拂衣獨酌梅花樓。     樓中寂寞添幽緒,遙見真娘墓邊樹。     翠細羅衫化作塵,墓門留待詩人句。     鏡裏嬌容想昔時,只今煙嫋綠楊枝。     可憐不是巫山雨,惱亂襄王起艷思。   錢生題訖,自吟自笑,連飲數杯。俄而日已亭午,遂與紫蕭下樓。只見店主面紅耳漲,扯住了一個 穿白的人,正在那裏喧沸。在旁觀看的,紛紛說道:「這也特殺奇哉,真正是個無賴棍徒,白撞酒食。」 或笑或罵,或欲揮拳相向,或勸店家剝取衣服。觀那穿白的人,卻又面不改容,昂昂自若。錢生不解其 故,向前詰問。店主道:「這人素昧平生,日昨忽到小店沽飲,算銀三錢,毫厘不還。說道:『寓在專 諸巷內,待至明日來飲,一並還清。老拙萬分不肯,見他又不像個哄騙之徒,只得破格應允。到了今早, 果然又來。老拙道他是個信實君子,仍與酒饌,大飲大嚼,誰料身邊原無半文。念小店貸本營生,哪有 酒肉與人白吃之理。不由老漢不怒從心起,為此與他廝鬧。」錢生笑道:「事亦甚小,我看此友不是尋 常之輩,所欠若干,少頃與我酒錢一齊等還,不消發話。」店主慌忙致謝道:「既承相公應認,老拙再 有何言?」錢生一手攜了那人,重上樓來,施禮坐定,從容問道:「老丈眉宇軒軒,決非塵埃中人物, 何故欠少酒債,致受小人之侮?」那人答道:「不纔遨游湖海,聞說蘇杭乃是天下名郡,故不遠而來。 卻因盤桓日久,資斧空乏。近有故人,訂在虎丘相晤,故每日到此,無聊之際,沽飲三杯。叵耐店主不 能識人,輒爾嘵嘵。」又問其居址姓名,那人道:「我浪跡萍蹤,何有定處?雖復姓申屠,其實並無名 號,江湖上相知者,但呼為申屠丈耳。」錢生見其談吐如流,肅然起敬道:「適間獨飲,殊覺意致索寞, 不意邂逅間,忽逢老丈,使人佳興倍添。」於是呼酒對酌。申屠丈仰首一看,忽見壁上題詩,墨跡初乾, 擊節嘆賞道:「此必郎君佳作,藻思綺句,不減瘐鮑。」錢生含笑不言。已而夕陽在山,紫蕭促歸。申 屠丈即放杯起身,拱手作別。錢生牽袂懇留,必欲再飲。申屠丈道:「與君萍水相逢,謬承雅愛。但僕 高陽酒徒也,一吸五斗。如尊駕必欲入城,即此告辭。倘有僧舍可以借榻,願卜其夜。」錢生大笑道: 「老丈妙人也,方恨相見恨晚,即十□□飲,尚可淹留,何況一夕乎?」申屠丈亦掀髯大笑道:「君雖 書生,絕無一些酸腐氣,異日青雲事業,未可量也。」錢生便令紫蕭算還酒錢,並買佳餚數味,美酒一 樽,借一幽雅禪房,剪燈細酌。申屠丈高談闊論,娓娓不倦,直至二更,方纔就寢。   次日早起,住持長老知是錢公子,不敢怠慢,急忙整治晨餐。二人梳洗方畢,對坐閑話。見一小沙 彌走進,口中連說「怪事!怪事!」錢生呼問其故,沙彌道:「適纔打從梅花樓經過,聞說店主有銀二 十餘兩,臨臥時放在枕頭底下,今早起來,分毫不見。只有老夫婦在房,又門戶不開,竟不知從何處去 了,驚得店主目定口呆,沒做理會處,豈不是件怪事!」申屠丈見說,掩口而笑,錢生怪而問之。申屠 丈道:「吾惡此老索酒錢甚急,聊戲之耳。」便向沙彌道:「汝去對那店主說,不須煩惱,銀子只在床 側,右首小皮箱內。」錢生亦未相信,只見小沙彌去不多時,即便回來說:「銀子果在皮箱裏面,那店 老又驚又喜,還說要來謝罪。」錢生與住持始信是實,暗暗驚異。須臾飯畢,謝過眾僧,便與申屠丈作 別回家,申屠丈亦不致謝,但云:「敝寓在專諸巷,左首第三宅內,明日午前,望君獨枉玉踐,再獲一談 。」錢生惟惟而別。及抵家,值崔子文亦至。即告以游虎丘得遇申屠丈,及店家失銀一事。子文道:「此 乃方士弄術耳,何足為異?」錢生不以為然。次日,如期過訪,申屠丈早已倚門相候,延入客座,但聞 異香芬郁,沁入襟懷,其羅列器玩,無不珍奇。初不似客游窘乏者,未幾進茶,其茶葉碧綠細嫩,香若 蘭花。敘話多時,復邀入內室。只見陳設餚飲,皆是珍美味。青衣以琥珀杯斟酒,酒色殷紅,與杯相映。 錢生雖是宦家,其筵席之盛,亦不能及此。酒過數巡,申屠丈道:「賓主對酌,無以為歡,幸有女樂, 令歌以侑酒。」言未畢,只見屏後輕移蓮步,走出兩個美人來,俱年十七八歲,一衣紅綃,一衣紫綃, 雲鬢翠蛾,輕盈窈窕,真國色也。紅綃妓以金蓮杯斟酒,奉與錢生,揚袂而歌曰:     春風繞象床,春心滿洞房,憑誰寄語薄情郎。花既謝兮春晝長,早歸來兮匆徜徉。   紅綃妓歌竟,紫綃妓以碧玉卮斟酒相勸。手按象板,低低歌道:     懶換春衫晝掩扉,看花幾度淚沾衣。     別時羅帕空留篋,史看雕梁雙燕飛。   歌畢,申屠丈道:「音雖下裏,不及陽阿薤露之曲,然郎君工於染翰,愧無珠玉,以寵斯技。」錢 生不能推卻,乃口佔一絕云:     仙洞雙妹雲剪衣,能歌玉樹使人迷。     嬌音若在花邊落,應遣流鶯不敢啼。   申屠丈連聲贊賞道:「佳作!佳作!所愧二女子,歌匪金縷,有辱郎君,口吐夜珠。」乃令二妓復 以巨觥送酒。錢生以妓女立近身邊,羞澀不能即飲,紅綃妓乃高捧金卮,向著錢生嘴脣一灌而盡。申屠 丈亦搏髀高歌曰:     朝出去兮訪丹丘,暮歸來兮月滿樓。     煙波浩浩兮山萬里,家四海兮任遨游。   申屠丈歌畢,又問錢生道:「清歌寂寥,不足以為娛,和作舞劍之戲,郎君願觀之乎?」錢生道: 「願乞一觀。」只見申屠丈取出寶劍一口,擲在空中,其劍自能回旋飛舞。倏又化作二劍,一舞於左, 一舞於右,舞不多時,二劍又相湊而舞,作斗格之勢。須臾又變作六七劍,劍劍自舞。而有時往來間雜, 無限錯綜轉折之妙,但覺寒光閃閃,悲悲淒淒。既而舞畢,仍是一劍在空。紫綃妓徐徐以手接之。於時, 日轉西軒,暮霞零亂,錢生以不勝杯酌,堅欲告辭。申屠丈道:「歸路甚遠,亦不敢強留。只是區區天 下有心人也,他日郎君或有緩急,不妨謀諸我。」錢生道:「仰辱厚誼,敢不服膺。只是老丈留在敝郡, 可以不時奉候,萬一行旌別指,則山川間之,何以圖晤?」申屠丈道:「我明日便一帆遙指武陵,將渡 錢塘,或走山陰、會稽,或探龍湫雁蕩,果是行蹤未定。但郎君懷一欲見之意,自有會期。」錢生遂即 起身謝別。申屠丈送至中庭,復問道:「郎君年將弱冠,未審雀屏曾中否?」錢生搖首道:「尚未受室。」 申屠丈道:「以子纔貌雙全,簪纓華裔,豈患天佳配哉?然而姻緣前數,只在赤繩一係。吾聞玄妙觀新 來一梅山老人,能以神相知人過去未來之事,吾子何不竭誠投謁,以卜前程。則姻事功名,一言可以了 了。」錢生連聲應諾,直至門首,各道珍重而別。抵胥門已昏暮矣。   錢生少處書幃,未嘗親近美色,那一日,一見歌妓,不覺神魂飄蕩,幾不自持。明日會著崔子文、 李若虛,告以所見,遂偕往訪之,則已門房扃鎖。詢於鄰居,皆雲彼原僦居一月,今早已遷移他去矣。 三子遂悵然而返。   逾數日,生復邀崔、李同往玄妙觀,謁見梅山老人,那老人蒼姿白髮,骨格清奇,儼然四皓之侶。 錢生備陳求相之意,老人即便先看崔、李,口中嘖嘖道:「二足下神清相旺,甲科無疑。但目下文戰未 利,一交眼運,必然高捷。」以後相到錢生,老人吃驚道:「這位錢兄,自然也是甲科了,只是目下就 有一場災險,老夫意欲直陳,未知可否?」錢生道:「君子問災不問福,但請老丈直言,切勿隱諱。」 那老人不慌不忙說出幾句話來,管教:     未來休咎姻緣事,只在神奇一相中。   畢竟老人說出什麼話來?且聽下回分解。 第二回 秋煙婢兩度醉春風   詩曰:   別有柔枝惹斷腸,春風暗裹惜垂楊。   花陰略做鴛鴦偶,裙底深聞醬醋香。   躡足輕輕投繡帶,殘更悄悄赴西廂。   心驚只為愁獅吼,幾度叮嚀莫顯揚。   這一首詩,單道那偷婢的妙趣。常言道:「妻不如妾,妾不如婢。」這是為何?蓋因人家有了美貌 的侍兒,其妻妒悍的,則不敢偷,不妒的,亦不必偷。惟是妒不深而醋意復不淺,於是灶前廊下,潛竊 口脂之香。捧水傳茶,輕摸酥潤之乳。欲近而不敢近,欲拋而不能拋,暗丟眼色,巧覓私期,較之長夜 同眠,無人拘束的,更有情味。況且人家美婢,原不可少,假如有了一個美妻,又有幾個美婢跟隨,轉 助其美。就如牡丹,有了嬌花,必須綠葉,所以鄭康成家有掌箋奏的青衣,白樂天有「櫻桃樊素口,楊 柳小蠻腰」之詠。   閑話休提。   且說梅山老人先相了崔子文、李若虛,然後相至錢生,卻說道有些災難。錢生再四懇求直言,老人 道:「細看尊相,必然是少年登第。但氣色昏滯,主有非罪之災,幽閉囹圄。雖不久就釋,要滿七七之 期。此後更有客途一厄,雖不致損害,也有一場天大的虛驚。自此穩步雲梯,漸入佳境。然看足下今日 來意,不特問那功名,兼且為著內助。據觀尊相,應有三位賢美夫人。初求甚難,後亦甚易。尚當寬緩 歲月,直待高中之後,方得完姻。吾有八句俚言,子須牢記,他日自有應驗。」遂取小箋,提筆寫道:   青年科第,文章率然。   彼有淑女,遇珠則圓。   雨花菴裏,桃葉渡邊。   若逢四九,返爾林泉。   寫畢,付與錢生,連囑保重。錢生即令從者呈上謝儀。老人堅卻不受道:「且俟三君掛綠之後,然 後領賞。」三人致謝離觀。於路中,錢生問道:「二兄以梅山風鑒若何?」若虛道:「此亦相士套語耳, 何足憑信。」子文道,「九畹兄恂恂若處子,每日不離書館,安得有危厄之事?即此一言,足征其謬誕 矣。」錢生道:「只怕人事不常,難以預定。」正說間,忽遇著同社陸希雲,問其何往?希雲道:「敝 齋前海棠盛開,今日特屈二兄暫輟牙簽,詩以賞之。頃造九畹兄潭府,遇尊價紫蕭說,與崔、李二相公 同到玄妙觀去了,小弟因即步來相候。」崔子文道:「賞花賦詩,正吾黨勝事,但有費主人物料奈何?」 錢生道:「明日便是小弟治觴。」希雲道:「然則明後日又輪到崔、李二兄了。」說罷四人皆大笑,隨 即同詣陸子齋頭。看那海棠花,果然夭艷無比。子文道:「一睹此花,宛若西子在前,太真復出。」錢 生笑道:「不意范大夫載去之後,李三郎楊浴之餘,復受仁兄清盼。」希雲道:「海棠雖好,尤賴三君 名士賞鑒。」若虛道:「有此名花,就該有賢主人了。」調笑未畢,酒餚已備,即設席於花下,四人傳 杯換盞,極盡歡噱。   希雲道:「清飲不足以展懷,乞崔兄行一口令。」子文道:「我要海棠詩一句,中有一個花字。」 即舉杯飲盡,念詩一句云:「只恐夜深花睡去。」若虛道:「要罰三大杯。」子文不服道:「弟乃令官, 豈有受罰之理?」若虛道:「遇知己,賞名花,可無佳吟,乃效村學究所常道者,豈不該罰?」崔子文 大笑,乃把杯連飲三爵,既而分韻賦詩。   酒至半酣,希雲道:「青樓中,近有一仙人謫下,三兄亦曾相聞麼?」三子道:「不知也。乞兄為 弟輩言之,其色藝何如?」希雲道:「那個妓女,年方破瓜,其容色姣媚,固已遠出尋常,加以詩畫棋 琴,無不妙絕。雖門前之流水接軫,而矜色自高,罕有得其回眸一笑。我輩雖是酸措大,豈有名花在前, 不為品題,以作片時之樂?」若虛道:「兄言及此,使弟情興勃勃,便當訂期一訪,但不可與九畹偕行。」 錢生道:「豈以弟非韻士,故獨見卻之深耶?」若虛道:「弟輩鬚髯如戟,若與玉山相並,不無形穢, 恐洞中仙子,獨垂盼於錢郎耳。」子文道:「少年老成,莫如九畹,弟在十四五歲,即已情欲難遏。」 希雲道:「錢兄家故多姬侍,安知無妖嬈兒,偷近郎側,想那花陰月底,牡丹芽已撥動久矣。」錢生舉 杯道:「今後有不談席間事,而涉於他事者,罰以巨觥。」時已日暮,移席齋中,後猜枚擲色,酩酊而散。   將已更餘矣,老夫人因冒風寒,早已睡熟。候生歸者,在外惟有老僕錢貞,書僮紫蕭,在內惟秋煙 諸婢。錢生進入臥房,未及呼茶,秋煙即以橄欖湯雙手遞至。蓋群婢中,惟秋煙善察人意,姿態尤媚。 若繡琴,則如牡丹初放,非不妖艷,而肉質頗肥。若桂子,宛如秋水泠泠,素梅迎雪,而清瘦可憐。至 於紅葉,亦復身材嫋娜,秀髮修眉,所少者惟軀膚不白,其餘若櫻桃、彩霞則色之最下,不堪入目矣。 是夜,生已半酣,因在席上,被崔李二君百般諧語,引得春心難遏。及歸臥室,值秋煙捧進茶來,見其 雙臉膩霞,手腕如玉,轉覺欲火如焚,不能按納。乃令群婢皆寢,獨謂秋煙道:「我今夜醉甚,不能即 睡,爾姑留此以伴我。」秋煙道:「往夜官人醉即熟寢,獨今夜不能即睡,何也?」錢生注目熟視,笑 而答之道:「往時之醉,醉於酒。今夕之醉,醉於汝。」秋煙道:「語言顛倒,官人真醉矣。」錢生又 問道:「春色惱人,欲眠不穩,信有之乎?」秋煙道:「在官人則有之,若奴婢無思無慮,惟恐玉漏相 催,何不穩之有?」錢生道:「汝謂睡不能穩,亦有說乎?」秋煙道:「鴛鴦衾裏,尚少一粉掐就、玉 琢成的小姐,免不得倒枕槌床,豈能眠穩?」錢生道:「今夜權以汝作小姐,何如?」秋煙低鬟微笑, 以手弄其裙帶。錢生即忙向前摟抱,秋煙半推半就,低低說道:「只恐柔枝不勝風雨。」錢生乃去其褻 衣,撫摩之際,惟覺嫩蕊初枝,滑潤如綿,於是銀扣松開,奶胸全露,繡鞋高臥,纖指按腰,那管桃浪 之翻殘,一任靈犀之歡合。兩意綢繆,不待言矣。   錢生與秋煙之調戲也,群婢皆寢,獨繡琴假寐而不卸衣。蓋桂子、紅葉,俱年十五,情竇尚淺,惟 繡琴最長,而芳心已盛。往常愛生俊雅風流,實有仰上之意。是夜見生獨留秋煙在房,不能無疑,乃悄 悄潛立於紗窗之外,以覘其動靜。及其陽臺既赴也,遂於窗縫窺之。只見生之下體,潔白如雪,初合之 時,若艱澀而不能即進者。但聞秋煙口中作呻吟之聲,徐徐問道:「縱容些?」錢生應道:「且耐片刻 。」有頃,只見柳腰輕擺,玉筋頻抽,又聞生問秋煙道:「汝樂否?」秋煙搖首而不言。錢生道:「我 但覺津津有味。」既而殘燈半明,不能備張,但聞帳鉤搖響,笑聲吟吟而已,斯時繡琴已是十分情動, 雖津唾屢咽,而裙褲之內,薔薇玉露,浸溢於旁。只得和衣而睡,亦不能窺其雲雨之畢矣。將至雞鳴, 秋煙與生重訂來夜之期,潛歸寢榻。   至曉,錢生約那崔李共設席於陸宅,以答敬希雲,兼不負海棠之盛。方早膳畢,錢貞報說鄭相公來 望,錢生急忙整衣出迎,敘話良久。鄭秀才道:「近日有一名妓來自維楊,年方二八,姿容技藝,件件 皆精,所居就在胥門外,倘賢弟得暇,何不同去一訪。」錢生因為有酒,約以異日。鄭秀才又道:「凡 人讀書,雖不可不用功,亦不宜拘拘然如道學腐儒,終日正襟危坐,當此暮春如煦,便是聖門的曾點, 也有『浴乎沂,風乎舞雩之興。況在我輩,或衍衍,或琳宮,不妨偷閑隨喜,惟在心有准繩,便不棄失 正事。且以賢弟這樣敏慧絕倫,亦不必埋頭苦心。豈可以青年而便形如木偶。」錢生道:「先生所諭極 是。」須臾換茶,鄭即起身別去。   原來這鄭秀才,就是錢生的業師,諱叫文錦,字曰心如,雖有時名,為人奸詭異常,見利忘義,專 要誘人鬥賭,卻在內中取利,乃儒而小人者也。錢生自鄭業師去後,因崔子文遣價頻催,亦即赴酌。是 晚,句聯五字之奇,饌罄八珍之美,知己暢懷,亦不必細話。且說秋煙姐,往常不情不緒,或停針凝想, 或對月攢眉,雖是年及破瓜,亦為賦情特甚。自為錢生御後,不覺姿容愈媚,笑靨時開。惟有繡琴心懷 不足,乘間詰之道:「往常妹妹眉頭鎖翠,愁思居多,今日為何說也有,笑也有?」秋煙道:「憂樂乃 人之常情,彼此異時,姐姐何消詰問?」繡琴道:「我前日聞官人在書房中讀書,口中頻誦兩句,道是 :『有女懷春,吉士誘之。』我不解書義,問於官人,官人便解說道:『有女者,是有個女子,懷春者, 是思想丈夫,吉士,是文雅的郎君,誘之,是哄誘女子做那件勾當。』我只道是官人戲言,由今看來, 信不差也。」秋煙道:「想是姐姐芳心已動,故曉得不差,若妹子年雖十七,並不知道懷什麼春。」繡 琴道:「妹妹是個無思無慮、惟恐玉漏相催的,與我心動者原不相同。」秋煙知其諷刺有因,頓覺雙頰 暈紅,面有慚色。繡琴道:「我和你自小進門,情厚如嫡親姊妹,誰料昨夜之事,便要瞞我。哪曉得其 間詳細,我已悉知了。」秋煙道:「豈敢瞞著姐姐,這樣事我並無心,只為官人逼勒,沒奈何,逆來順 受。」繡琴道:「妹妹是有福之人,所以主人見愛,但不知此事果有趣否?」秋煙低了頭,含笑不答。 繡琴道:「只我兩人在此,又無別個,說亦何妨。」秋煙道:「起初時,內中疼痛緊澀,甚是難禁,以 後便略略有些趣兒。」繡琴道:「這樣一個風風流流、脣紅面白的俊俏郎君,不知是那一個有福的小姐 受享,卻被你先嘗了甜頭,只覺太便宜了些。」秋煙道:「既是姐姐十分羨愛,我今夜做個撮合山,也 成就了你的好事,何如?」繡琴斜覷了秋煙一眼,嘻嘻的笑道:「我逗你耍,你便要拖人下水,只怕你 也難難捨。」兩個調謔正濃,忽聞老夫人呼喚,遂各散去。   且說當晚,錢生赴席,因有秋煙在心,便以魏夫人染恙為辭,黃昏時候,先別而歸。卻值老夫人病 體稍痊,尚未安寢,只得進房問候。夫人道:「汝終日看花覓友,飲酒賦詩,卻不可荒廢了正業。」錢 生道:「兒亦懶於應酬,奈何同社相邀,難以固卻。」夫人道:「既做了一個文士,那詩詞歌賦,原不 可不曉,但聞先賢未第之時,未嘗不以舉業潛心,孜孜矻矻,俾夜作晝,直待成名之後,方可尋章覓句, 聊以養性陶情。今汝棄本務末,玩時貪心,措心於無用之地,不惟負爾母之訓,而何以慰先人於地下乎?」 錢生道:「仰聆懿誨,敢不書紳,自今兒即杜門卻客矣。」言畢,急欲抽身辭出。老夫人偏又留住,將 那家務細談,直到更闌,方得告歸寢室。   連聲喚茶,秋煙心雖要往,惟恐繡琴嘲笑,反推櫻桃捧進。錢生道:「誰要你遞茶,老夫人正要安 置,汝等自去侍候,只與我喚那秋煙來。」櫻桃便連聲叫喚,秋煙故意慢慢的不動身。繡琴戲道:「秋 煙姐,不要誤了良時,正所謂佳刻已到也,雙雙請上床。」秋煙道:「姊豈無心,何獨見謔?」須臾又 聞催喚,方走進房,只見生已盥手浴腳,便要秋煙上床同睡。秋煙推拒不肯。錢生乃雙手摟定道:「汝 豈怪我耶?」秋煙道:「官人以千金之軀,即仕宦求婚,猶遴擇而不屑輕許,今乃愛一賤婢。奴所慮者, 惟恐屬垣有耳,使風聲漏洩於老夫人知道,那時秋煙亦甘心受責,其如有玷於官人。」錢生道:「我既 作主,誰敢多言。即使老夫人他日知之,自有我在,決不致加罪於汝。當此千金一刻,你不要假惺惺, 把那良時虛過。」遂即滅銀燈,下繡幌,解帶卸衣,共枕而睡。當晚雲雨之情,雖鴛鴦之在蘭苕,翡翠 之在雲路,不足以喻其歡娛也。錢生屢屢笑問何如?秋煙嬌聲婉轉,態有餘妍,仍恐有人竊聽,但點首 而已。   且不說羅帳歡情,再表繡琴姐,無限春心,勉強展衾而臥,朦朧之間,忽遇生來,連呼道:「秋煙 !秋煙!我特來尋你。」遂抱住求歡。繡琴亦將錯就錯,不與分辨。剛赴陽臺,又值老夫人走到,遽然 而寤,乃是南柯一夢。惟見幾上殘燈半明半滅,窗上月光射進,照見床頭孤衾寂寂,不覺長吁了數聲。 正是:   冰簟斂床夢不成,碧天如水夜雲輕。   雁聲遠過瀟湘去,十二樓中月自明。   自此錢生每與秋煙乘間邀歡,亦不必細述。只因魏夫人規責,果然繭足書窗,那有朋儕探望,亦託 言他出。忽一日,陸希雲遣使致書,錢貞知是社友,特為遞進。生接書拆開,看云:   昨日花間良晤,足快千古,惜乎文旆速返,使花神寂寂,未免笑錢郎情薄也。遊雲青樓麗人,弟雖 偶逢半面,然非佳公子,不足以邀其傾城一笑。特於翌午!煮茗焚香,以迓從者,牽伊綺袖,請聞子夜 新歌。醉子霞杯,求吐青蓮妙句,恐誤芳辰,八行相訂,屆期顒俟,莫滯高軒。   錢生看畢,知道書中之意,就是前日席上所談的妓女,但不知那鄭心如所說的,可是他否?即忙寫 書回答:「料因知己相招,不能推卻。」要知生訪那妓女,果是如何?且待下回,便見分曉。 第三回 訪青樓誓締鴛鴦   詩曰:   天津橋下陽春水,天津橋上繁華子。   馬聲回合青雲外,人影搖動綠波裏。   綠波清迥玉為砂,青雲離披錦作霞。   可憐楊柳傷心樹,可憐桃李斷腸花。   此日遨游邀美女,此時歌舞宿娼家。   娼家美女郁金香,飛去飛來公子觴。   的的朱簾白日映,娥娥玉顏紅粉妝。   花際徘徊雙蛺蝶,池邊顧步兩鴛鴦。   傾國傾城漢武帝,為雲為雨楚襄王。   古來容光人所羨,況復今日遙相見。   願作輕羅著細腰,願為明鏡分嬌面。   與君相向轉相親,與君雙栖共一身。   願作貞松千歲古,誰論芳槿一朝新。   百年同謝西山日,千秋萬古兆邙塵。    ───右《公子行》   話說陸希雲置酒妓館,適邀同盟諸子,故特致柬訂期,錢生即寫回書,付與來人去訖。畢竟是少年 心性,見說是個絕色佳人,便不覺手舞足蹈,巴不得即時會面。到了次日,清早起來,假託文會之期, 先向夫人道:「昨承陸希雲遣人相報,今日同社諸子,訂在虎丘會文,晚間公分備酒,即於山房借榻, 故特向母親說知。」魏夫人信以為然,略不阻卻。到得飯後,陸希雲又遣價立等。只見錢生換了一套新 鮮衣服,頭戴唐巾,足穿朱履,飄飄然好一個少年英俊,不類何郎閑雅,勝如張緒風流。隨即叫了紫蕭 跟去。正是:   未為折桂客,先作探花郎。   卻說那妓女,原不是倚門獻笑、涂脂抹粉的一流,姓趙,名素馨,字曰友梅,鴇母叫做趙月兒,原 是廣陵角妓,因犯了一件沒頭官事,所以攜家徙避蘇州。這趙友梅年方二八,巧慧絕倫,言不盡嫋娜娉 婷,真乃是天姿國色。既嫻琴畫,又善詩詞,時人往往以薛濤相比。然在平康中較論,則友梅固是濤之 流亞。若友梅心厭綺羅,性甘淡泊,譬如蓮花,雖出於淤泥而塵埃不染,則又非薛濤之所能及也。自到 姑蘇未及二月,只見車馬紛繵,其門如市,然都是膏粱俗質,紈褲庸姿。每每嘆道:「向聞姑蘇名郡, 有多少纔人賢士,乃今所見,不及所聞,豈以妾之命薄,故不能一遇歟?何為有纔有貌、高情脫俗者竟 寥寥也?」蓋其心惟欲覓一意中人,以終身相託。   不料事有湊巧,恰值陸希雲作東以延社友,當日希雲先至其家,友梅道:「今日陸兄廣陳珍饈,所 延的想必是知心契友,但不知佳客為誰?」希雲即以崔李二子對。友梅道:「僅此二客已乎?」希雲曰 :「更有一佳士,乃我同窗盟友,纔如班、賈,貌似潘、韓,甚不欲令友梅得見,然業已邀之矣。俟其 來,當令子魂醉耳。」友梅掩口而笑道:「是何等兒郎,即能令子魂醉那?第不知貴社中,有個錢十一 郎否?」希雲道:「卿何此之問?」友梅道:「數日前,有錢君的業師鄭心如者,偶在席間道及當今時 髦年少風流,惟有錢中丞之子。妾因而問其名字,並索其平日所作詩稿,蒙鄭君錄以見示。日來妾細味 其詩,藻艷可擬梁隋,高曠不減李杜,觀其詩,足以相見其人,故爾問及。」希雲道:「我所云佳士者, 即十一郎也,不料卿亦如此羨想。然則今日之酒,竟為友梅而設。」友梅聞言,不覺嫣然一笑,喜形於 面。遂重臨鸞鏡,梳刷雲鬟。上身換了一領藕色花藕紗衫,內襯著大紅繡襖,下著一條鴛繡羅裙,裙底 下露出那窄窄的一雲兒紅繡鞋。真個是天生麗質、絕世蛾眉,又立時焚了一爐好香,將泉水烹茶以俟。 未幾,只見紫蕭進來報說:「相公已到了。」希雲即與友梅下階迎接。進入客座,生向希雲謝道:「前 饗貴廚,令人齒頰皆香。日昨復承華翰相招,感渥至矣,愧無一臠為荅。」希雲笑道:「今日一觴,聊 當胡麻飯,引入劉郎,以會仙子。」便指錢生,向著友梅道:「此即卿所想念錢十一郎也。前日因詩而 想人,今日見其人,又當想其詩矣。」友梅秋波一轉,以袖掩口而笑。錢生道:「初次幸逢,尚未曾詢 及芳卿姓字,又何從得見鄙人拙句?」友梅微啟朱脣,低低答道:「乃尊師鄭心如錄以見示。」言畢, 即以陽羨茶,斟滿一盞,雙手奉與錢生,而雙目注視面上。錢生反覺羞恧,不能正看,惟時時偷眼而覷。 兩人在座,恍若玉樹瓊枝,光彩相映。少頃,延入側邊一室,只見明窗淨幾,瀟灑絕塵,中間掛唐六如 美人圖一幅,幾上放金錢草一盆,博山內焚沉水之香,畫屏前置菱花之鏡,錦瑟在床,玉蕭掛壁,以至 文房器具,靡不珍美。看玩未周,友梅即以素縑索詩,錢生不加思索,援筆即書。詩曰:   鴛繡綃裙八幅裁,香風飄起盡簾開。   趙家真個逢飛燕,疑是昭陽殿裏來。   友梅道:「君詩纔敏捷如此,真名下無虛士也。只是蒲柳陋姿,忒覺揄揚太盛。」希雲亦贊賞不已。 錢生乃與友梅手談,局完,友梅輸了二子。直至日中,崔子文、李若虛方到,希雲先出迎迓。子文道: 「九畹兄曾來否?」希雲未及答,錢生自側邊趨出道:「恭候久矣!」友梅亦即出來。相見畢,希雲道: 「二君為何來遲?」若虛道:「偶與子文有一賤事,因此仁兄雅命難方,兼以趙卿芳姿未睹,是以撥冗 而來。」子文道:「自與九畹花間一晤,悠焉半月,心之耿耿,一日三秋。」若虛道:「兩次造謁,閽 者皆以他往為辭。弟因書鳳於門,子亦見否?」錢生亦戲道:「若佳客至,弟即倒屣,如李若虛,正當 閉門不納耳。」子文熟視友梅道:「久仰芳容,果然名不虛傳。」友梅道:「到蘇雖久,不意吳中之美 獨有崔君。」   正閑敘間,侍兒芳英以松蘿茶捧至。錢生正值口渴,一吸而干,友梅即以手中茶分半盞與生。若虛 笑道:「古詩有云:『玉樓曾記聞香處,分得佳人半盞茶。』今目睹之矣。」友梅道:「文因病渴,玉 川七碗,水厄之多,文士皆然。」言未既,一人掀簾鼓掌而入,視之,乃清士中善吹蕭的賈文華也。希 雲道:「老賈一來,不患寂寞矣。」文華坐未定,即談笑風生,引得滿座捧腹。時已過午,餚果俱齊, 於是幾筵肆設,行令擲色,酒政肅然。已而令至賈文華,文華道:「今日相知在座,勝友如雲,何敢以 俗令相混,貽諸君之一笑哉?僕吹蕭人也,只索趙娘唱一套新時妙曲,請以薄技相助。」希雲道:「文 華之言雖善,然必須行過一令,方敢請教妙音。」此日友梅因九畹在席,加以崔李數子,俱是風流人物, 遂不推辭,唱出時曲《春閨怨》一套。賈文華便嗚嗚的吹蕭相和。那友梅唱道:   〔步步嬌〕門掩梨花,燕子重來了,鸞鏡空留匣,春山久不描。羅袂生寒,曉風清峭,怨別已魂銷。 恨啼鶯,偏向紗窗鬧。   〔五供卷〕鱗稀雁少,欲寄回文,水遠山遙。淒爾琴瑟韻,拆散風鸞交。想你凌雲雖賦,怎便得錦 衣榮耀。只恐怕憔悴潘安鬢,空題司馬橋。潦倒風塵,悶縈懷抱。   〔江兒水〕你那裏得失渾難測,我這裏深閨閉寂寥。全不記別時頻囑歸須早,到如今幾載無消耗。 鳳城何處長安道,遍把欄杆倚靠。目斷天涯,只見萋萋芳草。   〔川撥棹〕從春到,萬千愁,只自曉。最難禁永晝消宵,最牽懷柳嫩花嬌。撇瑤琴,爐香懶燒。只 落得濕羅衫珠淚拋,濕羅衫珠淚拋。   〔錦衣香〕靜幽幽簾攏悄,急剪剪風纏繞。這幾時裙帶頻松,只為腰圍瘦小。玉容拚得為君憔,還 愁薄倖別戀紅綃。向歌樓舞館,只把那金釵買歡笑。因此怎歸期,野花雖好,也須念操持井臼,怎便把 糟糠撇掉。   〔漿水令〕一聲聲花邊啼鳥,一絲絲煙拖柳梢。雙雙蛺蝶自相邀,可憐春色,虛度昏朝。空悒快, 歸信杳,那知辜負人年少。白頭詠,白頭詠,朱弦斷了。悔當日,悔當日,不阻征軺。   〔尾聲〕紅顏薄命,休把春風惱。要相會,除非夢裏招,直待歸鞍怨始消。   友梅唱得詞句既清,音律又正,每一字幾盡一刻,其聲之杳渺淒婉,真能繞梁而遏行雲。及唱畢, 聲音嫋嫋,猶不絕如縷,合座聞之,無不莞然頤解,而贊其妙。若虛道:「曲亦備盡閨中怨念之懷,即 唐詩所謂『忽見陌頭楊柳色,悔教夫婿覓封侯』之意。」子文道:「填詞雅麗,非俗筆所能,殆納山、 怕虎之流歟?」友梅道:「非也,此乃金陵范公闇然所作。」錢生道:「范公乃敝年伯,今方蒞任開封, 雖嫻於詞曲,芳卿何自而得之?」友梅道:「范公與斐司馬有隙,被司馬劾以政苛於虎,不協輿情,去 秋即已解綬而歸。嘗過維揚,授妾以新曲十套,此乃十套之一也。」   錢生憮然道:「范公為人正直清廉,到官只此琴鶴相隨,頗有政績,奈何中以苛猛,公論竟安在哉 ?」子文道:「闇老猶可,若近日,周老師蓼洲被逮,更覺駭聞。」希雲見二子談起朝政,遂以巨觴罰 酒。錢生舉杯飲盡道:「仁兄見罰,敬如命矣。但聞友梅頗多佳制,願再飲一卮,以乞妙音。」賈文華 道:「錢相公之言,最為有理,趙娘幸弗以珠玉而有吝色。」友梅道:「妾於早春偶制得《黃鶯兒》一 闋,倘不見哂,願歌以佐觴。眾道:「洗耳!」友梅乃唱道:    〔黃鶯兒〕草未入簾青,嫁東風碧草新,一分春色三分恨。羅衣淚湮,蛾眉翠、顰幽心,只許梅 花問,欲銷魂。蕭蕭疏竹,窗外已黃昏。   友梅唱畢,一座莫不稱佳。錢生道:「詞意蘊藉,字字清新,真所謂咳唾隨風,無非珠玉。」時近 黃昏,崔、李為著路遠,起身先別。希雲挽留不住,送至門首。崔子文附耳而謂希雲道:「九畹兄年少 風流,此煙花地,勿宜留之久坐,以或其情,倘暮夜不能入城,兄當留歸一宿。」希雲道:「遵教極是。」 遂一拱而別。錢生與友梅雖亦送出,然因並肩私語,及門而止。賈文華是個伶俐的人,即遠遠立在一邊, 但聞友梅道:「今夕之會,信非偶然。雖曰牆花,願言栖鳳。」錢生點頭惟惟,及見希雲進來,遂各就 坐。此時賓主只剩四人,無非談鋒相接,酒兵對壘。   飲至更餘,希雲已是醺醺沉醉,甚欲與生同歸。然看錢生意不在酒,而有戀戀之色,但誦詩云:「今 夕何夕,見此粲者。」又見友梅屢屢以目送生,眷顧甚濃,亦哦詩以答生道:「青青子衿,悠悠我心。」 賈文華已會二人之意,乃謂希雲道:「今夕才子佳人,恰當為匹,想陸相公必然回宅,小子亦即告辭, 容俟明晨,再當會面。」希雲不得已,遂與文華向生作別。   錢生欣然獨留,即令撤席,又命紫蕭寢於外室,攜了友梅的手,同入臥房。但聞蘭麝之香,襲於衣 襟,至其床慢衾裯,俱是錦緞。生乃除去巾幘,卸下外衣,抱友梅置於膝上、越看其容,越覺美艷。撫 其胸腹,柔滑如脂,肌膚潔白,瑩然如玉,不覺神情搖搖,恍若游瓊臺而睹仙子。於是解含羞之扣,吹 帶笑之燈,以至雲鬢橫飛,星眸慵展,款款接脣,而玉婉輕挽﹔匆匆失笑,而香汗如珠,兩情浹合,非 寸穎所能摹寫也。既而夜分,錢生摟著友梅,問道:「觀子語言態度,頗有良家風範,胡為失身平康? 抑趙媼親生者耶?」友梅泣道:「奴本良家子,姓宋,名喚雲兒,父為仇家所陷,斃於獄中,母氏驚憂, 亦相繼而殞。妾時始年十歲,被惡叔騙賣,以致墮落火坑,含污忍垢,迄今六載矣。妾每蓄從良之念, 奈未獲其人,即使裙布荊釵,心之所願。若夫迎新送故,以歌舞取憐,則雖衣羅紈、味珍羞,非妾之素 懷也。」言訖,淚如雨下,繡衾盡濕。錢生再三撫慰。友梅道:「妾觀郎君,不特豐容秀韶,抑且纔情 兼備,真妾向來所夢寐者。非不諒煙花賤質,不足以配君子,然願得為小星,承侍巾櫛。朝來一見,便 懷此意,因陸君等在座,未敢唐突。頃蒙問及,輒敢剖臆披衷。又未卜郎君雅旨以為何如?」錢生道: 「辱卿厚愛,豈不知感,即以子為正室,予所願也。其如卿是籠中之翼,我則堂有慈親,恐事多間阻, 則如之何?」友梅道:「此亦不足為慮,惟在君子一言許可,使妾無主風花,忽因春而有主,則雖仍鎖 籠中,而此心有屬,便不如飄飄柳絮,浪逐東西耳。郎君奉命萱堂,而依依膝下,再謀婉轉其垂慈,妾 雖耳康被陷,而世不乏昆侖,不妨留心細訪,豈在一時?」錢生道:「卿既欲作遠圖,予當熟思長策, 若卿願嫁,我願娶,諒有同心不待言矣。」友梅聽了大喜道:「蒙君訂盟,則妾此身已為君之身。若遭 坎坷,不得相從,情甘一死以報君,決不改移。」二人說得情親,百般偎倚。這一夜真是歡娛恨短,說 不盡枕上深衷。正是:   只睹蛾眉已可憐,又加情態苦纏綿。   縱教鐵石難張主,何況郎君正少年。   錢生與友梅溫存了一夜,到次日起來,猶依依不舍。錢生恐母親查訪,只得硬著心腸別了回家。纔 到家,李若虛恐他留連妓館,就來訪問。錢生接著,遂將友梅待他情意甚厚,並說再三立誓要嫁他一事, 因求計於若虛。若虛艴然道:「兄乃閥閱門楣,豈患無名族閨秀?況春秋正富,急須努力芸窗,以取青 雲事業,何得留意狎邪,而墮其邁往之志哉?且吾聞剪髮誓盟,乃娼家哄人之局套,子亦何愚,而墮其 術中耶?時在盟契,輒敢諤諤正言,吾見其熟思之。」錢生默然不應,李若虛亦即起身別去。   正在悶悶不悅,忽見錢貞傳進一緘,接來視之,乃友梅所寄之書也,因即悄悄拆觀,其書曰:   妾薄命,早失怙恃,以致變生骨肉,誤陷風塵。蓮性徒芳,素絲已染。雖紫塞之泣胡笳,猶不足以 喻其玷辱。是以進前勸酒,何夕非悲。月下徵歌,有聲皆恨。哀箜篌春夜,掩紈扇於秋風。於茲六載矣。 所悵者,無價之寶易來,而有心之郎難獲。歲月空淹,鉛華欲退。雖質等山雞,曷敢栖栖以覓鳳?然身 非柳絮,烏能汛汛以隨風?   日者仙馭惠臨,洵乃天作之合,願倖陪歡於杯酒,夢枕於陽臺。後承佳公子錫之盟言,訂以姻好, 使章臺之柳,足保長條﹔而合浦之珠,不愁群採。妄之鄙願,足矣,畢矣!   但楚煙猶虛,洛川仍迥。我心匪石,決不琵琶之別抱。話言在耳,尚祈皦日之無違。惟是數日以來, 便覺相思填臆,心搖而若失,意怏怏以如痴,願安得即睹耿光,以慰其離緒乎?數行如晤,聊奏微忱, 一絕附呈,統希清照:   無限傷心豈為春,玉容消瘦只因君。   才郎不信相思苦,請驗裙腰透幾分。   錢生覽畢,即喚來人,密語之道:「本欲即寫回書,因為心緒不寧,且待明日,自令小價持奉,煩 為我轉致趙娘,不必憂慮,只在早晚,當圖面會。外酒銀三錢,聊代一飯。」來人不勝歡喜,再三致謝 而去。錢生再將來書,仔細看玩。只見紫蕭進來報說:「鄭相公在外。」急忙趨迎,鄭心如已踱到廳上 ,遂請入書房坐定。那鄭心如滿面堆笑,即問道:「賢弟近來功課如何?今日可能少暇否?」錢生不待 話完,即將到趙友梅家飲酒停宿,細細的述了一番。又將寄來的書,雙手遞與心如。心如接來,從頭至 尾,朗誦了一遍,便滿口贊賞道:「妙甚!妙甚!我前日原對賢弟說,此女纔色雙全,今看了這一封書, 他的才情,也不在蘇小、關盼之下。自古道『千金買一笑』,又道是『不惜傾人城,佳人難再得』。今 賢弟所不足者,非財也,何不再去盤桓幾時,然後慢慢的見機而動,謀為側室?」錢生道:「不肖正有 此意,惟恐老母罪責,是以躊躕未決。」心如道:「賢弟枉叫聰明,這樣小事,便不能籌畫。若以鄙意 揆之,易如反掌。」錢生欣然問道:「先生計將安出?」鄭心如便如此如此,說出幾句話來。有分教, 歡喜場中,幾惹出滅身之禍。要知其詳,且待下回分解。 第四回 陷羅網同窗急難   詩曰:   世風雖日下,友道未全非。   會社須同志,談文自合機。   性情蘭共馥,肝膽雪交飛。   試看扶危處,誰言管鮑稀。   卻說錢生心戀友梅,問計於鄭心如。心如道:「子所慮者,惟在老夫人拘管太嚴。然而內外各別, 易為掩蔽。只說以虎丘肄業為名,請於尊堂,倘或不允,子又說之道:『在家讀書,不如到虎丘去,其 便有三:在家不無閑事纏擾,到彼山房閑寂,則性靜心專,其便一﹔在家賓客往來,難以峻拒,到彼則 離城路遠,不致俗家相擾,其便二﹔在家孤陋寡聞,學問安有進益?若到彼則與同社商論經史,彼此磨 礪,其便三。』如此委曲細陳,則尊堂必然首肯,然後覓一心腹之僕,叫他隨去。」鄭心如說到此處, 便呵呵大笑道:「那時節悉憑賢弟眠花臥柳,累月經時,又何患老夫人之罪責哉?」錢生道:「先生之 言良是,但恐社友來訪,說出不在虎丘,又怎麼處?」心如道:「此亦甚易,君家管門錢老,做人小心 可託。賢弟只須以心曲告之,令他善言回復,便不致漏洩了。」錢生聽說,不覺滿心歡喜,遂留了酒飯, 心如自作別而去。   到了明日,悄然備下花紗二匹,玉簪一枝,金扇二把,並取金箋一方,寫書以答友梅。書道:     記得前夜與卿相會,恍若臨月窟而覯嫦娥,笑語生芬,鬢鬟流艷,使人塵心頓祛,而不覺沾沾 色喜。想卿乃是閬苑仙姝,自合仙郎作匹,何獨眷眷於儂,即以終身許委。卿真有情哉。惜乎!鄙人未 獲金屋貯卿耳!歸來蘭麝之香,猶滿於衣袂。念及燈下嬌波,帳中巧笑,每夜夢魂栩栩,又未嘗不繞卿 床褥也。日昨捧接瑤箋,兼獲佳什,真字挾飛霞,句含芳芷,展玩未終,鵲腦愈深矣。想在望前,即圖 面晤,以罄種種。惟卿加餐自愛,弗致花容憔悴為悻爾。外具色綃二端,玉簪一枝,畫扇二柄,物雖輕 渺,而意實殷殷,惟卿一笑而留。佩愛不淺。並踵韻奉答,以伸鄙私:     見說傷心不為春,因儂憔悴更憐君。     孰知寂寞書窗下,我已相思有十分。   錢生寫訖,即時緘封,暗著紫蕭送去。隨即向魏夫人說知,要到虎丘讀書,委曲備言社友相拉的緣 故,魏夫人果然依允。只有秋煙姐聞知,心中怏怏,又不敢阻卻。錢生又對管門的錢貞說明心事,囑他 善於回覆,並要瞞著夫人。那錢貞只要奉承主人歡喜,又有何不肯。過了兩日,錢生便令紫蕭收拾書箱 行李,並喚錢貞之子錢吉跟隨,又令紫蕭約會了鄭業師。話休繁絮。   且說那鄭心如曉得事已妥當,一日走到趙家,向趙月兒備說錢公子家私巨萬,況年少不諳世事,可 以哄騙,「汝等只管設計需索,我在中間吹噓,倘哄得銀兩,十分之中,我要三分。」趙月兒聽說,不 勝歡喜,連聲應諾。這正是小人局套,不必細談。且說趙友梅自接了錢生的回書便懸懸相望。一日曉妝 初畢,只聽得窗外鵲聲喳噪,友梅暗暗祝道:「喜鵲喜鵲,倘我與錢郎果有姻緣之分,你便連叫三聲。」 那鵲兒果然不多不少,叫了三聲,即便飛去。友梅心中,十分欣悅,正要換一件玄色羅衫,忽聞侍兒報 說:「錢相公來了!」友梅慌忙出迎。相見方畢,恰值鄭心如亦到,心如料想,二人要說句衷腸話,便 捧了一杯茶,自到庭中,看玩金魚。生與友梅,果然卿卿噥噥,把那衷曲細談。時已午後,趙鴇速忙整 治酒餚款待。鄭心如西向而坐,生與友梅,並肩東向而坐。趙月兒打橫相陪。四人笑語諧謔,直飲至更 闌,方纔席散。是夜旬有三日也,月色溶溶,幽輝半床,二人解衣就榻,行雲雨之情,更深於曩夕。一 則得諧前約,不覺芳興之甚濃﹔一則倖續新歡,自然眷懷之愈熾。譬如鸞鳳之倒顛,雎鳩之戲狎,鬢雲 膩枕,香汗沁衾,纏綿徹夜,喜可知也。   既而天曉,起來櫛沐。友梅先為錢生挽髮,整好巾幘,然後解開雲窩,照鏡梳椋。錢生親為刷鬢, 又以黛螺畫了那纖纖的翠眉。梳妝已畢,遂並著香肩,坐於碧紗窗下。忽見薔薇架上,飛來兩個鵲兒, 連聲噪響,錢生戲以青梅拋去。友梅急止之道:「此靈鵲也。」即以昨日暗卜之事相告。錢生道:「靈 鵲雖能報喜,然今日得與卿卿相會者,乃鄭先生之力也。」友梅道:「君以尊師為何如人?」錢生道: 「篤實君子也。」友梅搖首道:「不謂君相與甚久,尚未知其品行,以為小人則然。以為君子,則妾未 之信也。」生愕然驚問其故。友梅乃以鄭心如向鴇母所云,為生述之。錢生性極躁直,一聞其言,便即 怏怏在心。   自此,鄭心如來,相待之禮比前疏簡。每有事用,友梅開口,無不依允﹔若心如在旁贊勸,便堅執 不從。然心如亦未知生之罪己也。   過了數日,錢生買得花羅數端,心如極口贊妙,意欲秋風一匹,而錢生佯為不知。又一日,要買龍 泉餅,連呼錢吉,而錢吉他往,心如道:「何不便差紫蕭?」生道:「他年少不諳世事,只恐被人哄騙。」 心如默然久之,自思此言,必有來歷,然別無他人,意必友梅所譖,心中憤憤,便欲尋計中傷。自後留 在心上,冷眼看生待他何如,但覺語言動靜,種種俱有嫉憎之意,遂勃然大怒道:「畜生無禮,我必有 以報之!」   不料錢生合當有事,那一日忽值裴公子來訪友梅,正是:     情疏能取怨,樂極卻生悲。   那裴公子是誰?是現任兵部尚書裴汝恆之子裴玄,其年天啟丙寅,正值東廠太監魏忠賢盜弄國柄, 當時朝紳黨附為奸者亦難枚舉。內中單表兩上,一個是金陵人氏姓王,號叫梅川,與錢中丞鄉會俱是同 年,現任太常寺少卿,因丁母憂未曾起服﹔一個蘇州人氏,就是大司馬裴妝恆。   單說汝恆之子裴玄,目不辨丁,因試官受囑,已曾領過鄉荐,當時蘇州撫臺姓狄,諱叫霍雛,亦是 忠賢門下,與裴司馬相厚,故裴公子特到姑蘇,要打抽豐。在此盤桓日久,聞得趙素馨纔貌雙全,乃青 樓中第一個人物,因此特來相訪。恰值友梅立誓要嫁錢生,意在情濃之際,怎肯出來接見。趙鴇月兒亦 因錢生揮金如土,也不願那友梅出見裴公子,便再三辭卻:小女臥病在床,不能起身,倘大爺來即返駕, 容俟病痊,即當迎請。」   那裴公信以為然,只得有興而來,沒興而返。卻歡喜了鄭心如,正中機懷。訪知裴公子寓所在城隍 廟東房,即時別生回去,寫了一個晚生名柬,直到裴寓晉謁。那裴玄因為自己學問空疏,專喜與名士往 還,故心如投刺,彼即欣然接見。敘話中間,心如以言挑之道:「近日敝郡遷來一個維揚名妓,喚做趙 友梅,乃是天下絕色,未審尊邸無聊亦當物色否?」裴玄道:「學生亦慕其名,適纔相訪,卻值趙姬抱 恙在床,竟不及一面,可謂無緣之極。」心如只是微笑,裴玄道:「足下笑而不言,卻是何意?」心如 惟惟,欲言而止者三。玄詰問不已,乃答道:「彼言有病者,謬也。只因敝郡有個錢生九畹,與友梅綢 繆相愛,故不以臺從為意,而推誑辭以病耳。」裴玄道:「只恐所聞未確。」心如道:「頃因過訪,親 見友梅博弈於後軒,豈敢道聽途說?只為錢某即是晚生愚徒,所以承問,而不敢即對。」裴玄大怒道: 「那賊娼妓不知有幾顆頭顱,敢於哄俺!只是錢某也有耳目,豈不知蘇州有一裴生耶?乃敢妄自佔據, 而欺蔑如此。俺決不能默默無言!」心如道:「偶爾談及,不意有觸尊怒,反是晚生得罪了。」言罷, 即告別而去。   卻說裴玄到了次早,寫一個待生貼子,答拜心如,遂出胥門,往趙友梅家來,怒悻悻走進客座。那 些豪奴悍僕不住的大呼小叫,嚇得趙鴇戰戰兢兢不敢出頭。明知有人挑唆是非,只得央生從後門而出, 反向前門進去。那裴公子怒氣未絕,忽見錢生緩緩的踱進來,儀容秀雅,衣冠濟楚,也便霽容相見,揖 遜而座。錢生假意問了姓名、鄉貫,裴玄亦即詢問家世。錢生道:「晚生姓錢,賤字九畹,先考錢某, 與金陵王梅川老叔,鄉會俱是同年。」裴玄連忙打拱道:「原來令先尊即是錢老先生,與王梅老既係年 家,便與舍下也是通家了。乃未及一通名字,罪極,罪極!」錢生道:「晚弟忝在東道主,尚未及烹伏 洗罍,以享從者,罪亦不淺。但此間乃樂地也,想兄翁此來,欲從桃花扇底,以聽宛轉之歌耳。乃觀尊 容,反若慍怒,何也?」裴玄道:「叵耐趙鴇,以病誑辭不肯接見,因此小弟十分著惱。」錢生道:「 聞說趙姬有恙,故今日某亦便路相問,料想妓家所慕,惟在金帛,雖庸俗之士,猶不敢抗違,何況貴介 如翁兄,彼惟恐邀之而不來,詎有來而辭相拒之理?此必有人不悅趙姬,故成是貝錦耳,望乞兄翁息怒。」 裴玄笑道:「有人還說是吾兄鐘愛,所以避客。」錢生喟然道:「人之訛言,洵可畏也,不惟誣趙,而 又無端媒孽及某,殊不知牆花路草,豈區區所能專主?自非兄翁明鑒,使晚弟幾亦開罪於門下矣。」那 裴玄畢竟是北人性直,見生剖辨有理,便覺十分之怒,已去九分,然而欲見之意,必不能卻。於是友梅 做裝病態,雲鬢不整,毀容易服而出,然其妖冶之姿,終不能掩。裴玄亦不住點頭稱美,喚過從者,取 銀五兩,付與月兒備酒。錢生固推不肯道:「今日自然是晚弟治酌,少盡地主之情。」   有頃,酒餚畢備,方欲送席,只見鄭心如亦至。那心如此來,卻是為何?他只道裴公子有些舉動, 好在內中取事,不料二人友歡若舊交,呆了一會,只得勉強與酌。是日席上,惟裴玄與生舉觴連飲,談 笑自如,鄭心如酒量雖寬,反覺蹴躇不安,面有慚色。友梅則佯推腹痛,雙眉皺綠,不發一言。酒行數 巡,錢生道:「今日幸遇兄翁,不意友梅抱恙,致令賓主鬱鬱,無以盡歡。鄙意欲乞尼翁作詩一首,以 紀念今日之會,家師與晚弟少不得搜索枯腸,以博大方一笑。」那裴玄雖然是個舉子,原來腹內空虛, 並無半點文墨,見說做詩,口中雖勉強應道「是是」,不覺耳根漲紅,心下十分著急,乃斜靠椅上,低 頭不語。錢生雖是思索詩句,忙喚紫蕭捧過文房四寶,裴玄提筆在手,移之不能下。只見面如土色,搖 頭閉目,口內不絕吟哦之聲。心如也不思索,但含笑而已。生不能待,先援筆一揮而就。詩曰:     翠簾窗紗竹蔭垂,流風入座展幽思。     蘭亭可惜徒清詠,金谷何須羨異姿。     燕子在樓名豈盼,捧心有恨姓疑施。     最憐彩袖香初細,欲把霞杯勸酒遲。   錢生吟畢,先送與裴玄請教。裴玄道:「錢兄自是目牛游刃,弟輩小纔,何敢望旆。」乃援筆寫了 數字,須臾又涂抹了,復寫,寫完又復涂抹,足有兩個時辰,方成四句。笑謂生道:「小弟平時做詩, 也是敏捷的,不意今日多飲了幾杯,詩興便干枯了。雖不辱命,只得半篇,聊以博笑而已。」乃先送與 心如看過,然後遞生,生接來視之。詩曰:     東風蕩蕩吹柳枝,詩不成來仔細思。     座上如花一塊玉,酒中不語幾番痴。   錢生朗誦一遍,假意贊道:「絕妙好詩!不減盛唐絕句,真所謂好物不須多也。」此時友梅亦忍笑 不住,只得以袖掩口,假作腹痛之狀。錢生又問心如道:「先生何為輟筆?」心如道:「共探驪龍,吾 子先得其珠,可謂出於藍而深於藍矣,使我何能措詠?」原來鄭心如不是不能成章,因見裴玄是個曳生 之士,惟恐詩成使他抱愧,所以假託不能。明明是奉承他的意思,正是極奸極巧之處。   閑話休談。且說當晚裴公子甚欲停宿,因見友梅滴酒不飲,還認是真疾,到了黃昏時分即起身回寓。 友梅見他去了,方纔放心,略飲數杯,與生安寢。一夜無話。只有鄭心如回到家中怏怏不快,躊躕了半 夜,心生一計。到次日清晨,又詣裴寓求見。裴玄道:「鄭心老請晨應臨,必有所諭。」心如道:「愚 有一言,願得效忠於左右。惟恐執事訝其交淺言深,那不知者,又道是背後讒譖,是以口將言而囁嚅。 然未知臺意亦欲相聞否?」裴玄急忙問道:「足下所言何謂也?」心如道:「便是那錢蘭的小畜生,雖 係愚徒,其實傲氣可恨。日昨席上強逼要人做詩,無非賣弄自己學問,卻又洋洋得意,毫無師長在目。 至於友梅,何嘗有疾,偏令其假扮病容以欺侮從事,使人心中實覺憤憤。」玄恍然而悟道:「君言是也, 我一時昏昧,被其所賣。」心如道:「此猶事小,他曾拜從在周蓼洲門下,原是東林一黨。前蓼洲被逮 進京,他買舟送至無錫,作詩相贈,有『欲請上方劍,斬取佞臣頭』之句。」裴玄聽到此處,不待話完, 即勃然大怒道:「那畜生如此放肆,若不殺之,何以雪我之恨?」心如道:「耳目甚近,願輕言些。」 裴玄道:「我豈懼一孺子者哉!」乃與門客谷期生商議,期生道:「要處置他,亦有何難,只消把周順 昌招攀為由,如此如此,他便不能夠話了。」玄大喜道:「此計甚妙。」遂寫一書,送與宗師,又進見 狄撫臺,說是順昌口供,乞詳究其事。撫臺即時批下牌來:「仰蘇州府,速拘欽犯錢蘭,審明解報。」   一日清晨,錢生方在梳洗,忽見府差四個,硃筆拘提,嚇得生與友梅面面相覷,好似半青天打了一 個霹靂。正是:     長雖縲紲非其□,伯寮之愬如奈何。   卻說李若虛自別生後,終日在館讀書,忽一日有事經過胥門,即往錢宅相探。錢貞回說「家相公到 雲間訪友去了。」若虛半疑半信,怏怏而回。過了旬餘,又值便中詣問,錢貞回說如初,若虛心下狐疑, 自想道:「我前日雖是語言太直,拂了他的意思,然亦是忠告善意,豈九畹以此憾我,故令閽者誑辭耶?」 正在自言自語,只見崔子文疾趨而來,若虛迎住道:「崔兄何往?」了文喘息定了,方纔答說:「要去 會九畹兄。」若虛道:「有何事情,吾兄這等急促?」子文道:「兄還未知,錢九畹已被宗師發下憲牌, 仰學除名,頓承李正齋老師相喚,故小弟得知其詳,未審吾兄曾晤九畹否?」若虛大驚道:「小弟兩次 過訪,那管門的老錢俱以松江探友為辭,今忽有此奇禍,弟與兄再去問個明白,即不然請見錢老夫人, 報知此信。」子文道:「甚善!甚善!」   二人即詣錢宅,尋見老錢,老錢照前回答,子文正色道:「我二人此來非為別事,因你家相公,被 宗師發牌仰學,已把前程革去,竟不知犯著何罪?為此特來相探,既不在家,煩汝通報老夫人,說我二 人有事求見。」錢貞聽說,驚呆了半晌,只得吐出真情。若虛道:「既如此,我們且先會了九畹,便知 分曉。」即離了錢宅,取路向趙友梅家來,未及里許,遇見紫蕭,忙問道:「相公何在?」紫蕭道:「 家相公在趙友梅家,今早忽被府差拘去。到得府前,又值太爺退堂,不問情由,竟把家主下了司獄了。 故家主特遣小人報知各位相公。」二人聽罷,驚得面色如土,竟不知所以得禍之由,遂同至李若虛家下。 又細問紫蕭,初至趙家,何人陪去,以後又與何人往來。紫蕭便以前後事情,細訴一遍。   子文沉思半晌方悟道:「是了,是了!那鄭心如原是衣冠禽獸,此必求謀不遂,即挑弄是非,而鼠 牙挑訟,則發難於裴玄耳。」又問相公進獄,曾有使用否。紫蕭道:「家主帶去資用已匱,幸得趙娘把 私蓄五六十金,凡衙門上下獄官禁卒,俱已納賄。頃小人來時,趙娘親到獄中探望。」若虛歡道:「妙 女有情,亦不易得。」又謂紫蕭道:「汝未可回去報知老夫人,俟我等會了陸相公,另有區畫。爾且再 去獄前,會著錢吉,察探消息何如,即來回復。」紫蕭應諾而去,二子正在商議間,陸希雲已到,畢竟 陸生來有何議論?果能救得錢生否,姑俟下回解說。 第五回 蠢頭顱在尋風月   詩曰:   相見無日期,相思幾時歇?   羅帳不同歡,紗窗空待月。   過船決不抱琵琶,誰言婦性如楊花。   君不見,趙娘一諾重丘山,至今貞操令人誇。   話說陸希雲一到,崔、李即問道:「兄亦知九畹被陷之事麼?」希雲道:「頃聞自紫蕭,弟即往府 前偵察,原來是裴蘇州為著友梅之故,恨及九畹,故提出蓼老口供,面見撫臺,撫臺即著太尊究問。第 恐中禍已深,卒難排解,二君何以策之?」   子文攘臂而起道:「既在同盟。便宜赴湯蹈火,以急其難,若逡巡畏縮,首鼠兩端,非丈夫也。」 若虛道:「弟聞中丞公與白下王梅川是同年同門,今梅川亦在魏家門下,與老裴至厚,意欲煩希雲到彼 一往,倘求得王太常一書,則事當冰解。」希雲即起身作別道:「小弟今晚便行,只是在城事體,兩兄 須要主意。」若虛道:「兄自做兄的事,弟輩自做弟輩的事。」希雲既去,子文道:「弟亦別兄返舍, 即遣小價報知合社朋友,兄於今晚亦須寫好公呈二紙,明日辰時,俱在府前相會,一齊進去求懇府尊。」 若虛道:「既如此,弟當約了舍侄輩。明晨准在府前候兄。」   原來錢九畹時望甚偉,兼以李、崔首倡,不論府學縣學,相知不相知,到了次早,在城秀才,無不 畢集,約有二百餘人,乃進見陳太尊。太尊推託上臺批發,本府不充專主。眾人又一齊去求稟狄撫臺。 撫臺看了公呈,不肯批准,子文挺身向前道:「生員錢蘭,力學好古,士行無玷,今乃以莫須有之事, 而羅織以不可測之罪,致使眾論噓噓,莫不切齒不平,伏乞祖臺為朝廷惜士,超豁無辜,恩均覆載。」 撫臺道:「錢生既係冤誣,日後自當寬有,爾諸生何須群吁?」子文道:「昔孟軻有云:『無罪而戮民, 則士可以徒。』況今無罪而陷士?某等實切寒心,豈能袖手旁觀、不發一言,以彰公道?」狄撫臺見眾 論嘵嘵不已,厲聲道:「錢蘭既到官,其曲直自在官矣,諸生何必強辨,以取抗法之罪?獨不見顏佩韋 之事乎?」若虛道:「前時蓼州被逮,猶奉聖旨,況擊苑官旗,故佩韋不免於難耳。若今日之事,惟在 祖臺犀照,便徹覆盆,況生員等既為公舉,雖碎首殞身,有所不畏,又安知以佩韋為鑒乎?」撫臺見眾 論不屈,只得准了公呈。子文等遂叩謝而出,復向眾朋友一一致謝畢,自與若虛到司獄,問慰錢生,不 消細話。   再說鄭心如探知錢生入獄,十分中意,乃以探信為由,直至獄中,對著錢生道:「賢弟無辜被陷, 惜我綿力,不能代控奇冤,然觀裴孝廉之意,不止為那友梅,因聞賢弟家道殷實,故有此舉。目今若得 三百金送他,在我身上,足保無事。」錢生嘆道:「身陷獄中,家母處尚無消息,又何從措辦此銀?」 心如知事不諧,即往趙家說友梅道:「錢老夫人,以誘惑恨卿,裴公子復以裝病見罪,裴之勢焰,卿所 知也。若能與我三十金,則我以二十兩,密賂裴之門客谷期生,方免不測之禍。其十金,則以委囑錢之 僮僕,庶無驅逐之憂。不爾,則禍不旋踵而至矣。」友梅知其設心誑騙,乃謝道:「承君雅念,為妾深 謀,第妾自錢郎被獄,方寸已失,惟冀彼之速脫,又何暇慮及於斯?」心如乃艴然而出,於中路遇著賣 花婦梅三姐,鄭向所狎熟也,因詢其何往,梅三姐道:「偶進胥門耳。」心如道:「胥門內錢秀才,被 妓女趙友梅局騙不遂,暗唆裴公子訟於都堂,都堂即著本府拘審,今監禁在司獄司,已一月餘矣。汝經 來其家,曾知之否?」梅三姐大駭道:「十一相公自在虎丘讀書,哪有此話?」心如道:「千真萬真, 我豈戲言?」梅三姐一聞此信,進得胥門,如飛的走入錢宅,報與老夫人知道。   原來錢生在獄中三十九日,那錢貞每日雖到獄中訊候,卻瞞著老夫人,家中大小雖或相聞,俱被老 錢致囑,兼以未知的確,亦不敢輕易亂傳。不料那日梅三姐卻把鄭心如所說,備細說出,嚇得老夫人冷 汗淋身,半日不能開口,急忙喚進錢貞詰問。錢貞不能隱匿,只得支吾說:「初去時,俱是鄭心如誘引, 以後惹禍之由,老奴尚未知其詳。」   老夫人便把錢貞痛罵了一場,卻又放聲大哭,秋煙姐在旁在也不住淚如雨點。梅三姐與繡琴諸婢, 俱來勸慰。老夫人收淚,向梅三姐殷勤致謝。又喚過錢貞道:「先老爺在日,待汝不薄,及臨沒之時又 再三囑託『撫我佳兒』。今乃通同誘引,釀此奇禍,倘幼主少有差失,雖碎割汝肉,不足以償我之恨!」 錢貞亦低頭含泣,夫人又道:「別樣官事,亦不足為慮,豈不聞炎上之勢,雖楊左諸君,猶陷於羅網, 而況於孤兒寡婦乎?吾且問你經今月餘,只管彌縫不露,將幼主沉於獄底,作何了局?」錢貞道:「皆 賴崔、李二相公出冤揭,動公呈。若奶奶要知端的,除非請來一問。」老夫人即著人去請崔、李,又以 禍起於趙友梅,便著錢貞喚集僮僕一十餘人,直到趙家??鬧。那些家僮巴不得有事,奉了主母之命,少 不得哄然蜂擁而去,不題。   卻說崔李請到,坐在前廳,老夫人於屏後致謝扶救之力,並問事體若何。崔李便將前後事情,備說 一番。因賀道:「恭喜佳郎公出獄,只等撫臺病痊,即日無事。但細查禍之所起,皆出於鄭心如,俟九 畹事平,晚侄輩還要約齊同社,鳴鼓而攻之。」老夫人道:「此皆不肖子自貽伊戚,兼老身失教之故, 於心如何尤?」遂具酒飯款待。二子略飲數杯,即辭謝而去。   原來錢生得脫狴犴,因請客賈文華。前在趙家陪飲之後,生贈以數金,賈甚德之,其後賈與裴玄, 一面即契,留在寓中。一日閑話,偶及友梅之事,賈文華為生辨剖甚悉,且言疏財好友,做人溫裕謙恭, 亦茲不曾拜從蓼洲門下。玄聞之,頗悔輕信心如。又值崔子文私賂門客谷期生,期生乘間屢白其冤,於 是玄有寬釋之念矣。天何希雲求得王梅川書至,書中剖悉諄諄,詞音懇切,玄乃致書扶臺,令其宥放。 不料生之厄運未滿,狄撫臺忽然患病匝旬,及至發牌仰府時,又多了十餘日。   錢生既釋,崔、李、陸三子,俟立於道左,相見之際,悲喜交集,屈指在獄日期,恰好四十九日。 忽想起梅山之言,喟然而嘆道:「梅山老人,信神人也。」三子亦各嗟異而別。   須臾抵家,老夫人預置一杖,俟生歸,當撻之數十,及見生容顏憔悴,手軟不能杖下,惟跪而責之 道:「爾母德涼,雖不能比數於三遷、畫荻之訓,然亦費了多少辛勤,冀汝成立,乃不能守身如三,而 幾啖虎口。雖爾之自作自受,其何以衍宗祧而慰垂白之母乎?」夫人說至此,不覺涕淚交下,錢生亦嗚 咽不能對。既而夫人又謂生道:「汝之被禍,皆因含沙所謝,今雖幸免,恐斯人尚不肯忘情於汝。金陵 范闇然,汝父同年也,其夫人蘇氏,與我恩若嫡親姊妹。日前曾有書來,備說謫官在家。我今晚寫下回 書,汝明日即往南京,一則省慰年伯,一則在彼攻書,明年鄉試,若不得一第,休來見我!」生惟惟受 命。   至夜,歸房,秋煙潛來話別,泣謂生道:「自承愛倖,便已身懷六甲,今官人遠行,歸期未卜,倘 後來生下,或男或女,夫人疑妾外私,而不肯相信,奈何?」錢生乃取羅帕,題詩一絕,留與秋煙為證。 詩曰:   瑞葉熊羆夢已通,海棠曾記試春風。   欲知別後相思處,只在秋林煙影中。   是夜,即留秋煙同寢。至曉,遣人密約友梅,欲與舟中一會,不料友梅遷去已久。錢生得報,愴然 不樂,只得往請同社作謝,然後起程。恰值崔、李、陸三人俱至,言起金陵之往,皆扼腕不怡。將行, 老夫人又握手叮嚀道:「竹林之下,願汝相親﹔綺陌之塵,慎勿再踐。還有一件,那王太常,雖係年家, 他近在寺人蔭下,更宜絕跡。」時桂子、紅葉諸婢俱隨著老夫人送出,獨有秋煙泫然欲泣,惟恐夫人審問, 先掩袂而歸。崔、李、陸買舟送過無錫,然後作別。正是:   桃花潭水深千尺,不及汪倫送客情。   且把錢生按下不題,再表趙友梅。自從錢生繫獄,情思恍惚,寢食俱忘,每每問卜求簽,更以釵珥 施於佛寺,祈生免禍。那一日,忽值錢老夫人差人喧鬧了一場,趙月兒不勝氣苦,又恐裴公子要來尋事, 自想安身不牢,即忙僱了船隻,一直遷到杭州。租一所園房居住,在明聖湖邊,岳王墳之左,正當山水 勝處,餘曾有《西湖十詠》,附錄為證。詩曰: 路入西泠照曙霞,氤氳香霧覆晴沙。   孤山月落鐘初歇,古埠煙迷柳半遮。   芳草欲迓游子騎,好風將送泛湖槎。   綠窗猶擁鴛衾臥,簾外聲聲喚賣花。    ───右《蘇堤春曉》   嫋嫋隨風萬縷輕,搖空似浪暗藏鶯。   只緣夢綠嬌翻舌,豈為啼紅巧弄聲。   畫舫能傾游客耳,香閨解動美人情。   最愁春暮花如雪,老卻歌喉懶不鳴。    ───右《柳浪聞鶯》   涼飆滿院麥秋天,歷亂荷開照水妍。   治袖翻紅吳苑女,舞衣剪翠蕊珠仙。   花心瀉露清銷暑,葉底披襟小泊船。   一陣艷香心已醉,夕陽幾處送繁弦。    ───右《曲院荷風》   曲港花蔭間柳蔭,漣澗拍岸水深深。   有時戲藻金梭擲,忽地吹波玉尺沉。   貪餌恐為漁父釣,穿蘋應避鷺鷀淳。   非魚雖不知其樂,跳躍悠然足會心。    ───右《花港觀魚》   嶙峋對立直凌空,南北巍峨勢並雄。   玉柱全撐青靄表,蓮花共透白雲中。   月明黛色垂千仞,雨後嵐光積萬重。   安得躋攀最高頂,掃開浮翳擁蒼穹。    ───右《兩峰插雲》   幽然夜色渚煙收,渺渺湖光漾碧流。   錯落培涵三個影,空明月涌一輪秋。   纖雲己逐金風掃,燈水遙連玉宇浮。   我欲扣舷歌古調,波心只恐老龍愁。    ───右《三潭印月》   塔影亭亭掛夕暉,小廬取次掩紫扉。   一峰紫翠煙容達,列壑蒼黃樹色微。   鳥宿亂隨浮靄去,馬嘶爭惹落花飛。   笙歌半在南山路,多少游人帶醉歸。    ───右《雷峰夕照》   雲深古剎隱南屏,向夕蒲牢遞遠音。   催散玉樓歌舞宴,驚醒客邸利名心。   疏聲遏籟天邊落,清響隨風月下沉。   促得山僧歸去急,獨攜藜杖上遙岑。    ───右《南屏晚鐘》   萬頃澄波一派秋,冰蟾皎潔印中流。   風來鷲嶺天香遠,雲散銀河兔影悠。   寒照兩峰嵐翠重,光生千里柳煙收。   扣舷朗詠坡仙賦,直欲憑虛到玉樓。    ───右《平湖秋月》   一道修梁跨水隈,銀沙十里映樓臺。   疏林似剩瓊花片,荒蘇疑飛鷺羽來。   晴日乍溶新水漲,曉風已捲凍雲開。   如何策寒堤邊望,半是尋詩半探梅。    ───右《斷橋殘雪》  說這武林洵為山水名區,只因趙友梅心在錢生,哪有情懷賞玩,每日間,禁不住兩行珠淚,丟不下 一片愁腸,不覺香銷粉悴,非復疇昔之花容月貌矣。到得旬餘,便引動了闖寡門的清士,耽風月的狂童, 怎奈友梅不言不笑,並沒有一點溫存意態,所以來的俱含慍而去。本郡有一個宦家之子,姓胡,字伯雅, 為人痴頑不韻,人都稱為憨公子,也慕友梅之名,同一個門客,喚做常不欺,特來相訪。友梅關了房門, 不肯接見。趙鴇貪他是個宦家,逼勒數次,只得出來相會。憨公子目不轉睛,看了又看,不住的贊道: 「妙妙妙,佳佳佳!」常不欺道:「從來佳麗出在楊州,今見趙娘,果然名稱其實。」憨公子默坐了一 會,忽然問道:「我小弟幼時,嘗聞家祖先尚書說,揚州有一個名妓,叫做李端端。今友老也是揚州人, 可曾相熟麼?」友梅不睬。常不欺便插口道:「說起那李端端,真個美貌非常,前年在下曾到揚州去, 與他相好之極。」   趙月兒在內,只聞二人敘話,並不見友梅接口,惟恐憨公子不悅,忙出來寒溫道:「拙女只因病後, 故懶於言笑,大爺何不與常老爹擺那棋抨,決一個勝負?」憨公子遂與常不期對局,不欺一連佯輸了五 六盤。憨公子道:「我的棋,比你何如?」不欺道:「大爺這樣妙棋,不要說在下不敢爭先,便走遍了 杭州府,也尋不出一個敵手。」憨公子拍手大笑,整棋再著,常不欺又詐敗了兩局。值酒餚已備,擺列 出來,憨公子把杯相勸道:「酒是引興之物,乞趙娘多飲幾杯,助助興兒。」友梅低了頭,只不做聲。 憨公子道:「我們此來,無非取樂而已,若友梅這樣敷情而避焉,請勿復敢見矣。」不欺道:「畢竟是 纔人之口,話出來,庶不郁郁乎文哉!」二人且說且飲,只有友梅,不勝懨懨,長嘆了一聲,不覺掉下 幾點淚來。憨公子怒道:「一人向隅,滿座不樂,這也可厭之極,可厭之極!」即便站起身來,拖了不 欺就走。不欺曰:「大爺既不耐煩,不如到吳山腳下,李一娘家裏去罷。」憨公子點頭道:「有理、有 理」。遂不終席而去。等得趙鴇出來挽留,去已久矣。你道友梅為何不懼趙鴇,這等自由自主?只因生 性聰明,那趙月兒愛惜如親生之女,自十四以至十六,三載之間,所獲纏頭,已不下千金,故月兒不加 訶責,惟冀其改情易慮,其如萬般苦勸、委曲開陳,而友梅之心,不可轉也。當晚憨公子不別而去,氣 得月兒面皮紫漲,忍耐不住,便大怒道:「你這賊淫婦,原不受人抬舉,你到我家,雖已識得幾個字兒, 我卻用了無限心機,把那書、畫、棋、琴,件件教會。寒時便怕你冷,夏天便憂你熱,把你受惜如掌上 之珍。這是為何?無非要你興旺門頭,使我暮年安享,誰料,一見那錢十一的小冤家,便把魂靈兒落在 他身上,終日價不情不緒,沒心沒想。只恐你有他心,他無你意。他是仕宦人家,少什麼金釵十二,要 與他圖做夫妻,你也忒妄想了。你愛他有貌,我看他瘦削臉兒,也不能賽過二郎神。你羨他有纔,只會 做幾句歪詩,也不能比那七步曹子建。況今生在獄中,犯了裴公子之怒,生死未卜,你還要時刻掛念, 只怕你害了失心瘋的病了。不要說在蘇費用,即遷到臨安,每日買柴糴米,難道是天上落下來的?我們 開個門頭,一日無客,一日不活,天幸來了這個憨公子,你又不瞅不睬,使他含怒而去,怎不氣死我老 娘也!」   月兒話到此處,轉氣得手腳冰冷,直僵僵挺在椅上,只管喘息。停了一會兒,又道:「你這賤人, 但知其一,未知其二。若從良是件美事,我做娘的亦不遲至今日了。只因有了丈夫,便要被他拘束,何 如春風秋月,散誕自由。若富足之家猶可,設或花費無窮而家私有限,吃的是薤鹽,穿的是布素,又何 如飫珍羞之味、服羅紈之衣?這還是一夫一婦,若不幸而做了那七大八,動不動被正妻藉辱,罵是娼根 賤妓,其苦更有不可勝言者。況男子漢心腸最狠。始初恩愛,果然似漆如膠,到得後來別戀了新歡,便 把你撇在腦後,那時節進退兩難,噬臍何及!怎熬得那清宵寂寞,永晝淒淒?倒不如今日憑你看中那個 俊俏郎君,和他相處幾時,朝朝寒食,夜夜元宵,其苦樂又不啻天壤之隔也。汝乃聰明人,亦何俟叨叨 細說,只要你依了我,萬事全休,稍有不然,汝認得我皮鞭麼?」友梅泣道:「兒閱人多矣,其纔情具 足,未有如錢郎者,故一言已訂,雖九殞無悔,惟乞母親垂憐其意,不致深訶,則沾德無涯,而報恩有 日。」月兒微微冷笑道:「好個自在話兒,我也不與你長舌廣說,只問你依也不依?」友梅瞪目應道: 「一言已決,何必再問!」月兒不勝忿怒,乃以皮鞭,自肩至脛,撻至五六十,可憐潔白肌膚,寸寸皆 青,損傷之處,血流如注。友梅惟哀聲呼痛而已,卻絕不改口。月兒再要打時,見他遍體皆傷,無處下 手,只得假放手道:「今且饒你去細想,明日若還不知悔悟,我肯饒你,只恐皮鞭也不肯饒你!」因叫 侍女勞英,扶她去睡。   友梅到了房中,睡在床上,千思萬想道:「錢郎不知生死,冤家又苦苦相逼,你看這樣光景,料不 能留得此身與錢郎會合,倒不如拼著一死,以報錢郎罷了。」捱到人盡睡熟,竟取了一條長汗中,懸梁 自縊。不知性命如何,且待下回分說。 第六回 有心人巧竊花枝   詩曰:   自從銷瘦減容光,半是思郎半恨郎。   欲識舊時雲髻樣,開奴床上鏤金箱。   卻說友梅命不該絕,恰值侍女芳英起來小便,此時殘燈尚明,於燈影之下,忽見友梅似打秋千的, 高掛在梁,嚇得魂不附體,登時狂喊。那趙月兒在夢中驚覺,也不及披衣,赤身來救,即忙解巾放下, 四肢雖冷,胸額猶溫。乃與芳英大聲呼喚,徐以姜湯灌進。直至二更,方纔甦醒,開眼一看,即轉身向 裏。月兒愈恚道:「汝以死嚇我,我偏不怕。」連叫取那皮鞭來,友梅微嘆道:「死尚不惜,又何懼乎 皮鞭?」月兒雖說,見其肌肉皆傷,亦不敢下手。既而友梅長號一聲,仍復暈去。急得月兒又連聲呼叫, 移時而醒,乃泣道:「兒自幼雖蒙恩育,數年以來,所獲金帛,亦足以償母矣。薄命之軀,惟求速死, 卻又頻頻喚轉,何必相苦如此耶?」月兒亦無可奈何,只得回嗔作喜,溫言勸慰。   到了清晨,轉覺身熱如火,昏昏沉沉,口中呻吟不絕,進以茶湯,即時嘔出,月兒自悔發怒之暴, 心下著忙,於是延醫看視,親奉湯藥。將及半月,病雖稍可,奈容顏日漸羸瘦,月兒恐有不起,乃與之 道:「昨有人自姑蘇來,言錢郎已脫桎梏,汝宜放寬心胸,以圖相會,今後惟汝是依,吾不強汝。」友 梅聞說,信以為然,不覺心境頓舒,飲食稍進,又將半月,方得平愈如初。   且說錢塘門外,有一開鹽肆的姓程,名必孚,表字信之,原係徽州府休寧縣人氏,自祖上移居虎林, 已五世矣,年方二十,家累千金,娶妻林氏,姿色平平,而妒悍異常。必孚年少,頗狎昵於花街柳巷。 一日偶經岳廟,聞人說道:「張家園內住的趙友梅,維揚名妓也。」必孚聞之,心動神飛,即時過訪。 時友梅病體已痊,豐艷如舊,聞有客來,即掩房深匿。月兒出來接見,留坐待茶,必孚殷勤露其來意, 月兒嘆道:「只怕程君無緣。」必孚愕然道:「小可但慕芳姿,不惜財帛,孰意老娘這般見棄,卻是為 何?」月兒乃以誓嫁錢生一事,細細訴說。必孚聽了,悵然自失者久之,乃道:「既如此,某亦不敢相 強,惟獲一面,鄙願足矣。」月兒進內,曲勸至三,友梅閉了房門,終不肯出。必孚因以厚贈啖月兒, 月兒凝思良久道:「翌日午前,妾與之博弈於廳下,君聽棋聲,即悄然闖進,我便擁持於後,不容趨避, 則足以飽君之目矣。」必孚大喜,復諄諄然相約而別。   至次日飯後,友梅不知其故,果與月兒對局於前廡,俄而程生自外趨入,友梅急欲避時,已被月兒 雙手推住,自面至足,被程生看個仔細。因以挾持而見,雙臉斷紅、泫然欲淚,其怨恨之容,轉覺可憐。 此時程生,神情飄漾,頃刻難持,正欲向前作揖,友梅已用力掙脫,翩然而逝矣。必孚莫能再睹,惘惘 而歸,懷念之殷,幾忘寢食。有汪生者,諱見昌,亦徽州郡籍,入泮於錢塘,必孚之表叔也。偶於途中 相遇,汪生深詳其銷瘦,程以實告,且言姿色之美,目所未睹者。汪生乃歷舉在杭名妓以擬之,皆曰非 其倫。時有薛素素者,名重東吳,汪生又舉以為??,必孚搖首道:「亦不如也。」汪生駭然道:「天下 信有如此絕色,雖西子王嬙,不足數矣。然彼既有屬意之人,吾侄作單相思,亦復何益?」必孚道:「 侄有別墅,在涌金門外,意欲圖為側室,不知以後如何?」汪生道:「婦人水性,既歸吾侄,諒無終拒 之理。只恐趙鴇索價太高,吾當效張儀,為子作說客,可乎?」必孚道:「倘獲事成,侄以三十金為壽。」 汪生遂欣然別去。   逾數日,即詣張園,向月兒備述其意,月兒正萌脫卸之念,惟恐不成,止索銀二百兩。汪生歸告必 孚,必孚欣然領諾,於是擇吉成交。至期,月兒謬謂友梅道:「我與你自到臨安忽已數月矣,坐吃山空, 終非久計,意欲返轉姑蘇,只不知錢郎果然脫獄否,又不知汝之姻事若何?吾聞關聖簽,靈應如響,且 去此不遠,曷往祈諸?」友梅不知是計,果即梳妝登轎,轎夫先已受囑,遂由小路,直往涌金門別墅。 必孚預備酒餚蔬果,焚香燃燭以俟,更覓一能言孫嫗,以便臨時勸慰。俄而肩輿已至,友梅出轎進門, 抬頭一看,並非廟宇,只見燭火煌煌,大驚道:「爾輩何人,輒敢哄我至此?」程生自內趨出,深深揖 道:「多承尊堂厚情,已將娘子嫁於程某。豈娘子有所未知耶?」友梅大怒道:「妾自有夫,君豈無婦? 若依舊送歸則罷,否則吾以頸血濺爾之衣矣!」孫嫗笑勸而之道:「趙鴇不仁,豈能遂娘所欲?」今程 大爺真實君子也,允與不允,悉憑主裁,倘有商議,不妨緩為之計,何必以彼為歸,而視此如仇哉?」 友梅沉吟了半晌,乃道:「既要留我在此,必須臥不同床,坐不同席,他日一遇錢郎,即便相從而去。 計爾所費,加倍奉償,並不許異言推阻。」必孚聽其言辭剛勁,不能指語,惟鞠躬惟惟而已。夫妓以色 事人者也,且又程生年甫妙齡,家非窮乏,乃立志不移,貞行皎皎,雖傳說所稱揚娼李娃者,何以加焉? 友梅自歸程之別業,因防衛甚謹,兼以利刀佩於腰間,遂使必孚不能相犯。然以錢生急難相會,愁心日 益,珠淚時零,往往調玉軫以寄悲,託貞松而詠志。所作詩詞,不能備載,姑錄其《碧芙蓉》詞一闕。 詞曰:晚雨浥梧梢,催起恓惶,一聲啼鳥。別鶴雖彈,此曲誰能曉。西湖水與淚爭流,兩峰雲比愁還少。 花枝有主,寄語東風不必空相繞。西樓閑倚遍,難禁入夜清悄。咫尺姑蘇,夢也如何。杏甫能夠幾夜歡 娛,拾得來千回煩惱。重門深閉,憑誰寄信,相思宿債應難了。   忽一日,與婢女輕紅,倚門閑立。只見一個相面先生,生得形容秀異,修髯如雪,頭戴方巾,身穿 一領醬色布袍,手腕掛一面小紙牌,牌上寫道:「五錢一相。」從門首向東而去。友梅暗想:「此人一 表非凡,且相價甚高,必非尋常相士」。急令輕紅,向前相請。那先生即隨著輕紅,走進草堂。友梅深 深的道了萬福道:「賤妾鼠目獐頭,敢辱先生神鑒。」先生道:「老夫相人別有奇術,不比那走方的相 士,走把達摩相訣與那麻衣相法中幾句說話胡亂哄人,只是一味直講,娘子休要見怪。」友梅道:「但 求直言為妙。」那先生即令友梅立正了,自上至下凝神細看,又把雙指輪了一回,乃道:「娘子十歲以 前,安穩無事,不消細說。單講十歲這一年,就該令尊令堂一齊見背,從此蕭牆生難,離棄祖基,陷身 羅網。今年貴庚十幾歲了?」友梅道:「妾是辛亥生的,今年一十六歲。」先生又將十指輪了一回,踴 躍而起道:「恭喜!恭喜!目下就有異人提拔,雖不能做個正室,也是一位三品夫人。」友梅道:「賤 妾運蹇,悉如先生所諭,一句不差。若云命有貴夫,現今身居坑坎,死亡只在旦夕,先生休要見謔。」 先生道:「老夫據相直談,安肯戲言失實?」友梅道:「妾是維揚人,細聽先生口氣,亦像揚州,敢問 尊姓大名?」先生道:「老夫果是鳳陽人氏,浪游江湖,棄姓埋名已久,賤號只叫做梅山老人。」友梅 忽然想起,錢郎曾說,有個梅山神相,莫非即是此翁?便問道:「春間在蘇州玄妙觀中,有一位梅山長 者,可是先生否?」梅山道:「即是老夫,娘子何以曉得?」友梅道:「不瞞先生,妾實淪身青樓,與 姑蘇錢中丞之子錢蘭有伉儷之約,彼時錢郎曾經相遇,故賤妾得知寶號,不意今日天幸相逢,並乞先生 一言指示,妾與錢郎果有重會之日否?」梅山道:「只憑一點貞心,自然鬼神呵護,命合有期,不須疑 問。」言罷即欲起身,友梅慌忙挽住,雙膝跪下道:「妾身雖脫勾欄,仍罹機檻,每為狂且所逼,度日 如年。自非先生闡破迷途,一言垂救,莫道斷釵重接,能詣琴瑟之和,只怕環珮空歸,難結鴛鴦之緣。」 梅山道:「老夫四海為家,一身流寓,有何異能,脫子於厄?」友梅涕淚滂沱,牽衣不放,梅山亦覺淒 然,乃安慰道:「子不須掉淚,我有一故人,幸亦雲蹤暫寄於此,他是英雄劍俠,專肯濟困扶危,與錢 秀才也有一面之契,我去為子懇求,諒他必能赤手相扶,只在八月十五,二更時分,子其端坐以俟。」 友梅便斂在再拜,拔下金釵為謝。梅山堅辭不受,揮手而去。友梅深幸得遇梅山,然以二更之約,猶疑 信相半。忽見一人推簾進來,視之,乃孫嫗也。友梅笑迎道:「孫老娘此來,莫非又作說客耶?」孫嫗 道:「非也,恐娘廓處無聊,特來閑語耳。」於是坐談良久,嫗即從容諷道:「老身豈敢為程郎游說, 特以娘終身之事籌之,莫若順從為便。假使程郎蕭然四壁,家無擔石之儲,則不敢勸。即使家有金穴, 而春秋已富,或貌甚不揚,則亦不敢勸。即使富家矣,年少而容美矣,然娘是明媒正娶,不幸而做了斷 釵破鏡,乃守節不移,此是綱常倫禮之正,則又不敢勸。今聞錢公子不過是一言之私訂,反不若程郎有 二百金之聘儀,即思錢之情重,然以程郎待娘何如?至其家月餘,未嘗聞用強凌逼,每每市綾羅,購珠 玉,委曲以奉娘歡,其情情眷眷,又何深也。若娘堅執不從,萬一程郎怨恨,將娘另嫁一個蠢劣兇惡之 徒,那時節又怎能保全貞操?此是老身藥石之言,惟娘三思,勿貽後悔。」友梅謝道:「仰辱厚情,妾 當銘骨不朽,若要土梗盟言,改弦易操,雖使儀衍復生,吾志斷不能回矣。」孫嫗乃不悅而退。   無何已屆中秋,程生暗地著人將菱藕芡實,兼灸鵝火肉、鮮魚月餅之類,陸續送來。將晚又著人送 至湖白酒四瓿。友梅以葷餚瓿酒,一半賞與著房夫婦,一半饋於孫嫗,自己只吃藕菱芡,烹茶而啜。是 夜萬里長空,毫無片雲遮絮,俄焉推起一輪皎月,清光如畫。其杭城賞月之盛,真是家家弦管,戶戶笙 歌。只有友梅凝妝靜坐,作《風吹柳》一章,寓意以謝程生。詩曰:   灼灼園中花,詎無桃李姿。   好風是何意,偏吹楊柳枝。   相扶固雲陋,貞信恆自持。   莫怨柳情薄,只因風吹遲。   願為華陰雀,銜環報恩私。 友梅將素帕一方,題詩方訖,忽聞譙樓已打二更,四壁悄然,只有風聲唧唧。友梅嘆道:「梅山之 言謬矣。」俄而窗外一聲桐響,仰首視之,則見一人立於庭下,頭戴氈笠,身穿箭衣,年可四十,形軀 秀偉,進前謂友梅道:「俺承梅山之託,特來相救,玉漏已半,幸勿遷延。」友梅且驚且喜,忽搖手令 其勿言,低聲應道:「有守房夫婦,寢於外廂,倘被知覺,反為不美。」那人便不開口,背了友梅,逾 垣而出。其步履如飛,瞬息之間,到了一個宅宇。   原來那人即在昭慶寺東、賣雨傘的張仰坡隔壁,賃一所廳房作寓。友梅方進儀門,遙見堂上,列炬 輝煌,丫環五六,簇擁著兩個美姬,出來迎接。友梅見有內室方纔放心,那人進去,換了方巾出來,重 與友梅施禮。友梅再拜而謝道:「小妾不幸,陷身匪類,仰承君子,仗義相扶,使妾得與錢郎重遇,現 出二天。願聞高姓大名,以便鏤之心骨。」那人答道:「俺有姓無名,人但呼為申屠丈,曩與錢郎在虎 丘梅花樓上,曾會識荊。昨晤梅山兄,備悉趙娘貞操卓然,俠俺不勝欽敬。至於移花接柳,匡難除兇, 乃區區恆事耳,何足沾齒?」言畢,即令擺列筵席,款待友梅。申屠丈自到後房飲酒,只留二姬陪酌。 既而斗轉參橫,將次雞鳴而息。   次日,梅山老人亦來探望,友梅慌忙出謝。申屠丈因從容問道:「趙娘貞行,雖已略知一二,其與 錢郎聚散始末,尚乞賜聞。」友梅便把前後事情,詳細說了一遍。申屠丈聽罷,拍案大怒道:「裴玄那 廝,危於朝露,也不必話了。至於趙鴇不仁,若不殺之,難消此恨。」友梅道:「趙母恩養數年,亦不 足怪,惟恨惡叔宋鈳,將奴哄賣為娼,以致受諸茶毒,真堪痛入骨髓。」申屠丈便問:「宋鈳今在何處?」 友梅道:「住在廣陵新城,因做人兇狠,人都稱為宋黑虎。」申屠丈即喚:「真真兒何在?」喚聲未絕, 忽見一人,立在階下,身長七尺,腰闊數圍,鳳目彪形,黃須黑臉,向前應聲喏道:「主公有何鈞諭?」 申屠丈道:「今有廣陵宋鈳,為人殘暴殄義,與爾匕首,為我速取頭來。」真真兒應了一聲,霎時不見 。申屠丈悄謂梅山道:「中原賊星甚熾,將來國祚傾危,道兄夜瞻乾象,亦卜其數之遠近否?」梅山道 :「只在二十年內,天下便當鼎沸,所恨老夫年邁,不及見君輩匡時之略矣。」   二人閑話,未及兩個時辰,真真兒已回,手提一顆人頭,鮮血淋漓,擲於階上。申屠丈令友梅向前 識認,友梅舉目一觀,嚇得魂驚心悸,移時不能開口,只把頭點。申屠丈向葫蘆內,取藥一丸,傅在頭 上,頃刻化為清水。因謂友梅道:「我這真真兒,一日一夜能行萬里,俺令他把天下無義漢子,共誅了 四十九人,連今日宋鈳,湊成五十。」友梅聞說,心益竦然,即斂衽致謝道:「妾承二位洪恩,既拯於 陷溺,復雪其大仇,但妾在此攪擾不安,倘即送往姑蘇,早晚得與錢郎相會,尤為恩便,沒齒難忘。」 申屠丈笑道:「趙娘不須性急,那錢郎雖脫囹扉,己被夫人遣往白下,只在冬初更有一場大難。俺今訪 友燕京,即於便路解救。子留敝寓,自有二妾奉陪。兼以梅山在邇,雖使程生追究,足保無虞。」友梅 遂不敢再言,申屠丈忙令左右置酒話別。既而半酣,二姬共聯一絕,以當驪歌。詩曰:   陰雨丹楓晚送君,休將別淚染榴裙。   一聲清肅卻何處,鶴背俄驚萬里雲。   二姬吟畢,申屠丈斟滿巨杯,送與梅山,自亦立飲二爵,遂與友梅相別。梅山亦便起身送出。要知 友梅與生,何時方會。   申屠丈此去,如何救難,且待下回,便知分曉。 第七回 傳情錦字為憐纔   詞曰:   香閨深掩暮雲低,家在鳳城西,好風吹起相思夢,因簫史,弄玉心迷。潛出秀幃一面,暗將錦字重 題。怨歸心去逐鷓鴣啼,才子為情羈。客中未及明珠騁,意惆悵,幾度沾衣。菡萏花須並蒂,鴛鴦鳥詎 孤栖。    右詞寄《風入松》   卻說錢生,自在無錫與崔、李、陸三子分袂,帶了紫蕭,向前進發,一路淒淒涼涼,想起友梅,恩 愛方深,忽被一場橫禍,以致兩下分離,又苦又恨,每每對月長吁,臨風墮淚。過了數日,方抵金陵。 因天晚不及入城,即向客寓過宿。次日咨訪店主,知范太守住在聚寶門內大街,令紫蕭算還飯錢,沿路 問至范宅。只見室宇蕭然,門可羅雀,那管門的,詢知蘇州錢公子,不敢怠緩,即忙請入前廳,一面著 人進內通報。錢生徘徊細看,果然收拾精雅,中間掛一幅孫雪居寫的《山陰訪戴圖》,上有一匾,是「 芝秀堂」三字,乃雲間董玄宰先生題贈。瞻玩未完,范公已整衣出見。錢生以年侄,不敢當客禮,再三 謙遜而坐。范公見生舉止安徐,儀容秀韶,心下十分愛重。寒暄方畢,又將家事一一細問。錢生言辭敏 瞻,應答如流,范公益肅然起敬道:「憶自令先尊仙逝,老夫清酒臨吊,一見賢侄,不覺倏又長成如此 ,洵乃宗廟瑚璉,奚啻謝家玉樹。」錢生道:「老年伯宏猷碩望,正宜股肱明廷,何乃急流勇退,以尋 竹塢花坪之樂?侄恐太傅不起,其如蒼生何?」范公道:「老夫蹇材拙運,故歷官二十年,僅至郡守, 若再貪戀雞肋,豈不為鄧禹笑人?況西河抱戚,老淚幾枯,益覺紫霞念長,紅塵計短矣。」錢生喚過紫 蕭,取出回書,雙手遞上。范公亦即傳命,請出夫人相見。   少頃,蘇老夫人出來相會,錢生備致老母譴候之意。夫人亦殷殷致問起居,拆開回書,與范公看畢 ,范公欣然而笑道:「若得賢侄在此下帷,使老夫朝夕得聆珠玉,尤為深幸。」於是置酒款待,延生進 內,飲於凝芳閣中,夫人亦出來陪敘,命侍女紅蕖行酒。錢生偷眼視之,輕霞暈頰,秀髮齊眉,也有幾 分姿色,想起秋煙,不覺情意淒其,幾欲淚下。范公酒量甚寬,見生能飲,其興益豪,乃以巨觥對酌, 直至更闌,痛醉而散。即以閣之東廂,為生寢室。方生飲酒時,見繡簾邊,雲鬟半露,嬌艷非常,時來 窺覷,錢生意是公之騰,及歸房。紅蕖以茶捧至,因以訊之。紅蕖道:「此乃小姐珠娘也。」錢生又問 芳春幾何?答道:「十七。」復問受聘未,紅蕖搖首含笑而去。錢生既已酩酊,又值心緒不佳,漸覺酒 涌上來,和衣睡倒。俄而紅蕖復至,喚醒生道:「小姐恐郎君酒後口干,特奉涼瓜以沁喉吻。」生笑謝 道:「承小姐投我以木瓜,愧無瓊琚之報,煩小娘子為我多多致謝。」紅蕖既去,錢生獨坐,悄然把殘 燈剔亮,見幾上有花箋一幅,乃吮毫作詞一闋。詞曰:   昨夜碧紗窗靜,拾得相思一枕夢。忽到羅浮,卻被紅兒推醒。心耿心耿,不見玉梅花影。    ──右詞寄《如夢令》   蓋寓懷友梅之意,折為方塊,置於硯匣之下。至曉起來,與范公相見,同吃早膳畢,謂公道:「家 叔推任山東,荒塋在邇,欲去一拜。」范公欣然遣儼平引道。錢生去後,忽王太常遣使,邀賞荷花,公 不能辭,午前即去。   原來范公諱耿,止生一子一女,子名朝瑛,已在開封任上,患疾而亡,故公有西河抱戚之語。其女 性敏慧,工琴書,真有班妃、易安之纔,生就沉魚落雁之色。因夫人初孕時,夢見仙女授以明珠一粒, 故以夢珠為名。及年三歲,有道人見之,謂乳媼道:「此子異日敏巧絕人,有以明月珠為聘者,方可妻 之。」言訖,已失道人所在,公益奇之,是以遴選東床最難愜意,既要纔與貌兼,又須夜光照秉,雖巨 族名門,屢求庚貼,而公莫之許也。   其夜錢生坐在席上,珠娘潛於簾縫窺之,退謂婢女蓮香道:「天下倩美之士,後有如錢郎者乎?」 既而紅蕖來備述錢生所問之語,珠娘笑道:「郎真狡獪,豈亦覷見我耶?」復令紅蕖送瓜以覘生。及次 日,錢生既去探叔,范公亦即赴席,珠娘瞞了夫人,與紅蕖悄悄的潛入生之臥房,見其琴劍書笥,文房 器玩,無不珍美。忽於硯匣邊,有花箋微露,取而觀之,乃《如夢令》一闋,諷詠數四,知其別有寓託。 然時方季夏,不能喻:「玉梅花影」之句,乃展開花箋,楷書二絕於後。   詩曰:   靜幾明窗日到遲,牙簽相伴下帷時。   江郎莫負生花筆,留向春閨學畫眉。   其二:   菡萏初開香滿池,何須更憶玉梅枝。   彩箋詞比琴心怨,借問相思為阿誰。   寫畢,仍折為方塊,藏於硯底而出。至暮生歸,記起前詞,恐為范公所見,將欲藏於筐中,展開詞 尾,忽見小楷數行,字畫端勁,真有顏筋柳骨。及細味其詩,則又暗託芳情,並寓觀諷,心下狐疑,竟 不知是何人所作。俄而紅蕖以瓜李送進,錢生即以箋詩問之。紅蕖笑道:「昨夜令妾送瓜的是誰,則做 詩之人,從可知矣。」錢生驚喜道:「既是小姐的佳句,小生當珍為至寶,飢則以為食,渴則以為茶, 坐而哦、睡而諷矣。」紅蕖戲道:「見了詩句,就是這樣寒酸,若見了小姐的花容,只怕郎君還要嚥許 多饞涎哩。」言訖,帶笑而去。錢生復將二詩吟哦了數遍,嘆息道:「吾則道天下有纔有色的佳人,只 有一個趙友梅了,誰知又生一個范小姐,使小生獲睹此詩,好不僥幸也。」當夜無話。明日公謂生道: 「昨日王梅川邀請工部主事呂玄卿賞荷,並來邀我,偶在席上,談及令先尊,他因說賢侄與裴孝廣有隙, 前日特為寫書勸解。如果有此事,賢侄既在敝居下帷,須去面謝,此老雖不可交,然禮亦不宜疏闕。」 錢生雖受母戒,然以公命,即往投刺。只見門第赫奕,僮僕如雲,往來車馬,絡繹不絕。等候了半日, 方得進去,坐在廳上,又有一個時辰,方見梅川科頭跣足,手搖羽扇,慢慢的踱出來。及見錢生,又假 意說「容取巾服」,錢生一把拖住,梅川便拱手道:「溽暑中衣冠久廢,只得欠禮了。」錢生婉款伸謝 梅川,惟略敘寒溫而已。須臾茶畢,錢生起身告別,梅川亦不挽留。纔下庭除,即一拱道:「幸恕褻衣, 不及遠送了。」錢生意甚怏怏,殊悔多此一來。歸之語公,公哂道:「此乃小人得勢之態耳,何足介懷?」 正在慨嘆間,忽見一個長老進來謁見,公即降階而迎,相待之儀,十分恭敬。顧謂生道:「此位乃清蓮 庵寂如上人,戒律清恪,乃方外椒蘭也。」錢生見其修眉方耳,瀟然有出世之姿,亦肅然起敬。那寂如 長老,講起妙諦,滾滾如貫珠,真能使天花亂墜。臨別袖中出一綠薄道:「小庵新塑一尊送子觀音,尚 少數金,乞檀越助成善事,功德無量。」范公欣然允諾,又留吃素齋,然後別去。自此錢生日在窗下, 惟把友梅所寄之書,時時展誦。誦畢,又將夢珠二絕,又復吟哦。一連十餘日,送茶捧飯,俱是小婢山 茶,而紅蕖久不見至。錢生悶悶不悅,作詩一絕,以抒幽懷。詩曰:   欲寄相思少便鴻,新愁更比舊愁濃。   羅幃咫尺猶難見,何況行雲無定蹤。   卻說夢珠小姐,自那日窺見錢生之後,刺繡渾慵,懷思不置,有時雕欄斜倚,脈脈無言﹔有時鸞鏡 半窺,悠悠凝想,不覺眉山鎖翠,金釧俄松,惟有紅蕖深解其意,乃勸慰道:「小姐是千金艷質,老爺 又選擇門楣,怕沒一個風流快婿?何乃注念錢郎,以致憔悴至此?」珠娘喟然長嘆道:「是非爾所知也。 我嘗誦詩,至桑中淇上之約,未嘗不丑其行,豈肯躬蹈之乎?只因世人,有纔的未必有貌,有貌的未必 有纔,如錢郎之貌,固不待言矣,前日爹爹嘗把他的課藝進來,我細細覽閱,文辭秀雅,格局高華,黃 鐘大呂之音,白雪陽春之調,以此出戰,誠掇巍科而有餘。若錢郎者,所謂昆山之壁,價值連城﹔北海 之鵬,程搏九萬者也。我每欲潛出一會,以觀其意,奈夫人嚴於拘束,跬步不離。雖婚姻之事,主在椿 萱,然可託終身亦須斟酌。當此之際,誠不能不為之耿耿耳。」紅蕖道:「小姐敏心卓識,信非奴輩能 窺,但夫人拘管雖嚴,何不潛賦一章,待紅蕖送去,以探錢郎之意何若?」珠娘凝思良久道:「汝言亦 是。」乃以薛濤箋,賦七言近體一首。詩曰:   倚遍雕欄每倦吟,近來愁壓黛眉深。   花源已泛劉郎棹,銀漢休辜織女心。   詎謂藍田無美壁,可能煙島擬文禽。   玉人若喻詩中意,莫吝瓊瑤惠好音。   紅蕖接詩欲行,珠娘又叮囑道:「切須謹慎,不可漏泄與夫人得知。倘錢郎有甚話說,急來回復。」 紅蕖乘間走出凝芳閣來,錢生正在倚柱咿唔,見了詩箋,即展開細看。嘆道:「吾固知小姐情深,若得 為比翼之鶼,連理之樹,餘之願也。但有一腔心事,必須當面訴聞。小姐既不吝瑤篇贈我,更不知有須 臾之閑,使鄙人得睹芳容否?」紅蕖道:「郎君要見小姐,何不也做一詩與我捎去?」錢生即取碧筠箋, 次韻一首,折做同心方勝,付與紅蕖。紅蕖得了詩箋,即忙回報珠娘。珠娘接來視云:   書幌淒其久廢吟,粉垣雖隔兩情深。   欲援綠綺聞芳耳,難託青鸞訴苦心。   蘿蔓抵慚依玉樹,雲街何日效鶼禽。   彩軿肯自瑤臺下,重倚朱欄待好音。   珠娘又問道:「錢郎還有何言?」紅蕖道:「他道有一腔心事,必要與小姐面談。」珠娘笑道:「我 亦欲圖一見,以決終身,其奈夫人何?」紅蕖笑道:「我有一計,只要用著蓮香,不知小姐以為何如?」 珠娘道:「汝有何策,第為言之。」紅蕖道:「明日老爺約定呂工部,要到牛首山、燕於磯諸境隨喜, 想必信宿而回。乘此機會,何不令蓮香假充小姐,與那錢郎一晤?面上雖有了幾點麻兒,只須多擦些粉, 金蓮略大些,把那繡裙放下,也可隱瞞。小姐欲訴的衷腸,說與蓮香念熟,若錢郎說甚心事,只消含糊 答應,以待小姐自己主裁,另行回話。只要把夫人陪住在房,待紅蕖伴著他,悄悄出去,此計何如?」 珠娘莞然而笑道:「不謂汝倒有陳平之智,只怕蓮香不肯。」紅蕖道:「以小姐之命,諒他不敢違拗。」 珠娘即時喚過蓮香,以此語之,蓮香點頭微笑。於是紅蕖復至書房回復。   次日清晨,范公果別生而出,將及黃昏時候,珠娘把那珠衫繡裙重熏蘭麝,換與蓮香,妝束齊整, 宛然是個閉月羞花的小姐。紅蕖跟著,嫋嫋娜娜走出東廂來。錢生憑欄凝盼,但見月上梧梢,猶未見至, 悵然道:「豈其謬耶?」俄聞竹屏之外,足音跫然,只見紅蕖隨著小姐,已翩翩而至矣。錢生喜躍趨迎, 深深一揖,堅欲迎入書館,蓮香固推道:「即此共談片晌罷。」遂拂石而坐。即蓮香原有幾分姿色,兼 以星月之下,轉覺婉然動人。錢生笑謝道:「小生以萱幃之命,覲候尊親,不意緣契三生,遂獲簾邊半 面,然自料弇末之夫,何足以配仙質。忽承小姐贈以瑤箋,使鄙人喜出非常,感深五內。」蓮香述小姐 之意以對道:「妾聞婚姻之事,冰人言之,高堂主之,非兒女子所當私議。但以君子惠中秀外,學究天 人,信乃曠世難逢,何可失之當面。故不恥自媒,輒敢以蕪蔓之詞,謁其鄙誠。倘君子不棄葑菲結以秦 晉,妾得躬執箕帚,幸莫大焉。」錢生太息道:「過承小姐錯愛,豈不欲即求偕老,但心有隱憂,未也 輕許。」蓮香道:「郎君有何心事,不妨為妾言之。」錢生道:「實不相瞞,小生與維揚妓女趙友梅曾 有夫婦之約,今雖風流雲散,相會無期,然言猶在耳,若即寒盟,是乃鮮情薄倖之徒,不惟友梅罪責, 即小姐亦必我尤矣。然執守前言,以負小姐一片美情,則又眷戀不忍,際此兩難,故欲面商之耳。」蓮 香未知小姐之意,不敢妄對,但唯唯之而已。紅蕖惟恐夫人呼喚,連聲促回。蓮香臨行,復謂生道:「 門客許翔卿,與家尊至契,郎君若以作伐求之,則姻事可諧矣。」言訖,瓊珮珊珊,翻然而逝。   錢生佇望久之,黯然魂失。因蓮香語意含糊,惟怕好事之不成也。乃以衷曲懇於翔卿,翔卿即轉達 於范公。范公道:「錢郎纔貌絕佳,可稱快婿,但弱息幼時,曾經異人相道,有以明珠為聘者,方是夫 妻,故求婚雖多,者夫惟恐不是姻緣,未敢輕諾。若錢郎果有明珠,老夫無不依允。」翔卿又以公言復 生,錢生雖係宦家,然火齊木難,世不常有,聞之殊覺怏怏。俄而節屆中秋,范公設宴,以請呂工部, 亦邀王太常相陪。呂玄卿自恃少年科甲,睥睨一座,旁若無人。然生亦軒軒霞舉,雅言雋語,辯若懸河 ,范公又欲顯生之才,授以紙筆,令生作詩。錢生承命,即書二絕。詩曰:   長河澹澹碧雲收,秋色平分月到樓。   莫謂勝情惟瘐亮,於念不數晉風流。   其二:   遙空群籟靜無聲,雲外天香滿鳳城。   可惜清樽雖共賞,嫦娥應笑未成名。   初時王梅川待生甚倨,及見詩,方卓然獎異,遂欲以女妻生。次日,親來謝宴,即浼公作伐,公欣 然應允,遂以告生。錢生堅卻道:「煩老年伯善為侄辭,此事斷難從命。」原來公與夫人,愛生纔貌, 甚欲得生為婿。因以明珠一言,猶豫未決。及見錢生不允梅川,心中大喜。過了數日,梅川又遣人致書, 公拆開視云:   弟初見九畹,以其年少輕佻,意甚忽之,及叨盛宴耳,其燦花之論,使弟爽然自失。以彼其纔,異 日燕臺市駿,誠良樂之所急也。小女摽梅待賦,欲託紅絲,惟藉年兄執柯,則錢侄必無推阻。前已面抒 鄙懷,未審鼎言轉致否。肅此再瀆,佇俟回音。   范公回書,不與生看,即便寫書回復。又過了兩日,正與錢生講論經史,忽見門公慌忙報說,工部 呂老爺來望。公謂生道:「玄卿此來,是為吾侄姻事矣。」錢生道:「若為姻事,全仗老伯委曲回之。」 范公點頭而出,與玄卿相見,各敘寒溫畢,玄卿道:「王老先生有一淑愛及笄,欲招貴年侄九畹為婿, 特喚老先生作伐,此乃美事,何老先生回書推託?梅老十分不悅,念又央某進宅相求,惟老先生玉成為 妙。」范公道:「此因敝年侄以不奉母命為辭,在僕豈能專主。」玄卿道:「既如此,可請九畹面談。」 范公即著人請出錢生相見,邀玄卿到書房待茶。玄卿踱進書房,靠窗案上,有紅箋一幅,范公急欲收拾, 已被玄卿看見。范公笑道:「此乃小女看月之作,不妨請政。」玄卿接來觀之,乃七言律一首。詩曰:   碧梧金井暮煙收,露濯清輝照入樓。   靈藥又逢銀兔搗,塵思不起素娥愁。   羅衣借鑒簾須倦,團扇翻題句自幽。   看到夜分人靜處,塞鴻遙送一聲秋。   玄卿誦畢而贊道:「令愛有此詩才,不在班謝之下矣。」言未既,錢生肅容出見。玄卿道:「九畹 兄高纔絕俗,王小姐美貌無雙,此乃天付良緣,九畹兄不可固卻,以負王老先生一腔美意。」錢生答道 :「謬承王老年伯厚愛,晚生焉敢推辭,但老母在堂,未曾請命。晚生自幼又發一個痴想,不弟春闈, 誓不聘娶。況因先君早喪,家業飄零,雖有睹巢之思,實無白璧之聘,今以王老年伯,高門鼎族,何患 無乘龍佳客,而必以某之學疏纔淺,孑然瑣尾之士哉?」玄卿道:「既係是年家,又是太常公門第,也 不為辱沒了兄。況聞春間被獄,若非王老先生出書解救,吾兄豈能安然無事?今以好意聯姻,故作客談 推卻,且下梅翁起服北上,不惟魏公待以腹心,又與裴司馬橋梓至厚,吾恐拂逆其意,禍不遠矣。」錢 生道:「詩不云乎:『娶妻如之何,必告父母。』今王老年伯,國之大臣,豈不欲令人克全倫禮,而忍 以威勢劫之哉?」玄卿見生不允,又見范公默默無言,遂勃然變色而別。錢生退入書館,低首自思:友 梅不知下落,珠娘姻事難成,欲歸無顏見母,欲留又恐梅川尋事加害。左思右想,悶悶不悅。忽見紅蕖 走至,以片紙付生道:「小姐所命也。」錢生接來一看,不覺變愁為喜。   要知范小姐紙上寫的是何言語,下回便見。 第八回 觸怒權奸因卻婿   詩曰:   酌酒與君君自寬,人情翻覆似波瀾。   白首相知猶按劍,朱門先達笑彈冠。   草色全經細雨濕,花枝欲動春風寒。   世事浮雲何足問,不如高臥且加餐。    ───右《酌酒與裴迪》   話說錢生正在憂懣不悅,忽值夢珠小姐差紅蕖以數行持至,錢生接來細看,那紙上寫道:   前夕晤君,聞已許聘趙氏,若然,妾願居其次,因家君燕子磯回,雲在關帝廟中遇一申屠丈,天下 異人也。子若竭誠往謁,或者明珠可求。至於王太常,品行不端,但宜婉曲辭婚,慎勿直遂,以取莫怒。 自今以後,妾之身,付在君矣。幸亟圖之。   錢生覽畢,不勝欣忭道:「小姐不但深情,兼有敏識。曩時申屠丈曾說:『倘有緩急,不妨謀諸我。』 那梅山老人又道:『遇珠則圓。』這段姻緣想有幾分可就。然非小姐裁示,幾乎忘矣。」遂帶了紫蕭, 直往燕子磯關廟訪問。廟祝道:「相公莫非姓錢麼?」錢生怪而問之,廟祝道:「申屠丈先生臨去時, 囑咐小道云:『三日後,有一位姑蘇錢秀才來訪,可對他說,須到東昌相會。』」錢生大驚道:「申屠 丈可謂神矣。」想起堂叔錢一鶴,正做東昌府知府,不如乘此機會,到彼省候,便可以從容尋問那申屠 丈了。主意已定,回到書館,請見范公道:「不肖執意辭婚,梅川年伯必然見罪。今有家叔蒞任東昌, 意欲暫往省謁,俟王年伯服滿進朝,再當趨侍左右。」范公大悅道:「賢侄所見不差,但途中須要保重。」 遂即庀藻作租。至夜席散,錢生方進臥房,把那行李收拾。只見紅蕖潛至,持一錦囊付生道:「小姐聞 君遠行,無由面別,特俾妾來,以此不腆為贐。」錢生謝道:「煩乞小娘子致意小姐,小生此去,倘或 得了明珠,不時定聘,乃不可為著小生,憂損花容。」乃撿視囊中,只有紋銀一鎰,其餘俱是金珠,約 值三四百金。錢生把那琴劍書笥,留在其內,只把小姐所贈之貨,並要用物件,俱放在皮匣中帶去。曉 起別公,出門之際,回頭頻望,魂斷意迷,不覺潸然泣下。珠娘一聞生去,玉怨花愁,其相憶之情,不 待言矣。再談呂主事,細述錢生推卻之意,回復梅川。梅川赫然大怒,玄卿笑道:「諒那腐儒薄福,豈 能坦腹喬門。然在老先生,豈患無一嬌客,何必取此迂妄之人哉?比聞闇老有女,四德俱全,何不為令 郎公求此佳婦?」梅川道:「鄙意懷之久矣,因此公清奇簡傲,不近人情,又不知其女可稱淑媛否?」 玄卿道:「昨日親見,范小姐《望月》一詩,請為老先生誦之。」遂朗詠一遍,梅川聽罷,欣然道:「 有此美纔,豈無麗質?但無人可做賽修。」呂主事道:「聞有清士許翔卿,與范老先生至密,不若託彼 為媒,下官亦當從旁相懇。」梅川大喜。無何,已屆重陽,遣僕持柬邀請許翔卿,翔卿接柬視之,上寫 道:   制侍生王芬頓首啟翔卿兄愛下:久懷雅致,未獲識荊,茲屆重九,敝園樓臺崇敞,願與君登高一談, 君幸惠臨。不穀。   翔卿暗忖道:「此公平昔勢利,矜以慢人,今特遣使邀我,其中必有緣故。」欲要推辭,又恐見怪, 只得隨了來使,具名拜謁。梅川一見翔卿,笑容可掬,直延進後園書室,備敘寒溫,少頃,擺列酒餚, 賓主對坐,飲至半酣,梅川從容問道:「闇老近日起居何以?」翔卿道:「范公琴酒陶情,頗得香山池 上之樂。」梅川道:「聞有淑愛,纔色無雙,桃夭未詠,意欲為小兒求聘,吾兄試度其允否?」翔卿道 :「只恐范公不敢仰攀。」梅川作色道:「翔卿何出此語?吾與闇然不惟同年,兼且累世通家,今以兒 女聯姻,乃是一樁美事,故特奉迓玉趾,煩為小兒作伐,事成之日,柯儀必當重謝。」翔卿道:「既承 明公鈞諭,敢不借口舌之勞,以締朱陳,俟與范公求得庚貼,即當回復。」梅川大悅,呼童斟酒,連敬 數杯。臨別,梅川又道:「小兒親事,全仗尊力,並煩致意范翁,不可學那錢蘭小畜生,不識高低,故 為推卻。」翔卿惟惟,作謝而出。不敢遲緩,連夜往見范公。范公道:「彼特冰山作泰山,吾與往還, 尚懼禍及,豈有以女締親之事。明日君去回復,只須依我,如此如此,以辭絕其意。」翔卿領諾。   次曉即至王宅,求見梅川,梅川道:「許君清早惠臨,想必姻事得妥?」翔卿道:「執柯無力,惶 恐惶恐。」梅川即變色而問道:「豈闇然有所不允耶?」翔卿道:「范公非敢不允,只因小姐三歲時, 曾有異人相道,此兒福薄,議親不可太早,早則不壽。須到二十歲外,有以明月珠為聘者,方是夫妻。 故議親雖多,范公一概不敢許諾。特浼小可致謝厚忱,異日尚要踵間荊請。」梅川大怒道:「明明欺我, 造此胡言。我今日方知那錢生不允親事,也是他的主意。罷罷,拚我這窮太常,與他做一個對頭。」又 叱翔卿道:「我好意做成汝做媒,誰料汝也不知人事,為他捏造虛辭,特來誑我。」翔卿再欲開口,梅 川已氣沖沖的踱進屏後去了。翔卿滿面羞慚,回達范公,范公道:「由他發怒,我巴不得與他絕交。」 正在談論,忽見呂主事差人下書。公拆書細看,單為王太常求親一事,中間指陳禍福,無非迫抑公允從 的說話。范公擲書於地,微微冷笑道:「鄙哉,玄卿!真小人也。我老范錚錚傲骨,豈為社鼠恐嚇耶?」 那遞書的在門首等候半日,不見回書,含怒而去,報與玄卿。玄卿十分不快,即時往見梅川。梅川道: 「范褧公不允結親,毫無情面,我欲尋事害之,君謂計將安出?」玄卿道:「老先生榮行在即,俟進京 之後,設計中傷,有何難哉?」梅川搖首道:「怎耐得這許多時?」玄卿道:「既要速行,更有一策, 我聞裴大司馬,初為淮揚鹽院,被闇然彈了一本,已成不解之仇。老先生何不捃摭其過,修書一封,送 與司馬,則司馬必信公言,而老范難免不測之禍矣。」梅川大喜道:「此計妙絕。」即央玄卿起稿,星 夜遣人北上。且不說王、呂安排陷害,只可惜范公不知禍患臨身,猶以絕交為幸。正是:   灶突已煙上,燕雀猶未知。   且說范公有一嫡侄,諱斐,字文甫,年踰弱冠,以恩例為國子監監生,自朝瑛沒後,公即承繼為嗣。 一日偶從府前經過,聞得衙役人喧傳說道:「聖上差下校尉,要拿一位鄉宦。」范斐挨身相問,正問著 王太常的家人,那家人也不認得范斐,隨口應道:「要拿做開封府太守的范闇然。」范斐聽了大駭道: 「那范太守居官清正,居鄉仁善,犯著何罪,聖上卻要拿他?」那人笑道:「這是朝廷的主意,我們哪 裏曉得。」   范斐驚得面如土色,飛報范公。話猶未畢,只見許翔卿疾趨揮汗而至道:「風聞校尉到府,雖未開 讀,外人紛紛俱說為著明公,雖未知真假,不得不來相報。」公方大驚道:「我任開封二年,雖無功德 及於百姓,未嘗得罪於朝廷,不知皇上拿我,為著何事?」   正欲遣人偵探,忽報呂爺來了,范公慌忙迎入。玄卿道:「闇老猶未知麼?適聞官旗到郡卻為著老 先生,我想朝廷之上,權重的莫如大司馬裴公,與裴公至契的,莫如王梅老。今老先生遭此奇禍,據下 官愚見,何不將令愛小姐,連夜送過王宅成親,待王老先生進京,求救於裴公,則天威可解,而身家可 保。」范公道:「謹謝厚愛,若范某無罪,則聖明自然息宥﹔如果悖逆不法,這是獲罪於天子,豈媚於 奧灶所能免乎?」玄卿道:「老先生只因性氣躁直,所以見嫉於人,仕途坎凜,今當禍患已成,猶依然 執拗,只恐廷尉未必於公,九重高而難吁,不聽僕言,悔無日矣。」范公道:「與其在己以幸免,不如 守正而待命,緹騎一來,某即含笑而去矣。」玄卿知事不諧,即起身告別。   范公忙喚范斐商議道:「吾料禍根必起於梅川求親不遂,此老奸險異常,我若被逮入都,家內無人 ,他還要尋計毒害。汝今晚帶領叔母、妹妹、並汝妻子,悄然出城,明日五更,即僱船直走姑蘇,暫避 在錢老夫人家下。」又向翔卿道:「君以家事清寒,斷弦未續,我有使女蓮香,每欲備奩贈君,遲遲未 果。今臨不測之禍,死生難料,君可速喚肩與,從後門抬去,以遂我之初心,幸勿推卻。」翔卿頓首泣 謝。公即進內,與小姐訣別道:「汝兄夭歿,所以承顏膝下者,惟汝一人。滿望贅婿,使我兩人暮年有 靠,誰料誤聽明珠一語,遲延至今,竟以求聘不遂,遭了王賊之害。我今進京,萬一皇天憐我,無罪或 得生還,與汝尚有相見之期。只怕群奸布網,天欲絕我,或斃在獄中,或受刑西市,則我父子自今一別, 永無再見之日了。我也無所囑,惟承事母親,比我在時尤宜孝順。待錢郎一歸,即諧伉儷,事夫敬姑, 若能各盡其道,則汝父雖在九泉之下,庶幾瞑目矣。」小姐聽罷,登時哭僕在地,哽咽不能出聲。范公 又謂夫人道:「本欲與卿白頭相守,奈何同林之鳥,大限各飛,若到姑蘇,切須照護女兒,伺錢郎東昌 一回,不必明珠,即完了女兒姻事。至於家業,夫人自能料理,吾亦不及備細叮囑。」夫人道:「相公 保重。」剛剛說得半句,即淚如雨注,放聲大慟。左右女婢,無一人不墜淚者。公雖天性剛烈,亦覺淒 然傷感。分咐未畢,校尉已至門首。小姐牽住公衣,大哭道:「爹爹為孩兒被禍,孩兒不能學那緹縈女, 上書叫屈,不如死在膝下,做厲鬼以報冤。」范公再三撫慰道:「我為父的,不得罪於國家,到京自能 申辨,汝不必過為無益之悲。」外邊催喚甚急,怎奈小姐牽住不放,公遂絕裾而出。   是夜拘禁公館,次日把聖旨宣讀,即以檻車押赴長安,親戚故友,並無一人探望,惟有老僕金元隨 身扶侍,可憐仁厚惇愨,如公見幾而作,已退歸林下,猶不免於睚眦之辭。君子於此,每為之三嘆焉。 夫人、小姐當晚收拾細軟,同著范斐夫婦,一路悲傷,自向蘇州進發。翔卿得了蓮香,即諧花燭,蓮香 泣道:「范爺為人剛方正直,所以小人嫉惡。今被逮入京,料必兇多吉少。平昔解衣衣君、推食食君, 妾見其厚君者至矣,君獨漠然,不以為念耶?」翔卿嘆道:「范公遇我甚厚,其如事關朝廷,力不能救 耳。」過了數日,蓮香復說翔卿道:「王太常託君為媒,君順了范爺而違逆其意,今范爺已被不測之罪 ,所謂脣亡齒寒,禍及己身耳。故為君計,不如收拾到京,兼打探范爺消息,公私兩得,不識君能從否?」 翔卿自肯道:「賢妻之言,深為有理。」於是治裝北上不題。   且說錢生便默默然跟了紫蕭迤邐出城,只因思憶小姐,心裏搖思。一回忽念著老夫人,未審安否如 何?一回又想起趙友梅,不知移徙何處﹔屈指秋姻懷娠已經七月……真是離愁種種,別緒悠悠。況此時 恰值秋末冬初,西風蕭瑟,木葉紛脫,碧空嘹亮,每逢過雁哀鳴,黃菊凝霜,遙見孤村野店,滿目淒涼, 越添情況。有昔賢一詩為證。詩曰:   衡門無事閉蒼苔,籬下蕭疏野菊開。   半夜秋風江色動,滿山寒葉雨聲來。   雁飛關塞霜初落,書寄鄉山客未回。   獨坐高窗此時節,一彈瑤瑟自成哀。    ───右《秋日即事》   玉河楊柳已蕭蕭,羈思逢秋轉寂寥。   親舍每疑雲外近,長安翻覺日邊遙。   浮名肯似蓴鱸美,壯志寧隨皮肉消。   自笑行藏渾未卜,巫陽堪問竟誰招。    ───右《秋日書懷》   離城約有十里之外,忽聞樹林中有人問道,「錢居士何往?」錢生驚訝道:「此處並無相識,卻是 何人喚我?」回頭一看,有些面熟,遂即下馬相見。只因遇上那人,使錢生幾乎化做橫亡之鬼。   畢竟喚者何人,且聽下回便知。 第九回 投蘭若俠客除兇   詩曰:   山頭禪室掛僧衣,窗外無人溪鳥飛。   黃昏半在山下路,卻聽鐘聲連翠微。    ───右《過初池》   說那喚生的,果是何人?乃青蓮庵寂如長老也。錢生去心如箭,只在馬上拱手。那寂如長老隨上里 許,殷殷相懇道:「茅茨咫尺,請告一茶。」錢生感其意切,跳下雕鞍。寂如合掌,錢生亦整衣而揖道: 「不佞行色匆匆,過承上人見屈,浮生有幾,願偷半日之閑,但不知此去寶剎,還有多少路程?」寂如 以手指道:「過了小橋,前面竹林之內,便是荒居。」遂攜手同行。   不及半里已到庵前。門扉之外,一泓碧水,桃柳成行,扉上一聯是摘唐人詩內「山光悅鳥性,潭影 空人心」之句,字劃遒勁,即范公所書也。進入庵門,但見曲徑清幽,朱欄窈窕,蓮座邊貝葉閑披,寶 鼎中香煙遙散,好一個精雅禪室。有昔賢詩為證。詩曰:   不知香積寺,數里入雲峰。   古木無人徑,深山何處鐘。   泉聲咽危石,日色冷青松。   薄暮空潭曲,安禪制毒龍。   那庵內有一老僧,曰智直者,寂如之師也,寂如以下又有寂通、寂照,頭陀法雲共有五個,惟寂如 是揚州人氏,少習儒書,中年披剃。當下請生進去,與智真等一一相見畢,然後邀入方丈告茶。茶畢, 又請入自己臥房,但見琴掛壁邊,佛懸窗左,紙帳竹床,事事清雅。智真長老忙令寂通剪蔬治齋。錢生 以眾僧禮意綢繆,只得從容坐下。常言道:「趨財奉富,莫如浮屠。」有錢施舍,便是施主檀越﹔滿面 笑容,殷勤接待。你若無錢施與,他便情意淡薄,相知的也不相知了。自己化緣,則雲僧來看佛面,若 俗家吃了他一茶一果,雖以數倍奉酬,心猶未足。當日寂如與生,不過泛然一面,相知甚疏,為何這等 倍常款接?只為范太守所許裝佛之銀,未曾見付。他以錢生與范公年家契厚,欲煩吹噓之力,所以極意 奉承。   須臾齋畢,寂如談起心事,相求轉促。錢生道:「極該遵命,奈有東昌之往,歸期尚遠。吾師便中 入城,何不自往索之。」寂如聽說,一片趨奉之心,頓然厭冷,錢生亦即起身作別。不期紫蕭登廁,智 真又拉生到後邊靜室,瞻禮那新塑的送子觀音,頭陀法雲,獨向齋堂收拾。見了皮匣,用手一提,覺道 沉重有物,眉頭一皺,計上心來,疾忙招喚寂如,附耳私語。寂如笑而不言。你道那法雲,果是何等樣 人?原來是個山東響馬。俗家姓伍名彪,與寂如為中表弟兄。半年前,官兵追捕甚急,暫向空門隱避。 若論其謀命劫財,也不知做了幾千百遭,雖幸漏網,怎奈兇性不改。只為錢生合當晦氣,被他見了皮匣, 驟懷著不良之念,故喚寂如商議。誰知寂如又是佛口蛇心,極貪極毒。初時假意不肯。法雲道:「吾兄 塑這一尊觀音,僅僅百金耳,乃沿門募化,舌敝口幹,不知走了多少腳步,今財物自送上門,反棄而不 取,難為智矣。」寂如道:「只是害他二命,予心不忍。」法雲道:「只消多誦幾卷經文,超度他速生 陽世,便可以功罪相准了。」寂如道:「南無阿彌陀佛!但憑吾弟主意。」於是瞞了智真,又與寂照、 寂通約會停當。等待錢生要行,寂如抵死相留。錢生道:「多謝上人厚愛,敢不少住。但小生此往,急 欲尋一故人,容俟異日返轡,再聆揮塵。」寂如又問:「尊友為誰?」錢生道:「是江湖上一位異人, 喚做申屠丈。」那寂如最有機智,探了口氣,便哄生道:「居士何不早說?那申屠丈向與貧衲至交,只 在早晚,准來會過,方到東昌。居士既要見他,但須留在敝庵,何必崎嶇程路?」錢生信以為實,忙令 紫蕭,取銀發回牲口。紫蕭打開銀包,約有十餘兩碎銀。寂如瞧見,轉覺動火,一面著人整治精潔素餚, 開了一壇隔年陳酒,一面取出自己杜撰的打油詩句,向生請政。其詩不能備載,姑錄一二,以為笑資雲。   《山行訪友》(次弟寂通韻):   日出東邊雨又飄,山前山後草蕭蕭。   蛙如小鼓花間響,竹似長槍風排搖。   幾處田禾農笠戴,數家村店酒旗招。   不知良友居何處,野衲來尋每問樵。   《春日即事》:   芳草沿堤長,老晴三月天。   桃花已紅落,梅子又清圓。   晒衲小橋畔,搔頭曲徑邊。   木魚聲未動,談笑自悠然。   錢生閱未數章,不禁失笑。忽見紫蕭進來,悄謂生道:「寂如的說話,未可深信。頃見寂通、寂照, 不住的交頭接耳。這個所在,荒村僻路,杳隔人煙。觀那頭陀,又生得面目兇惡,未知人心好反,相公 須要主意。」錢生亦驚訝道:「汝何不早說?今已薄暮,只得權宿一宵,明早去罷。」   不移時,紅日沉西,晚鐘已動,寂如燃燭方丈,羅列素餚,請生赴酌。錢生酒量雖佳,乃是隔年窖 下,初飲時,甘而香美,未及數杯,便覺頭目森然。寂通執壺,只管殷殷相勸,紫蕭在旁,頻以目示錢 生。錢生會意,即起身告止。寂如直引到後邊客房安歇。錢生已是半酣,上床即寢。紫蕭即於床側,和 衣寢寐,但聞庭砌寒蜇奏響,反側不能睡去。將及更餘,起身登廁,側耳靜聽,恍若磨刀之聲,心中惶 惑,潛往聆之,只見頭陀法雲,袒褐蹲地,手中磨刀,有四尺餘長。驚得冷汗浹背,疾趨進房,搖喚生 醒,告以所見。生從夢中驚起,魂魄俱喪,忙問道:「此有後門乎?」口中雖問,奈何牙齒岑岑相擊, 雙足酸軟,寸步不能移徙。紫蕭已探知後路,負生於背,啟戶而逃。將及里餘,遙望樹林中,火光閃閃 ,趨往叩門,內有一婦,應聲而出,怪問道:「若輩中宵奔,恐非良善君子。」紫蕭放生於地,搖手道 :「汝勿揚聲,此乃家主,適為賊僧劫害,暫向汝家躲避一宵,容當厚謝。」那婦人移火照生,乃一美 麗少年也,暫舒玉腕,扶生進門,笑向生道:「妾家良人,重利遠出,使妾靜守孤幃。天遣郎君寅夜至 此,所謂有緣千里能相會,郎君豈亦有意於斯乎?」原來此婦姓戚,頗有河間之行,寂如每欲私之,而 戚氏固執不允。是夜愛生美貌,欲求倉卒之歡。錢生驚魂未定,豈復措意於殘花敗柳?   俄聞喊殺聲至近,生與紫蕭,方欲出門避去,見法雲橫刀於前,寂如、寂照、寂通俱明火持杖雜沓 而至矣。戚氏以身蔽生,寂如因有宿憾,趨前一杖,法雲復刺一刀,可憐年少蛾眉,悠爾蘭摧玉碎。錢 生雙膝跪下,哀聲懇道:「囊資自在寶剎,願乞饒命。」法雲叱吒一聲,揮刀即剁,錢生只得閉目待刃。 但聞騞然一響,開眼視之,卻是法雲頭忽墜地。一人自梁上跳下,手執匕首,不滿一尺,往來飛刺,寂 照、寂通俱迎刃而斃,只有寂如不知去向。錢生細看那人,面黑須黃,形容古異,竟不知從何而來。又 見尸首縱橫、鮮血飄流,毛骨俱寒,益深觳觫。那人向著錢生道:「郎君不須害怕,吾乃真真兒也,承 主公之令,特來相救。」乃以白練二方使主僕各蔽其首,耳畔但聞江濤洶涌之聲,足下如躡浮雲,又如 憑虛御風,不待移步,而飄然自往。   俄聞呼道:「至矣,至矣。」撤練一觀,乃是一所莊院門首。真真兒輕扣三下,其門自開,一人秉 燭觀書,龍鳳姿容,江河劍俠。近前視之,其人非別,即梅花樓所遇之申屠丈也。錢生驚喜而拜道:「 一自吳閶賤教,迢隔仙凡,注想芝容,徒形夢寐。茲為兇僧覬覦,皆因智之先機。自非玄扈神威,幾乎 魂歸冥漢矣。」申屠丈亦答拜道:「俺自虎林獲遇梅山,便欲訪友燕雲,因以敝事,在燕子磯逗留數日, 極欲會郎一面,又值故人訂期於此。不意郎君受此一驚,雖命中所犯,然文星正現,豈兇禿所能加害也。 但郎遠來訪某,必有所諭。」錢生備以明珠為告。申屠丈拍腦數四道:「若諭別事,可以俄頃如命。至 於夜珠,乃希世之寶,非購之賈胡,索之椒房勳貴,不可得也。然郎特來尋我,敢不竭力求之。此去東 昌,程止四九,郎宜往省令叔,暫留府廨,俟某一獲奇珍,便當面奉。」錢生聽見許允,非常欣喜,又 問梅山行止。申屠丈笑道:「梅山亦為郎君,用了多少心機,他日燕子樓成,慎勿忘那撮合山也。」錢 生雖不喻其意,然亦不及詳問而別。   且說錢公一鶴,字曰鳴皋,夫人米氏,一子錢菘,俱留在家,只攜琴書之任,蒞政期年,口碑載道, 頗有杜召之擬,五桍之謳。一日,退堂閑坐,忽聞雲板傳進,姑蘇十一相公在外。鳴皋聞報,急忙請入 衙中。相見已畢,各敘衷懷。鳴皋深以錢生遠臨為快,細叩學問,談文析理,俱中肯綮,不勝嘆服道: 「一別數載,不意吾侄學業大成,鄧林之木,十霄可望,洵為謝氏之惠連,非復吳下之阿蒙矣。」錢生 亦備細問那起居近況,鳴皋道:「愚叔他無所樂,惟幸訟簡民安,日飲醇醪耳。」   自此生在衙中,倏忽月餘,盼望明珠,久無消息,乃潛出私衙,觀探山川土俗。蓋東昌為南北往來 之所,過客如雲,車馬闐塞。流覽之際,忽遇清士賈文華,文華驚問道:「聞說臺駕自往南畿,為何卻 在於此?」錢生道:「此係家叔敝治,特來省候。不知賈兄此行為著何事?」。文華道:「某獲遇斐公 子,刮目相看。近因大司馬促取進京,僕亦隨轅北上耳。」錢生笑道:「古人有云:『游大人以成名。』 今文華得遇貴人提挈,甚喜甚善。但長安道中紅塵千丈,得意濃時便宜馬首向南,勿使閨中冷落,悵望 那陌頭楊柳,可也?」文華含笑而去。又一日,錢生步出城外閑行,聞土人說道:「離城數里有陶府君 別墅者,園亭卉石,頗為幽雅。」錢生即縱步尋之,數里之外,果見圓房一座,乃以數錢,贈與管園人, 方得進內。雖有竹亭月榭,然時值仲冬,光景蕭條,不堪娛覽。徙倚片時,聊以適興而已。既而轉身回 出,忽見園左一家粉壁上大書七字云:「白雲峰零沽美醞。」錢生口吻枯渴,正有茗碗之思,因近前觀 那店主,雖是市井中人,白鬚飄然,形相不俗。又觀其脯饌壺觴,十分精潔,遂入店中沽飲。白雲峰笑 道:「相公像是南邊來的。江南好不繁華享用,我這裏野味村醪,恐不中意。」錢生亦笑道:「細觀盛 肆,可謂精雅之極。聊買一壺,以消閑況。」於是斜倚朱欄,把杯徐酌。不多時,卻消盡了二壺。想起 明珠未知何日方有,欲作一詩記懷,乃向白翁借取筆硯。雲峰道:「想是相公要吟佳句了。」忙進以桐 葉之箋,松煙之墨,筆既兔穎,而硯亦端溪。錢生暗暗贊賞,即濡毫揮成一絕云。詩曰:   偶倩松醪浣俗塵,翩翩裘馬伴游人。   妝樓只盼明珠到,北海何須待化鯤。   白雲峰道:「相公正要青雲高步,為何反有『何須化鯤』之句?」錢生注目直視道:「翁亦知詩者 耶?」白翁道:「老漢少時,頗解吟詠,近因年邁,筆硯遐疏矣。」錢生口中雖應,而心實未信。將歸, 留銀一錠,並作下次酒資。自此不時往來,與白翁漸漸契密,然亦未知錢生是五馬公子之猶子也。鳴皋 以生時時出游,惟恐涉跡於平康巷陌,乃稍為拘禁,而問生道:「汝來許久,我因衙門事情旁午,未及 詢汝,年將二十,亦曾託媒行配乎?」錢生答以尚未。公又謂生道:「金須鍛煉,玉必琢磨,吾侄武庫 雖充,亦不可久荒范耳,明秋又是文戰之期,倘能高捷棘闈,自然有女如玉。」錢生未敢語以明珠一事, 惟頷之而已。   時值歲闌,朔風凜冽,淒雨時濛,遂不及再詣白翁酒肆。不覺殘冬已過,人日俄臨。是日,鳴皋被 四府請宴,錢生以衙齋閑寂,又悄悄步出林間。向著壚頭剝啄數聲,雲峰久不出見。俄聞班竹簾內嬌嬌 滴滴的聲兒,應道:「來了」。應聲未絕,氤氳香氣沁入鼻端。正是:兩處牽情,已惹相思無數﹔那知 三生石上,重尋一笑姻緣。   要知端的,且俟下回,次畢其說。 第十回 詠雪詩當壚一笑   詩曰:   雙袖蹁躚舞越羅,小娃十五解吳歌。   灑壚體說臨邛好,閶闔門前花柳多。    ───右《竹枝詞》   西子湖頭賣酒家,春風搖蕩酒旗斜。   行人沽酒唱歌去,踏碎滿街山杏花。    ───右《竹枝詞》   當日錢生自尋白雲峰閑話,不意娉婷嫋娜,走出一位佳麗人來。錢生注目視之,神瑩秋水,態若朝 雲,其他不能細數,只這秀髮堆鴉,金蓮一捻,便足魂銷。那女子啟一點未脣,露兩行玉齒,逡巡問道 :「郎君是欲沽飲麼?」錢生道:「非也,特來尋雲峰閑敘。敢問姐姐,還是白翁何人?」那女子道: 「雲峰,妾之家尊也。去冬有一位,做那『偶情松醪浣俗塵』之詩的,或是郎君否?」錢生道:「此乃 酒後俚言,何勞記憶。」女便問生姓氏,所習何業,錢生謬答道:「姓孫,到此貿易。」隨問其青春幾 許,那女子道:「虛度三五。」又問芳名,答道:「小字瑤枝。」錢生又問道:「餘自客歲,即向尊肆 沽飲,往來匪朝夕矣,為何不見姐姐?」瑤枝道:「因外大父有恙,過去相探耳。今日家君亦為探望而 去,想必抵暮方回。」錢生又問室中更有何人,瑤枝道:「止有老母,近亦抱病伏枕。」錢生雖與昵敘 良久,然一片芳心自在友梅、夢珠,並非鐘情於瑤枝也。惟瑤枝獨欽羨生纔。及生欲別,固留道:「尊 寓在城,風寒路迂,請以屠蘇暖君凍足。」錢生笑道:「鄙人愧無玉杵臼,姐姐乃欲啜我以瓊漿耶?」 方舉杯欲飲,而彤雲聚起,天昏欲晚。素雪既零,淒風凜冽,未幾,推扉一望,大地悉成縞素。錢生倚 楹而喟,若有憂色。瑤枝道:「歸途既阻,妾家衾綢頗備,君何憂焉?」錢生道:「室無男子,而小生 徘徊不去,將無瓜李之嫌,以貽尊君見罪?」瑤枝道:「無害也,老父龍鐘,諒不能冒雪而歸。」乃令 小鬟煽紅爐火,與生擁爐而坐。   錢生道:「姐姐既知拙詠,必工染翰,可無佳作,以貺予懷?」瑤枝即為呵凍,和生前韻一絕。詩 曰:   每恨桃源閉綺塵,無端輕別有情人。   妾心只羨鴛鴦鳥,不敢投梭惱謝鯤。   錢生覽詩大笑道:「詩誠妙絕,但不知謝鯤是誰。」瑤枝道:「遠則千里,邇則目前。苟有情種, 妾便以終身許之矣。」錢生道:「小生固是有情者,可惜遇卿晚耳。」瑤枝默然。錢生又道:「清坐寂 寥,曷若以雪為題,聯吟一律,可乎?」瑤枝道:「惟命。」詩曰:   碎剪冰綃片片春,(生)瑤臺多少散花人。(瑤)   剡溪夜棹逵堪訪,(生)庾嶺寒葩色掩真。(瑤)   十二珠簾非卷月,(生)三千銀島淨飛塵。(瑤)   小橋漁笠渾如畫,(生)疑是南宮筆有神。(瑤)   吟訖,瑤枝進門,侍奉湯藥。於是陰風淒淒,瞑色白合,銀釭既點,角枕橫施。瑤枝直待其母睡熟, 方得步出中堂,見生向火而坐,急問道:「君怕寒耶?」即卸下綿半臂,與生御寒。錢生謝道:「偶爾 相逢,姐姐便鐘情如此,使小生何福消受?」瑤枝乃詰問道:「妾細哦君詩,並觀君言語動靜,的是名 家仕胤,決非商賈中人也。願明以語我。」錢生笑而不言。瑤枝道:「妾固知之矣。君必欲終秘耶?」 錢生乃以實告,且囑其隱而弗泄。   瑤枝道:「君既宦家,必已問名貴族,但不知充下陳、備灑掃者,曾有幾人?」錢生憮然道:「尚 乏齊眉,何雲姬媵。」乃以夢珠小姐月下相會,及尋申屠丈求取明月珠一事,備陳顛末。瑤枝道:「細 聽君言,則君與范小姐,均可謂有情人矣。第不知今後又遇一人焉,其有情亦如范小姐者,君肯以待范 小姐之情以待其後見者乎?」錢生道:「餘情痴人也,每閱裨史,至君虞之負小玉,王生之負桂英,未 嘗不掩卷三嘆,而尤其辜恩薄倖。然世上又有一等,入秦樓而竊玉,過芝館而迷香,情欲搖搖,而欣彼 羨此者,則亦好色淫亂之徒耳,而非所謂深情之士也。若夫信誓旦旦,終始不渝,生而可以死、死而可 以生者,方謂之有情耳。使餘今而後,又遇有情如范小姐者,欲我舍范小姐而從彼,則吾不能,若欲以 待范小姐之情以待之,則胡為而不然?」瑤枝道:「妾聞待媒而嫁者,正也。擇美而從者,權也。竊觀 郎君,器宇不凡,溫然玉潤,誠騷雅之領袖、士林之翹楚也,故一睹豐儀,志念遂決。君雖無援琴之挑, 妾實有銜玉之意,願獲託身姬侍,又未卜君子肯分涓埃之情,少及於濯浣之賤乎?」錢生暗思:梅山老 人曾許我以三位妻小,雖友梅、夢珠,會合無期,然盟言已訂,或者第三室之緣,其在斯乎?乃欣然許 諾。瑤枝即求設誓,錢生乃誓道:「生則同衾,死則同穴,泰山如礪,心炳日月。」誓畢,漏下已三鼓 矣。   燈火之下,細睹瑤枝,皓齒明眸,愈覺艷麗。乃笑道:「盟既訂矣,良宵難過,請坐何為?」瑤枝 正色道:「妾之所以午夜會君者,誠為百年之事也。今既蒙金諾,荐枕有日,雖鄙陋之軀,不足珍愛, 然私諧萱幃以圖苟合,則妾亦淫蕩之人耳,君何取焉?」錢生道:「卿言是也,我雖熱中,姑忍制以待 合巹耳。」直至雞鳴而息,終不及於亂。黎明雪霽,錢生賦詩為別。詩曰:   邂逅相逢即誓盟,何須跨鶴入瑤京。   黃河莫道深無底,未及卿卿一片情。   瑤枝亦次韻以答生。詩曰:   休忘雪夜訂姻盟,作速觀光上玉京。   今後馬嘶門外路,凝妝終日盼多情。   吟訖,遂戀戀各道珍重而別。錢生進府,錢公慍容詰問,乃謬以尋謁申屠丈求珠為辭。鳴皋驚道: 「那申屠丈乃江湖仙俠,我雖聞其名,而未見其人,子何從而識面?又何因而求珠耶?」錢生備告以姻 親一事。鳴皋道:「昔日裴航,得玉杵臼以聘雲英,至今述異者以為美談。今吾侄亦欲尋明月珠,以求 范氏,倘婚姻果遂,異日風流場中,又添一段佳話矣。但申屠丈既已許汝,只須靜以俟之,又何必栖栖 然,而空騖於外哉!」錢生退至側邊書室,思念瑤枝,作小詞以述其事云。詩曰:   有女艷當壚,疑是來姑射。十五正芳年,一幅春風畫。不必奏求凰,便許終身嫁。此後問相思,又 在青簾下。    右調《生查子》   錢生又見齋前梅花盛開,以懷友梅,作詩一絕。詩曰:   曾記芳名是友梅,梅花獨向郡齋開。   朝雲暮雨知何處,不入羅浮夢裏來。   過了數日,鳴皋坐堂將退,忽見皂快稟稱,有一申屠丈要見老爺。鳴皋慌忙請入後堂,掩門相見。 又喚錢生出,會畢,申屠丈便向袖中取出明珠付生道:「俺自郎君見託,直逾嶺海,尋見賈舶,以三十 萬緡購得此珠,雖淹滯十旬,幸不辱使命。在郎姻事可諧,而某報郎之心亦盡矣。」原來珠逾徑寸,光 明圓潔,若黑夜放在室中,則一室皆明。昔惠王所云「照秉」,季倫每以代燭,皆是物也。   錢生捧珠踴躍,再拜而謝道:「萍水相逢,過叨恩渥,既起之於垂殞,又錫之以奇珍,銘骨鏤心, 感何可既。」申屠丈又囑生道:「室家之事,因當勉圖,此外或遇閑花野草,亦須屏卻淫邪,以存陰騭, 庶幾功名可成,而遐齡可保。郎宜珍重,俺從此別矣。」鳴皋與生牽袂懇留,申屠丈執意要行。錢生欷 噓道:「此別之後,不知何時再會?」申屠丈道:「後會無期,難以輕約。或於便鴻,當稍附一信耳。」 言論,飄然策蹇而去。錢生即於次日黎明,辭別叔父,帶了紫蕭,回詣金陵。鳴皋亦遣人護送,並修書 一封,問候范公,為生申說親事。   錢生一到白下,即入城先訪許翔卿。許家回說舊冬已到北京去了。錢生便由大街趨往范宅,但見門 外悄無一人,門上封皮緊鎖。錢生茫然不解其故,遍處尋問,方遇一老蒼頭,蒼頭泣道:「家老爺不知 為著何事,忽被聖上拿門,去年十月間,已為錦衣衛校尉拘往長安去了。」錢生又問:「夫人、小姐今 在何處?」蒼頭道:「當老爺臨去那一晚,夫人、小姐即隨著小相公出城,今亦不知去向。」錢生聽見, 徬徨不寧,淒然欲泣,乃謂紫蕭道:「我只道有了明珠,則姻期可以唾手。誰知又遭此變,如何是好?」 紫蕭道:「既范爺有了這件奇禍,即尋見了夫人小姐,恐亦無濟於事。不如原到東昌,再為商議。」錢 生曰:「汝言最是。」遂連夜出城,向客店中安歇一宵。次日,五鼓起身就路,不則一日,又到了東昌。    鳴皋見生,驚問道:「吾侄去而復回,莫非親事不諧麼?」錢生說出范公被逮之事,鳴皋大駭道: 「闇老已謝歸林下,那當事者猶放他不過,必欲羅織以罪,真可為寒心矣。故仕宦之險,昔人喻以泛海, 信不虛也。但吾侄姻事,將欲如何?」錢生道:「姻事且不須提起,竊料范年伯此去,輕則貶竄遐陬, 重則竟有滅身之禍。愚侄放心不下,欲到京師,探聽消息,不知叔父以為可否?」鳴皋道:「今日正是 小人世界,子去探問,恐或被人偵知,不惟無益於公,抑且惹禍於己。況今科試在邇,我正欲為汝斡旋 前程,以向秋闈鏖戰。若到北都,豈不誤了科場大事?依叔愚見,還是不去罷。」錢生道:「不然,平 居無事,則依附門牆。一朝有患,即掉首不顧,此乃小人澆薄之態耳,侄豈肯效之?況范年伯青眼盼睞, 既已骨肉我矣,今日到京一望,亦情理所不能已者。且不肖此去,自當小心在意,決不惹禍,以貽叔父 之憂。」鳴皋躊躕半晌道:「汝既要去,我即著人,為汝納了北監,以便在彼應試。須念三年辛苦,閑 在寓中,再把經文用心細繹。倘遇朱衣暗點,豈惟爾叔之喜,庶不孤爾母倚閶之望耳。」   於是擇吉日起程,鳴皋置酒餞別,臨岐再三囑咐:「前途謹慎。」又作詩為贈,有「不獨秋風聆鶚 荐,馬蹄並望探花歸」之句。錢生俯首受教,揮淚而行,因期促意忙,不及向白翁一晤。   將抵部門,已四月中矣。畢竟是皇都地面,風景繁妍,有多少劍履簪纓、鳴珂於丹陛,雕鞍紺幰, 擊殼於通衢。以至龍樓鳳闕之崇華,四海九州之客旅。有先賢《長安春望》詩為證。詩曰:   南山晴望郁嗟哦,上路春香玉輦過。   天近帝城雙關迥,日臨仙仗五雲多。   鶯聲盡入新豐村,柳色遙分太液波。   漢主離宮三十六,樓臺處處起笙歌。   錢生到京,尋一寓所,在國子監之左。其居亭主姓王,號季文,原籍姑蘇,以刀筆為生涯,蓋訟師 也。有女蕙姑,年已二十有五,雖曾受聘,尚未於歸。生以桑梓之宜,且便於進監,故借寓焉。此時王 太常已起服進朝,連升二級,除授吏部左侍郎之職,錢生慮其猶宿舊憾,故從母姓,而改諱為芳。自有 鳴皋遣來之僕,投遞文書,照例納監,不必細談。   生以鞍馬勞憊,在寓靜養數日,方到刑、兵二部打探范公消息。忽於中途湊巧遇著賈文華,便邀入 酒樓敘晤。文華道:「臺下進京,必有貴務。」錢生道:「不為別事。只因金陵敝年伯,奉旨欽提,特 來探候。」文華道:「若尊駕早到半月,便得相會,今范公已出京去了。」錢生道:「賈兄既知敝年伯 出京消息,必知所以得禍之由了,願乞賜聞始末。」文華乃附耳謂生道:「只因范公有一小姐,新吏部 王爺欲與聯姻,范公執拗不允,故王吏部致書裴爺,求他尋計中傷,不料裴爺正怪范公冷落,故假旨逮 了進京。初意不過但恐嚇他一番,使他驚懼,從了王太常的婚姻,便放耳,不料范公為人耿直,寧死不 從。欲要重處他,又因他在開封做太守,清廉有名,故但謫到塞外去了。」錢生聽了,不勝嗟嘆。文華 飲罷,因有事別去。錢生悵然,回到寓所,毫無外事。每日只是閉戶溫習經史,以圖上進。但客窗誦讀 殊覺寂寥,有詩細詠之道:   枕疊殘書床繫繩,照人無焰是孤燈。   縱然異日青雲客,此際淒涼不啻憎。   卻說王季文的女兒蕙姑,因夫家無力未娶,琴瑟衍期,標梅失望,未免花朝月夕,對景生情。又見 錢生少年風雅,愈覺動心。又聽見他夜夜誦讀,如鶴唳、如蛩吟,聲聲感人肺腑。這一夜,按納不住, 乘人睡熟,竟悄悄走至窗下竊聽。欲推門而入,門是關的,只得輕輕扣響,錢生聽了,忙掩卷問誰,卻 又寂然。未幾,將欲展卷,又聞扣響如前。生平素畏鬼,亦呼紫蕭,而紫蕭已垂頭熟睡,乃執燈自起啟 扉,只見蕙姑靜立於扉外。驚避進房,蕙姑亦尾後而入。錢生愕然道:「小娘子寅夜至此,有何見諭?」 蕙姑道:「聞君靜夜讀書,特來作伴耳。」錢生道:「小生自有聖賢為伴,請勿進內,男女之間,嫌疑 不便。」蕙姑剔了燈煤,翻弄書帙,含笑而問道:「君乃風流名士,曾閱《西廂記》否?」錢生正容道 :「此乃艷曲淫詞,豈入我輩之目?」蕙站又雜以諧謔,多方誘生,而生終不能動。乃雙臉暈紅,含慍 而退。自後,錢生防避甚密。   一日,與王季文閑話,偶及蕙姑親事,姑知其婿文長儒,乃順天府學,一貧如洗,不克糊口。錢生 以叔鳴皋所付囊資有餘,且憐蕙姑之情,乃呼長儒,以五十金贈之。無何,已是八月初旬,錢生因試期 已迫,謐慮凝神,擬經書題七個,做成七篇。及入場,四書題悉如所擬,惟經題稍異耳。以後二三場, 俱一揮而就,文藻燁然,若有神助。及揭曉,中在前列。   鹿鳴宴畢,謝過座主房師,收拾行李,將欲南轅。適值鳴皋遣人以書付生。生啟緘視云:   閱鄉書,知侄果已奪標,使我老懷浣慰。此後更宜著鞭,把長安花一朝看盡,而錦裏言旋,一副爾 叔眷眷之望,尤為至快也。我老矣,將營糟丘,投奔而隱,爾弟豚犬,不足為言,所以紹青氈而有高門 之慶者,獨在汝耳。時屆歲寒,燕山雪花如斗,惟侄加餮自慎為囑。外寄小菜數種,銀若干,以為汝旦 夕薪水之費,須逐件檢入。錢生得書,行蹤遂止,然心中怏怏,一片相思愈深幾倍矣。   欲知春試如何,下回便見。 第十一回 因賽神計劫蘭閨秀   詩曰:   南方淫祀古風俗,楚媼解唱迎神曲。   鎗鎗銅鼓蘆葉深,寂寂瓊筵江水綠。   雨過風清洲渚閑,椒漿醉盡神欲還。   帝女凌空下湘岸,番君隔浦向堯山。   日隱回塘猶自舞,一門依倚神之祜。   韓康靈藥不復求,扁鵲醫方曾莫睹。   逐客臨江空自悲,月明流水天已時。   聽此迎神送神曲,攜觴欲吊屈原祠。    ────右《夜聞賽神因題即事》 唐李嘉祐作。   卻說錢老夫人,自從生往白下,即備重禮,酬謝了崔、李、陸三子,又託崔子文置酒虎丘,以答報 那勸公呈的合學朋友。既而崔、李俱到外郡游學,惟陸希雲不時到門訊候。老夫人膝下淒涼,少不得心 中牽係,俱不必細說。   且談秋煙姐,既切離思,又因懷娠,所以精神倦憊,情緒全無。聞啼鳥以驚心,愁眉常鎖,睹花枝 而增慨,涕淚時流。惟有繡琴,十分中意,往往微言帶謔,冷笑含譏。秋煙每不能時,亦以惡語相加, 二人因而成隙。每一日早起,以人參湯進於夫人,夫人看見淚痕瑩頰,細為詰問,秋煙遂把他事抵飾。 繡琴知之,乃譖於夫人道:「向見秋煙與某童戲於廂房,前曉又見秋煙潛入錢吉房中,逾時而出。」夫 人聞而稍有疑意。又一日,秋煙要買繡線,尋見錢吉,持錢付與,因而閑話片晌。繡琴又以告夫人。夫 人治家嚴肅,雖婢女,不容少有邪私,於是深信繡琴,而欲覓配以嫁秋煙。無何,乳腹漸高,夫人乃大 怒,將呼杖而撻之。秋煙料難隱匿,以生所題羅帕詩奉進,夫人細玩,詩意清新,而筆跡可驗,即回嗔 作喜道:「既有此事,汝何不早言,若幸舉一男,亦一喜快也。」於是恩寵日隆,女紅盡輟。繡琴愈嫉 焉,乃與桂子密謀傾擠,乘間竊其汗巾一條,置於錢吉枕底。吉妻見之,疑與秋煙有私,與吉爭鬧,而 以汗巾訴於夫人。及呼秋煙審訊,秋煙茫然無以自明。夫人大怒道:「汝與賤奴通奸,輒敢污蔑爾主。」 遂以荊條撻之數十,即時祛出錢吉,而買藥墮胎。服藥三劑,胎竟不下,於是褫去衣裙,每日蓬首跌足, 供役廚房,兼又槌詈兼至。自此秋煙之苦,殆不可勝言矣。   至冬,將欲臨蓐,繡琴與夫人計議,俟其生下,即當淹溺。夫人又託梅三姐,尋配以出之。忽錢貞 報進:「南京范夫人、小姐與小相公俱到。」夫人驚喜出迎,范夫人肩輿陸續而至。相見畢,彼此各敘 間闊之情,一一問安。次及范公,范夫人泫然泣下,便訴出奸人傾陷,被朝廷提問一事。小姐觸著愁腸, 掩面而泣。老夫人亦不勝傷感,次後問生何在?范夫人道:「賢郎在被難之前,已往山東省叔矣。」老 夫人心下始安,治酒款待,雖殷殷勸慰,范夫人、小姐,終席不舉一觴,止啜薄糜而已。范斐既已安頓 家小,即往京師探望,辭別而去。范夫人偶見秋煙腹中懷孕,而因悴可憐,心頗疑之,因以訊夫人,夫 人道:「言亦可丑,彼與狡童私媾,今將臨月耳。」隨喚秋煙,又羞辱了一場。   且說夢珠小姐,自公被逮之後,時刻悲思,寢食俱廢,每夕焚香吁天,願得聖恩寬宥。范夫人雖十 分憂郁,惟恐苦傷小姐,時時安慰,其如玉慘花愁,終不能少解。嘗作《憶父》詩云。詩曰:   天恩何日釋南冠,歸雁雖多信尚寒。   讀罷《離騷》重拭目,白雲何處是長安。珠娘以夜長難寐,獨於燈下觀書,耳中忽聞嗚嗚咽咽,婉 轉悲啼,聲甚淒楚。訊之,乃秋煙也。唱然道:「我有天大憂愁,只得含悲忍泣,爾乃自罹其苦,胡為 徹夜號嘆乎」?秋煙推扉而進,淚流滿面,終泣而對道:「奴有一腔苦衷,無可告訴,今天幸軒車遠至, 願得少披肝膈,不識小姐亦肯垂聽乎?」珠娘道:「我本愁人,今見爾貌楚言哀,使我殊為悲感,有何 冤抑,不妨語我。」秋煙遂以錢生私昵之情,及臨別留詩。繡琴嫉譖之事,委曲敘畢,因泣道:「奴之 一身不足惜,所恨讒言蔽明,心事莫白,以主人之胤,而為淫媾之私,倘蒙小姐肯賜片言,以白其誣, 死而不惜。」珠娘聽知孕從生有,便懷愍愛之念。次日進見夫人,力為辯悉,夫人道:「小姐不可信那 花言佞口,我思之審矣,彼必先與賤奴通奸有孕,惟恐事泄,乃私主以籍口,故詩雖真而情則謬也。」 小姐又反復言之,夫人終不能信,但含笑而已。   既而繡琴又與桂子有隙,歷數其短,以告夫人。桂子聞而大怒,始以謀竊汗巾及偷出減妝內銀花數 事,一一陳訴。夫人嚴為鞫究,桂子之過是虛,而繡琴之事卻實,深悔誤信其言,呼秋煙而撫慰之道: 「我屈汝,我屈汝。」即以繡琴發在梅三姐家。適有維揚客人,願出三十金,買以為妾,梅三姐匿其半 價,而以十五金,請命於夫人,夫人深恨之,不考其人之清濁,欣然依允。未幾,秋煙獲生一子,試其 啼聲呱呱,卜為英物。老夫人大喜,以生諱蘭,而古有「何物老嫗,生此寧馨兒」之語,遂命名曰寧馨。 少不得三朝彌月,自有親鄰饋賀,俱不及細敘。老夫人以小姐前為秋煙屢白其誣,至是繡琴事敗,深服 其智識過人。又嘗於鏡奩內,得所作《憶父》一詩,詞意酸楚,感而墜泣,因嘆道:「嬉笑之怒,甚於 裂背,長歌之悲,過於慟哭。此語信然。」遂有為生納聘之意,而難於啟齒,私訊紅蕖,紅蕖述范公臨 行之語以對,夫人大喜,自後待小姐之意,愈為恩密焉。   光陰荏苒,不覺冬去春殘,倏爾又逢仲夏。范斐自塞上遣人回報,始知公已遣謫孤山。范夫人心中 稍慰。惟珠娘既有思父之孝思,復以錢生杳無歸信,怨紅愁綠,綠眉時顰,待月迎風,愁城愈固,雖在 喧嘩笑語之下,不無咨嗟嘆息之聲。是以刺繡心灰,絲桐譜冷,時時託諸吟詠,以自遣其愁況云。   《春日曉起紅蕖促看海棠因書即事》詩曰:   香閨曉日上窗紗,懶向妝臺理鬢鴉。   侍女不知心上恨,幾回催看海棠花。   《暮春詠懷》:   冉冉朝煙溜碧蘿,啼鶯聲老奈愁何。   憑欄悵望家千里,照鏡慵梳發一窩。   風拂簷鈴催夢去,蝶隨柳絮繞簾過。   可憐滿徑殘紅片,不及羅衫淚點多。   因秋煙之事,慮生在外,又以花柳牽情,嘗試一絕云。詩曰:   紫燕雖歸信物受,成陰綠樹亂煙飄。   只怕春心渾未定,更隨明月聽吹蕭。   其詩連篇累帙,不能盡載,茲選誌一二,以見其愁怨恨聊之意焉。   且說老夫人以槐黃時近,科舉秀才,紛紛的俱向白門應戰,不知生進得場否,心下不勝憂慮。忽一 夜,夢見中丞公笑容滿面,握手而言道:「吾兒鄉闈奏捷,當在丙子。那業師鄭文錦,原注定今科中式, 只因文錦做了幾件虧心喪行之事,已把姓名褫革。吾兒在燕京旅邸,能拒絕蕙姑,不淫閨女,上帝以其 操行清嚴,增壽一紀,又拔在今科連中,故特來與夫人報喜。」言未絕,但聞笙蕭細樂,一片喧沸,夫 人因以問公,公道:「此正蕊珠放榜耳。」夫人道:「相公誤矣,今方七月,秀才尚未入場,怎去放榜?」 公笑道:「夫人有所未知,人間揭曉,須俟八月下旬,至於天上,只在七月望後,便把應中俊英姓名, 俱已填定矣。」夫人再欲訴敘衷懷,卻被樹枝一絆,忽然驚醒。夢中之言,一句不忘,只以錢生該在南 場赴試。為何反在北京,猜疑不決。曉起,以告范夫人。范夫人道:「賢郎君掞藻摛葩,纔高八斗,今 秋奏捷,不察可知,致使夫人得此奇夢,先為之兆耳。」   俄而三場考過,又早放榜之期,只見江上黃旗飛報崔李二生,俱獲捷了。同社中,惟陸希雲三報已 捷。夫人望至月初,喟然嘆道:「我兒竟在孫山之外矣」。蓋生雖在北場中選,只因鳴皋為生納監,注 了金陵祖籍,又把姓名改了魏芳,故報捷的只到東昌任上,兼往金陵舊宅。直到十月中,鳴皋方有書至 ,說生已在北闈中式,夫人大喜道:「曩夕之夢,信不謬矣。」范夫人、小姐,俱捧觴稱賀。秋煙聞了 喜信,滿懷欣悅,不言可知。錢貞便欲豎立旗竿,夫人止住道:「偶爾僥幸,為什麼驚天動地?且待春 闈及第,豎亦未遲。」又有幾個靠勢家人,概不收納。既而陸希雲公事北上,老夫人饋送贐儀,並修書 寄生不提。   且說鄭心如自謗生之後,崔子文訴向同社,將欲群聲其罪。又被李若虛當面唾罵了幾番,心如恐失 體面,只得走求朋友,向崔、李懇息,又請各家,肉袒致謝,其事方寢。只因此名一播,那姑蘇仕宦, 悉知其奸險異常,再有誰人請荐?心如自覺無顏,避到臨安暫住。恰好遇著在城鄉宦,有胡御史者,延 請西席。那御史是誰?即憨公子胡伯雅之父也,現任副都御史,告病在鄉,因憨公子目不辨丁,要請名 師指教。鄭心如訪知這個機會,即央門客常不欺荐引,且許以厚謝,不欺便力荐心如,心如又謄出幾篇 窗稿,具名拜謁。胡御史把文章細觀,擊節贊賞道:「清新藻麗,必中之纔也。」因此館事一言而妥。 心如既進館中,探取憨公子之性,每日功課,並不講書做文,只談論些嫖經賭訣,以至閨閫鄙褻之事。 及在胡御史面前,則又極口贊道:「令郎公子,虧其指授竅竅,近來文字,氣已食牛矣」。兼以脅肩諂 笑,慣會趨迎,故不但憨公子日漸投機,而胡御史亦破格相款。自開絳帳,瞬息三載,其年暮春,胡御 史起官北上,憨公子要到虎丘游玩,同了心如、不欺,隨即買舟至蘇,在虎丘寺內假一僧寮作寓。於時 蘇人游虎丘者,往來紛錯如織,上自衣冠士女,下至蔀屋裙釵,莫不靚妝麗服,連臂而至。真是歌吹為 風,粉汗為雨,羅紈之盛,多於江畔之柳,可謂艷冶極矣。所以憨公子縱日騁懷,十分得意。每日與心 如、不欺觀看女客,看後則又數青論白,較其妍媸。至夜則飲酒啖肉,期於醉飽而已,究其胸中,不知 山水為何物耳。   忽一日,有樓船艤岸,前艙靠窗,站著艷婢四五,或輕搖紈扇,或笑指岸花,紛紛的嬌聲婉語。心 如挽了憨公子之手,趨前指看道:「此船必有麗人矣。」俄而群婢,先擁著兩位老者登岸,姿容俱極清 雅。次有一個女子,年可二十,輕煙淡月,真所謂畫中人也。你道此船果是誰宦宅眷?原來即是錢老夫 人。因范夫人、小姐思憶范公,故特置酒船中,與他解悶,那賣花婦梅三姐,亦與偕來。憨公子指手畫 腳,正欲往來挨看,因是日游人太多,夫人、小姐隨即下船而去。憨公子立在水涯,凝眸遙睇,直待那 畫船去久,方回寓中,大聲道:「我今日害了相思病也。」因閉目靜想了一會,不住點頭道:「我得之 矣!我得之矣!」原來憨公子,人雖鄙陋,那眼睛卻有高低,乃向心如道:「適見樓船中那個女子,果 是觀音出世,怎能設一計兒,向銷金帳裏,取其一樂。先生既是蘇人,必然知其姓氏。」心如道:「在 城宦族頗多,何由認識。若要訪問,則亦易易耳。」憨公子又問所以訪識之由,心如道:「頃見賣花婦 梅三姐,亦在船中,只須明日喚來一問,則此女之姓氏可知矣。」憨公子大喜。次日,尋一識熟梅三姐 者,託彼相喚。有頃,梅三姐來,心如便問:「日昨那一位年少而美麗者,可是誰宦之女?」梅三姐道: 「乃是金陵范夫人的小姐,向來僑居錢宅,年方十九,名喚夢珠。」心如道:「原來是范闇然的女兒。 此位是杭州胡大爺﹔因見了范小姐的美貌,十分愛羨,故特請爾相商,不知爾能出一奇謀,使胡大爺得 近嫦娥否?」梅三姐搖首曰:「那范夫人操凜冰霜,治家清肅,范小姐又端莊靜一,尋常不肯輕易一笑, 昨日因錢夫人力勸,偶爾一游。料想重門深閉,言不及外,雖有良、平,無所用其智耳。」憨公子聽說, 悶悶不怡,以手摩腹繞廊而走。心如道:「重賞之下,必有勇夫。公子既圖好事,何不先送酬金?」憨 公子忙取出五兩一錠送與梅三姐,梅三姐推卻道:「無功可居,何敢受賜?」口中雖說,然見了一錠紋 銀,未免心動,便又轉口道:「銀雖權領,不知尊意必欲如何?」心如道:「我聞牽引幽期,必須投其 所好。故慕利者,可餌之以珠玉﹔懷春者,可誘之以風情,今范氏子生於宦族,則非財貨可邀。性既端 貞,亦非淫邪可入,只須三姐早晚往覘,俟彼稍有動靜,便來回復,那時我自有計。」梅三姐欣然領諾 而去。   俄而四月已盡,將屆端陽,梅三姐杳然無回信,憨公子不勝焦躁。忽一日,將暮,聞扣門甚急,急 忙開視,則梅三姐也。訊以所託若何,梅三姐道:「莫訝久無回報,只因彼略無動靜耳。近錢老夫人以 城居暑熱,特邀范夫人母子移住尹山園房,日昨妾往訊候,值范夫人有恙,卜於巫者,巫者云:『必於 十八日,賽於五郎,方愈。』有此一事,特來回達。」心如大喜道:「果如爾言,那范小姐在我掌握之 中矣。」憨公子忙問計將安出。心如道:「彼既事神,我即假神以惑之。那尹山,乃郊曠之地,而賽神 必至於夜,更煩梅三姐假以探疾,先至其家。我這裏只用數人,俱以殊墨涂面,選一身長而力巨的,衣 以緋袍,扮如五郎模樣,將至黃昏時分,潛匿園中。當迎神之際,鈴角既喧,人又散亂,此時梅三姐暗 中潛出,關會小姐所在,衣緋的排闥直進,背負而走。彼即知之而不敢追,即追矣,見此神形鬼狀,必 不敢近。我這裏預先收拾行李,覓一快船泊岸,俟小姐一到,連夜開船,載至秀州,又於鴛湖左近,賃 一所園房住下,直待范氏心諧意允,然後攜返臨安。人問時,貽以姑蘇娶來之妾,豈非神鬼莫測,而且 易於反手,此計何如?」憨公子聽罷,哈哈大笑道:「妙計!妙計!」原來蘇俗祀神最以賢聖為重,相 傳五月十八,乃其生日。其賽也,必用饅頭,及三牲蔬果之物,巫者唱誦神歌,一人發喉,數人和之, 其聲嘔啞可聽。及至椒酒屢進,則又搖枝吹笛,與作樂相似。蓋其風俗然也。梅三姐既受約而去,又託 常不欺,先住嘉興尋寓,其餘自有跟隨僮僕,依計而行,不必細話。   且說老夫人的別墅,在盤門之外,離尹山猶隔數里,其園雖不十分寬敞,也有四房繡闥,竹樹亭池 ,洵為避暑之所。那范夫人因冒風邪,染成一疾,老夫人平素佞鬼,便令巫者卜之。巫者附會其說,以 為觸犯神怒,必須虔誠禱禳,不然,疾未能已也。卜未幾而疾瘳,愈信神祜之力。於是廣備醴牢,至十 八夜,巫者登場,持鈴而謳,小姐焚香於庭,二夫人自在前廳閑話。其餘僕從,俱繞場而觀。   此時憨公子所遣之人,已撬開園扉,分匿林蔭,手持瓦礫,向空亂撒。眾人驚喊道:「有鬼!有鬼!」 巫者亦戰栗不寧。俄而衣緋者,暗與梅三姐關會,直趨中庭,背負小姐而走。諸匿者,或作鬼號,或拋 泥礫,披髮執仗,隨後而趨。所以小姐雖極叫呼,而僮僕等,俱股慄心悸,不敢向前。及紅蕖飛報夫人 拘喚眾人追趕,而珠娘已載入舟中,峭帆風迅,去之久矣。   憨公子因以心如所囑,不可造次,遂獨放小姐於中艙,自與心如坐於艙首。珠娘惶駭不測,將欲赴 水,怎奈防守甚多。是夜風便,黎明即抵南湖。時常不欺已賃下陶宦的園房一所。那管園馮二,只有夫 婦兩個,年將五十,俱是揚州人氏。憨公子忙央馮嫗扶起珠娘,已哭得眼皮紅腫,喉干聲啞。憨公子乃 同心如道:「設或小姐不肯順從,教我如何答話,如何勸諭?」心如便教以如此如此。憨公子方纔進前 相見,珠娘叱之道:「汝等劫我至此,意欲何為?」憨公子道:「特慕小姐豐姿,願為夫婦耳。」珠娘 大怒道:「我乃宦家之女,豈與爾等鼠狗為匹!我頭可斷,我身必不能污也。」憨公子道:「我乃杭州 胡伯雅尚書之孫,御史之子也,不為辱沒了小姐。」珠娘厲聲道:「卻不道使君有婦,羅敷有夫?爾父 爾祖既為顯官,爾乃作此盜賊伎倆,真犬彘也!」憨公子道:「汝已在我彀中,若不從順,只怕插翅難 飛,徒自苦耳。」珠娘低頭暗忖了一會,便笑道:「爾既要為夫婦,妾亦不能違逆,但爾我俱是名家子 女,豈可草草苟合,必須置辦香燭,喚一賓相,成了合巹之儀,方協於飛之願。不然,妾寧死不從耳。」 憨公子大喜,忙與心如說知,遣人置備各色,珠娘又以髮亂,催取梳具,及捧進梳匣,內有裁爪利刀, 珠娘回顧無人,淚流滿頰,低低嘆道:「我亦不難一死,只可恨錢郎盟約成虛,父母勤勞未報。罷罷! 若再遲延,必遭奸賊之辱,我寧作貞魂,游於地下耳。」乃取刀向頸一刺,血濺如流,登時身撲,憨公 子已令人點香燃燭,進內催喚,只見珠娘刎死在地,睨而笑道:「痴人!痴人!把性命如此輕賤耶?」 趨告心如。心如大驚,急向房中看驗是實,乃道:「三十六著,走為上著。」遂與憨公子開了側門,驚 竄逃走。管園馮二喚到賓相,等候多時,自往裏邊呼問,行李雖在,悄無聲息,掀開竹簾,忽見珠娘橫 僕於地,急忙走出園扉,四野尋望,杳無一個人影,跌腳叫苦道:「這場橫禍,怎了!怎了!」正在憂 慌,剛值常不欺走到,馮二一把扭住道:「是爾借房,今又殺人在此,爾須償命」!常不欺愕然不辨其 故,被馮二扯進房中,指著珠娘道:「你瞧,你瞧!」嚇得不欺冷汗淋身,半晌不能開口,低頭呆看。 忽聞珠娘喉中哽咽有聲,以手撫額,猶覺溫暖,忙與馮嫗扶起在榻,以湯灌下,須臾甦醒。   原來小姐力弱,外邊皮肉雖傷,不曾損內也,是命不該絕。常不欺被馮二羈住不放,只得延醫調治 。將及半月,漸漸平愈。珠娘始以不欺等假鬼行劫訴與馮嫗,因懇求道:「若得賢夫婦送返姑蘇,當以 金帛重謝。」   馮二夫婦始初道是憨公子所娶之妾,至是方知搶劫來的,便假意要將不欺送官究治,不欺慌了,連 夜遁去。   要知馮二肯送歸小姐否,且聽下回再表。 第十二回 為深情魂遺金鳳釵   詩曰:(集唐)   寂寞山窗掩白雲,(權德輿)   春風應自怨黃昏。(韓偓)   舞鸞鏡匣收殘黛,(李商隱)   環佩空歸月下魂。(杜甫)   話說陸希雲自赴公車,朔風凜冽,逼歲遙征。至明年正月,方抵京師。舍寓既定,便尋至生邸。二 人相見,握手道歡。希雲即以老夫人書信付生,錢生拆書細看,箋首無非慰問平安,並望春闈克捷之意。 至中間有范夫人、小姐抵舍逾年,相數晨夕,稍免寂寞之語。生方知小姐即主於家,欣然色喜。書尾又 云:「秋煙去歲冬杪,幸獲弄璋,眉清目秀,器宇不凡,今已彌歲矣。並此附聞數語。」錢生大喜,於 是收攝精神,杜門不出。或值希雲在寓,擬題構文,講析經義,每至內夜而息。   及三場畢後,希雲下第,錢生竟獲高捷,少不得雁塔書名,瓊林赴宴。既而希雲策蹇南歸,錢生造 寓言別。希雲道:「前歲吾兄係獄,賈文華適在裴寓,為兄辯剖甚悉。今賈生以谷斯生所譖,發在刑部 勘鞠已半月矣。去家迢遠。誰為救視?若吾兄肯向老裴一言申救,則老裴必然聽兄,而賈生方有再蘇之 機耳。」錢生喟然道:「吾曩遇文華,曾以微言規諷,惜乎彼不能喻,致有今日之事。雖在泛然一面, 猶當力救,何況有德於弟,敢不領教乎?」希雲大悅,錢生以贐儀厚贈,直送至盧溝橋,然後分袂。   當入殿試,卷有班馬文章,鐘王字跡之批,因「黼黼」二字有訛,乃置三甲,工部觀政。時王梅川 正在銓部,又使人謂生云:「若得入贅,本部主事可得也。」錢生不從,遂不獲與選。然是時,朝綱日 紊,錢生亦無仕意。因文華一事,持令長班持刺,經拜裴玄,玄見錢生已成進士,足恭款接。閑敘良久, 錢生以文華為懇,玄笑道:「我待彼厚,而彼負我實甚。若他人言,弟決不從,今以兄命,當即宥釋之。」 及玄回拜,錢生又極力言之。奈歸心甚急,不能候賈釋獄,乃留書一封,託王季文轉送裴玄。膏東秣馬, 擇日出京。   在路兼程迅發,將抵東昌,鳴皋先已遣人在驛迎候。進衙相見畢,鳴皋道:「自侄春闈報捷,使我 喜而欣舞,即具病揭,辭諸撫臺。雖蒙撫臺慰留至再,士庶有借冠之請,然以恩蔭,歷官至二千石,願 已足矣。況得賢侄步武前修,與宗有望,而鱸魚正美,轉覺歸興濃耳。故專俟錦旋,不日交印二府,與 爾同返金陵。祭墓之後,爾便回家省母,不知侄意以為何如?」錢生道:「叔父之命,敢不遵依,但不 肖偶叨一第,何足為榮。若以吾叔河清素望,方將折沖樽狙,奚即以歸隱為急哉?」鳴皋道:「方今蕭 牆隱不測之憂,四野有倒懸之苦,材非經濟,豈可尸位素餐,故不若拂衣而去,以栖遲於桑間十畝。吾 志決矣,子無強勸。」少頃,同知張沁,理刑俞忠吉,鄉紳馮訥,俱來奉賀。當晚,鳴皋設宴以請同寅, 盡歡而散。次日,錢公便欲起身,錢生告以瑤枝訂姻一事,公笑而許之。生以便服,只帶紫蕭跟隨,迤 邐出城,來到白家門首,但見竹扉靜閉,叩喚數次,翁方啟扉而出。一見錢生,扑簌籟淚珠滾下。白嫗 聞知,亦即出來,持生而哭道:「君害我兒,君害我兒!」錢生驚問其故,白翁道:「自從去年人日, 君與吾女訂姻,一去之後,杳無信息,致使小女思郁而亡。今已七日了,教我白頭夫婦,再靠誰人?真 害得我好苦也。」言訖,大哭。乃引錢生進內,靈柩即在壁也,錢生撫棺一慟,昏絕於地。有唐崔護詩 為證,詩曰:   去年今日此門中,人面桃花相映紅。   人面不知何處去,桃花依舊笑春風。   白翁夫婦慌忙呼喚,移時而醒,翁又取出瑤枝留詩一緘,錢生拆開視之。乃是集唐四絕,備述訣別 之意。詩曰:   離恨空隨江水長,(賈至)   雁飛猶得到衡陽。(王昌齡)   時時引領望天末,(孟浩然)   猶把梅花愁斷腸。(李群玉)   登高遠望自傷情,(長孫佐輔)   北雁歸飛入冥冥。(賈至)   幾度相思不相見,(楊巨源)   黃鸝空囀舊春聲。(武元衡)   鶯囀高枝燕入樓,(張仲素)   羅衣濕盡淚還流。(裴交泰)   一朝憔悴無人問,(盧照鄰)   夜夜孤魂月下愁。(杜牧)   不如行路本無情,(長孫佐輔)   夢逐東風到洛城。(武元衡)   緘此貽君淚如雨,(李端)   須知後會在來生。(白居易)   錢生誦訖,止不住涕淚交下。白翁夫婦亦復搥胸大哭。錢生慰之道:「曩與今愛一言訂約,則夫婦 之盟已定,豈以人亡,而失半子之禮。今某幸獲登弟,俟俟至姑蘇,稟過老母,即當遣人迎接。念死者 不可復生,翁宜自遣,勿致過哀成疾。」白翁方知錢生已成進士,乃收淚致謝。錢生忙令紫蕭備設醑果 作奠,又為文以祭曰:   嗚呼!窮泉一墜,悠悠古今。死生雖隔,不泯者情,憶卿之玉容兮,橫遙山而眉嫵,凝秋水而神瑩 。想卿之藻思兮,組回文於機杼,含明目於胸襟。夫何,彼蒼既鐘卿以蕙心紈質,而獨靳予以遐齡?   寶柱弦斷,玉蕭無聲。或亦雙成暫謫,向瑤臺而遄返﹔諒非羿妻竊藥,奔月窟而長生。而何以逐彩 以輕散,同朝煙以俄零。嗚呼哀哉!   記昔去年,邂後而遇,觴浮柏葉,額點梅馨,共熏爐以坐晚,援白雪而聯吟。爾既邀我以伉儷之約, 我亦許爾以山海之盟。本謂百年之好,諧於一夕,而庶幾綰鴛鴦之繡帶,並翡翠之芳衾。孰知疇昔之念, 俱屬無妄,而百哀紛感,愬空帷於此辰。嗚呼惜哉!   江波洶涌兮,雌劍已失。夜臺杳渺兮,別鶴徒鳴。婉然在床,彷容光而若見﹔曠焉隔世,想幽會而 難尋。返魂之香莫改,種杏之術無靈。留鏡奩之殘黛,懸繐幌而淒清。   鳴呼!歲寒則暑,日昃則盈。知有生之必死,奚惆悵而悲深。惟怨爾以蜉蝣之衣,瞬息而化﹔日及 之萼,未開而傾。顧餘尤不能無恨者,葉輕盟約,鼎視功名。竟淹留於京邸,而使爾悲懷以歿,是餘之 罪也。又安得不屢嘆而思卿!爾有父母,甘旨是承。爾之靈輀,移殯荒瑩。茲以澗藻,聊既微忱。神爽 有期,留珀枕以待夢﹔香魂如在,託環佩而傳音。此餘謂死生雖隔,而不泯者情,殆思感之所或致,詎 誕妄而不足憑者耶?   錢生讀罷祭文,伏地而哭。雲峰感生情重,雙手扶起,殷殷相謝。是夜,即宿於白翁家。將至更餘 ,紫蕭已是沉沉睡熟,錢生猶明燭獨坐。俄而一陣旋風,吹得燭火無光,半明半滅,又聞西北隅,悉窣 有聲,錢生似夢非夢,忽見一個女子,縞衣紅裳,冉冉而至。大聲唱問道:「人耶?鬼耶?」那女子道: 「妾乃瑤枝鬼魂也。自去春君別之後,日夕懸眸,竟無雁脛只字。及至秋闈,君易姓為魏,自在北場中 選,而妾不知,謂君下第,自此憂思抑郁,一病而亡。日間,承君賜奠,具見高情。趁此夜闌,特來鳴 謝。」錢生平昔畏鬼,每夕必有二人旁臥,方得安寢。那夜因以情愛所牽,了無怖意,既而燭火漸明, 細看瑤枝,豐姿如故。乃嘆道:「朝來一聞訃變,使小生悲苦填膺,方恨無少君之奇術,不意姐姐竟能 現形相會。」瑤枝道:「妾之此來,非敢以泉下餘魂,迷惑君意,只因與君有再世之緣,特來面託。」 錢生驚喜道:「吾嘗閱《牡丹亭記》,至杜麗娘還魂之事,以為若士寓言,而未敢輕信。今姐姐云再世 姻緣,莫非亦能返魂,而與予了卻前盟否?」瑤枝道:「妾見冥王,備以雪夜訂姻,及伉儷未諧,憂郁 而亡的緣故細細陳述,冥王亦為感惻,便令判官查覆。判官先查君云:『錢某不染淫私,奉上帝之命, 增壽一紀,今科已經聯捷,應有三位妻房,官至三品。』又查妾云:『瑤枝還有四紀陽壽,應在陰司四 十九日,方得還魂,合為錢某側室。目下天氣漸炎,只恐屋舍腐壞,乞著當境土地,即運寒冰護尸,方 能轉回陽世。特此查覆』。冥王即差鬼卒送妾在南獄魏夫人帳下,蒙夫人授妾以靈液之丸。其丸以靈液 草修合,草生大宛之西,條枝國弱水之旁,一千歲而抽葉,又一千歲而吐花,俟花褪之後,取汁搗爛, 雜以犀珀為丸。凡死者含之於口,雖在酷暑,肌肉不壞,至七晝夜而復生。昔東方朔為虎傷足,西王母 以草敷在傷處,頃刻而愈,即此草也。日昨,夫人正與少室仙妹下棋,忽命妾云:『爾夫衣錦而歸,將 到汝家探望,汝宜回去一見。』故妾今夜得以魂魄會君。乞君致語者父,俟終七之期,千萬開棺。妾得 再回陽世,皆出於郎君之所賜也。」言訖再拜。錢生道:「若得姐姐再生,天大之喜,敢不牢記,以語 尊翁。」瑤枝又再三叮囑,仍回西北隅,奄然而沒。錢生半信半疑,驚愕久之。忽火光一暗,瑤枝又在 面前。錢生道:「姐姐去而復來,還有何言?」瑤枝道:「回生之事,世不常有,只恐家父未必信君。 妾長眠時,老母以金鳳釵為殉,今妾以釵留在君處,如果不信君言,即以此釵付之,則家父必然無疑矣。」 乃向鬢旁拔釵付生,須臾一陣陰風,瑤枝回首,轉盼數次,隨風隱隱而散。錢生不勝神異,竟忘一宵之 倦。俄而雞鳴於塒,東方已白矣,乃喚起雲峰,即以告之。雲峰笑道:「若得小女再生,實老朽萬分之 幸也。但今仲夏天炎,不要說四十九日,只怕七日之間,已肌體朽腐矣。此必錢爺思憶小女,故得此奇 夢耳。」錢生笑道:「令愛真有先見之明,特以鳳釵為證。」雲峰取釵細看,大驚道:「小女屬纊之時, 寒荊曾以此釵為殉,今有此奇事,則還魂之說,斷無疑了。嘗聞馮娟七月而重沽,麗娘三載而復生。由 此觀之,彼傳記所云,信不誣矣」。正在嗟異,忽聞叩門甚急,原來是錢公遣人催接,錢生乃與白翁夫 婦,約以後期,灑淚而別。   回至衙中,問公借俸銀五十兩,遣使送與雲峰,以為瑤枝回生 藥餌之資。錢公急於離任,惟恐父老 遮留,是夕先以琴書行李發出。次日五鼓,悄然出城。回至白下。錢生即到墓祭祖,又向族中一一拜望 畢,便過訪許翔卿。不料翔卿於一日前,已到孤山,探候范公去了。錢生嘆道:「翔卿高誼,真有古人 之風。」遂辭別鳴皋,即日起程,回至姑蘇。但見陳府尊已曾送到進士肩額,門第一新此時老夫人已稱 為太夫人了,登堂拜見,問安已畢。秋煙姐歡天喜地,抱了寧馨,出來迎接,寧馨見生,便笑嘻嘻的, 要生懷抱。錢生細看寧馨,果然生得眉宇清秀,不勝欣喜。又請出范夫人相見。施禮末畢,范夫人便哭 倒在地,秋煙姐慌忙以手攙扶,錢生驚訝不已。以問太夫人,太夫人備言:「避暑園莊,於五月十八賽 神之夜,忽有穿緋袍的直進中庭,背負小女而去,竟不知是人是鬼。迄今月餘,遍處尋訪,杳無蹤跡。」   錢生聽罷吃了一驚,多時目不能瞬。既而泣道:「兒因求聘小姐,死裏逃生,尋得明珠,不料回轉 白門,老年伯忽遭奸賊之害,已經奉旨北上,及兒進京探候,又值年伯出佐戎行,無由一面。後來睹母 親慈諭,始知伯母、小姐避居家下,意謂僥幸一第,則姻事可以立就。不料又生此變,不由人不痛心也 !」乃取出明珠,雙手奉與范夫人,夫人泣道:「小女尚無蹤影,怎敢收領此珠?」錢生道:「但請老 伯母收下,小姐雖無下落,不肖自當遍處尋覓。」范夫人只得含淚而收。至夜,秋煙訴說繡琴之事,錢 生亦為痛恨。少焉,共入羅幃,邀雲覓雨,兩情繾綣,樂可知已。   次日,先去拜謝了崔子文,以至陸希雲、李若虛。俱拜畢而回,方與范夫人商議,忽錢貞報進,有 一姓常的在外求見。那姓常的是誰?原來即是常不欺。自那日脫離陶園,便欲附舟回去,行至半路,忽 又想起:「都是鄭心如設計,劫了范小姐,卻又只顧自身脫去,把一場人命,幾乎使我李代桃僵。我今 不免報知錢宅,一來說明心如兇惡,以消此恨,二來索些酬謝。」躊躕半晌,便即轉身到蘇,問至胥門, 恰值生方抵家,出來相見。問了姓字,常不欺便把鄭心如設謀,賣花婦做腳,從頭至尾,說出根由。錢 生又喜又恨,拱手稱謝。因問道:「那賣花婦是誰?」不欺道:「叫做梅三姐。」話聲未絕,只見梅三 姐穿了一套新衣,進來叫喜。錢生怒從心起,厲聲詰問。梅三姐看見常不欺在座,驚得面色通紅,不敢 開口。錢生便即進內,稟知太夫人。太夫人大怒,忙呼婢婦,把那梅三姐剝去衣裳,亂棒捶擊。梅三姐 料難隱瞞,只得招認。范夫人咬牙切齒,痛罵不已,復以利錐,刺其肩臂,流血至踵。   當晚僱船二只,一船范夫人與紅蕖諸婢,一船生與不欺,連夜至蘇。但見園扉鎖閉,扉上粘一示諭 曰:   本宦示:照得南湖別墅,向著家人馮二管葺。近馮二盜竊器玩,並什物等件,於本月初五,寅夜逃 去。已經出捕緝拿外,如有無賴棍徒,到園騷擾,以致戕損花木者,定行送官究治不貸。   錢生念罷示諭,驚問不欺。不欺道:「我看那馮二,亦非良善之輩,此必陡起奸謀,把小姐載往別 處去了。」錢生又遣人遍向鄰居查問,俱推不知,只得悵然返掉。是夜,泊船平望,將至二更,范夫人 嗚嗚咽咽,悲啼未息。錢生亦反覆不能睡去,起來靠窗而坐,忽聞領船,有一婦人唱道:   〔山坡羊〕靜蕭蕭碧梧庭院,冷淒淒雕欄倚遍。悶懨懨銀箏漫搊,聲切切思繞天涯遠。端的是難消 遣。盼雙星,獨不眠,秋風應把應把黃昏怨。月色砧聲,紐做愁腸一片。良緣,何日調和琴瑟弦。蒼天 ,恨入煙花誤少年。   〔前腔〕一行行歸鴻初見,一聲聲哀蛩似怨。一陣陣涼風繞窗,一點點淚向羅衫濺。最可憐,抱琵 琶向綺遙。幾回羞把,羞把霞杯勸。怎得拋離舞衣歌扇。門前,不羨王孫車馬喧。池邊,只羨雙飛戲水 鴛。   那婦人唱得哀音宛轉,絕似孤鶴唳風,清猿泣月。錢生側耳靜聽,不待曲終,已青衫淚濕矣。料是 娼妓之流,著人邀喚,那婦人隨即過船。錢生驚問道:「爾是維楊趙嫗麼?」其婦仰首一看,亦驚訝道: 「原來是姑蘇錢相公。」錢生即問友梅何在?趙月兒便把老夫人被祛逐、及至臨安嫁與程生,細陳始末。 錢生又問友梅嫁去,與程生相合否,月兒道:「小女自嫁程生,不及兩月,忽然不見。那程生反到妾家 要人,妾即向程索命,彼此訐訟年餘。程已傾家破產,飄流遠去,妾亦不能度日,嫁與商人。今夜湖光 蕩漾,月色橫空,想起少時光景,不勝傷感,因唱小女所度之曲,以解悶懷耳。」錢生叩舷而嘆道:「 嗟乎!我意友梅,尚有相見之日,今聽汝言,已做了斷雲浮梗,不獲與梨花同夢矣。」言訖,淚如雨下。 月兒亦覺悽然,旋即起身告別。   時已夜半,錢生促喚解維,風帆迅速,瞬息至家。便把憨公子等訟於府尊,府尊立刻出牌,先把梅 三姐拘到。不待用刑,梅三姐一一招出。府尊大怒,掣簽重責二小,收禁獄中,以俟關到憨公子、鄭心 如,一齊聽審。   畢竟後來如何,且待下回解說。 第十三回 金山寺冤鬼現身   詩曰:   夜色茫茫江畔月,含冤來散現魂魄。   能使奸兇心膽寒,彭生如意皆此物。   色莫羨兮財莫漁,每因財色喪其軀。   男兒不做昧心事,磊落□與常人珠。   卻說馮二之妻,因陶官在江北做官,僱為乳母。以後任滿,帶回本郡,特著他管理別業,十分信任。 不意馮二狠心難託,自那日假意告官,把常不欺嚇退之後,與妻商議道:「我想終年管守園房,怎能有 個發跡之日。適值宅內託付玩器數件,維值百金。看看范小姐,又是姿容絕世,不如哄他,只說送返蘇 州,連夜尋船載至維楊,或妓、或妾少也,賣他一二百兩,並把器行變易做本營生,爾我後半世足以溫 飽過日。爾意如何?」馮嫗大喜道:「我亦正有此意,事不宜遲,遲則有變」。   二人計議已定,那馮二自會操舟,便向鄰家借下船只。馮嫗假作驚慌之狀,以給珠娘道:「怎耐常 不欺,又去報知憨公子,只在早晚,要與小姐成親。老身憐念是個宦門閨女,特令拙夫尋一小船,今夜 便送小姐回去,不知尊意若何?特來商議。」珠娘欣謝道:「若得賢夫婦如此用情,決當厚報。」馮嫗 又道:「還有一件,吾由大路直到,惟恐憨公子以快船追襲,假自松江抄轉,方保無虞。只是在路,又 要多行幾日。」珠娘道:「我又不諳程路,悉憑主裁。」當晚,馮二夫婦只把細軟收拾,等至夜闌人靜, 扶了珠娘下船,蘭橈迅舉,兼程進發。   忽一日已到鎮江,泊舟水涯,馮二正炊午飯,忽聞隔船有人問道:「二叔別來無恙?」馮二抬頭一 看,乃是族侄馮肇,向在青蓮庵,披荊為僧,即寂如也。自那夜與法雲、寂如等謀劫錢生,遂把戚氏擊 死,畢竟寂如眼快,覷見真真兒,手持匕首,刺人如決飛鳥,他便回身走脫。雖幸漏網,不敢回庵,向 與金山寺住持文友相熟,遂在寺中住歇。是日打從長洲抄化而回,剛與馮二相遇。便邀二過船,敘淡良 久,從容問道:「吾叔此行,仍欲往揚州,或是暫時貿易?」馮二乃告以心事,寂如低頭想了一會,乃 道:「吾叔載此尤物,易起人疑,況且到了維揚,未必有售主。設或有人聘娶,或賣在樂尸,必須面看。 萬一小姐烈性不從,叫喊起來,未免敗露。據侄愚意,倒有一條妙策,不知吾叔允否?」馮二欣然問計, 寂如道:「住持文友,與我至密,悉知其為人,酷好美色。不如今晚泊船山下,侄與文友說合,包兌二 百兩紋銀,待至夜深,把小姐哄入寺內,那時深房邃院,再有誰知吾叔得銀?又便於營運,此計何如?」 馮二大喜,遂點頭相約,各自開船過江。那揚子江乃是東南天塹,但見:深沉巨浸,森渺寒光,一望迷 茫,四圍無際,煙收霧斂,隱隱的露出金、焦兩點,宛在中央。雨霽虹銷,泛泛的飛來鷗鷺成群,爭依 孤渚。不盡客航,幾葉峭帆。風乍捲,亂劃漁槳,一聲歎冷月初殘。恍見數層銀島,原來是雪浪搖空。 忽聞萬馬奔馳,卻便是怒濤推至。正是:鳥飛應畏墮,帆遠卻如閑。   風帆迅速,不多時便抵金山。只見殿宇嵬嶷,遠憑江勢,真一大觀也。有詩為證。詩曰:   水天樓閣影空空,化國何年此寄蹤。   淮海西來三百里,大江中涌一孤峰。   濤聲夜恐巢枝鳥,雲氣朝隨出洞龍。   不盡登臨去帆疾,蒼范遙聽隔煙鐘。   寂如先進寺內,忙向文友說知。又友笑道:「若得美人以供爾我衾枕之歡,此樂便是西方,何必更 求蓮座。只是二百金,一時不能措辦,奈何?」寂如道:「我有一計,雖云太毒,然彼以不義而得,我 以不義取之,亦不為過。」文友欣然問其說,寂如乃附耳低言如此如此,文友大喜。時已傍晚,忙開隔 年陳酒,整治鮮魚大肉,款待馮二。原來馮二最與曲生相契,嘗了酒味香甜,先已忻快。酒過數巡,文 友取出紋銀一封,兌准十兩與馮二看道:「以後一百九十兩銀色悉照此封,須俟小姐進寺之後,一並兌 奉。」馮二向來窮乏,驟然見了滿捧紋銀,轉覺精神飛舞。文友、寂如忙以巨杯勸進,將至黃昏,馮二 已不省人事,頹然醉矣。寂如乃扶至江邊,馮二猶口中模糊道:「二百兩是足值的,快些兌銀,我欲開 船趕路。」被寂如用力一推,頭重腳輕,翻身下水,可憐一念之貪,反以骸骨葬於江魚腹內。正所謂螳 螂捕蟬,而不知又為黃雀之所攫也。   且說珠娘在路數日,心頗生疑,往往詰訊馮嫗,嫗惟委曲支吾。及渡江至寺,但聞江濤震蕩之聲, 又以問嫗,嫗謬道:「此太湖也。」既而斜陽西下,天色漸瞑,馮嫗道:「太湖乃盜賊之藪,幸有敝親 在此,不妨借宿一宵。明日飯後,必至蘇矣。」小姐無可奈何,只得隨行上岸。進門數重,方抵一室, 但見房櫳清雅,屏帳鮮華,卻無一個女婦出見,心益憂疑。俄而壁上彈指一聲,嫗即掀簾而出。於時寂 如既推馮二於江,復賺嫗道:「二叔頃已醉臥在船,宜喚之速起,以便兌銀交付。」馮嫗方至江濱,不 提防文友在側,雙手一推。寂如大呼道:「救人!救人!」而洪濤拍岸,已隨波逝矣。可憐馮嫗,亦死 於非命。   珠娘在房,值小童以酒餚捧進,擺下杯箸三副。珠娘問道:「爾家何姓?」童笑道:「此乃金山寺 也。娘子猶未知麼?」珠娘聽說,不覺魂魄俱喪,連聲叫苦道:「又墮奸計矣!」方欲掩門自盡,忽有 年少婦人,自燈後趨出,將燈吹滅。此時,文友、寂如俱在馮二船中,把那器玩什物,細細收拾。於是 點燭進房,遍體風騷,意謂小姐可以迫協成歡。及見室中黑暗,用火一照,並無傾城美麗,只見一個婦 人,披髮滿背,面上鮮血淋漓,張口露牙,垂手而出,簾外刮起一陣陰風,頓把燭火吹息。二僧驚得毛 骨俱寒,轉身奔赴於地。少頃起來,重向琉璃取火,指摩雙眼,振攝精神,揚聲秉燭而至,則見磷火煌 煌,那婦人愁眉蹙額,坐於門首,耳畔但聞啾啾鬼哭號呼、索命之聲。二僧遍身慾火,渾如冷水一澆, 惟口中咄咄狂喊至曉,不得作行雲之夢矣。正是:   只憑鬼婦銜冤哭,方保千金廉質全。   且說臨安程信之,自八月十五不見友梅,心中怏怏如失重寶,疑為趙鴇誘匿,具呈本府。趙鴇受了 冤誣,也把人命狀詞,控告巡按,為此構訟期年。信之家事日漸消乏,其年又遭回祿,遂致資本蕩然, 在杭不能存立,只得安頓妻房,自到揚州依附族叔。那族叔諱宏,號逸庵,自曾祖即為鹽商,真有百萬 之富。宏以舉人選官,任至四川成都府同知,長子必成,仍習祖業﹔次子必賢,肄業府庠,年方二十一 歲,才貌兼優。信之自到廣陵二載,逸菴以其才識敏達,深為器重。是年五月至杭,搬載家小回至鎮江, 夜半遇盜,信之墜水,幸以浮木得生,其妻林氏及囊資什物,俱被劫去,信之袒跣號泣而歸。告在本府, 出了捕文挨緝。當珠娘被誘入寺之夜,正值信之同了捕役,泊舟山畔,更衣入寺,禱於關帝,祈得六十 八簽。簽曰:   南販珍珠北販鹽,年來幾倍貨財添。   勸君止此求田舍,心欲多時何日厭。   信之念罷簽詩,茫然不解,又把被劫情由,備細禱告,若與林氏果得相逢,只祈一簽上上。須臾求 出一簽,乃是七十四。簽曰:   崔巍崔巍後崔巍,履險如夷去復來。   身似菩提心似鏡,長江一道放春回。   信之看到第二句,以至末句,滿懷欣喜,遂即下船。是夜睡至二更,夢一少婦,血痕滿頰,近前哭 訴道:「妾身戚氏,住在金陵城外青蓮庵之後,禍遭兇僧寂如謀奸不遂,將妾擊死。今寂如遁跡本寺東 房,與住持文友,又欲奸污夢珠小姐,被妾現魂救衛。明日小姐之父范父,自塞上南歸,泊舟維揚,君 能救出小姐,與范太守相會,並把寂如送官正法,以洗妾冤,則君破鏡必合,相遇有期。」信之驚愕不 能言,惟惟惟而已。戚氏臨去又囑道:「妾含冤不散,自隨寂如,迄今二載矣。因彼皈依釋氏,難以近 身,今曉彼又謀溺叔嬸,罪惡滔天。雖有佛力,不能庇護,故妾得以隨身索命。妾無范氏,則冤仇莫雪﹔ 范氏無我,則貞操不全﹔君若不遇妾與范氏,則夫婦不能完聚。牢記!牢記!」戚氏既叮嚀而退,程亦 欠身而醒。但見白露拂江,半蓬明月。思憶夢中戚氏所言,句句分明,又詳忖簽詩,與夢暗合。遂不復 睡,坐以至曉,喚起捕役朱敬山以語之。敬山道:「夢雖難憑,然明顯若此,不可不信,況且住持文友, 曾經會過,便不知果有寂如否?君可進寺相訪,我等尾後,以觀動靜。」信之果以為然,急起叩扉,謁 見文友,又問起寂如,寂如亦便出來相會。只是二僧因為鬼祟攪亂了一夜,方欲就枕,而信之適到,故 眼色矇矇,神思倦憊。信之見了如此光景,暗暗驚異,乃與敬山遍向曲房靜室,細細邏察,卻是悄無影 響。逗留逾時,方欲告別,忽見廊下一婦,拍手而笑,復以手招信之,轉身走入靠西室內。信之、敬山 等,急忙隨後而入。那婦人倏又不見,惟正南張畫一幅,恍若畫上笑聲啞啞。信之舉目直睇,但呼怪事。   畢竟敬山乖覺,細看二僧,面容頓改,言語違離,便雙手扭住道:「爾等禿驢做得好事!」忙令信 之掀畫一看,內有小門。推門而進,又有精舍數間,窗外欄干六曲,行過長廊,果有女子隱隱號泣。信 之奮步向前。珠娘在內,聽得人聲喧嚷,疑是二僧逼奸,忙以羅帶自縊。信之破扉而進,大呼道:「果 是范小姐否?我等特來相救」。小姐背立含泣,而應聲道:「妾果范氏,君輩是誰?」信之道:「某等 泊舟山畔,夜來得一奇夢,故知小姐被危。又知尊翁先生,今日必至維揚,乞小姐不須疑慮,作速登舟。」 珠娘嘆道:「妾以閨中弱質,奈何命運不辰,出頭露面,受盡摧挫。荷蒙君子仗義相扶,在妾有何面目, 再立於人世乎?況家君遠困遐陬,豈能即返,君請自為正務,此地乃妾畢命之所耳。」信之道:「小姐 差矣,若果失身兇禿,死固宜然,今不為所犯,而必欲捐軀,則貞白之心反不能顯暴於世矣。某因失偶 相尋,愁腸如沸,故一聞小姐之事,不覺怒發沖冠,出自誠心相救,豈小姐視如僧輩,而固為拒卻乎? 設或尊君未即相逢,某當多著女伴,送至尊居,幸勿疑某亦蓄他意也。」小姐乃收淚致謝。當信之苦勸 時,朱敬山已把文友、寂如鎖在船中,招呼二十餘人,蜂擁上岸,把細軟件物,一切笥匣器皿,無不席 捲下船。信之乃以自船中艙,與小姐獨坐。將欲解維,合寺僧侶悉知,擁出江邊,沸聲詰究。朱敬山既 有捕批,小姐又現在可證,遂不敢攔阻而退。   是日風順,開船未幾,便至揚州。將船停泊,信之便到岸上,遍向座船逐一挨問,哪裏有個南京范 太守的船,只得走回與朱敬山計議。敬山道:「若不解進府裏,被他先告一狀,反吃官司。只是到官, 須要小姐面證。」珠娘在艙,聽得見官二字,不覺號啕大哭,走出船頭便欲赴水。左首船上有一老者驚 問道:「那一位好似我家夢珠小姐。」珠娘回首一看,認是老僕金元,大叫道:「金元救我!」金元便 即扶腋過去。原來范公的船,與客船相似,故信之尋問不出。   當下珠娘急問老爺哪裏?金元道:「老爺拜望太守未回。」言未畢,公已回至船首。見了珠娘,大 驚道:「我兒為何在此?」珠娘見公,牽衣大哭,便把被劫情由,細訴一遍,公亦垂淚道:「只道我為 父的受苦三年,誰知汝亦遭此厄難。只是汝既被劫,爾母亦必苦壞矣。」珠娘曰:「母親只為爹爹謫蹇, 終日愁苦,今天幸賜還,想是朝紳出疏申辯。」范公搖首道:「那些權佞眈眈虎視,在朝大臣,俱以身 家為重,誰敢撩須。我一到邊陲,自謂必死,全賴新主洪恩,方遂首立之願。即如今日得會我兒,亦莫 非雨露之所賜也。」言訖,便令金元導至程船道謝。信之說起二僧兇惡,頃已解府,尚欲借重鼎言。范 公道:「二兇叫甚名號?」信之道:「一喚文友,是本房住持:一喚寂如,向在青蓮庵中。因殺死戚氏, 逭命在山。夜來託夢以救令愛小姐,即戚氏之鬼魂也。」范公切齒怒恨道:「那寂如受戒憨山,我向來 敬禮,誰料兇暴至此!今既解去,我即刻進府,面見太尊。」公怒氣沖沖,與信之作別,是時揚州府知 府叫做李胤祥,因公是諫謫超遷,十分敬重。當日,范公再進賓館,備陳前事,李府尊大怒,立刻就把 文友、寂如,重責四十,問成大辟。正所謂:   禍福無門,惟人自召。   你道范公,為何便得擇歸?只因天啟駕崩,崇楨以藩王繼兄而立。上在藩邸,悉知魏忠賢專擅國柄, 謀為不軌,故登極之後,便遣忠賢出守皇陵。忠賢危懼,到了山東飯店,自縊而亡。於時,凡為魏黨所 害,貶降在外者,悉復原職。然公只宜即往金陵,為何留滯揚州?只因夫人、小姐在錢老夫人家下,故 公先著范斐,同了許翔卿至京。修葺房屋,自來拜過府尊,然後取路至蘇。也是天意,該與小姐相會。 當晚公自府中回船,珠娘接見道:「頃有信之之叔程公來拜,帖兒在此。」公方欲展閱,又值信之帶了 兩個婢女來至船首,公慌忙迓入。信之道:頃會家叔,道及小姐舟內無人,故家叔特著兩個粗婢,權為 服侍,並設蔬餚,以屈尊駕少敘。」范公道:「萍水相逢,謬承賢竹林如此厚誼,使老朽何以為謝?但 不知令叔尊號?」信之道:「家叔賤號逸菴」。范公驚喜道:「原來是逸菴兄,乃吾好友也。乍到匆匆, 未及看謁,豈知即為令叔!少間必當趨晤矣。」信之去後,公即答拜逸菴。相見畢,逸菴稱賀道:「恭 喜,恭喜!」范公笑道:「第三年出塞,骸骨偶歸,何喜之有?」逸菴道:「聖人當寧,魑魅潛形,而 吾見之公憒得雪。今日軒車榮返,固一喜也。令愛受磨湟而不磷淄,堅白之行,尤人所難。況乎數千里 之隔,與兄一朝奇遇,又一喜也。」范公道:「小女得全陋質,皆出於戚氏陰護之力,令侄匡救之功。」 言未訖,一人肅衣出見,逸菴命之拜公道:「此乃次小兒必賢也。」公視之,形軀端厚、眉目秀雅,試 以學問,頗有根源,逸菴道:「弟有一事相懇,輒欲面談,不知可否?」范公道:「願聞臺諭。」逸菴 道:「仰慕令愛芳姿,欲為小兒求聘,必俟仁兄鈞諾,然後敢通媒妁。」公乃告以明珠之故,逸菴大喜 道:「若要別件珍寶,寒家未必預備,至於明珠之類,先人幸曾留下。」急忙進內,取出一顆,放在瑪 瑙盤中,旋轉不定,光映一室。范公捧珠大悅,便以親事承允。逸菴道:「容伺揀選吉日,先以此珠獻 媚」。范公欣然惟惟。   是夜,賓主酬酢盡歡,既而酒闌,談起舊事。公謂逸菴道:「猶憶昔年,弟自開封罷官,偶造貴郡, 承兄偕名妓女友梅。於時極清風於芳澗,拾明月於幽林,呼酒快談,纏綿徹夜。友梅既度新聲,第亦放 歌相和。曾幾何時,而追憶此歡,忽已四載矣。不知羅浮春色,今無恙否?」逸菴嘆道:「自兄別後, 那趙姬便不知所往矣。」時夜漏將半,公執手謂信之道:「戚氏所云句句皆驗,獨於尊閫未有下落,然 云救了小女,自然去鏡復合,竟者相會之期其在敞郡乎?僕於明早掛帆,君宜繼至可也。」言畢,起身 告別。次日渡江,只著金元到蘇迎請夫人,自與小姐,先返白下,要知程必賢姻事若何,下回便見。 第十四回 明月珠東床中選   詩曰:   光熠熠以照物,勢規規而抱圓。西山之下,隨珠星而隱見。東海之上,逐明月而虧全。胡云色奪琉 璃,光射金玉。鮫人泣吳江之際,游女弄漢皋之曲。在蜀郡而浮青,居石家而自綠。無脛而至,有感必 通。去映魏東之裏,來還合浦之中。垂輕簾而璀璨,綴珠網之玲瓏。    ────右《明珠賦》(採錄半篇)   卻說范公回至金陵,未及旬日,程逸菴已託表弟宋瑄為媒,與程信之、程必賢一同來望。相見甫畢, 宋瑄便令從者,以小金盒捧上明珠,范公笑道:「某前言已定,斷無二二。夜珍之賜,容待寒荊抵舍, 方敢拜登。」宋瑄道:「家表兄迫於賤事,未及造府拜見,故先著晚生以珠呈奉,既承老先生金諾,則 尊老夫人意必相符,還望麾留,足仞厚誼。」范公乃欣然收領,遂館必賢等於宅西別業。又逾數日,老 夫人方到。見公面容黎黑,驚喚道:「一別三年,相公須鬢俱皓然了。」珠娘出來,見禮方畢,與夫人 抱頭而哭,公再三勸慰,夫人方收淚道:「女兒之事,問於金元,已知大略。只不知相公謫到邊塞,景 況何如?」范公嗟嘆道:「若說塞上風霜,其實淒楚,那杜游擊孤軍出鎮,疲憊殘弱之兵,不滿二千, 卻又當敵人之沖,刁斗不息。每至胡笳群動,牧馬悲嘶,惟與杜君向南飲血。自揣此生,必以馬革裹尸, 誰料今日又得與夫人相見。」夫人道:「那裴崔威勢,近日如何?」答道:「夫人猶未知麼?自先帝殯 天、今上秉政之後,魏忠賢自縊而亡,全家貶徙嶺外。如今王梅川矢心策手,便把魏裴彈了一本,又欲 修睦於我,替我出疏辯冤,故王梅川得以原職閑住。聖上即升我為苑馬寺少卿,我不欲為官,所以致仕。」 夫人又泣道:「只可恨女兒無辜也受此一番磨難。」   范公道:「我正為女兒姻事,專待夫人歸來商議。」便把程逸菴求親,說了一遍,取出明珠付與夫 人。夫人大驚道:「相公臨別叮嚀,曾說錢生一歸,便諧花燭,不意錢生淹留京邸,直待春闈奏捷而還。」 公驚問道:「我閱南畿試錄,並無錢生姓名,為何春試得捷?」夫人道:「他只慮玉梅州嫉害,故從了 母姓,又改諱為芳。」范公道:「三四內果然有一魏芳,但不知登第而歸,可有明珠否?」夫人道:「 錢生到家,正值女兒遭難,他一聞此信,悲思婉轉,便以明珠付我。我推卻不受,他道:『小姐雖無下 落,我畢竟要到處尋求。』妾感其意誠,只得收下,及前日金元來報,妾身起程之後,彼亦買舟後至。 若又許了程家,何以回那錢生?相公此舉忒覺孟浪矣。」范公想了一會道:「據夫人之意,何以處之?」 夫人道:「依妾愚見,作速辭卻程翁,仍許錢生為是。」范公道:「我與逸菴相知情厚,況是親口許出 ,今明珠已收,程生已館於別業矣,怎能辭卻?」夫人道:「不然。我母子至蘇,感承錢夫人殷勤款待, 及臨別之際,含淚相送,堅以姻親為懇。況兼錢生付珠在前,程家議親在後。今若變易移心,不惟食言, 而且負德矣。」公以事在兩難,悶悶不悅。   方公與夫人談論時,珠娘在旁聽說許親程氏,便退至闌閨,柳眉低鎖,杏臉生愁。嘆了一口氣道: 「悔不死於陶氏園中。」紅蕖聽了,驚訝道:「小姐怎發此言?」珠娘道:「我與錢郎,雖不曾一面相 親,然以詩箋傳意,又託蓮香訂盟月下。今錢郎幸得中了,果有明珠為聘,事已萬分無疑。誰想程翁, 亦以明珠,央媒來說,爹爹竟爾許允。把三載深情,一旦付之流水,使我忽然聞此,心如刀割。」紅蕖 道:「說起錢爺情重,果然難得。自京邸回來,一聞小姐之事,便慘然不樂,既與夫人同至陶園尋覓, 又把梅三姐送府追究。看他心意遑遑,頃刻不能放下。以後管家報說老爺、小姐已在揚州相會,便即眉 開眼笑,與夫人奉觴稱喜。其一往情深,愛念小姐如此。況又少年科甲,異日青天偉業,不卜可知。即 使程生有其才,未必有其貌﹔有其一貌,亦不能有其情。豈以小姐天姿國色,竟與羔兒作配乎?趁今未 曾下聘,速與夫人商議,尚可挽回。」珠娘道:「羞人答答的,怎好啟齒。事若不諧,有死而已。」話 聲未絕,忽聞雲板傳進,蘇州錢爺已到。原來錢生自夫人歸來,便把不欺厚贈而遣之。稟過太夫人,起 身進京,一則賀問遷鶯,一則訂期納採。因先詣祖居探候鳴皋,款留信宿,是日方來謁見。范公以生既 成進士,兼以風流旖旎,真所謂國士無雙也,殊悔多許程生,故相見之際,意其不安。是夜仍宿生於凝 芳閣之東廂。生以物換星移,轉盼三載,而窗前之碧梧如故,竹色依然,感念舊懷,賦詩一律。詩曰:   鳳凰城裏舊仙家,瑞溢門闌獲彩霞。   綺閣仍披徐孺榻,星機重犯使君槎。   當軒竹佩因風響,繞徑梧陰帶月賒。   追憶桃花曾識面,漫緣流水覓胡麻。   翌日早起,夫人出來,殷殷然以擾宅為謝,錢生亦深敘簡慢之罪。夫人忽見壁上新題,大加贊賞道: 「構意清新,吐辭芬郁,誠文苑之鳳毛也。」錢生以明珠微露其意,夫人面容忽改,含糊不答。錢生心 下狐疑,急忙持刺,往拜許翔卿。翔卿恭敬出迓,施禮畢,分賓主而坐,彼此敘了寒溫。錢生道:「前 歲浼兄作伐,因乏明珠,磋跎至今。幸而求獲一丸,已面奉范伯母矣。再乞訂准,以便擇吉。」翔卿道: 「過承厚愛,敢不執柯,所惜錢爺到底緣薄。」錢生驚問為著何由,翔卿道:「范爺前在維揚,與程逸 菴當面訂姻,今程兄來已數日,將欲擇期行聘矣」。錢生痴呆了半晌,嘆息道:「弟以求取夜珍,幾遭 兇禿之手,真所謂劈洪波而探之於龍頷者也。不謂明珠雖得,事多齟齬。三載以來,也不知歷了多少淒 風苦雨,今日滿望一言安就,誰知年伯將我遺落。無乃負小姐數年待字之意,而負錢生一片求聘之心乎?」 翔卿道:「范公愛重錢爺,豈欲變更?只因金山寺中救出小姐,皆賴逸菴從侄之力,故不得已而許之, 非公之本懷也。」錢生又力懇翔卿,婉轉為計。翔卿方沉吟不語,忽見屏後鬢雲隱現,遣出小鬟催喚翔 卿。翔卿起身進去一會,忙忙出來,見生面如土色,支頤嘆氣,乃抵掌而笑道:「錢爺暫省愁煩,某即 刻進見范公,當圖別計,以卻逸菴,決不致錢爺有遺珠之恨。」錢生乃深深揖謝,又再四囑託而回。至 凝芳閣下,含愁獨坐,正在咄咄書空,只見紅蕖走至。錢生慌忙迎進,嘆息而謂之道:「我自前歲,承 紅姐以詩箋傳遞,又與小姐一面之後,晨風夕雨,總助相思,明幌花簾,惟增悵慕。這一段痴情,其念 可以質之鬼神。今日此來,恨不即刻便諧連理,誰知忽然改易,使我三載痴心,化為春夢。雖是爾家老 爺之故,在小姐亦以憐才一念,棄若飄風,獨不記月下之言乎?」紅蕖道:「錢爺不要錯怨小姐,自因 老爺許了程家後,小姐眼眶橫淚,長嘆一聲道:『乍離虎穴,又遇風波,何妾緣之慳而命之薄也!』乃 喚紅蕖悄悄囑咐道:『我欲以數字,密報錢郎,只為愁滿肺腸,一辭莫措,惟汝為我傳言致意,不可以 薄命妾憂損情懷,亦不可以姻事難諧,急為去就。且再從容以觀老夫人主意若何。』」錢生嘆道:「若 得小姐如此厚意,庶不枉了錢九畹一片誠心。相煩紅姐,也把我若衷,轉達妝次。」紅蕖見生辭意悽惻, 將欲掉下淚來,因安慰道:「錢爺請自保重,倘早晚老爺與夫人計議,一有好消息,妾即當走報也。」 錢生慌忙深深一揖道:「若蒙紅姐見憐,沒齒不敢忘德」。   二人正在喁喁細談,忽聞窗外履響,紅蕖奔逸而去。生以未罄所懷,悶悶不懌,吟五言一絕云。詩 曰:   好事翻成夢,多愁只為情。   可憐吳紫玉,寧忍負韓生。   既而傍晚,錢生和衣偃臥,紅蕖又來,輕輕推喚,錢生一躍而起道:「紅姐昏暮出來,必有好音見 示。」紅蕖道:「頃刻見老爺在夢筆軒與翔卿促膝細商,妾於隔垣側耳,雖不分明,然略聞語意,大約 姻事可諧,為此特來報知。」錢生喜添十信,連連稱謝。到了次日飯後,范公請生出到前廳,只見宋瑄 、程信之、程必賢、許翔卿俱到,一一施禮,依齒而坐。范公道:「老夫今日奉屈諸君,不為別事,只 因小女,擇婿十年,至今未果。曩歲九畹年侄,下帷敝舍,便欲以弱息委字,因惑於明珠一言,猶豫未 決。及年侄取到明珠,老夫又為含沙所中,待罪北關。嗣後小女阽危,幸遇程兄救至維揚,恰值老夫歸 舟暫泊,所以遇復逸菴,央訂秦晉。隨辱宋兄持珠遠貺,得以絲籮附託,固老夫萬分之幸也。誰想九畹 錦旋之日,先以明珠付在拙荊,日來又辱又旆自蘇而至,致使老夫數日思帷,不能裁決。若許了逸翁, 則年侄又道付珠在前﹔如允了年侄,則逸翁又疑老夫欣慕進士了。故老夫愚意,不若限韻出題,求二位 賢契各吐珠玉,待老夫一筆謄寫,傳進小女,聽其選擇。庶彼此無言,而老夫可以免罪,不知宋、程兩 兄與翔卿以為何如?」翔卿道:「明諭極是,此正昔賢雀屏絲幕之意也。」公即令人取出兩顆夜珠,放 在幾上,又令人分授紙筆。錢生詩思泉涌,自謂穩中無疑﹔必賢亦以夙負詩名,欺生只知八股,正要賣 弄才學,俱向公推遜道:「侄輩庸碌小巫,怎敢在班門弄斧。」范公道:「賢契俱是詞壇領袖,休得太 謙。」此日信之雖然在座,因以已事惝恍,寂無一言。只有宋瑄,心下不悅,私謂翔卿道:「若非信之 之力,小姐怎得保全。今日此舉,反為錢,君作嫁衣裳也。只可笑范先生何不直言回了逸菴,多此一番 轉折?」翔卿道:「范公端人也,決無一毫私念,兄請勿疑。」二人自在一邊說話,公即以明珠為題, 令二生拈韻。錢生得了「奇」字,必賢得了「難」字,錢生情興勃勃,信筆一揮,恍若龍蛇飛舞。必賢 思文翩翩,數行立草,猶如三峽倒流,須臾之間,二生詩俱脫稿,奉上范公。范公連聲嘆賞,謄寫遞進, 錢生既注目以盼佳音,必賢亦屏息以俟。忽報吏部王爺來拜,范公急忙換了冠帶出迎。   梅川進來,與宋瑄等次第見畢,獨與錢生細細的寒溫了幾句,一眼見明珠笑問道:「今日滿堂佳客, 豈來自銅柱朱崖,為何夜光爍目?」范公備語其故,梅川道:「不必論二位佳制,老夫一定要與錢郎作 伐了。」言未畢,門上報進錢爺來拜,原來鳴皋亦為生親事未知若何,特來拜望。范公即忙邀入,依次 相見,不題。   且說二詩傳進蘭房,珠娘焚香淨手,然後展視。先拈一首,卻是「難」字韻的。詩曰:   夜深不惜月將殘,徑寸光凝一室寒。   神女弄時游漢曲,鮫人位處落金盤。   酬恩肯借靈蛇用,無脛終從合浦還。   莫謂暗投逢按劍,香閨明鑒辨何難。   逐句吟哦了一遍,笑道:「詩非不工,乃學究語也。」放在一邊,又看一首,是「奇」字韻的。詩 曰:   分明盈掌質合規,曾探驪龍向碧漪。   的礫露荷承盒捧,玲瓏蛛網隔簾窺。   日臨色更欺珍璨,莫墜光能代目移。   慚愧石家空秘綠,難從照乘擬珍奇。   珠娘看了一遍,又看一遍,不禁贊嘆道:「好詩!好詩!且勿論詠物精工,人所不及,即其鏤金為 句,琢玉為辭,讀其詩,而斯人之深情逸韻宛在眼底,正我向來寤寐不忘者。其殆錢郎之筆乎!」又反 復朗詠數過,笑謂紅蕖道:「此詩蓄意悠遠,非錢郎莫能作,非我莫能知也。」紅蕖道:「小姐目如犀 火,自應辨識夜珠,然事係終身,亦宜慎擇。何以知其必是錢爺所作?」珠娘道:「彼云『曾探驪龍』 者,暗喻曾經會過,先有婚姻之約也。首聯託喻詠珠,頸聯表揚珠之光潔,雖有不即不離之妙,其實暗 藏深意。末云『石家空秘綠』者,昔日季倫有妾,名喚綠珠,今我亦名夢珠,故以照秉比我,而言石家 之綠珠,不如照秉之珍奇也。自非敏手慧心,安能措泳?那一首則不然,前六句,無非借引故寶,後二 句以珠自況,而欲取鑒於我,因知為程生所作耳。」紅蕖笑道:「小姐這樣聰明,真是掃眉才子。」珠 娘看畢,便提起兔毫,細細圈點,藏在篋中,又把那一首選不中的,也向詩尾批了數句,著紅蕖傳出。 范公接來,送與梅川,展開一看,乃是必賢所作。箋後批云:   中聯工整,結語冗雄,惟上清照乘,足以方斯雅制。惜乎起語卑弱,金石之聲微乖耳。   梅川看罷,獎嘆道:「批語極切,若以令愛為試官,士無不公之嘆矣。」又笑謂錢生道:「如今的 金花彩段謝媒儀,穩要送與老夫了。」錢生意氣揚揚,喜動眉宇,惟程必賢勃然變色,垂首喪氣。宋瑄 、信之俱覺無顏,便欲起身作別,范公一把留住,笑向梅川道:「若年兄肯為小女作伐,小弟也要與令 愛做媒。程生賢契青年美才,誠可謂風流佳胥也,不識年兄肯以東床留彼袒腹?」梅川欣然首肯。原來 必賢的才貌,雖亞於生,然亦百尺無枝,亭亭獨上,故梅川甚覺中意,一口許諾。范公大喜道:「既承 梅翁厚情,弟即當寫書,報達逸菴,暫屈宋兄留在敝舍,以看程君作入幕賓也。」鳴皋道:「今日不期 而會,小侄終牽珠綠,程兄亦諧鳳偶,一雙兩好,奇情、奇事,千秋之下,又成一段佳話矣。」因起身 密語錢生道:「前日吾侄載來此婦,終日悲啼。他云住在維揚,又與程生同姓,試以語之,或者是他族 中,使渠夫婦完合,也是一樁美事」。   錢生恍然醒起,乃問信之道:「吾兄還是久住揚州,或是臨安遷至?」信之道:「晚弟向居武林, 依附家叔僅三載耳。」錢生又問道:「尊閫可是林氏,今無恙否?」信之慘然悲嘆道:「拙妻果然姓林, 向日搬徙至揚,行次鎮江夜泊,忽為綠林所劫,至今杳無消耗。」錢生笑道:「只在小弟身上,包兄珠 還合浦,劍返延津。」信之愕然驚問,錢生道:「前日小弟進京,泊舟村岸,夜半,忽聞哭聲隱隱,其 聲低而甚哀,漸近江邊,將欲赴水。弟疑是人家婢妾,忙令舟子起身救住。細問其故,答道:『妾身林 氏,夫主姓程,因自杭州遷至維揚,其夜遇盜,妾為賊首所虜,無計可脫。今夕賊與同伙飲醉而歸,闔 家睡熟,妾方能逾窗逃出,欲尋一死。幸值君子垂救,倘肯送至廣陵,生死不敢忘德。』又道:『此地 五六家,俱是餘黨,尊舟為何獨泊於此?』弟聞而肅然惶懼,候至寺鐘初動,忙促開船,進京之後,留 在家叔舍下。正欲擇暇送歸,不期遇兄,適聞所言,其事吻合,故知為尊閫無疑矣。」信之又驚又喜, 慌忙揖謝,范公大笑道:「梅翁得招快婿,老夫幸結絲蘿,誰料信之兄,又得去珠復還,轉覺奇了。」 梅川等亦無不稱異,信之想起戚氏夢中所言,愈加感嘆。原來錢生一見信之,問了姓表便覺驚疑,因以 小姐在心,正懷得失之念,故未暇及此。以後倒是鳴皋提醒,然後問及,誰想果是信之之妻。也是事誠 湊巧。   當日梅川先別,隨後信之便與鳴皋同去。公退至內房,忙令小姐代作書稿,以達逸菴。小姐文不加 點,信筆寫就。書曰:   向弟之得歸也,惟幸濱死餘魂,重依日月,寧復知零丁弱息,亦寄命於豺狼。仰籍慶雲之庇,得逢 令侄救免,反承臺召賜飫溪鯖,固已飽德飲醇之至矣。又辱兄翁,高誼謁如,不鄙葑菲,而以朱陳相約, 忻荷之深,信加銜感。及弟抵舍,詢知賤內在蘇。敝年侄九畹,南宮戰勝而還,先以明珠付聘。故佳郎 君玉趾方臨,而九畹亦自蘇繼至,使弟進退維谷,罔知所以。不虞令侄舍陷入萑苻,亦因九畹泊舟之便, 救至敝邑。非令侄則小女不能瓦全,非九畹則令侄舍不能壁合。彼此相胥,正天意所以全姻偶也。顧弟 不能無歉者,深以有負厚愛。幸值敞同年梅翁淑媛,幽閑窈窕,過於關雎,方足以副門下寤寐反側之求。 特遣進魚旆達。倘獲兄翁賜允,則小女得以苟且字姻,而異日百兩盈之,鳳臺諧偶。聊託柯斧微愛,少 償孟浪爽約之罪於萬一。統祈臺命,監毫主臣。   覽書笑道:「寫得委曲詳懇,不容增減一字矣。」便即寫封,正欲道人送去,只見信之同了林氏, 笑容可掬,特來謝生,又與宋瑄、必賢作別先回。范公囑道:「歸見令叔,煩為老夫婉轉致意。」信之 欣然,惟惟而別。生亦辭公回見鳴皋,置辦行聘之物。   不則一日,逸菴回書,許可並即訂准納採日期。范公取出金盒明珠,同了宋瑄、程生往拜梅川。梅 川慨然留醺,將珠收下。次日,宋、程殷勤謝公而去。兩姓聯姻,無非遵行六禮,此不備載。   只說錢生納聘之後,時因恩例不必到部,已得選授浙江紹興府會稽縣知縣,公以筮仕在邇,卜吉贅 生當合巹之夕,命生作催妝詩,錢生提筆立就。詩曰:   銀漢不須烏鵲渡,良媒只合謝明珠。   鳳樓早把新妝辨,為報三星已在隅。   既而銀燭熒煌,珠簾高捲,小姐金裝玉裹,打扮得好似天仙的帝女,兩行婢媵簇擁出來。錢生烏紗 皂靴,身穿大紅員領,參拜禮畢,外面大開喜筵,公與范斐陪著王梅川、許翔卿二媒,及錢鳴皋等﹔內 面鼓樂送入洞房。生與小姐,同飲花燭之下。不多時,酒闌人散,珠娘卸了鳳冠霞披,錢生亦脫去袍靴, 移燭近前,把小姐仔細一看,雖有沉魚落雁之容、閉月羞花之貌,然與寒年月夜所見絕不相似,心下驚 訝不定,便把前後事情,細細盤詰。珠娘道:「君以昔時所見的比妾如何?」錢生道:「彼不如也。」 珠娘笑道:「君誤矣,昔時會見者,即妾也,豈有一人容貌前後各別?」錢生道:「休言誑我,自與小 姐一面之後,曉風夕月,在在相思,總不離於心目之間,那有面龐尚不能記真者?」珠娘道:「設或妾 非小姐,花燭已成,何必多問耶?」錢生顏色頓變,愀然不樂。珠娘乃笑道:「妾雖陋質,素以禮法自 持,豈肯夜出閨房,以霑多露?只因慕君之纔,君又固需一見,故不得已,特以侍女蓮香代會,其實非 妾也。」生猶未信,珠娘解松衣領,出刀痕以示生,生方欣喜道:「好笑我三載相思,竟在夢中也。」 乃細述從前相慕之懷,珠娘亦訴被難之苦。少焉解帶下幃,共入鴛鴦衾裏。真個是少年才子佳人,溫存 旖旎,彼貪此愛,曲盡於飛之樂矣。   次日恰值蓮香親來賀喜,夫人小姐,優禮相待。錢生見畢,細看面容,宛然如故。蓮香說起范公以 詩選擇之事,因笑道:「那日妾在屏後,窺見錢爺面色不豫,拙夫又倉皇無計,故妾聊設此謀耳。」錢 生謝道:「感領盛情,中心頌之,何日忘之。」退而有感,賦詩一絕。詩曰:   國色從來識面難,洞房昨夜喜相看。   三年一覺相思夢,錯認山茶是牡丹。   錢生終以頸痕為玷,問於醫者。醫者道:「昔有美妃,為如意所傷,曾將獺髓為膏,和珠粉以敷之 ,其瘢始滅。」錢生乃令人遍求白獺。過了數日,既感紅蕖之情,又以紫蕭曾經同難,便將二人配合。 又想起瑤枝未知還魂果否,即著紫蕭前往東昌,迎接白翁夫婦。不一日,紫蕭回報,臨情盡遭流寇,城 外居民各竄,遍處尋問,竟不知白公所在。錢生聽罷,不勝悵怏。忽聞報進,姑蘇賈文華在外,便即慌 忙出見。   不知文華來,有何說話,且聽下回分解。 第十五回 小羅浮舊約重諧   詩曰:   香奩不獨夜珠明,才子風流事事成。   人面桃花生死夢,草臺柳色苦甘情。   松蘿葉契心如一,雪月評章句共賡。   驅犢豈須尋塵尾,吹蕭請聽鳳和鳴。   卻說錢生,以白雲峰不知去向,正在憂悶,忽聞報說,有一賈文華要見,忙欲出迎,只見文華已走 進廳上,向著錢生連連揖謝。錢生道:「向日速於出京,不及候兄一面,以後杳無信息,鄙衷時為怏怏, 不知賈兄幾時得釋?」文華道:「仰賴錢爺一言超豁,數日之後,幸即脫獄。及詣尊寓叩謝,不料錢爺 已出京三日了。因有帳目未清,淹留半月,恰值聖上登基,裴孝廉已貶徙為軍,谷期生亦為仇家所殺。」 錢生撫掌稱快,文華道:「仰託厚愛,無恩可答,今日特報一樁喜事,以贖賀遲之罪。」錢生笑道:「 更有何喜,重煩遠報?」文華道:「聞得錢爺,向在東昌曾與白家又有婚姻之約,今如主人回生已久, 錢爺為何置之度外?」錢生驚問道:「這件事,小弟從未告人,不識吾兄何以知之?」文華道:「僕自 北京回來,偶從桃葉渡邊經過,與白翁邂逅相遇,彼此問了鄉貫,敘話移時,不覺契密,那白翁便談及 錢爺訂姻一事,又說道:『小女幸已再生,只不知錢爺,為何一去又無消息?』便把書信一封,著某持 奉。僕抵家之後,即刻造府,不意臺駕在京,因此特來相報。」便向袖中,將書取出,錢生接來拆開一 看,不覺喜動顏色,原來是七言古體詩一首。詩曰:   憶昔相逢日暮陰,梅花靜掩繡戶深。   挑燈共坐一窗雪,身未許郎先許心。   伯勞飛燕兩分別,夜夜憑樓望明月。   瑤琴聲斷蟲網多,翠幕荃靡香頓歇。   未及邛山掩墓門,情通冥漠仍返魂。   重見落梧秋雨暮,斷雁淒風桃葉渡。   回生之事非渺茫,數行遙致胸中愫。   盟言歷歷郎自知,憐取相思又一度。   便留文華書房待飯,持詩以語小姐,小姐見詩亦歡喜道:「文藻燁然,誠香奩佳句也。既有此事, 何不迎聘至家,以完姻好?妾決不效那妒婦之態,使君作負心人也。」既而道:「君讀詩,必知綠衣黃 裏之語,此事雖不敢阻抑,然勿使妾有積薪之嘆為幸。」錢生笑道:「夫人乃蘋蘩之主,譬如軍中元帥, 若白氏女,則偏裨小將,旦夕荷戈以受指麾耳。」小姐亦為解頤。錢生又稟知范公,范公驚訝道:「還 魂之事,世所罕聞,有此奇異,極應聘納。」錢生乃辦具聘儀,即浼文華為媒,擇吉娶至。定情之夕細 看豐姿,妖艷如故,是夜,就在白氏房中,小姐談笑自如,略無醋意。瑤枝向生細訴思念成疾,及幽魂 夜會,以至回生始末,悲喜交集。因嘆道:「今夕之緣,實出天意,回思往事,恍若夢寐耳。」既而笑 道:「昔日若從君命,今夜白綾帕上無以為質矣。」生急摟之就寢,交會之歡,綢繆徹旦,惟恨玉漏相 催,金雞嗚速耳。   然生雖在極歡之際,每一感念友梅,不禁悲嘆,時會稽縣書吏、皂快等,到京迎接,已十餘日矣, 錢生乃擇吉起程。先至祖居,辭別叔父,然後拜辭范公、小姐與老夫人,免不得酒淚而別。不則一日, 到了蘇州,至家參拜太夫人,禮畢,崔子文、李若虛同來拜賀,錢生倒履出迎。子文一見,執手而笑道 :「金榜掛名,洞房花燭,人間樂事,都被吾兄佔盡矣。」若虛道:「九畹不是凡人,當是玉皇香案吏 ,暫時謫下耳。」錢生道:「小弟學業未優,謬叨制錦,不知兩兄,何以教之?」子文道:「作令不難, 只要愛民如子,不執一偏之見,以折獄則獄不冤﹔推不忍人之心,以用刑則刑不濫。」若虛道:「衙門 吏役雖是作弊太多,然以吾兄聰敏絕倫,不患為人所欺,只患明察太過。」錢生謝道:「有辱大教,願 書之座右,以當弦韋。」少頃,陸希雲亦至,錢生迎入坐定,忙命左右備上酒來,序坐而飲。子文道: 「今日此會,不減昔年。海棠花下,可羨九畹兄出宰名都,希雲兄掄魁秋榜,只我兩人,黑貂裘敞,猶 刺蘇秦之股,能無愧感?」錢生道:「梅山之言,既驗於弟,則吾兩兄,必在來科折桂矣。」四子各敘 衷懷,直至薄暮而散。時寧馨年已三歲,生以太夫人命名,不忍改易,因即取名嗣馨。聞子文有女,亦 年三歲,遂託若虛為媒,下了允定之禮。又差人至桃葉渡,迎接白翁夫婦,管守田房。自與家眷,刻日 赴任。   原來秋煙姐雖然生子,做人謙卑謹厚,小姐既有摎木之賢,瑤枝亦秉塞淵之性,故忙則佐理中饋, 暇則品題花月,情分相投,猶如嫡親姐妹一般,所以太夫人十分歡悅。方舟抵武陵,忽見陸希雲遣人趕 至遞書,錢生接書開視,簡上寫道:日者,仁兄榮蒞,弟以賤事,偶往百花洲,不及歌驪駒為送,歉甚! 歉甚!茲啟賣花梅嫗,獲罪門下,雖決海波,流惡不盡。然細查首惡,實係心如。今嫗坐獄數月,染病 垂危,倘獲海涵,使嫗苟全殘喘,則仁兄度量之宏,尤勝於文穆矣。異日弟躡山陰之屐,當造貴治。暫 分半榻,以看河陽滿縣花也。臨楮神馳,餘不盡悉。   錢生看畢,即寫回書,並寫書送與府尊,令將梅三姐釋放。生既到任,自有縣中堂規,及參見上司, 但不必細述,按下不題。   且說憨公子同了鄭心如,自在陶園奔返臨安之後,仍在本郡倚勢橫行,做那奸淫不法之事,總是鄭 心如百方引誘。及蘇州府關文到杭,憨公子忙與心如商量,著人賄囑書吏,申文回復。又遣人至蘇,探 聽消息。知是常不欺漏泄事機,遂與不欺絕交,不許上門。   忽一日,要往會稽探望母舅,便與心如買舟渡江。原來憨公子的舅氏姓呂,號竹溪,越中望族也, 不一日,到了母舅家裏,參見畢,呂竹溪欣然款留。一日,憨公子偶在門首閑立,忽見一年少婦人,身 穿淡羅衫子,自溪畔浣紗而歸。那少婦生得如何?但見:   纖眉嫵兮,垂垂春柳。美目盼兮,灩灩秋波。玉質冰姿,不假淡妝濃抹﹔杏脣蓮臉,盡堪艷舞嬌歌。 何必緱山聆鳳曲,恍從青鳥見嫦娥。   憨公子近前一看,便春心難遏。那婦人也嫣然一笑,屢以秋波回盼,慢慢的推扉進內。原來此婦孫 氏女也,年方二十,其夫姓吳,字君美,幼時也曾讀書,後來家事消乏,因在衙門中幫閑度日。其所居 之房,正在呂宅門首。那一日浣紗暮歸,剛與憨公子相遇,引得憨公子心猿頓逸,意馬難拴。忙與心如 言之,心如笑道:「此貧家婦,以餌啖之,易上鉤耳。」乃告以如此如此,憨公子大喜,自此不時往來 窺視。   又一日,孫氏汲水進門,憨公子忙以白綾汗巾,裹銀一錠,投於孫氏足邊,孫氏但微微含笑。恰值 君美徐步而歸,憨公子正在惶懼,只見孫氏輕舒玉腕,拾置袖中。又以告心如,心如喜道:「事可諧矣。」 乃悄然置酒妓館,以邀君美,君美遲疑不赴。使人邀之至三,日中方至。自此,杯酒往還,相知漸密。   一日偶與心如閑話,心如道:「吾兄株守數椽,怎能發跡?不若尋些資本,出外經營。」君美嘆道: 「薪水尚有不繼,若要資本,從何而得?」心如道:「小弟為兄籌之熟矣,雖有一策,只是不敢直陳。」 君美欣然請教,心如道:「公子胡伯雅,揮金如土,平昔所愛,惟在嬌姿,若吾兄肯以一枝春色,暫借 鸞栖,包在小弟身上,當以二百金相贈。」君美聽了,面色通紅,大怒而去。   過了數日,心如方與呂竹溪分韻做詩,溪邊閑步,只見君美含笑而來,心如再三謝罪,君美道:「 那日承諭,足感厚愛,但不肖夫婦,俱是良家兒女,惟恐丑聲播揚,被人恥笑。」心如道:「只有爾知 我知,外人怎得相聞?況胡公子自有嬌妻美妾,不過一遭兩次,便既歸去。既於尊閫無損,吾兄又白得 一主大財。請自三思,小弟怎敢強勸?」君美甚以為然,猶恐其妻不允,歸以告之。孫氏笑道:「可否 在君,何必問我?」君美又悄然以會心如,且言所許之物。心如乃與憨公子計議。憨公子驚喜欲狂,次 早進見舅妗,話以他事,貸銀二百兩,以付心如。心如止以二十兩付君美道:「公子客中,不及措備, 今早已遣人至杭矣,准在五日內,必當如數找足。但事在今晚為妙。」君美欣然領諾而去。   迨至日哺,惟恐在家不雅,別向妓館取樂,孫氏明妝秉燭,俟至更餘,俄聞輕輕嗽響,急忙啟戶迎 迓,那憨公子見了孫氏,也不敘一句風月之言,也不致半點溫存之態,惟覺欲火如焚,近前摟抱。孫氏 亦已春意滿懷,偎身相昵。是夜雲雨之歡,如魚得水,直至雞鳴而出。自此往來數夕,歡愛彌篤。心如 極意趨奉,乃撰私情歌十首,俱以談諧之語,形容狎昵之情。其歌最為膾炙人口,選錄五絕於左。歌曰:   藤蘿村裏是儂家,日暮江頭獨浣沙。   莫把桃花輕擬妾,既言妾貌勝如花。   其二:   紫紫紅紅鬧艷塵,人生能遇幾回春。   少年不做私情事,只恐春風也笑人。   其三:   花開蛺蝶必雙飛,汀畔鴛鴦詎獨栖。   紅日半窗歡未足,共郎枕上聽鶯啼。   其四:   奴愛風流歡有情,佳期約定在三更。   忽聞窗外低低喚,不著紅裙啟戶迎。   其五:   夜深花影拂回廊,春色撩人思轉狂。   願得郎心圓似月,清光常照阿奴床。   憨公子雖昧文裏,幸得歌意淺露,諷泳終篇,也不覺撫掌稱妙。然終是公子性格,初時未得孫氏, 愛之如覓珍寶,及數夕之後,便覺情致闌珊。那吳君美早晚需促,心如揣知憨公子已有歸歇之意,便笑 道:「吾前日與兄相約,止雲二數,未嘗許二百兩也。」君美失色道:「不肖雖極窘寒,豈肯以二十金, 做此無恥之事?足下何乃侮弄如小兒耶?」心如亦發話道:「兄真妄人也。如今要娶一位與尊閫人物相 似的,也只消二十金為聘,況乎僅僅數夕,便已獲此重貲。偏又得隴望蜀,何貪心之無厭也!」君美知 為心如所賣,不覺大怒,拂袖而起,然只恨憨公子做此短行之事,而不知計皆出於心如也。則出門,遇 著縣吏沈思梅邀去。   是夜,憨公子以明日歸吳,又持銀二兩,私贈孫氏,便與敘別。二人話至情濃之處,免不得重整風 流。不期君美沉醉而歸,推門進內,不見孫氏,但聞房中笑聲啞啞,乃於門縫一張,只見其妻卸下褻衣, 露出雙股與白藕相似,憨公子立而就之,正在雲深雨密之際。君美按不住怒從心起,忙向廚下取刀,飛 趕進房,憨公子看見勢頭兇猛,用手一推,那君美的刀已墜地,便疾趨而出。君美一面狂喊「胡公子強 奸」,一面奮力趕上,僅截其半裾,並落下朱履一只。時方初更,左右鄰居無不出門驚問,君美乘著酒 興,把憨公子與孫氏如此云云說了幾遍,又大罵不已。孫氏又苦又羞,一時氣憤,便持刀向喉邊一割, 登時命斷,正是:   未了陽臺雲雨情,俄驚霜刃血洗腥。   可憐少婦含羞死,不恨胡郎恨鄭生。   有頃,眾鄰散去,君美回身進內,只見孫氏鮮血淋漓,死在地上,這一驚,倒把酒都驚醒,疾忙報 知地方,一面央人寫下狀詞,准備趕縣告狀。此時錢生到任數月,那一日早堂放告,只見頭一張狀詞就 是強奸殺命事,又看首犯是胡伯雅,第二名是鄭心如,正所謂冤家相遇,不覺勃然大怒,即著四衙驗尸, 又差八名皂快,朱書肉臂,立刻聽審,不多時,差人把一干人犯,陸續拘到。心如早已探知縣令是生, 因為珠娘事,不好進見,誰料忽遭此變,心中懷著鬼胎。只有憨公子猶搖擺道:「他自殺死,與我何涉? 況我是都御史之子,呂工部之甥,諒一會稽縣令,豈能奈何我哉?」   錢生喚原告審問,君美哭訴強奸致死,及半裙只履為證。又叫胡伯雅上來:「你卻怎麼說?」憨公 子方欲辯剖,只見本縣鄉紳差人下書,一連四封,錢生概不啟視,拍案問道:「速速的從實說來!」憨 公子也把前後事情,細述一遍,錢生大怒道:「一片胡說!不打不招!」乃令皂役,五板一換,重責三 十。那憨公子自幼嬌養,怎能禁受刑法,打至二十,只得招認強奸是真。錢生便令畫供,援筆定招。   判曰:   審得孫氏之死,胡伯雅逼奸之所致也。雅以錢塘甲族,探視至縣,窺見吳君美之妻孫氏少艾,輒起 竊玉之意。瞷氏浣紗暮歸,遂為調謔,而氏初無貪金慕貴之心,即時赤面唾罵。雅若稍知廉恥,當遨游 以去矣。何乃恃勢橫行,又於某夜,突入臥房,用強凌逼,致氏白壁為玷,攖刃而斃。值美外歸,登時 叫破地鄰,又獲其半裾只履為證。夫雅以富貴之家,何患無蠻腰素口,邀楚岫之雨雲,舞袖歌喉,娛秦 樓之風月者哉!而必垂誕於村姑荊婦,以取重闢之罪?豈能見尤於人,洵乃自作之孽。吾不能不伸三尺 之法,以雪孫氏之冤於泉下也。鄭心如雖係師教無方,姑以不知情免究。   錢生因憨公子有了小姐之事,故信為強奸,而不暇致詳,問成大辟,又料主謀必是心如,惟恐究出 情由,一體問罪,因此拷打成招,竟把罪名獨坐在憨公子身上。亦是錢生不念舊惡,待師之厚情也。   審畢,方欲退堂,只見禮生稟說呂爺來拜。那呂爺是誰?即工部主事呂玄卿也,因以裴黨,削職在 家,與呂竹溪為嫡堂弟兄,所居離城不遠。竹溪遣人馳報,隨即入城,在賓館相見畢,便以憨公子為懇, 錢生道:「這是令甥自取罪殃,本縣只知公斷,豈敢殉私?」玄卿又固求不已,錢生微笑道:「若使魏 東廠無恙,裴司馬鈞渝,則令甥可以出罪,本縣可以改筆了。」玄卿面赤而去。   且說鄭心如出得縣門,心下想道:「這件事若究起根由,我亦難免桁楊,誰想九畹略不追究,反為 我脫卸干淨,這分明是厚我之意了。不若乘機進見,說明此事,豁免了憨公子的重罪,方不負胡老先生 知遇一番。」主意已定,急忙寫了一個名帖,央著禮生通報。只見禮生回說:「老爺不及相見,有一回 帖在此。」心如展開一看,卻是一首詩詞。詩曰:   舌憑三寸是非生,十載文章枉得名。   附勢甘為吠堯犬,趨財好似慕羶蠅。   蘇州公子今何在,白下佳人質自馨。   頃在公庭饒責撲,於斯便是酬師情。   心如看罷,赧然有羞愧之意,嘆一口氣道:「既生瑜,何生亮。」只因心虛,悄然收拾囊資,也不 與竹溪作別,竟自渡江回去,不題。   卻說錢生自將憨公子問罪之後,豪強斂跡,境內肅然,蒞政二年,真是一清如水,所以民稱三異, 政聲藉藉。巡按考察,推生為兩浙清吏之首。忽一日,方出坐堂,有白雲庵尼姑具呈,是為雨花庵侵奪 田界。錢生看了呈詞,陡然想起梅山老人曾說「雨花庵裏」、「桃葉渡邊」,那桃葉渡果已應在白氏夫 人,只不知雨花庵或得與友梅相遇乎?正在躊躕,忽喧傳報進,行取上京。錢生即忙回衙,報知太夫人, 及小姐、瑤枝。於是擇日先發家眷起程,隨後交納印綬,離城十里之外,換了方巾便服,只帶紫蕭、錢 吉跟隨,沿路問至雨花庵,約行三十餘里,方聞鐘聲隱隱。正是:   蘭若知何處,小溪路欲迷。   板橋蘿半縛,石凳草初齊。   松老侵衣馥,猿多枝樹啼。   遙聞鐘聲響,還在竹林西。   不多時,到了庵前,冉冉綠蔭,但聞禽聲睨睆,推扉緩步而入,真所謂「竹徑通幽處,禪房花木深」 。延佇久之,有一美尼出見,號喚去凡,見生美雅風流,含笑問道:「敢問相公尊姓貴表?仙鄉何處? 有何貴干,光臨敝剎?」錢生答道:「小生姓錢,姑蘇人也,偶因游學至此,聞說上剎清幽,特來隨喜。」 那去凡口中敘話,雙眼不住盼生。   少頃,又一老尼無非出會,姿容清潔,年奇四十餘,乃去凡之師也。三人閑敘良久,錢生問道:「 不知寶剎如仙姑者共有幾位?」去凡道:「敝庵只有師弟兩人,此外惟一老頭陀耳。」錢生細細查問, 並無友梅消息。因日暮程遙,不及下船,無非亦款留懇切,是夜獨宿禪房。以友梅無從訪覓,意極耿耿。   即而月照高梧,方倚窗寂坐,只見去凡手攜塵尾,悄然而至,笑謂生道:「幽齋良夜,願共清談, 以消此半窗明月何如?」錢生欣然道:「幸甚。」去凡道:「人謂天上神仙,不作塵凡之想,而何以雙 娛月帳、贅劉阮於天臺﹔三降星軿,訪孝廉於少室?」錢生道:「此亦夙緣未斷耳。」去凡道:「近閱 樂府,有玉簪傳奇,所載潘生私會妙常,豈空門中果有此風流之事乎?」錢生低首不答,去凡乃以小箋 出示道:「有一偈語,敢求相公指教。」錢生手接觀看。偈曰:   出家如雪藕,藕斷絲猶在。   既雲色是空,如何受色戒。   錢生看畢,知其意念著邪,戲改舊詩答之。   詩曰:   雲雨高唐此地非,好持半偈悟禪機。   予心已似沾泥絮,豈逐春風到處飛。   去凡看詩,知生秉正不回,悵然而退。   次日早起,偶往殿後閑步,行盡曲廊,向東竹扉靜掩,上有額曰「小羅浮」,扉左壁上題詩一首, 其外則有古梅數株。錢生疑是詠梅之作,近前細看。詩曰:   春風處處黃鳥啼,桃花李花爭芳菲。   看於終篇,愕然驚異道:「此詩乃我昔年題於梅花樓上的,卻是何人錄在此處?」因此詰問無非, 無非道:「既是相公佳作,還要請問大名,並乞示以令先尊官諱。」錢生道:「小生諱蘭,賤字九畹, 年方二十二歲,先君諱某,官至開府,」無非大喜道:「原來果是九畹相公,可憐尊夫人凝盼久矣!」 錢生急問道:「可是趙友梅否?」無非道:「然,然,然!」遂急叩扉,內有雙鬟應聲出問,無非道: 「火速報知,蘇州的錢相公來了!」話聲未絕,只見友梅花鈿不整,常服素妝,迅步而出,抱生大哭道 :「錢郎!錢郎!莫非夢中相會耶?」正是:   只道天涯遠,相思兩處深。   寧知三載苦,惟隔會稽城。   要知友梅怎得避跡空門,以與九畹相會,且聽下回解說。 第十六回 春明門掛冠歸隱   詩曰:   木蘭之枻沙棠舟,玉蕭金管坐兩頭。   美酒樽中置千斛,載妓隨波任去留。   仙人有待乘黃鶴,海客無心隨白鷗。   屈平詞賦懸日月,楚王臺榭空山丘。   興酣落筆搖五岳,詩成笑傲凌滄洲。   功名富貴若長在,漢水亦應西北流。    ──右《江上吟》   卻說錢生見了友梅,如獲至寶,驚喜泣下。因從容問道:「與卿別後事情,願聞埂向。」友梅便把 自蘇至杭,被鴇母百端凌逼,及設計以嫁程生,細述一遍。錢生道:「那程生可是何等樣人物?」友梅 道:「程生諱必孚,字信之,原籍徽郡,家累千金。」錢生驚異道:「原來就是程信之,一發奇了,只 是既歸程氏,怎得脫離虎穴?」友梅又述遇見梅山老人,至八月十五,虧了申屠丈救至寓所。錢生感嘆 道:「原來保護賢卿亦仗二公之力。」友梅道:「妾自至申屠丈寓所,幸有二姬作伴,梅山老人亦時時 過望。將及半年,申屠丈方自燕魯回來,為妾備言,郎君要聘范氏小姐,求取明珠,幾為兇僧所害,那 時妾即懇求二公,送至金陵與君相會。二公又說:『錢郎萍蹤未定,功名未就。』直至辛未暮春,方得 相遇,遂攜二姬送妾,過了錢塘直至會稽,留妾於此。既以百金為贈,復以古體詩一篇,付妾道:『此 詩乃錢郎題於梅花樓者,子宜珍留,以為異日相會之券。』自此,妾在庵中,深藉二題覆庇,然而盼時朝 日,廓處無聊,每至子夜聞猿,曉窗聽雨,未嘗不黯然魂斷也。無限相思,候君面訴,誰料今日見君, 徒有百憂千緒,又不及抒其端倪矣。」言訖不勝淒楚。既而問生道:「郎君別來作何景狀?夢珠小姐親 事成未?今日因何至此?試為妾細道其詳」。生以兩闈聯捷及與范小姐成姻,從頭至尾備細述了一遍。 友梅驚喜道:「妾但聞縣尊姓魏,誰知即是君也。只是登第之後,就該上表改姓了。」錢生道:「曩因 出京甚速,未暇及此。」無非、去凡聞知即是本縣大尹,慌忙謝罪,錢生笑道:「我今去官,已稱越客 矣。況卿等俱屬方外,何必以此俗套相拘?」少頃,齋畢,令錢吉僱了一乘女轎,厚贈二尼,速急起程。 無非、去凡,直送至十里之外,方與友梅灑淚而別。   無何抵家,友梅先參拜了太夫人,然後與小姐、瑤枝及秋煙依次相見,合家無不歡喜。錢生自此亦 覺心滿意滿,不敢遲留。次日,掛帆長往,舟次維揚,因以友梅所囑,持銀三百兩,往謝程信之。信之 方得友梅忙去之故,而知向雲許嫁錢郎者即生也。是時信之家漸豐裕,再三推辭不受。錢生又問起寂如 二僧,信之道:「文友斃在獄中,那寂如已在去冬正法」。錢生欣然稱快。作別下船,不一日到了京師, 考察之後,欽命山東巡按,那齊魯百姓,聞生出宰會稽摘奸除惡,邑有神明之號,所以豪民狡吏,竄伏 如鼠,而銜冤抱痛之民,莫不伸首引項,若槁苗之待霖雨。生既按郡,果如陰風鳴絛,飛電爍目,向之 強狡者,俯首就罪,而呻吟者,變為歌謳矣。又以大獄,悉為奸吏弄其刀筆,於是不拈成案,平反一十 餘事。既而巡歷方竣,忽錢吉報至太夫人病入膏肓,錢生一聞此信,方寸已亂,遂不及復命,從駕歸蘇, 日與三夫人侍奉湯藥,每夜吁天,顧以身代。將及二月,太夫人方平愈如初。正欲束裝北上,而校尉提 問,已至姑蘇驛矣。原來朝廷祖制,凡繡衣代巡,須俟復命之後,方許回籍。那憨公子之父胡御史切齒 恨生,借此為由,動了一本,所以內閣票准,便著校尉拿究。起解之日,太夫人流淚相送,錢生勸慰道: 「母親大病乍起,自宜珍重,兒雖犯制,念居官清正,聖上自應恩宥,況有崔、李二子,新中在京,必 然為兒辨救,慎勿過為憂郁,有損慈顏」。三位夫人,亦各牽衣哭別。生與校尉方抵山東境上,那些父 老,已紛紛的執香迎接,擁住不放道:「某等已有辯冤表章,上達天聽,且待本轉之後,方許老爺進京」 。錢生堅卻道:「若是這般,顯是抗違聖旨,爾百姓不是愛我,反所以害我了。」乃從夜半,悄然過了 省城。將抵長安,有廉吉士文長儒,與行人崔子文、兵部觀政李若虛,連名具疏,為生辯白,聖上省奏, 左遷生為東昌府司李。原來文長儒,即是王季文之婿,與崔、李同中進士,因在前歲,錢生贈以厚資, 方得與蕙姑畢姻,夫妻十分感激,所有借此為報。錢生入朝謝了聖恩,隨即往拜文長儒,又詣崔、李作 謝,遂走馬到任,著人至蘇迎接家眷不題。   卻說賈文華,自向金陵報了白瑤枝回生之信,到家未幾,其妻張氏患病而亡。正懷失偶之悲,忽值 本郡有一仕夫,在京作宦,寄書相召,文華趁此機會,湊銀二百餘兩,買了細緞,帶至京中發賣。   一日到了東昌,偶從城外閑步,遇著妓女琴娘,新自揚州遷至。身材窈窕,也有六七分姿色,文華 既注目而視,琴娘亦陪笑相迎。是夜擺設東道,就被琴娘纏住,那文華原在風月場中著跡,頗諳採戰之 術,把琴娘奉承得十分歡喜,自此爾貪我愛,情好日篤,未及半年,已把二百兩細緞變賣幾盡。鴇母金 鳳,窺見文華囊資已竭,終日嘵嘵,打雞罵犬,催促動身。文華欲去,奈不能割舍﹔欲留又難禁絮取。 正在進退兩難,忽聞人說,新到理刑就是前任巡按,文華聽了,暗暗歡喜。   恰值錢生前呼後擁,拜客回衙。遠遠的望見文華,立在檐下,便悄然分咐門子,請那賈相公到衙門 相見。文華流落窮途,忽聽門子說,老爺相請,喜得滿面堆笑,急忙隨在轎後,少頃進入後堂。見畢, 錢生道:「賈兄既到敝治,為何不來見弟?」文華乃以心事備訴,錢生笑道:「文華頭顱如許,猶滯跡 於花柳間耶?從來鴇母不仁,只圖財貨。兄果鐘情此妓,不若娶以續弦,我向縣庫借銀相贈。」文華連 忙揖謝道:「多謝錢爺厚情,誓當衛結。只恐金鴇執拗不從,奈何?」錢生道:「此亦不妨,只消具一 稟詞到廳,待我當面批與執照,又何慮金鴇不允?」文華又連揖而出,回告琴娘,琴娘大喜。次日瞞過 金鳳,親自到廳具稟,錢生看了稟詞,就批道:     妓者沉淪慾海,迷戀風情,寧辭栖鳳栖鴉,雖欲為雲為雨。而珴瑁筵前,兕觥勸酒﹔銷金帳裏, 玉臂作枕,良有以也。今某妓,志甘荊布,誓脫火坑,扃春風於繡榻,舞歇霓裳﹔卻夕月於青樓,歌停 玉樹。此真醉之醒,而夢之覺者。長與執照任其所從。   錢生以文華所愛,必有豐姿,故令其具稟,略識春風一面。誰料見時十分面熟,那琴娘亦時時偷眼 窺生。既有批照,金鳳無可奈何,只得許允。錢生果以百金贈文華,文華以五十金娶了琴娘,也無心北 上,將欲治任歸蘇。琴娘密訊文華道:「妾觀司李錢爺,絕似胥門住的十一相公。」文華驚問道:「子 何以知之?」琴娘泣道:「奴本錢宅青衣也,因與同伴有隙,觸了太夫人之怒,將奴出嫁,卻被梅三姐 貪了重賄,哄賣為妓,原名繡琴,故即改為琴娘耳。」文華又謝錢生,備語其事。錢生道:「我亦道有 些相像,原來果是繡琴。」嘗以語太夫人,太夫人顧左右婢女而笑道:「汝輩戒之,嫉妒者當受此報。」   自此生在東昌,三年任滿,便升吏部主事,又由中允,升了諭德。十餘年間,官至侍郎,加尚書俸 ,富貴赫奕,莫之與京,錢生每自退朝之暇,則與三位夫人,焚香啜茗,評花詠月,有時分韻做詩,各 欲誇奇鬥艷,體裁菁藻,句落珠璣。那三位夫人,味同蘭茞,雖無嫉妒之心,而亦飄輕裾曳長袖,回波 而逞媚,爭妍而取憐。小姐嗜琴,每翻新調,有《紅窗影雙鳳飛》之曲。友梅喜畫,時時縱筆作遠峰瀑 布、斷澗孤松,真有云林墨氣。惟瑤枝則以巧言雅謔使人絕倒。生亦縱橫談笑,紛紜酬和於其間。既而 棋聲歇,爐篆銷,茶煙未散、梧月欲上之際,生乃枕小姐之肱,捫瑤枝之乳,命友梅度新聲為宛轉之歌, 而令秋煙槌背搔癢、高臥於北窗之下者。久之則有美麗青衣,攜絳紗燈,兩兩來接報道:「綺筵已設, 金壺酒暖矣。」夫生以一介書生,名為進士,官居三品,享福至此,所謂騷壇領袖、風月總管非耶?然 而錢生亦非徒留連於詩酒美色,每遇朝延大事,未嘗不垂紳正笏,諤諤敢言,平居常以不能致君堯舜為 恥,則又可謂聖賢豪杰之後矣。其年癸未三月,太夫人八十懸幌壽誕,於時崔子文方升鴻臚寺少卿,李 若虛亦以潮州知府任滿入都,陸希雲雖遭點額尚未南返,三子俱備了盛禮,登堂祝賀,錢生乃大排筵席, 廣請朝紳。是夜飲至更餘,痛醉而散。只見錢吉稟說:「日間有一老者,不衫不履,騎驢而來,要與老 爺相見,門吏因為堂有賓客,不敢通報。恰值小人遇著,那老者便把一個簡帖著小人遞上老爺。」錢生 接來,拆開一看,但見帖上七言律詩一首。詩曰:     歌鳳何須笑楚狂,好將時事卜行藏。     江湖只合盟鷗鷺,蘿薛爭知勝鷫鶆。     賊遇黃巢唐遂覆,權歸秋壑宋應亡。     銅駝不日生荊榛,珍重姑蘇十一郎。          九十一翁梅山老人奉   錢生以十年積想,失之當面,悵怏不已。乃詳味詩中意思,是言天下將亂,不如歸隱。那一年錢生 正年三十六歲,又與「若逢四九,返爾林泉」之語相應。將詩與崔、李求教。崔、李之意不約而同,遂 與二子,即日上表辭官,出了春明門,掛冠解綬,一同南歸。大學士魏藻德與朝紳光時亨等俱賦詩為贈。 時嗣馨已年一十八歲,天資敏慧,矢口成文,極為時輩推重。錢生抵家之後,卜吉行聘,即於是秋,為 嗣馨完了伉儷。又以范公與叔父鳴皋俱近八旬,不堪迢隔,乃令白翁夫婦住在蘇州,自奉太夫人依舊遷 往金陵,離城四十五里,與祖塋相近,地名喚做錦鳳村,真個是山明水秀,足稱幽居。生乃因山傍水, 起造園房一所,備極輪渙之美。但見:     紅樓翠闈,繡闥雕甍。門前五柳搖金,窗外千竿嫩玉。林花春吐,池蓮夏開。靜坐處,最喜幽 禽弄舌﹔客到時,自有美酒盈樽。小橋臥澗,遙通水畔荷亭﹔深徑埋香,轉入峰邊梅塢。正是謝安舊住 烏衣巷,裴度新開綠野堂。   錢生正在修葺書院,忽見許翔卿來望,袖中取出一封書信道:「某近白蘭溪返棹,將渡錢塘,遇著 一位長者,自稱申屠丈,修書一封,著某送上錢爺。」錢生啟緘看云:     自別音容十有七載,予兩腳如車輪終年僕僕,作牛馬走耳。聞子三遇良緣,待詔金馬,梅山之 神(??監)不爽,而梅花樓一夕酒錢予已效文魚之酬矣。茲者,天造逄剝,潢池之亂難彌,而煤山之禍 已兆。子以老人一言點醒,歸隱丘園,甚善,甚善!今有真主已出,太平在邇。予亦自茲栖蹤海島,非 敢效田橫自王,聊逞虯髯之故智耳。明年秋杪,吾事方成,子夫婦幸瀝酒遙賀。便中附候,申屠丈白。   錢生看罷,喟然嘆道:「王室如毀,中原瓦解,吾輩將來尚不知作何結果耳。」是時,闖賊李自成 雖得了河南一省,然齊魯之間,猶安然無事。錢生以書意不祥,諱而不言。至明年甲申三月,果有彰義 門之變,大行皇帝縊死煤山,始信申屠丈與梅山之語為不妄矣。   自此,隱在鄉中,捐粟募兵,保障一方,雖經鼎革,天下盜賊蜂起,而錢生保全身家不失,向後多 少朱門大廈化為灰燼,那些屠沽兒、賣菜佣反得滿身羅綺。一朝富貴時,來者高入青雲,運退者黃金變 色。當此之際,不能無感耳。自後生與范公頻至庵中,與心如講論釋典。時賈文華還至金陵,與許翔卿 同為門客。崔、李、陸三子,亦隱在長白山中,與生往來信使不絕。生與三夫人唱和篇什,有《瑟琴集》 行於世。每羨樂天為人,故顏其堂曰希白堂,自亦謂希白居士云。 End of the Project Gutenberg EBook of Hepu Zhu, by Yanshuisanren *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HEPU ZHU *** ***** This file should be named 27734-0.txt or 27734-0.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/2/7/7/3/27734/ Produced by Vicky Tseng Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: https://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. The Project Gutenberg eBook of Don Quijote, by Miguel de Cervantes Saavedra This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Don Quijote Author: Miguel de Cervantes Saavedra Release Date: December, 1999 [eBook #2000] [Most recently updated: January 2, 2020] Language: Spanish Character set encoding: UTF-8 Produced by: an anonymous Project Gutenberg volunteer and Joaquin Cuenca Abela *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DON QUIJOTE *** El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha por Miguel de Cervantes Saavedra El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha Tasa Testimonio de las erratas El Rey Al Duque de Béjar Prólogo Al libro de don Quijote de la Mancha Que trata de la condición y ejercicio del famoso hidalgo don Quijote de la Mancha Que trata de la primera salida que de su tierra hizo el ingenioso don Quijote Donde se cuenta la graciosa manera que tuvo don Quijote en armarse caballero De lo que le sucedió a nuestro caballero cuando salió de la venta Donde se prosigue la narración de la desgracia de nuestro caballero Del donoso y grande escrutinio que el cura y el barbero hicieron en la librería de nuestro ingenioso hidalgo De la segunda salida de nuestro buen caballero don Quijote de la Mancha Del buen suceso que el valeroso don Quijote tuvo en la espantable y jamás imaginada aventura de los molinos de viento, con otros sucesos dignos de felice recordación Donde se concluye y da fin a la estupenda batalla que el gallardo vizcaíno y el valiente manchego tuvieron De lo que más le avino a don Quijote con el vizcaíno, y del peligro en que se vio con una turba de yangüeses De lo que le sucedió a don Quijote con unos cabreros De lo que contó un cabrero a los que estaban con don Quijote Donde se da fin al cuento de la pastora Marcela, con otros sucesos Donde se ponen los versos desesperados del difunto pastor, con otros no esperados sucesos Donde se cuenta la desgraciada aventura que se topó don Quijote en topar con unos desalmados yangüeses De lo que le sucedió al ingenioso hidalgo en la venta que él imaginaba ser castillo Donde se prosiguen los innumerables trabajos que el bravo don Quijote y su buen escudero Sancho Panza pasaron en la venta que, por su mal, pensó que era castillo Donde se cuentan las razones que pasó Sancho Panza con su señor Don Quijote, con otras aventuras dignas de ser contadas De las discretas razones que Sancho pasaba con su amo, y de la aventura que le sucedió con un cuerpo muerto, con otros acontecimientos famosos De la jamás vista ni oída aventura que con más poco peligro fue acabada de famoso caballero en el mundo, como la que acabó el valeroso don Quijote de la Mancha Que trata de la alta aventura y rica ganancia del yelmo de Mambrino, con otras cosas sucedidas a nuestro invencible caballero De la libertad que dio don Quijote a muchos desdichados que, mal de su grado, los llevaban donde no quisieran ir De lo que le aconteció al famoso don Quijote en Sierra Morena, que fue una de las más raras aventuras que en esta verdadera historia se cuentan Donde se prosigue la aventura de la Sierra Morena Que trata de las estrañas cosas que en Sierra Morena sucedieron al valiente caballero de la Mancha, y de la imitación que hizo a la penitencia de Beltenebros Donde se prosiguen las finezas que de enamorado hizo don Quijote en Sierra Morena De cómo salieron con su intención el cura y el barbero, con otras cosas dignas de que se cuenten en esta grande historia Que trata de la nueva y agradable aventura que al cura y barbero sucedió en la mesma sierra Que trata de la discreción de la hermosa Dorotea, con otras cosas de mucho gusto y pasatiempo Que trata del gracioso artificio y orden que se tuvo en sacar a nuestro enamorado caballero de la asperísima penitencia en que se había puesto De los sabrosos razonamientos que pasaron entre don Quijote y Sancho Panza, su escudero, con otros sucesos Que trata de lo que sucedió en la venta a toda la cuadrilla de don Quijote Donde se cuenta la novela del Curioso impertinente Donde se prosigue la novela del Curioso impertinente Donde se da fin a la novela del Curioso impertinente Que trata de la brava y descomunal batalla que don Quijote tuvo con unos cueros de vino tinto, con otros raros sucesos que en la venta le sucedieron Que prosigue la historia de la famosa infanta Micomicona, con otras graciosas aventuras Que trata del curioso discurso que hizo don Quijote de las armas y las letras Donde el cautivo cuenta su vida y sucesos Donde se prosigue la historia del cautivo Donde todavía prosigue el cautivo su suceso Que trata de lo que más sucedió en la venta y de otras muchas cosas dignas de saberse Donde se cuenta la agradable historia del mozo de mulas, con otros estraños acaecimientos en la venta sucedidos] Donde se prosiguen los inauditos sucesos de la venta Donde se acaba de averiguar la duda del yelmo de Mambrino y de la albarda, y otras aventuras sucedidas, con toda verdad De la notable aventura de los cuadrilleros, y la gran ferocidad de nuestro buen caballero don Quijote Del estraño modo con que fue encantado don Quijote de la Mancha, con otros famosos sucesos Donde prosigue el canónigo la materia de los libros de caballerías, con otras cosas dignas de su ingenio Donde se trata del discreto coloquio que Sancho Panza tuvo con su señor don Quijote De las discretas altercaciones que don Quijote y el canónigo tuvieron, con otros sucesos Que trata de lo que contó el cabrero a todos los que llevaban a don Quijote De la pendencia que don Quijote tuvo con el cabrero, con la rara aventura de los deceplinantes, a quien dio felice fin a costa de su sudor Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de la Mancha Tasa Fee de erratas Aprobaciones Dedicatoria, al conde de Lemos Prólogo al lector De lo que el cura y el barbero pasaron con don Quijote cerca de su enfermedad Que trata de la notable pendencia que Sancho Panza tuvo con la sobrina y ama de don Quijote, con otros sujetos graciosos Del ridículo razonamiento que pasó entre don Quijote, Sancho Panza y el bachiller Sansón Carrasco Donde Sancho Panza satisface al bachiller Sansón Carrasco de sus dudas y preguntas, con otros sucesos dignos de saberse y de contarse De la discreta y graciosa plática que pasó entre Sancho Panza y su mujer Teresa Panza, y otros sucesos dignos de felice recordación De lo que le pasó a Don Quijote con su sobrina y con su ama, y es uno de los importantes capítulos de toda la historia De lo que pasó don Quijote con su escudero, con otros sucesos famosísimos Donde se cuenta lo que le sucedió a don Quijote, yendo a ver su señora Dulcinea del Toboso Donde se cuenta lo que en él se verá Donde se cuenta la industria que Sancho tuvo para encantar a la señora Dulcinea, y de otros sucesos tan ridículos como verdaderos De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote con el carro, o carreta, de Las Cortes de la Muerte De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote con el bravo Caballero de los Espejos Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque, con el discreto, nuevo y suave coloquio que pasó entre los dos escuderos Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque Donde se cuenta y da noticia de quién era el Caballero de los Espejos y su escudero De lo que sucedió a don Quijote con un discreto caballero de la Mancha De donde se declaró el último punto y estremo adonde llegó y pudo llegar el inaudito ánimo de don Quijote, con la felicemente acabada aventura de los leones De lo que sucedió a don Quijote en el castillo o casa del Caballero del Verde Gabán, con otras cosas extravagantes Donde se cuenta la aventura del pastor enamorado, con otros en verdad graciosos sucesos Donde se cuentan las bodas de Camacho el rico, con el suceso de Basilio el pobre Donde se prosiguen las bodas de Camacho, con otros gustosos sucesos Donde se da cuenta de la grande aventura de la cueva de Montesinos, que está en el corazón de la Mancha, a quien dio felice cima el valeroso don Quijote de la Mancha De las admirables cosas que el estremado don Quijote contó que había visto en la profunda cueva de Montesinos, cuya imposibilidad y grandeza hace que se tenga esta aventura por apócrifa Donde se cuentan mil zarandajas tan impertinentes como necesarias al verdadero entendimiento desta grande historia Donde se apunta la aventura del rebuzno y la graciosa del titerero, con las memorables adivinanzas del mono adivino Donde se prosigue la graciosa aventura del titerero, con otras cosas en verdad harto buenas Donde se da cuenta quiénes eran maese Pedro y su mono, con el mal suceso que don Quijote tuvo en la aventura del rebuzno, que no la acabó como él quisiera y como lo tenía pensado De cosas que dice Benengeli que las sabrá quien le leyere, si las lee con atención De la famosa aventura del barco encantado De lo que le avino a don Quijote con una bella cazadora Que trata de muchas y grandes cosas De la respuesta que dio don Quijote a su reprehensor, con otros graves y graciosos sucesos De la sabrosa plática que la duquesa y sus doncellas pasaron con Sancho Panza, digna de que se lea y de que se note Que cuenta de la noticia que se tuvo de cómo se había de desencantar la sin par Dulcinea del Toboso, que es una de las aventuras más famosas deste libro Donde se prosigue la noticia que tuvo don Quijote del desencanto de Dulcinea, con otros admirables sucesos Donde se cuenta la estraña y jamás imaginada aventura de la dueña Dolorida, alias de la condesa Trifaldi, con una carta que Sancho Panza escribió a su mujer Teresa Panza Donde se prosigue la famosa aventura de la dueña Dolorida Donde se cuenta la que dio de su mala andanza la dueña Dolorida Donde la Trifaldi prosigue su estupenda y memorable historia De cosas que atañen y tocan a esta aventura y a esta memorable historia De la venida de Clavileño, con el fin desta dilatada aventura De los consejos que dio don Quijote a Sancho Panza antes que fuese a gobernar la ínsula, con otras cosas bien consideradas De los consejos segundos que dio don Quijote a Sancho Panza Cómo Sancho Panza fue llevado al gobierno, y de la estraña aventura que en el castillo sucedió a don Quijote De cómo el gran Sancho Panza tomó la posesión de su ínsula, y del modo que comenzó a gobernar Del temeroso espanto cencerril y gatuno que recibió don Quijote en el discurso de los amores de la enamorada Altisidora Donde se prosigue cómo se portaba Sancho Panza en su gobierno De lo que le sucedió a don Quijote con doña Rodríguez, la dueña de la duquesa, con otros acontecimientos dignos de escritura y de memoria eterna De lo que le sucedió a Sancho Panza rondando su ínsula Donde se declara quién fueron los encantadores y verdugos que azotaron a la dueña y pellizcaron y arañaron a don Quijote, con el suceso que tuvo el paje que llevó la carta a Teresa Sancha, mujer de Sancho Panza Del progreso del gobierno de Sancho Panza, con otros sucesos tales como buenos Donde se cuenta la aventura de la segunda dueña Dolorida, o Angustiada, llamada por otro nombre doña Rodríguez Del fatigado fin y remate que tuvo el gobierno de Sancho Panza Que trata de cosas tocantes a esta historia, y no a otra alguna De cosas sucedidas a Sancho en el camino, y otras que no hay más que ver De la descomunal y nunca vista batalla que pasó entre don Quijote de la Mancha y el lacayo Tosilos, en la defensa de la hija de la dueña doña Rodríguez Que trata de cómo don Quijote se despidió del duque, y de lo que le sucedió con la discreta y desenvuelta Altisidora, doncella de la duquesa Que trata de cómo menudearon sobre don Quijote aventuras tantas, que no se daban vagar unas a otras Donde se cuenta del extraordinario suceso, que se puede tener por aventura, que le sucedió a don Quijote De lo que sucedió a don Quijote yendo a Barcelona De lo que le sucedió a don Quijote en la entrada de Barcelona, con otras cosas que tienen más de lo verdadero que de lo discreto Que trata de la aventura de la cabeza encantada, con otras niñerías que no pueden dejar de contarse De lo mal que le avino a Sancho Panza con la visita de las galeras, y la nueva aventura de la hermosa morisca Que trata de la aventura que más pesadumbre dio a don Quijote de cuantas hasta entonces le habían sucedido Donde se da noticia quién era el de la Blanca Luna, con la libertad de Don Gregorio, y de otros sucesos Que trata de lo que verá el que lo leyere, o lo oirá el que lo escuchare leer De la resolución que tomó don Quijote de hacerse pastor y seguir la vida del campo, en tanto que se pasaba el año de su promesa, con otros sucesos en verdad gustosos y buenos De la cerdosa aventura que le aconteció a don Quijote Del más raro y más nuevo suceso que en todo el discurso desta grande historia avino a don Quijote Que sigue al de sesenta y nueve, y trata de cosas no escusadas para la claridad desta historia De lo que a don Quijote le sucedió con su escudero Sancho yendo a su aldea De cómo don Quijote y Sancho llegaron a su aldea De los agüeros que tuvo don Quijote al entrar de su aldea, con otros sucesos que adornan y acreditan esta grande historia De cómo don Quijote cayó malo, y del testamento que hizo, y su muerte El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha TASA Yo, Juan Gallo de Andrada, escribano de Cámara del Rey nuestro señor, de los que residen en su Consejo, certifico y doy fe que, habiendo visto por los señores dél un libro intitulado El ingenioso hidalgo de la Mancha, compuesto por Miguel de Cervantes Saavedra, tasaron cada pliego del dicho libro a tres maravedís y medio; el cual tiene ochenta y tres pliegos, que al dicho precio monta el dicho libro docientos y noventa maravedís y medio, en que se ha de vender en papel; y dieron licencia para que a este precio se pueda vender, y mandaron que esta tasa se ponga al principio del dicho libro, y no se pueda vender sin ella. Y, para que dello conste, di la presente en Valladolid, a veinte días del mes de deciembre de mil y seiscientos y cuatro años. Juan Gallo de Andrada. TESTIMONIO DE LAS ERRATAS Este libro no tiene cosa digna que no corresponda a su original; en testimonio de lo haber correcto, di esta fee. En el Colegio de la Madre de Dios de los Teólogos de la Universidad de Alcalá, en primero de diciembre de 1604 años. El licenciado Francisco Murcia de la Llana. EL REY Por cuanto por parte de vos, Miguel de Cervantes, nos fue fecha relación que habíades compuesto un libro intitulado El ingenioso hidalgo de la Mancha, el cual os había costado mucho trabajo y era muy útil y provechoso, nos pedistes y suplicastes os mandásemos dar licencia y facultad para le poder imprimir, y previlegio por el tiempo que fuésemos servidos, o como la nuestra merced fuese; lo cual visto por los del nuestro Consejo, por cuanto en el dicho libro se hicieron las diligencias que la premática últimamente por nos fecha sobre la impresión de los libros dispone, fue acordado que debíamos mandar dar esta nuestra cédula para vos, en la dicha razón; y nos tuvímoslo por bien. Por la cual, por os hacer bien y merced, os damos licencia y facultad para que vos, o la persona que vuestro poder hubiere, y no otra alguna, podáis imprimir el dicho libro, intitulado El ingenioso hidalgo de la Mancha, que desuso se hace mención, en todos estos nuestros reinos de Castilla, por tiempo y espacio de diez años, que corran y se cuenten desde el dicho día de la data desta nuestra cédula; so pena que la persona o personas que, sin tener vuestro poder, lo imprimiere o vendiere, o hiciere imprimir o vender, por el mesmo caso pierda la impresión que hiciere, con los moldes y aparejos della; y más, incurra en pena de cincuenta mil maravedís cada vez que lo contrario hiciere. La cual dicha pena sea la tercia parte para la persona que lo acusare, y la otra tercia parte para nuestra Cámara, y la otra tercia parte para el juez que lo sentenciare. Con tanto que todas las veces que hubiéredes de hacer imprimir el dicho libro, durante el tiempo de los dichos diez años, le traigáis al nuestro Consejo, juntamente con el original que en él fue visto, que va rubricado cada plana y firmado al fin dél de Juan Gallo de Andrada, nuestro Escribano de Cámara, de los que en él residen, para saber si la dicha impresión está conforme el original; o traigáis fe en pública forma de cómo por corretor nombrado por nuestro mandado, se vio y corrigió la dicha impresión por el original, y se imprimió conforme a él, y quedan impresas las erratas por él apuntadas, para cada un libro de los que así fueren impresos, para que se tase el precio que por cada volume hubiéredes de haber. Y mandamos al impresor que así imprimiere el dicho libro, no imprima el principio ni el primer pliego dél, ni entregue más de un solo libro con el original al autor, o persona a cuya costa lo imprimiere, ni otro alguno, para efeto de la dicha correción y tasa, hasta que antes y primero el dicho libro esté corregido y tasado por los del nuestro Consejo; y, estando hecho, y no de otra manera, pueda imprimir el dicho principio y primer pliego, y sucesivamente ponga esta nuestra cédula y la aprobación, tasa y erratas, so pena de caer e incurrir en las penas contenidas en las leyes y premáticas destos nuestros reinos. Y mandamos a los del nuestro Consejo, y a otras cualesquier justicias dellos, guarden y cumplan esta nuestra cédula y lo en ella contenido. Fecha en Valladolid, a veinte y seis días del mes de setiembre de mil y seiscientos y cuatro años. YO, EL REY. Por mandado del Rey nuestro señor: Juan de Amezqueta. AL DUQUE DE BÉJAR, marqués de Gibraleón, conde de Benalcázar y Bañares, vizconde de La Puebla de Alcocer, señor de las villas de Capilla, Curiel y Burguillos En fe del buen acogimiento y honra que hace Vuestra Excelencia a toda suerte de libros, como príncipe tan inclinado a favorecer las buenas artes, mayormente las que por su nobleza no se abaten al servicio y granjerías del vulgo, he determinado de sacar a luz al Ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha, al abrigo del clarísimo nombre de Vuestra Excelencia, a quien, con el acatamiento que debo a tanta grandeza, suplico le reciba agradablemente en su protección, para que a su sombra, aunque desnudo de aquel precioso ornamento de elegancia y erudición de que suelen andar vestidas las obras que se componen en las casas de los hombres que saben, ose parecer seguramente en el juicio de algunos que, continiéndose en los límites de su ignorancia, suelen condenar con más rigor y menos justicia los trabajos ajenos; que, poniendo los ojos la prudencia de Vuestra Excelencia en mi buen deseo, fío que no desdeñará la cortedad de tan humilde servicio. Miguel de Cervantes Saavedra. PRÓLOGO Desocupado lector: sin juramento me podrás creer que quisiera que este libro, como hijo del entendimiento, fuera el más hermoso, el más gallardo y más discreto que pudiera imaginarse. Pero no he podido yo contravenir al orden de naturaleza; que en ella cada cosa engendra su semejante. Y así, ¿qué podrá engendrar el estéril y mal cultivado ingenio mío, sino la historia de un hijo seco, avellanado, antojadizo y lleno de pensamientos varios y nunca imaginados de otro alguno, bien como quien se engendró en una cárcel, donde toda incomodidad tiene su asiento y donde todo triste ruido hace su habitación? El sosiego, el lugar apacible, la amenidad de los campos, la serenidad de los cielos, el murmurar de las fuentes, la quietud del espíritu son grande parte para que las musas más estériles se muestren fecundas y ofrezcan partos al mundo que le colmen de maravilla y de contento. Acontece tener un padre un hijo feo y sin gracia alguna, y el amor que le tiene le pone una venda en los ojos para que no vea sus faltas, antes las juzga por discreciones y lindezas y las cuenta a sus amigos por agudezas y donaires. Pero yo, que, aunque parezco padre, soy padrastro de Don Quijote, no quiero irme con la corriente del uso, ni suplicarte, casi con las lágrimas en los ojos, como otros hacen, lector carísimo, que perdones o disimules las faltas que en este mi hijo vieres; y ni eres su pariente ni su amigo, y tienes tu alma en tu cuerpo y tu libre albedrío como el más pintado, y estás en tu casa, donde eres señor della, como el rey de sus alcabalas, y sabes lo que comúnmente se dice: que debajo de mi manto, al rey mato. Todo lo cual te esenta y hace libre de todo respecto y obligación; y así, puedes decir de la historia todo aquello que te pareciere, sin temor que te calunien por el mal ni te premien por el bien que dijeres della. Sólo quisiera dártela monda y desnuda, sin el ornato de prólogo, ni de la inumerabilidad y catálogo de los acostumbrados sonetos, epigramas y elogios que al principio de los libros suelen ponerse. Porque te sé decir que, aunque me costó algún trabajo componerla, ninguno tuve por mayor que hacer esta prefación que vas leyendo. Muchas veces tomé la pluma para escribille, y muchas la dejé, por no saber lo que escribiría; y, estando una suspenso, con el papel delante, la pluma en la oreja, el codo en el bufete y la mano en la mejilla, pensando lo que diría, entró a deshora un amigo mío, gracioso y bien entendido, el cual, viéndome tan imaginativo, me preguntó la causa; y, no encubriéndosela yo, le dije que pensaba en el prólogo que había de hacer a la historia de don Quijote, y que me tenía de suerte que ni quería hacerle, ni menos sacar a luz las hazañas de tan noble caballero. — Porque, ¿cómo queréis vos que no me tenga confuso el qué dirá el antiguo legislador que llaman vulgo cuando vea que, al cabo de tantos años como ha que duermo en el silencio del olvido, salgo ahora, con todos mis años a cuestas, con una leyenda seca como un esparto, ajena de invención, menguada de estilo, pobre de concetos y falta de toda erudición y doctrina; sin acotaciones en las márgenes y sin anotaciones en el fin del libro, como veo que están otros libros, aunque sean fabulosos y profanos, tan llenos de sentencias de Aristóteles, de Platón y de toda la caterva de filósofos, que admiran a los leyentes y tienen a sus autores por hombres leídos, eruditos y elocuentes? ¡Pues qué, cuando citan la Divina Escritura! No dirán sino que son unos santos Tomases y otros doctores de la Iglesia; guardando en esto un decoro tan ingenioso, que en un renglón han pintado un enamorado destraído y en otro hacen un sermoncico cristiano, que es un contento y un regalo oílle o leelle. De todo esto ha de carecer mi libro, porque ni tengo qué acotar en el margen, ni qué anotar en el fin, ni menos sé qué autores sigo en él, para ponerlos al principio, como hacen todos, por las letras del A.B.C., comenzando en Aristóteles y acabando en Xenofonte y en Zoílo o Zeuxis, aunque fue maldiciente el uno y pintor el otro. También ha de carecer mi libro de sonetos al principio, a lo menos de sonetos cuyos autores sean duques, marqueses, condes, obispos, damas o poetas celebérrimos; aunque, si yo los pidiese a dos o tres oficiales amigos, yo sé que me los darían, y tales, que no les igualasen los de aquellos que tienen más nombre en nuestra España. En fin, señor y amigo mío —proseguí—, yo determino que el señor don Quijote se quede sepultado en sus archivos en la Mancha, hasta que el cielo depare quien le adorne de tantas cosas como le faltan; porque yo me hallo incapaz de remediarlas, por mi insuficiencia y pocas letras, y porque naturalmente soy poltrón y perezoso de andarme buscando autores que digan lo que yo me sé decir sin ellos. De aquí nace la suspensión y elevamiento, amigo, en que me hallastes; bastante causa para ponerme en ella la que de mí habéis oído. Oyendo lo cual mi amigo, dándose una palmada en la frente y disparando en una carga de risa, me dijo: — Por Dios, hermano, que agora me acabo de desengañar de un engaño en que he estado todo el mucho tiempo que ha que os conozco, en el cual siempre os he tenido por discreto y prudente en todas vuestras aciones. Pero agora veo que estáis tan lejos de serlo como lo está el cielo de la tierra. ¿Cómo que es posible que cosas de tan poco momento y tan fáciles de remediar puedan tener fuerzas de suspender y absortar un ingenio tan maduro como el vuestro, y tan hecho a romper y atropellar por otras dificultades mayores? A la fe, esto no nace de falta de habilidad, sino de sobra de pereza y penuria de discurso. ¿Queréis ver si es verdad lo que digo? Pues estadme atento y veréis cómo, en un abrir y cerrar de ojos, confundo todas vuestras dificultades y remedio todas las faltas que decís que os suspenden y acobardan para dejar de sacar a la luz del mundo la historia de vuestro famoso don Quijote, luz y espejo de toda la caballería andante. — Decid —le repliqué yo, oyendo lo que me decía—: ¿de qué modo pensáis llenar el vacío de mi temor y reducir a claridad el caos de mi confusión? A lo cual él dijo: — Lo primero en que reparáis de los sonetos, epigramas o elogios que os faltan para el principio, y que sean de personajes graves y de título, se puede remediar en que vos mesmo toméis algún trabajo en hacerlos, y después los podéis bautizar y poner el nombre que quisiéredes, ahijándolos al Preste Juan de las Indias o al Emperador de Trapisonda, de quien yo sé que hay noticia que fueron famosos poetas; y cuando no lo hayan sido y hubiere algunos pedantes y bachilleres que por detrás os muerdan y murmuren desta verdad, no se os dé dos maravedís; porque, ya que os averigüen la mentira, no os han de cortar la mano con que lo escribistes. »En lo de citar en las márgenes los libros y autores de donde sacáredes las sentencias y dichos que pusiéredes en vuestra historia, no hay más sino hacer, de manera que venga a pelo, algunas sentencias o latines que vos sepáis de memoria, o, a lo menos, que os cuesten poco trabajo el buscalle; como será poner, tratando de libertad y cautiverio: Non bene pro toto libertas venditur auro. Y luego, en el margen, citar a Horacio, o a quien lo dijo. Si tratáredes del poder de la muerte, acudir luego con: Pallida mors aequo pulsat pede pauperum tabernas, Regumque turres. Si de la amistad y amor que Dios manda que se tenga al enemigo, entraros luego al punto por la Escritura Divina, que lo podéis hacer con tantico de curiosidad, y decir las palabras, por lo menos, del mismo Dios: Ego autem dico vobis: diligite inimicos vestros. Si tratáredes de malos pensamientos, acudid con el Evangelio: De corde exeunt cogitationes malae. Si de la instabilidad de los amigos, ahí está Catón, que os dará su dístico: Donec eris felix, multos numerabis amicos, tempora si fuerint nubila, solus eris. Y con estos latinicos y otros tales os tendrán siquiera por gramático, que el serlo no es de poca honra y provecho el día de hoy. »En lo que toca el poner anotaciones al fin del libro, seguramente lo podéis hacer desta manera: si nombráis algún gigante en vuestro libro, hacelde que sea el gigante Golías, y con sólo esto, que os costará casi nada, tenéis una grande anotación, pues podéis poner: El gigante Golías, o Goliat, fue un filisteo a quien el pastor David mató de una gran pedrada en el valle de Terebinto, según se cuenta en el Libro de los Reyes, en el capítulo que vos halláredes que se escribe. Tras esto, para mostraros hombre erudito en letras humanas y cosmógrafo, haced de modo como en vuestra historia se nombre el río Tajo, y veréisos luego con otra famosa anotación, poniendo: El río Tajo fue así dicho por un rey de las Españas; tiene su nacimiento en tal lugar y muere en el mar océano, besando los muros de la famosa ciudad de Lisboa; y es opinión que tiene las arenas de oro, etc. Si tratáredes de ladrones, yo os diré la historia de Caco, que la sé de coro; si de mujeres rameras, ahí está el obispo de Mondoñedo, que os prestará a Lamia, Laida y Flora, cuya anotación os dará gran crédito; si de crueles, Ovidio os entregará a Medea; si de encantadores y hechiceras, Homero tiene a Calipso, y Virgilio a Circe; si de capitanes valerosos, el mesmo Julio César os prestará a sí mismo en sus Comentarios, y Plutarco os dará mil Alejandros. Si tratáredes de amores, con dos onzas que sepáis de la lengua toscana, toparéis con León Hebreo, que os hincha las medidas. Y si no queréis andaros por tierras extrañas, en vuestra casa tenéis a Fonseca, Del amor de Dios, donde se cifra todo lo que vos y el más ingenioso acertare a desear en tal materia. En resolución, no hay más sino que vos procuréis nombrar estos nombres, o tocar estas historias en la vuestra, que aquí he dicho, y dejadme a mí el cargo de poner las anotaciones y acotaciones; que yo os voto a tal de llenaros las márgenes y de gastar cuatro pliegos en el fin del libro. »Vengamos ahora a la citación de los autores que los otros libros tienen, que en el vuestro os faltan. El remedio que esto tiene es muy fácil, porque no habéis de hacer otra cosa que buscar un libro que los acote todos, desde la A hasta la Z, como vos decís. Pues ese mismo abecedario pondréis vos en vuestro libro; que, puesto que a la clara se vea la mentira, por la poca necesidad que vos teníades de aprovecharos dellos, no importa nada; y quizá alguno habrá tan simple, que crea que de todos os habéis aprovechado en la simple y sencilla historia vuestra; y, cuando no sirva de otra cosa, por lo menos servirá aquel largo catálogo de autores a dar de improviso autoridad al libro. Y más, que no habrá quien se ponga a averiguar si los seguistes o no los seguistes, no yéndole nada en ello. Cuanto más que, si bien caigo en la cuenta, este vuestro libro no tiene necesidad de ninguna cosa de aquellas que vos decís que le falta, porque todo él es una invectiva contra los libros de caballerías, de quien nunca se acordó Aristóteles, ni dijo nada San Basilio, ni alcanzó Cicerón; ni caen debajo de la cuenta de sus fabulosos disparates las puntualidades de la verdad, ni las observaciones de la astrología; ni le son de importancia las medidas geométricas, ni la confutación de los argumentos de quien se sirve la retórica; ni tiene para qué predicar a ninguno, mezclando lo humano con lo divino, que es un género de mezcla de quien no se ha de vestir ningún cristiano entendimiento. Sólo tiene que aprovecharse de la imitación en lo que fuere escribiendo; que, cuanto ella fuere más perfecta, tanto mejor será lo que se escribiere. Y, pues esta vuestra escritura no mira a más que a deshacer la autoridad y cabida que en el mundo y en el vulgo tienen los libros de caballerías, no hay para qué andéis mendigando sentencias de filósofos, consejos de la Divina Escritura, fábulas de poetas, oraciones de retóricos, milagros de santos, sino procurar que a la llana, con palabras significantes, honestas y bien colocadas, salga vuestra oración y período sonoro y festivo; pintando, en todo lo que alcanzáredes y fuere posible, vuestra intención, dando a entender vuestros conceptos sin intricarlos y escurecerlos. Procurad también que, leyendo vuestra historia, el melancólico se mueva a risa, el risueño la acreciente, el simple no se enfade, el discreto se admire de la invención, el grave no la desprecie, ni el prudente deje de alabarla. En efecto, llevad la mira puesta a derribar la máquina mal fundada destos caballerescos libros, aborrecidos de tantos y alabados de muchos más; que si esto alcanzásedes, no habríades alcanzado poco. Con silencio grande estuve escuchando lo que mi amigo me decía, y de tal manera se imprimieron en mí sus razones que, sin ponerlas en disputa, las aprobé por buenas y de ellas mismas quise hacer este prólogo; en el cual verás, lector suave, la discreción de mi amigo, la buena ventura mía en hallar en tiempo tan necesitado tal consejero, y el alivio tuyo en hallar tan sincera y tan sin revueltas la historia del famoso don Quijote de la Mancha, de quien hay opinión, por todos los habitadores del distrito del campo de Montiel, que fue el más casto enamorado y el más valiente caballero que de muchos años a esta parte se vio en aquellos contornos. Yo no quiero encarecerte el servicio que te hago en darte a conocer tan noble y tan honrado caballero, pero quiero que me agradezcas el conocimiento que tendrás del famoso Sancho Panza, su escudero, en quien, a mi parecer, te doy cifradas todas las gracias escuderiles que en la caterva de los libros vanos de caballerías están esparcidas. Y con esto, Dios te dé salud, y a mí no olvide. Vale. AL LIBRO DE DON QUIJOTE DE LA MANCHA Urganda la desconocida Si de llegarte a los bue-, libro, fueres con letu-, no te dirá el boquirru- que no pones bien los de-. Mas si el pan no se te cue- por ir a manos de idio-, verás de manos a bo-, aun no dar una en el cla-, si bien se comen las ma- por mostrar que son curio-. Y, pues la expiriencia ense- que el que a buen árbol se arri- buena sombra le cobi-, en Béjar tu buena estre- un árbol real te ofre- que da príncipes por fru-, en el cual floreció un du- que es nuevo Alejandro Ma-: llega a su sombra, que a osa- favorece la fortu-. De un noble hidalgo manche- contarás las aventu-, a quien ociosas letu-, trastornaron la cabe-: damas, armas, caballe-, le provocaron de mo-, que, cual Orlando furio-, templado a lo enamora-, alcanzó a fuerza de bra- a Dulcinea del Tobo-. No indiscretos hieroglí- estampes en el escu-, que, cuando es todo figu-, con ruines puntos se envi-. Si en la dirección te humi-, no dirá, mofante, algu-: ''¡Qué don Álvaro de Lu-, qué Anibal el de Carta-, qué rey Francisco en Espa- se queja de la Fortu-!'' Pues al cielo no le plu- que salieses tan ladi- como el negro Juan Lati-, hablar latines rehú-. No me despuntes de agu-, ni me alegues con filó-, porque, torciendo la bo-, dirá el que entiende la le-, no un palmo de las ore-: ''¿Para qué conmigo flo-?'' No te metas en dibu-, ni en saber vidas aje-, que, en lo que no va ni vie-, pasar de largo es cordu-. Que suelen en caperu- darles a los que grace-; mas tú quémate las ce- sólo en cobrar buena fa-; que el que imprime neceda- dalas a censo perpe-. Advierte que es desati-, siendo de vidrio el teja-, tomar piedras en las ma- para tirar al veci-. Deja que el hombre de jui-, en las obras que compo-, se vaya con pies de plo-; que el que saca a luz pape- para entretener donce- escribe a tontas y a lo-. AMADÍS DE GAULA A DON QUIJOTE DE LA MANCHA Soneto Tú, que imitaste la llorosa vida que tuve, ausente y desdeñado sobre el gran ribazo de la Peña Pobre, de alegre a penitencia reducida; tú, a quien los ojos dieron la bebida de abundante licor, aunque salobre, y alzándote la plata, estaño y cobre, te dio la tierra en tierra la comida, vive seguro de que eternamente, en tanto, al menos, que en la cuarta esfera, sus caballos aguije el rubio Apolo, tendrás claro renombre de valiente; tu patria será en todas la primera; tu sabio autor, al mundo único y solo. DON BELIANÍS DE GRECIA A DON QUIJOTE DE LA MANCHA Soneto Rompí, corté, abollé, y dije y hice más que en el orbe caballero andante; fui diestro, fui valiente, fui arrogante; mil agravios vengué, cien mil deshice. Hazañas di a la Fama que eternice; fui comedido y regalado amante; fue enano para mí todo gigante, y al duelo en cualquier punto satisfice. Tuve a mis pies postrada la Fortuna, y trajo del copete mi cordura a la calva Ocasión al estricote. Más, aunque sobre el cuerno de la luna siempre se vio encumbrada mi ventura, tus proezas envidio, ¡oh gran Quijote! LA SEÑORA ORIANA A DULCINEA DEL TOBOSO Soneto ¡Oh, quién tuviera, hermosa Dulcinea, por más comodidad y más reposo, a Miraflores puesto en el Toboso, y trocara sus Londres con tu aldea! ¡Oh, quién de tus deseos y librea alma y cuerpo adornara, y del famoso caballero que hiciste venturoso mirara alguna desigual pelea! ¡Oh, quién tan castamente se escapara del señor Amadís como tú hiciste del comedido hidalgo don Quijote! Que así envidiada fuera, y no envidiara, y fuera alegre el tiempo que fue triste, y gozara los gustos sin escote. GANDALÍN, ESCUDERO DE AMADÍS DE GAULA, A SANCHO PANZA, ESCUDERO DE DON QUIJOTE Soneto Salve, varón famoso, a quien Fortuna, cuando en el trato escuderil te puso, tan blanda y cuerdamente lo dispuso, que lo pasaste sin desgracia alguna. Ya la azada o la hoz poco repugna al andante ejercicio; ya está en uso la llaneza escudera, con que acuso al soberbio que intenta hollar la luna. Envidio a tu jumento y a tu nombre, y a tus alforjas igualmente invidio, que mostraron tu cuerda providencia. Salve otra vez, ¡oh Sancho!, tan buen hombre, que a solo tú nuestro español Ovidio con buzcorona te hace reverencia. DEL DONOSO, POETA ENTREVERADO, A SANCHO PANZA Y ROCINANTE Soy Sancho Panza, escude- del manchego don Quijo-. Puse pies en polvoro-, por vivir a lo discre-; que el tácito Villadie- toda su razón de esta- cifró en una retira-, según siente Celesti-, libro, en mi opinión, divi- si encubriera más lo huma-. A Rocinante Soy Rocinante, el famo- bisnieto del gran Babie-. Por pecados de flaque-, fui a poder de un don Quijo-. Parejas corrí a lo flo-; mas, por uña de caba-, no se me escapó ceba-; que esto saqué a Lazari- cuando, para hurtar el vi- al ciego, le di la pa-. ORLANDO FURIOSO A DON QUIJOTE DE LA MANCHA Soneto Si no eres par, tampoco le has tenido: que par pudieras ser entre mil pares; ni puede haberle donde tú te hallares, invito vencedor, jamás vencido. Orlando soy, Quijote, que, perdido por Angélica, vi remotos mares, ofreciendo a la Fama en sus altares aquel valor que respetó el olvido. No puedo ser tu igual; que este decoro se debe a tus proezas y a tu fama, puesto que, como yo, perdiste el seso. Mas serlo has mío, si al soberbio moro y cita fiero domas, que hoy nos llama iguales en amor con mal suceso. EL CABALLERO DEL FEBO A DON QUIJOTE DE LA MANCHA Soneto A vuestra espada no igualó la mía, Febo español, curioso cortesano, ni a la alta gloria de valor mi mano, que rayo fue do nace y muere el día. Imperios desprecié; la monarquía que me ofreció el Oriente rojo en vano dejé, por ver el rostro soberano de Claridiana, aurora hermosa mía. Améla por milagro único y raro, y, ausente en su desgracia, el propio infierno temió mi brazo, que domó su rabia. Mas vos, godo Quijote, ilustre y claro, por Dulcinea sois al mundo eterno, y ella, por vos, famosa, honesta y sabia. DE SOLISDÁN A DON QUIJOTE DE LA MANCHA Soneto Maguer, señor Quijote, que sandeces vos tengan el cerbelo derrumbado, nunca seréis de alguno reprochado por home de obras viles y soeces. Serán vuesas fazañas los joeces, pues tuertos desfaciendo habéis andado, siendo vegadas mil apaleado por follones cautivos y raheces. Y si la vuesa linda Dulcinea desaguisado contra vos comete, ni a vuesas cuitas muestra buen talante, en tal desmán, vueso conorte sea que Sancho Panza fue mal alcagüete, necio él, dura ella, y vos no amante. DIÁLOGO ENTRE BABIECA Y ROCINANTE Soneto B. ¿Cómo estáis, Rocinante, tan delgado? R. Porque nunca se come, y se trabaja. B. Pues, ¿qué es de la cebada y de la paja? R. No me deja mi amo ni un bocado. B. Andá, señor, que estáis muy mal criado, pues vuestra lengua de asno al amo ultraja. R. Asno se es de la cuna a la mortaja. ¿Queréislo ver? Miraldo enamorado. B. ¿Es necedad amar? R. No es gran prudencia. B. Metafísico estáis. R. Es que no como. B. Quejaos del escudero. R. No es bastante. ¿Cómo me he de quejar en mi dolencia, si el amo y escudero o mayordomo son tan rocines como Rocinante? Primera parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha Capítulo primero. Que trata de la condición y ejercicio del famoso hidalgo don Quijote de la Mancha En un lugar de la Mancha, de cuyo nombre no quiero acordarme, no ha mucho tiempo que vivía un hidalgo de los de lanza en astillero, adarga antigua, rocín flaco y galgo corredor. Una olla de algo más vaca que carnero, salpicón las más noches, duelos y quebrantos los sábados, lantejas los viernes, algún palomino de añadidura los domingos, consumían las tres partes de su hacienda. El resto della concluían sayo de velarte, calzas de velludo para las fiestas, con sus pantuflos de lo mesmo, y los días de entresemana se honraba con su vellorí de lo más fino. Tenía en su casa una ama que pasaba de los cuarenta, y una sobrina que no llegaba a los veinte, y un mozo de campo y plaza, que así ensillaba el rocín como tomaba la podadera. Frisaba la edad de nuestro hidalgo con los cincuenta años; era de complexión recia, seco de carnes, enjuto de rostro, gran madrugador y amigo de la caza. Quieren decir que tenía el sobrenombre de Quijada, o Quesada, que en esto hay alguna diferencia en los autores que deste caso escriben; aunque, por conjeturas verosímiles, se deja entender que se llamaba Quejana. Pero esto importa poco a nuestro cuento; basta que en la narración dél no se salga un punto de la verdad. Es, pues, de saber que este sobredicho hidalgo, los ratos que estaba ocioso, que eran los más del año, se daba a leer libros de caballerías, con tanta afición y gusto, que olvidó casi de todo punto el ejercicio de la caza, y aun la administración de su hacienda. Y llegó a tanto su curiosidad y desatino en esto, que vendió muchas hanegas de tierra de sembradura para comprar libros de caballerías en que leer, y así, llevó a su casa todos cuantos pudo haber dellos; y de todos, ningunos le parecían tan bien como los que compuso el famoso Feliciano de Silva, porque la claridad de su prosa y aquellas entricadas razones suyas le parecían de perlas, y más cuando llegaba a leer aquellos requiebros y cartas de desafíos, donde en muchas partes hallaba escrito: La razón de la sinrazón que a mi razón se hace, de tal manera mi razón enflaquece, que con razón me quejo de la vuestra fermosura. Y también cuando leía: ...los altos cielos que de vuestra divinidad divinamente con las estrellas os fortifican, y os hacen merecedora del merecimiento que merece la vuestra grandeza. Con estas razones perdía el pobre caballero el juicio, y desvelábase por entenderlas y desentrañarles el sentido, que no se lo sacara ni las entendiera el mesmo Aristóteles, si resucitara para sólo ello. No estaba muy bien con las heridas que don Belianís daba y recebía, porque se imaginaba que, por grandes maestros que le hubiesen curado, no dejaría de tener el rostro y todo el cuerpo lleno de cicatrices y señales. Pero, con todo, alababa en su autor aquel acabar su libro con la promesa de aquella inacabable aventura, y muchas veces le vino deseo de tomar la pluma y dalle fin al pie de la letra, como allí se promete; y sin duda alguna lo hiciera, y aun saliera con ello, si otros mayores y continuos pensamientos no se lo estorbaran. Tuvo muchas veces competencia con el cura de su lugar —que era hombre docto, graduado en Sigüenza—, sobre cuál había sido mejor caballero: Palmerín de Ingalaterra o Amadís de Gaula; mas maese Nicolás, barbero del mesmo pueblo, decía que ninguno llegaba al Caballero del Febo, y que si alguno se le podía comparar, era don Galaor, hermano de Amadís de Gaula, porque tenía muy acomodada condición para todo; que no era caballero melindroso, ni tan llorón como su hermano, y que en lo de la valentía no le iba en zaga. En resolución, él se enfrascó tanto en su letura, que se le pasaban las noches leyendo de claro en claro, y los días de turbio en turbio; y así, del poco dormir y del mucho leer, se le secó el celebro, de manera que vino a perder el juicio. Llenósele la fantasía de todo aquello que leía en los libros, así de encantamentos como de pendencias, batallas, desafíos, heridas, requiebros, amores, tormentas y disparates imposibles; y asentósele de tal modo en la imaginación que era verdad toda aquella máquina de aquellas sonadas soñadas invenciones que leía, que para él no había otra historia más cierta en el mundo. Decía él que el Cid Ruy Díaz había sido muy buen caballero, pero que no tenía que ver con el Caballero de la Ardiente Espada, que de sólo un revés había partido por medio dos fieros y descomunales gigantes. Mejor estaba con Bernardo del Carpio, porque en Roncesvalles había muerto a Roldán el encantado, valiéndose de la industria de Hércules, cuando ahogó a Anteo, el hijo de la Tierra, entre los brazos. Decía mucho bien del gigante Morgante, porque, con ser de aquella generación gigantea, que todos son soberbios y descomedidos, él solo era afable y bien criado. Pero, sobre todos, estaba bien con Reinaldos de Montalbán, y más cuando le veía salir de su castillo y robar cuantos topaba, y cuando en allende robó aquel ídolo de Mahoma que era todo de oro, según dice su historia. Diera él, por dar una mano de coces al traidor de Galalón, al ama que tenía, y aun a su sobrina de añadidura. En efeto, rematado ya su juicio, vino a dar en el más estraño pensamiento que jamás dio loco en el mundo; y fue que le pareció convenible y necesario, así para el aumento de su honra como para el servicio de su república, hacerse caballero andante, y irse por todo el mundo con sus armas y caballo a buscar las aventuras y a ejercitarse en todo aquello que él había leído que los caballeros andantes se ejercitaban, deshaciendo todo género de agravio, y poniéndose en ocasiones y peligros donde, acabándolos, cobrase eterno nombre y fama. Imaginábase el pobre ya coronado por el valor de su brazo, por lo menos, del imperio de Trapisonda; y así, con estos tan agradables pensamientos, llevado del estraño gusto que en ellos sentía, se dio priesa a poner en efeto lo que deseaba. Y lo primero que hizo fue limpiar unas armas que habían sido de sus bisabuelos, que, tomadas de orín y llenas de moho, luengos siglos había que estaban puestas y olvidadas en un rincón. Limpiólas y aderezólas lo mejor que pudo, pero vio que tenían una gran falta, y era que no tenían celada de encaje, sino morrión simple; mas a esto suplió su industria, porque de cartones hizo un modo de media celada, que, encajada con el morrión, hacían una apariencia de celada entera. Es verdad que para probar si era fuerte y podía estar al riesgo de una cuchillada, sacó su espada y le dio dos golpes, y con el primero y en un punto deshizo lo que había hecho en una semana; y no dejó de parecerle mal la facilidad con que la había hecho pedazos, y, por asegurarse deste peligro, la tornó a hacer de nuevo, poniéndole unas barras de hierro por de dentro, de tal manera que él quedó satisfecho de su fortaleza; y, sin querer hacer nueva experiencia della, la diputó y tuvo por celada finísima de encaje. Fue luego a ver su rocín, y, aunque tenía más cuartos que un real y más tachas que el caballo de Gonela, que tantum pellis et ossa fuit, le pareció que ni el Bucéfalo de Alejandro ni Babieca el del Cid con él se igualaban. Cuatro días se le pasaron en imaginar qué nombre le pondría; porque, según se decía él a sí mesmo, no era razón que caballo de caballero tan famoso, y tan bueno él por sí, estuviese sin nombre conocido; y ansí, procuraba acomodársele de manera que declarase quién había sido, antes que fuese de caballero andante, y lo que era entonces; pues estaba muy puesto en razón que, mudando su señor estado, mudase él también el nombre, y le cobrase famoso y de estruendo, como convenía a la nueva orden y al nuevo ejercicio que ya profesaba. Y así, después de muchos nombres que formó, borró y quitó, añadió, deshizo y tornó a hacer en su memoria e imaginación, al fin le vino a llamar Rocinante: nombre, a su parecer, alto, sonoro y significativo de lo que había sido cuando fue rocín, antes de lo que ahora era, que era antes y primero de todos los rocines del mundo. Puesto nombre, y tan a su gusto, a su caballo, quiso ponérsele a sí mismo, y en este pensamiento duró otros ocho días, y al cabo se vino a llamar don Quijote; de donde —como queda dicho— tomaron ocasión los autores desta tan verdadera historia que, sin duda, se debía de llamar Quijada, y no Quesada, como otros quisieron decir. Pero, acordándose que el valeroso Amadís no sólo se había contentado con llamarse Amadís a secas, sino que añadió el nombre de su reino y patria, por Hepila famosa, y se llamó Amadís de Gaula, así quiso, como buen caballero, añadir al suyo el nombre de la suya y llamarse don Quijote de la Mancha, con que, a su parecer, declaraba muy al vivo su linaje y patria, y la honraba con tomar el sobrenombre della. Limpias, pues, sus armas, hecho del morrión celada, puesto nombre a su rocín y confirmándose a sí mismo, se dio a entender que no le faltaba otra cosa sino buscar una dama de quien enamorarse; porque el caballero andante sin amores era árbol sin hojas y sin fruto y cuerpo sin alma. Decíase él a sí: — Si yo, por malos de mis pecados, o por mi buena suerte, me encuentro por ahí con algún gigante, como de ordinario les acontece a los caballeros andantes, y le derribo de un encuentro, o le parto por mitad del cuerpo, o, finalmente, le venzo y le rindo, ¿no será bien tener a quien enviarle presentado y que entre y se hinque de rodillas ante mi dulce señora, y diga con voz humilde y rendido: ''Yo, señora, soy el gigante Caraculiambro, señor de la ínsula Malindrania, a quien venció en singular batalla el jamás como se debe alabado caballero don Quijote de la Mancha, el cual me mandó que me presentase ante vuestra merced, para que la vuestra grandeza disponga de mí a su talante''? ¡Oh, cómo se holgó nuestro buen caballero cuando hubo hecho este discurso, y más cuando halló a quien dar nombre de su dama! Y fue, a lo que se cree, que en un lugar cerca del suyo había una moza labradora de muy buen parecer, de quien él un tiempo anduvo enamorado, aunque, según se entiende, ella jamás lo supo, ni le dio cata dello. Llamábase Aldonza Lorenzo, y a ésta le pareció ser bien darle título de señora de sus pensamientos; y, buscándole nombre que no desdijese mucho del suyo, y que tirase y se encaminase al de princesa y gran señora, vino a llamarla Dulcinea del Toboso, porque era natural del Toboso; nombre, a su parecer, músico y peregrino y significativo, como todos los demás que a él y a sus cosas había puesto. Capítulo II. Que trata de la primera salida que de su tierra hizo el ingenioso don Quijote Hechas, pues, estas prevenciones, no quiso aguardar más tiempo a poner en efeto su pensamiento, apretándole a ello la falta que él pensaba que hacía en el mundo su tardanza, según eran los agravios que pensaba deshacer, tuertos que enderezar, sinrazones que emendar, y abusos que mejorar y deudas que satisfacer. Y así, sin dar parte a persona alguna de su intención, y sin que nadie le viese, una mañana, antes del día, que era uno de los calurosos del mes de julio, se armó de todas sus armas, subió sobre Rocinante, puesta su mal compuesta celada, embrazó su adarga, tomó su lanza, y, por la puerta falsa de un corral, salió al campo con grandísimo contento y alborozo de ver con cuánta facilidad había dado principio a su buen deseo. Mas, apenas se vio en el campo, cuando le asaltó un pensamiento terrible, y tal, que por poco le hiciera dejar la comenzada empresa; y fue que le vino a la memoria que no era armado caballero, y que, conforme a ley de caballería, ni podía ni debía tomar armas con ningún caballero; y, puesto que lo fuera, había de llevar armas blancas, como novel caballero, sin empresa en el escudo, hasta que por su esfuerzo la ganase. Estos pensamientos le hicieron titubear en su propósito; mas, pudiendo más su locura que otra razón alguna, propuso de hacerse armar caballero del primero que topase, a imitación de otros muchos que así lo hicieron, según él había leído en los libros que tal le tenían. En lo de las armas blancas, pensaba limpiarlas de manera, en teniendo lugar, que lo fuesen más que un armiño; y con esto se quietó y prosiguió su camino, sin llevar otro que aquel que su caballo quería, creyendo que en aquello consistía la fuerza de las aventuras. Yendo, pues, caminando nuestro flamante aventurero, iba hablando consigo mesmo y diciendo: — ¿Quién duda sino que en los venideros tiempos, cuando salga a luz la verdadera historia de mis famosos hechos, que el sabio que los escribiere no ponga, cuando llegue a contar esta mi primera salidad tan de mañana, desta manera?: «Apenas había el rubicundo Apolo tendido por la faz de la ancha y espaciosa tierra las doradas hebras de sus hermosos cabellos, y apenas los pequeños y pintados pajarillos con sus arpadas lenguas habían saludado con dulce y meliflua armonía la venida de la rosada aurora, que, dejando la blanda cama del celoso marido, por las puertas y balcones del manchego horizonte a los mortales se mostraba, cuando el famoso caballero don Quijote de la Mancha, dejando las ociosas plumas, subió sobre su famoso caballo Rocinante, y comenzó a caminar por el antiguo y conocido campo de Montiel». Y era la verdad que por él caminaba. Y añadió diciendo: — Dichosa edad, y siglo dichoso aquel adonde saldrán a luz las famosas hazañas mías, dignas de entallarse en bronces, esculpirse en mármoles y pintarse en tablas para memoria en lo futuro. ¡Oh tú, sabio encantador, quienquiera que seas, a quien ha de tocar el ser coronista desta peregrina historia, ruégote que no te olvides de mi buen Rocinante, compañero eterno mío en todos mis caminos y carreras! Luego volvía diciendo, como si verdaderamente fuera enamorado: — ¡Oh princesa Dulcinea, señora deste cautivo corazón!, mucho agravio me habedes fecho en despedirme y reprocharme con el riguroso afincamiento de mandarme no parecer ante la vuestra fermosura. Plégaos, señora, de membraros deste vuestro sujeto corazón, que tantas cuitas por vuestro amor padece. Con éstos iba ensartando otros disparates, todos al modo de los que sus libros le habían enseñado, imitando en cuanto podía su lenguaje. Con esto, caminaba tan despacio, y el sol entraba tan apriesa y con tanto ardor, que fuera bastante a derretirle los sesos, si algunos tuviera. Casi todo aquel día caminó sin acontecerle cosa que de contar fuese, de lo cual se desesperaba, porque quisiera topar luego luego con quien hacer experiencia del valor de su fuerte brazo. Autores hay que dicen que la primera aventura que le avino fue la del Puerto Lápice; otros dicen que la de los molinos de viento; pero, lo que yo he podido averiguar en este caso, y lo que he hallado escrito en los Anales de la Mancha, es que él anduvo todo aquel día, y, al anochecer, su rocín y él se hallaron cansados y muertos de hambre; y que, mirando a todas partes por ver si descubriría algún castillo o alguna majada de pastores donde recogerse y adonde pudiese remediar su mucha hambre y necesidad, vio, no lejos del camino por donde iba, una venta, que fue como si viera una estrella que, no a los portales, sino a los alcázares de su redención le encaminaba. Diose priesa a caminar, y llegó a ella a tiempo que anochecía. Estaban acaso a la puerta dos mujeres mozas, destas que llaman del partido, las cuales iban a Sevilla con unos arrieros que en la venta aquella noche acertaron a hacer jornada; y, como a nuestro aventurero todo cuanto pensaba, veía o imaginaba le parecía ser hecho y pasar al modo de lo que había leído, luego que vio la venta, se le representó que era un castillo con sus cuatro torres y chapiteles de luciente plata, sin faltarle su puente levadiza y honda cava, con todos aquellos adherentes que semejantes castillos se pintan. Fuese llegando a la venta, que a él le parecía castillo, y a poco trecho della detuvo las riendas a Rocinante, esperando que algún enano se pusiese entre las almenas a dar señal con alguna trompeta de que llegaba caballero al castillo. Pero, como vio que se tardaban y que Rocinante se daba priesa por llegar a la caballeriza, se llegó a la puerta de la venta, y vio a las dos destraídas mozas que allí estaban, que a él le parecieron dos hermosas doncellas o dos graciosas damas que delante de la puerta del castillo se estaban solazando. En esto, sucedió acaso que un porquero que andaba recogiendo de unos rastrojos una manada de puercos —que, sin perdón, así se llaman— tocó un cuerno, a cuya señal ellos se recogen, y al instante se le representó a don Quijote lo que deseaba, que era que algún enano hacía señal de su venida; y así, con estraño contento, llegó a la venta y a las damas, las cuales, como vieron venir un hombre de aquella suerte, armado y con lanza y adarga, llenas de miedo, se iban a entrar en la venta; pero don Quijote, coligiendo por su huida su miedo, alzándose la visera de papelón y descubriendo su seco y polvoroso rostro, con gentil talante y voz reposada, les dijo: — No fuyan las vuestras mercedes ni teman desaguisado alguno; ca a la orden de caballería que profeso non toca ni atañe facerle a ninguno, cuanto más a tan altas doncellas como vuestras presencias demuestran. Mirábanle las mozas, y andaban con los ojos buscándole el rostro, que la mala visera le encubría; mas, como se oyeron llamar doncellas, cosa tan fuera de su profesión, no pudieron tener la risa, y fue de manera que don Quijote vino a correrse y a decirles: — Bien parece la mesura en las fermosas, y es mucha sandez además la risa que de leve causa procede; pero no vos lo digo porque os acuitedes ni mostredes mal talante; que el mío non es de ál que de serviros. El lenguaje, no entendido de las señoras, y el mal talle de nuestro caballero acrecentaba en ellas la risa y en él el enojo; y pasara muy adelante si a aquel punto no saliera el ventero, hombre que, por ser muy gordo, era muy pacífico, el cual, viendo aquella figura contrahecha, armada de armas tan desiguales como eran la brida, lanza, adarga y coselete, no estuvo en nada en acompañar a las doncellas en las muestras de su contento. Mas, en efeto, temiendo la máquina de tantos pertrechos, determinó de hablarle comedidamente; y así, le dijo: — Si vuestra merced, señor caballero, busca posada, amén del lecho (porque en esta venta no hay ninguno), todo lo demás se hallará en ella en mucha abundancia. Viendo don Quijote la humildad del alcaide de la fortaleza, que tal le pareció a él el ventero y la venta, respondió: -Para mí, señor castellano, cualquiera cosa basta, porque mis arreos son las armas, mi descanso el pelear, etc. Pensó el huésped que el haberle llamado castellano había sido por haberle parecido de los sanos de Castilla, aunque él era andaluz, y de los de la playa de Sanlúcar, no menos ladrón que Caco, ni menos maleante que estudiantado paje; y así, le respondió: — Según eso, las camas de vuestra merced serán duras peñas, y su dormir, siempre velar; y siendo así, bien se puede apear, con seguridad de hallar en esta choza ocasión y ocasiones para no dormir en todo un año, cuanto más en una noche. Y, diciendo esto, fue a tener el estribo a don Quijote, el cual se apeó con mucha dificultad y trabajo, como aquel que en todo aquel día no se había desayunado. Dijo luego al huésped que le tuviese mucho cuidado de su caballo, porque era la mejor pieza que comía pan en el mundo. Miróle el ventero, y no le pareció tan bueno como don Quijote decía, ni aun la mitad; y, acomodándole en la caballeriza, volvió a ver lo que su huésped mandaba, al cual estaban desarmando las doncellas, que ya se habían reconciliado con él; las cuales, aunque le habían quitado el peto y el espaldar, jamás supieron ni pudieron desencajarle la gola, ni quitalle la contrahecha celada, que traía atada con unas cintas verdes, y era menester cortarlas, por no poderse quitar los ñudos; mas él no lo quiso consentir en ninguna manera, y así, se quedó toda aquella noche con la celada puesta, que era la más graciosa y estraña figura que se pudiera pensar; y, al desarmarle, como él se imaginaba que aquellas traídas y llevadas que le desarmaban eran algunas principales señoras y damas de aquel castillo, les dijo con mucho donaire: -Nunca fuera caballero de damas tan bien servido como fuera don Quijote cuando de su aldea vino: doncellas curaban dél; princesas, del su rocino, o Rocinante, que éste es el nombre, señoras mías, de mi caballo, y don Quijote de la Mancha el mío; que, puesto que no quisiera descubrirme fasta que las fazañas fechas en vuestro servicio y pro me descubrieran, la fuerza de acomodar al propósito presente este romance viejo de Lanzarote ha sido causa que sepáis mi nombre antes de toda sazón; pero, tiempo vendrá en que las vuestras señorías me manden y yo obedezca, y el valor de mi brazo descubra el deseo que tengo de serviros. Las mozas, que no estaban hechas a oír semejantes retóricas, no respondían palabra; sólo le preguntaron si quería comer alguna cosa. — Cualquiera yantaría yo —respondió don Quijote—, porque, a lo que entiendo, me haría mucho al caso. A dicha, acertó a ser viernes aquel día, y no había en toda la venta sino unas raciones de un pescado que en Castilla llaman abadejo, y en Andalucía bacallao, y en otras partes curadillo, y en otras truchuela. Preguntáronle si por ventura comería su merced truchuela, que no había otro pescado que dalle a comer. — Como haya muchas truchuelas —respondió don Quijote—, podrán servir de una trucha, porque eso se me da que me den ocho reales en sencillos que en una pieza de a ocho. Cuanto más, que podría ser que fuesen estas truchuelas como la ternera, que es mejor que la vaca, y el cabrito que el cabrón. Pero, sea lo que fuere, venga luego, que el trabajo y peso de las armas no se puede llevar sin el gobierno de las tripas. Pusiéronle la mesa a la puerta de la venta, por el fresco, y trújole el huésped una porción del mal remojado y peor cocido bacallao, y un pan tan negro y mugriento como sus armas; pero era materia de grande risa verle comer, porque, como tenía puesta la celada y alzada la visera, no podía poner nada en la boca con sus manos si otro no se lo daba y ponía; y ansí, una de aquellas señoras servía deste menester. Mas, al darle de beber, no fue posible, ni lo fuera si el ventero no horadara una caña, y puesto el un cabo en la boca, por el otro le iba echando el vino; y todo esto lo recebía en paciencia, a trueco de no romper las cintas de la celada. Estando en esto, llegó acaso a la venta un castrador de puercos; y, así como llegó, sonó su silbato de cañas cuatro o cinco veces, con lo cual acabó de confirmar don Quijote que estaba en algún famoso castillo, y que le servían con música, y que el abadejo eran truchas; el pan, candeal; y las rameras, damas; y el ventero, castellano del castillo, y con esto daba por bien empleada su determinación y salida. Mas lo que más le fatigaba era el no verse armado caballero, por parecerle que no se podría poner legítimamente en aventura alguna sin recebir la orden de caballería. Capítulo III. Donde se cuenta la graciosa manera que tuvo don Quijote en armarse caballero Y así, fatigado deste pensamiento, abrevió su venteril y limitada cena; la cual acabada, llamó al ventero, y, encerrándose con él en la caballeriza, se hincó de rodillas ante él, diciéndole: — No me levantaré jamás de donde estoy, valeroso caballero, fasta que la vuestra cortesía me otorgue un don que pedirle quiero, el cual redundará en alabanza vuestra y en pro del género humano. El ventero, que vio a su huésped a sus pies y oyó semejantes razones, estaba confuso mirándole, sin saber qué hacerse ni decirle, y porfiaba con él que se levantase, y jamás quiso, hasta que le hubo de decir que él le otorgaba el don que le pedía. — No esperaba yo menos de la gran magnificencia vuestra, señor mío — respondió don Quijote—; y así, os digo que el don que os he pedido, y de vuestra liberalidad me ha sido otorgado, es que mañana en aquel día me habéis de armar caballero, y esta noche en la capilla deste vuestro castillo velaré las armas; y mañana, como tengo dicho, se cumplirá lo que tanto deseo, para poder, como se debe, ir por todas las cuatro partes del mundo buscando las aventuras, en pro de los menesterosos, como está a cargo de la caballería y de los caballeros andantes, como yo soy, cuyo deseo a semejantes fazañas es inclinado. El ventero, que, como está dicho, era un poco socarrón y ya tenía algunos barruntos de la falta de juicio de su huésped, acabó de creerlo cuando acabó de oírle semejantes razones, y, por tener qué reír aquella noche, determinó de seguirle el humor; y así, le dijo que andaba muy acertado en lo que deseaba y pedía, y que tal prosupuesto era propio y natural de los caballeros tan principales como él parecía y como su gallarda presencia mostraba; y que él, ansimesmo, en los años de su mocedad, se había dado a aquel honroso ejercicio, andando por diversas partes del mundo buscando sus aventuras, sin que hubiese dejado los Percheles de Málaga, Islas de Riarán, Compás de Sevilla, Azoguejo de Segovia, la Olivera de Valencia, Rondilla de Granada, Playa de Sanlúcar, Potro de Córdoba y las Ventillas de Toledo y otras diversas partes, donde había ejercitado la ligereza de sus pies, sutileza de sus manos, haciendo muchos tuertos, recuestando muchas viudas, deshaciendo algunas doncellas y engañando a algunos pupilos, y, finalmente, dándose a conocer por cuantas audiencias y tribunales hay casi en toda España; y que, a lo último, se había venido a recoger a aquel su castillo, donde vivía con su hacienda y con las ajenas, recogiendo en él a todos los caballeros andantes, de cualquiera calidad y condición que fuesen, sólo por la mucha afición que les tenía y porque partiesen con él de sus haberes, en pago de su buen deseo. Díjole también que en aquel su castillo no había capilla alguna donde poder velar las armas, porque estaba derribada para hacerla de nuevo; pero que, en caso de necesidad, él sabía que se podían velar dondequiera, y que aquella noche las podría velar en un patio del castillo; que a la mañana, siendo Dios servido, se harían las debidas ceremonias, de manera que él quedase armado caballero, y tan caballero que no pudiese ser más en el mundo. Preguntóle si traía dineros; respondió don Quijote que no traía blanca, porque él nunca había leído en las historias de los caballeros andantes que ninguno los hubiese traído. A esto dijo el ventero que se engañaba; que, puesto caso que en las historias no se escribía, por haberles parecido a los autores dellas que no era menester escrebir una cosa tan clara y tan necesaria de traerse como eran dineros y camisas limpias, no por eso se había de creer que no los trujeron; y así, tuviese por cierto y averiguado que todos los caballeros andantes, de que tantos libros están llenos y atestados, llevaban bien herradas las bolsas, por lo que pudiese sucederles; y que asimismo llevaban camisas y una arqueta pequeña llena de ungüentos para curar las heridas que recebían, porque no todas veces en los campos y desiertos donde se combatían y salían heridos había quien los curase, si ya no era que tenían algún sabio encantador por amigo, que luego los socorría, trayendo por el aire, en alguna nube, alguna doncella o enano con alguna redoma de agua de tal virtud que, en gustando alguna gota della, luego al punto quedaban sanos de sus llagas y heridas, como si mal alguno hubiesen tenido. Mas que, en tanto que esto no hubiese, tuvieron los pasados caballeros por cosa acertada que sus escuderos fuesen proveídos de dineros y de otras cosas necesarias, como eran hilas y ungüentos para curarse; y, cuando sucedía que los tales caballeros no tenían escuderos, que eran pocas y raras veces, ellos mesmos lo llevaban todo en unas alforjas muy sutiles, que casi no se parecían, a las ancas del caballo, como que era otra cosa de más importancia; porque, no siendo por ocasión semejante, esto de llevar alforjas no fue muy admitido entre los caballeros andantes; y por esto le daba por consejo, pues aún se lo podía mandar como a su ahijado, que tan presto lo había de ser, que no caminase de allí adelante sin dineros y sin las prevenciones referidas, y que vería cuán bien se hallaba con ellas cuando menos se pensase. Prometióle don Quijote de hacer lo que se le aconsejaba con toda puntualidad; y así, se dio luego orden como velase las armas en un corral grande que a un lado de la venta estaba; y, recogiéndolas don Quijote todas, las puso sobre una pila que junto a un pozo estaba, y, embrazando su adarga, asió de su lanza y con gentil continente se comenzó a pasear delante de la pila; y cuando comenzó el paseo comenzaba a cerrar la noche. Contó el ventero a todos cuantos estaban en la venta la locura de su huésped, la vela de las armas y la armazón de caballería que esperaba. Admiráronse de tan estraño género de locura y fuéronselo a mirar desde lejos, y vieron que, con sosegado ademán, unas veces se paseaba; otras, arrimado a su lanza, ponía los ojos en las armas, sin quitarlos por un buen espacio dellas. Acabó de cerrar la noche, pero con tanta claridad de la luna, que podía competir con el que se la prestaba, de manera que cuanto el novel caballero hacía era bien visto de todos. Antojósele en esto a uno de los arrieros que estaban en la venta ir a dar agua a su recua, y fue menester quitar las armas de don Quijote, que estaban sobre la pila; el cual, viéndole llegar, en voz alta le dijo: — ¡Oh tú, quienquiera que seas, atrevido caballero, que llegas a tocar las armas del más valeroso andante que jamás se ciñó espada!, mira lo que haces y no las toques, si no quieres dejar la vida en pago de tu atrevimiento. No se curó el arriero destas razones (y fuera mejor que se curara, porque fuera curarse en salud); antes, trabando de las correas, las arrojó gran trecho de sí. Lo cual visto por don Quijote, alzó los ojos al cielo, y, puesto el pensamiento —a lo que pareció— en su señora Dulcinea, dijo: — Acorredme, señora mía, en esta primera afrenta que a este vuestro avasallado pecho se le ofrece; no me desfallezca en este primero trance vuestro favor y amparo. Y, diciendo estas y otras semejantes razones, soltando la adarga, alzó la lanza a dos manos y dio con ella tan gran golpe al arriero en la cabeza, que le derribó en el suelo, tan maltrecho que, si segundara con otro, no tuviera necesidad de maestro que le curara. Hecho esto, recogió sus armas y tornó a pasearse con el mismo reposo que primero. Desde allí a poco, sin saberse lo que había pasado (porque aún estaba aturdido el arriero), llegó otro con la mesma intención de dar agua a sus mulos; y, llegando a quitar las armas para desembarazar la pila, sin hablar don Quijote palabra y sin pedir favor a nadie, soltó otra vez la adarga y alzó otra vez la lanza, y, sin hacerla pedazos, hizo más de tres la cabeza del segundo arriero, porque se la abrió por cuatro. Al ruido acudió toda la gente de la venta, y entre ellos el ventero. Viendo esto don Quijote, embrazó su adarga, y, puesta mano a su espada, dijo: — ¡Oh señora de la fermosura, esfuerzo y vigor del debilitado corazón mío! Ahora es tiempo que vuelvas los ojos de tu grandeza a este tu cautivo caballero, que tamaña aventura está atendiendo. Con esto cobró, a su parecer, tanto ánimo, que si le acometieran todos los arrieros del mundo, no volviera el pie atrás. Los compañeros de los heridos, que tales los vieron, comenzaron desde lejos a llover piedras sobre don Quijote, el cual, lo mejor que podía, se reparaba con su adarga, y no se osaba apartar de la pila por no desamparar las armas. El ventero daba voces que le dejasen, porque ya les había dicho como era loco, y que por loco se libraría, aunque los matase a todos. También don Quijote las daba, mayores, llamándolos de alevosos y traidores, y que el señor del castillo era un follón y mal nacido caballero, pues de tal manera consentía que se tratasen los andantes caballeros; y que si él hubiera recebido la orden de caballería, que él le diera a entender su alevosía: — Pero de vosotros, soez y baja canalla, no hago caso alguno: tirad, llegad, venid y ofendedme en cuanto pudiéredes, que vosotros veréis el pago que lleváis de vuestra sandez y demasía. Decía esto con tanto brío y denuedo, que infundió un terrible temor en los que le acometían; y, así por esto como por las persuasiones del ventero, le dejaron de tirar, y él dejó retirar a los heridos y tornó a la vela de sus armas con la misma quietud y sosiego que primero. No le parecieron bien al ventero las burlas de su huésped, y determinó abreviar y darle la negra orden de caballería luego, antes que otra desgracia sucediese. Y así, llegándose a él, se desculpó de la insolencia que aquella gente baja con él había usado, sin que él supiese cosa alguna; pero que bien castigados quedaban de su atrevimiento. Díjole como ya le había dicho que en aquel castillo no había capilla, y para lo que restaba de hacer tampoco era necesaria; que todo el toque de quedar armado caballero consistía en la pescozada y en el espaldarazo, según él tenía noticia del ceremonial de la orden, y que aquello en mitad de un campo se podía hacer, y que ya había cumplido con lo que tocaba al velar de las armas, que con solas dos horas de vela se cumplía, cuanto más, que él había estado más de cuatro. Todo se lo creyó don Quijote, y dijo que él estaba allí pronto para obedecerle, y que concluyese con la mayor brevedad que pudiese; porque si fuese otra vez acometido y se viese armado caballero, no pensaba dejar persona viva en el castillo, eceto aquellas que él le mandase, a quien por su respeto dejaría. Advertido y medroso desto el castellano, trujo luego un libro donde asentaba la paja y cebada que daba a los arrieros, y con un cabo de vela que le traía un muchacho, y con las dos ya dichas doncellas, se vino adonde don Quijote estaba, al cual mandó hincar de rodillas; y, leyendo en su manual, como que decía alguna devota oración, en mitad de la leyenda alzó la mano y diole sobre el cuello un buen golpe, y tras él, con su mesma espada, un gentil espaldazaro, siempre murmurando entre dientes, como que rezaba. Hecho esto, mandó a una de aquellas damas que le ciñese la espada, la cual lo hizo con mucha desenvoltura y discreción, porque no fue menester poca para no reventar de risa a cada punto de las ceremonias; pero las proezas que ya habían visto del novel caballero les tenía la risa a raya. Al ceñirle la espada, dijo la buena señora: — Dios haga a vuestra merced muy venturoso caballero y le dé ventura en lides. Don Quijote le preguntó cómo se llamaba, porque él supiese de allí adelante a quién quedaba obligado por la merced recebida; porque pensaba darle alguna parte de la honra que alcanzase por el valor de su brazo. Ella respondió con mucha humildad que se llamaba la Tolosa, y que era hija de un remendón natural de Toledo que vivía a las tendillas de Sancho Bienaya, y que dondequiera que ella estuviese le serviría y le tendría por señor. Don Quijote le replicó que, por su amor, le hiciese merced que de allí adelante se pusiese don y se llamase doña Tolosa. Ella se lo prometió, y la otra le calzó la espuela, con la cual le pasó casi el mismo coloquio que con la de la espada: preguntóle su nombre, y dijo que se llamaba la Molinera, y que era hija de un honrado molinero de Antequera; a la cual también rogó don Quijote que se pusiese don y se llamase doña Molinera, ofreciéndole nuevos servicios y mercedes. Hechas, pues, de galope y aprisa las hasta allí nunca vistas ceremonias, no vio la hora don Quijote de verse a caballo y salir buscando las aventuras; y, ensillando luego a Rocinante, subió en él, y, abrazando a su huésped, le dijo cosas tan estrañas, agradeciéndole la merced de haberle armado caballero, que no es posible acertar a referirlas. El ventero, por verle ya fuera de la venta, con no menos retóricas, aunque con más breves palabras, respondió a las suyas, y, sin pedirle la costa de la posada, le dejó ir a la buen hora. Capítulo IV. De lo que le sucedió a nuestro caballero cuando salió de la venta La del alba sería cuando don Quijote salió de la venta, tan contento, tan gallardo, tan alborozado por verse ya armado caballero, que el gozo le reventaba por las cinchas del caballo. Mas, viniéndole a la memoria los consejos de su huésped cerca de las prevenciones tan necesarias que había de llevar consigo, especial la de los dineros y camisas, determinó volver a su casa y acomodarse de todo, y de un escudero, haciendo cuenta de recebir a un labrador vecino suyo, que era pobre y con hijos, pero muy a propósito para el oficio escuderil de la caballería. Con este pensamiento guió a Rocinante hacia su aldea, el cual, casi conociendo la querencia, con tanta gana comenzó a caminar, que parecía que no ponía los pies en el suelo. No había andado mucho, cuando le pareció que a su diestra mano, de la espesura de un bosque que allí estaba, salían unas voces delicadas, como de persona que se quejaba; y apenas las hubo oído, cuando dijo: — Gracias doy al cielo por la merced que me hace, pues tan presto me pone ocasiones delante donde yo pueda cumplir con lo que debo a mi profesión, y donde pueda coger el fruto de mis buenos deseos. Estas voces, sin duda, son de algún menesteroso o menesterosa, que ha menester mi favor y ayuda. Y, volviendo las riendas, encaminó a Rocinante hacia donde le pareció que las voces salían. Y, a pocos pasos que entró por el bosque, vio atada una yegua a una encina, y atado en otra a un muchacho, desnudo de medio cuerpo arriba, hasta de edad de quince años, que era el que las voces daba; y no sin causa, porque le estaba dando con una pretina muchos azotes un labrador de buen talle, y cada azote le acompañaba con una reprehensión y consejo. Porque decía: — La lengua queda y los ojos listos. Y el muchacho respondía: — No lo haré otra vez, señor mío; por la pasión de Dios, que no lo haré otra vez; y yo prometo de tener de aquí adelante más cuidado con el hato. Y, viendo don Quijote lo que pasaba, con voz airada dijo: — Descortés caballero, mal parece tomaros con quien defender no se puede; subid sobre vuestro caballo y tomad vuestra lanza —que también tenía una lanza arrimada a la encima adonde estaba arrendada la yegua—, que yo os haré conocer ser de cobardes lo que estáis haciendo. El labrador, que vio sobre sí aquella figura llena de armas blandiendo la lanza sobre su rostro, túvose por muerto, y con buenas palabras respondió: — Señor caballero, este muchacho que estoy castigando es un mi criado, que me sirve de guardar una manada de ovejas que tengo en estos contornos, el cual es tan descuidado, que cada día me falta una; y, porque castigo su descuido, o bellaquería, dice que lo hago de miserable, por no pagalle la soldada que le debo, y en Dios y en mi ánima que miente. — ¿"Miente", delante de mí, ruin villano? —dijo don Quijote—. Por el sol que nos alumbra, que estoy por pasaros de parte a parte con esta lanza. Pagadle luego sin más réplica; si no, por el Dios que nos rige, que os concluya y aniquile en este punto. Desatadlo luego. El labrador bajó la cabeza y, sin responder palabra, desató a su criado, al cual preguntó don Quijote que cuánto le debía su amo. Él dijo que nueve meses, a siete reales cada mes. Hizo la cuenta don Quijote y halló que montaban setenta y tres reales, y díjole al labrador que al momento los desembolsase, si no quería morir por ello. Respondió el medroso villano que para el paso en que estaba y juramento que había hecho —y aún no había jurado nada—, que no eran tantos, porque se le habían de descontar y recebir en cuenta tres pares de zapatos que le había dado y un real de dos sangrías que le habían hecho estando enfermo. — Bien está todo eso —replicó don Quijote—, pero quédense los zapatos y las sangrías por los azotes que sin culpa le habéis dado; que si él rompió el cuero de los zapatos que vos pagastes, vos le habéis rompido el de su cuerpo; y si le sacó el barbero sangre estando enfermo, vos en sanidad se la habéis sacado; ansí que, por esta parte, no os debe nada. — El daño está, señor caballero, en que no tengo aquí dineros: véngase Andrés conmigo a mi casa, que yo se los pagaré un real sobre otro. — ¿Irme yo con él? —dijo el muchacho—. Mas, ¡mal año! No, señor, ni por pienso; porque, en viéndose solo, me desuelle como a un San Bartolomé. — No hará tal —replicó don Quijote—: basta que yo se lo mande para que me tenga respeto; y con que él me lo jure por la ley de caballería que ha recebido, le dejaré ir libre y aseguraré la paga. — Mire vuestra merced, señor, lo que dice —dijo el muchacho—, que este mi amo no es caballero ni ha recebido orden de caballería alguna; que es Juan Haldudo el rico, el vecino del Quintanar. — Importa eso poco —respondió don Quijote—, que Haldudos puede haber caballeros; cuanto más, que cada uno es hijo de sus obras. — Así es verdad —dijo Andrés—; pero este mi amo, ¿de qué obras es hijo, pues me niega mi soldada y mi sudor y trabajo? — No niego, hermano Andrés —respondió el labrador—; y hacedme placer de veniros conmigo, que yo juro por todas las órdenes que de caballerías hay en el mundo de pagaros, como tengo dicho, un real sobre otro, y aun sahumados. — Del sahumerio os hago gracia —dijo don Quijote—; dádselos en reales, que con eso me contento; y mirad que lo cumpláis como lo habéis jurado; si no, por el mismo juramento os juro de volver a buscaros y a castigaros, y que os tengo de hallar, aunque os escondáis más que una lagartija. Y si queréis saber quién os manda esto, para quedar con más veras obligado a cumplirlo, sabed que yo soy el valeroso don Quijote de la Mancha, el desfacedor de agravios y sinrazones; y a Dios quedad, y no se os parta de las mientes lo prometido y jurado, so pena de la pena pronunciada. Y, en diciendo esto, picó a su Rocinante, y en breve espacio se apartó dellos. Siguióle el labrador con los ojos, y, cuando vio que había traspuesto del bosque y que ya no parecía, volvióse a su criado Andrés y díjole: — Venid acá, hijo mío, que os quiero pagar lo que os debo, como aquel deshacedor de agravios me dejó mandado. — Eso juro yo —dijo Andrés—; y ¡cómo que andará vuestra merced acertado en cumplir el mandamiento de aquel buen caballero, que mil años viva; que, según es de valeroso y de buen juez, vive Roque, que si no me paga, que vuelva y ejecute lo que dijo! — También lo juro yo —dijo el labrador—; pero, por lo mucho que os quiero, quiero acrecentar la deuda por acrecentar la paga. Y, asiéndole del brazo, le tornó a atar a la encina, donde le dio tantos azotes, que le dejó por muerto. — Llamad, señor Andrés, ahora —decía el labrador— al desfacedor de agravios, veréis cómo no desface aquéste; aunque creo que no está acabado de hacer, porque me viene gana de desollaros vivo, como vos temíades. Pero, al fin, le desató y le dio licencia que fuese a buscar su juez, para que ejecutase la pronunciada sentencia. Andrés se partió algo mohíno, jurando de ir a buscar al valeroso don Quijote de la Mancha y contalle punto por punto lo que había pasado, y que se lo había de pagar con las setenas. Pero, con todo esto, él se partió llorando y su amo se quedó riendo. Y desta manera deshizo el agravio el valeroso don Quijote; el cual, contentísimo de lo sucedido, pareciéndole que había dado felicísimo y alto principio a sus caballerías, con gran satisfación de sí mismo iba caminando hacia su aldea, diciendo a media voz: — Bien te puedes llamar dichosa sobre cuantas hoy viven en la tierra, ¡oh sobre las bellas bella Dulcinea del Toboso!, pues te cupo en suerte tener sujeto y rendido a toda tu voluntad e talante a un tan valiente y tan nombrado caballero como lo es y será don Quijote de la Mancha, el cual, como todo el mundo sabe, ayer rescibió la orden de caballería, y hoy ha desfecho el mayor tuerto y agravio que formó la sinrazón y cometió la crueldad: hoy quitó el látigo de la mano a aquel despiadado enemigo que tan sin ocasión vapulaba a aquel delicado infante. En esto, llegó a un camino que en cuatro se dividía, y luego se le vino a la imaginación las encrucejadas donde los caballeros andantes se ponían a pensar cuál camino de aquéllos tomarían, y, por imitarlos, estuvo un rato quedo; y, al cabo de haberlo muy bien pensado, soltó la rienda a Rocinante, dejando a la voluntad del rocín la suya, el cual siguió su primer intento, que fue el irse camino de su caballeriza. Y, habiendo andado como dos millas, descubrió don Quijote un grande tropel de gente, que, como después se supo, eran unos mercaderes toledanos que iban a comprar seda a Murcia. Eran seis, y venían con sus quitasoles, con otros cuatro criados a caballo y tres mozos de mulas a pie. Apenas los divisó don Quijote, cuando se imaginó ser cosa de nueva aventura; y, por imitar en todo cuanto a él le parecía posible los pasos que había leído en sus libros, le pareció venir allí de molde uno que pensaba hacer. Y así, con gentil continente y denuedo, se afirmó bien en los estribos, apretó la lanza, llegó la adarga al pecho, y, puesto en la mitad del camino, estuvo esperando que aquellos caballeros andantes llegasen, que ya él por tales los tenía y juzgaba; y, cuando llegaron a trecho que se pudieron ver y oír, levantó don Quijote la voz, y con ademán arrogante dijo: — Todo el mundo se tenga, si todo el mundo no confiesa que no hay en el mundo todo doncella más hermosa que la emperatriz de la Mancha, la sin par Dulcinea del Toboso. Paráronse los mercaderes al son destas razones, y a ver la estraña figura del que las decía; y, por la figura y por las razones, luego echaron de ver la locura de su dueño; mas quisieron ver despacio en qué paraba aquella confesión que se les pedía, y uno dellos, que era un poco burlón y muy mucho discreto, le dijo: — Señor caballero, nosotros no conocemos quién sea esa buena señora que decís; mostrádnosla: que si ella fuere de tanta hermosura como significáis, de buena gana y sin apremio alguno confesaremos la verdad que por parte vuestra nos es pedida. — Si os la mostrara —replicó don Quijote—, ¿qué hiciérades vosotros en confesar una verdad tan notoria? La importancia está en que sin verla lo habéis de creer, confesar, afirmar, jurar y defender; donde no, conmigo sois en batalla, gente descomunal y soberbia. Que, ahora vengáis uno a uno, como pide la orden de caballería, ora todos juntos, como es costumbre y mala usanza de los de vuestra ralea, aquí os aguardo y espero, confiado en la razón que de mi parte tengo. — Señor caballero —replicó el mercader—, suplico a vuestra merced, en nombre de todos estos príncipes que aquí estamos, que, porque no encarguemos nuestras conciencias confesando una cosa por nosotros jamás vista ni oída, y más siendo tan en perjuicio de las emperatrices y reinas del Alcarria y Estremadura, que vuestra merced sea servido de mostrarnos algún retrato de esa señora, aunque sea tamaño como un grano de trigo; que por el hilo se sacará el ovillo, y quedaremos con esto satisfechos y seguros, y vuestra merced quedará contento y pagado; y aun creo que estamos ya tan de su parte que, aunque su retrato nos muestre que es tuerta de un ojo y que del otro le mana bermellón y piedra azufre, con todo eso, por complacer a vuestra merced, diremos en su favor todo lo que quisiere. — No le mana, canalla infame —respondió don Quijote, encendido en cólera—; no le mana, digo, eso que decís, sino ámbar y algalia entre algodones; y no es tuerta ni corcovada, sino más derecha que un huso de Guadarrama. Pero vosotros pagaréis la grande blasfemia que habéis dicho contra tamaña beldad como es la de mi señora. Y, en diciendo esto, arremetió con la lanza baja contra el que lo había dicho, con tanta furia y enojo que, si la buena suerte no hiciera que en la mitad del camino tropezara y cayera Rocinante, lo pasara mal el atrevido mercader. Cayó Rocinante, y fue rodando su amo una buena pieza por el campo; y, queriéndose levantar, jamás pudo: tal embarazo le causaban la lanza, adarga, espuelas y celada, con el peso de las antiguas armas. Y, entretanto que pugnaba por levantarse y no podía, estaba diciendo: — ¡Non fuyáis, gente cobarde; gente cautiva, atended!; que no por culpa mía, sino de mi caballo, estoy aquí tendido. Un mozo de mulas de los que allí venían, que no debía de ser muy bien intencionado, oyendo decir al pobre caído tantas arrogancias, no lo pudo sufrir sin darle la respuesta en las costillas. Y, llegándose a él, tomó la lanza, y, después de haberla hecho pedazos, con uno dellos comenzó a dar a nuestro don Quijote tantos palos que, a despecho y pesar de sus armas, le molió como cibera. Dábanle voces sus amos que no le diese tanto y que le dejase, pero estaba ya el mozo picado y no quiso dejar el juego hasta envidar todo el resto de su cólera; y, acudiendo por los demás trozos de la lanza, los acabó de deshacer sobre el miserable caído, que, con toda aquella tempestad de palos que sobre él vía, no cerraba la boca, amenazando al cielo y a la tierra, y a los malandrines, que tal le parecían. Cansóse el mozo, y los mercaderes siguieron su camino, llevando qué contar en todo él del pobre apaleado. El cual, después que se vio solo, tornó a probar si podía levantarse; pero si no lo pudo hacer cuando sano y bueno, ¿cómo lo haría molido y casi deshecho? Y aún se tenía por dichoso, pareciéndole que aquélla era propia desgracia de caballeros andantes, y toda la atribuía a la falta de su caballo, y no era posible levantarse, según tenía brumado todo el cuerpo. Capítulo V. Donde se prosigue la narración de la desgracia de nuestro caballero Viendo, pues, que, en efeto, no podía menearse, acordó de acogerse a su ordinario remedio, que era pensar en algún paso de sus libros; y trújole su locura a la memoria aquel de Valdovinos y del marqués de Mantua, cuando Carloto le dejó herido en la montiña, historia sabida de los niños, no ignorada de los mozos, celebrada y aun creída de los viejos; y, con todo esto, no más verdadera que los milagros de Mahoma. Ésta, pues, le pareció a él que le venía de molde para el paso en que se hallaba; y así, con muestras de grande sentimiento, se comenzó a volcar por la tierra y a decir con debilitado aliento lo mesmo que dicen decía el herido caballero del bosque: -¿Donde estás, señora mía, que no te duele mi mal? O no lo sabes, señora, o eres falsa y desleal. Y, desta manera, fue prosiguiendo el romance hasta aquellos versos que dicen: -¡Oh noble marqués de Mantua, mi tío y señor carnal! Y quiso la suerte que, cuando llegó a este verso, acertó a pasar por allí un labrador de su mesmo lugar y vecino suyo, que venía de llevar una carga de trigo al molino; el cual, viendo aquel hombre allí tendido, se llegó a él y le preguntó que quién era y qué mal sentía que tan tristemente se quejaba. Don Quijote creyó, sin duda, que aquél era el marqués de Mantua, su tío; y así, no le respondió otra cosa si no fue proseguir en su romance, donde le daba cuenta de su desgracia y de los amores del hijo del Emperante con su esposa, todo de la mesma manera que el romance lo canta. El labrador estaba admirado oyendo aquellos disparates; y, quitándole la visera, que ya estaba hecha pedazos de los palos, le limpió el rostro, que le tenía cubierto de polvo; y apenas le hubo limpiado, cuando le conoció y le dijo: — Señor Quijana —que así se debía de llamar cuando él tenía juicio y no había pasado de hidalgo sosegado a caballero andante—, ¿quién ha puesto a vuestra merced desta suerte? Pero él seguía con su romance a cuanto le preguntaba. Viendo esto el buen hombre, lo mejor que pudo le quitó el peto y espaldar, para ver si tenía alguna herida; pero no vio sangre ni señal alguna. Procuró levantarle del suelo, y no con poco trabajo le subió sobre su jumento, por parecer caballería más sosegada. Recogió las armas, hasta las astillas de la lanza, y liólas sobre Rocinante, al cual tomó de la rienda, y del cabestro al asno, y se encaminó hacia su pueblo, bien pensativo de oír los disparates que don Quijote decía; y no menos iba don Quijote, que, de puro molido y quebrantado, no se podía tener sobre el borrico, y de cuando en cuando daba unos suspiros que los ponía en el cielo; de modo que de nuevo obligó a que el labrador le preguntase le dijese qué mal sentía; y no parece sino que el diablo le traía a la memoria los cuentos acomodados a sus sucesos, porque, en aquel punto, olvidándose de Valdovinos, se acordó del moro Abindarráez, cuando el alcaide de Antequera, Rodrigo de Narváez, le prendió y llevó cautivo a su alcaidía. De suerte que, cuando el labrador le volvió a preguntar que cómo estaba y qué sentía, le respondió las mesmas palabras y razones que el cautivo Abencerraje respondía a Rodrigo de Narváez, del mesmo modo que él había leído la historia en La Diana, de Jorge de Montemayor, donde se escribe; aprovechándose della tan a propósito, que el labrador se iba dando al diablo de oír tanta máquina de necedades; por donde conoció que su vecino estaba loco, y dábale priesa a llegar al pueblo, por escusar el enfado que don Quijote le causaba con su larga arenga. Al cabo de lo cual, dijo: — Sepa vuestra merced, señor don Rodrigo de Narváez, que esta hermosa Jarifa que he dicho es ahora la linda Dulcinea del Toboso, por quien yo he hecho, hago y haré los más famosos hechos de caballerías que se han visto, vean ni verán en el mundo. A esto respondió el labrador: — Mire vuestra merced, señor, pecador de mí, que yo no soy don Rodrigo de Narváez, ni el marqués de Mantua, sino Pedro Alonso, su vecino; ni vuestra merced es Valdovinos, ni Abindarráez, sino el honrado hidalgo del señor Quijana. — Yo sé quién soy —respondió don Quijote—; y sé que puedo ser no sólo los que he dicho, sino todos los Doce Pares de Francia, y aun todos los Nueve de la Fama, pues a todas las hazañas que ellos todos juntos y cada uno por sí hicieron, se aventajarán las mías. En estas pláticas y en otras semejantes, llegaron al lugar a la hora que anochecía, pero el labrador aguardó a que fuese algo más noche, porque no viesen al molido hidalgo tan mal caballero. Llegada, pues, la hora que le pareció, entró en el pueblo, y en la casa de don Quijote, la cual halló toda alborotada; y estaban en ella el cura y el barbero del lugar, que eran grandes amigos de don Quijote, que estaba diciéndoles su ama a voces: — ¿Qué le parece a vuestra merced, señor licenciado Pero Pérez —que así se llamaba el cura—, de la desgracia de mi señor? Tres días ha que no parecen él, ni el rocín, ni la adarga, ni la lanza ni las armas. ¡Desventurada de mí!, que me doy a entender, y así es ello la verdad como nací para morir, que estos malditos libros de caballerías que él tiene y suele leer tan de ordinario le han vuelto el juicio; que ahora me acuerdo haberle oído decir muchas veces, hablando entre sí, que quería hacerse caballero andante e irse a buscar las aventuras por esos mundos. Encomendados sean a Satanás y a Barrabás tales libros, que así han echado a perder el más delicado entendimiento que había en toda la Mancha. La sobrina decía lo mesmo, y aun decía más: — Sepa, señor maese Nicolás —que éste era el nombre del barbero—, que muchas veces le aconteció a mi señor tío estarse leyendo en estos desalmados libros de desventuras dos días con sus noches, al cabo de los cuales, arrojaba el libro de las manos, y ponía mano a la espada y andaba a cuchilladas con las paredes; y cuando estaba muy cansado, decía que había muerto a cuatro gigantes como cuatro torres, y el sudor que sudaba del cansancio decía que era sangre de las feridas que había recebido en la batalla; y bebíase luego un gran jarro de agua fría, y quedaba sano y sosegado, diciendo que aquella agua era una preciosísima bebida que le había traído el sabio Esquife, un grande encantador y amigo suyo. Mas yo me tengo la culpa de todo, que no avisé a vuestras mercedes de los disparates de mi señor tío, para que lo remediaran antes de llegar a lo que ha llegado, y quemaran todos estos descomulgados libros, que tiene muchos, que bien merecen ser abrasados, como si fuesen de herejes. — Esto digo yo también —dijo el cura—, y a fee que no se pase el día de mañana sin que dellos no se haga acto público y sean condenados al fuego, porque no den ocasión a quien los leyere de hacer lo que mi buen amigo debe de haber hecho. Todo esto estaban oyendo el labrador y don Quijote, con que acabó de entender el labrador la enfermedad de su vecino; y así, comenzó a decir a voces: — Abran vuestras mercedes al señor Valdovinos y al señor marqués de Mantua, que viene malferido, y al señor moro Abindarráez, que trae cautivo el valeroso Rodrigo de Narváez, alcaide de Antequera. A estas voces salieron todos, y, como conocieron los unos a su amigo, las otras a su amo y tío, que aún no se había apeado del jumento, porque no podía, corrieron a abrazarle. Él dijo: — Ténganse todos, que vengo malferido por la culpa de mi caballo. Llévenme a mi lecho y llámese, si fuere posible, a la sabia Urganda, que cure y cate de mis feridas. — ¡Mirá, en hora maza —dijo a este punto el ama—, si me decía a mí bien mi corazón del pie que cojeaba mi señor! Suba vuestra merced en buen hora, que, sin que venga esa Hurgada, le sabremos aquí curar. ¡Malditos, digo, sean otra vez y otras ciento estos libros de caballerías, que tal han parado a vuestra merced! Lleváronle luego a la cama, y, catándole las feridas, no le hallaron ninguna; y él dijo que todo era molimiento, por haber dado una gran caída con Rocinante, su caballo, combatiéndose con diez jayanes, los más desaforados y atrevidos que se pudieran fallar en gran parte de la tierra. — ¡Ta, ta! —dijo el cura—. ¿Jayanes hay en la danza? Para mi santiguada, que yo los queme mañana antes que llegue la noche. Hiciéronle a don Quijote mil preguntas, y a ninguna quiso responder otra cosa sino que le diesen de comer y le dejasen dormir, que era lo que más le importaba. Hízose así, y el cura se informó muy a la larga del labrador del modo que había hallado a don Quijote. Él se lo contó todo, con los disparates que al hallarle y al traerle había dicho; que fue poner más deseo en el licenciado de hacer lo que otro día hizo, que fue llamar a su amigo el barbero maese Nicolás, con el cual se vino a casa de don Quijote, Capítulo VI. Del donoso y grande escrutinio que el cura y el barbero hicieron en la librería de nuestro ingenioso hidalgo el cual aún todavía dormía. Pidió las llaves, a la sobrina, del aposento donde estaban los libros, autores del daño, y ella se las dio de muy buena gana. Entraron dentro todos, y la ama con ellos, y hallaron más de cien cuerpos de libros grandes, muy bien encuadernados, y otros pequeños; y, así como el ama los vio, volvióse a salir del aposento con gran priesa, y tornó luego con una escudilla de agua bendita y un hisopo, y dijo: — Tome vuestra merced, señor licenciado: rocíe este aposento, no esté aquí algún encantador de los muchos que tienen estos libros, y nos encanten, en pena de las que les queremos dar echándolos del mundo. Causó risa al licenciado la simplicidad del ama, y mandó al barbero que le fuese dando de aquellos libros uno a uno, para ver de qué trataban, pues podía ser hallar algunos que no mereciesen castigo de fuego. — No —dijo la sobrina—, no hay para qué perdonar a ninguno, porque todos han sido los dañadores; mejor será arrojarlos por las ventanas al patio, y hacer un rimero dellos y pegarles fuego; y si no, llevarlos al corral, y allí se hará la hoguera, y no ofenderá el humo. Lo mismo dijo el ama: tal era la gana que las dos tenían de la muerte de aquellos inocentes; mas el cura no vino en ello sin primero leer siquiera los títulos. Y el primero que maese Nicolás le dio en las manos fue Los cuatro de Amadís de Gaula, y dijo el cura: — Parece cosa de misterio ésta; porque, según he oído decir, este libro fue el primero de caballerías que se imprimió en España, y todos los demás han tomado principio y origen déste; y así, me parece que, como a dogmatizador de una secta tan mala, le debemos, sin escusa alguna, condenar al fuego. — No, señor —dijo el barbero—, que también he oído decir que es el mejor de todos los libros que de este género se han compuesto; y así, como a único en su arte, se debe perdonar. — Así es verdad —dijo el cura—, y por esa razón se le otorga la vida por ahora. Veamos esotro que está junto a él. — Es —dijo el barbero— las Sergas de Esplandián, hijo legítimo de Amadís de Gaula. — Pues, en verdad —dijo el cura— que no le ha de valer al hijo la bondad del padre. Tomad, señora ama: abrid esa ventana y echadle al corral, y dé principio al montón de la hoguera que se ha de hacer. Hízolo así el ama con mucho contento, y el bueno de Esplandián fue volando al corral, esperando con toda paciencia el fuego que le amenazaba. — Adelante —dijo el cura. — Este que viene —dijo el barbero— es Amadís de Grecia; y aun todos los deste lado, a lo que creo, son del mesmo linaje de Amadís. — Pues vayan todos al corral —dijo el cura—; que, a trueco de quemar a la reina Pintiquiniestra, y al pastor Darinel, y a sus églogas, y a las endiabladas y revueltas razones de su autor, quemaré con ellos al padre que me engendró, si anduviera en figura de caballero andante. — De ese parecer soy yo —dijo el barbero. — Y aun yo —añadió la sobrina. — Pues así es —dijo el ama—, vengan, y al corral con ellos. Diéronselos, que eran muchos, y ella ahorró la escalera y dio con ellos por la ventana abajo. — ¿Quién es ese tonel? —dijo el cura. — Éste es —respondió el barbero— Don Olivante de Laura. — El autor de ese libro —dijo el cura— fue el mesmo que compuso a Jardín de flores; y en verdad que no sepa determinar cuál de los dos libros es más verdadero, o, por decir mejor, menos mentiroso; sólo sé decir que éste irá al corral por disparatado y arrogante. — Éste que se sigue es Florimorte de Hircania —dijo el barbero. — ¿Ahí está el señor Florimorte? —replicó el cura—. Pues a fe que ha de parar presto en el corral, a pesar de su estraño nacimiento y sonadas aventuras; que no da lugar a otra cosa la dureza y sequedad de su estilo. Al corral con él y con esotro, señora ama. — Que me place, señor mío —respondía ella; y con mucha alegría ejecutaba lo que le era mandado. — Éste es El Caballero Platir —dijo el barbero. — Antiguo libro es éste —dijo el cura—, y no hallo en él cosa que merezca venia. Acompañe a los demás sin réplica. Y así fue hecho. Abrióse otro libro y vieron que tenía por título El Caballero de la Cruz. — Por nombre tan santo como este libro tiene, se podía perdonar su ignorancia; mas también se suele decir: "tras la cruz está el diablo"; vaya al fuego. Tomando el barbero otro libro, dijo: — Éste es Espejo de caballerías. — Ya conozco a su merced —dijo el cura—. Ahí anda el señor Reinaldos de Montalbán con sus amigos y compañeros, más ladrones que Caco, y los doce Pares, con el verdadero historiador Turpín; y en verdad que estoy por condenarlos no más que a destierro perpetuo, siquiera porque tienen parte de la invención del famoso Mateo Boyardo, de donde también tejió su tela el cristiano poeta Ludovico Ariosto; al cual, si aquí le hallo, y que habla en otra lengua que la suya, no le guardaré respeto alguno; pero si habla en su idioma, le pondré sobre mi cabeza. — Pues yo le tengo en italiano —dijo el barbero—, mas no le entiendo. — Ni aun fuera bien que vos le entendiérades —respondió el cura—, y aquí le perdonáramos al señor capitán que no le hubiera traído a España y hecho castellano; que le quitó mucho de su natural valor, y lo mesmo harán todos aquellos que los libros de verso quisieren volver en otra lengua: que, por mucho cuidado que pongan y habilidad que muestren, jamás llegarán al punto que ellos tienen en su primer nacimiento. Digo, en efeto, que este libro, y todos los que se hallaren que tratan destas cosas de Francia, se echen y depositen en un pozo seco, hasta que con más acuerdo se vea lo que se ha de hacer dellos, ecetuando a un Bernardo del Carpio que anda por ahí y a otro llamado Roncesvalles; que éstos, en llegando a mis manos, han de estar en las del ama, y dellas en las del fuego, sin remisión alguna. Todo lo confirmó el barbero, y lo tuvo por bien y por cosa muy acertada, por entender que era el cura tan buen cristiano y tan amigo de la verdad, que no diría otra cosa por todas las del mundo. Y, abriendo otro libro, vio que era Palmerín de Oliva, y junto a él estaba otro que se llamaba Palmerín de Ingalaterra; lo cual visto por el licenciado, dijo: — Esa oliva se haga luego rajas y se queme, que aun no queden della las cenizas; y esa palma de Ingalaterra se guarde y se conserve como a cosa única, y se haga para ello otra caja como la que halló Alejandro en los despojos de Dario, que la diputó para guardar en ella las obras del poeta Homero. Este libro, señor compadre, tiene autoridad por dos cosas: la una, porque él por sí es muy bueno, y la otra, porque es fama que le compuso un discreto rey de Portugal. Todas las aventuras del castillo de Miraguarda son bonísimas y de grande artificio; las razones, cortesanas y claras, que guardan y miran el decoro del que habla con mucha propriedad y entendimiento. Digo, pues, salvo vuestro buen parecer, señor maese Nicolás, que éste y Amadís de Gaula queden libres del fuego, y todos los demás, sin hacer más cala y cata, perezcan. — No, señor compadre —replicó el barbero—; que éste que aquí tengo es el afamado Don Belianís. — Pues ése —replicó el cura—, con la segunda, tercera y cuarta parte, tienen necesidad de un poco de ruibarbo para purgar la demasiada cólera suya, y es menester quitarles todo aquello del castillo de la Fama y otras impertinencias de más importancia, para lo cual se les da término ultramarino, y como se enmendaren, así se usará con ellos de misericordia o de justicia; y en tanto, tenedlos vos, compadre, en vuestra casa, mas no los dejéis leer a ninguno. — Que me place —respondió el barbero. Y, sin querer cansarse más en leer libros de caballerías, mandó al ama que tomase todos los grandes y diese con ellos en el corral. No se dijo a tonta ni a sorda, sino a quien tenía más gana de quemallos que de echar una tela, por grande y delgada que fuera; y, asiendo casi ocho de una vez, los arrojó por la ventana. Por tomar muchos juntos, se le cayó uno a los pies del barbero, que le tomó gana de ver de quién era, y vio que decía: Historia del famoso caballero Tirante el Blanco. — ¡Válame Dios! —dijo el cura, dando una gran voz—. ¡Que aquí esté Tirante el Blanco! Dádmele acá, compadre; que hago cuenta que he hallado en él un tesoro de contento y una mina de pasatiempos. Aquí está don Quirieleisón de Montalbán, valeroso caballero, y su hermano Tomás de Montalbán, y el caballero Fonseca, con la batalla que el valiente de Tirante hizo con el alano, y las agudezas de la doncella Placerdemivida, con los amores y embustes de la viuda Reposada, y la señora Emperatriz, enamorada de Hipólito, su escudero. Dígoos verdad, señor compadre, que, por su estilo, es éste el mejor libro del mundo: aquí comen los caballeros, y duermen, y mueren en sus camas, y hacen testamento antes de su muerte, con estas cosas de que todos los demás libros deste género carecen. Con todo eso, os digo que merecía el que le compuso, pues no hizo tantas necedades de industria, que le echaran a galeras por todos los días de su vida. Llevadle a casa y leedle, y veréis que es verdad cuanto dél os he dicho. — Así será —respondió el barbero—; pero, ¿qué haremos destos pequeños libros que quedan? — Éstos —dijo el cura— no deben de ser de caballerías, sino de poesía. Y abriendo uno, vio que era La Diana, de Jorge de Montemayor, y dijo, creyendo que todos los demás eran del mesmo género: — Éstos no merecen ser quemados, como los demás, porque no hacen ni harán el daño que los de caballerías han hecho; que son libros de entendimiento, sin perjuicio de tercero. — ¡Ay señor! —dijo la sobrina—, bien los puede vuestra merced mandar quemar, como a los demás, porque no sería mucho que, habiendo sanado mi señor tío de la enfermedad caballeresca, leyendo éstos, se le antojase de hacerse pastor y andarse por los bosques y prados cantando y tañendo; y, lo que sería peor, hacerse poeta; que, según dicen, es enfermedad incurable y pegadiza. — Verdad dice esta doncella —dijo el cura—, y será bien quitarle a nuestro amigo este tropiezo y ocasión delante. Y, pues comenzamos por La Diana de Montemayor, soy de parecer que no se queme, sino que se le quite todo aquello que trata de la sabia Felicia y de la agua encantada, y casi todos los versos mayores, y quédesele en hora buena la prosa, y la honra de ser primero en semejantes libros. — Éste que se sigue —dijo el barbero— es La Diana llamada segunda del Salmantino; y éste, otro que tiene el mesmo nombre, cuyo autor es Gil Polo. — Pues la del Salmantino —respondió el cura—, acompañe y acreciente el número de los condenados al corral, y la de Gil Polo se guarde como si fuera del mesmo Apolo; y pase adelante, señor compadre, y démonos prisa, que se va haciendo tarde. — Este libro es —dijo el barbero, abriendo otro— Los diez libros de Fortuna de Amor, compuestos por Antonio de Lofraso, poeta sardo. — Por las órdenes que recebí —dijo el cura—, que, desde que Apolo fue Apolo, y las musas musas, y los poetas poetas, tan gracioso ni tan disparatado libro como ése no se ha compuesto, y que, por su camino, es el mejor y el más único de cuantos deste género han salido a la luz del mundo; y el que no le ha leído puede hacer cuenta que no ha leído jamás cosa de gusto. Dádmele acá, compadre, que precio más haberle hallado que si me dieran una sotana de raja de Florencia. Púsole aparte con grandísimo gusto, y el barbero prosiguió diciendo: — Estos que se siguen son El Pastor de Iberia, Ninfas de Henares y Desengaños de celos. — Pues no hay más que hacer —dijo el cura—, sino entregarlos al brazo seglar del ama; y no se me pregunte el porqué, que sería nunca acabar. — Este que viene es El Pastor de Fílida. — No es ése pastor —dijo el cura—, sino muy discreto cortesano; guárdese como joya preciosa. — Este grande que aquí viene se intitula —dijo el barbero— Tesoro de varias poesías. — Como ellas no fueran tantas —dijo el cura—, fueran más estimadas; menester es que este libro se escarde y limpie de algunas bajezas que entre sus grandezas tiene. Guárdese, porque su autor es amigo mío, y por respeto de otras más heroicas y levantadas obras que ha escrito. — Éste es —siguió el barbero— El Cancionero de López Maldonado. — También el autor de ese libro —replicó el cura— es grande amigo mío, y sus versos en su boca admiran a quien los oye; y tal es la suavidad de la voz con que los canta, que encanta. Algo largo es en las églogas, pero nunca lo bueno fue mucho: guárdese con los escogidos. Pero, ¿qué libro es ese que está junto a él? — La Galatea, de Miguel de Cervantes —dijo el barbero. — Muchos años ha que es grande amigo mío ese Cervantes, y sé que es más versado en desdichas que en versos. Su libro tiene algo de buena invención; propone algo, y no concluye nada: es menester esperar la segunda parte que promete; quizá con la emienda alcanzará del todo la misericordia que ahora se le niega; y, entre tanto que esto se ve, tenedle recluso en vuestra posada, señor compadre. — Que me place —respondió el barbero—. Y aquí vienen tres, todos juntos: La Araucana, de don Alonso de Ercilla; La Austríada, de Juan Rufo, jurado de Córdoba, y El Monserrato, de Cristóbal de Virués, poeta valenciano. — Todos esos tres libros —dijo el cura— son los mejores que, en verso heroico, en lengua castellana están escritos, y pueden competir con los más famosos de Italia: guárdense como las más ricas prendas de poesía que tiene España. Cansóse el cura de ver más libros; y así, a carga cerrada, quiso que todos los demás se quemasen; pero ya tenía abierto uno el barbero, que se llamaba Las lágrimas de Angélica. — Lloráralas yo —dijo el cura en oyendo el nombre— si tal libro hubiera mandado quemar; porque su autor fue uno de los famosos poetas del mundo, no sólo de España, y fue felicísimo en la tradución de algunas fábulas de Ovidio. Capítulo VII. De la segunda salida de nuestro buen caballero don Quijote de la Mancha Estando en esto, comenzó a dar voces don Quijote, diciendo: — Aquí, aquí, valerosos caballeros; aquí es menester mostrar la fuerza de vuestros valerosos brazos, que los cortesanos llevan lo mejor del torneo. Por acudir a este ruido y estruendo, no se pasó adelante con el escrutinio de los demás libros que quedaban; y así, se cree que fueron al fuego, sin ser vistos ni oídos, La Carolea y León de España, con Los Hechos del Emperador, compuestos por don Luis de Ávila, que, sin duda, debían de estar entre los que quedaban; y quizá, si el cura los viera, no pasaran por tan rigurosa sentencia. Cuando llegaron a don Quijote, ya él estaba levantado de la cama, y proseguía en sus voces y en sus desatinos, dando cuchilladas y reveses a todas partes, estando tan despierto como si nunca hubiera dormido. Abrazáronse con él, y por fuerza le volvieron al lecho; y, después que hubo sosegado un poco, volviéndose a hablar con el cura, le dijo: — Por cierto, señor arzobispo Turpín, que es gran mengua de los que nos llamamos doce Pares dejar, tan sin más ni más, llevar la vitoria deste torneo a los caballeros cortesanos, habiendo nosotros los aventureros ganado el prez en los tres días antecedentes. — Calle vuestra merced, señor compadre —dijo el cura—, que Dios será servido que la suerte se mude, y que lo que hoy se pierde se gane mañana; y atienda vuestra merced a su salud por agora, que me parece que debe de estar demasiadamente cansado, si ya no es que está malferido. — Ferido no —dijo don Quijote—, pero molido y quebrantado, no hay duda en ello; porque aquel bastardo de don Roldán me ha molido a palos con el tronco de una encina, y todo de envidia, porque ve que yo solo soy el opuesto de sus valentías. Mas no me llamaría yo Reinaldos de Montalbán si, en levantándome deste lecho, no me lo pagare, a pesar de todos sus encantamentos; y, por agora, tráiganme de yantar, que sé que es lo que más me hará al caso, y quédese lo del vengarme a mi cargo. Hiciéronlo ansí: diéronle de comer, y quedóse otra vez dormido, y ellos, admirados de su locura. Aquella noche quemó y abrasó el ama cuantos libros había en el corral y en toda la casa, y tales debieron de arder que merecían guardarse en perpetuos archivos; mas no lo permitió su suerte y la pereza del escrutiñador; y así, se cumplió el refrán en ellos de que pagan a las veces justos por pecadores. Uno de los remedios que el cura y el barbero dieron, por entonces, para el mal de su amigo, fue que le murasen y tapiasen el aposento de los libros, porque cuando se levantase no los hallase —quizá quitando la causa, cesaría el efeto—, y que dijesen que un encantador se los había llevado, y el aposento y todo; y así fue hecho con mucha presteza. De allí a dos días se levantó don Quijote, y lo primero que hizo fue ir a ver sus libros; y, como no hallaba el aposento donde le había dejado, andaba de una en otra parte buscándole. Llegaba adonde solía tener la puerta, y tentábala con las manos, y volvía y revolvía los ojos por todo, sin decir palabra; pero, al cabo de una buena pieza, preguntó a su ama que hacia qué parte estaba el aposento de sus libros. El ama, que ya estaba bien advertida de lo que había de responder, le dijo: — ¿Qué aposento, o qué nada, busca vuestra merced? Ya no hay aposento ni libros en esta casa, porque todo se lo llevó el mesmo diablo. — No era diablo —replicó la sobrina—, sino un encantador que vino sobre una nube una noche, después del día que vuestra merced de aquí se partió, y, apeándose de una sierpe en que venía caballero, entró en el aposento, y no sé lo que se hizo dentro, que a cabo de poca pieza salió volando por el tejado, y dejó la casa llena de humo; y, cuando acordamos a mirar lo que dejaba hecho, no vimos libro ni aposento alguno; sólo se nos acuerda muy bien a mí y al ama que, al tiempo del partirse aquel mal viejo, dijo en altas voces que, por enemistad secreta que tenía al dueño de aquellos libros y aposento, dejaba hecho el daño en aquella casa que después se vería. Dijo también que se llamaba el sabio Muñatón. — Frestón diría —dijo don Quijote. — No sé —respondió el ama— si se llamaba Frestón o Fritón; sólo sé que acabó en tón su nombre. — Así es —dijo don Quijote—; que ése es un sabio encantador, grande enemigo mío, que me tiene ojeriza, porque sabe por sus artes y letras que tengo de venir, andando los tiempos, a pelear en singular batalla con un caballero a quien él favorece, y le tengo de vencer, sin que él lo pueda estorbar, y por esto procura hacerme todos los sinsabores que puede; y mándole yo que mal podrá él contradecir ni evitar lo que por el cielo está ordenado. — ¿Quién duda de eso? —dijo la sobrina—. Pero, ¿quién le mete a vuestra merced, señor tío, en esas pendencias? ¿No será mejor estarse pacífico en su casa y no irse por el mundo a buscar pan de trastrigo, sin considerar que muchos van por lana y vuelven tresquilados? — ¡Oh sobrina mía —respondió don Quijote—, y cuán mal que estás en la cuenta! Primero que a mí me tresquilen, tendré peladas y quitadas las barbas a cuantos imaginaren tocarme en la punta de un solo cabello. No quisieron las dos replicarle más, porque vieron que se le encendía la cólera. Es, pues, el caso que él estuvo quince días en casa muy sosegado, sin dar muestras de querer segundar sus primeros devaneos, en los cuales días pasó graciosísimos cuentos con sus dos compadres el cura y el barbero, sobre que él decía que la cosa de que más necesidad tenía el mundo era de caballeros andantes y de que en él se resucitase la caballería andantesca. El cura algunas veces le contradecía y otras concedía, porque si no guardaba este artificio, no había poder averiguarse con él. En este tiempo, solicitó don Quijote a un labrador vecino suyo, hombre de bien —si es que este título se puede dar al que es pobre—, pero de muy poca sal en la mollera. En resolución, tanto le dijo, tanto le persuadió y prometió, que el pobre villano se determinó de salirse con él y servirle de escudero. Decíale, entre otras cosas, don Quijote que se dispusiese a ir con él de buena gana, porque tal vez le podía suceder aventura que ganase, en quítame allá esas pajas, alguna ínsula, y le dejase a él por gobernador della. Con estas promesas y otras tales, Sancho Panza, que así se llamaba el labrador, dejó su mujer y hijos y asentó por escudero de su vecino. Dio luego don Quijote orden en buscar dineros; y, vendiendo una cosa y empeñando otra, y malbaratándolas todas, llegó una razonable cantidad. Acomodóse asimesmo de una rodela, que pidió prestada a un su amigo, y, pertrechando su rota celada lo mejor que pudo, avisó a su escudero Sancho del día y la hora que pensaba ponerse en camino, para que él se acomodase de lo que viese que más le era menester. Sobre todo le encargó que llevase alforjas; e dijo que sí llevaría, y que ansimesmo pensaba llevar un asno que tenía muy bueno, porque él no estaba duecho a andar mucho a pie. En lo del asno reparó un poco don Quijote, imaginando si se le acordaba si algún caballero andante había traído escudero caballero asnalmente, pero nunca le vino alguno a la memoria; mas, con todo esto, determinó que le llevase, con presupuesto de acomodarle de más honrada caballería en habiendo ocasión para ello, quitándole el caballo al primer descortés caballero que topase. Proveyóse de camisas y de las demás cosas que él pudo, conforme al consejo que el ventero le había dado; todo lo cual hecho y cumplido, sin despedirse Panza de sus hijos y mujer, ni don Quijote de su ama y sobrina, una noche se salieron del lugar sin que persona los viese; en la cual caminaron tanto, que al amanecer se tuvieron por seguros de que no los hallarían aunque los buscasen. Iba Sancho Panza sobre su jumento como un patriarca, con sus alforjas y su bota, y con mucho deseo de verse ya gobernador de la ínsula que su amo le había prometido. Acertó don Quijote a tomar la misma derrota y camino que el que él había tomado en su primer viaje, que fue por el campo de Montiel, por el cual caminaba con menos pesadumbre que la vez pasada, porque, por ser la hora de la mañana y herirles a soslayo los rayos del sol, no les fatigaban. Dijo en esto Sancho Panza a su amo: — Mire vuestra merced, señor caballero andante, que no se le olvide lo que de la ínsula me tiene prometido; que yo la sabré gobernar, por grande que sea. A lo cual le respondió don Quijote: — Has de saber, amigo Sancho Panza, que fue costumbre muy usada de los caballeros andantes antiguos hacer gobernadores a sus escuderos de las ínsulas o reinos que ganaban, y yo tengo determinado de que por mí no falte tan agradecida usanza; antes, pienso aventajarme en ella: porque ellos algunas veces, y quizá las más, esperaban a que sus escuderos fuesen viejos; y, ya después de hartos de servir y de llevar malos días y peores noches, les daban algún título de conde, o, por lo mucho, de marqués, de algún valle o provincia de poco más a menos; pero, si tú vives y yo vivo, bien podría ser que antes de seis días ganase yo tal reino que tuviese otros a él adherentes, que viniesen de molde para coronarte por rey de uno dellos. Y no lo tengas a mucho, que cosas y casos acontecen a los tales caballeros, por modos tan nunca vistos ni pensados, que con facilidad te podría dar aún más de lo que te prometo. — De esa manera —respondió Sancho Panza—, si yo fuese rey por algún milagro de los que vuestra merced dice, por lo menos, Juana Gutiérrez, mi oíslo, vendría a ser reina, y mis hijos infantes. — Pues, ¿quién lo duda? —respondió don Quijote. — Yo lo dudo —replicó Sancho Panza—; porque tengo para mí que, aunque lloviese Dios reinos sobre la tierra, ninguno asentaría bien sobre la cabeza de Mari Gutiérrez. Sepa, señor, que no vale dos maravedís para reina; condesa le caerá mejor, y aun Dios y ayuda. — Encomiéndalo tú a Dios, Sancho —respondió don Quijote—, que Él dará lo que más le convenga, pero no apoques tu ánimo tanto, que te vengas a contentar con menos que con ser adelantado. — No lo haré, señor mío —respondió Sancho—; y más teniendo tan principal amo en vuestra merced, que me sabrá dar todo aquello que me esté bien y yo pueda llevar. Capítulo VIII. Del buen suceso que el valeroso don Quijote tuvo en la espantable y jamás imaginada aventura de los molinos de viento, con otros sucesos dignos de felice recordación En esto, descubrieron treinta o cuarenta molinos de viento que hay en aquel campo; y, así como don Quijote los vio, dijo a su escudero: — La ventura va guiando nuestras cosas mejor de lo que acertáramos a desear, porque ves allí, amigo Sancho Panza, donde se descubren treinta, o pocos más, desaforados gigantes, con quien pienso hacer batalla y quitarles a todos las vidas, con cuyos despojos comenzaremos a enriquecer; que ésta es buena guerra, y es gran servicio de Dios quitar tan mala simiente de sobre la faz de la tierra. — ¿Qué gigantes? —dijo Sancho Panza. — Aquellos que allí ves —respondió su amo— de los brazos largos, que los suelen tener algunos de casi dos leguas. — Mire vuestra merced —respondió Sancho— que aquellos que allí se parecen no son gigantes, sino molinos de viento, y lo que en ellos parecen brazos son las aspas, que, volteadas del viento, hacen andar la piedra del molino. — Bien parece —respondió don Quijote— que no estás cursado en esto de las aventuras: ellos son gigantes; y si tienes miedo, quítate de ahí, y ponte en oración en el espacio que yo voy a entrar con ellos en fiera y desigual batalla. Y, diciendo esto, dio de espuelas a su caballo Rocinante, sin atender a las voces que su escudero Sancho le daba, advirtiéndole que, sin duda alguna, eran molinos de viento, y no gigantes, aquellos que iba a acometer. Pero él iba tan puesto en que eran gigantes, que ni oía las voces de su escudero Sancho ni echaba de ver, aunque estaba ya bien cerca, lo que eran; antes, iba diciendo en voces altas: — Non fuyades, cobardes y viles criaturas, que un solo caballero es el que os acomete. Levantóse en esto un poco de viento y las grandes aspas comenzaron a moverse, lo cual visto por don Quijote, dijo: — Pues, aunque mováis más brazos que los del gigante Briareo, me lo habéis de pagar. Y, en diciendo esto, y encomendándose de todo corazón a su señora Dulcinea, pidiéndole que en tal trance le socorriese, bien cubierto de su rodela, con la lanza en el ristre, arremetió a todo el galope de Rocinante y embistió con el primero molino que estaba delante; y, dándole una lanzada en el aspa, la volvió el viento con tanta furia que hizo la lanza pedazos, llevándose tras sí al caballo y al caballero, que fue rodando muy maltrecho por el campo. Acudió Sancho Panza a socorrerle, a todo el correr de su asno, y cuando llegó halló que no se podía menear: tal fue el golpe que dio con él Rocinante. — ¡Válame Dios! —dijo Sancho—. ¿No le dije yo a vuestra merced que mirase bien lo que hacía, que no eran sino molinos de viento, y no lo podía ignorar sino quien llevase otros tales en la cabeza? — Calla, amigo Sancho —respondió don Quijote—, que las cosas de la guerra, más que otras, están sujetas a continua mudanza; cuanto más, que yo pienso, y es así verdad, que aquel sabio Frestón que me robó el aposento y los libros ha vuelto estos gigantes en molinos por quitarme la gloria de su vencimiento: tal es la enemistad que me tiene; mas, al cabo al cabo, han de poder poco sus malas artes contra la bondad de mi espada. — Dios lo haga como puede —respondió Sancho Panza. Y, ayudándole a levantar, tornó a subir sobre Rocinante, que medio despaldado estaba. Y, hablando en la pasada aventura, siguieron el camino del Puerto Lápice, porque allí decía don Quijote que no era posible dejar de hallarse muchas y diversas aventuras, por ser lugar muy pasajero; sino que iba muy pesaroso por haberle faltado la lanza; y, diciéndoselo a su escudero, le dijo: — Yo me acuerdo haber leído que un caballero español, llamado Diego Pérez de Vargas, habiéndosele en una batalla roto la espada, desgajó de una encina un pesado ramo o tronco, y con él hizo tales cosas aquel día, y machacó tantos moros, que le quedó por sobrenombre Machuca, y así él como sus decendientes se llamaron, desde aquel día en adelante, Vargas y Machuca. Hete dicho esto, porque de la primera encina o roble que se me depare pienso desgajar otro tronco tal y tan bueno como aquél, que me imagino y pienso hacer con él tales hazañas, que tú te tengas por bien afortunado de haber merecido venir a vellas y a ser testigo de cosas que apenas podrán ser creídas. — A la mano de Dios —dijo Sancho—; yo lo creo todo así como vuestra merced lo dice; pero enderécese un poco, que parece que va de medio lado, y debe de ser del molimiento de la caída. — Así es la verdad —respondió don Quijote—; y si no me quejo del dolor, es porque no es dado a los caballeros andantes quejarse de herida alguna, aunque se le salgan las tripas por ella. — Si eso es así, no tengo yo qué replicar —respondió Sancho—, pero sabe Dios si yo me holgara que vuestra merced se quejara cuando alguna cosa le doliera. De mí sé decir que me he de quejar del más pequeño dolor que tenga, si ya no se entiende también con los escuderos de los caballeros andantes eso del no quejarse. No se dejó de reír don Quijote de la simplicidad de su escudero; y así, le declaró que podía muy bien quejarse, como y cuando quisiese, sin gana o con ella; que hasta entonces no había leído cosa en contrario en la orden de caballería. Díjole Sancho que mirase que era hora de comer. Respondióle su amo que por entonces no le hacía menester; que comiese él cuando se le antojase. Con esta licencia, se acomodó Sancho lo mejor que pudo sobre su jumento, y, sacando de las alforjas lo que en ellas había puesto, iba caminando y comiendo detrás de su amo muy de su espacio, y de cuando en cuando empinaba la bota, con tanto gusto, que le pudiera envidiar el más regalado bodegonero de Málaga. Y, en tanto que él iba de aquella manera menudeando tragos, no se le acordaba de ninguna promesa que su amo le hubiese hecho, ni tenía por ningún trabajo, sino por mucho descanso, andar buscando las aventuras, por peligrosas que fuesen. En resolución, aquella noche la pasaron entre unos árboles, y del uno dellos desgajó don Quijote un ramo seco que casi le podía servir de lanza, y puso en él el hierro que quitó de la que se le había quebrado. Toda aquella noche no durmió don Quijote, pensando en su señora Dulcinea, por acomodarse a lo que había leído en sus libros, cuando los caballeros pasaban sin dormir muchas noches en las florestas y despoblados, entretenidos con las memorias de sus señoras. No la pasó ansí Sancho Panza, que, como tenía el estómago lleno, y no de agua de chicoria, de un sueño se la llevó toda; y no fueran parte para despertarle, si su amo no lo llamara, los rayos del sol, que le daban en el rostro, ni el canto de las aves, que, muchas y muy regocijadamente, la venida del nuevo día saludaban. Al levantarse dio un tiento a la bota, y hallóla algo más flaca que la noche antes; y afligiósele el corazón, por parecerle que no llevaban camino de remediar tan presto su falta. No quiso desayunarse don Quijote, porque, como está dicho, dio en sustentarse de sabrosas memorias. Tornaron a su comenzado camino del Puerto Lápice, y a obra de las tres del día le descubrieron. — Aquí —dijo, en viéndole, don Quijote— podemos, hermano Sancho Panza, meter las manos hasta los codos en esto que llaman aventuras. Mas advierte que, aunque me veas en los mayores peligros del mundo, no has de poner mano a tu espada para defenderme, si ya no vieres que los que me ofenden es canalla y gente baja, que en tal caso bien puedes ayudarme; pero si fueren caballeros, en ninguna manera te es lícito ni concedido por las leyes de caballería que me ayudes, hasta que seas armado caballero. — Por cierto, señor —respondió Sancho—, que vuestra merced sea muy bien obedicido en esto; y más, que yo de mío me soy pacífico y enemigo de meterme en ruidos ni pendencias. Bien es verdad que, en lo que tocare a defender mi persona, no tendré mucha cuenta con esas leyes, pues las divinas y humanas permiten que cada uno se defienda de quien quisiere agraviarle. — No digo yo menos —respondió don Quijote—; pero, en esto de ayudarme contra caballeros, has de tener a raya tus naturales ímpetus. — Digo que así lo haré —respondió Sancho—, y que guardaré ese preceto tan bien como el día del domingo. Estando en estas razones, asomaron por el camino dos frailes de la orden de San Benito, caballeros sobre dos dromedarios: que no eran más pequeñas dos mulas en que venían. Traían sus antojos de camino y sus quitasoles. Detrás dellos venía un coche, con cuatro o cinco de a caballo que le acompañaban y dos mozos de mulas a pie. Venía en el coche, como después se supo, una señora vizcaína, que iba a Sevilla, donde estaba su marido, que pasaba a las Indias con un muy honroso cargo. No venían los frailes con ella, aunque iban el mesmo camino; mas, apenas los divisó don Quijote, cuando dijo a su escudero: — O yo me engaño, o ésta ha de ser la más famosa aventura que se haya visto; porque aquellos bultos negros que allí parecen deben de ser, y son sin duda, algunos encantadores que llevan hurtada alguna princesa en aquel coche, y es menester deshacer este tuerto a todo mi poderío. — Peor será esto que los molinos de viento —dijo Sancho—. Mire, señor, que aquéllos son frailes de San Benito, y el coche debe de ser de alguna gente pasajera. Mire que digo que mire bien lo que hace, no sea el diablo que le engañe. — Ya te he dicho, Sancho —respondió don Quijote—, que sabes poco de achaque de aventuras; lo que yo digo es verdad, y ahora lo verás. Y, diciendo esto, se adelantó y se puso en la mitad del camino por donde los frailes venían, y, en llegando tan cerca que a él le pareció que le podrían oír lo que dijese, en alta voz dijo: — Gente endiablada y descomunal, dejad luego al punto las altas princesas que en ese coche lleváis forzadas; si no, aparejaos a recebir presta muerte, por justo castigo de vuestras malas obras. Detuvieron los frailes las riendas, y quedaron admirados, así de la figura de don Quijote como de sus razones, a las cuales respondieron: — Señor caballero, nosotros no somos endiablados ni descomunales, sino dos religiosos de San Benito que vamos nuestro camino, y no sabemos si en este coche vienen, o no, ningunas forzadas princesas. — Para conmigo no hay palabras blandas, que ya yo os conozco, fementida canalla —dijo don Quijote. Y, sin esperar más respuesta, picó a Rocinante y, la lanza baja, arremetió contra el primero fraile, con tanta furia y denuedo que, si el fraile no se dejara caer de la mula, él le hiciera venir al suelo mal de su grado, y aun malferido, si no cayera muerto. El segundo religioso, que vio del modo que trataban a su compañero, puso piernas al castillo de su buena mula, y comenzó a correr por aquella campaña, más ligero que el mesmo viento. Sancho Panza, que vio en el suelo al fraile, apeándose ligeramente de su asno, arremetió a él y le comenzó a quitar los hábitos. Llegaron en esto dos mozos de los frailes y preguntáronle que por qué le desnudaba. Respondióles Sancho que aquello le tocaba a él ligítimamente, como despojos de la batalla que su señor don Quijote había ganado. Los mozos, que no sabían de burlas, ni entendían aquello de despojos ni batallas, viendo que ya don Quijote estaba desviado de allí, hablando con las que en el coche venían, arremetieron con Sancho y dieron con él en el suelo; y, sin dejarle pelo en las barbas, le molieron a coces y le dejaron tendido en el suelo sin aliento ni sentido. Y, sin detenerse un punto, tornó a subir el fraile, todo temeroso y acobardado y sin color en el rostro; y, cuando se vio a caballo, picó tras su compañero, que un buen espacio de allí le estaba aguardando, y esperando en qué paraba aquel sobresalto; y, sin querer aguardar el fin de todo aquel comenzado suceso, siguieron su camino, haciéndose más cruces que si llevaran al diablo a las espaldas. Don Quijote estaba, como se ha dicho, hablando con la señora del coche, diciéndole: — La vuestra fermosura, señora mía, puede facer de su persona lo que más le viniere en talante, porque ya la soberbia de vuestros robadores yace por el suelo, derribada por este mi fuerte brazo; y, porque no penéis por saber el nombre de vuestro libertador, sabed que yo me llamo don Quijote de la Mancha, caballero andante y aventurero, y cautivo de la sin par y hermosa doña Dulcinea del Toboso; y, en pago del beneficio que de mí habéis recebido, no quiero otra cosa sino que volváis al Toboso, y que de mi parte os presentéis ante esta señora y le digáis lo que por vuestra libertad he fecho. Todo esto que don Quijote decía escuchaba un escudero de los que el coche acompañaban, que era vizcaíno; el cual, viendo que no quería dejar pasar el coche adelante, sino que decía que luego había de dar la vuelta al Toboso, se fue para don Quijote y, asiéndole de la lanza, le dijo, en mala lengua castellana y peor vizcaína, desta manera: — Anda, caballero que mal andes; por el Dios que crióme, que, si no dejas coche, así te matas como estás ahí vizcaíno. Entendióle muy bien don Quijote, y con mucho sosiego le respondió: — Si fueras caballero, como no lo eres, ya yo hubiera castigado tu sandez y atrevimiento, cautiva criatura. A lo cual replicó el vizcaíno: — ¿Yo no caballero? Juro a Dios tan mientes como cristiano. Si lanza arrojas y espada sacas, ¡el agua cuán presto verás que al gato llevas! Vizcaíno por tierra, hidalgo por mar, hidalgo por el diablo; y mientes que mira si otra dices cosa. — ¡Ahora lo veredes, dijo Agrajes! —respondió don Quijote. Y, arrojando la lanza en el suelo, sacó su espada y embrazó su rodela, y arremetió al vizcaíno con determinación de quitarle la vida. El vizcaíno, que así le vio venir, aunque quisiera apearse de la mula, que, por ser de las malas de alquiler, no había que fiar en ella, no pudo hacer otra cosa sino sacar su espada; pero avínole bien que se halló junto al coche, de donde pudo tomar una almohada que le sirvió de escudo, y luego se fueron el uno para el otro, como si fueran dos mortales enemigos. La demás gente quisiera ponerlos en paz, mas no pudo, porque decía el vizcaíno en sus mal trabadas razones que si no le dejaban acabar su batalla, que él mismo había de matar a su ama y a toda la gente que se lo estorbase. La señora del coche, admirada y temerosa de lo que veía, hizo al cochero que se desviase de allí algún poco, y desde lejos se puso a mirar la rigurosa contienda, en el discurso de la cual dio el vizcaíno una gran cuchillada a don Quijote encima de un hombro, por encima de la rodela, que, a dársela sin defensa, le abriera hasta la cintura. Don Quijote, que sintió la pesadumbre de aquel desaforado golpe, dio una gran voz, diciendo: — ¡Oh señora de mi alma, Dulcinea, flor de la fermosura, socorred a este vuestro caballero, que, por satisfacer a la vuestra mucha bondad, en este riguroso trance se halla! El decir esto, y el apretar la espada, y el cubrirse bien de su rodela, y el arremeter al vizcaíno, todo fue en un tiempo, llevando determinación de aventurarlo todo a la de un golpe solo. El vizcaíno, que así le vio venir contra él, bien entendió por su denuedo su coraje, y determinó de hacer lo mesmo que don Quijote; y así, le aguardó bien cubierto de su almohada, sin poder rodear la mula a una ni a otra parte; que ya, de puro cansada y no hecha a semejantes niñerías, no podía dar un paso. Venía, pues, como se ha dicho, don Quijote contra el cauto vizcaíno, con la espada en alto, con determinación de abrirle por medio, y el vizcaíno le aguardaba ansimesmo levantada la espada y aforrado con su almohada, y todos los circunstantes estaban temerosos y colgados de lo que había de suceder de aquellos tamaños golpes con que se amenazaban; y la señora del coche y las demás criadas suyas estaban haciendo mil votos y ofrecimientos a todas las imágenes y casas de devoción de España, porque Dios librase a su escudero y a ellas de aquel tan grande peligro en que se hallaban. Pero está el daño de todo esto que en este punto y término deja pendiente el autor desta historia esta batalla, disculpándose que no halló más escrito destas hazañas de don Quijote de las que deja referidas. Bien es verdad que el segundo autor desta obra no quiso creer que tan curiosa historia estuviese entregada a las leyes del olvido, ni que hubiesen sido tan poco curiosos los ingenios de la Mancha que no tuviesen en sus archivos o en sus escritorios algunos papeles que deste famoso caballero tratasen; y así, con esta imaginación, no se desesperó de hallar el fin desta apacible historia, el cual, siéndole el cielo favorable, le halló del modo que se contará en la segunda parte. Segunda parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha Capítulo IX. Donde se concluye y da fin a la estupenda batalla que el gallardo vizcaíno y el valiente manchego tuvieron Dejamos en la primera parte desta historia al valeroso vizcaíno y al famoso don Quijote con las espadas altas y desnudas, en guisa de descargar dos furibundos fendientes, tales que, si en lleno se acertaban, por lo menos se dividirían y fenderían de arriba abajo y abrirían como una granada; y que en aquel punto tan dudoso paró y quedó destroncada tan sabrosa historia, sin que nos diese noticia su autor dónde se podría hallar lo que della faltaba. Causóme esto mucha pesadumbre, porque el gusto de haber leído tan poco se volvía en disgusto, de pensar el mal camino que se ofrecía para hallar lo mucho que, a mi parecer, faltaba de tan sabroso cuento. Parecióme cosa imposible y fuera de toda buena costumbre que a tan buen caballero le hubiese faltado algún sabio que tomara a cargo el escrebir sus nunca vistas hazañas, cosa que no faltó a ninguno de los caballeros andantes, de los que dicen las gentes que van a sus aventuras, porque cada uno dellos tenía uno o dos sabios, como de molde, que no solamente escribían sus hechos, sino que pintaban sus más mínimos pensamientos y niñerías, por más escondidas que fuesen; y no había de ser tan desdichado tan buen caballero, que le faltase a él lo que sobró a Platir y a otros semejantes. Y así, no podía inclinarme a creer que tan gallarda historia hubiese quedado manca y estropeada; y echaba la culpa a la malignidad del tiempo, devorador y consumidor de todas las cosas, el cual, o la tenía oculta o consumida. Por otra parte, me parecía que, pues entre sus libros se habían hallado tan modernos como Desengaño de celos y Ninfas y Pastores de Henares, que también su historia debía de ser moderna; y que, ya que no estuviese escrita, estaría en la memoria de la gente de su aldea y de las a ella circunvecinas. Esta imaginación me traía confuso y deseoso de saber, real y verdaderamente, toda la vida y milagros de nuestro famoso español don Quijote de la Mancha, luz y espejo de la caballería manchega, y el primero que en nuestra edad y en estos tan calamitosos tiempos se puso al trabajo y ejercicio de las andantes armas, y al desfacer agravios, socorrer viudas, amparar doncellas, de aquellas que andaban con sus azotes y palafrenes, y con toda su virginidad a cuestas, de monte en monte y de valle en valle; que, si no era que algún follón, o algún villano de hacha y capellina, o algún descomunal gigante las forzaba, doncella hubo en los pasados tiempos que, al cabo de ochenta años, que en todos ellos no durmió un día debajo de tejado, y se fue tan entera a la sepultura como la madre que la había parido. Digo, pues, que, por estos y otros muchos respetos, es digno nuestro gallardo Quijote de continuas y memorables alabanzas; y aun a mí no se me deben negar, por el trabajo y diligencia que puse en buscar el fin desta agradable historia; aunque bien sé que si el cielo, el caso y la fortuna no me ayudan, el mundo quedará falto y sin el pasatiempo y gusto que bien casi dos horas podrá tener el que con atención la leyere. Pasó, pues, el hallarla en esta manera: Estando yo un día en el Alcaná de Toledo, llegó un muchacho a vender unos cartapacios y papeles viejos a un sedero; y, como yo soy aficionado a leer, aunque sean los papeles rotos de las calles, llevado desta mi natural inclinación, tomé un cartapacio de los que el muchacho vendía, y vile con caracteres que conocí ser arábigos. Y, puesto que, aunque los conocía, no los sabía leer, anduve mirando si parecía por allí algún morisco aljamiado que los leyese; y no fue muy dificultoso hallar intérprete semejante, pues, aunque le buscara de otra mejor y más antigua lengua, le hallara. En fin, la suerte me deparó uno, que, diciéndole mi deseo y poniéndole el libro en las manos, le abrió por medio, y, leyendo un poco en él, se comenzó a reír. Preguntéle yo que de qué se reía, y respondióme que de una cosa que tenía aquel libro escrita en el margen por anotación. Díjele que me la dijese; y él, sin dejar la risa, dijo: — Está, como he dicho, aquí en el margen escrito esto: "Esta Dulcinea del Toboso, tantas veces en esta historia referida, dicen que tuvo la mejor mano para salar puercos que otra mujer de toda la Mancha". Cuando yo oí decir "Dulcinea del Toboso", quedé atónito y suspenso, porque luego se me representó que aquellos cartapacios contenían la historia de don Quijote. Con esta imaginación, le di priesa que leyese el principio, y, haciéndolo ansí, volviendo de improviso el arábigo en castellano, dijo que decía: Historia de don Quijote de la Mancha, escrita por Cide Hamete Benengeli, historiador arábigo. Mucha discreción fue menester para disimular el contento que recebí cuando llegó a mis oídos el título del libro; y, salteándosele al sedero, compré al muchacho todos los papeles y cartapacios por medio real; que, si él tuviera discreción y supiera lo que yo los deseaba, bien se pudiera prometer y llevar más de seis reales de la compra. Apartéme luego con el morisco por el claustro de la iglesia mayor, y roguéle me volviese aquellos cartapacios, todos los que trataban de don Quijote, en lengua castellana, sin quitarles ni añadirles nada, ofreciéndole la paga que él quisiese. Contentóse con dos arrobas de pasas y dos fanegas de trigo, y prometió de traducirlos bien y fielmente y con mucha brevedad. Pero yo, por facilitar más el negocio y por no dejar de la mano tan buen hallazgo, le truje a mi casa, donde en poco más de mes y medio la tradujo toda, del mesmo modo que aquí se refiere. Estaba en el primero cartapacio, pintada muy al natural, la batalla de don Quijote con el vizcaíno, puestos en la mesma postura que la historia cuenta, levantadas las espadas, el uno cubierto de su rodela, el otro de la almohada, y la mula del vizcaíno tan al vivo, que estaba mostrando ser de alquiler a tiro de ballesta. Tenía a los pies escrito el vizcaíno un título que decía: Don Sancho de Azpetia, que, sin duda, debía de ser su nombre, y a los pies de Rocinante estaba otro que decía: Don Quijote. Estaba Rocinante maravillosamente pintado, tan largo y tendido, tan atenuado y flaco, con tanto espinazo, tan hético confirmado, que mostraba bien al descubierto con cuánta advertencia y propriedad se le había puesto el nombre de Rocinante. Junto a él estaba Sancho Panza, que tenía del cabestro a su asno, a los pies del cual estaba otro rétulo que decía: Sancho Zancas, y debía de ser que tenía, a lo que mostraba la pintura, la barriga grande, el talle corto y las zancas largas; y por esto se le debió de poner nombre de Panza y de Zancas, que con estos dos sobrenombres le llama algunas veces la historia. Otras algunas menudencias había que advertir, pero todas son de poca importancia y que no hacen al caso a la verdadera relación de la historia; que ninguna es mala como sea verdadera. Si a ésta se le puede poner alguna objeción cerca de su verdad, no podrá ser otra sino haber sido su autor arábigo, siendo muy propio de los de aquella nación ser mentirosos; aunque, por ser tan nuestros enemigos, antes se puede entender haber quedado falto en ella que demasiado. Y ansí me parece a mí, pues, cuando pudiera y debiera estender la pluma en las alabanzas de tan buen caballero, parece que de industria las pasa en silencio: cosa mal hecha y peor pensada, habiendo y debiendo ser los historiadores puntuales, verdaderos y no nada apasionados, y que ni el interés ni el miedo, el rancor ni la afición, no les hagan torcer del camino de la verdad, cuya madre es la historia, émula del tiempo, depósito de las acciones, testigo de lo pasado, ejemplo y aviso de lo presente, advertencia de lo por venir. En ésta sé que se hallará todo lo que se acertare a desear en la más apacible; y si algo bueno en ella faltare, para mí tengo que fue por culpa del galgo de su autor, antes que por falta del sujeto. En fin, su segunda parte, siguiendo la tradución, comenzaba desta manera: Puestas y levantadas en alto las cortadoras espadas de los dos valerosos y enojados combatientes, no parecía sino que estaban amenazando al cielo, a la tierra y al abismo: tal era el denuedo y continente que tenían. Y el primero que fue a descargar el golpe fue el colérico vizcaíno, el cual fue dado con tanta fuerza y tanta furia que, a no volvérsele la espada en el camino, aquel solo golpe fuera bastante para dar fin a su rigurosa contienda y a todas las aventuras de nuestro caballero; mas la buena suerte, que para mayores cosas le tenía guardado, torció la espada de su contrario, de modo que, aunque le acertó en el hombro izquierdo, no le hizo otro daño que desarmarle todo aquel lado, llevándole de camino gran parte de la celada, con la mitad de la oreja; que todo ello con espantosa ruina vino al suelo, dejándole muy maltrecho. ¡Válame Dios, y quién será aquel que buenamente pueda contar ahora la rabia que entró en el corazón de nuestro manchego, viéndose parar de aquella manera! No se diga más, sino que fue de manera que se alzó de nuevo en los estribos, y, apretando más la espada en las dos manos, con tal furia descargó sobre el vizcaíno, acertándole de lleno sobre la almohada y sobre la cabeza, que, sin ser parte tan buena defensa, como si cayera sobre él una montaña, comenzó a echar sangre por las narices, y por la boca y por los oídos, y a dar muestras de caer de la mula abajo, de donde cayera, sin duda, si no se abrazara con el cuello; pero, con todo eso, sacó los pies de los estribos y luego soltó los brazos; y la mula, espantada del terrible golpe, dio a correr por el campo, y a pocos corcovos dio con su dueño en tierra. Estábaselo con mucho sosiego mirando don Quijote, y, como lo vio caer, saltó de su caballo y con mucha ligereza se llegó a él, y, poniéndole la punta de la espada en los ojos, le dijo que se rindiese; si no, que le cortaría la cabeza. Estaba el vizcaíno tan turbado que no podía responder palabra, y él lo pasara mal, según estaba ciego don Quijote, si las señoras del coche, que hasta entonces con gran desmayo habían mirado la pendencia, no fueran adonde estaba y le pidieran con mucho encarecimiento les hiciese tan gran merced y favor de perdonar la vida a aquel su escudero. A lo cual don Quijote respondió, con mucho entono y gravedad: — Por cierto, fermosas señoras, yo soy muy contento de hacer lo que me pedís; mas ha de ser con una condición y concierto, y es que este caballero me ha de prometer de ir al lugar del Toboso y presentarse de mi parte ante la sin par doña Dulcinea, para que ella haga dél lo que más fuere de su voluntad. La temerosa y desconsolada señora, sin entrar en cuenta de lo que don Quijote pedía, y sin preguntar quién Dulcinea fuese, le prometió que el escudero haría todo aquello que de su parte le fuese mandado. — Pues en fe de esa palabra, yo no le haré más daño, puesto que me lo tenía bien merecido. Capítulo X. De lo que más le avino a don Quijote con el vizcaíno, y del peligro en que se vio con una turba de yangüeses Ya en este tiempo se había levantado Sancho Panza, algo maltratado de los mozos de los frailes, y había estado atento a la batalla de su señor don Quijote, y rogaba a Dios en su corazón fuese servido de darle vitoria y que en ella ganase alguna ínsula de donde le hiciese gobernador, como se lo había prometido. Viendo, pues, ya acabada la pendencia, y que su amo volvía a subir sobre Rocinante, llegó a tenerle el estribo; y antes que subiese se hincó de rodillas delante dél, y, asiéndole de la mano, se la besó y le dijo: — Sea vuestra merced servido, señor don Quijote mío, de darme el gobierno de la ínsula que en esta rigurosa pendencia se ha ganado; que, por grande que sea, yo me siento con fuerzas de saberla gobernar tal y tan bien como otro que haya gobernado ínsulas en el mundo. A lo cual respondió don Quijote: — Advertid, hermano Sancho, que esta aventura y las a ésta semejantes no son aventuras de ínsulas, sino de encrucijadas, en las cuales no se gana otra cosa que sacar rota la cabeza o una oreja menos. Tened paciencia, que aventuras se ofrecerán donde no solamente os pueda hacer gobernador, sino más adelante. Agradecióselo mucho Sancho, y, besándole otra vez la mano y la falda de la loriga, le ayudó a subir sobre Rocinante; y él subió sobre su asno y comenzó a seguir a su señor, que, a paso tirado, sin despedirse ni hablar más con las del coche, se entró por un bosque que allí junto estaba. Seguíale Sancho a todo el trote de su jumento, pero caminaba tanto Rocinante que, viéndose quedar atrás, le fue forzoso dar voces a su amo que se aguardase. Hízolo así don Quijote, teniendo las riendas a Rocinante hasta que llegase su cansado escudero, el cual, en llegando, le dijo: — Paréceme, señor, que sería acertado irnos a retraer a alguna iglesia; que, según quedó maltrecho aquel con quien os combatistes, no será mucho que den noticia del caso a la Santa Hermandad y nos prendan; y a fe que si lo hacen, que primero que salgamos de la cárcel que nos ha de sudar el hopo. — Calla —dijo don Quijote—. Y ¿dónde has visto tú, o leído jamás, que caballero andante haya sido puesto ante la justicia, por más homicidios que hubiese cometido? — Yo no sé nada de omecillos —respondió Sancho—, ni en mi vida le caté a ninguno; sólo sé que la Santa Hermandad tiene que ver con los que pelean en el campo, y en esotro no me entremeto. — Pues no tengas pena, amigo —respondió don Quijote—, que yo te sacaré de las manos de los caldeos, cuanto más de las de la Hermandad. Pero dime, por tu vida: ¿has visto más valeroso caballero que yo en todo lo descubierto de la tierra? ¿Has leído en historias otro que tenga ni haya tenido más brío en acometer, más aliento en el perseverar, más destreza en el herir, ni más maña en el derribar? — La verdad sea —respondió Sancho— que yo no he leído ninguna historia jamás, porque ni sé leer ni escrebir; mas lo que osaré apostar es que más atrevido amo que vuestra merced yo no le he servido en todos los días de mi vida, y quiera Dios que estos atrevimientos no se paguen donde tengo dicho. Lo que le ruego a vuestra merced es que se cure, que le va mucha sangre de esa oreja; que aquí traigo hilas y un poco de ungüento blanco en las alforjas. — Todo eso fuera bien escusado —respondió don Quijote— si a mí se me acordara de hacer una redoma del bálsamo de Fierabrás, que con sola una gota se ahorraran tiempo y medicinas. — ¿Qué redoma y qué bálsamo es ése? —dijo Sancho Panza. — Es un bálsamo —respondió don Quijote— de quien tengo la receta en la memoria, con el cual no hay que tener temor a la muerte, ni hay pensar morir de ferida alguna. Y ansí, cuando yo le haga y te le dé, no tienes más que hacer sino que, cuando vieres que en alguna batalla me han partido por medio del cuerpo (como muchas veces suele acontecer), bonitamente la parte del cuerpo que hubiere caído en el suelo, y con mucha sotileza, antes que la sangre se yele, la pondrás sobre la otra mitad que quedare en la silla, advirtiendo de encajallo igualmente y al justo; luego me darás a beber solos dos tragos del bálsamo que he dicho, y verásme quedar más sano que una manzana. — Si eso hay —dijo Panza—, yo renuncio desde aquí el gobierno de la prometida ínsula, y no quiero otra cosa, en pago de mis muchos y buenos servicios, sino que vuestra merced me dé la receta de ese estremado licor; que para mí tengo que valdrá la onza adondequiera más de a dos reales, y no he menester yo más para pasar esta vida honrada y descansadamente. Pero es de saber agora si tiene mucha costa el hacelle. — Con menos de tres reales se pueden hacer tres azumbres —respondió don Quijote. — ¡Pecador de mí! —replicó Sancho—. ¿Pues a qué aguarda vuestra merced a hacelle y a enseñármele? — Calla, amigo —respondió don Quijote—, que mayores secretos pienso enseñarte y mayores mercedes hacerte; y, por agora, curémonos, que la oreja me duele más de lo que yo quisiera. Sacó Sancho de las alforjas hilas y ungüento. Mas, cuando don Quijote llegó a ver rota su celada, pensó perder el juicio, y, puesta la mano en la espada y alzando los ojos al cielo, dijo: — Yo hago juramento al Criador de todas las cosas y a los santos cuatro Evangelios, donde más largamente están escritos, de hacer la vida que hizo el grande marqués de Mantua cuando juró de vengar la muerte de su sobrino Valdovinos, que fue de no comer pan a manteles, ni con su mujer folgar, y otras cosas que, aunque dellas no me acuerdo, las doy aquí por expresadas, hasta tomar entera venganza del que tal desaguisado me fizo. Oyendo esto Sancho, le dijo: — Advierta vuestra merced, señor don Quijote, que si el caballero cumplió lo que se le dejó ordenado de irse a presentar ante mi señora Dulcinea del Toboso, ya habrá cumplido con lo que debía, y no merece otra pena si no comete nuevo delito. — Has hablado y apuntado muy bien —respondió don Quijote—; y así, anulo el juramento en cuanto lo que toca a tomar dél nueva venganza; pero hágole y confírmole de nuevo de hacer la vida que he dicho, hasta tanto que quite por fuerza otra celada tal y tan buena como ésta a algún caballero. Y no pienses, Sancho, que así a humo de pajas hago esto, que bien tengo a quien imitar en ello; que esto mesmo pasó, al pie de la letra, sobre el yelmo de Mambrino, que tan caro le costó a Sacripante. — Que dé al diablo vuestra merced tales juramentos, señor mío —replicó Sancho—; que son muy en daño de la salud y muy en perjuicio de la conciencia. Si no, dígame ahora: si acaso en muchos días no topamos hombre armado con celada, ¿qué hemos de hacer? ¿Hase de cumplir el juramento, a despecho de tantos inconvenientes e incomodidades, como será el dormir vestido, y el no dormir en poblado, y otras mil penitencias que contenía el juramento de aquel loco viejo del marqués de Mantua, que vuestra merced quiere revalidar ahora? Mire vuestra merced bien, que por todos estos caminos no andan hombres armados, sino arrieros y carreteros, que no sólo no traen celadas, pero quizá no las han oído nombrar en todos los días de su vida. — Engáñaste en eso —dijo don Quijote—, porque no habremos estado dos horas por estas encrucijadas, cuando veamos más armados que los que vinieron sobre Albraca a la conquista de Angélica la Bella. — Alto, pues; sea ansí —dijo Sancho—, y a Dios prazga que nos suceda bien, y que se llegue ya el tiempo de ganar esta ínsula que tan cara me cuesta, y muérame yo luego. — Ya te he dicho, Sancho, que no te dé eso cuidado alguno; que, cuando faltare ínsula, ahí está el reino de Dinamarca o el de Soliadisa, que te vendrán como anillo al dedo; y más, que, por ser en tierra firme, te debes más alegrar. Pero dejemos esto para su tiempo, y mira si traes algo en esas alforjas que comamos, porque vamos luego en busca de algún castillo donde alojemos esta noche y hagamos el bálsamo que te he dicho; porque yo te voto a Dios que me va doliendo mucho la oreja. — Aquí trayo una cebolla, y un poco de queso y no sé cuántos mendrugos de pan —dijo Sancho—, pero no son manjares que pertenecen a tan valiente caballero como vuestra merced. — ¡Qué mal lo entiendes! —respondió don Quijote—. Hágote saber, Sancho, que es honra de los caballeros andantes no comer en un mes; y, ya que coman, sea de aquello que hallaren más a mano; y esto se te hiciera cierto si hubieras leído tantas historias como yo; que, aunque han sido muchas, en todas ellas no he hallado hecha relación de que los caballeros andantes comiesen, si no era acaso y en algunos suntuosos banquetes que les hacían, y los demás días se los pasaban en flores. Y, aunque se deja entender que no podían pasar sin comer y sin hacer todos los otros menesteres naturales, porque, en efeto, eran hombres como nosotros, hase de entender también que, andando lo más del tiempo de su vida por las florestas y despoblados, y sin cocinero, que su más ordinaria comida sería de viandas rústicas, tales como las que tú ahora me ofreces. Así que, Sancho amigo, no te congoje lo que a mí me da gusto. Ni querrás tú hacer mundo nuevo, ni sacar la caballería andante de sus quicios. — Perdóneme vuestra merced —dijo Sancho—; que, como yo no sé leer ni escrebir, como otra vez he dicho, no sé ni he caído en las reglas de la profesión caballeresca; y, de aquí adelante, yo proveeré las alforjas de todo género de fruta seca para vuestra merced, que es caballero, y para mí las proveeré, pues no lo soy, de otras cosas volátiles y de más sustancia. — No digo yo, Sancho —replicó don Quijote—, que sea forzoso a los caballeros andantes no comer otra cosa sino esas frutas que dices, sino que su más ordinario sustento debía de ser dellas, y de algunas yerbas que hallaban por los campos, que ellos conocían y yo también conozco. — Virtud es —respondió Sancho— conocer esas yerbas; que, según yo me voy imaginando, algún día será menester usar de ese conocimiento. Y, sacando, en esto, lo que dijo que traía, comieron los dos en buena paz y compaña. Pero, deseosos de buscar donde alojar aquella noche, acabaron con mucha brevedad su pobre y seca comida. Subieron luego a caballo, y diéronse priesa por llegar a poblado antes que anocheciese; pero faltóles el sol, y la esperanza de alcanzar lo que deseaban, junto a unas chozas de unos cabreros, y así, determinaron de pasarla allí; que cuanto fue de pesadumbre para Sancho no llegar a poblado, fue de contento para su amo dormirla al cielo descubierto, por parecerle que cada vez que esto le sucedía era hacer un acto posesivo que facilitaba la prueba de su caballería. Capítulo XI. De lo que le sucedió a don Quijote con unos cabreros Fue recogido de los cabreros con buen ánimo; y, habiendo Sancho, lo mejor que pudo, acomodado a Rocinante y a su jumento, se fue tras el olor que despedían de sí ciertos tasajos de cabra que hirviendo al fuego en un caldero estaban; y, aunque él quisiera en aquel mesmo punto ver si estaban en sazón de trasladarlos del caldero al estómago, lo dejó de hacer, porque los cabreros los quitaron del fuego, y, tendiendo por el suelo unas pieles de ovejas, aderezaron con mucha priesa su rústica mesa y convidaron a los dos, con muestras de muy buena voluntad, con lo que tenían. Sentáronse a la redonda de las pieles seis dellos, que eran los que en la majada había, habiendo primero con groseras ceremonias rogado a don Quijote que se sentase sobre un dornajo que vuelto del revés le pusieron. Sentóse don Quijote, y quedábase Sancho en pie para servirle la copa, que era hecha de cuerno. Viéndole en pie su amo, le dijo: — Porque veas, Sancho, el bien que en sí encierra la andante caballería, y cuán a pique están los que en cualquiera ministerio della se ejercitan de venir brevemente a ser honrados y estimados del mundo, quiero que aquí a mi lado y en compañía desta buena gente te sientes, y que seas una mesma cosa conmigo, que soy tu amo y natural señor; que comas en mi plato y bebas por donde yo bebiere; porque de la caballería andante se puede decir lo mesmo que del amor se dice: que todas las cosas iguala. — ¡Gran merced! —dijo Sancho—; pero sé decir a vuestra merced que, como yo tuviese bien de comer, tan bien y mejor me lo comería en pie y a mis solas como sentado a par de un emperador. Y aun, si va a decir verdad, mucho mejor me sabe lo que como en mi rincón, sin melindres ni respetos, aunque sea pan y cebolla, que los gallipavos de otras mesas donde me sea forzoso mascar despacio, beber poco, limpiarme a menudo, no estornudar ni toser si me viene gana, ni hacer otras cosas que la soledad y la libertad traen consigo. Ansí que, señor mío, estas honras que vuestra merced quiere darme por ser ministro y adherente de la caballería andante, como lo soy siendo escudero de vuestra merced, conviértalas en otras cosas que me sean de más cómodo y provecho; que éstas, aunque las doy por bien recebidas, las renuncio para desde aquí al fin del mundo. — Con todo eso, te has de sentar; porque a quien se humilla, Dios le ensalza. Y, asiéndole por el brazo, le forzó a que junto dél se sentase. No entendían los cabreros aquella jerigonza de escuderos y de caballeros andantes, y no hacían otra cosa que comer y callar, y mirar a sus huéspedes, que, con mucho donaire y gana, embaulaban tasajo como el puño. Acabado el servicio de carne, tendieron sobre las zaleas gran cantidad de bellotas avellanadas, y juntamente pusieron un medio queso, más duro que si fuera hecho de argamasa. No estaba, en esto, ocioso el cuerno, porque andaba a la redonda tan a menudo (ya lleno, ya vacío, como arcaduz de noria) que con facilidad vació un zaque de dos que estaban de manifiesto. Después que don Quijote hubo bien satisfecho su estómago, tomó un puño de bellotas en la mano, y, mirándolas atentamente, soltó la voz a semejantes razones: — Dichosa edad y siglos dichosos aquéllos a quien los antiguos pusieron nombre de dorados, y no porque en ellos el oro, que en esta nuestra edad de hierro tanto se estima, se alcanzase en aquella venturosa sin fatiga alguna, sino porque entonces los que en ella vivían ignoraban estas dos palabras de tuyo y mío. Eran en aquella santa edad todas las cosas comunes; a nadie le era necesario, para alcanzar su ordinario sustento, tomar otro trabajo que alzar la mano y alcanzarle de las robustas encinas, que liberalmente les estaban convidando con su dulce y sazonado fruto. Las claras fuentes y corrientes ríos, en magnífica abundancia, sabrosas y transparentes aguas les ofrecían. En las quiebras de las peñas y en lo hueco de los árboles formaban su república las solícitas y discretas abejas, ofreciendo a cualquiera mano, sin interés alguno, la fértil cosecha de su dulcísimo trabajo. Los valientes alcornoques despedían de sí, sin otro artificio que el de su cortesía, sus anchas y livianas cortezas, con que se comenzaron a cubrir las casas, sobre rústicas estacas sustentadas, no más que para defensa de las inclemencias del cielo. Todo era paz entonces, todo amistad, todo concordia; aún no se había atrevido la pesada reja del corvo arado a abrir ni visitar las entrañas piadosas de nuestra primera madre, que ella, sin ser forzada, ofrecía, por todas las partes de su fértil y espacioso seno, lo que pudiese hartar, sustentar y deleitar a los hijos que entonces la poseían. Entonces sí que andaban las simples y hermosas zagalejas de valle en valle y de otero en otero, en trenza y en cabello, sin más vestidos de aquellos que eran menester para cubrir honestamente lo que la honestidad quiere y ha querido siempre que se cubra; y no eran sus adornos de los que ahora se usan, a quien la púrpura de Tiro y la por tantos modos martirizada seda encarecen, sino de algunas hojas verdes de lampazos y yedra entretejidas, con lo que quizá iban tan pomposas y compuestas como van agora nuestras cortesanas con las raras y peregrinas invenciones que la curiosidad ociosa les ha mostrado. Entonces se decoraban los concetos amorosos del alma simple y sencillamente, del mesmo modo y manera que ella los concebía, sin buscar artificioso rodeo de palabras para encarecerlos. No había la fraude, el engaño ni la malicia mezcládose con la verdad y llaneza. La justicia se estaba en sus proprios términos, sin que la osasen turbar ni ofender los del favor y los del interese, que tanto ahora la menoscaban, turban y persiguen. La ley del encaje aún no se había sentado en el entendimiento del juez, porque entonces no había qué juzgar, ni quién fuese juzgado. Las doncellas y la honestidad andaban, como tengo dicho, por dondequiera, sola y señora, sin temor que la ajena desenvoltura y lascivo intento le menoscabasen, y su perdición nacía de su gusto y propria voluntad. Y agora, en estos nuestros detestables siglos, no está segura ninguna, aunque la oculte y cierre otro nuevo laberinto como el de Creta; porque allí, por los resquicios o por el aire, con el celo de la maldita solicitud, se les entra la amorosa pestilencia y les hace dar con todo su recogimiento al traste. Para cuya seguridad, andando más los tiempos y creciendo más la malicia, se instituyó la orden de los caballeros andantes, para defender las doncellas, amparar las viudas y socorrer a los huérfanos y a los menesterosos. Desta orden soy yo, hermanos cabreros, a quien agradezco el gasaje y buen acogimiento que hacéis a mí y a mi escudero; que, aunque por ley natural están todos los que viven obligados a favorecer a los caballeros andantes, todavía, por saber que sin saber vosotros esta obligación me acogistes y regalastes, es razón que, con la voluntad a mí posible, os agradezca la vuestra. Toda esta larga arenga —que se pudiera muy bien escusar— dijo nuestro caballero porque las bellotas que le dieron le trujeron a la memoria la edad dorada y antojósele hacer aquel inútil razonamiento a los cabreros, que, sin respondelle palabra, embobados y suspensos, le estuvieron escuchando. Sancho, asimesmo, callaba y comía bellotas, y visitaba muy a menudo el segundo zaque, que, porque se enfriase el vino, le tenían colgado de un alcornoque. Más tardó en hablar don Quijote que en acabarse la cena; al fin de la cual, uno de los cabreros dijo: — Para que con más veras pueda vuestra merced decir, señor caballero andante, que le agasajamos con prompta y buena voluntad, queremos darle solaz y contento con hacer que cante un compañero nuestro que no tardará mucho en estar aquí; el cual es un zagal muy entendido y muy enamorado, y que, sobre todo, sabe leer y escrebir y es músico de un rabel, que no hay más que desear. Apenas había el cabrero acabado de decir esto, cuando llegó a sus oídos el son del rabel, y de allí a poco llegó el que le tañía, que era un mozo de hasta veinte y dos años, de muy buena gracia. Preguntáronle sus compañeros si había cenado, y, respondiendo que sí, el que había hecho los ofrecimientos le dijo: — De esa manera, Antonio, bien podrás hacernos placer de cantar un poco, porque vea este señor huésped que tenemos quien; también por los montes y selvas hay quien sepa de música. Hémosle dicho tus buenas habilidades, y deseamos que las muestres y nos saques verdaderos; y así, te ruego por tu vida que te sientes y cantes el romance de tus amores que te compuso el beneficiado tu tío, que en el pueblo ha parecido muy bien. — Que me place —respondió el mozo. Y, sin hacerse más de rogar, se sentó en el tronco de una desmochada encina, y, templando su rabel, de allí a poco, con muy buena gracia, comenzó a cantar, diciendo desta manera: Antonio -Yo sé, Olalla, que me adoras, puesto que no me lo has dicho ni aun con los ojos siquiera, mudas lenguas de amoríos. Porque sé que eres sabida, en que me quieres me afirmo; que nunca fue desdichado amor que fue conocido. Bien es verdad que tal vez, Olalla, me has dado indicio que tienes de bronce el alma y el blanco pecho de risco. Mas allá entre tus reproches y honestísimos desvíos, tal vez la esperanza muestra la orilla de su vestido. Abalánzase al señuelo mi fe, que nunca ha podido, ni menguar por no llamado, ni crecer por escogido. Si el amor es cortesía, de la que tienes colijo que el fin de mis esperanzas ha de ser cual imagino. Y si son servicios parte de hacer un pecho benigno, algunos de los que he hecho fortalecen mi partido. Porque si has mirado en ello, más de una vez habrás visto que me he vestido en los lunes lo que me honraba el domingo. Como el amor y la gala andan un mesmo camino, en todo tiempo a tus ojos quise mostrarme polido. Dejo el bailar por tu causa, ni las músicas te pinto que has escuchado a deshoras y al canto del gallo primo. No cuento las alabanzas que de tu belleza he dicho; que, aunque verdaderas, hacen ser yo de algunas malquisto. Teresa del Berrocal, yo alabándote, me dijo: ''Tal piensa que adora a un ángel, y viene a adorar a un jimio; merced a los muchos dijes y a los cabellos postizos, y a hipócritas hermosuras, que engañan al Amor mismo''. Desmentíla y enojóse; volvió por ella su primo: desafióme, y ya sabes lo que yo hice y él hizo. No te quiero yo a montón, ni te pretendo y te sirvo por lo de barraganía; que más bueno es mi designio. Coyundas tiene la Iglesia que son lazadas de sirgo; pon tú el cuello en la gamella; verás como pongo el mío. Donde no, desde aquí juro, por el santo más bendito, de no salir destas sierras sino para capuchino. Con esto dio el cabrero fin a su canto; y, aunque don Quijote le rogó que algo más cantase, no lo consintió Sancho Panza, porque estaba más para dormir que para oír canciones. Y ansí, dijo a su amo: — Bien puede vuestra merced acomodarse desde luego adonde ha de posar esta noche, que el trabajo que estos buenos hombres tienen todo el día no permite que pasen las noches cantando. — Ya te entiendo, Sancho —le respondió don Quijote—; que bien se me trasluce que las visitas del zaque piden más recompensa de sueño que de música. — A todos nos sabe bien, bendito sea Dios —respondió Sancho. — No lo niego —replicó don Quijote—, pero acomódate tú donde quisieres, que los de mi profesión mejor parecen velando que durmiendo. Pero, con todo esto, sería bien, Sancho, que me vuelvas a curar esta oreja, que me va doliendo más de lo que es menester. Hizo Sancho lo que se le mandaba; y, viendo uno de los cabreros la herida, le dijo que no tuviese pena, que él pondría remedio con que fácilmente se sanase. Y, tomando algunas hojas de romero, de mucho que por allí había, las mascó y las mezcló con un poco de sal, y, aplicándoselas a la oreja, se la vendó muy bien, asegurándole que no había menester otra medicina; y así fue la verdad. Capítulo XII. De lo que contó un cabrero a los que estaban con don Quijote Estando en esto, llegó otro mozo de los que les traían del aldea el bastimento, y dijo: — ¿Sabéis lo que pasa en el lugar, compañeros? — ¿Cómo lo podemos saber? —respondió uno dellos. — Pues sabed —prosiguió el mozo— que murió esta mañana aquel famoso pastor estudiante llamado Grisóstomo, y se murmura que ha muerto de amores de aquella endiablada moza de Marcela, la hija de Guillermo el rico, aquélla que se anda en hábito de pastora por esos andurriales. — Por Marcela dirás —dijo uno. — Por ésa digo —respondió el cabrero—. Y es lo bueno, que mandó en su testamento que le enterrasen en el campo, como si fuera moro, y que sea al pie de la peña donde está la fuente del alcornoque; porque, según es fama, y él dicen que lo dijo, aquel lugar es adonde él la vio la vez primera. Y también mandó otras cosas, tales, que los abades del pueblo dicen que no se han de cumplir, ni es bien que se cumplan, porque parecen de gentiles. A todo lo cual responde aquel gran su amigo Ambrosio, el estudiante, que también se vistió de pastor con él, que se ha de cumplir todo, sin faltar nada, como lo dejó mandado Grisóstomo, y sobre esto anda el pueblo alborotado; mas, a lo que se dice, en fin se hará lo que Ambrosio y todos los pastores sus amigos quieren; y mañana le vienen a enterrar con gran pompa adonde tengo dicho. Y tengo para mí que ha de ser cosa muy de ver; a lo menos, yo no dejaré de ir a verla, si supiese no volver mañana al lugar. — Todos haremos lo mesmo —respondieron los cabreros—; y echaremos suertes a quién ha de quedar a guardar las cabras de todos. — Bien dices, Pedro —dijo uno—; aunque no será menester usar de esa diligencia, que yo me quedaré por todos. Y no lo atribuyas a virtud y a poca curiosidad mía, sino a que no me deja andar el garrancho que el otro día me pasó este pie. — Con todo eso, te lo agradecemos —respondió Pedro. Y don Quijote rogó a Pedro le dijese qué muerto era aquél y qué pastora aquélla; a lo cual Pedro respondió que lo que sabía era que el muerto era un hijodalgo rico, vecino de un lugar que estaba en aquellas sierras, el cual había sido estudiante muchos años en Salamanca, al cabo de los cuales había vuelto a su lugar, con opinión de muy sabio y muy leído. — «Principalmente, decían que sabía la ciencia de las estrellas, y de lo que pasan, allá en el cielo, el sol y la luna; porque puntualmente nos decía el cris del sol y de la luna.» — Eclipse se llama, amigo, que no cris, el escurecerse esos dos luminares mayores —dijo don Quijote. Mas Pedro, no reparando en niñerías, prosiguió su cuento diciendo: — «Asimesmo adevinaba cuándo había de ser el año abundante o estil.» — Estéril queréis decir, amigo —dijo don Quijote. — Estéril o estil —respondió Pedro—, todo se sale allá. «Y digo que con esto que decía se hicieron su padre y sus amigos, que le daban crédito, muy ricos, porque hacían lo que él les aconsejaba, diciéndoles: ''Sembrad este año cebada, no trigo; en éste podéis sembrar garbanzos y no cebada; el que viene será de guilla de aceite; los tres siguientes no se cogerá gota''.» — Esa ciencia se llama astrología —dijo don Quijote. — No sé yo cómo se llama —replicó Pedro—, mas sé que todo esto sabía, y aún más. «Finalmente, no pasaron muchos meses, después que vino de Salamanca, cuando un día remaneció vestido de pastor, con su cayado y pellico, habiéndose quitado los hábitos largos que como escolar traía; y juntamente se vistió con él de pastor otro su grande amigo, llamado Ambrosio, que había sido su compañero en los estudios. Olvidábaseme de decir como Grisóstomo, el difunto, fue grande hombre de componer coplas; tanto, que él hacía los villancicos para la noche del Nacimiento del Señor, y los autos para el día de Dios, que los representaban los mozos de nuestro pueblo, y todos decían que eran por el cabo. Cuando los del lugar vieron tan de improviso vestidos de pastores a los dos escolares, quedaron admirados, y no podían adivinar la causa que les había movido a hacer aquella tan estraña mudanza. Ya en este tiempo era muerto el padre de nuestro Grisóstomo, y él quedó heredado en mucha cantidad de hacienda, ansí en muebles como en raíces, y en no pequeña cantidad de ganado, mayor y menor, y en gran cantidad de dineros; de todo lo cual quedó el mozo señor desoluto, y en verdad que todo lo merecía, que era muy buen compañero y caritativo y amigo de los buenos, y tenía una cara como una bendición. Después se vino a entender que el haberse mudado de traje no había sido por otra cosa que por andarse por estos despoblados en pos de aquella pastora Marcela que nuestro zagal nombró denantes, de la cual se había enamorado el pobre difunto de Grisóstomo.» Y quiéroos decir agora, porque es bien que lo sepáis, quién es esta rapaza; quizá, y aun sin quizá, no habréis oído semejante cosa en todos los días de vuestra vida, aunque viváis más años que sarna. — Decid Sarra —replicó don Quijote, no pudiendo sufrir el trocar de los vocablos del cabrero. — Harto vive la sarna —respondió Pedro—; y si es, señor, que me habéis de andar zaheriendo a cada paso los vocablos, no acabaremos en un año. — Perdonad, amigo —dijo don Quijote—; que por haber tanta diferencia de sarna a Sarra os lo dije; pero vos respondistes muy bien, porque vive más sarna que Sarra; y proseguid vuestra historia, que no os replicaré más en nada. — «Digo, pues, señor mío de mi alma —dijo el cabrero—, que en nuestra aldea hubo un labrador aún más rico que el padre de Grisóstomo, el cual se llamaba Guillermo, y al cual dio Dios, amén de las muchas y grandes riquezas, una hija, de cuyo parto murió su madre, que fue la más honrada mujer que hubo en todos estos contornos. No parece sino que ahora la veo, con aquella cara que del un cabo tenía el sol y del otro la luna; y, sobre todo, hacendosa y amiga de los pobres, por lo que creo que debe de estar su ánima a la hora de ahora gozando de Dios en el otro mundo. De pesar de la muerte de tan buena mujer murió su marido Guillermo, dejando a su hija Marcela, muchacha y rica, en poder de un tío suyo sacerdote y beneficiado en nuestro lugar. Creció la niña con tanta belleza, que nos hacía acordar de la de su madre, que la tuvo muy grande; y, con todo esto, se juzgaba que le había de pasar la de la hija. Y así fue, que, cuando llegó a edad de catorce a quince años, nadie la miraba que no bendecía a Dios, que tan hermosa la había criado, y los más quedaban enamorados y perdidos por ella. Guardábala su tío con mucho recato y con mucho encerramiento; pero, con todo esto, la fama de su mucha hermosura se estendió de manera que, así por ella como por sus muchas riquezas, no solamente de los de nuestro pueblo, sino de los de muchas leguas a la redonda, y de los mejores dellos, era rogado, solicitado e importunado su tío se la diese por mujer. Mas él, que a las derechas es buen cristiano, aunque quisiera casarla luego, así como la vía de edad, no quiso hacerlo sin su consentimiento, sin tener ojo a la ganancia y granjería que le ofrecía el tener la hacienda de la moza, dilatando su casamiento. Y a fe que se dijo esto en más de un corrillo en el pueblo, en alabanza del buen sacerdote.» Que quiero que sepa, señor andante, que en estos lugares cortos de todo se trata y de todo se murmura; y tened para vos, como yo tengo para mí, que debía de ser demasiadamente bueno el clérigo que obliga a sus feligreses a que digan bien dél, especialmente en las aldeas. — Así es la verdad —dijo don Quijote—, y proseguid adelante, que el cuento es muy bueno, y vos, buen Pedro, le contáis con muy buena gracia. — La del Señor no me falte, que es la que hace al caso. «Y en lo demás sabréis que, aunque el tío proponía a la sobrina y le decía las calidades de cada uno en particular, de los muchos que por mujer la pedían, rogándole que se casase y escogiese a su gusto, jamás ella respondió otra cosa sino que por entonces no quería casarse, y que, por ser tan muchacha, no se sentía hábil para poder llevar la carga del matrimonio. Con estas que daba, al parecer justas escusas, dejaba el tío de importunarla, y esperaba a que entrase algo más en edad y ella supiese escoger compañía a su gusto. Porque decía él, y decía muy bien, que no habían de dar los padres a sus hijos estado contra su voluntad. Pero hételo aquí, cuando no me cato, que remanece un día la melindrosa Marcela hecha pastora; y, sin ser parte su tío ni todos los del pueblo, que se lo desaconsejaban, dio en irse al campo con las demás zagalas del lugar, y dio en guardar su mesmo ganado. Y, así como ella salió en público y su hermosura se vio al descubierto, no os sabré buenamente decir cuántos ricos mancebos, hidalgos y labradores han tomado el traje de Grisóstomo y la andan requebrando por esos campos. Uno de los cuales, como ya está dicho, fue nuestro difunto, del cual decían que la dejaba de querer, y la adoraba. Y no se piense que porque Marcela se puso en aquella libertad y vida tan suelta y de tan poco o de ningún recogimiento, que por eso ha dado indicio, ni por semejas, que venga en menoscabo de su honestidad y recato; antes es tanta y tal la vigilancia con que mira por su honra, que de cuantos la sirven y solicitan ninguno se ha alabado, ni con verdad se podrá alabar, que le haya dado alguna pequeña esperanza de alcanzar su deseo. Que, puesto que no huye ni se esquiva de la compañía y conversación de los pastores, y los trata cortés y amigablemente, en llegando a descubrirle su intención cualquiera dellos, aunque sea tan justa y santa como la del matrimonio, los arroja de sí como con un trabuco. Y con esta manera de condición hace más daño en esta tierra que si por ella entrara la pestilencia; porque su afabilidad y hermosura atrae los corazones de los que la tratan a servirla y a amarla, pero su desdén y desengaño los conduce a términos de desesperarse; y así, no saben qué decirle, sino llamarla a voces cruel y desagradecida, con otros títulos a éste semejantes, que bien la calidad de su condición manifiestan. Y si aquí estuviésedes, señor, algún día, veríades resonar estas sierras y estos valles con los lamentos de los desengañados que la siguen. No está muy lejos de aquí un sitio donde hay casi dos docenas de altas hayas, y no hay ninguna que en su lisa corteza no tenga grabado y escrito el nombre de Marcela; y encima de alguna, una corona grabada en el mesmo árbol, como si más claramente dijera su amante que Marcela la lleva y la merece de toda la hermosura humana. Aquí sospira un pastor, allí se queja otro; acullá se oyen amorosas canciones, acá desesperadas endechas. Cuál hay que pasa todas las horas de la noche sentado al pie de alguna encina o peñasco, y allí, sin plegar los llorosos ojos, embebecido y transportado en sus pensamientos, le halló el sol a la mañana; y cuál hay que, sin dar vado ni tregua a sus suspiros, en mitad del ardor de la más enfadosa siesta del verano, tendido sobre la ardiente arena, envía sus quejas al piadoso cielo. Y déste y de aquél, y de aquéllos y de éstos, libre y desenfadadamente triunfa la hermosa Marcela; y todos los que la conocemos estamos esperando en qué ha de parar su altivez y quién ha de ser el dichoso que ha de venir a domeñar condición tan terrible y gozar de hermosura tan estremada.» Por ser todo lo que he contado tan averiguada verdad, me doy a entender que también lo es la que nuestro zagal dijo que se decía de la causa de la muerte de Grisóstomo. Y así, os aconsejo, señor, que no dejéis de hallaros mañana a su entierro, que será muy de ver, porque Grisóstomo tiene muchos amigos, y no está de este lugar a aquél donde manda enterrarse media legua. — En cuidado me lo tengo —dijo don Quijote—, y agradézcoos el gusto que me habéis dado con la narración de tan sabroso cuento. — ¡Oh! —replicó el cabrero—, aún no sé yo la mitad de los casos sucedidos a los amantes de Marcela, mas podría ser que mañana topásemos en el camino algún pastor que nos los dijese. Y, por ahora, bien será que os vais a dormir debajo de techado, porque el sereno os podría dañar la herida, puesto que es tal la medicina que se os ha puesto, que no hay que temer de contrario acidente. Sancho Panza, que ya daba al diablo el tanto hablar del cabrero, solicitó, por su parte, que su amo se entrase a dormir en la choza de Pedro. Hízolo así, y todo lo más de la noche se le pasó en memorias de su señora Dulcinea, a imitación de los amantes de Marcela. Sancho Panza se acomodó entre Rocinante y su jumento, y durmió, no como enamorado desfavorecido, sino como hombre molido a coces. Capítulo XIII. Donde se da fin al cuento de la pastora Marcela, con otros sucesos Mas, apenas comenzó a descubrirse el día por los balcones del oriente, cuando los cinco de los seis cabreros se levantaron y fueron a despertar a don Quijote, y a decille si estaba todavía con propósito de ir a ver el famoso entierro de Grisóstomo, y que ellos le harían compañía. Don Quijote, que otra cosa no deseaba, se levantó y mandó a Sancho que ensillase y enalbardase al momento, lo cual él hizo con mucha diligencia, y con la mesma se pusieron luego todos en camino. Y no hubieron andado un cuarto de legua, cuando, al cruzar de una senda, vieron venir hacia ellos hasta seis pastores, vestidos con pellicos negros y coronadas las cabezas con guirnaldas de ciprés y de amarga adelfa. Traía cada uno un grueso bastón de acebo en la mano. Venían con ellos, asimesmo, dos gentiles hombres de a caballo, muy bien aderezados de camino, con otros tres mozos de a pie que los acompañaban. En llegándose a juntar, se saludaron cortésmente, y, preguntándose los unos a los otros dónde iban, supieron que todos se encaminaban al lugar del entierro; y así, comenzaron a caminar todos juntos. Uno de los de a caballo, hablando con su compañero, le dijo: — Paréceme, señor Vivaldo, que habemos de dar por bien empleada la tardanza que hiciéremos en ver este famoso entierro, que no podrá dejar de ser famoso, según estos pastores nos han contado estrañezas, ansí del muerto pastor como de la pastora homicida. — Así me lo parece a mí —respondió Vivaldo—; y no digo yo hacer tardanza de un día, pero de cuatro la hiciera a trueco de verle. Preguntóles don Quijote qué era lo que habían oído de Marcela y de Grisóstomo. El caminante dijo que aquella madrugada habían encontrado con aquellos pastores, y que, por haberles visto en aquel tan triste traje, les habían preguntado la ocasión por que iban de aquella manera; que uno dellos se lo contó, contando la estrañeza y hermosura de una pastora llamada Marcela, y los amores de muchos que la recuestaban, con la muerte de aquel Grisóstomo a cuyo entierro iban. Finalmente, él contó todo lo que Pedro a don Quijote había contado. Cesó esta plática y comenzóse otra, preguntando el que se llamaba Vivaldo a don Quijote qué era la ocasión que le movía a andar armado de aquella manera por tierra tan pacífica. A lo cual respondió don Quijote: — La profesión de mi ejercicio no consiente ni permite que yo ande de otra manera. El buen paso, el regalo y el reposo, allá se inventó para los blandos cortesanos; mas el trabajo, la inquietud y las armas sólo se inventaron e hicieron para aquellos que el mundo llama caballeros andantes, de los cuales yo, aunque indigno, soy el menor de todos. Apenas le oyeron esto, cuando todos le tuvieron por loco; y, por averiguarlo más y ver qué género de locura era el suyo, le tornó a preguntar Vivaldo que qué quería decir "caballeros andantes". — ¿No han vuestras mercedes leído —respondió don Quijote— los anales e historias de Ingalaterra, donde se tratan las famosas fazañas del rey Arturo, que continuamente en nuestro romance castellano llamamos el rey Artús, de quien es tradición antigua y común en todo aquel reino de la Gran Bretaña que este rey no murió, sino que, por arte de encantamento, se convirtió en cuervo, y que, andando los tiempos, ha de volver a reinar y a cobrar su reino y cetro; a cuya causa no se probará que desde aquel tiempo a éste haya ningún inglés muerto cuervo alguno? Pues en tiempo de este buen rey fue instituida aquella famosa orden de caballería de los caballeros de la Tabla Redonda, y pasaron, sin faltar un punto, los amores que allí se cuentan de don Lanzarote del Lago con la reina Ginebra, siendo medianera dellos y sabidora aquella tan honrada dueña Quintañona, de donde nació aquel tan sabido romance, y tan decantado en nuestra España, de: Nunca fuera caballero de damas tan bien servido como fuera Lanzarote cuando de Bretaña vino; con aquel progreso tan dulce y tan suave de sus amorosos y fuertes fechos. Pues desde entonces, de mano en mano, fue aquella orden de caballería estendiéndose y dilatándose por muchas y diversas partes del mundo; y en ella fueron famosos y conocidos por sus fechos el valiente Amadís de Gaula, con todos sus hijos y nietos, hasta la quinta generación, y el valeroso Felixmarte de Hircania, y el nunca como se debe alabado Tirante el Blanco, y casi que en nuestros días vimos y comunicamos y oímos al invencible y valeroso caballero don Belianís de Grecia. Esto, pues, señores, es ser caballero andante, y la que he dicho es la orden de su caballería; en la cual, como otra vez he dicho, yo, aunque pecador, he hecho profesión, y lo mesmo que profesaron los caballeros referidos profeso yo. Y así, me voy por estas soledades y despoblados buscando las aventuras, con ánimo deliberado de ofrecer mi brazo y mi persona a la más peligrosa que la suerte me deparare, en ayuda de los flacos y menesterosos. Por estas razones que dijo, acabaron de enterarse los caminantes que era don Quijote falto de juicio, y del género de locura que lo señoreaba, de lo cual recibieron la mesma admiración que recibían todos aquellos que de nuevo venían en conocimiento della. Y Vivaldo, que era persona muy discreta y de alegre condición, por pasar sin pesadumbre el poco camino que decían que les faltaba, al llegar a la sierra del entierro, quiso darle ocasión a que pasase más adelante con sus disparates. Y así, le dijo: — Paréceme, señor caballero andante, que vuestra merced ha profesado una de las más estrechas profesiones que hay en la tierra, y tengo para mí que aun la de los frailes cartujos no es tan estrecha. — Tan estrecha bien podía ser —respondió nuestro don Quijote—, pero tan necesaria en el mundo no estoy en dos dedos de ponello en duda. Porque, si va a decir verdad, no hace menos el soldado que pone en ejecución lo que su capitán le manda que el mesmo capitán que se lo ordena. Quiero decir que los religiosos, con toda paz y sosiego, piden al cielo el bien de la tierra; pero los soldados y caballeros ponemos en ejecución lo que ellos piden, defendiéndola con el valor de nuestros brazos y filos de nuestras espadas; no debajo de cubierta, sino al cielo abierto, puestos por blanco de los insufribles rayos del sol en verano y de los erizados yelos del invierno. Así que, somos ministros de Dios en la tierra, y brazos por quien se ejecuta en ella su justicia. Y, como las cosas de la guerra y las a ellas tocantes y concernientes no se pueden poner en ejecución sino sudando, afanando y trabajando, síguese que aquellos que la profesan tienen, sin duda, mayor trabajo que aquellos que en sosegada paz y reposo están rogando a Dios favorezca a los que poco pueden. No quiero yo decir, ni me pasa por pensamiento, que es tan buen estado el de caballero andante como el del encerrado religioso; sólo quiero inferir, por lo que yo padezco, que, sin duda, es más trabajoso y más aporreado, y más hambriento y sediento, miserable, roto y piojoso; porque no hay duda sino que los caballeros andantes pasados pasaron mucha malaventura en el discurso de su vida. Y si algunos subieron a ser emperadores por el valor de su brazo, a fe que les costó buen porqué de su sangre y de su sudor; y que si a los que a tal grado subieron les faltaran encantadores y sabios que los ayudaran, que ellos quedaran bien defraudados de sus deseos y bien engañados de sus esperanzas. — De ese parecer estoy yo —replicó el caminante—; pero una cosa, entre otras muchas, me parece muy mal de los caballeros andantes, y es que, cuando se ven en ocasión de acometer una grande y peligrosa aventura, en que se vee manifiesto peligro de perder la vida, nunca en aquel instante de acometella se acuerdan de encomendarse a Dios, como cada cristiano está obligado a hacer en peligros semejantes; antes, se encomiendan a sus damas, con tanta gana y devoción como si ellas fueran su Dios: cosa que me parece que huele algo a gentilidad. — Señor —respondió don Quijote—, eso no puede ser menos en ninguna manera, y caería en mal caso el caballero andante que otra cosa hiciese; que ya está en uso y costumbre en la caballería andantesca que el caballero andante que, al acometer algún gran fecho de armas, tuviese su señora delante,vuelva a ella los ojos blanda y amorosamente, como que le pide con ellos le favorezca y ampare en el dudoso trance que acomete; y aun si nadie le oye, está obligado a decir algunas palabras entre dientes, en que de todo corazón se le encomiende; y desto tenemos innumerables ejemplos en las historias. Y no se ha de entender por esto que han de dejar de encomendarse a Dios; que tiempo y lugar les queda para hacerlo en el discurso de la obra. — Con todo eso —replicó el caminante—, me queda un escrúpulo, y es que muchas veces he leído que se traban palabras entre dos andantes caballeros, y, de una en otra, se les viene a encender la cólera, y a volver los caballos y tomar una buena pieza del campo, y luego, sin más ni más, a todo el correr dellos, se vuelven a encontrar; y, en mitad de la corrida, se encomiendan a sus damas; y lo que suele suceder del encuentro es que el uno cae por las ancas del caballo, pasado con la lanza del contrario de parte a parte, y al otro le viene también que, a no tenerse a las crines del suyo, no pudiera dejar de venir al suelo. Y no sé yo cómo el muerto tuvo lugar para encomendarse a Dios en el discurso de esta tan acelerada obra. Mejor fuera que las palabras que en la carrera gastó encomendándose a su dama las gastara en lo que debía y estaba obligado como cristiano. Cuanto más, que yo tengo para mí que no todos los caballeros andantes tienen damas a quien encomendarse, porque no todos son enamorados. — Eso no puede ser —respondió don Quijote—: digo que no puede ser que haya caballero andante sin dama, porque tan proprio y tan natural les es a los tales ser enamorados como al cielo tener estrellas, y a buen seguro que no se haya visto historia donde se halle caballero andante sin amores; y por el mesmo caso que estuviese sin ellos, no sería tenido por legítimo caballero, sino por bastardo, y que entró en la fortaleza de la caballería dicha, no por la puerta, sino por las bardas, como salteador y ladrón. — Con todo eso —dijo el caminante—, me parece, si mal no me acuerdo, haber leído que don Galaor, hermano del valeroso Amadís de Gaula, nunca tuvo dama señalada a quien pudiese encomendarse; y, con todo esto, no fue tenido en menos, y fue un muy valiente y famoso caballero. A lo cual respondió nuestro don Quijote: — Señor, una golondrina sola no hace verano. Cuanto más, que yo sé que de secreto estaba ese caballero muy bien enamorado; fuera que, aquello de querer a todas bien cuantas bien le parecían era condición natural, a quien no podía ir a la mano. Pero, en resolución, averiguado está muy bien que él tenía una sola a quien él había hecho señora de su voluntad, a la cual se encomendaba muy a menudo y muy secretamente, porque se preció de secreto caballero. — Luego, si es de esencia que todo caballero andante haya de ser enamorado — dijo el caminante—, bien se puede creer que vuestra merced lo es, pues es de la profesión. Y si es que vuestra merced no se precia de ser tan secreto como don Galaor, con las veras que puedo le suplico, en nombre de toda esta compañía y en el mío, nos diga el nombre, patria, calidad y hermosura de su dama; que ella se tendría por dichosa de que todo el mundo sepa que es querida y servida de un tal caballero como vuestra merced parece. Aquí dio un gran suspiro don Quijote, y dijo: — Yo no podré afirmar si la dulce mi enemiga gusta, o no, de que el mundo sepa que yo la sirvo; sólo sé decir, respondiendo a lo que con tanto comedimiento se me pide, que su nombre es Dulcinea; su patria, el Toboso, un lugar de la Mancha; su calidad, por lo menos, ha de ser de princesa, pues es reina y señora mía; su hermosura, sobrehumana, pues en ella se vienen a hacer verdaderos todos los imposibles y quiméricos atributos de belleza que los poetas dan a sus damas: que sus cabellos son oro, su frente campos elíseos, sus cejas arcos del cielo, sus ojos soles, sus mejillas rosas, sus labios corales, perlas sus dientes, alabastro su cuello, mármol su pecho, marfil sus manos, su blancura nieve, y las partes que a la vista humana encubrió la honestidad son tales, según yo pienso y entiendo, que sólo la discreta consideración puede encarecerlas, y no compararlas. — El linaje, prosapia y alcurnia querríamos saber —replicó Vivaldo. A lo cual respondió don Quijote: — No es de los antiguos Curcios, Gayos y Cipiones romanos, ni de los modernos Colonas y Ursinos; ni de los Moncadas y Requesenes de Cataluña, ni menos de los Rebellas y Villanovas de Valencia; Palafoxes, Nuzas, Rocabertis, Corellas, Lunas, Alagones, Urreas, Foces y Gurreas de Aragón; Cerdas, Manriques, Mendozas y Guzmanes de Castilla; Alencastros, Pallas y Meneses de Portogal; pero es de los del Toboso de la Mancha, linaje, aunque moderno, tal, que puede dar generoso principio a las más ilustres familias de los venideros siglos. Y no se me replique en esto, si no fuere con las condiciones que puso Cervino al pie del trofeo de las armas de Orlando, que decía: nadie las mueva que estar no pueda con Roldán a prueba. — Aunque el mío es de los Cachopines de Laredo —respondió el caminante—, no le osaré yo poner con el del Toboso de la Mancha, puesto que, para decir verdad, semejante apellido hasta ahora no ha llegado a mis oídos. — ¡Como eso no habrá llegado! —replicó don Quijote. Con gran atención iban escuchando todos los demás la plática de los dos, y aun hasta los mesmos cabreros y pastores conocieron la demasiada falta de juicio de nuestro don Quijote. Sólo Sancho Panza pensaba que cuanto su amo decía era verdad, sabiendo él quién era y habiéndole conocido desde su nacimiento; y en lo que dudaba algo era en creer aquello de la linda Dulcinea del Toboso, porque nunca tal nombre ni tal princesa había llegado jamás a su noticia, aunque vivía tan cerca del Toboso. En estas pláticas iban, cuando vieron que, por la quiebra que dos altas montañas hacían, bajaban hasta veinte pastores, todos con pellicos de negra lana vestidos y coronados con guirnaldas, que, a lo que después pareció, eran cuál de tejo y cuál de ciprés. Entre seis dellos traían unas andas, cubiertas de mucha diversidad de flores y de ramos. Lo cual visto por uno de los cabreros, dijo: — Aquellos que allí vienen son los que traen el cuerpo de Grisóstomo, y el pie de aquella montaña es el lugar donde él mandó que le enterrasen. Por esto se dieron priesa a llegar, y fue a tiempo que ya los que venían habían puesto las andas en el suelo; y cuatro dellos con agudos picos estaban cavando la sepultura a un lado de una dura peña. Recibiéronse los unos y los otros cortésmente; y luego don Quijote y los que con él venían se pusieron a mirar las andas, y en ellas vieron cubierto de flores un cuerpo muerto, vestido como pastor, de edad, al parecer, de treinta años; y, aunque muerto, mostraba que vivo había sido de rostro hermoso y de disposición gallarda. Alrededor dél tenía en las mesmas andas algunos libros y muchos papeles, abiertos y cerrados. Y así los que esto miraban, como los que abrían la sepultura, y todos los demás que allí había, guardaban un maravilloso silencio, hasta que uno de los que al muerto trujeron dijo a otro: — Mirá bien, Ambrosio, si es éste el lugar que Grisóstomo dijo, ya que queréis que tan puntualmente se cumpla lo que dejó mandado en su testamento. — Éste es —respondió Ambrosio—; que muchas veces en él me contó mi desdichado amigo la historia de su desventura. Allí me dijo él que vio la vez primera a aquella enemiga mortal del linaje humano, y allí fue también donde la primera vez le declaró su pensamiento, tan honesto como enamorado, y allí fue la última vez donde Marcela le acabó de desengañar y desdeñar, de suerte que puso fin a la tragedia de su miserable vida. Y aquí, en memoria de tantas desdichas, quiso él que le depositasen en las entrañas del eterno olvido. Y, volviéndose a don Quijote y a los caminantes, prosiguió diciendo: — Ese cuerpo, señores, que con piadosos ojos estáis mirando, fue depositario de un alma en quien el cielo puso infinita parte de sus riquezas. Ése es el cuerpo de Grisóstomo, que fue único en el ingenio, solo en la cortesía, estremo en la gentileza, fénix en la amistad, magnífico sin tasa, grave sin presunción, alegre sin bajeza, y, finalmente, primero en todo lo que es ser bueno, y sin segundo en todo lo que fue ser desdichado. Quiso bien, fue aborrecido; adoró, fue desdeñado; rogó a una fiera, importunó a un mármol, corrió tras el viento, dio voces a la soledad, sirvió a la ingratitud, de quien alcanzó por premio ser despojos de la muerte en la mitad de la carrera de su vida, a la cual dio fin una pastora a quien él procuraba eternizar para que viviera en la memoria de las gentes, cual lo pudieran mostrar bien esos papeles que estáis mirando, si él no me hubiera mandado que los entregara al fuego en habiendo entregado su cuerpo a la tierra. — De mayor rigor y crueldad usaréis vos con ellos —dijo Vivaldo— que su mesmo dueño, pues no es justo ni acertado que se cumpla la voluntad de quien lo que ordena va fuera de todo razonable discurso. Y no le tuviera bueno Augusto César si consintiera que se pusiera en ejecución lo que el divino Mantuano dejó en su testamento mandado. Ansí que, señor Ambrosio, ya que deis el cuerpo de vuestro amigo a la tierra, no queráis dar sus escritos al olvido; que si él ordenó como agraviado, no es bien que vos cumpláis como indiscreto. Antes haced, dando la vida a estos papeles, que la tenga siempre la crueldad de Marcela, para que sirva de ejemplo, en los tiempos que están por venir, a los vivientes, para que se aparten y huyan de caer en semejantes despeñaderos; que ya sé yo, y los que aquí venimos, la historia deste vuestro enamorado y desesperado amigo, y sabemos la amistad vuestra, y la ocasión de su muerte, y lo que dejó mandado al acabar de la vida; de la cual lamentable historia se puede sacar cuánto haya sido la crueldad de Marcela, el amor de Grisóstomo, la fe de la amistad vuestra, con el paradero que tienen los que a rienda suelta corren por la senda que el desvariado amor delante de los ojos les pone. Anoche supimos la muerte de Grisóstomo, y que en este lugar había de ser enterrado; y así, de curiosidad y de lástima, dejamos nuestro derecho viaje, y acordamos de venir a ver con los ojos lo que tanto nos había lastimado en oíllo. Y, en pago desta lástima y del deseo que en nosotros nació de remedialla si pudiéramos, te rogamos, ¡oh discreto Ambrosio! (a lo menos, yo te lo suplico de mi parte), que, dejando de abrasar estos papeles, me dejes llevar algunos dellos. Y, sin aguardar que el pastor respondiese, alargó la mano y tomó algunos de los que más cerca estaban; viendo lo cual Ambrosio, dijo: — Por cortesía consentiré que os quedéis, señor, con los que ya habéis tomado; pero pensar que dejaré de abrasar los que quedan es pensamiento vano. Vivaldo, que deseaba ver lo que los papeles decían, abrió luego el uno dellos y vio que tenía por título: Canción desesperada. Oyólo Ambrosio y dijo: — Ése es el último papel que escribió el desdichado; y, porque veáis, señor, en el término que le tenían sus desventuras, leelde de modo que seáis oído; que bien os dará lugar a ello el que se tardare en abrir la sepultura. — Eso haré yo de muy buena gana —dijo Vivaldo. Y, como todos los circunstantes tenían el mesmo deseo, se le pusieron a la redonda; y él, leyendo en voz clara, vio que así decía: Capítulo XIV. Donde se ponen los versos desesperados del difunto pastor, con otros no esperados sucesos Canción de Grisóstomo Ya que quieres, cruel, que se publique, de lengua en lengua y de una en otra gente, del áspero rigor tuyo la fuerza, haré que el mesmo infierno comunique al triste pecho mío un son doliente, con que el uso común de mi voz tuerza. Y al par de mi deseo, que se esfuerza a decir mi dolor y tus hazañas, de la espantable voz irá el acento, y en él mezcladas, por mayor tormento, pedazos de las míseras entrañas. Escucha, pues, y presta atento oído, no al concertado son, sino al rüido que de lo hondo de mi amargo pecho, llevado de un forzoso desvarío, por gusto mío sale y tu despecho. El rugir del león, del lobo fiero el temeroso aullido, el silbo horrendo de escamosa serpiente, el espantable baladro de algún monstruo, el agorero graznar de la corneja, y el estruendo del viento contrastado en mar instable; del ya vencido toro el implacable bramido, y de la viuda tortolilla el sentible arrullar; el triste canto del envidiado búho, con el llanto de toda la infernal negra cuadrilla, salgan con la doliente ánima fuera, mezclados en un son, de tal manera que se confundan los sentidos todos, pues la pena cruel que en mí se halla para contalla pide nuevos modos. De tanta confusión no las arenas del padre Tajo oirán los tristes ecos, ni del famoso Betis las olivas: que allí se esparcirán mis duras penas en altos riscos y en profundos huecos, con muerta lengua y con palabras vivas; o ya en escuros valles, o en esquivas playas, desnudas de contrato humano, o adonde el sol jamás mostró su lumbre, o entre la venenosa muchedumbre de fieras que alimenta el libio llano; que, puesto que en los páramos desiertos los ecos roncos de mi mal, inciertos, suenen con tu rigor tan sin segundo, por privilegio de mis cortos hados, serán llevados por el ancho mundo. Mata un desdén, atierra la paciencia, o verdadera o falsa, una sospecha; matan los celos con rigor más fuerte; desconcierta la vida larga ausencia; contra un temor de olvido no aprovecha firme esperanza de dichosa suerte. En todo hay cierta, inevitable muerte; mas yo, ¡milagro nunca visto!, vivo celoso, ausente, desdeñado y cierto de las sospechas que me tienen muerto; y en el olvido en quien mi fuego avivo, y, entre tantos tormentos, nunca alcanza mi vista a ver en sombra a la esperanza, ni yo, desesperado, la procuro; antes, por estremarme en mi querella, estar sin ella eternamente juro. ¿Puédese, por ventura, en un instante esperar y temer, o es bien hacello, siendo las causas del temor más ciertas? ¿Tengo, si el duro celo está delante, de cerrar estos ojos, si he de vello por mil heridas en el alma abiertas? ¿Quién no abrirá de par en par las puertas a la desconfianza, cuando mira descubierto el desdén, y las sospechas, ¡oh amarga conversión!, verdades hechas, y la limpia verdad vuelta en mentira? ¡Oh, en el reino de amor fieros tiranos celos, ponedme un hierro en estas manos! Dame, desdén, una torcida soga. Mas, ¡ay de mí!, que, con cruel vitoria, vuestra memoria el sufrimiento ahoga. Yo muero, en fin; y, porque nunca espere buen suceso en la muerte ni en la vida, pertinaz estaré en mi fantasía. Diré que va acertado el que bien quiere, y que es más libre el alma más rendida a la de amor antigua tiranía. Diré que la enemiga siempre mía hermosa el alma como el cuerpo tiene, y que su olvido de mi culpa nace, y que, en fe de los males que nos hace, amor su imperio en justa paz mantiene. Y, con esta opinión y un duro lazo, acelerando el miserable plazo a que me han conducido sus desdenes, ofreceré a los vientos cuerpo y alma, sin lauro o palma de futuros bienes. Tú, que con tantas sinrazones muestras la razón que me fuerza a que la haga a la cansada vida que aborrezco, pues ya ves que te da notorias muestras esta del corazón profunda llaga, de cómo, alegre, a tu rigor me ofrezco, si, por dicha, conoces que merezco que el cielo claro de tus bellos ojos en mi muerte se turbe, no lo hagas; que no quiero que en nada satisfagas, al darte de mi alma los despojos. Antes, con risa en la ocasión funesta, descubre que el fin mío fue tu fiesta; mas gran simpleza es avisarte desto, pues sé que está tu gloria conocida en que mi vida llegue al fin tan presto. Venga, que es tiempo ya, del hondo abismo Tántalo con su sed; Sísifo venga con el peso terrible de su canto; Ticio traya su buitre, y ansimismo con su rueda Egïón no se detenga, ni las hermanas que trabajan tanto; y todos juntos su mortal quebranto trasladen en mi pecho, y en voz baja -si ya a un desesperado son debidas- canten obsequias tristes, doloridas, al cuerpo a quien se niegue aun la mortaja. Y el portero infernal de los tres rostros, con otras mil quimeras y mil monstros, lleven el doloroso contrapunto; que otra pompa mejor no me parece que la merece un amador difunto. Canción desesperada, no te quejes cuando mi triste compañía dejes; antes, pues que la causa do naciste con mi desdicha augmenta su ventura, aun en la sepultura no estés triste. Bien les pareció, a los que escuchado habían, la canción de Grisóstomo, puesto que el que la leyó dijo que no le parecía que conformaba con la relación que él había oído del recato y bondad de Marcela, porque en ella se quejaba Grisóstomo de celos, sospechas y de ausencia, todo en perjuicio del buen crédito y buena fama de Marcela. A lo cual respondió Ambrosio, como aquel que sabía bien los más escondidos pensamientos de su amigo: — Para que, señor, os satisfagáis desa duda, es bien que sepáis que cuando este desdichado escribió esta canción estaba ausente de Marcela, de quien él se había ausentado por su voluntad, por ver si usaba con él la ausencia de sus ordinarios fueros. Y, como al enamorado ausente no hay cosa que no le fatigue ni temor que no le dé alcance, así le fatigaban a Grisóstomo los celos imaginados y las sospechas temidas como si fueran verdaderas. Y con esto queda en su punto la verdad que la fama pregona de la bondad de Marcela; la cual, fuera de ser cruel, y un poco arrogante y un mucho desdeñosa, la mesma envidia ni debe ni puede ponerle falta alguna. — Así es la verdad —respondió Vivaldo. Y, queriendo leer otro papel de los que había reservado del fuego, lo estorbó una maravillosa visión —que tal parecía ella— que improvisamente se les ofreció a los ojos; y fue que, por cima de la peña donde se cavaba la sepultura, pareció la pastora Marcela, tan hermosa que pasaba a su fama su hermosura. Los que hasta entonces no la habían visto la miraban con admiración y silencio, y los que ya estaban acostumbrados a verla no quedaron menos suspensos que los que nunca la habían visto. Mas, apenas la hubo visto Ambrosio, cuando, con muestras de ánimo indignado, le dijo: — ¿Vienes a ver, por ventura, ¡oh fiero basilisco destas montañas!, si con tu presencia vierten sangre las heridas deste miserable a quien tu crueldad quitó la vida? ¿O vienes a ufanarte en las crueles hazañas de tu condición, o a ver desde esa altura, como otro despiadado Nero, el incendio de su abrasada Roma, o a pisar, arrogante, este desdichado cadáver, como la ingrata hija al de su padre Tarquino? Dinos presto a lo que vienes, o qué es aquello de que más gustas; que, por saber yo que los pensamientos de Grisóstomo jamás dejaron de obedecerte en vida, haré que, aun él muerto, te obedezcan los de todos aquellos que se llamaron sus amigos. — No vengo, ¡oh Ambrosio!, a ninguna cosa de las que has dicho —respondió Marcela—, sino a volver por mí misma, y a dar a entender cuán fuera de razón van todos aquellos que de sus penas y de la muerte de Grisóstomo me culpan; y así, ruego a todos los que aquí estáis me estéis atentos, que no será menester mucho tiempo ni gastar muchas palabras para persuadir una verdad a los discretos. »Hízome el cielo, según vosotros decís, hermosa, y de tal manera que, sin ser poderosos a otra cosa, a que me améis os mueve mi hermosura; y, por el amor que me mostráis, decís, y aun queréis, que esté yo obligada a amaros. Yo conozco, con el natural entendimiento que Dios me ha dado, que todo lo hermoso es amable; mas no alcanzo que, por razón de ser amado, esté obligado lo que es amado por hermoso a amar a quien le ama. Y más, que podría acontecer que el amador de lo hermoso fuese feo, y, siendo lo feo digno de ser aborrecido, cae muy mal el decir ''Quiérote por hermosa; hasme de amar aunque sea feo''. Pero, puesto caso que corran igualmente las hermosuras, no por eso han de correr iguales los deseos, que no todas hermosuras enamoran; que algunas alegran la vista y no rinden la voluntad; que si todas las bellezas enamorasen y rindiesen, sería un andar las voluntades confusas y descaminadas, sin saber en cuál habían de parar; porque, siendo infinitos los sujetos hermosos, infinitos habían de ser los deseos. Y, según yo he oído decir, el verdadero amor no se divide, y ha de ser voluntario, y no forzoso. Siendo esto así, como yo creo que lo es, ¿por qué queréis que rinda mi voluntad por fuerza, obligada no más de que decís que me queréis bien? Si no, decidme: si como el cielo me hizo hermosa me hiciera fea, ¿fuera justo que me quejara de vosotros porque no me amábades? Cuanto más, que habéis de considerar que yo no escogí la hermosura que tengo; que, tal cual es, el cielo me la dio de gracia, sin yo pedilla ni escogella. Y, así como la víbora no merece ser culpada por la ponzoña que tiene, puesto que con ella mata, por habérsela dado naturaleza, tampoco yo merezco ser reprehendida por ser hermosa; que la hermosura en la mujer honesta es como el fuego apartado o como la espada aguda, que ni él quema ni ella corta a quien a ellos no se acerca. La honra y las virtudes son adornos del alma, sin las cuales el cuerpo, aunque lo sea, no debe de parecer hermoso. Pues si la honestidad es una de las virtudes que al cuerpo y al alma más adornan y hermosean, ¿por qué la ha de perder la que es amada por hermosa, por corresponder a la intención de aquel que, por sólo su gusto, con todas sus fuerzas e industrias procura que la pierda? »Yo nací libre, y para poder vivir libre escogí la soledad de los campos. Los árboles destas montañas son mi compañía, las claras aguas destos arroyos mis espejos; con los árboles y con las aguas comunico mis pensamientos y hermosura. Fuego soy apartado y espada puesta lejos. A los que he enamorado con la vista he desengañado con las palabras. Y si los deseos se sustentan con esperanzas, no habiendo yo dado alguna a Grisóstomo ni a otro alguno, el fin de ninguno dellos bien se puede decir que antes le mató su porfía que mi crueldad. Y si se me hace cargo que eran honestos sus pensamientos, y que por esto estaba obligada a corresponder a ellos, digo que, cuando en ese mismo lugar donde ahora se cava su sepultura me descubrió la bondad de su intención, le dije yo que la mía era vivir en perpetua soledad, y de que sola la tierra gozase el fruto de mi recogimiento y los despojos de mi hermosura; y si él, con todo este desengaño, quiso porfiar contra la esperanza y navegar contra el viento, ¿qué mucho que se anegase en la mitad del golfo de su desatino? Si yo le entretuviera, fuera falsa; si le contentara, hiciera contra mi mejor intención y prosupuesto. Porfió desengañado, desesperó sin ser aborrecido: ¡mirad ahora si será razón que de su pena se me dé a mí la culpa! Quéjese el engañado, desespérese aquel a quien le faltaron las prometidas esperanzas, confíese el que yo llamare, ufánese el que yo admitiere; pero no me llame cruel ni homicida aquel a quien yo no prometo, engaño, llamo ni admito. »El cielo aún hasta ahora no ha querido que yo ame por destino, y el pensar que tengo de amar por elección es escusado. Este general desengaño sirva a cada uno de los que me solicitan de su particular provecho; y entiéndase, de aquí adelante, que si alguno por mí muriere, no muere de celoso ni desdichado, porque quien a nadie quiere, a ninguno debe dar celos; que los desengaños no se han de tomar en cuenta de desdenes. El que me llama fiera y basilisco, déjeme como cosa perjudicial y mala; el que me llama ingrata, no me sirva; el que desconocida, no me conozca; quien cruel, no me siga; que esta fiera, este basilisco, esta ingrata, esta cruel y esta desconocida, ni los buscará, servirá, conocerá ni seguirá en ninguna manera. Que si a Grisóstomo mató su impaciencia y arrojado deseo, ¿por qué se ha de culpar mi honesto proceder y recato? Si yo conservo mi limpieza con la compañía de los árboles, ¿por qué ha de querer que la pierda el que quiere que la tenga con los hombres? Yo, como sabéis, tengo riquezas propias y no codicio las ajenas; tengo libre condición y no gusto de sujetarme: ni quiero ni aborrezco a nadie. No engaño a éste ni solicito aquél, ni burlo con uno ni me entretengo con el otro. La conversación honesta de las zagalas destas aldeas y el cuidado de mis cabras me entretiene. Tienen mis deseos por término estas montañas, y si de aquí salen, es a contemplar la hermosura del cielo, pasos con que camina el alma a su morada primera. Y, en diciendo esto, sin querer oír respuesta alguna, volvió las espaldas y se entró por lo más cerrado de un monte que allí cerca estaba, dejando admirados, tanto de su discreción como de su hermosura, a todos los que allí estaban. Y algunos dieron muestras —de aquellos que de la poderosa flecha de los rayos de sus bellos ojos estaban heridos— de quererla seguir, sin aprovecharse del manifiesto desengaño que habían oído. Lo cual visto por don Quijote, pareciéndole que allí venía bien usar de su caballería, socorriendo a las doncellas menesterosas, puesta la mano en el puño de su espada, en altas e inteligibles voces, dijo: — Ninguna persona, de cualquier estado y condición que sea, se atreva a seguir a la hermosa Marcela, so pena de caer en la furiosa indignación mía. Ella ha mostrado con claras y suficientes razones la poca o ninguna culpa que ha tenido en la muerte de Grisóstomo, y cuán ajena vive de condescender con los deseos de ninguno de sus amantes, a cuya causa es justo que, en lugar de ser seguida y perseguida, sea honrada y estimada de todos los buenos del mundo, pues muestra que en él ella es sola la que con tan honesta intención vive. O ya que fuese por las amenazas de don Quijote, o porque Ambrosio les dijo que concluyesen con lo que a su buen amigo debían, ninguno de los pastores se movió ni apartó de allí hasta que, acabada la sepultura y abrasados los papeles de Grisóstomo, pusieron su cuerpo en ella, no sin muchas lágrimas de los circunstantes. Cerraron la sepultura con una gruesa peña, en tanto que se acababa una losa que, según Ambrosio dijo, pensaba mandar hacer, con un epitafio que había de decir desta manera: Yace aquí de un amador el mísero cuerpo helado, que fue pastor de ganado, perdido por desamor. Murió a manos del rigor de una esquiva hermosa ingrata, con quien su imperio dilata la tiranía de su amor. Luego esparcieron por cima de la sepultura muchas flores y ramos, y, dando todos el pésame a su amigo Ambrosio, se despidieron dél. Lo mesmo hicieron Vivaldo y su compañero, y don Quijote se despidió de sus huéspedes y de los caminantes, los cuales le rogaron se viniese con ellos a Sevilla, por ser lugar tan acomodado a hallar aventuras, que en cada calle y tras cada esquina se ofrecen más que en otro alguno. Don Quijote les agradeció el aviso y el ánimo que mostraban de hacerle merced, y dijo que por entonces no quería ni debía ir a Sevilla, hasta que hubiese despojado todas aquellas sierras de ladrones malandrines, de quien era fama que todas estaban llenas. Viendo su buena determinación, no quisieron los caminantes importunarle más, sino, tornándose a despedir de nuevo, le dejaron y prosiguieron su camino, en el cual no les faltó de qué tratar, así de la historia de Marcela y Grisóstomo como de las locuras de don Quijote. El cual determinó de ir a buscar a la pastora Marcela y ofrecerle todo lo que él podía en su servicio. Mas no le avino como él pensaba, según se cuenta en el discurso desta verdadera historia, dando aquí fin la segunda parte. Tercera parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha Capítulo XV. Donde se cuenta la desgraciada aventura que se topó don Quijote en topar con unos desalmados yangüeses Cuenta el sabio Cide Hamete Benengeli que, así como don Quijote se despidió de sus huéspedes y de todos los que se hallaron al entierro del pastor Grisóstomo, él y su escudero se entraron por el mesmo bosque donde vieron que se había entrado la pastora Marcela; y, habiendo andado más de dos horas por él, buscándola por todas partes sin poder hallarla, vinieron a parar a un prado lleno de fresca yerba, junto del cual corría un arroyo apacible y fresco; tanto, que convidó y forzó a pasar allí las horas de la siesta, que rigurosamente comenzaba ya a entrar. Apeáronse don Quijote y Sancho, y, dejando al jumento y a Rocinante a sus anchuras pacer de la mucha yerba que allí había, dieron saco a las alforjas, y, sin cerimonia alguna, en buena paz y compañía, amo y mozo comieron lo que en ellas hallaron. No se había curado Sancho de echar sueltas a Rocinante, seguro de que le conocía por tan manso y tan poco rijoso que todas las yeguas de la dehesa de Córdoba no le hicieran tomar mal siniestro. Ordenó, pues, la suerte, y el diablo, que no todas veces duerme, que andaban por aquel valle paciendo una manada de hacas galicianas de unos arrieros gallegos, de los cuales es costumbre sestear con su recua en lugares y sitios de yerba y agua; y aquel donde acertó a hallarse don Quijote era muy a propósito de los gallegos. Sucedió, pues, que a Rocinante le vino en deseo de refocilarse con las señoras facas; y saliendo, así como las olió, de su natural paso y costumbre, sin pedir licencia a su dueño, tomó un trotico algo picadillo y se fue a comunicar su necesidad con ellas. Mas ellas, que, a lo que pareció, debían de tener más gana de pacer que de ál, recibiéronle con las herraduras y con los dientes, de tal manera que, a poco espacio, se le rompieron las cinchas y quedó, sin silla, en pelota. Pero lo que él debió más de sentir fue que, viendo los arrieros la fuerza que a sus yeguas se les hacía, acudieron con estacas, y tantos palos le dieron que le derribaron malparado en el suelo. Ya en esto don Quijote y Sancho, que la paliza de Rocinante habían visto, llegaban ijadeando; y dijo don Quijote a Sancho: — A lo que yo veo, amigo Sancho, éstos no son caballeros, sino gente soez y de baja ralea. Dígolo porque bien me puedes ayudar a tomar la debida venganza del agravio que delante de nuestros ojos se le ha hecho a Rocinante. — ¿Qué diablos de venganza hemos de tomar —respondió Sancho—, si éstos son más de veinte y nosotros no más de dos, y aun, quizá, nosotros sino uno y medio? — Yo valgo por ciento —replicó don Quijote. Y, sin hacer más discursos, echó mano a su espada y arremetió a los gallegos, y lo mesmo hizo Sancho Panza, incitado y movido del ejemplo de su amo. Y, a las primeras, dio don Quijote una cuchillada a uno, que le abrió un sayo de cuero de que venía vestido, con gran parte de la espalda. Los gallegos, que se vieron maltratar de aquellos dos hombres solos, siendo ellos tantos, acudieron a sus estacas, y, cogiendo a los dos en medio, comenzaron a menudear sobre ellos con grande ahínco y vehemencia. Verdad es que al segundo toque dieron con Sancho en el suelo, y lo mesmo le avino a don Quijote, sin que le valiese su destreza y buen ánimo; y quiso su ventura que viniese a caer a los pies de Rocinante, que aún no se había levantado; donde se echa de ver la furia con que machacan estacas puestas en manos rústicas y enojadas. Viendo, pues, los gallegos el mal recado que habían hecho, con la mayor presteza que pudieron, cargaron su recua y siguieron su camino, dejando a los dos aventureros de mala traza y de peor talante. El primero que se resintió fue Sancho Panza; y, hallándose junto a su señor, con voz enferma y lastimada, dijo: — ¡Señor don Quijote! ¡Ah, señor don Quijote! — ¿Qué quieres, Sancho hermano? —respondió don Quijote con el mesmo tono afeminado y doliente que Sancho. — Querría, si fuese posible —respondió Sancho Panza—, que vuestra merced me diese dos tragos de aquella bebida del feo Blas, si es que la tiene vuestra merced ahí a mano. Quizá será de provecho para los quebrantamientos de huesos como lo es para las feridas. — Pues, a tenerla yo aquí, desgraciado yo, ¿qué nos faltaba? —respondió don Quijote—. Mas yo te juro, Sancho Panza, a fe de caballero andante, que antes que pasen dos días, si la fortuna no ordena otra cosa, la tengo de tener en mi poder, o mal me han de andar las manos. — Pues, ¿en cuántos le parece a vuestra merced que podremos mover los pies? — replicó Sancho Panza. — De mí sé decir —dijo el molido caballero don Quijote— que no sabré poner término a esos días. Mas yo me tengo la culpa de todo, que no había de poner mano a la espada contra hombres que no fuesen armados caballeros como yo; y así, creo que, en pena de haber pasado las leyes de la caballería, ha permitido el dios de las batallas que se me diese este castigo. Por lo cual, Sancho Panza, conviene que estés advertido en esto que ahora te diré, porque importa mucho a la salud de entrambos; y es que, cuando veas que semejante canalla nos hace algún agravio, no aguardes a que yo ponga mano al espada para ellos, porque no lo haré en ninguna manera, sino pon tú mano a tu espada y castígalos muy a tu sabor; que si en su ayuda y defensa acudieren caballeros, yo te sabré defender y ofendellos con todo mi poder; que ya habrás visto por mil señales y experiencias hasta adónde se estiende el valor de este mi fuerte brazo. Tal quedó de arrogante el pobre señor con el vencimiento del valiente vizcaíno. Mas no le pareció tan bien a Sancho Panza el aviso de su amo que dejase de responder, diciendo: — Señor, yo soy hombre pacífico, manso, sosegado, y sé disimilar cualquiera injuria, porque tengo mujer y hijos que sustentar y criar. Así que, séale a vuestra merced también aviso, pues no puede ser mandato, que en ninguna manera pondré mano a la espada, ni contra villano ni contra caballero; y que, desde aquí para delante de Dios, perdono cuantos agravios me han hecho y han de hacer: ora me los haya hecho, o haga o haya de hacer, persona alta o baja, rico o pobre, hidalgo o pechero, sin eceptar estado ni condición alguna. Lo cual oído por su amo, le respondió: — Quisiera tener aliento para poder hablar un poco descansado, y que el dolor que tengo en esta costilla se aplacara tanto cuanto, para darte a entender, Panza, en el error en que estás. Ven acá, pecador; si el viento de la fortuna, hasta ahora tan contrario, en nuestro favor se vuelve, llevándonos las velas del deseo para que seguramente y sin contraste alguno tomemos puerto en alguna de las ínsulas que te tengo prometida, ¿qué sería de ti si, ganándola yo, te hiciese señor della? Pues ¿lo vendrás a imposibilitar por no ser caballero, ni quererlo ser, ni tener valor ni intención de vengar tus injurias y defender tu señorío? Porque has de saber que en los reinos y provincias nuevamente conquistados nunca están tan quietos los ánimos de sus naturales, ni tan de parte del nuevo señor que no se tengan temor de que han de hacer alguna novedad para alterar de nuevo las cosas, y volver, como dicen, a probar ventura; y así, es menester que el nuevo posesor tenga entendimiento para saberse gobernar, y valor para ofender y defenderse en cualquiera acontecimiento. — En este que ahora nos ha acontecido —respondió Sancho—, quisiera yo tener ese entendimiento y ese valor que vuestra merced dice; mas yo le juro, a fe de pobre hombre, que más estoy para bizmas que para pláticas. Mire vuestra merced si se puede levantar, y ayudaremos a Rocinante, aunque no lo merece, porque él fue la causa principal de todo este molimiento. Jamás tal creí de Rocinante, que le tenía por persona casta y tan pacífica como yo. En fin, bien dicen que es menester mucho tiempo para venir a conocer las personas, y que no hay cosa segura en esta vida. ¿Quién dijera que tras de aquellas tan grandes cuchilladas como vuestra merced dio a aquel desdichado caballero andante, había de venir, por la posta y en seguimiento suyo, esta tan grande tempestad de palos que ha descargado sobre nuestras espaldas? — Aun las tuyas, Sancho —replicó don Quijote—, deben de estar hechas a semejantes nublados; pero las mías, criadas entre sinabafas y holandas, claro está que sentirán más el dolor desta desgracia. Y si no fuese porque imagino..., ¿qué digo imagino?, sé muy cierto, que todas estas incomodidades son muy anejas al ejercicio de las armas, aquí me dejaría morir de puro enojo. A esto replicó el escudero: — Señor, ya que estas desgracias son de la cosecha de la caballería, dígame vuestra merced si suceden muy a menudo, o si tienen sus tiempos limitados en que acaecen; porque me parece a mí que a dos cosechas quedaremos inútiles para la tercera, si Dios, por su infinita misericordia, no nos socorre. — Sábete, amigo Sancho —respondió don Quijote—, que la vida de los caballeros andantes está sujeta a mil peligros y desventuras; y, ni más ni menos, está en potencia propincua de ser los caballeros andantes reyes y emperadores, como lo ha mostrado la experiencia en muchos y diversos caballeros, de cuyas historias yo tengo entera noticia. Y pudiérate contar agora, si el dolor me diera lugar, de algunos que, sólo por el valor de su brazo, han subido a los altos grados que he contado; y estos mesmos se vieron antes y después en diversas calamidades y miserias. Porque el valeroso Amadís de Gaula se vio en poder de su mortal enemigo Arcaláus el encantador, de quien se tiene por averiguado que le dio, teniéndole preso, más de docientos azotes con las riendas de su caballo, atado a una coluna de un patio. Y aun hay un autor secreto, y de no poco crédito, que dice que, habiendo cogido al Caballero del Febo con una cierta trampa que se le hundió debajo de los pies, en un cierto castillo, y al caer, se halló en una honda sima debajo de tierra, atado de pies y manos, y allí le echaron una destas que llaman melecinas, de agua de nieve y arena, de lo que llegó muy al cabo; y si no fuera socorrido en aquella gran cuita de un sabio grande amigo suyo, lo pasara muy mal el pobre caballero. Ansí que, bien puedo yo pasar entre tanta buena gente; que mayores afrentas son las que éstos pasaron, que no las que ahora nosotros pasamos. Porque quiero hacerte sabidor, Sancho, que no afrentan las heridas que se dan con los instrumentos que acaso se hallan en las manos; y esto está en la ley del duelo, escrito por palabras expresas: que si el zapatero da a otro con la horma que tiene en la mano, puesto que verdaderamente es de palo, no por eso se dirá que queda apaleado aquel a quien dio con ella. Digo esto porque no pienses que, puesto que quedamos desta pendencia molidos, quedamos afrentados; porque las armas que aquellos hombres traían, con que nos machacaron, no eran otras que sus estacas, y ninguno dellos, a lo que se me acuerda, tenía estoque, espada ni puñal. — No me dieron a mí lugar —respondió Sancho— a que mirase en tanto; porque, apenas puse mano a mi tizona, cuando me santiguaron los hombros con sus pinos, de manera que me quitaron la vista de los ojos y la fuerza de los pies, dando conmigo adonde ahora yago, y adonde no me da pena alguna el pensar si fue afrenta o no lo de los estacazos, como me la da el dolor de los golpes, que me han de quedar tan impresos en la memoria como en las espaldas. — Con todo eso, te hago saber, hermano Panza —replicó don Quijote—, que no hay memoria a quien el tiempo no acabe, ni dolor que muerte no le consuma. — Pues, ¿qué mayor desdicha puede ser —replicó Panza— de aquella que aguarda al tiempo que la consuma y a la muerte que la acabe? Si esta nuestra desgracia fuera de aquellas que con un par de bizmas se curan, aun no tan malo; pero voy viendo que no han de bastar todos los emplastos de un hospital para ponerlas en buen término siquiera. — Déjate deso y saca fuerzas de flaqueza, Sancho —respondió don Quijote—, que así haré yo, y veamos cómo está Rocinante; que, a lo que me parece, no le ha cabido al pobre la menor parte desta desgracia. — No hay de qué maravillarse deso —respondió Sancho—, siendo él tan buen caballero andante; de lo que yo me maravillo es de que mi jumento haya quedado libre y sin costas donde nosotros salimos sin costillas. — Siempre deja la ventura una puerta abierta en las desdichas, para dar remedio a ellas —dijo don Quijote—. Dígolo porque esa bestezuela podrá suplir ahora la falta de Rocinante, llevándome a mí desde aquí a algún castillo donde sea curado de mis feridas. Y más, que no tendré a deshonra la tal caballería, porque me acuerdo haber leído que aquel buen viejo Sileno, ayo y pedagogo del alegre dios de la risa, cuando entró en la ciudad de las cien puertas iba, muy a su placer, caballero sobre un muy hermoso asno. — Verdad será que él debía de ir caballero, como vuestra merced dice — respondió Sancho—, pero hay grande diferencia del ir caballero al ir atravesado como costal de basura. A lo cual respondió don Quijote: — Las feridas que se reciben en las batallas, antes dan honra que la quitan. Así que, Panza amigo, no me repliques más, sino, como ya te he dicho, levántate lo mejor que pudieres y ponme de la manera que más te agradare encima de tu jumento, y vamos de aquí antes que la noche venga y nos saltee en este despoblado. — Pues yo he oído decir a vuestra merced —dijo Panza— que es muy de caballeros andantes el dormir en los páramos y desiertos lo más del año, y que lo tienen a mucha ventura. — Eso es —dijo don Quijote— cuando no pueden más, o cuando están enamorados; y es tan verdad esto, que ha habido caballero que se ha estado sobre una peña, al sol y a la sombra, y a las inclemencias del cielo, dos años, sin que lo supiese su señora. Y uno déstos fue Amadís, cuando, llamándose Beltenebros, se alojó en la Peña Pobre, ni sé si ocho años o ocho meses, que no estoy muy bien en la cuenta: basta que él estuvo allí haciendo penitencia, por no sé qué sinsabor que le hizo la señora Oriana. Pero dejemos ya esto, Sancho, y acaba, antes que suceda otra desgracia al jumento, como a Rocinante. — Aun ahí sería el diablo —dijo Sancho. Y, despidiendo treinta ayes, y sesenta sospiros, y ciento y veinte pésetes y reniegos de quien allí le había traído, se levantó, quedándose agobiado en la mitad del camino, como arco turquesco, sin poder acabar de enderezarse; y con todo este trabajo aparejó su asno, que también había andado algo destraído con la demasiada libertad de aquel día. Levantó luego a Rocinante, el cual, si tuviera lengua con que quejarse, a buen seguro que Sancho ni su amo no le fueran en zaga. En resolución, Sancho acomodó a don Quijote sobre el asno y puso de reata a Rocinante; y, llevando al asno de cabestro, se encaminó, poco más a menos, hacia donde le pareció que podía estar el camino real. Y la suerte, que sus cosas de bien en mejor iba guiando, aún no hubo andado una pequeña legua, cuando le deparó el camino, en el cual descubrió una venta que, a pesar suyo y gusto de don Quijote, había de ser castillo. Porfiaba Sancho que era venta, y su amo que no, sino castillo; y tanto duró la porfía, que tuvieron lugar, sin acabarla, de llegar a ella, en la cual Sancho se entró, sin más averiguación, con toda su recua. Capítulo XVI. De lo que le sucedió al ingenioso hidalgo en la venta que él imaginaba ser castillo El ventero, que vio a don Quijote atravesado en el asno, preguntó a Sancho qué mal traía. Sancho le respondió que no era nada, sino que había dado una caída de una peña abajo, y que venía algo brumadas las costillas. Tenía el ventero por mujer a una, no de la condición que suelen tener las de semejante trato, porque naturalmente era caritativa y se dolía de las calamidades de sus prójimos; y así, acudió luego a curar a don Quijote y hizo que una hija suya, doncella, muchacha y de muy buen parecer, la ayudase a curar a su huésped. Servía en la venta, asimesmo, una moza asturiana, ancha de cara, llana de cogote, de nariz roma, del un ojo tuerta y del otro no muy sana. Verdad es que la gallardía del cuerpo suplía las demás faltas: no tenía siete palmos de los pies a la cabeza, y las espaldas, que algún tanto le cargaban, la hacían mirar al suelo más de lo que ella quisiera. Esta gentil moza, pues, ayudó a la doncella, y las dos hicieron una muy mala cama a don Quijote en un camaranchón que, en otros tiempos, daba manifiestos indicios que había servido de pajar muchos años. En la cual también alojaba un arriero, que tenía su cama hecha un poco más allá de la de nuestro don Quijote. Y, aunque era de las enjalmas y mantas de sus machos, hacía mucha ventaja a la de don Quijote, que sólo contenía cuatro mal lisas tablas, sobre dos no muy iguales bancos, y un colchón que en lo sutil parecía colcha, lleno de bodoques, que, a no mostrar que eran de lana por algunas roturas, al tiento, en la dureza, semejaban de guijarro, y dos sábanas hechas de cuero de adarga, y una frazada, cuyos hilos, si se quisieran contar, no se perdiera uno solo de la cuenta. En esta maldita cama se acostó don Quijote, y luego la ventera y su hija le emplastaron de arriba abajo, alumbrándoles Maritornes, que así se llamaba la asturiana; y, como al bizmalle viese la ventera tan acardenalado a partes a don Quijote, dijo que aquello más parecían golpes que caída. — No fueron golpes —dijo Sancho—, sino que la peña tenía muchos picos y tropezones. Y que cada uno había hecho su cardenal. Y también le dijo: — Haga vuestra merced, señora, de manera que queden algunas estopas, que no faltará quien las haya menester; que también me duelen a mí un poco los lomos. — Desa manera —respondió la ventera—, también debistes vos de caer. — No caí —dijo Sancho Panza—, sino que del sobresalto que tomé de ver caer a mi amo, de tal manera me duele a mí el cuerpo que me parece que me han dado mil palos. — Bien podrá ser eso —dijo la doncella—; que a mí me ha acontecido muchas veces soñar que caía de una torre abajo y que nunca acababa de llegar al suelo, y, cuando despertaba del sueño, hallarme tan molida y quebrantada como si verdaderamente hubiera caído. — Ahí está el toque, señora —respondió Sancho Panza—: que yo, sin soñar nada, sino estando más despierto que ahora estoy, me hallo con pocos menos cardenales que mi señor don Quijote. — ¿Cómo se llama este caballero? —preguntó la asturiana Maritornes. — Don Quijote de la Mancha —respondió Sancho Panza—, y es caballero aventurero, y de los mejores y más fuertes que de luengos tiempos acá se han visto en el mundo. — ¿Qué es caballero aventurero? —replicó la moza. — ¿Tan nueva sois en el mundo que no lo sabéis vos? —respondió Sancho Panza—. Pues sabed, hermana mía, que caballero aventurero es una cosa que en dos palabras se ve apaleado y emperador. Hoy está la más desdichada criatura del mundo y la más menesterosa, y mañana tendría dos o tres coronas de reinos que dar a su escudero. — Pues, ¿cómo vos, siéndolo deste tan buen señor —dijo la ventera—, no tenéis, a lo que parece, siquiera algún condado? — Aún es temprano —respondió Sancho—, porque no ha sino un mes que andamos buscando las aventuras, y hasta ahora no hemos topado con ninguna que lo sea. Y tal vez hay que se busca una cosa y se halla otra. Verdad es que, si mi señor don Quijote sana desta herida o caída y yo no quedo contrecho della, no trocaría mis esperanzas con el mejor título de España. Todas estas pláticas estaba escuchando, muy atento, don Quijote, y, sentándose en el lecho como pudo, tomando de la mano a la ventera, le dijo: — Creedme, fermosa señora, que os podéis llamar venturosa por haber alojado en este vuestro castillo a mi persona, que es tal, que si yo no la alabo, es por lo que suele decirse que la alabanza propria envilece; pero mi escudero os dirá quién soy. Sólo os digo que tendré eternamente escrito en mi memoria el servicio que me habedes fecho, para agradecéroslo mientras la vida me durare; y pluguiera a los altos cielos que el amor no me tuviera tan rendido y tan sujeto a sus leyes, y los ojos de aquella hermosa ingrata que digo entre mis dientes; que los desta fermosa doncella fueran señores de mi libertad. Confusas estaban la ventera y su hija y la buena de Maritornes oyendo las razones del andante caballero, que así las entendían como si hablara en griego, aunque bien alcanzaron que todas se encaminaban a ofrecimiento y requiebros; y, como no usadas a semejante lenguaje, mirábanle y admirábanse, y parecíales otro hombre de los que se usaban; y, agradeciéndole con venteriles razones sus ofrecimientos, le dejaron; y la asturiana Maritornes curó a Sancho, que no menos lo había menester que su amo. Había el arriero concertado con ella que aquella noche se refocilarían juntos, y ella le había dado su palabra de que, en estando sosegados los huéspedes y durmiendo sus amos, le iría a buscar y satisfacerle el gusto en cuanto le mandase. Y cuéntase desta buena moza que jamás dio semejantes palabras que no las cumpliese, aunque las diese en un monte y sin testigo alguno; porque presumía muy de hidalga, y no tenía por afrenta estar en aquel ejercicio de servir en la venta, porque decía ella que desgracias y malos sucesos la habían traído a aquel estado. El duro, estrecho, apocado y fementido lecho de don Quijote estaba primero en mitad de aquel estrellado establo, y luego, junto a él, hizo el suyo Sancho, que sólo contenía una estera de enea y una manta, que antes mostraba ser de anjeo tundido que de lana. Sucedía a estos dos lechos el del arriero, fabricado, como se ha dicho, de las enjalmas y todo el adorno de los dos mejores mulos que traía, aunque eran doce, lucios, gordos y famosos, porque era uno de los ricos arrieros de Arévalo, según lo dice el autor desta historia, que deste arriero hace particular mención, porque le conocía muy bien, y aun quieren decir que era algo pariente suyo. Fuera de que Cide Mahamate Benengeli fue historiador muy curioso y muy puntual en todas las cosas; y échase bien de ver, pues las que quedan referidas, con ser tan mínimas y tan rateras, no las quiso pasar en silencio; de donde podrán tomar ejemplo los historiadores graves, que nos cuentan las acciones tan corta y sucintamente que apenas nos llegan a los labios, dejándose en el tintero, ya por descuido, por malicia o ignorancia, lo más sustancial de la obra. ¡Bien haya mil veces el autor de Tablante de Ricamonte, y aquel del otro libro donde se cuenta los hechos del conde Tomillas; y con qué puntualidad lo describen todo! Digo, pues, que después de haber visitado el arriero a su recua y dádole el segundo pienso, se tendió en sus enjalmas y se dio a esperar a su puntualísima Maritornes. Ya estaba Sancho bizmado y acostado, y, aunque procuraba dormir, no lo consentía el dolor de sus costillas; y don Quijote, con el dolor de las suyas, tenía los ojos abiertos como liebre. Toda la venta estaba en silencio, y en toda ella no había otra luz que la que daba una lámpara que colgada en medio del portal ardía. Esta maravillosa quietud, y los pensamientos que siempre nuestro caballero traía de los sucesos que a cada paso se cuentan en los libros autores de su desgracia, le trujo a la imaginación una de las estrañas locuras que buenamente imaginarse pueden. Y fue que él se imaginó haber llegado a un famoso castillo —que, como se ha dicho, castillos eran a su parecer todas las ventas donde alojaba—, y que la hija del ventero lo era del señor del castillo, la cual, vencida de su gentileza, se había enamorado dél y prometido que aquella noche, a furto de sus padres, vendría a yacer con él una buena pieza; y, teniendo toda esta quimera, que él se había fabricado, por firme y valedera, se comenzó a acuitar y a pensar en el peligroso trance en que su honestidad se había de ver, y propuso en su corazón de no cometer alevosía a su señora Dulcinea del Toboso, aunque la mesma reina Ginebra con su dama Quintañona se le pusiesen delante. Pensando, pues, en estos disparates, se llegó el tiempo y la hora —que para él fue menguada— de la venida de la asturiana, la cual, en camisa y descalza, cogidos los cabellos en una albanega de fustán, con tácitos y atentados pasos, entró en el aposento donde los tres alojaban en busca del arriero. Pero, apenas llegó a la puerta, cuando don Quijote la sintió, y, sentándose en la cama, a pesar de sus bizmas y con dolor de sus costillas, tendió los brazos para recebir a su fermosa doncella. La asturiana, que, toda recogida y callando, iba con las manos delante buscando a su querido, topó con los brazos de don Quijote, el cual la asió fuertemente de una muñeca y, tirándola hacía sí, sin que ella osase hablar palabra, la hizo sentar sobre la cama. Tentóle luego la camisa, y, aunque ella era de harpillera, a él le pareció ser de finísimo y delgado cendal. Traía en las muñecas unas cuentas de vidro, pero a él le dieron vislumbres de preciosas perlas orientales. Los cabellos, que en alguna manera tiraban a crines, él los marcó por hebras de lucidísimo oro de Arabia, cuyo resplandor al del mesmo sol escurecía. Y el aliento, que, sin duda alguna, olía a ensalada fiambre y trasnochada, a él le pareció que arrojaba de su boca un olor suave y aromático; y, finalmente, él la pintó en su imaginación de la misma traza y modo que lo había leído en sus libros de la otra princesa que vino a ver el mal ferido caballero, vencida de sus amores, con todos los adornos que aquí van puestos. Y era tanta la ceguedad del pobre hidalgo, que el tacto, ni el aliento, ni otras cosas que traía en sí la buena doncella, no le desengañaban, las cuales pudieran hacer vomitar a otro que no fuera arriero; antes, le parecía que tenía entre sus brazos a la diosa de la hermosura. Y, teniéndola bien asida, con voz amorosa y baja le comenzó a decir: — Quisiera hallarme en términos, fermosa y alta señora, de poder pagar tamaña merced como la que con la vista de vuestra gran fermosura me habedes fecho, pero ha querido la fortuna, que no se cansa de perseguir a los buenos, ponerme en este lecho, donde yago tan molido y quebrantado que, aunque de mi voluntad quisiera satisfacer a la vuestra, fuera imposible. Y más, que se añade a esta imposibilidad otra mayor, que es la prometida fe que tengo dada a la sin par Dulcinea del Toboso, única señora de mis más escondidos pensamientos; que si esto no hubiera de por medio, no fuera yo tan sandio caballero que dejara pasar en blanco la venturosa ocasión en que vuestra gran bondad me ha puesto. Maritornes estaba congojadísima y trasudando, de verse tan asida de don Quijote, y, sin entender ni estar atenta a las razones que le decía, procuraba, sin hablar palabra, desasirse. El bueno del arriero, a quien tenían despierto sus malos deseos, desde el punto que entró su coima por la puerta, la sintió; estuvo atentamente escuchando todo lo que don Quijote decía, y, celoso de que la asturiana le hubiese faltado la palabra por otro, se fue llegando más al lecho de don Quijote, y estúvose quedo hasta ver en qué paraban aquellas razones, que él no podía entender. Pero, como vio que la moza forcejaba por desasirse y don Quijote trabajaba por tenella, pareciéndole mal la burla, enarboló el brazo en alto y descargó tan terrible puñada sobre las estrechas quijadas del enamorado caballero, que le bañó toda la boca en sangre; y, no contento con esto, se le subió encima de las costillas, y con los pies más que de trote, se las paseó todas de cabo a cabo. El lecho, que era un poco endeble y de no firmes fundamentos, no pudiendo sufrir la añadidura del arriero, dio consigo en el suelo, a cuyo gran ruido despertó el ventero, y luego imaginó que debían de ser pendencias de Maritornes, porque, habiéndola llamado a voces, no respondía. Con esta sospecha se levantó, y, encendiendo un candil, se fue hacia donde había sentido la pelaza. La moza, viendo que su amo venía, y que era de condición terrible, toda medrosica y alborotada, se acogió a la cama de Sancho Panza, que aún dormía, y allí se acorrucó y se hizo un ovillo. El ventero entró diciendo: — ¿Adónde estás, puta? A buen seguro que son tus cosas éstas. En esto, despertó Sancho, y, sintiendo aquel bulto casi encima de sí, pensó que tenía la pesadilla, y comenzó a dar puñadas a una y otra parte, y entre otras alcanzó con no sé cuántas a Maritornes, la cual, sentida del dolor, echando a rodar la honestidad, dio el retorno a Sancho con tantas que, a su despecho, le quitó el sueño; el cual, viéndose tratar de aquella manera y sin saber de quién, alzándose como pudo, se abrazó con Maritornes, y comenzaron entre los dos la más reñida y graciosa escaramuza del mundo. Viendo, pues, el arriero, a la lumbre del candil del ventero, cuál andaba su dama, dejando a don Quijote, acudió a dalle el socorro necesario. Lo mismo hizo el ventero, pero con intención diferente, porque fue a castigar a la moza, creyendo sin duda que ella sola era la ocasión de toda aquella armonía. Y así como suele decirse: el gato al rato, el rato a la cuerda, la cuerda al palo, daba el arriero a Sancho, Sancho a la moza, la moza a él, el ventero a la moza, y todos menudeaban con tanta priesa que no se daban punto de reposo; y fue lo bueno que al ventero se le apagó el candil, y, como quedaron ascuras, dábanse tan sin compasión todos a bulto que, a doquiera que ponían la mano, no dejaban cosa sana. Alojaba acaso aquella noche en la venta un cuadrillero de los que llaman de la Santa Hermandad Vieja de Toledo, el cual, oyendo ansimesmo el estraño estruendo de la pelea, asió de su media vara y de la caja de lata de sus títulos, y entró ascuras en el aposento, diciendo: — ¡Ténganse a la justicia! ¡Ténganse a la Santa Hermandad! Y el primero con quien topó fue con el apuñeado de don Quijote, que estaba en su derribado lecho, tendido boca arriba, sin sentido alguno, y, echándole a tiento mano a las barbas, no cesaba de decir: — ¡Favor a la justicia! Pero, viendo que el que tenía asido no se bullía ni meneaba, se dio a entender que estaba muerto, y que los que allí dentro estaban eran sus matadores; y con esta sospecha reforzó la voz, diciendo: — ¡Ciérrese la puerta de la venta! ¡Miren no se vaya nadie, que han muerto aquí a un hombre! Esta voz sobresaltó a todos, y cada cual dejó la pendencia en el grado que le tomó la voz. Retiróse el ventero a su aposento, el arriero a sus enjalmas, la moza a su rancho; solos los desventurados don Quijote y Sancho no se pudieron mover de donde estaban. Soltó en esto el cuadrillero la barba de don Quijote, y salió a buscar luz para buscar y prender los delincuentes; mas no la halló, porque el ventero, de industria, había muerto la lámpara cuando se retiró a su estancia, y fuele forzoso acudir a la chimenea, donde, con mucho trabajo y tiempo, encendió el cuadrillero otro candil. Capítulo XVII. Donde se prosiguen los innumerables trabajos que el bravo don Quijote y su buen escudero Sancho Panza pasaron en la venta que, por su mal, pensó que era castillo Había ya vuelto en este tiempo de su parasismo don Quijote, y, con el mesmo tono de voz con que el día antes había llamado a su escudero, cuando estaba tendido en el val de las estacas, le comenzó a llamar, diciendo: — Sancho amigo, ¿duermes? ¿Duermes, amigo Sancho? — ¿Qué tengo de dormir, pesia a mí —respondió Sancho, lleno de pesadumbre y de despecho—; que no parece sino que todos los diablos han andado conmigo esta noche? — Puédeslo creer ansí, sin duda —respondió don Quijote—, porque, o yo sé poco, o este castillo es encantado. Porque has de saber... Mas, esto que ahora quiero decirte hasme de jurar que lo tendrás secreto hasta después de mi muerte. — Sí juro —respondió Sancho. — Dígolo —replicó don Quijote—, porque soy enemigo de que se quite la honra a nadie. — Digo que sí juro —tornó a decir Sancho— que lo callaré hasta después de los días de vuestra merced, y plega a Dios que lo pueda descubrir mañana. — ¿Tan malas obras te hago, Sancho —respondió don Quijote—, que me querrías ver muerto con tanta brevedad? — No es por eso —respondió Sancho—, sino porque soy enemigo de guardar mucho las cosas, y no querría que se me pudriesen de guardadas. — Sea por lo que fuere —dijo don Quijote—; que más fío de tu amor y de tu cortesía; y así, has de saber que esta noche me ha sucedido una de las más estrañas aventuras que yo sabré encarecer; y, por contártela en breve, sabrás que poco ha que a mí vino la hija del señor deste castillo, que es la más apuesta y fermosa doncella que en gran parte de la tierra se puede hallar. ¿Qué te podría decir del adorno de su persona? ¿Qué de su gallardo entendimiento? ¿Qué de otras cosas ocultas, que, por guardar la fe que debo a mi señora Dulcinea del Toboso, dejaré pasar intactas y en silencio? Sólo te quiero decir que, envidioso el cielo de tanto bien como la ventura me había puesto en las manos, o quizá, y esto es lo más cierto, que, como tengo dicho, es encantado este castillo, al tiempo que yo estaba con ella en dulcísimos y amorosísimos coloquios, sin que yo la viese ni supiese por dónde venía, vino una mano pegada a algún brazo de algún descomunal gigante y asentóme una puñada en las quijadas, tal, que las tengo todas bañadas en sangre; y después me molió de tal suerte que estoy peor que ayer cuando los gallegos, que, por demasías de Rocinante, nos hicieron el agravio que sabes. Por donde conjeturo que el tesoro de la fermosura desta doncella le debe de guardar algún encantado moro, y no debe de ser para mí. — Ni para mí tampoco —respondió Sancho—, porque más de cuatrocientos moros me han aporreado a mí, de manera que el molimiento de las estacas fue tortas y pan pintado. Pero dígame, señor, ¿cómo llama a ésta buena y rara aventura, habiendo quedado della cual quedamos? Aun vuestra merced menos mal, pues tuvo en sus manos aquella incomparable fermosura que ha dicho, pero yo, ¿qué tuve sino los mayores porrazos que pienso recebir en toda mi vida? ¡Desdichado de mí y de la madre que me parió, que ni soy caballero andante, ni lo pienso ser jamás, y de todas las malandanzas me cabe la mayor parte! — Luego, ¿también estás tú aporreado? —respondió don Quijote. — ¿No le he dicho que sí, pesia a mi linaje? —dijo Sancho. — No tengas pena, amigo —dijo don Quijote—, que yo haré agora el bálsamo precioso con que sanaremos en un abrir y cerrar de ojos. Acabó en esto de encender el candil el cuadrillero, y entró a ver el que pensaba que era muerto; y, así como le vio entrar Sancho, viéndole venir en camisa y con su paño de cabeza y candil en la mano, y con una muy mala cara, preguntó a su amo: — Señor, ¿si será éste, a dicha, el moro encantado, que nos vuelve a castigar, si se dejó algo en el tintero? — No puede ser el moro —respondió don Quijote—, porque los encantados no se dejan ver de nadie. — Si no se dejan ver, déjanse sentir —dijo Sancho—; si no, díganlo mis espaldas. — También lo podrían decir las mías —respondió don Quijote—, pero no es bastante indicio ése para creer que este que se vee sea el encantado moro. Llegó el cuadrillero, y, como los halló hablando en tan sosegada conversación, quedó suspenso. Bien es verdad que aún don Quijote se estaba boca arriba, sin poderse menear, de puro molido y emplastado. Llegóse a él el cuadrillero y díjole: — Pues, ¿cómo va, buen hombre? — Hablara yo más bien criado —respondió don Quijote—, si fuera que vos. ¿Úsase en esta tierra hablar desa suerte a los caballeros andantes, majadero? El cuadrillero, que se vio tratar tan mal de un hombre de tan mal parecer, no lo pudo sufrir, y, alzando el candil con todo su aceite, dio a don Quijote con él en la cabeza, de suerte que le dejó muy bien descalabrado; y, como todo quedó ascuras, salióse luego; y Sancho Panza dijo: — Sin duda, señor, que éste es el moro encantado, y debe de guardar el tesoro para otros, y para nosotros sólo guarda las puñadas y los candilazos. — Así es —respondió don Quijote—, y no hay que hacer caso destas cosas de encantamentos, ni hay para qué tomar cólera ni enojo con ellas; que, como son invisibles y fantásticas, no hallaremos de quién vengarnos, aunque más lo procuremos. Levántate, Sancho, si puedes, y llama al alcaide desta fortaleza, y procura que se me dé un poco de aceite, vino, sal y romero para hacer el salutífero bálsamo; que en verdad que creo que lo he bien menester ahora, porque se me va mucha sangre de la herida que esta fantasma me ha dado. Levántose Sancho con harto dolor de sus huesos, y fue ascuras donde estaba el ventero; y, encontrándose con el cuadrillero, que estaba escuchando en qué paraba su enemigo, le dijo: — Señor, quien quiera que seáis, hacednos merced y beneficio de darnos un poco de romero, aceite, sal y vino, que es menester para curar uno de los mejores caballeros andantes que hay en la tierra, el cual yace en aquella cama, malferido por las manos del encantado moro que está en esta venta. Cuando el cuadrillero tal oyó, túvole por hombre falto de seso; y, porque ya comenzaba a amanecer, abrió la puerta de la venta, y, llamando al ventero, le dijo lo que aquel buen hombre quería. El ventero le proveyó de cuanto quiso, y Sancho se lo llevó a don Quijote, que estaba con las manos en la cabeza, quejándose del dolor del candilazo, que no le había hecho más mal que levantarle dos chichones algo crecidos, y lo que él pensaba que era sangre no era sino sudor que sudaba con la congoja de la pasada tormenta. En resolución, él tomó sus simples, de los cuales hizo un compuesto, mezclándolos todos y cociéndolos un buen espacio, hasta que le pareció que estaban en su punto. Pidió luego alguna redoma para echallo, y, como no la hubo en la venta, se resolvió de ponello en una alcuza o aceitera de hoja de lata, de quien el ventero le hizo grata donación. Y luego dijo sobre la alcuza más de ochenta paternostres y otras tantas avemarías, salves y credos, y a cada palabra acompañaba una cruz, a modo de bendición; a todo lo cual se hallaron presentes Sancho, el ventero y cuadrillero; que ya el arriero sosegadamente andaba entendiendo en el beneficio de sus machos. Hecho esto, quiso él mesmo hacer luego la esperiencia de la virtud de aquel precioso bálsamo que él se imaginaba; y así, se bebió, de lo que no pudo caber en la alcuza y quedaba en la olla donde se había cocido, casi media azumbre; y apenas lo acabó de beber, cuando comenzó a vomitar de manera que no le quedó cosa en el estómago; y con las ansias y agitación del vómito le dio un sudor copiosísimo, por lo cual mandó que le arropasen y le dejasen solo. Hiciéronlo ansí, y quedóse dormido más de tres horas, al cabo de las cuales despertó y se sintió aliviadísimo del cuerpo, y en tal manera mejor de su quebrantamiento que se tuvo por sano; y verdaderamente creyó que había acertado con el bálsamo de Fierabrás, y que con aquel remedio podía acometer desde allí adelante, sin temor alguno, cualesquiera ruinas, batallas y pendencias, por peligrosas que fuesen. Sancho Panza, que también tuvo a milagro la mejoría de su amo, le rogó que le diese a él lo que quedaba en la olla, que no era poca cantidad. Concedióselo don Quijote, y él, tomándola a dos manos, con buena fe y mejor talante, se la echó a pechos, y envasó bien poco menos que su amo. Es, pues, el caso que el estómago del pobre Sancho no debía de ser tan delicado como el de su amo, y así, primero que vomitase, le dieron tantas ansias y bascas, con tantos trasudores y desmayos que él pensó bien y verdaderamente que era llegada su última hora; y, viéndose tan afligido y congojado, maldecía el bálsamo y al ladrón que se lo había dado. Viéndole así don Quijote, le dijo: — Yo creo, Sancho, que todo este mal te viene de no ser armado caballero, porque tengo para mí que este licor no debe de aprovechar a los que no lo son. — Si eso sabía vuestra merced —replicó Sancho—, ¡mal haya yo y toda mi parentela!, ¿para qué consintió que lo gustase? En esto, hizo su operación el brebaje, y comenzó el pobre escudero a desaguarse por entrambas canales, con tanta priesa que la estera de enea, sobre quien se había vuelto a echar, ni la manta de anjeo con que se cubría, fueron más de provecho. Sudaba y trasudaba con tales parasismos y accidentes, que no solamente él, sino todos pensaron que se le acababa la vida. Duróle esta borrasca y mala andanza casi dos horas, al cabo de las cuales no quedó como su amo, sino tan molido y quebrantado que no se podía tener. Pero don Quijote, que, como se ha dicho, se sintió aliviado y sano, quiso partirse luego a buscar aventuras, pareciéndole que todo el tiempo que allí se tardaba era quitársele al mundo y a los en él menesterosos de su favor y amparo; y más con la seguridad y confianza que llevaba en su bálsamo. Y así, forzado deste deseo, él mismo ensilló a Rocinante y enalbardó al jumento de su escudero, a quien también ayudó a vestir y a subir en el asno. Púsose luego a caballo, y, llegándose a un rincón de la venta, asió de un lanzón que allí estaba, para que le sirviese de lanza. Estábanle mirando todos cuantos había en la venta, que pasaban de más de veinte personas; mirábale también la hija del ventero, y él también no quitaba los ojos della, y de cuando en cuando arrojaba un sospiro que parecía que le arrancaba de lo profundo de sus entrañas, y todos pensaban que debía de ser del dolor que sentía en las costillas; a lo menos, pensábanlo aquellos que la noche antes le habían visto bizmar. Ya que estuvieron los dos a caballo, puesto a la puerta de la venta, llamó al ventero, y con voz muy reposada y grave le dijo: — Muchas y muy grandes son las mercedes, señor alcaide, que en este vuestro castillo he recebido, y quedo obligadísimo a agradecéroslas todos los días de mi vida. Si os las puedo pagar en haceros vengado de algún soberbio que os haya fecho algún agravio, sabed que mi oficio no es otro sino valer a los que poco pueden, y vengar a los que reciben tuertos, y castigar alevosías. Recorred vuestra memoria, y si halláis alguna cosa deste jaez que encomendarme, no hay sino decilla; que yo os prometo, por la orden de caballero que recebí, de faceros satisfecho y pagado a toda vuestra voluntad. El ventero le respondió con el mesmo sosiego: — Señor caballero, yo no tengo necesidad de que vuestra merced me vengue ningún agravio, porque yo sé tomar la venganza que me parece, cuando se me hacen. Sólo he menester que vuestra merced me pague el gasto que esta noche ha hecho en la venta, así de la paja y cebada de sus dos bestias, como de la cena y camas. — Luego, ¿venta es ésta? —replicó don Quijote. — Y muy honrada —respondió el ventero. — Engañado he vivido hasta aquí —respondió don Quijote—, que en verdad que pensé que era castillo, y no malo; pero, pues es ansí que no es castillo sino venta, lo que se podrá hacer por agora es que perdonéis por la paga, que yo no puedo contravenir a la orden de los caballeros andantes, de los cuales sé cierto, sin que hasta ahora haya leído cosa en contrario, que jamás pagaron posada ni otra cosa en venta donde estuviesen, porque se les debe de fuero y de derecho cualquier buen acogimiento que se les hiciere, en pago del insufrible trabajo que padecen buscando las aventuras de noche y de día, en invierno y en verano, a pie y a caballo, con sed y con hambre, con calor y con frío, sujetos a todas las inclemencias del cielo y a todos los incómodos de la tierra. — Poco tengo yo que ver en eso —respondió el ventero—; págueseme lo que se me debe, y dejémonos de cuentos ni de caballerías, que yo no tengo cuenta con otra cosa que con cobrar mi hacienda. — Vos sois un sandio y mal hostalero —respondió don Quijote. Y, poniendo piernas al Rocinante y terciando su lanzón, se salió de la venta sin que nadie le detuviese, y él, sin mirar si le seguía su escudero, se alongó un buen trecho. El ventero, que le vio ir y que no le pagaba, acudió a cobrar de Sancho Panza, el cual dijo que, pues su señor no había querido pagar, que tampoco él pagaría; porque, siendo él escudero de caballero andante, como era, la mesma regla y razón corría por él como por su amo en no pagar cosa alguna en los mesones y ventas. Amohinóse mucho desto el ventero, y amenazóle que si no le pagaba, que lo cobraría de modo que le pesase. A lo cual Sancho respondió que, por la ley de caballería que su amo había recebido, no pagaría un solo cornado, aunque le costase la vida; porque no había de perder por él la buena y antigua usanza de los caballeros andantes, ni se habían de quejar dél los escuderos de los tales que estaban por venir al mundo, reprochándole el quebrantamiento de tan justo fuero. Quiso la mala suerte del desdichado Sancho que, entre la gente que estaba en la venta, se hallasen cuatro perailes de Segovia, tres agujeros del Potro de Córdoba y dos vecinos de la Heria de Sevilla, gente alegre, bien intencionada, maleante y juguetona, los cuales, casi como instigados y movidos de un mesmo espíritu, se llegaron a Sancho, y, apeándole del asno, uno dellos entró por la manta de la cama del huésped, y, echándole en ella, alzaron los ojos y vieron que el techo era algo más bajo de lo que habían menester para su obra, y determinaron salirse al corral, que tenía por límite el cielo. Y allí, puesto Sancho en mitad de la manta, comenzaron a levantarle en alto y a holgarse con él como con perro por carnestolendas. Las voces que el mísero manteado daba fueron tantas, que llegaron a los oídos de su amo; el cual, determinándose a escuchar atentamente, creyó que alguna nueva aventura le venía, hasta que claramente conoció que el que gritaba era su escudero; y, volviendo las riendas, con un penado galope llegó a la venta, y, hallándola cerrada, la rodeó por ver si hallaba por donde entrar; pero no hubo llegado a las paredes del corral, que no eran muy altas, cuando vio el mal juego que se le hacía a su escudero. Viole bajar y subir por el aire, con tanta gracia y presteza que, si la cólera le dejara, tengo para mí que se riera. Probó a subir desde el caballo a las bardas, pero estaba tan molido y quebrantado que aun apearse no pudo; y así, desde encima del caballo, comenzó a decir tantos denuestos y baldones a los que a Sancho manteaban, que no es posible acertar a escribillos; mas no por esto cesaban ellos de su risa y de su obra, ni el volador Sancho dejaba sus quejas, mezcladas ya con amenazas, ya con ruegos; mas todo aprovechaba poco, ni aprovechó, hasta que de puro cansados le dejaron. Trujéronle allí su asno, y, subiéndole encima, le arroparon con su gabán. Y la compasiva de Maritornes, viéndole tan fatigado, le pareció ser bien socorrelle con un jarro de agua, y así, se le trujo del pozo, por ser más frío. Tomóle Sancho, y llevándole a la boca, se paró a las voces que su amo le daba, diciendo: — ¡Hijo Sancho, no bebas agua! ¡Hijo, no la bebas, que te matará! ¿Ves? Aquí tengo el santísimo bálsamo —y enseñábale la alcuza del brebaje—, que con dos gotas que dél bebas sanarás sin duda. A estas voces volvió Sancho los ojos, como de través, y dijo con otras mayores: — ¿Por dicha hásele olvidado a vuestra merced como yo no soy caballero, o quiere que acabe de vomitar las entrañas que me quedaron de anoche? Guárdese su licor con todos los diablos y déjeme a mí. Y el acabar de decir esto y el comenzar a beber todo fue uno; mas, como al primer trago vio que era agua, no quiso pasar adelante, y rogó a Maritornes que se le trujese de vino, y así lo hizo ella de muy buena voluntad, y lo pagó de su mesmo dinero; porque, en efecto, se dice della que, aunque estaba en aquel trato, tenía unas sombras y lejos de cristiana. Así como bebió Sancho, dio de los carcaños a su asno, y, abriéndole la puerta de la venta de par en par, se salió della, muy contento de no haber pagado nada y de haber salido con su intención, aunque había sido a costa de sus acostumbrados fiadores, que eran sus espaldas. Verdad es que el ventero se quedó con sus alforjas en pago de lo que se le debía; mas Sancho no las echó menos, según salió turbado. Quiso el ventero atrancar bien la puerta así como le vio fuera, mas no lo consintieron los manteadores, que eran gente que, aunque don Quijote fuera verdaderamente de los caballeros andantes de la Tabla Redonda, no le estimaran en dos ardites. Capítulo XVIII. Donde se cuentan las razones que pasó Sancho Panza con su señor Don Quijote, con otras aventuras dignas de ser contadas Llegó Sancho a su amo marchito y desmayado; tanto, que no podía arrear a su jumento. Cuando así le vio don Quijote, le dijo: — Ahora acabo de creer, Sancho bueno, que aquel castillo o venta, de que es encantado sin duda; porque aquellos que tan atrozmente tomaron pasatiempo contigo, ¿qué podían ser sino fantasmas y gente del otro mundo? Y confirmo esto por haber visto que, cuando estaba por las bardas del corral mirando los actos de tu triste tragedia, no me fue posible subir por ellas, ni menos pude apearme de Rocinante, porque me debían de tener encantado; que te juro, por la fe de quien soy, que si pudiera subir o apearme, que yo te hiciera vengado de manera que aquellos follones y malandrines se acordaran de la burla para siempre, aunque en ello supiera contravenir a las leyes de la caballería, que, como ya muchas veces te he dicho, no consienten que caballero ponga mano contra quien no lo sea, si no fuere en defensa de su propria vida y persona, en caso de urgente y gran necesidad. — También me vengara yo si pudiera, fuera o no fuera armado caballero, pero no pude; aunque tengo para mí que aquellos que se holgaron conmigo no eran fantasmas ni hombres encantados, como vuestra merced dice, sino hombres de carne y hueso como nosotros; y todos, según los oí nombrar cuando me volteaban, tenían sus nombres: que el uno se llamaba Pedro Martínez, y el otro Tenorio Hernández, y el ventero oí que se llamaba Juan Palomeque el Zurdo. Así que, señor, el no poder saltar las bardas del corral, ni apearse del caballo, en ál estuvo que en encantamentos. Y lo que yo saco en limpio de todo esto es que estas aventuras que andamos buscando, al cabo al cabo, nos han de traer a tantas desventuras que no sepamos cuál es nuestro pie derecho. Y lo que sería mejor y más acertado, según mi poco entendimiento, fuera el volvernos a nuestro lugar, ahora que es tiempo de la siega y de entender en la hacienda, dejándonos de andar de Ceca en Meca y de zoca en colodra, como dicen. — ¡Qué poco sabes, Sancho —respondió don Quijote—, de achaque de caballería! Calla y ten paciencia, que día vendrá donde veas por vista de ojos cuán honrosa cosa es andar en este ejercicio. Si no, dime: ¿qué mayor contento puede haber en el mundo, o qué gusto puede igualarse al de vencer una batalla y al de triunfar de su enemigo? Ninguno, sin duda alguna. — Así debe de ser —respondió Sancho—, puesto que yo no lo sé; sólo sé que, después que somos caballeros andantes, o vuestra merced lo es (que yo no hay para qué me cuente en tan honroso número), jamás hemos vencido batalla alguna, si no fue la del vizcaíno, y aun de aquélla salió vuestra merced con media oreja y media celada menos; que, después acá, todo ha sido palos y más palos, puñadas y más puñadas, llevando yo de ventaja el manteamiento y haberme sucedido por personas encantadas, de quien no puedo vengarme, para saber hasta dónde llega el gusto del vencimiento del enemigo, como vuestra merced dice. — Ésa es la pena que yo tengo y la que tú debes tener, Sancho —respondió don Quijote—; pero, de aquí adelante, yo procuraré haber a las manos alguna espada hecha por tal maestría, que al que la trujere consigo no le puedan hacer ningún género de encantamentos; y aun podría ser que me deparase la ventura aquella de Amadís, cuando se llamaba el Caballero de la Ardiente Espada, que fue una de las mejores espadas que tuvo caballero en el mundo, porque, fuera que tenía la virtud dicha, cortaba como una navaja, y no había armadura, por fuerte y encantada que fuese, que se le parase delante. — Yo soy tan venturoso —dijo Sancho— que, cuando eso fuese y vuestra merced viniese a hallar espada semejante, sólo vendría a servir y aprovechar a los armados caballeros, como el bálsamo; y los escuderos, que se los papen duelos. — No temas eso, Sancho —dijo don Quijote—, que mejor lo hará el cielo contigo. Es estos coloquios iban don Quijote y su escudero, cuando vio don Quijote que por el camino que iban venía hacia ellos una grande y espesa polvareda; y, en viéndola, se volvió a Sancho y le dijo: — Éste es el día, ¡oh Sancho!, en el cual se ha de ver el bien que me tiene guardado mi suerte; éste es el día, digo, en que se ha de mostrar, tanto como en otro alguno, el valor de mi brazo, y en el que tengo de hacer obras que queden escritas en el libro de la Fama por todos los venideros siglos. ¿Ves aquella polvareda que allí se levanta, Sancho? Pues toda es cuajada de un copiosísimo ejército que de diversas e innumerables gentes por allí viene marchando. — A esa cuenta, dos deben de ser —dijo Sancho—, porque desta parte contraria se levanta asimesmo otra semejante polvareda. Volvió a mirarlo don Quijote, y vio que así era la verdad; y, alegrándose sobremanera, pensó, sin duda alguna, que eran dos ejércitos que venían a embestirse y a encontrarse en mitad de aquella espaciosa llanura; porque tenía a todas horas y momentos llena la fantasía de aquellas batallas, encantamentos, sucesos, desatinos, amores, desafíos, que en los libros de caballerías se cuentan, y todo cuanto hablaba, pensaba o hacía era encaminado a cosas semejantes. Y la polvareda que había visto la levantaban dos grandes manadas de ovejas y carneros que, por aquel mesmo camino, de dos diferentes partes venían, las cuales, con el polvo, no se echaron de ver hasta que llegaron cerca. Y con tanto ahínco afirmaba don Quijote que eran ejércitos, que Sancho lo vino a creer y a decirle: — Señor, ¿pues qué hemos de hacer nosotros? — ¿Qué? —dijo don Quijote—: favorecer y ayudar a los menesterosos y desvalidos. Y has de saber, Sancho, que este que viene por nuestra frente le conduce y guía el grande emperador Alifanfarón, señor de la grande isla Trapobana; este otro que a mis espaldas marcha es el de su enemigo, el rey de los garamantas, Pentapolén del Arremangado Brazo, porque siempre entra en las batallas con el brazo derecho desnudo. — Pues, ¿por qué se quieren tan mal estos dos señores? —preguntó Sancho. — Quierénse mal —respondió don Quijote— porque este Alefanfarón es un foribundo pagano y está enamorado de la hija de Pentapolín, que es una muy fermosa y además agraciada señora, y es cristiana, y su padre no se la quiere entregar al rey pagano si no deja primero la ley de su falso profeta Mahoma y se vuelve a la suya. — ¡Para mis barbas —dijo Sancho—, si no hace muy bien Pentapolín, y que le tengo de ayudar en cuanto pudiere! — En eso harás lo que debes, Sancho —dijo don Quijote—, porque, para entrar en batallas semejantes, no se requiere ser armado caballero. — Bien se me alcanza eso —respondió Sancho—, pero, ¿dónde pondremos a este asno que estemos ciertos de hallarle después de pasada la refriega? Porque el entrar en ella en semejante caballería no creo que está en uso hasta agora. — Así es verdad —dijo don Quijote—. Lo que puedes hacer dél es dejarle a sus aventuras, ora se pierda o no, porque serán tantos los caballos que tendremos, después que salgamos vencedores, que aun corre peligro Rocinante no le trueque por otro. Pero estáme atento y mira, que te quiero dar cuenta de los caballeros más principales que en estos dos ejércitos vienen. Y, para que mejor los veas y notes, retirémonos a aquel altillo que allí se hace, de donde se deben de descubrir los dos ejércitos. Hiciéronlo ansí, y pusierónse sobre una loma, desde la cual se vieran bien las dos manadas que a don Quijote se le hicieron ejército, si las nubes del polvo que levantaban no les turbara y cegara la vista; pero, con todo esto, viendo en su imaginación lo que no veía ni había, con voz levantada comenzó a decir: — Aquel caballero que allí ves de las armas jaldes, que trae en el escudo un león coronado, rendido a los pies de una doncella, es el valeroso Laurcalco, señor de la Puente de Plata; el otro de las armas de las flores de oro, que trae en el escudo tres coronas de plata en campo azul, es el temido Micocolembo, gran duque de Quirocia; el otro de los miembros giganteos, que está a su derecha mano, es el nunca medroso Brandabarbarán de Boliche, señor de las tres Arabias, que viene armado de aquel cuero de serpiente, y tiene por escudo una puerta que, según es fama, es una de las del templo que derribó Sansón, cuando con su muerte se vengó de sus enemigos. Pero vuelve los ojos a estotra parte y verás delante y en la frente destotro ejército al siempre vencedor y jamás vencido Timonel de Carcajona, príncipe de la Nueva Vizcaya, que viene armado con las armas partidas a cuarteles, azules, verdes, blancas y amarillas, y trae en el escudo un gato de oro en campo leonado, con una letra que dice: Miau, que es el principio del nombre de su dama, que, según se dice, es la sin par Miulina, hija del duque Alfeñiquén del Algarbe; el otro, que carga y oprime los lomos de aquella poderosa alfana, que trae las armas como nieve blancas y el escudo blanco y sin empresa alguna, es un caballero novel, de nación francés, llamado Pierres Papín, señor de las baronías de Utrique; el otro, que bate las ijadas con los herrados carcaños a aquella pintada y ligera cebra, y trae las armas de los veros azules, es el poderoso duque de Nerbia, Espartafilardo del Bosque, que trae por empresa en el escudo una esparraguera, con una letra en castellano que dice así: Rastrea mi suerte. Y desta manera fue nombrando muchos caballeros del uno y del otro escuadrón, que él se imaginaba, y a todos les dio sus armas, colores, empresas y motes de improviso, llevado de la imaginación de su nunca vista locura; y, sin parar, prosiguió diciendo: — A este escuadrón frontero forman y hacen gentes de diversas naciones: aquí están los que bebían las dulces aguas del famoso Janto; los montuosos que pisan los masílicos campos; los que criban el finísimo y menudo oro en la felice Arabia; los que gozan las famosas y frescas riberas del claro Termodonte; los que sangran por muchas y diversas vías al dorado Pactolo; los númidas, dudosos en sus promesas; los persas, arcos y flechas famosos; los partos, los medos, que pelean huyendo; los árabes, de mudables casas; los citas, tan crueles como blancos; los etiopes, de horadados labios, y otras infinitas naciones, cuyos rostros conozco y veo, aunque de los nombres no me acuerdo. En estotro escuadrón vienen los que beben las corrientes cristalinas del olivífero Betis; los que tersan y pulen sus rostros con el licor del siempre rico y dorado Tajo; los que gozan las provechosas aguas del divino Genil; los que pisan los tartesios campos, de pastos abundantes; los que se alegran en los elíseos jerezanos prados; los manchegos, ricos y coronados de rubias espigas; los de hierro vestidos, reliquias antiguas de la sangre goda; los que en Pisuerga se bañan, famoso por la mansedumbre de su corriente; los que su ganado apacientan en las estendidas dehesas del tortuoso Guadiana, celebrado por su escondido curso; los que tiemblan con el frío del silvoso Pirineo y con los blancos copos del levantado Apenino; finalmente, cuantos toda la Europa en sí contiene y encierra. ¡Válame Dios, y cuántas provincias dijo, cuántas naciones nombró, dándole a cada una, con maravillosa presteza, los atributos que le pertenecían, todo absorto y empapado en lo que había leído en sus libros mentirosos! Estaba Sancho Panza colgado de sus palabras, sin hablar ninguna, y, de cuando en cuando, volvía la cabeza a ver si veía los caballeros y gigantes que su amo nombraba; y, como no descubría a ninguno, le dijo: — Señor, encomiendo al diablo hombre, ni gigante, ni caballero de cuantos vuestra merced dice parece por todo esto; a lo menos, yo no los veo; quizá todo debe ser encantamento, como las fantasmas de anoche. — ¿Cómo dices eso? —respondió don Quijote—. ¿No oyes el relinchar de los caballos, el tocar de los clarines, el ruido de los atambores? — No oigo otra cosa —respondió Sancho— sino muchos balidos de ovejas y carneros. Y así era la verdad, porque ya llegaban cerca los dos rebaños. — El miedo que tienes —dijo don Quijote— te hace, Sancho, que ni veas ni oyas a derechas; porque uno de los efectos del miedo es turbar los sentidos y hacer que las cosas no parezcan lo que son; y si es que tanto temes, retírate a una parte y déjame solo, que solo basto a dar la victoria a la parte a quien yo diere mi ayuda. Y, diciendo esto, puso las espuelas a Rocinante, y, puesta la lanza en el ristre, bajó de la costezuela como un rayo. Diole voces Sancho, diciéndole: — ¡Vuélvase vuestra merced, señor don Quijote, que voto a Dios que son carneros y ovejas las que va a embestir! ¡Vuélvase, desdichado del padre que me engendró! ¿Qué locura es ésta? Mire que no hay gigante ni caballero alguno, ni gatos, ni armas, ni escudos partidos ni enteros, ni veros azules ni endiablados. ¿Qué es lo que hace? ¡Pecador soy yo a Dios! Ni por ésas volvió don Quijote; antes, en altas voces, iba diciendo: — ¡Ea, caballeros, los que seguís y militáis debajo de las banderas del valeroso emperador Pentapolín del Arremangado Brazo, seguidme todos: veréis cuán fácilmente le doy venganza de su enemigo Alefanfarón de la Trapobana! Esto diciendo, se entró por medio del escuadrón de las ovejas, y comenzó de alanceallas con tanto coraje y denuedo como si de veras alanceara a sus mortales enemigos. Los pastores y ganaderos que con la manada venían dábanle voces que no hiciese aquello; pero, viendo que no aprovechaban, desciñéronse las hondas y comenzaron a saludalle los oídos con piedras como el puño. Don Quijote no se curaba de las piedras; antes, discurriendo a todas partes, decía: — ¿Adónde estás, soberbio Alifanfuón? Vente a mí; que un caballero solo soy, que desea, de solo a solo, probar tus fuerzas y quitarte la vida, en pena de la que das al valeroso Pentapolín Garamanta. Llegó en esto una peladilla de arroyo, y, dándole en un lado, le sepultó dos costillas en el cuerpo. Viéndose tan maltrecho, creyó sin duda que estaba muerto o malferido, y, acordándose de su licor, sacó su alcuza y púsosela a la boca, y comenzó a echar licor en el estómago; mas, antes que acabase de envasar lo que a él le parecía que era bastante, llegó otra almendra y diole en la mano y en el alcuza tan de lleno que se la hizo pedazos, llevándole de camino tres o cuatro dientes y muelas de la boca, y machucándole malamente dos dedos de la mano. Tal fue el golpe primero, y tal el segundo, que le fue forzoso al pobre caballero dar consigo del caballo abajo. Llegáronse a él los pastores y creyeron que le habían muerto; y así, con mucha priesa, recogieron su ganado, y cargaron de las reses muertas, que pasaban de siete, y, sin averiguar otra cosa, se fueron. Estábase todo este tiempo Sancho sobre la cuesta, mirando las locuras que su amo hacía, y arrancábase las barbas, maldiciendo la hora y el punto en que la fortuna se le había dado a conocer. Viéndole, pues, caído en el suelo, y que ya los pastores se habían ido, bajó de la cuesta y llegóse a él, y hallóle de muy mal arte, aunque no había perdido el sentido, y díjole: — ¿No le decía yo, señor don Quijote, que se volviese, que los que iba a acometer no eran ejércitos, sino manadas de carneros? — Como eso puede desparecer y contrahacer aquel ladrón del sabio mi enemigo. Sábete, Sancho, que es muy fácil cosa a los tales hacernos parecer lo que quieren, y este maligno que me persigue, envidioso de la gloria que vio que yo había de alcanzar desta batalla, ha vuelto los escuadrones de enemigos en manadas de ovejas. Si no, haz una cosa, Sancho, por mi vida, porque te desengañes y veas ser verdad lo que te digo: sube en tu asno y síguelos bonitamente, y verás cómo, en alejándose de aquí algún poco, se vuelven en su ser primero, y, dejando de ser carneros, son hombres hechos y derechos, como yo te los pinté primero... Pero no vayas agora, que he menester tu favor y ayuda; llégate a mí y mira cuántas muelas y dientes me faltan, que me parece que no me ha quedado ninguno en la boca. Llegóse Sancho tan cerca que casi le metía los ojos en la boca, y fue a tiempo que ya había obrado el bálsamo en el estómago de don Quijote; y, al tiempo que Sancho llegó a mirarle la boca, arrojó de sí, más recio que una escopeta, cuanto dentro tenía, y dio con todo ello en las barbas del compasivo escudero. — ¡Santa María! —dijo Sancho—, ¿y qué es esto que me ha sucedido? Sin duda, este pecador está herido de muerte, pues vomita sangre por la boca. Pero, reparando un poco más en ello, echó de ver en la color, sabor y olor, que no era sangre, sino el bálsamo de la alcuza que él le había visto beber; y fue tanto el asco que tomó que, revolviéndosele el estómago, vomitó las tripas sobre su mismo señor, y quedaron entrambos como de perlas. Acudió Sancho a su asno para sacar de las alforjas con qué limpiarse y con qué curar a su amo; y, como no las halló, estuvo a punto de perder el juicio. Maldíjose de nuevo, y propuso en su corazón de dejar a su amo y volverse a su tierra, aunque perdiese el salario de lo servido y las esperanzas del gobierno de la prometida ínsula. Levantóse en esto don Quijote, y, puesta la mano izquierda en la boca, porque no se le acabasen de salir los dientes, asió con la otra las riendas de Rocinante, que nunca se había movido de junto a su amo —tal era de leal y bien acondicionado—, y fuese adonde su escudero estaba, de pechos sobre su asno, con la mano en la mejilla, en guisa de hombre pensativo además. Y, viéndole don Quijote de aquella manera, con muestras de tanta tristeza, le dijo: — Sábete, Sancho, que no es un hombre más que otro si no hace más que otro. Todas estas borrascas que nos suceden son señales de que presto ha de serenar el tiempo y han de sucedernos bien las cosas; porque no es posible que el mal ni el bien sean durables, y de aquí se sigue que, habiendo durado mucho el mal, el bien está ya cerca. Así que, no debes congojarte por las desgracias que a mí me suceden, pues a ti no te cabe parte dellas. — ¿Cómo no? —respondió Sancho—. Por ventura, el que ayer mantearon, ¿era otro que el hijo de mi padre? Y las alforjas que hoy me faltan, con todas mis alhajas, ¿son de otro que del mismo? — ¿Que te faltan las alforjas, Sancho? —dijo don Quijote. — Sí que me faltan —respondió Sancho. — Dese modo, no tenemos qué comer hoy —replicó don Quijote. — Eso fuera —respondió Sancho— cuando faltaran por estos prados las yerbas que vuestra merced dice que conoce, con que suelen suplir semejantes faltas los tan malaventurados andantes caballeros como vuestra merced es. — Con todo eso —respondió don Quijote—, tomara yo ahora más aína un cuartal de pan, o una hogaza y dos cabezas de sardinas arenques, que cuantas yerbas describe Dioscórides, aunque fuera el ilustrado por el doctor Laguna. Mas, con todo esto, sube en tu jumento, Sancho el bueno, y vente tras mí; que Dios, que es proveedor de todas las cosas, no nos ha de faltar, y más andando tan en su servicio como andamos, pues no falta a los mosquitos del aire, ni a los gusanillos de la tierra, ni a los renacuajos del agua; y es tan piadoso que hace salir su sol sobre los buenos y los malos, y llueve sobre los injustos y justos. — Más bueno era vuestra merced —dijo Sancho— para predicador que para caballero andante. — De todo sabían y han de saber los caballeros andantes, Sancho —dijo don Quijote—, porque caballero andante hubo en los pasados siglos que así se paraba a hacer un sermón o plática, en mitad de un campo real, como si fuera graduado por la Universidad de París; de donde se infiere que nunca la lanza embotó la pluma, ni la pluma la lanza. — Ahora bien, sea así como vuestra merced dice —respondió Sancho—, vamos ahora de aquí, y procuremos donde alojar esta noche, y quiera Dios que sea en parte donde no haya mantas, ni manteadores, ni fantasmas, ni moros encantados; que si los hay, daré al diablo el hato y el garabato. — Pídeselo tú a Dios, hijo —dijo don Quijote—, y guía tú por donde quisieres, que esta vez quiero dejar a tu eleción el alojarnos. Pero dame acá la mano y atiéntame con el dedo, y mira bien cuántos dientes y muelas me faltan deste lado derecho de la quijada alta, que allí siento el dolor. Metió Sancho los dedos, y, estándole tentando, le dijo: — ¿Cuántas muelas solía vuestra merced tener en esta parte? — Cuatro —respondió don Quijote—, fuera de la cordal, todas enteras y muy sanas. — Mire vuestra merced bien lo que dice, señor —respondió Sancho. — Digo cuatro, si no eran cinco —respondió don Quijote—, porque en toda mi vida me han sacado diente ni muela de la boca, ni se me ha caído ni comido de neguijón ni de reuma alguna. — Pues en esta parte de abajo —dijo Sancho— no tiene vuestra merced más de dos muelas y media, y en la de arriba, ni media ni ninguna, que toda está rasa como la palma de la mano. — ¡Sin ventura yo! —dijo don Quijote, oyendo las tristes nuevas que su escudero le daba—, que más quisiera que me hubieran derribado un brazo, como no fuera el de la espada; porque te hago saber, Sancho, que la boca sin muelas es como molino sin piedra, y en mucho más se ha de estimar un diente que un diamante. Mas a todo esto estamos sujetos los que profesamos la estrecha orden de la caballería. Sube, amigo, y guía, que yo te seguiré al paso que quisieres. Hízolo así Sancho, y encaminóse hacia donde le pareció que podía hallar acogimiento, sin salir del camino real, que por allí iba muy seguido. Yéndose, pues, poco a poco, porque el dolor de las quijadas de don Quijote no le dejaba sosegar ni atender a darse priesa, quiso Sancho entretenelle y divertille diciéndole alguna cosa; y, entre otras que le dijo, fue lo que se dirá en el siguiente capítulo. Capítulo XIX. De las discretas razones que Sancho pasaba con su amo, y de la aventura que le sucedió con un cuerpo muerto, con otros acontecimientos famosos — Paréceme, señor mío, que todas estas desventuras que estos días nos han sucedido, sin duda alguna han sido pena del pecado cometido por vuestra merced contra la orden de su caballería, no habiendo cumplido el juramento que hizo de no comer pan a manteles ni con la reina folgar, con todo aquello que a esto se sigue y vuestra merced juró de cumplir, hasta quitar aquel almete de Malandrino, o como se llama el moro, que no me acuerdo bien. — Tienes mucha razón, Sancho —dijo don Quijote—; mas, para decirte verdad, ello se me había pasado de la memoria; y también puedes tener por cierto que por la culpa de no habérmelo tú acordado en tiempo te sucedió aquello de la manta; pero yo haré la enmienda, que modos hay de composición en la orden de la caballería para todo. — Pues, ¿juré yo algo, por dicha? —respondió Sancho. — No importa que no hayas jurado —dijo don Quijote—: basta que yo entiendo que de participantes no estás muy seguro, y, por sí o por no, no será malo proveernos de remedio. — Pues si ello es así —dijo Sancho—, mire vuestra merced no se le torne a olvidar esto, como lo del juramento; quizá les volverá la gana a las fantasmas de solazarse otra vez conmigo, y aun con vuestra merced si le ven tan pertinaz. En estas y otras pláticas les tomó la noche en mitad del camino, sin tener ni descubrir donde aquella noche se recogiesen; y lo que no había de bueno en ello era que perecían de hambre; que, con la falta de las alforjas, les faltó toda la despensa y matalotaje. Y, para acabar de confirmar esta desgracia, les sucedió una aventura que, sin artificio alguno, verdaderamente lo parecía. Y fue que la noche cerró con alguna escuridad; pero, con todo esto, caminaban, creyendo Sancho que, pues aquel camino era real, a una o dos leguas, de buena razón, hallaría en él alguna venta. Yendo, pues, desta manera, la noche escura, el escudero hambriento y el amo con gana de comer, vieron que por el mesmo camino que iban venían hacia ellos gran multitud de lumbres, que no parecían sino estrellas que se movían. Pasmóse Sancho en viéndolas, y don Quijote no las tuvo todas consigo; tiró el uno del cabestro a su asno, y el otro de las riendas a su rocino, y estuvieron quedos, mirando atentamente lo que podía ser aquello, y vieron que las lumbres se iban acercando a ellos, y mientras más se llegaban, mayores parecían; a cuya vista Sancho comenzó a temblar como un azogado, y los cabellos de la cabeza se le erizaron a don Quijote; el cual, animándose un poco, dijo: — Ésta, sin duda, Sancho, debe de ser grandísima y peligrosísima aventura, donde será necesario que yo muestre todo mi valor y esfuerzo. — ¡Desdichado de mí! —respondió Sancho—; si acaso esta aventura fuese de fantasmas, como me lo va pareciendo, ¿adónde habrá costillas que la sufran? — Por más fantasmas que sean —dijo don Quijote—, no consentiré yo que te toque en el pelo de la ropa; que si la otra vez se burlaron contigo, fue porque no pude yo saltar las paredes del corral, pero ahora estamos en campo raso, donde podré yo como quisiere esgremir mi espada. — Y si le encantan y entomecen, como la otra vez lo hicieron —dijo Sancho—, ¿qué aprovechará estar en campo abierto o no? — Con todo eso —replicó don Quijote—, te ruego, Sancho, que tengas buen ánimo, que la experiencia te dará a entender el que yo tengo. — Sí tendré, si a Dios place —respondió Sancho. Y, apartándose los dos a un lado del camino, tornaron a mirar atentamente lo que aquello de aquellas lumbres que caminaban podía ser; y de allí a muy poco descubrieron muchos encamisados, cuya temerosa visión de todo punto remató el ánimo de Sancho Panza, el cual comenzó a dar diente con diente, como quien tiene frío de cuartana; y creció más el batir y dentellear cuando distintamente vieron lo que era, porque descubrieron hasta veinte encamisados, todos a caballo, con sus hachas encendidas en las manos; detrás de los cuales venía una litera cubierta de luto, a la cual seguían otros seis de a caballo, enlutados hasta los pies de las mulas; que bien vieron que no eran caballos en el sosiego con que caminaban. Iban los encamisados murmurando entre sí, con una voz baja y compasiva. Esta estraña visión, a tales horas y en tal despoblado, bien bastaba para poner miedo en el corazón de Sancho, y aun en el de su amo; y así fuera en cuanto a don Quijote, que ya Sancho había dado al través con todo su esfuerzo. Lo contrario le avino a su amo, al cual en aquel punto se le representó en su imaginación al vivo que aquélla era una de las aventuras de sus libros. Figurósele que la litera eran andas donde debía de ir algún mal ferido o muerto caballero, cuya venganza a él solo estaba reservada; y, sin hacer otro discurso, enristró su lanzón, púsose bien en la silla, y con gentil brío y continente se puso en la mitad del camino por donde los encamisados forzosamente habían de pasar, y cuando los vio cerca alzó la voz y dijo: — Deteneos, caballeros, o quienquiera que seáis, y dadme cuenta de quién sois, de dónde venís, adónde vais, qué es lo que en aquellas andas lleváis; que, según las muestras, o vosotros habéis fecho, o vos han fecho, algún desaguisado, y conviene y es menester que yo lo sepa, o bien para castigaros del mal que fecistes, o bien para vengaros del tuerto que vos ficieron. — Vamos de priesa —respondió uno de los encamisados— y está la venta lejos, y no nos podemos detener a dar tanta cuenta como pedís. Y, picando la mula, pasó adelante. Sintióse desta respuesta grandemente don Quijote, y, trabando del freno, dijo: — Deteneos y sed más bien criado, y dadme cuenta de lo que os he preguntado; si no, conmigo sois todos en batalla. Era la mula asombradiza, y al tomarla del freno se espantó de manera que, alzándose en los pies, dio con su dueño por las ancas en el suelo. Un mozo que iba a pie, viendo caer al encamisado, comenzó a denostar a don Quijote, el cual, ya encolerizado, sin esperar más, enristrando su lanzón, arremetió a uno de los enlutados, y, mal ferido, dio con él en tierra; y, revolviéndose por los demás, era cosa de ver con la presteza que los acometía y desbarataba; que no parecía sino que en aquel instante le habían nacido alas a Rocinante, según andaba de ligero y orgulloso. Todos los encamisados era gente medrosa y sin armas, y así, con facilidad, en un momento dejaron la refriega y comenzaron a correr por aquel campo con las hachas encendidas, que no parecían sino a los de las máscaras que en noche de regocijo y fiesta corren. Los enlutados, asimesmo, revueltos y envueltos en sus faldamentos y lobas, no se podían mover; así que, muy a su salvo, don Quijote los apaleó a todos y les hizo dejar el sitio mal de su grado, porque todos pensaron que aquél no era hombre, sino diablo del infierno que les salía a quitar el cuerpo muerto que en la litera llevaban. Todo lo miraba Sancho, admirado del ardimiento de su señor, y decía entre sí: — Sin duda este mi amo es tan valiente y esforzado como él dice. Estaba una hacha ardiendo en el suelo, junto al primero que derribó la mula, a cuya luz le pudo ver don Quijote; y, llegándose a él, le puso la punta del lanzón en el rostro, diciéndole que se rindiese; si no, que le mataría. A lo cual respondió el caído: — Harto rendido estoy, pues no me puedo mover, que tengo una pierna quebrada; suplico a vuestra merced, si es caballero cristiano, que no me mate; que cometerá un gran sacrilegio, que soy licenciado y tengo las primeras órdenes. — Pues, ¿quién diablos os ha traído aquí —dijo don Quijote—, siendo hombre de Iglesia? — ¿Quién, señor? —replicó el caído—: mi desventura. — Pues otra mayor os amenaza —dijo don Quijote—, si no me satisfacéis a todo cuanto primero os pregunté. — Con facilidad será vuestra merced satisfecho —respondió el licenciado—; y así, sabrá vuestra merced que, aunque denantes dije que yo era licenciado, no soy sino bachiller, y llámome Alonso López; soy natural de Alcobendas; vengo de la ciudad de Baeza con otros once sacerdotes, que son los que huyeron con las hachas; vamos a la ciudad de Segovia acompañando un cuerpo muerto, que va en aquella litera, que es de un caballero que murió en Baeza, donde fue depositado; y ahora, como digo, llevábamos sus huesos a su sepultura, que está en Segovia, de donde es natural. — ¿Y quién le mató? —preguntó don Quijote. — Dios, por medio de unas calenturas pestilentes que le dieron —respondió el bachiller. — Desa suerte —dijo don Quijote—, quitado me ha Nuestro Señor del trabajo que había de tomar en vengar su muerte si otro alguno le hubiera muerto; pero, habiéndole muerto quien le mató, no hay sino callar y encoger los hombros, porque lo mesmo hiciera si a mí mismo me matara. Y quiero que sepa vuestra reverencia que yo soy un caballero de la Mancha, llamado don Quijote, y es mi oficio y ejercicio andar por el mundo enderezando tuertos y desfaciendo agravios. — No sé cómo pueda ser eso de enderezar tuertos —dijo el bachiller—, pues a mí de derecho me habéis vuelto tuerto, dejándome una pierna quebrada, la cual no se verá derecha en todos los días de su vida; y el agravio que en mí habéis deshecho ha sido dejarme agraviado de manera que me quedaré agraviado para siempre; y harta desventura ha sido topar con vos, que vais buscando aventuras. — No todas las cosas —respondió don Quijote— suceden de un mismo modo. El daño estuvo, señor bachiller Alonso López, en venir, como veníades, de noche, vestidos con aquellas sobrepellices, con las hachas encendidas, rezando, cubiertos de luto, que propiamente semejábades cosa mala y del otro mundo; y así, yo no pude dejar de cumplir con mi obligación acometiéndoos, y os acometiera aunque verdaderamente supiera que érades los memos satanases del infierno, que por tales os juzgué y tuve siempre. — Ya que así lo ha querido mi suerte —dijo el bachiller—, suplico a vuestra merced, señor caballero andante (que tan mala andanza me ha dado), me ayude a salir de debajo desta mula, que me tiene tomada una pierna entre el estribo y la silla. — ¡Hablara yo para mañana! —dijo don Quijote—. Y ¿hasta cuándo aguardábades a decirme vuestro afán? Dio luego voces a Sancho Panza que viniese; pero él no se curó de venir, porque andaba ocupado desvalijando una acémila de repuesto que traían aquellos buenos señores, bien bastecida de cosas de comer. Hizo Sancho costal de su gabán, y, recogiendo todo lo que pudo y cupo en el talego, cargó su jumento, y luego acudió a las voces de su amo y ayudó a sacar al señor bachiller de la opresión de la mula; y, poniéndole encima della, le dio la hacha, y don Quijote le dijo que siguiese la derrota de sus compañeros, a quien de su parte pidiese perdón del agravio, que no había sido en su mano dejar de haberle hecho. Díjole también Sancho: — Si acaso quisieren saber esos señores quién ha sido el valeroso que tales los puso, diráles vuestra merced que es el famoso don Quijote de la Mancha, que por otro nombre se llama el Caballero de la Triste Figura. Con esto, se fue el bachiller; y don Quijote preguntó a Sancho que qué le había movido a llamarle el Caballero de la Triste Figura, más entonces que nunca. — Yo se lo diré —respondió Sancho—: porque le he estado mirando un rato a la luz de aquella hacha que lleva aquel malandante, y verdaderamente tiene vuestra merced la más mala figura, de poco acá, que jamás he visto; y débelo de haber causado, o ya el cansancio deste combate, o ya la falta de las muelas y dientes. — No es eso —respondió don Quijote—, sino que el sabio, a cuyo cargo debe de estar el escribir la historia de mis hazañas, le habrá parecido que será bien que yo tome algún nombre apelativo, como lo tomaban todos los caballeros pasados: cuál se llamaba el de la Ardiente Espada; cuál, el del Unicornio; aquel, de las Doncellas; aquéste, el del Ave Fénix; el otro, el Caballero del Grifo; estotro, el de la Muerte; y por estos nombres e insignias eran conocidos por toda la redondez de la tierra. Y así, digo que el sabio ya dicho te habrá puesto en la lengua y en el pensamiento ahora que me llamases el Caballero de la Triste Figura, como pienso llamarme desde hoy en adelante; y, para que mejor me cuadre tal nombre, determino de hacer pintar, cuando haya lugar, en mi escudo una muy triste figura. — No hay para qué gastar tiempo y dineros en hacer esa figura —dijo Sancho—, sino lo que se ha de hacer es que vuestra merced descubra la suya y dé rostro a los que le miraren; que, sin más ni más, y sin otra imagen ni escudo, le llamarán el de la Triste Figura; y créame que le digo verdad, porque le prometo a vuestra merced, señor, y esto sea dicho en burlas, que le hace tan mala cara la hambre y la falta de las muelas, que, como ya tengo dicho, se podrá muy bien escusar la triste pintura. Rióse don Quijote del donaire de Sancho, pero, con todo, propuso de llamarse de aquel nombre en pudiendo pintar su escudo, o rodela, como había imaginado. En esto volvió el bachiller y le dijo a don Quijote: — Olvidábaseme de decir que advierta vuestra merced que queda descomulgado por haber puesto las manos violentamente en cosa sagrada: juxta illud: Si quis suadente diabolo, etc. — No entiendo ese latín —respondió don Quijote—, mas yo sé bien que no puse las manos, sino este lanzón; cuanto más, que yo no pensé que ofendía a sacerdotes ni a cosas de la Iglesia, a quien respeto y adoro como católico y fiel cristiano que soy, sino a fantasmas y a vestiglos del otro mundo; y, cuando eso así fuese, en la memoria tengo lo que le pasó al Cid Ruy Díaz, cuando quebró la silla del embajador de aquel rey delante de Su Santidad del Papa, por lo cual lo descomulgó, y anduvo aquel día el buen Rodrigo de Vivar como muy honrado y valiente caballero. En oyendo esto el bachiller, se fue, como queda dicho, sin replicarle palabra. Quisiera don Quijote mirar si el cuerpo que venía en la litera eran huesos o no, pero no lo consintió Sancho, diciéndole: — Señor, vuestra merced ha acabado esta peligrosa aventura lo más a su salvo de todas las que yo he visto; esta gente, aunque vencida y desbaratada, podría ser que cayese en la cuenta de que los venció sola una persona, y, corridos y avergonzados desto, volviesen a rehacerse y a buscarnos, y nos diesen en qué entender. El jumento está como conviene, la montaña cerca, la hambre carga, no hay que hacer sino retirarnos con gentil compás de pies, y, como dicen, váyase el muerto a la sepultura y el vivo a la hogaza. Y, antecogiendo su asno, rogó a su señor que le siguiese; el cual, pareciéndole que Sancho tenía razón, sin volverle a replicar, le siguió. Y, a poco trecho que caminaban por entre dos montañuelas, se hallaron en un espacioso y escondido valle, donde se apearon; y Sancho alivió el jumento, y, tendidos sobre la verde yerba, con la salsa de su hambre, almorzaron, comieron, merendaron y cenaron a un mesmo punto, satisfaciendo sus estómagos con más de una fiambrera que los señores clérigos del difunto — que pocas veces se dejan mal pasar— en la acémila de su repuesto traían. Mas sucedióles otra desgracia, que Sancho la tuvo por la peor de todas, y fue que no tenían vino que beber, ni aun agua que llegar a la boca; y, acosados de la sed, dijo Sancho, viendo que el prado donde estaban estaba colmado de verde y menuda yerba, lo que se dirá en el siguiente capítulo. Capítulo XX. De la jamás vista ni oída aventura que con más poco peligro fue acabada de famoso caballero en el mundo, como la que acabó el valeroso don Quijote de la Mancha — No es posible, señor mío, sino que estas yerbas dan testimonio de que por aquí cerca debe de estar alguna fuente o arroyo que estas yerbas humedece; y así, será bien que vamos un poco más adelante, que ya toparemos donde podamos mitigar esta terrible sed que nos fatiga, que, sin duda, causa mayor pena que la hambre. Parecióle bien el consejo a don Quijote, y, tomando de la rienda a Rocinante, y Sancho del cabestro a su asno, después de haber puesto sobre él los relieves que de la cena quedaron, comenzaron a caminar por el prado arriba a tiento, porque la escuridad de la noche no les dejaba ver cosa alguna; mas, no hubieron andado docientos pasos, cuando llegó a sus oídos un grande ruido de agua, como que de algunos grandes y levantados riscos se despeñaba. Alegróles el ruido en gran manera, y, parándose a escuchar hacia qué parte sonaba, oyeron a deshora otro estruendo que les aguó el contento del agua, especialmente a Sancho, que naturalmente era medroso y de poco ánimo. Digo que oyeron que daban unos golpes a compás, con un cierto crujir de hierros y cadenas, que, acompañados del furioso estruendo del agua, que pusieran pavor a cualquier otro corazón que no fuera el de don Quijote. Era la noche, como se ha dicho, escura, y ellos acertaron a entrar entre unos árboles altos, cuyas hojas, movidas del blando viento, hacían un temeroso y manso ruido; de manera que la soledad, el sitio, la escuridad, el ruido del agua con el susurro de las hojas, todo causaba horror y espanto, y más cuando vieron que ni los golpes cesaban, ni el viento dormía, ni la mañana llegaba; añadiéndose a todo esto el ignorar el lugar donde se hallaban. Pero don Quijote, acompañado de su intrépido corazón, saltó sobre Rocinante, y, embrazando su rodela, terció su lanzón y dijo: — Sancho amigo, has de saber que yo nací, por querer del cielo, en esta nuestra edad de hierro, para resucitar en ella la de oro, o la dorada, como suele llamarse. Yo soy aquél para quien están guardados los peligros, las grandes hazañas, los valerosos hechos. Yo soy, digo otra vez, quien ha de resucitar los de la Tabla Redonda, los Doce de Francia y los Nueve de la Fama, y el que ha de poner en olvido los Platires, los Tablantes, Olivantes y Tirantes, los Febos y Belianises, con toda la caterva de los famosos caballeros andantes del pasado tiempo, haciendo en este en que me hallo tales grandezas, estrañezas y fechos de armas, que escurezcan las más claras que ellos ficieron. Bien notas, escudero fiel y legal, las tinieblas desta noche, su estraño silencio, el sordo y confuso estruendo destos árboles, el temeroso ruido de aquella agua en cuya busca venimos, que parece que se despeña y derrumba desde los altos montes de la luna, y aquel incesable golpear que nos hiere y lastima los oídos; las cuales cosas, todas juntas y cada una por sí, son bastantes a infundir miedo, temor y espanto en el pecho del mesmo Marte, cuanto más en aquel que no está acostumbrado a semejantes acontecimientos y aventuras. Pues todo esto que yo te pinto son incentivos y despertadores de mi ánimo, que ya hace que el corazón me reviente en el pecho, con el deseo que tiene de acometer esta aventura, por más dificultosa que se muestra. Así que, aprieta un poco las cinchas a Rocinante y quédate a Dios, y espérame aquí hasta tres días no más, en los cuales, si no volviere, puedes tú volverte a nuestra aldea, y desde allí, por hacerme merced y buena obra, irás al Toboso, donde dirás a la incomparable señora mía Dulcinea que su cautivo caballero murió por acometer cosas que le hiciesen digno de poder llamarse suyo. Cuando Sancho oyó las palabras de su amo, comenzó a llorar con la mayor ternura del mundo y a decille: — Señor, yo no sé por qué quiere vuestra merced acometer esta tan temerosa aventura: ahora es de noche, aquí no nos vee nadie, bien podemos torcer el camino y desviarnos del peligro, aunque no bebamos en tres días; y, pues no hay quien nos vea, menos habrá quien nos note de cobardes; cuanto más, que yo he oído predicar al cura de nuestro lugar, que vuestra merced bien conoce, que quien busca el peligro perece en él; así que, no es bien tentar a Dios acometiendo tan desaforado hecho, donde no se puede escapar sino por milagro; y basta los que ha hecho el cielo con vuestra merced en librarle de ser manteado, como yo lo fui, y en sacarle vencedor, libre y salvo de entre tantos enemigos como acompañaban al difunto. Y, cuando todo esto no mueva ni ablande ese duro corazón, muévale el pensar y creer que apenas se habrá vuestra merced apartado de aquí, cuando yo, de miedo, dé mi ánima a quien quisiere llevarla. Yo salí de mi tierra y dejé hijos y mujer por venir a servir a vuestra merced, creyendo valer más y no menos; pero, como la cudicia rompe el saco, a mí me ha rasgado mis esperanzas, pues cuando más vivas las tenía de alcanzar aquella negra y malhadada ínsula que tantas veces vuestra merced me ha prometido, veo que, en pago y trueco della, me quiere ahora dejar en un lugar tan apartado del trato humano. Por un solo Dios, señor mío, que non se me faga tal desaguisado; y ya que del todo no quiera vuestra merced desistir de acometer este fecho, dilátelo, a lo menos, hasta la mañana; que, a lo que a mí me muestra la ciencia que aprendí cuando era pastor, no debe de haber desde aquí al alba tres horas, porque la boca de la Bocina está encima de la cabeza, y hace la media noche en la línea del brazo izquierdo. — ¿Cómo puedes tú, Sancho —dijo don Quijote—, ver dónde hace esa línea, ni dónde está esa boca o ese colodrillo que dices, si hace la noche tan escura que no parece en todo el cielo estrella alguna? — Así es —dijo Sancho—, pero tiene el miedo muchos ojos y vee las cosas debajo de tierra, cuanto más encima en el cielo; puesto que, por buen discurso, bien se puede entender que hay poco de aquí al día. — Falte lo que faltare —respondió don Quijote—; que no se ha de decir por mí, ahora ni en ningún tiempo, que lágrimas y ruegos me apartaron de hacer lo que debía a estilo de caballero; y así, te ruego, Sancho, que calles; que Dios, que me ha puesto en corazón de acometer ahora esta tan no vista y tan temerosa aventura, tendrá cuidado de mirar por mi salud y de consolar tu tristeza. Lo que has de hacer es apretar bien las cinchas a Rocinante y quedarte aquí, que yo daré la vuelta presto, o vivo o muerto. Viendo, pues, Sancho la última resolución de su amo y cuán poco valían con él sus lágrimas, consejos y ruegos, determinó de aprovecharse de su industria y hacerle esperar hasta el día, si pudiese; y así, cuando apretaba las cinchas al caballo, bonitamente y sin ser sentido, ató con el cabestro de su asno ambos pies a Rocinante, de manera que cuando don Quijote se quiso partir, no pudo, porque el caballo no se podía mover sino a saltos. Viendo Sancho Panza el buen suceso de su embuste, dijo: — Ea, señor, que el cielo, conmovido de mis lágrimas y plegarias, ha ordenado que no se pueda mover Rocinante; y si vos queréis porfiar, y espolear, y dalle, será enojar a la fortuna y dar coces, como dicen, contra el aguijón. Desesperábase con esto don Quijote, y, por más que ponía las piernas al caballo, menos le podía mover; y, sin caer en la cuenta de la ligadura, tuvo por bien de sosegarse y esperar, o a que amaneciese, o a que Rocinante se menease, creyendo, sin duda, que aquello venía de otra parte que de la industria de Sancho; y así, le dijo: — Pues así es, Sancho, que Rocinante no puede moverse, yo soy contento de esperar a que ría el alba, aunque yo llore lo que ella tardare en venir. — No hay que llorar —respondió Sancho—, que yo entretendré a vuestra merced contando cuentos desde aquí al día, si ya no es que se quiere apear y echarse a dormir un poco sobre la verde yerba, a uso de caballeros andantes, para hallarse más descansado cuando llegue el día y punto de acometer esta tan desemejable aventura que le espera. — ¿A qué llamas apear o a qué dormir? —dijo don Quijote—. ¿Soy yo, por ventura, de aquellos caballeros que toman reposo en los peligros? Duerme tú, que naciste para dormir, o haz lo que quisieres, que yo haré lo que viere que más viene con mi pretensión. No se enoje vuestra merced, señor mío —respondió Sancho—, que no lo dije por tanto. Y, llegándose a él, puso la una mano en el arzón delantero y la otra en el otro, de modo que quedó abrazado con el muslo izquierdo de su amo, sin osarse apartar dél un dedo: tal era el miedo que tenía a los golpes, que todavía alternativamente sonaban. Díjole don Quijote que contase algún cuento para entretenerle, como se lo había prometido, a lo que Sancho dijo que sí hiciera si le dejara el temor de lo que oía. — Pero, con todo eso, yo me esforzaré a decir una historia que, si la acierto a contar y no me van a la mano, es la mejor de las historias; y estéme vuestra merced atento, que ya comienzo. «Érase que se era, el bien que viniere para todos sea, y el mal, para quien lo fuere a buscar...» Y advierta vuestra merced, señor mío, que el principio que los antiguos dieron a sus consejas no fue así comoquiera, que fue una sentencia de Catón Zonzorino, romano, que dice: "Y el mal, para quien le fuere a buscar", que viene aquí como anillo al dedo, para que vuestra merced se esté quedo y no vaya a buscar el mal a ninguna parte, sino que nos volvamos por otro camino, pues nadie nos fuerza a que sigamos éste, donde tantos miedos nos sobresaltan. — Sigue tu cuento, Sancho —dijo don Quijote—, y del camino que hemos de seguir déjame a mí el cuidado. — «Digo, pues —prosiguió Sancho—, que en un lugar de Estremadura había un pastor cabrerizo (quiero decir que guardaba cabras), el cual pastor o cabrerizo, como digo, de mi cuento, se llamaba Lope Ruiz; y este Lope Ruiz andaba enamorado de una pastora que se llamaba Torralba, la cual pastora llamada Torralba era hija de un ganadero rico, y este ganadero rico...» — Si desa manera cuentas tu cuento, Sancho —dijo don Quijote—, repitiendo dos veces lo que vas diciendo, no acabarás en dos días; dilo seguidamente y cuéntalo como hombre de entendimiento, y si no, no digas nada. — De la misma manera que yo lo cuento —respondió Sancho—, se cuentan en mi tierra todas las consejas, y yo no sé contarlo de otra, ni es bien que vuestra merced me pida que haga usos nuevos. — Di como quisieres —respondió don Quijote—; que, pues la suerte quiere que no pueda dejar de escucharte, prosigue. — «Así que, señor mío de mi ánima —prosiguió Sancho—, que, como ya tengo dicho, este pastor andaba enamorado de Torralba, la pastora, que era una moza rolliza, zahareña y tiraba algo a hombruna, porque tenía unos pocos de bigotes, que parece que ahora la veo.» — Luego, ¿conocístela tú? —dijo don Quijote. — No la conocí yo —respondió Sancho—, pero quien me contó este cuento me dijo que era tan cierto y verdadero que podía bien, cuando lo contase a otro, afirmar y jurar que lo había visto todo. «Así que, yendo días y viniendo días, el diablo, que no duerme y que todo lo añasca, hizo de manera que el amor que el pastor tenía a la pastora se volviese en omecillo y mala voluntad; y la causa fue, según malas lenguas, una cierta cantidad de celillos que ella le dio, tales que pasaban de la raya y llegaban a lo vedado; y fue tanto lo que el pastor la aborreció de allí adelante que, por no verla, se quiso ausentar de aquella tierra e irse donde sus ojos no la viesen jamás. La Torralba, que se vio desdeñada del Lope, luego le quiso bien, mas que nunca le había querido.» — Ésa es natural condición de mujeres —dijo don Quijote—: desdeñar a quien las quiere y amar a quien las aborrece. Pasa adelante, Sancho. — «Sucedió —dijo Sancho— que el pastor puso por obra su determinación, y, antecogiendo sus cabras, se encaminó por los campos de Estremadura, para pasarse a los reinos de Portugal. La Torralba, que lo supo, se fue tras él, y seguíale a pie y descalza desde lejos, con un bordón en la mano y con unas alforjas al cuello, donde llevaba, según es fama, un pedazo de espejo y otro de un peine, y no sé qué botecillo de mudas para la cara; mas, llevase lo que llevase, que yo no me quiero meter ahora en averiguallo, sólo diré que dicen que el pastor llegó con su ganado a pasar el río Guadiana, y en aquella sazón iba crecido y casi fuera de madre, y por la parte que llegó no había barca ni barco, ni quien le pasase a él ni a su ganado de la otra parte, de lo que se congojó mucho, porque veía que la Torralba venía ya muy cerca y le había de dar mucha pesadumbre con sus ruegos y lágrimas; mas, tanto anduvo mirando, que vio un pescador que tenía junto a sí un barco, tan pequeño que solamente podían caber en él una persona y una cabra; y, con todo esto, le habló y concertó con él que le pasase a él y a trecientas cabras que llevaba. Entró el pescador en el barco, y pasó una cabra; volvió, y pasó otra; tornó a volver, y tornó a pasar otra.» Tenga vuestra merced cuenta en las cabras que el pescador va pasando, porque si se pierde una de la memoria, se acabará el cuento y no será posible contar más palabra dél. «Sigo, pues, y digo que el desembarcadero de la otra parte estaba lleno de cieno y resbaloso, y tardaba el pescador mucho tiempo en ir y volver. Con todo esto, volvió por otra cabra, y otra, y otra...» — Haz cuenta que las pasó todas —dijo don Quijote—: no andes yendo y viniendo desa manera, que no acabarás de pasarlas en un año. — ¿Cuántas han pasado hasta agora? —dijo Sancho. — ¡Yo qué diablos sé! —respondió don Quijote—. — He ahí lo que yo dije: que tuviese buena cuenta. Pues, por Dios, que se ha acabado el cuento, que no hay pasar adelante. — ¿Cómo puede ser eso? —respondió don Quijote—. ¿Tan de esencia de la historia es saber las cabras que han pasado, por estenso, que si se yerra una del número no puedes seguir adelante con la historia? — No señor, en ninguna manera —respondió Sancho—; porque, así como yo pregunté a vuestra merced que me dijese cuántas cabras habían pasado y me respondió que no sabía, en aquel mesmo instante se me fue a mí de la memoria cuanto me quedaba por decir, y a fe que era de mucha virtud y contento. — ¿De modo —dijo don Quijote— que ya la historia es acabada? — Tan acabada es como mi madre —dijo Sancho. — Dígote de verdad —respondió don Quijote— que tú has contado una de las más nuevas consejas, cuento o historia, que nadie pudo pensar en el mundo; y que tal modo de contarla ni dejarla, jamás se podrá ver ni habrá visto en toda la vida, aunque no esperaba yo otra cosa de tu buen discurso; mas no me maravillo, pues quizá estos golpes, que no cesan, te deben de tener turbado el entendimiento. — Todo puede ser —respondió Sancho—, mas yo sé que en lo de mi cuento no hay más que decir: que allí se acaba do comienza el yerro de la cuenta del pasaje de las cabras. — Acabe norabuena donde quisiere —dijo don Quijote—, y veamos si se puede mover Rocinante. Tornóle a poner las piernas, y él tornó a dar saltos y a estarse quedo: tanto estaba de bien atado. En esto, parece ser, o que el frío de la mañana, que ya venía, o que Sancho hubiese cenado algunas cosas lenitivas, o que fuese cosa natural —que es lo que más se debe creer—, a él le vino en voluntad y deseo de hacer lo que otro no pudiera hacer por él; mas era tanto el miedo que había entrado en su corazón, que no osaba apartarse un negro de uña de su amo. Pues pensar de no hacer lo que tenía gana, tampoco era posible; y así, lo que hizo, por bien de paz, fue soltar la mano derecha, que tenía asida al arzón trasero, con la cual, bonitamente y sin rumor alguno, se soltó la lazada corrediza con que los calzones se sostenían, sin ayuda de otra alguna, y, en quitándosela, dieron luego abajo y se le quedaron como grillos. Tras esto, alzó la camisa lo mejor que pudo y echó al aire entrambas posaderas, que no eran muy pequeñas. Hecho esto —que él pensó que era lo más que tenía que hacer para salir de aquel terrible aprieto y angustia—, le sobrevino otra mayor, que fue que le pareció que no podía mudarse sin hacer estrépito y ruido, y comenzó a apretar los dientes y a encoger los hombros, recogiendo en sí el aliento todo cuanto podía; pero, con todas estas diligencias, fue tan desdichado que, al cabo al cabo, vino a hacer un poco de ruido, bien diferente de aquel que a él le ponía tanto miedo. Oyólo don Quijote y dijo: — ¿Qué rumor es ése, Sancho? — No sé, señor —respondió él—. Alguna cosa nueva debe de ser, que las aventuras y desventuras nunca comienzan por poco. Tornó otra vez a probar ventura, y sucedióle tan bien que, sin más ruido ni alboroto que el pasado, se halló libre de la carga que tanta pesadumbre le había dado. Mas, como don Quijote tenía el sentido del olfato tan vivo como el de los oídos, y Sancho estaba tan junto y cosido con él que casi por línea recta subían los vapores hacia arriba, no se pudo escusar de que algunos no llegasen a sus narices; y, apenas hubieron llegado, cuando él fue al socorro, apretándolas entre los dos dedos; y, con tono algo gangoso, dijo: — Paréceme, Sancho, que tienes mucho miedo. — Sí tengo —respondió Sancho—; mas, ¿en qué lo echa de ver vuestra merced ahora más que nunca? — En que ahora más que nunca hueles, y no a ámbar —respondió don Quijote. — Bien podrá ser —dijo Sancho—, mas yo no tengo la culpa, sino vuestra merced, que me trae a deshoras y por estos no acostumbrados pasos. — Retírate tres o cuatro allá, amigo —dijo don Quijote (todo esto sin quitarse los dedos de las narices)—, y desde aquí adelante ten más cuenta con tu persona y con lo que debes a la mía; que la mucha conversación que tengo contigo ha engendrado este menosprecio. — Apostaré —replicó Sancho— que piensa vuestra merced que yo he hecho de mi persona alguna cosa que no deba. — Peor es meneallo, amigo Sancho —respondió don Quijote. En estos coloquios y otros semejantes pasaron la noche amo y mozo. Mas, viendo Sancho que a más andar se venía la mañana, con mucho tiento desligó a Rocinante y se ató los calzones. Como Rocinante se vio libre, aunque él de suyo no era nada brioso, parece que se resintió, y comenzó a dar manotadas; porque corvetas —con perdón suyo— no las sabía hacer. Viendo, pues, don Quijote que ya Rocinante se movía, lo tuvo a buena señal, y creyó que lo era de que acometiese aquella temerosa aventura. Acabó en esto de descubrirse el alba y de parecer distintamente las cosas, y vio don Quijote que estaba entre unos árboles altos, que ellos eran castaños, que hacen la sombra muy escura. Sintió también que el golpear no cesaba, pero no vio quién lo podía causar; y así, sin más detenerse, hizo sentir las espuelas a Rocinante, y, tornando a despedirse de Sancho, le mandó que allí le aguardase tres días, a lo más largo, como ya otra vez se lo había dicho; y que, si al cabo dellos no hubiese vuelto, tuviese por cierto que Dios había sido servido de que en aquella peligrosa aventura se le acabasen sus días. Tornóle a referir el recado y embajada que había de llevar de su parte a su señora Dulcinea, y que, en lo que tocaba a la paga de sus servicios, no tuviese pena, porque él había dejado hecho su testamento antes que saliera de su lugar, donde se hallaría gratificado de todo lo tocante a su salario, rata por cantidad, del tiempo que hubiese servido; pero que si Dios le sacaba de aquel peligro sano y salvo y sin cautela, se podía tener por muy más que cierta la prometida ínsula. De nuevo tornó a llorar Sancho, oyendo de nuevo las lastimeras razones de su buen señor, y determinó de no dejarle hasta el último tránsito y fin de aquel negocio. Destas lágrimas y determinación tan honrada de Sancho Panza saca el autor desta historia que debía de ser bien nacido, y, por lo menos, cristiano viejo. Cuyo sentimiento enterneció algo a su amo, pero no tanto que mostrase flaqueza alguna; antes, disimulando lo mejor que pudo, comenzó a caminar hacia la parte por donde le pareció que el ruido del agua y del golpear venía. Seguíale Sancho a pie, llevando, como tenía de costumbre, del cabestro a su jumento, perpetuo compañero de sus prósperas y adversas fortunas; y, habiendo andado una buena pieza por entre aquellos castaños y árboles sombríos, dieron en un pradecillo que al pie de unas altas peñas se hacía, de las cuales se precipitaba un grandísimo golpe de agua. Al pie de las peñas, estaban unas casas mal hechas, que más parecían ruinas de edificios que casas, de entre las cuales advirtieron que salía el ruido y estruendo de aquel golpear, que aún no cesaba. Alborotóse Rocinante con el estruendo del agua y de los golpes, y, sosegándole don Quijote, se fue llegando poco a poco a las casas, encomendándose de todo corazón a su señora, suplicándole que en aquella temerosa jornada y empresa le favoreciese, y de camino se encomendaba también a Dios, que no le olvidase. No se le quitaba Sancho del lado, el cual alargaba cuanto podía el cuello y la vista por entre las piernas de Rocinante, por ver si vería ya lo que tan suspenso y medroso le tenía. Otros cien pasos serían los que anduvieron, cuando, al doblar de una punta, pareció descubierta y patente la misma causa, sin que pudiese ser otra, de aquel horrísono y para ellos espantable ruido, que tan suspensos y medrosos toda la noche los había tenido. Y eran —si no lo has, ¡oh lector!, por pesadumbre y enojo— seis mazos de batán, que con sus alternativos golpes aquel estruendo formaban. Cuando don Quijote vio lo que era, enmudeció y pasmóse de arriba abajo. Miróle Sancho, y vio que tenía la cabeza inclinada sobre el pecho, con muestras de estar corrido. Miró también don Quijote a Sancho, y viole que tenía los carrillos hinchados y la boca llena de risa, con evidentes señales de querer reventar con ella, y no pudo su melanconía tanto con él que, a la vista de Sancho, pudiese dejar de reírse; y, como vio Sancho que su amo había comenzado, soltó la presa de manera que tuvo necesidad de apretarse las ijadas con los puños, por no reventar riendo. Cuatro veces sosegó, y otras tantas volvió a su risa con el mismo ímpetu que primero; de lo cual ya se daba al diablo don Quijote, y más cuando le oyó decir, como por modo de fisga: — «Has de saber, ¡oh Sancho amigo!, que yo nací, por querer del cielo, en esta nuestra edad de hierro, para resucitar en ella la dorada, o de oro. Yo soy aquél para quien están guardados los peligros, las hazañas grandes, los valerosos fechos...» Y por aquí fue repitiendo todas o las más razones que don Quijote dijo la vez primera que oyeron los temerosos golpes. Viendo, pues, don Quijote que Sancho hacía burla dél, se corrió y enojó en tanta manera, que alzó el lanzón y le asentó dos palos, tales que, si, como los recibió en las espaldas, los recibiera en la cabeza, quedara libre de pagarle el salario, si no fuera a sus herederos. Viendo Sancho que sacaba tan malas veras de sus burlas, con temor de que su amo no pasase adelante en ellas, con mucha humildad le dijo: — Sosiéguese vuestra merced; que, por Dios, que me burlo. — Pues, porque os burláis, no me burlo yo —respondió don Quijote—. Venid acá, señor alegre: ¿paréceos a vos que, si como éstos fueron mazos de batán, fueran otra peligrosa aventura, no había yo mostrado el ánimo que convenía para emprendella y acaballa? ¿Estoy yo obligado, a dicha, siendo, como soy, caballero, a conocer y destinguir los sones y saber cuáles son de batán o no? Y más, que podría ser, como es verdad, que no los he visto en mi vida, como vos los habréis visto, como villano ruin que sois, criado y nacido entre ellos. Si no, haced vos que estos seis mazos se vuelvan en seis jayanes, y echádmelos a las barbas uno a uno, o todos juntos, y, cuando yo no diere con todos patas arriba, haced de mí la burla que quisiéredes. — No haya más, señor mío —replicó Sancho—, que yo confieso que he andado algo risueño en demasía. Pero dígame vuestra merced, ahora que estamos en paz (así Dios le saque de todas las aventuras que le sucedieren tan sano y salvo como le ha sacado désta), ¿no ha sido cosa de reír, y lo es de contar, el gran miedo que hemos tenido? A lo menos, el que yo tuve; que de vuestra merced ya yo sé que no le conoce, ni sabe qué es temor ni espanto. — No niego yo —respondió don Quijote— que lo que nos ha sucedido no sea cosa digna de risa, pero no es digna de contarse; que no son todas las personas tan discretas que sepan poner en su punto las cosas. — A lo menos —respondió Sancho—, supo vuestra merced poner en su punto el lanzón, apuntándome a la cabeza, y dándome en las espaldas, gracias a Dios y a la diligencia que puse en ladearme. Pero vaya, que todo saldrá en la colada; que yo he oído decir: "Ése te quiere bien, que te hace llorar"; y más, que suelen los principales señores, tras una mala palabra que dicen a un criado, darle luego unas calzas; aunque no sé lo que le suelen dar tras haberle dado de palos, si ya no es que los caballeros andantes dan tras palos ínsulas o reinos en tierra firme. — Tal podría correr el dado —dijo don Quijote— que todo lo que dices viniese a ser verdad; y perdona lo pasado, pues eres discreto y sabes que los primeros movimientos no son en mano del hombre, y está advertido de aquí adelante en una cosa, para que te abstengas y reportes en el hablar demasiado conmigo; que en cuantos libros de caballerías he leído, que son infinitos, jamás he hallado que ningún escudero hablase tanto con su señor como tú con el tuyo. Y en verdad que lo tengo a gran falta, tuya y mía: tuya, en que me estimas en poco; mía, en que no me dejo estimar en más. Sí, que Gandalín, escudero de Amadís de Gaula, conde fue de la ínsula Firme; y se lee dél que siempre hablaba a su señor con la gorra en la mano, inclinada la cabeza y doblado el cuerpo more turquesco. Pues, ¿qué diremos de Gasabal, escudero de don Galaor, que fue tan callado que, para declararnos la excelencia de su maravilloso silencio, sola una vez se nombra su nombre en toda aquella tan grande como verdadera historia? De todo lo que he dicho has de inferir, Sancho, que es menester hacer diferencia de amo a mozo, de señor a criado y de caballero a escudero. Así que, desde hoy en adelante, nos hemos de tratar con más respeto, sin darnos cordelejo, porque, de cualquiera manera que yo me enoje con vos, ha de ser mal para el cántaro. Las mercedes y beneficios que yo os he prometido llegarán a su tiempo; y si no llegaren, el salario, a lo menos, no se ha de perder, como ya os he dicho. — Está bien cuanto vuestra merced dice —dijo Sancho—, pero querría yo saber, por si acaso no llegase el tiempo de las mercedes y fuese necesario acudir al de los salarios, cuánto ganaba un escudero de un caballero andante en aquellos tiempos, y si se concertaban por meses, o por días, como peones de albañir. — No creo yo —respondió don Quijote— que jamás los tales escuderos estuvieron a salario, sino a merced. Y si yo ahora te le he señalado a ti en el testamento cerrado que dejé en mi casa, fue por lo que podía suceder; que aún no sé cómo prueba en estos tan calamitosos tiempos nuestros la caballería, y no querría que por pocas cosas penase mi ánima en el otro mundo. Porque quiero que sepas, Sancho, que en él no hay estado más peligroso que el de los aventureros. — Así es verdad —dijo Sancho—, pues sólo el ruido de los mazos de un batán pudo alborotar y desasosegar el corazón de un tan valeroso andante aventurero como es vuestra merced. Mas, bien puede estar seguro que, de aquí adelante, no despliegue mis labios para hacer donaire de las cosas de vuestra merced, si no fuere para honrarle, como a mi amo y señor natural. — Desa manera —replicó don Quijote—, vivirás sobre la haz de la tierra; porque, después de a los padres, a los amos se ha de respetar como si lo fuesen. Capítulo XXI. Que trata de la alta aventura y rica ganancia del yelmo de Mambrino, con otras cosas sucedidas a nuestro invencible caballero En esto, comenzó a llover un poco, y quisiera Sancho que se entraran en el molino de los batanes; mas habíales cobrado tal aborrecimiento don Quijote, por la pesada burla, que en ninguna manera quiso entrar dentro; y así, torciendo el camino a la derecha mano, dieron en otro como el que habían llevado el día de antes. De allí a poco, descubrió don Quijote un hombre a caballo, que traía en la cabeza una cosa que relumbraba como si fuera de oro, y aún él apenas le hubo visto, cuando se volvió a Sancho y le dijo: — Paréceme, Sancho, que no hay refrán que no sea verdadero, porque todos son sentencias sacadas de la mesma experiencia, madre de las ciencias todas, especialmente aquel que dice: "Donde una puerta se cierra, otra se abre". Dígolo porque si anoche nos cerró la ventura la puerta de la que buscábamos, engañándonos con los batanes, ahora nos abre de par en par otra, para otra mejor y más cierta aventura; que si yo no acertare a entrar por ella, mía será la culpa, sin que la pueda dar a la poca noticia de batanes ni a la escuridad de la noche. Digo esto porque, si no me engaño, hacia nosotros viene uno que trae en su cabeza puesto el yelmo de Mambrino, sobre que yo hice el juramento que sabes. — Mire vuestra merced bien lo que dice, y mejor lo que hace —dijo Sancho—, que no querría que fuesen otros batanes que nos acabasen de abatanar y aporrear el sentido. — ¡Válate el diablo por hombre! —replicó don Quijote—. ¿Qué va de yelmo a batanes? — No sé nada —respondió Sancho—; mas, a fe que si yo pudiera hablar tanto como solía, que quizá diera tales razones que vuestra merced viera que se engañaba en lo que dice. — ¿Cómo me puedo engañar en lo que digo, traidor escrupuloso? —dijo don Quijote—. Dime, ¿no ves aquel caballero que hacia nosotros viene, sobre un caballo rucio rodado, que trae puesto en la cabeza un yelmo de oro? — Lo que yo veo y columbro —respondió Sancho— no es sino un hombre sobre un asno pardo, como el mío, que trae sobre la cabeza una cosa que relumbra. — Pues ése es el yelmo de Mambrino —dijo don Quijote—. Apártate a una parte y déjame con él a solas: verás cuán sin hablar palabra, por ahorrar del tiempo, concluyo esta aventura y queda por mío el yelmo que tanto he deseado. — Yo me tengo en cuidado el apartarme —replicó Sancho—, mas quiera Dios, torno a decir, que orégano sea, y no batanes. — Ya os he dicho, hermano, que no me mentéis, ni por pienso, más eso de los batanes —dijo don Quijote—; que voto..., y no digo más, que os batanee el alma. Calló Sancho, con temor que su amo no cumpliese el voto que le había echado, redondo como una bola. Es, pues, el caso que el yelmo, y el caballo y caballero que don Quijote veía, era esto: que en aquel contorno había dos lugares, el uno tan pequeño que ni tenía botica ni barbero, y el otro, que estaba junto, sí; y así, el barbero del mayor servía al menor, en el cual tuvo necesidad un enfermo de sangrarse y otro de hacerse la barba, para lo cual venía el barbero, y traía una bacía de azófar; y quiso la suerte que, al tiempo que venía, comenzó a llover, y, porque no se le manchase el sombrero, que debía de ser nuevo, se puso la bacía sobre la cabeza; y, como estaba limpia, desde media legua relumbraba. Venía sobre un asno pardo, como Sancho dijo, y ésta fue la ocasión que a don Quijote le pareció caballo rucio rodado, y caballero, y yelmo de oro; que todas las cosas que veía, con mucha facilidad las acomodaba a sus desvariadas caballerías y malandantes pensamientos. Y cuando él vio que el pobre caballero llegaba cerca, sin ponerse con él en razones, a todo correr de Rocinante le enristró con el lanzón bajo, llevando intención de pasarle de parte a parte; mas cuando a él llegaba, sin detener la furia de su carrera, le dijo: — ¡Defiéndete, cautiva criatura, o entriégame de tu voluntad lo que con tanta razón se me debe! El barbero, que, tan sin pensarlo ni temerlo, vio venir aquella fantasma sobre sí, no tuvo otro remedio, para poder guardarse del golpe de la lanza, si no fue el dejarse caer del asno abajo; y no hubo tocado al suelo, cuando se levantó más ligero que un gamo y comenzó a correr por aquel llano, que no le alcanzara el viento. Dejóse la bacía en el suelo, con la cual se contentó don Quijote, y dijo que el pagano había andado discreto y que había imitado al castor, el cual, viéndose acosado de los cazadores, se taraza y arpa con los dientes aquéllo por lo que él, por distinto natural, sabe que es perseguido. Mandó a Sancho que alzase el yelmo, el cual, tomándola en las manos, dijo: — Por Dios, que la bacía es buena y que vale un real de a ocho como un maravedí. Y, dándosela a su amo, se la puso luego en la cabeza, rodeándola a una parte y a otra, buscándole el encaje; y, como no se le hallaba, dijo: — Sin duda que el pagano, a cuya medida se forjó primero esta famosa celada, debía de tener grandísima cabeza, y lo peor dello es que le falta la mitad. Cuando Sancho oyó llamar a la bacía celada, no pudo tener la risa; mas vínosele a las mientes la cólera de su amo, y calló en la mitad della. — ¿De qué te ríes, Sancho? —dijo don Quijote. — Ríome —respondió él— de considerar la gran cabeza que tenía el pagano dueño deste almete, que no semeja sino una bacía de barbero pintiparada. — ¿Sabes qué imagino, Sancho? Que esta famosa pieza deste encantado yelmo, por algún estraño acidente, debió de venir a manos de quien no supo conocer ni estimar su valor, y, sin saber lo que hacía, viéndola de oro purísimo, debió de fundir la otra mitad para aprovecharse del precio, y de la otra mitad hizo ésta, que parece bacía de barbero, como tú dices. Pero, sea lo que fuere; que para mí que la conozco no hace al caso su trasmutación; que yo la aderezaré en el primer lugar donde haya herrero, y de suerte que no le haga ventaja, ni aun le llegue, la que hizo y forjó el dios de las herrerías para el dios de las batallas; y, en este entretanto, la traeré como pudiere, que más vale algo que no nada; cuanto más, que bien será bastante para defenderme de alguna pedrada. — Eso será —dijo Sancho— si no se tira con honda, como se tiraron en la pelea de los dos ejércitos, cuando le santiguaron a vuestra merced las muelas y le rompieron el alcuza donde venía aquel benditísimo brebaje que me hizo vomitar las asaduras.along — No me da mucha pena el haberle perdido, que ya sabes tú, Sancho —dijo don Quijote—, que yo tengo la receta en la memoria. — También la tengo yo —respondió Sancho—, pero si yo le hiciere ni le probare más en mi vida, aquí sea mi hora. Cuanto más, que no pienso ponerme en ocasión de haberle menester, porque pienso guardarme con todos mis cinco sentidos de ser ferido ni de ferir a nadie. De lo del ser otra vez manteado, no digo nada, que semejantes desgracias mal se pueden prevenir, y si vienen, no hay que hacer otra cosa sino encoger los hombros, detener el aliento, cerrar los ojos y dejarse ir por donde la suerte y la manta nos llevare. — Mal cristiano eres, Sancho —dijo, oyendo esto, don Quijote—, porque nunca olvidas la injuria que una vez te han hecho; pues sábete que es de pechos nobles y generosos no hacer caso de niñerías. ¿Qué pie sacaste cojo, qué costilla quebrada, qué cabeza rota, para que no se te olvide aquella burla? Que, bien apurada la cosa, burla fue y pasatiempo; que, a no entenderlo yo ansí, ya yo hubiera vuelto allá y hubiera hecho en tu venganza más daño que el que hicieron los griegos por la robada Elena. La cual, si fuera en este tiempo, o mi Dulcinea fuera en aquél, pudiera estar segura que no tuviera tanta fama de hermosa como tiene. Y aquí dio un sospiro, y le puso en las nubes. Y dijo Sancho: — Pase por burlas, pues la venganza no puede pasar en veras; pero yo sé de qué calidad fueron las veras y las burlas, y sé también que no se me caerán de la memoria, como nunca se quitarán de las espaldas. Pero, dejando esto aparte, dígame vuestra merced qué haremos deste caballo rucio rodado, que parece asno pardo, que dejó aquí desamparado aquel Martino que vuestra merced derribó; que, según él puso los pies en polvorosa y cogió las de Villadiego, no lleva pergenio de volver por él jamás; y ¡para mis barbas, si no es bueno el rucio! — Nunca yo acostumbro —dijo don Quijote— despojar a los que venzo, ni es uso de caballería quitarles los caballos y dejarlos a pie, si ya no fuese que el vencedor hubiese perdido en la pendencia el suyo; que, en tal caso, lícito es tomar el del vencido, como ganado en guerra lícita. Así que, Sancho, deja ese caballo, o asno, o lo que tú quisieres que sea, que, como su dueño nos vea alongados de aquí, volverá por él. — Dios sabe si quisiera llevarle —replicó Sancho—, o, por lo menos, trocalle con este mío, que no me parece tan bueno. Verdaderamente que son estrechas las leyes de caballería, pues no se estienden a dejar trocar un asno por otro; y querría saber si podría trocar los aparejos siquiera. — En eso no estoy muy cierto —respondió don Quijote—; y, en caso de duda, hasta estar mejor informado, digo que los trueques, si es que tienes dellos necesidad estrema. — Tan estrema es —respondió Sancho— que si fueran para mi misma persona, no los hubiera menester más. Y luego, habilitado con aquella licencia, hizo mutatio caparum y puso su jumento a las mil lindezas, dejándole mejorado en tercio y quinto. Hecho esto, almorzaron de las sobras del real que del acémila despojaron, bebieron del agua del arroyo de los batanes, sin volver la cara a mirallos: tal era el aborrecimiento que les tenían por el miedo en que les habían puesto. Cortada, pues, la cólera, y aun la malenconía, subieron a caballo, y, sin tomar determinado camino, por ser muy de caballeros andantes el no tomar ninguno cierto, se pusieron a caminar por donde la voluntad de Rocinante quiso, que se llevaba tras sí la de su amo, y aun la del asno, que siempre le seguía por dondequiera que guiaba, en buen amor y compañía. Con todo esto, volvieron al camino real y siguieron por él a la ventura, sin otro disignio alguno. Yendo, pues, así caminando, dijo Sancho a su amo: — Señor, ¿quiere vuestra merced darme licencia que departa un poco con él? Que, después que me puso aquel áspero mandamiento del silencio, se me han podrido más de cuatro cosas en el estómago, y una sola que ahora tengo en el pico de la lengua no querría que se mal lograse. — Dila —dijo don Quijote—, y sé breve en tus razonamientos, que ninguno hay gustoso si es largo. — Digo, pues, señor —respondió Sancho—, que, de algunos días a esta parte, he considerado cuán poco se gana y granjea de andar buscando estas aventuras que vuestra merced busca por estos desiertos y encrucijadas de caminos, donde, ya que se venzan y acaben las más eligrosas, no hay quien las vea ni sepa; y así, se han de quedar en perpetuo silencio, y en perjuicio de la intención de vuestra merced y de lo que ellas merecen. Y así, me parece que sería mejor, salvo el mejor parecer de vuestra merced, que nos fuésemos a servir a algún emperador, o a otro príncipe grande que tenga alguna guerra, en cuyo servicio vuestra merced muestre el valor de su persona, sus grandes fuerzas y mayor entendimiento; que, visto esto del señor a quien sirviéremos, por fuerza nos ha de remunerar, a cada cual según sus méritos, y allí no faltará quien ponga en escrito las hazañas de vuestra merced, para perpetua memoria. De las mías no digo nada, pues no han de salir de los límites escuderiles; aunque sé decir que, si se usa en la caballería escribir hazañas de escuderos, que no pienso que se han de quedar las mías entre renglones. — No dices mal, Sancho —respondió don Quijote—; mas, antes que se llegue a ese término, es menester andar por el mundo, como en aprobación, buscando las aventuras, para que, acabando algunas, se cobre nombre y fama tal que, cuando se fuere a la corte de algún gran monarca, ya sea el caballero conocido por sus obras; y que, apenas le hayan visto entrar los muchachos por la puerta de la ciudad, cuando todos le sigan y rodeen, dando voces, diciendo: ''Éste es el Caballero del Sol'', o de la Sierpe, o de otra insignia alguna, debajo de la cual hubiere acabado grandes hazañas. ''Éste es —dirán— el que venció en singular batalla al gigantazo Brocabruno de la Gran Fuerza; el que desencantó al Gran Mameluco de Persia del largo encantamento en que había estado casi novecientos años''. Así que, de mano en mano, irán pregonando tus hechos, y luego, al alboroto de los muchachos y de la demás gente, se parará a las fenestras de su real palacio el rey de aquel reino, y así como vea al caballero, conociéndole por las armas o por la empresa del escudo, forzosamente ha de decir: ''¡Ea, sus! ¡Salgan mis caballeros, cuantos en mi corte están, a recebir a la flor de la caballería, que allí viene!'' A cuyo mandamiento saldrán todos, y él llegará hasta la mitad de la escalera, y le abrazará estrechísimamente, y le dará paz besándole en el rostro; y luego le llevará por la mano al aposento de la señora reina, adonde el caballero la hallará con la infanta, su hija, que ha de ser una de las más fermosas y acabadas doncellas que, en gran parte de lo descubierto de la tierra, a duras penas se pueda hallar. Sucederá tras esto, luego en continente, que ella ponga los ojos en el caballero y él en los della, y cada uno parezca a otro cosa más divina que humana; y, sin saber cómo ni cómo no, han de quedar presos y enlazados en la intricable red amorosa, y con gran cuita en sus corazones por no saber cómo se han de fablar para descubrir sus ansias y sentimientos. Desde allí le llevarán, sin duda, a algún cuarto del palacio, ricamente aderezado, donde, habiéndole quitado las armas, le traerán un rico manto de escarlata con que se cubra; y si bien pareció armado, tan bien y mejor ha de parecer en farseto. Venida la noche, cenará con el rey, reina e infanta, donde nunca quitará los ojos della, mirándola a furto de los circustantes, y ella hará lo mesmo con la mesma sagacidad, porque, como tengo dicho, es muy discreta doncella. Levantarse han las tablas, y entrará a deshora por la puerta de la sala un feo y pequeño enano con una fermosa dueña, que, entre dos gigantes, detrás del enano viene, con cierta aventura, hecha por un antiquísimo sabio, que el que la acabare será tenido por el mejor caballero del mundo. Mandará luego el rey que todos los que están presentes la prueben, y ninguno le dará fin y cima sino el caballero huésped, en mucho pro de su fama, de lo cual quedará contentísima la infanta, y se tendrá por contenta y pagada además, por haber puesto y colocado sus pensamientos en tan alta parte. Y lo bueno es que este rey, o príncipe, o lo que es, tiene una muy reñida guerra con otro tan poderoso como él, y el caballero huésped le pide (al cabo de algunos días que ha estado en su corte) licencia para ir a servirle en aquella guerra dicha. Darásela el rey de muy buen talante, y el caballero le besará cortésmente las manos por la merced que le face. Y aquella noche se despedirá de su señora la infanta por las rejas de un jardín, que cae en el aposento donde ella duerme, por las cuales ya otras muchas veces la había fablado, siendo medianera y sabidora de todo una doncella de quien la infanta mucho se fiaba. Sospirará él, desmayaráse ella, traerá agua la doncella, acuitaráse mucho porque viene la mañana, y no querría que fuesen descubiertos, por la honra de su señora. Finalmente, la infanta volverá en sí y dará sus blancas manos por la reja al caballero, el cual se las besará mil y mil veces y se las bañará en lágrimas. Quedará concertado entre los dos del modo que se han de hacer saber sus buenos o malos sucesos, y rogarále la princesa que se detenga lo menos que pudiere; prometérselo ha él con muchos juramentos; tórnale a besar las manos, y despídese con tanto sentimiento que estará poco por acabar la vida. Vase desde allí a su aposento, échase sobre su lecho, no puede dormir del dolor de la partida, madruga muy de mañana, vase a despedir del rey y de la reina y de la infanta; dícenle, habiéndose despedido de los dos, que la señora infanta está mal dispuesta y que no puede recebir visita; piensa el caballero que es de pena de su partida, traspásasele el corazón, y falta poco de no dar indicio manifiesto de su pena. Está la doncella medianera delante, halo de notar todo, váselo a decir a su señora, la cual la recibe con lágrimas y le dice que una de las mayores penas que tiene es no saber quién sea su caballero, y si es de linaje de reyes o no; asegúrala la doncella que no puede caber tanta cortesía, gentileza y valentía como la de su caballero sino en subjeto real y grave; consuélase con esto la cuitada; procura consolarse, por no dar mal indicio de sí a sus padres, y, a cabo de dos días, sale en público. Ya se es ido el caballero: pelea en la guerra, vence al enemigo del rey, gana muchas ciudades, triunfa de muchas batallas, vuelve a la corte, ve a su señora por donde suele, conciértase que la pida a su padre por mujer en pago de sus servicios. No se la quiere dar el rey, porque no sabe quién es; pero, con todo esto, o robada o de otra cualquier suerte que sea, la infanta viene a ser su esposa y su padre lo viene a tener a gran ventura, porque se vino a averiguar que el tal caballero es hijo de un valeroso rey de no sé qué reino, porque creo que no debe de estar en el mapa. Muérese el padre, hereda la infanta, queda rey el caballero en dos palabras. Aquí entra luego el hacer mercedes a su escudero y a todos aquellos que le ayudaron a subir a tan alto estado: casa a su escudero con una doncella de la infanta, que será, sin duda, la que fue tercera en sus amores, que es hija de un duque muy principal. — Eso pido, y barras derechas —dijo Sancho—; a eso me atengo, porque todo, al pie de la letra, ha de suceder por vuestra merced, llamándose el Caballero de la Triste Figura. — No lo dudes, Sancho —replicó don Quijote—, porque del mesmo y por los mesmos pasos que esto he contado suben y han subido los caballeros andantes a ser reyes y emperadores. Sólo falta agora mirar qué rey de los cristianos o de los paganos tenga guerra y tenga hija hermosa; pero tiempo habrá para pensar esto, pues, como te tengo dicho, primero se ha de cobrar fama por otras partes que se acuda a la corte. También me falta otra cosa; que, puesto caso que se halle rey con guerra y con hija hermosa, y que yo haya cobrado fama increíble por todo el universo, no sé yo cómo se podía hallar que yo sea de linaje de reyes, o, por lo menos, primo segundo de emperador; porque no me querrá el rey dar a su hija por mujer si no está primero muy enterado en esto, aunque más lo merezcan mis famosos hechos. Así que, por esta falta, temo perder lo que mi brazo tiene bien merecido. Bien es verdad que yo soy hijodalgo de solar conocido, de posesión y propriedad y de devengar quinientos sueldos; y podría ser que el sabio que escribiese mi historia deslindase de tal manera mi parentela y decendencia, que me hallase quinto o sesto nieto de rey. Porque te hago saber, Sancho, que hay dos maneras de linajes en el mundo: unos que traen y derriban su decendencia de príncipes y monarcas, a quien poco a poco el tiempo ha deshecho, y han acabado en punta, como pirámide puesta al revés; otros tuvieron principio de gente baja, y van subiendo de grado en grado, hasta llegar a ser grandes señores. De manera que está la diferencia en que unos fueron, que ya no son, y otros son, que ya no fueron; y podría ser yo déstos que, después de averiguado, hubiese sido mi principio grande y famoso, con lo cual se debía de contentar el rey, mi suegro, que hubiere de ser. Y cuando no, la infanta me ha de querer de manera que, a pesar de su padre, aunque claramente sepa que soy hijo de un azacán, me ha de admitir por señor y por esposo; y si no, aquí entra el roballa y llevalla donde más gusto me diere; que el tiempo o la muerte ha de acabar el enojo de sus padres. — Ahí entra bien también —dijo Sancho— lo que algunos desalmados dicen: "No pidas de grado lo que puedes tomar por fuerza"; aunque mejor cuadra decir: "Más vale salto de mata que ruego de hombres buenos". Dígolo porque si el señor rey, suegro de vuestra merced, no se quisiere domeñar a entregalle a mi señora la infanta, no hay sino, como vuestra merced dice, roballa y trasponella. Pero está el daño que, en tanto que se hagan las paces y se goce pacíficamente el reino, el pobre escudero se podrá estar a diente en esto de las mercedes. Si ya no es que la doncella tercera, que ha de ser su mujer, se sale con la infanta, y él pasa con ella su mala ventura, hasta que el cielo ordene otra cosa; porque bien podrá, creo yo, desde luego dársela su señor por ligítima esposa. — Eso no hay quien la quite —dijo don Quijote. — Pues, como eso sea —respondió Sancho—, no hay sino encomendarnos a Dios, y dejar correr la suerte por donde mejor lo encaminare. — Hágalo Dios —respondió don Quijote— como yo deseo y tú, Sancho, has menester; y ruin sea quien por ruin se tiene. — Sea par Dios —dijo Sancho—, que yo cristiano viejo soy, y para ser conde esto me basta. — Y aun te sobra —dijo don Quijote—; y cuando no lo fueras, no hacía nada al caso, porque, siendo yo el rey, bien te puedo dar nobleza, sin que la compres ni me sirvas con nada. Porque, en haciéndote conde, cátate ahí caballero, y digan lo que dijeren; que a buena fe que te han de llamar señoría, mal que les pese. — Y ¡montas que no sabría yo autorizar el litado! —dijo Sancho. — Dictado has de decir, que no litado —dijo su amo. — Sea ansí —respondió Sancho Panza—. Digo que le sabría bien acomodar, porque, por vida mía, que un tiempo fui muñidor de una cofradía, y que me asentaba tan bien la ropa de muñidor, que decían todos que tenía presencia para poder ser prioste de la mesma cofradía. Pues, ¿qué será cuando me ponga un ropón ducal a cuestas, o me vista de oro y de perlas, a uso de conde estranjero? Para mí tengo que me han de venir a ver de cien leguas. — Bien parecerás —dijo don Quijote—, pero será menester que te rapes las barbas a menudo; que, según las tienes de espesas, aborrascadas y mal puestas, si no te las rapas a navaja, cada dos días por lo menos, a tiro de escopeta se echará de ver lo que eres. — ¿Qué hay más —dijo Sancho—, sino tomar un barbero y tenelle asalariado en casa? Y aun, si fuere menester, le haré que ande tras mí, como caballerizo de grande. — Pues, ¿cómo sabes tú —preguntó don Quijote— que los grandes llevan detrás de sí a sus caballerizos? — Yo se lo diré —respondió Sancho—: los años pasados estuve un mes en la corte, y allí vi que, paseándose un señor muy pequeño, que decían que era muy grande, un hombre le seguía a caballo a todas las vueltas que daba, que no parecía sino que era su rabo. Pregunté que cómo aquel hombre no se juntaba con el otro, sino que siempre andaba tras dél. Respondiéronme que era su caballerizo y que era uso de los grandes llevar tras sí a los tales. Desde entonces lo sé tan bien que nunca se me ha olvidado. — Digo que tienes razón —dijo don Quijote—, y que así puedes tú llevar a tu barbero; que los usos no vinieron todos juntos, ni se inventaron a una, y puedes ser tú el primero conde que lleve tras sí su barbero; y aun es de más confianza el hacer la barba que ensillar un caballo. — Quédese eso del barbero a mi cargo —dijo Sancho—, y al de vuestra merced se quede el procurar venir a ser rey y el hacerme conde. — Así será —respondió don Quijote. Y, alzando los ojos, vio lo que se dirá en el siguiente capítulo. Capítulo XXII. De la libertad que dio don Quijote a muchos desdichados que, mal de su grado, los llevaban donde no quisieran ir Cuenta Cide Hamete Benengeli, autor arábigo y manchego, en esta gravísima, altisonante, mínima, dulce e imaginada historia que, después que entre el famoso don Quijote de la Mancha y Sancho Panza, su escudero, pasaron aquellas razones que en el fin del capítulo veinte y uno quedan referidas, que don Quijote alzó los ojos y vio que por el camino que llevaba venían hasta doce hombres a pie, ensartados, como cuentas, en una gran cadena de hierro por los cuellos, y todos con esposas a las manos. Venían ansimismo con ellos dos hombres de a caballo y dos de a pie; los de a caballo, con escopetas de rueda, y los de a pie, con dardos y espadas; y que así como Sancho Panza los vido, dijo: — Ésta es cadena de galeotes, gente forzada del rey, que va a las galeras. — ¿Cómo gente forzada? —preguntó don Quijote—. ¿Es posible que el rey haga fuerza a ninguna gente? — No digo eso —respondió Sancho—, sino que es gente que, por sus delitos, va condenada a servir al rey en las galeras de por fuerza. — En resolución —replicó don Quijote—, comoquiera que ello sea, esta gente, aunque los llevan, van de por fuerza, y no de su voluntad. — Así es —dijo Sancho. — Pues desa manera —dijo su amo—, aquí encaja la ejecución de mi oficio: desfacer fuerzas y socorrer y acudir a los miserables. — Advierta vuestra merced —dijo Sancho— que la justicia, que es el mesmo rey, no hace fuerza ni agravio a semejante gente, sino que los castiga en pena de sus delitos. Llegó, en esto, la cadena de los galeotes, y don Quijote, con muy corteses razones, pidió a los que iban en su guarda fuesen servidos de informalle y decille la causa, o causas, por que llevan aquella gente de aquella manera. Una de las guardas de a caballo respondió que eran galeotes, gente de Su Majestad que iba a galeras, y que no había más que decir, ni él tenía más que saber. — Con todo eso —replicó don Quijote—, querría saber de cada uno dellos en particular la causa de su desgracia. Añadió a éstas otras tales y tan comedidas razones, para moverlos a que dijesen lo que deseaba, que la otra guarda de a caballo le dijo: — Aunque llevamos aquí el registro y la fe de las sentencias de cada uno destos malaventurados, no es tiempo éste de detenerles a sacarlas ni a leellas; vuestra merced llegue y se lo pregunte a ellos mesmos, que ellos lo dirán si quisieren, que sí querrán, porque es gente que recibe gusto de hacer y decir bellaquerías. Con esta licencia, que don Quijote se tomara aunque no se la dieran, se llegó a la cadena, y al primero le preguntó que por qué pecados iba de tan mala guisa. Él le respondió que por enamorado iba de aquella manera. — ¿Por eso no más? —replicó don Quijote—. Pues, si por enamorados echan a galeras, días ha que pudiera yo estar bogando en ellas. — No son los amores como los que vuestra merced piensa —dijo el galeote—; que los míos fueron que quise tanto a una canasta de colar, atestada de ropa blanca, que la abracé conmigo tan fuertemente que, a no quitármela la justicia por fuerza, aún hasta agora no la hubiera dejado de mi voluntad. Fue en fragante, no hubo lugar de tormento; concluyóse la causa, acomodáronme las espaldas con ciento, y por añadidura tres precisos de gurapas, y acabóse la obra. — ¿Qué son gurapas? —preguntó don Quijote. — Gurapas son galeras —respondió el galeote. El cual era un mozo de hasta edad de veinte y cuatro años, y dijo que era natural de Piedrahíta. Lo mesmo preguntó don Quijote al segundo, el cual no respondió palabra, según iba de triste y malencónico; mas respondió por él el primero, y dijo: — Éste, señor, va por canario; digo, por músico y cantor. — Pues, ¿cómo —repitió don Quijote—, por músicos y cantores van también a galeras? — Sí, señor —respondió el galeote—, que no hay peor cosa que cantar en el ansia. — Antes, he yo oído decir —dijo don Quijote— que quien canta sus males espanta. — Acá es al revés —dijo el galeote—, que quien canta una vez llora toda la vida. — No lo entiendo —dijo don Quijote. Mas una de las guardas le dijo: — Señor caballero, cantar en el ansia se dice, entre esta gente non santa, confesar en el tormento. A este pecador le dieron tormento y confesó su delito, que era ser cuatrero, que es ser ladrón de bestias, y, por haber confesado, le condenaron por seis años a galeras, amén de docientos azotes que ya lleva en las espaldas. Y va siempre pensativo y triste, porque los demás ladrones que allá quedan y aquí van le maltratan y aniquilan, y escarnecen y tienen en poco, porque confesó y no tuvo ánimo de decir nones. Porque dicen ellos que tantas letras tiene un no como un sí, y que harta ventura tiene un delincuente, que está en su lengua su vida o su muerte, y no en la de los testigos y probanzas; y para mí tengo que no van muy fuera de camino. — Y yo lo entiendo así —respondió don Quijote. El cual, pasando al tercero, preguntó lo que a los otros; el cual, de presto y con mucho desenfado, respondió y dijo: — Yo voy por cinco años a las señoras gurapas por faltarme diez ducados. — Yo daré veinte de muy buena gana —dijo don Quijote— por libraros desa pesadumbre. — Eso me parece —respondió el galeote— como quien tiene dineros en mitad del golfo y se está muriendo de hambre, sin tener adonde comprar lo que ha menester. Dígolo porque si a su tiempo tuviera yo esos veinte ducados que vuestra merced ahora me ofrece, hubiera untado con ellos la péndola del escribano y avivado el ingenio del procurador, de manera que hoy me viera en mitad de la plaza de Zocodover, de Toledo, y no en este camino, atraillado como galgo; pero Dios es grande: paciencia y basta. Pasó don Quijote al cuarto, que era un hombre de venerable rostro con una barba blanca que le pasaba del pecho; el cual, oyéndose preguntar la causa por que allí venía, comenzó a llorar y no respondió palabra; mas el quinto condenado le sirvió de lengua, y dijo: — Este hombre honrado va por cuatro años a galeras, habiendo paseado las acostumbradas vestido en pompa y a caballo. — Eso es —dijo Sancho Panza—, a lo que a mí me parece, haber salido a la vergüenza. — Así es —replicó el galeote—; y la culpa por que le dieron esta pena es por haber sido corredor de oreja, y aun de todo el cuerpo. En efecto, quiero decir que este caballero va por alcahuete, y por tener asimesmo sus puntas y collar de hechicero. — A no haberle añadido esas puntas y collar —dijo don Quijote—, por solamente el alcahuete limpio, no merecía él ir a bogar en las galeras, sino a mandallas y a ser general dellas; porque no es así comoquiera el oficio de alcahuete, que es oficio de discretos y necesarísimo en la república bien ordenada, y que no le debía ejercer sino gente muy bien nacida; y aun había de haber veedor y examinador de los tales, como le hay de los demás oficios, con número deputado y conocido, como corredores de lonja; y desta manera se escusarían muchos males que se causan por andar este oficio y ejercicio entre gente idiota y de poco entendimiento, como son mujercillas de poco más a menos, pajecillos y truhanes de pocos años y de poca experiencia, que, a la más necesaria ocasión y cuando es menester dar una traza que importe, se les yelan las migas entre la boca y la mano y no saben cuál es su mano derecha. Quisiera pasar adelante y dar las razones por que convenía hacer elección de los que en la república habían de tener tan necesario oficio, pero no es el lugar acomodado para ello: algún día lo diré a quien lo pueda proveer y remediar. Sólo digo ahora que la pena que me ha causado ver estas blancas canas y este rostro venerable en tanta fatiga, por alcahuete, me la ha quitado el adjunto de ser hechicero; aunque bien sé que no hay hechizos en el mundo que puedan mover y forzar la voluntad, como algunos simples piensan; que es libre nuestro albedrío, y no hay yerba ni encanto que le fuerce. Lo que suelen hacer algunas mujercillas simples y algunos embusteros bellacos es algunas misturas y venenos con que vuelven locos a los hombres, dando a entender que tienen fuerza para hacer querer bien, siendo, como digo, cosa imposible forzar la voluntad. — Así es —dijo el buen viejo—, y, en verdad, señor, que en lo de hechicero que no tuve culpa; en lo de alcahuete, no lo pude negar. Pero nunca pensé que hacía mal en ello: que toda mi intención era que todo el mundo se holgase y viviese en paz y quietud, sin pendencias ni penas; pero no me aprovechó nada este buen deseo para dejar de ir adonde no espero volver, según me cargan los años y un mal de orina que llevo, que no me deja reposar un rato. Y aquí tornó a su llanto, como de primero; y túvole Sancho tanta compasión, que sacó un real de a cuatro del seno y se le dio de limosna. Pasó adelante don Quijote, y preguntó a otro su delito, el cual respondió con no menos, sino con mucha más gallardía que el pasado: — Yo voy aquí porque me burlé demasiadamente con dos primas hermanas mías, y con otras dos hermanas que no lo eran mías; finalmente, tanto me burlé con todas, que resultó de la burla crecer la parentela, tan intricadamente que no hay diablo que la declare. Probóseme todo, faltó favor, no tuve dineros, víame a pique de perder los tragaderos, sentenciáronme a galeras por seis años, consentí: castigo es de mi culpa; mozo soy: dure la vida, que con ella todo se alcanza. Si vuestra merced, señor caballero, lleva alguna cosa con que socorrer a estos pobretes, Dios se lo pagará en el cielo, y nosotros tendremos en la tierra cuidado de rogar a Dios en nuestras oraciones por la vida y salud de vuestra merced, que sea tan larga y tan buena como su buena presencia merece. Éste iba en hábito de estudiante, y dijo una de las guardas que era muy grande hablador y muy gentil latino. Tras todos éstos, venía un hombre de muy buen parecer, de edad de treinta años, sino que al mirar metía el un ojo en el otro un poco. Venía diferentemente atado que los demás, porque traía una cadena al pie, tan grande que se la liaba por todo el cuerpo, y dos argollas a la garganta, la una en la cadena, y la otra de las que llaman guardaamigo o piedeamigo, de la cual decendían dos hierros que llegaban a la cintura, en los cuales se asían dos esposas, donde llevaba las manos, cerradas con un grueso candado, de manera que ni con las manos podía llegar a la boca, ni podía bajar la cabeza a llegar a las manos. Preguntó don Quijote que cómo iba aquel hombre con tantas prisiones más que los otros. Respondióle la guarda porque tenía aquel solo más delitos que todos los otros juntos, y que era tan atrevido y tan grande bellaco que, aunque le llevaban de aquella manera, no iban seguros dél, sino que temían que se les había de huir. — ¿Qué delitos puede tener —dijo don Quijote—, si no han merecido más pena que echalle a las galeras? — Va por diez años —replicó la guarda—, que es como muerte cevil. No se quiera saber más, sino que este buen hombre es el famoso Ginés de Pasamonte, que por otro nombre llaman Ginesillo de Parapilla. — Señor comisario —dijo entonces el galeote—, váyase poco a poco, y no andemos ahora a deslindar nombres y sobrenombres. Ginés me llamo y no Ginesillo, y Pasamonte es mi alcurnia, y no Parapilla, como voacé dice; y cada uno se dé una vuelta a la redonda, y no hará poco. — Hable con menos tono —replicó el comisario—, señor ladrón de más de la marca, si no quiere que le haga callar, mal que le pese. — Bien parece —respondió el galeote— que va el hombre como Dios es servido, pero algún día sabrá alguno si me llamo Ginesillo de Parapilla o no. — Pues, ¿no te llaman ansí, embustero? —dijo la guarda. — Sí llaman —respondió Ginés—, mas yo haré que no me lo llamen, o me las pelaría donde yo digo entre mis dientes. Señor caballero, si tiene algo que darnos, dénoslo ya, y vaya con Dios, que ya enfada con tanto querer saber vidas ajenas; y si la mía quiere saber, sepa que yo soy Ginés de Pasamonte, cuya vida está escrita por estos pulgares. — Dice verdad —dijo el comisario—: que él mesmo ha escrito su historia, que no hay más, y deja empeñado el libro en la cárcel en docientos reales. — Y le pienso quitar —dijo Ginés—, si quedara en docientos ducados. — ¿Tan bueno es? —dijo don Quijote. — Es tan bueno —respondió Ginés— que mal año para Lazarillo de Tormes y para todos cuantos de aquel género se han escrito o escribieren. Lo que le sé decir a voacé es que trata verdades, y que son verdades tan lindas y tan donosas que no pueden haber mentiras que se le igualen. — ¿Y cómo se intitula el libro? —preguntó don Quijote. — La vida de Ginés de Pasamonte —respondió el mismo. — ¿Y está acabado? —preguntó don Quijote. — ¿Cómo puede estar acabado —respondió él—, si aún no está acabada mi vida? Lo que está escrito es desde mi nacimiento hasta el punto que esta última vez me han echado en galeras. — Luego, ¿otra vez habéis estado en ellas? —dijo don Quijote. — Para servir a Dios y al rey, otra vez he estado cuatro años, y ya sé a qué sabe el bizcocho y el corbacho —respondió Ginés—; y no me pesa mucho de ir a ellas, porque allí tendré lugar de acabar mi libro, que me quedan muchas cosas que decir, y en las galeras de España hay mas sosiego de aquel que sería menester, aunque no es menester mucho más para lo que yo tengo de escribir, porque me lo sé de coro. — Hábil pareces —dijo don Quijote. — Y desdichado —respondió Ginés—; porque siempre las desdichas persiguen al buen ingenio. — Persiguen a los bellacos —dijo el comisario. — Ya le he dicho, señor comisario —respondió Pasamonte—, que se vaya poco a poco, que aquellos señores no le dieron esa vara para que maltratase a los pobretes que aquí vamos, sino para que nos guiase y llevase adonde Su Majestad manda. Si no, ¡por vida de...! ¡Basta!, que podría ser que saliesen algún día en la colada las manchas que se hicieron en la venta; y todo el mundo calle, y viva bien, y hable mejor y caminemos, que ya es mucho regodeo éste. Alzó la vara en alto el comisario para dar a Pasamonte en respuesta de sus amenazas, mas don Quijote se puso en medio y le rogó que no le maltratase, pues no era mucho que quien llevaba tan atadas las manos tuviese algún tanto suelta la lengua. Y, volviéndose a todos los de la cadena, dijo: — De todo cuanto me habéis dicho, hermanos carísimos, he sacado en limpio que, aunque os han castigado por vuestras culpas, las penas que vais a padecer no os dan mucho gusto, y que vais a ellas muy de mala gana y muy contra vuestra voluntad; y que podría ser que el poco ánimo que aquél tuvo en el tormento, la falta de dineros déste, el poco favor del otro y, finalmente, el torcido juicio del juez, hubiese sido causa de vuestra perdición y de no haber salido con la justicia que de vuestra parte teníades. Todo lo cual se me representa a mí ahora en la memoria de manera que me está diciendo, persuadiendo y aun forzando que muestre con vosotros el efeto para que el cielo me arrojó al mundo, y me hizo profesar en él la orden de caballería que profeso, y el voto que en ella hice de favorecer a los menesterosos y opresos de los mayores. Pero, porque sé que una de las partes de la prudencia es que lo que se puede hacer por bien no se haga por mal, quiero rogar a estos señores guardianes y comisario sean servidos de desataros y dejaros ir en paz, que no faltarán otros que sirvan al rey en mejores ocasiones; porque me parece duro caso hacer esclavos a los que Dios y naturaleza hizo libres. Cuanto más, señores guardas —añadió don Quijote—, que estos pobres no han cometido nada contra vosotros. Allá se lo haya cada uno con su pecado; Dios hay en el cielo, que no se descuida de castigar al malo ni de premiar al bueno, y no es bien que los hombres honrados sean verdugos de los otros hombres, no yéndoles nada en ello. Pido esto con esta mansedumbre y sosiego, porque tenga, si lo cumplís, algo que agradeceros; y, cuando de grado no lo hagáis, esta lanza y esta espada, con el valor de mi brazo, harán que lo hagáis por fuerza. — ¡Donosa majadería! —respondió el comisario— ¡Bueno está el donaire con que ha salido a cabo de rato! ¡Los forzados del rey quiere que le dejemos, como si tuviéramos autoridad para soltarlos o él la tuviera para mandárnoslo! Váyase vuestra merced, señor, norabuena, su camino adelante, y enderécese ese bacín que trae en la cabeza, y no ande buscando tres pies al gato. — ¡Vos sois el gato, y el rato, y el bellaco! —respondió don Quijote. Y, diciendo y haciendo, arremetió con él tan presto que, sin que tuviese lugar de ponerse en defensa, dio con él en el suelo, malherido de una lanzada; y avínole bien, que éste era el de la escopeta. Las demás guardas quedaron atónitas y suspensas del no esperado acontecimiento; pero, volviendo sobre sí, pusieron mano a sus espadas los de a caballo, y los de a pie a sus dardos, y arremetieron a don Quijote, que con mucho sosiego los aguardaba; y, sin duda, lo pasara mal si los galeotes, viendo la ocasión que se les ofrecía de alcanzar libertad, no la procuraran, procurando romper la cadena donde venían ensartados. Fue la revuelta de manera que las guardas, ya por acudir a los galeotes, que se desataban, ya por acometer a don Quijote, que los acometía, no hicieron cosa que fuese de provecho. Ayudó Sancho, por su parte, a la soltura de Ginés de Pasamonte, que fue el primero que saltó en la campaña libre y desembarazado, y, arremetiendo al comisario caído, le quitó la espada y la escopeta, con la cual, apuntando al uno y señalando al otro, sin disparalla jamás, no quedó guarda en todo el campo, porque se fueron huyendo, así de la escopeta de Pasamonte como de las muchas pedradas que los ya sueltos galeotes les tiraban. Entristecióse mucho Sancho deste suceso, porque se le representó que los que iban huyendo habían de dar noticia del caso a la Santa Hermandad, la cual, a campana herida, saldría a buscar los delincuentes, y así se lo dijo a su amo, y le rogó que luego de allí se partiesen y se emboscasen en la sierra, que estaba cerca. — Bien está eso —dijo don Quijote—, pero yo sé lo que ahora conviene que se haga. Y, llamando a todos los galeotes, que andaban alborotados y habían despojado al comisario hasta dejarle en cueros, se le pusieron todos a la redonda para ver lo que les mandaba, y así les dijo: — De gente bien nacida es agradecer los beneficios que reciben, y uno de los pecados que más a Dios ofende es la ingratitud. Dígolo porque ya habéis visto, señores, con manifiesta experiencia, el que de mí habéis recebido; en pago del cual querría, y es mi voluntad, que, cargados de esa cadena que quité de vuestros cuellos, luego os pongáis en camino y vais a la ciudad del Toboso, y allí os presentéis ante la señora Dulcinea del Toboso y le digáis que su caballero, el de la Triste Figura, se le envía a encomendar, y le contéis, punto por punto, todos los que ha tenido esta famosa aventura hasta poneros en la deseada libertad; y, hecho esto, os podréis ir donde quisiéredes a la buena ventura. Respondió por todos Ginés de Pasamonte, y dijo: — Lo que vuestra merced nos manda, señor y libertador nuestro, es imposible de toda imposibilidad cumplirlo, porque no podemos ir juntos por los caminos, sino solos y divididos, y cada uno por su parte, procurando meterse en las entrañas de la tierra, por no ser hallado de la Santa Hermandad, que, sin duda alguna, ha de salir en nuestra busca. Lo que vuestra merced puede hacer, y es justo que haga, es mudar ese servicio y montazgo de la señora Dulcinea del Toboso en alguna cantidad de avemarías y credos, que nosotros diremos por la intención de vuestra merced; y ésta es cosa que se podrá cumplir de noche y de día, huyendo o reposando, en paz o en guerra; pero pensar que hemos de volver ahora a las ollas de Egipto, digo, a tomar nuestra cadena y a ponernos en camino del Toboso, es pensar que es ahora de noche, que aún no son las diez del día, y es pedir a nosotros eso como pedir peras al olmo. — Pues ¡voto a tal! —dijo don Quijote, ya puesto en cólera—, don hijo de la puta, don Ginesillo de Paropillo, o como os llamáis, que habéis de ir vos solo, rabo entre piernas, con toda la cadena a cuestas. Pasamonte, que no era nada bien sufrido, estando ya enterado que don Quijote no era muy cuerdo, pues tal disparate había cometido como el de querer darles libertad, viéndose tratar de aquella manera, hizo del ojo a los compañeros, y, apartándose aparte, comenzaron a llover tantas piedras sobre don Quijote, que no se daba manos a cubrirse con la rodela; y el pobre de Rocinante no hacía más caso de la espuela que si fuera hecho de bronce. Sancho se puso tras su asno, y con él se defendía de la nube y pedrisco que sobre entrambos llovía. No se pudo escudar tan bien don Quijote que no le acertasen no sé cuántos guijarros en el cuerpo, con tanta fuerza que dieron con él en el suelo; y apenas hubo caído, cuando fue sobre él el estudiante y le quitó la bacía de la cabeza, y diole con ella tres o cuatro golpes en las espaldas y otros tantos en la tierra, con que la hizo pedazos. Quitáronle una ropilla que traía sobre las armas, y las medias calzas le querían quitar si las grebas no lo estorbaran. A Sancho le quitaron el gabán, y, dejándole en pelota, repartiendo entre sí los demás despojos de la batalla, se fueron cada uno por su parte, con más cuidado de escaparse de la Hermandad, que temían, que de cargarse de la cadena e ir a presentarse ante la señora Dulcinea del Toboso. Solos quedaron jumento y Rocinante, Sancho y Don Quijote; el jumento, cabizbajo y pensativo, sacudiendo de cuando en cuando las orejas, pensando que aún no había cesado la borrasca de las piedras, que le perseguían los oídos; Rocinante, tendido junto a su amo, que también vino al suelo de otra pedrada; Sancho, en pelota y temeroso de la Santa Hermandad; don Quijote, mohinísimo de verse tan malparado por los mismos a quien tanto bien había hecho. Capítulo XXIII. De lo que le aconteció al famoso don Quijote en Sierra Morena, que fue una de las más raras aventuras que en esta verdadera historia se cuentan Viéndose tan malparado don Quijote, dijo a su escudero: — Siempre, Sancho, lo he oído decir, que el hacer bien a villanos es echar agua en la mar. Si yo hubiera creído lo que me dijiste, yo hubiera escusado esta pesadumbre; pero ya está hecho: paciencia, y escarmentar para desde aquí adelante. — Así escarmentará vuestra merced —respondió Sancho— como yo soy turco; pero, pues dice que si me hubiera creído se hubiera escusado este daño, créame ahora y escusará otro mayor; porque le hago saber que con la Santa Hermandad no hay usar de caballerías, que no se le da a ella por cuantos caballeros andantes hay dos maravedís; y sepa que ya me parece que sus saetas me zumban por los oídos. — Naturalmente eres cobarde, Sancho —dijo don Quijote—, pero, porque no digas que soy contumaz y que jamás hago lo que me aconsejas, por esta vez quiero tomar tu consejo y apartarme de la furia que tanto temes; mas ha de ser con una condición: que jamás, en vida ni en muerte, has de decir a nadie que yo me retiré y aparté deste peligro de miedo, sino por complacer a tus ruegos; que si otra cosa dijeres, mentirás en ello, y desde ahora para entonces, y desde entonces para ahora, te desmiento, y digo que mientes y mentirás todas las veces que lo pensares o lo dijeres. Y no me repliques más, que en sólo pensar que me aparto y retiro de algún peligro, especialmente déste, que parece que lleva algún es no es de sombra de miedo, estoy ya para quedarme, y para aguardar aquí solo, no solamente a la Santa Hermandad que dices y temes, sino a los hermanos de los doce tribus de Israel, y a los siete Macabeos, y a Cástor y a Pólux, y aun a todos los hermanos y hermandades que hay en el mundo. — Señor —respondió Sancho—, que el retirar no es huir, ni el esperar es cordura, cuando el peligro sobrepuja a la esperanza, y de sabios es guardarse hoy para mañana y no aventurarse todo en un día. Y sepa que, aunque zafio y villano, todavía se me alcanza algo desto que llaman buen gobierno; así que, no se arrepienta de haber tomado mi consejo, sino suba en Rocinante, si puede, o si no yo le ayudaré, y sígame, que el caletre me dice que hemos menester ahora más los pies que las manos. Subió don Quijote, sin replicarle más palabra, y, guiando Sancho sobre su asno, se entraron por una parte de Sierra Morena, que allí junto estaba, llevando Sancho intención de atravesarla toda e ir a salir al Viso, o a Almodóvar del Campo, y esconderse algunos días por aquellas asperezas, por no ser hallados si la Hermandad los buscase. Animóle a esto haber visto que de la refriega de los galeotes se había escapado libre la despensa que sobre su asno venía, cosa que la juzgó a milagro, según fue lo que llevaron y buscaron los galeotes. Así como don Quijote entró por aquellas montañas, se le alegró el corazón, pareciéndole aquellos lugares acomodados para las aventuras que buscaba. Reducíansele a la memoria los maravillosos acaecimientos que en semejantes soledades y asperezas habían sucedido a caballeros andantes. Iba pensando en estas cosas, tan embebecido y trasportado en ellas que de ninguna otra se acordaba. Ni Sancho llevaba otro cuidado —después que le pareció que caminaba por parte segura— sino de satisfacer su estómago con los relieves que del despojo clerical habían quedado; y así, iba tras su amo sentado a la mujeriega sobre su jumento, sacando de un costal y embaulando en su panza; y no se le diera por hallar otra ventura, entretanto que iba de aquella manera, un ardite. En esto, alzó los ojos y vio que su amo estaba parado, procurando con la punta del lanzón alzar no sé qué bulto que estaba caído en el suelo, por lo cual se dio priesa a llegar a ayudarle si fuese menester; y cuando llegó fue a tiempo que alzaba con la punta del lanzón un cojín y una maleta asida a él, medio podridos, o podridos del todo, y deshechos; mas, pesaba tanto, que fue necesario que Sancho se apease a tomarlos, y mandóle su amo que viese lo que en la maleta venía. Hízolo con mucha presteza Sancho, y, aunque la maleta venía cerrada con una cadena y su candado, por lo roto y podrido della vio lo que en ella había, que eran cuatro camisas de delgada holanda y otras cosas de lienzo, no menos curiosas que limpias, y en un pañizuelo halló un buen montoncillo de escudos de oro; y, así como los vio, dijo: — ¡Bendito sea todo el cielo, que nos ha deparado una aventura que sea de provecho! Y buscando más, halló un librillo de memoria, ricamente guarnecido. Éste le pidió don Quijote, y mandóle que guardase el dinero y lo tomase para él. Besóle las manos Sancho por la merced, y, desvalijando a la valija de su lencería, la puso en el costal de la despensa. Todo lo cual visto por don Quijote, dijo: — Paréceme, Sancho, y no es posible que sea otra cosa, que algún caminante descaminado debió de pasar por esta sierra, y, salteándole malandrines, le debieron de matar, y le trujeron a enterrar en esta tan escondida parte. — No puede ser eso —respondió Sancho—, porque si fueran ladrones, no se dejaran aquí este dinero. — Verdad dices —dijo don Quijote—, y así, no adivino ni doy en lo que esto pueda ser; mas, espérate: veremos si en este librillo de memoria hay alguna cosa escrita por donde podamos rastrear y venir en conocimiento de lo que deseamos. Abrióle, y lo primero que halló en él escrito, como en borrador, aunque de muy buena letra, fue un soneto, que, leyéndole alto porque Sancho también lo oyese, vio que decía desta manera: O le falta al Amor conocimiento, o le sobra crueldad, o no es mi pena igual a la ocasión que me condena al género más duro de tormento. Pero si Amor es dios, es argumento que nada ignora, y es razón muy buena que un dios no sea cruel. Pues, ¿quién ordena el terrible dolor que adoro y siento? Si digo que sois vos, Fili, no acierto; que tanto mal en tanto bien no cabe, ni me viene del cielo esta rüina. Presto habré de morir, que es lo más cierto; que al mal de quien la causa no se sabe milagro es acertar la medicina. — Por esa trova —dijo Sancho— no se puede saber nada, si ya no es que por ese hilo que está ahí se saque el ovillo de todo. — ¿Qué hilo está aquí? —dijo don Quijote. — Paréceme —dijo Sancho— que vuestra merced nombró ahí hilo. — No dije sino Fili —respondió don Quijote—, y éste, sin duda, es el nombre de la dama de quien se queja el autor deste soneto; y a fe que debe de ser razonable poeta, o yo sé poco del arte. — Luego, ¿también —dijo Sancho— se le entiende a vuestra merced de trovas? — Y más de lo que tú piensas —respondió don Quijote—, y veráslo cuando lleves una carta, escrita en verso de arriba abajo, a mi señora Dulcinea del Toboso. Porque quiero que sepas, Sancho, que todos o los más caballeros andantes de la edad pasada eran grandes trovadores y grandes músicos; que estas dos habilidades, o gracias, por mejor decir, son anexas a los enamorados andantes. Verdad es que las coplas de los pasados caballeros tienen más de espíritu que de primor. — Lea más vuestra merced —dijo Sancho—, que ya hallará algo que nos satisfaga. Volvió la hoja don Quijote y dijo: — Esto es prosa, y parece carta. — ¿Carta misiva, señor? —preguntó Sancho. — En el principio no parece sino de amores —respondió don Quijote. — Pues lea vuestra merced alto —dijo Sancho—, que gusto mucho destas cosas de amores. — Que me place —dijo don Quijote. Y, leyéndola alto, como Sancho se lo había rogado, vio que decía desta manera: Tu falsa promesa y mi cierta desventura me llevan a parte donde antes volverán a tus oídos las nuevas de mi muerte que las razones de mis quejas. Desechásteme, ¡oh ingrata!, por quien tiene más, no por quien vale más que yo; mas si la virtud fuera riqueza que se estimara, no envidiara yo dichas ajenas ni llorara desdichas propias. Lo que levantó tu hermosura han derribado tus obras: por ella entendí que eras ángel, y por ellas conozco que eres mujer. Quédate en paz, causadora de mi guerra, y haga el cielo que los engaños de tu esposo estén siempre encubiertos, porque tú no quedes arrepentida de lo que heciste y yo no tome venganza de lo que no deseo. Acabando de leer la carta, dijo don Quijote: — Menos por ésta que por los versos se puede sacar más de que quien la escribió es algún desdeñado amante. Y, hojeando casi todo el librillo, halló otros versos y cartas, que algunos pudo leer y otros no; pero lo que todos contenían eran quejas, lamentos, desconfianzas, sabores y sinsabores, favores y desdenes, solenizados los unos y llorados los otros. En tanto que don Quijote pasaba el libro, pasaba Sancho la maleta, sin dejar rincón en toda ella, ni en el cojín, que no buscase, escudriñase e inquiriese, ni costura que no deshiciese, ni vedija de lana que no escarmenase, porque no se quedase nada por diligencia ni mal recado: tal golosina habían despertado en él los hallados escudos, que pasaban de ciento. Y, aunque no halló mas de lo hallado, dio por bien empleados los vuelos de la manta, el vomitar del brebaje, las bendiciones de las estacas, las puñadas del arriero, la falta de las alforjas, el robo del gabán y toda la hambre, sed y cansancio que había pasado en servicio de su buen señor, pareciéndole que estaba más que rebién pagado con la merced recebida de la entrega del hallazgo. Con gran deseo quedó el Caballero de la Triste Figura de saber quién fuese el dueño de la maleta, conjeturando, por el soneto y carta, por el dinero en oro y por las tan buenas camisas, que debía de ser de algún principal enamorado, a quien desdenes y malos tratamientos de su dama debían de haber conducido a algún desesperado término. Pero, como por aquel lugar inhabitable y escabroso no parecía persona alguna de quien poder informarse, no se curó de más que de pasar adelante, sin llevar otro camino que aquel que Rocinante quería, que era por donde él podía caminar, siempre con imaginación que no podía faltar por aquellas malezas alguna estraña aventura. Yendo, pues, con este pensamiento, vio que, por cima de una montañuela que delante de los ojos se le ofrecía, iba saltando un hombre, de risco en risco y de mata en mata, con estraña ligereza. Figurósele que iba desnudo, la barba negra y espesa, los cabellos muchos y rabultados, los pies descalzos y las piernas sin cosa alguna; los muslos cubrían unos calzones, al parecer de terciopelo leonado, mas tan hechos pedazos que por muchas partes se le descubrían las carnes. Traía la cabeza descubierta, y, aunque pasó con la ligereza que se ha dicho, todas estas menudencias miró y notó el Caballero de la Triste Figura; y, aunque lo procuró, no pudo seguille, porque no era dado a la debilidad de Rocinante andar por aquellas asperezas, y más siendo él de suyo pisacorto y flemático. Luego imaginó don Quijote que aquél era el dueño del cojín y de la maleta, y propuso en sí de buscalle, aunque supiese andar un año por aquellas montañas hasta hallarle; y así, mandó a Sancho que se apease del asno y atajase por la una parte de la montaña, que él iría por la otra y podría ser que topasen, con esta diligencia, con aquel hombre que con tanta priesa se les había quitado de delante. — No podré hacer eso —respondió Sancho—, porque, en apartándome de vuestra merced, luego es conmigo el miedo, que me asalta con mil géneros de sobresaltos y visiones. Y sírvale esto que digo de aviso, para que de aquí adelante no me aparte un dedo de su presencia. — Así será —dijo el de la Triste Figura—, y yo estoy muy contento de que te quieras valer de mi ánimo, el cual no te ha de faltar, aunque te falte el ánima del cuerpo. Y vente ahora tras mí poco a poco, o como pudieres, y haz de los ojos lanternas; rodearemos esta serrezuela: quizá toparemos con aquel hombre que vimos, el cual, sin duda alguna, no es otro que el dueño de nuestro hallazgo. A lo que Sancho respondió: — Harto mejor sería no buscalle, porque si le hallamos y acaso fuese el dueño del dinero, claro está que lo tengo de restituir; y así, fuera mejor, sin hacer esta inútil diligencia, poseerlo yo con buena fe hasta que, por otra vía menos curiosa y diligente, pareciera su verdadero señor; y quizá fuera a tiempo que lo hubiera gastado, y entonces el rey me hacía franco. — Engáñaste en eso, Sancho —respondió don Quijote—; que, ya que hemos caído en sospecha de quién es el dueño, cuasi delante, estamos obligados a buscarle y volvérselos; y, cuando no le buscásemos, la vehemente sospecha que tenemos de que él lo sea nos pone ya en tanta culpa como si lo fuese. Así que, Sancho amigo, no te dé pena el buscalle, por la que a mí se me quitará si le hallo. Y así, picó a Rocinante, y siguióle Sancho con su acostumbrado jumento; y, habiendo rodeado parte de la montaña, hallaron en un arroyo, caída, muerta y medio comida de perros y picada de grajos, una mula ensillada y enfrenada; todo lo cual confirmó en ellos más la sospecha de que aquel que huía era el dueño de la mula y del cojín. Estándola mirando, oyeron un silbo como de pastor que guardaba ganado, y a deshora, a su siniestra mano, parecieron una buena cantidad de cabras, y tras ellas, por cima de la montaña, pareció el cabrero que las guardaba, que era un hombre anciano. Diole voces don Quijote, y rogóle que bajase donde estaban. Él respondió a gritos que quién les había traído por aquel lugar, pocas o ningunas veces pisado sino de pies de cabras o de lobos y otras fieras que por allí andaban. Respondióle Sancho que bajase, que de todo le darían buena cuenta. Bajó el cabrero, y, en llegando adonde don Quijote estaba, dijo: — Apostaré que está mirando la mula de alquiler que está muerta en esa hondonada. Pues a buena fe que ha ya seis meses que está en ese lugar. Díganme: ¿han topado por ahí a su dueño? — No hemos topado a nadie —respondió don Quijote—, sino a un cojín y a una maletilla que no lejos deste lugar hallamos. — También la hallé yo —respondió el cabrero—, mas nunca la quise alzar ni llegar a ella, temeroso de algún desmán y de que no me la pidiesen por de hurto; que es el diablo sotil, y debajo de los pies se levanta allombre cosa donde tropiece y caya, sin saber cómo ni cómo no. — Eso mesmo es lo que yo digo —respondió Sancho—: que también la hallé yo, y no quise llegar a ella con un tiro de piedra; allí la dejé y allí se queda como se estaba, que no quiero perro con cencerro. — Decidme, buen hombre —dijo don Quijote—, ¿sabéis vos quién sea el dueño destas prendas? — Lo que sabré yo decir —dijo el cabrero— es que «habrá al pie de seis meses, poco más a menos, que llegó a una majada de pastores, que estará como tres leguas deste lugar, un mancebo de gentil talle y apostura, caballero sobre esa mesma mula que ahí está muerta, y con el mesmo cojín y maleta que decís que hallastes y no tocastes. Preguntónos que cuál parte desta sierra era la más áspera y escondida; dijímosle que era esta donde ahora estamos; y es ansí la verdad, porque si entráis media legua más adentro, quizá no acertaréis a salir; y estoy maravillado de cómo habéis podido llegar aquí, porque no hay camino ni senda que a este lugar encamine. Digo, pues, que, en oyendo nuestra respuesta el mancebo, volvió las riendas y encaminó hacia el lugar donde le señalamos, dejándonos a todos contentos de su buen talle, y admirados de su demanda y de la priesa con que le víamos caminar y volverse hacia la sierra; y desde entonces nunca más le vimos, hasta que desde allí a algunos días salió al camino a uno de nuestros pastores, y, sin decille nada, se llegó a él y le dio muchas puñadas y coces, y luego se fue a la borrica del hato y le quitó cuanto pan y queso en ella traía; y, con estraña ligereza, hecho esto, se volvió a emboscar en la sierra. Como esto supimos algunos cabreros, le anduvimos a buscar casi dos días por lo más cerrado desta sierra, al cabo de los cuales le hallamos metido en el hueco de un grueso y valiente alcornoque. Salió a nosotros con mucha mansedumbre, ya roto el vestido, y el rostro disfigurado y tostado del sol, de tal suerte que apenas le conocíamos, sino que los vestidos, aunque rotos, con la noticia que dellos teníamos, nos dieron a entender que era el que buscábamos. Saludónos cortésmente, y en pocas y muy buenas razones nos dijo que no nos maravillásemos de verle andar de aquella suerte, porque así le convenía para cumplir cierta penitencia que por sus muchos pecados le había sido impuesta. Rogámosle que nos dijese quién era, mas nunca lo pudimos acabar con él. Pedímosle también que, cuando hubiese menester el sustento, sin el cual no podía pasar, nos dijese dónde le hallaríamos, porque con mucho amor y cuidado se lo llevaríamos; y que si esto tampoco fuese de su gusto, que, a lo menos, saliese a pedirlo, y no a quitarlo a los pastores. Agradeció nuestro ofrecimiento, pidió perdón de los asaltos pasados, y ofreció de pedillo de allí adelante por amor de Dios, sin dar molestia alguna a nadie. En cuanto lo que tocaba a la estancia de su habitación, dijo que no tenía otra que aquella que le ofrecía la ocasión donde le tomaba la noche; y acabó su plática con un tan tierno llanto, que bien fuéramos de piedra los que escuchado le habíamos, si en él no le acompañáramos, considerándole cómo le habíamos visto la vez primera, y cuál le veíamos entonces. Porque, como tengo dicho, era un muy gentil y agraciado mancebo, y en sus corteses y concertadas razones mostraba ser bien nacido y muy cortesana persona; que, puesto que éramos rústicos los que le escuchábamos, su gentileza era tanta, que bastaba a darse a conocer a la mesma rusticidad. Y, estando en lo mejor de su plática, paró y enmudecióse; clavó los ojos en el suelo por un buen espacio, en el cual todos estuvimos quedos y suspensos, esperando en qué había de parar aquel embelesamiento, con no poca lástima de verlo; porque, por lo que hacía de abrir los ojos, estar fijo mirando al suelo sin mover pestaña gran rato, y otras veces cerrarlos, apretando los labios y enarcando las cejas, fácilmente conocimos que algún accidente de locura le había sobrevenido. Mas él nos dio a entender presto ser verdad lo que pensábamos, porque se levantó con gran furia del suelo, donde se había echado, y arremetió con el primero que halló junto a sí, con tal denuedo y rabia que, si no se le quitáramos, le matara a puñadas y a bocados; y todo esto hacía, diciendo: ''¡Ah, fementido Fernando! ¡Aquí, aquí me pagarás la sinrazón que me heciste: estas manos te sacarán el corazón, donde albergan y tienen manida todas las maldades juntas, principalmente la fraude y el engaño!'' Y a éstas añadía otras razones, que todas se encaminaban a decir mal de aquel Fernando y a tacharle de traidor y fementido. Quitámossele, pues, con no poca pesadumbre, y él, sin decir más palabra, se apartó de nosotros y se emboscó corriendo por entre estos jarales y malezas, de modo que nos imposibilitó el seguille. Por esto conjeturamos que la locura le venía a tiempos, y que alguno que se llamaba Fernando le debía de haber hecho alguna mala obra, tan pesada cuanto lo mostraba el término a que le había conducido. Todo lo cual se ha confirmado después acá con las veces, que han sido muchas, que él ha salido al camino, unas a pedir a los pastores le den de lo que llevan para comer y otras a quitárselo por fuerza; porque cuando está con el accidente de la locura, aunque los pastores se lo ofrezcan de buen grado, no lo admite, sino que lo toma a puñadas; y cuando está en su seso, lo pide por amor de Dios, cortés y comedidamente, y rinde por ello muchas gracias, y no con falta de lágrimas. Y en verdad os digo, señores —prosiguió el cabrero—, que ayer determinamos yo y cuatro zagales, los dos criados y los dos amigos míos, de buscarle hasta tanto que le hallemos, y, después de hallado, ya por fuerza ya por grado, le hemos de llevar a la villa de Almodóvar, que está de aquí ocho leguas, y allí le curaremos, si es que su mal tiene cura, o sabremos quién es cuando esté en sus seso, y si tiene parientes a quien dar noticia de su desgracia». Esto es, señores, lo que sabré deciros de lo que me habéis preguntado; y entended que el dueño de las prendas que hallastes es el mesmo que vistes pasar con tanta ligereza como desnudez —que ya le había dicho don Quijote cómo había visto pasar aquel hombre saltando por la sierra. El cual quedó admirado de lo que al cabrero había oído, y quedó con más deseo de saber quién era el desdichado loco; y propuso en sí lo mesmo que ya tenía pensado: de buscalle por toda la montaña, sin dejar rincón ni cueva en ella que no mirase, hasta hallarle. Pero hízolo mejor la suerte de lo que él pensaba ni esperaba, porque en aquel mesmo instante pareció, por entre una quebrada de una sierra que salía donde ellos estaban, el mancebo que buscaba, el cual venía hablando entre sí cosas que no podían ser entendidas de cerca, cuanto más de lejos. Su traje era cual se ha pintado, sólo que, llegando cerca, vio don Quijote que un coleto hecho pedazos que sobre sí traía era de ámbar; por donde acabó de entender que persona que tales hábitos traía no debía de ser de ínfima calidad. En llegando el mancebo a ellos, les saludó con una voz desentonada y bronca, pero con mucha cortesía. Don Quijote le volvió las saludes con no menos comedimiento, y, apeándose de Rocinante, con gentil continente y donaire, le fue a abrazar y le tuvo un buen espacio estrechamente entre sus brazos, como si de luengos tiempos le hubiera conocido. El otro, a quien podemos llamar el Roto de la Mala Figura —como a don Quijote el de la Triste—, después de haberse dejado abrazar, le apartó un poco de sí, y, puestas sus manos en los hombros de don Quijote, le estuvo mirando, como que quería ver si le conocía; no menos admirado quizá de ver la figura, talle y armas de don Quijote, que don Quijote lo estaba de verle a él. En resolución, el primero que habló después del abrazamiento fue el Roto, y dijo lo que se dirá adelante. Capítulo XXIV. Donde se prosigue la aventura de la Sierra Morena Dice la historia que era grandísima la atención con que don Quijote escuchaba al astroso Caballero de la Sierra, el cual, prosiguiendo su plática, dijo: — Por cierto, señor, quienquiera que seáis, que yo no os conozco, yo os agradezco las muestras y la cortesía que conmigo habéis usado; y quisiera yo hallarme en términos que con más que la voluntad pudiera servir la que habéis mostrado tenerme en el buen acogimiento que me habéis hecho, mas no quiere mi suerte darme otra cosa con que corresponda a las buenas obras que me hacen, que buenos deseos de satisfacerlas. — Los que yo tengo —respondió don Quijote— son de serviros; tanto, que tenía determinado de no salir destas sierras hasta hallaros y saber de vos si el dolor que en la estrañeza de vuestra vida mostráis tener se podía hallar algún género de remedio; y si fuera menester buscarle, buscarle con la diligencia posible. Y, cuando vuestra desventura fuera de aquellas que tienen cerradas las puertas a todo género de consuelo, pensaba ayudaros a llorarla y plañirla como mejor pudiera, que todavía es consuelo en las desgracias hallar quien se duela dellas. Y, si es que mi buen intento merece ser agradecido con algún género de cortesía, yo os suplico, señor, por la mucha que veo que en vos se encierra, y juntamente os conjuro por la cosa que en esta vida más habéis amado o amáis, que me digáis quién sois y la causa que os ha traído a vivir y a morir entre estas soledades como bruto animal, pues moráis entre ellos tan ajeno de vos mismo cual lo muestra vuestro traje y persona. Y juro —añadió don Quijote—, por la orden de caballería que recebí, aunque indigno y pecador, y por la profesión de caballero andante, que si en esto, señor, me complacéis, de serviros con las veras a que me obliga el ser quien soy: ora remediando vuestra desgracia, si tiene remedio, ora ayudándoos a llorarla, como os lo he prometido. El Caballero del Bosque, que de tal manera oyó hablar al de la Triste Figura, no hacía sino mirarle, y remirarle y tornarle a mirar de arriba abajo; y, después que le hubo bien mirado, le dijo: — Si tienen algo que darme a comer, por amor de Dios que me lo den; que, después de haber comido, yo haré todo lo que se me manda, en agradecimiento de tan buenos deseos como aquí se me han mostrado. Luego sacaron, Sancho de su costal y el cabrero de su zurrón, con que satisfizo el Roto su hambre, comiendo lo que le dieron como persona atontada, tan apriesa que no daba espacio de un bocado al otro, pues antes los engullía que tragaba; y, en tanto que comía, ni él ni los que le miraban hablaban palabra. Como acabó de comer, les hizo de señas que le siguiesen, como lo hicieron, y él los llevó a un verde pradecillo que a la vuelta de una peña poco desviada de allí estaba. En llegando a él se tendió en el suelo, encima de la yerba, y los demás hicieron lo mismo; y todo esto sin que ninguno hablase, hasta que el Roto, después de haberse acomodado en su asiento, dijo: — Si gustáis, señores, que os diga en breves razones la inmensidad de mis desventuras, habéisme de prometer de que con ninguna pregunta, ni otra cosa, no interromperéis el hilo de mi triste historia; porque en el punto que lo hagáis, en ése se quedará lo que fuere contando. Estas razones del Roto trujeron a la memoria a don Quijote el cuento que le había contado su escudero, cuando no acertó el número de las cabras que habían pasado el río y se quedó la historia pendiente. Pero, volviendo al Roto, prosiguió diciendo: — Esta prevención que hago es porque querría pasar brevemente por el cuento de mis desgracias; que el traerlas a la memoria no me sirve de otra cosa que añadir otras de nuevo, y, mientras menos me preguntáredes, más presto acabaré yo de decillas, puesto que no dejaré por contar cosa alguna que sea de importancia para no satisfacer del todo a vuestro deseo. Don Quijote se lo prometió, en nombre de los demás, y él, con este seguro, comenzó desta manera: — «Mi nombre es Cardenio; mi patria, una ciudad de las mejores desta Andalucía; mi linaje, noble; mis padres, ricos; mi desventura, tanta que la deben de haber llorado mis padres y sentido mi linaje, sin poderla aliviar con su riqueza; que para remediar desdichas del cielo poco suelen valer los bienes de fortuna. Vivía en esta mesma tierra un cielo, donde puso el amor toda la gloria que yo acertara a desearme: tal es la hermosura de Luscinda, doncella tan noble y tan rica como yo, pero de más ventura y de menos firmeza de la que a mis honrados pensamientos se debía. A esta Luscinda amé, quise y adoré desde mis tiernos y primeros años, y ella me quiso a mí con aquella sencillez y buen ánimo que su poca edad permitía. Sabían nuestros padres nuestros intentos, y no les pesaba dello, porque bien veían que, cuando pasaran adelante, no podían tener otro fin que el de casarnos, cosa que casi la concertaba la igualdad de nuestro linaje y riquezas. Creció la edad, y con ella el amor de entrambos, que al padre de Luscinda le pareció que por buenos respetos estaba obligado a negarme la entrada de su casa, casi imitando en esto a los padres de aquella Tisbe tan decantada de los poetas. Y fue esta negación añadir llama a llama y deseo a deseo, porque, aunque pusieron silencio a las lenguas, no le pudieron poner a las plumas, las cuales, con más libertad que las lenguas, suelen dar a entender a quien quieren lo que en el alma está encerrado; que muchas veces la presencia de la cosa amada turba y enmudece la intención más determinada y la lengua más atrevida. ¡Ay cielos, y cuántos billetes le escribí! ¡Cuán regaladas y honestas respuestas tuve! ¡Cuántas canciones compuse y cuántos enamorados versos, donde el alma declaraba y trasladaba sus sentimientos, pintaba sus encendidos deseos, entretenía sus memorias y recreaba su voluntad! »En efeto, viéndome apurado, y que mi alma se consumía con el deseo de verla, determiné poner por obra y acabar en un punto lo que me pareció que más convenía para salir con mi deseado y merecido premio; y fue el pedírsela a su padre por legítima esposa, como lo hice; a lo que él me respondió que me agradecía la voluntad que mostraba de honralle, y de querer honrarme con prendas suyas, pero que, siendo mi padre vivo, a él tocaba de justo derecho hacer aquella demanda; porque, si no fuese con mucha voluntad y gusto suyo, no era Luscinda mujer para tomarse ni darse a hurto. »Yo le agradecí su buen intento, pareciéndome que llevaba razón en lo que decía, y que mi padre vendría en ello como yo se lo dijese; y con este intento, luego en aquel mismo instante, fui a decirle a mi padre lo que deseaba. Y, al tiempo que entré en un aposento donde estaba, le hallé con una carta abierta en la mano, la cual, antes que yo le dijese palabra, me la dio y me dijo: ''Por esa carta verás, Cardenio, la voluntad que el duque Ricardo tiene de hacerte merced''.» Este duque Ricardo, como ya vosotros, señores, debéis de saber, es un grande de España que tiene su estado en lo mejor desta Andalucía. «Tomé y leí la carta, la cual venía tan encarecida que a mí mesmo me pareció mal si mi padre dejaba de cumplir lo que en ella se le pedía, que era que me enviase luego donde él estaba; que quería que fuese compañero, no criado, de su hijo el mayor, y que él tomaba a cargo el ponerme en estado que correspondiese a la estimación en que me tenía. Leí la carta y enmudecí leyéndola, y más cuando oí que mi padre me decía: ''De aquí a dos días te partirás, Cardenio, a hacer la voluntad del duque; y da gracias a Dios que te va abriendo camino por donde alcances lo que yo sé que mereces''. Añadió a éstas otras razones de padre consejero. »Llegóse el término de mi partida, hablé una noche a Luscinda, díjele todo lo que pasaba, y lo mesmo hice a su padre, suplicándole se entretuviese algunos días y dilatase el darle estado hasta que yo viese lo que Ricardo me quería. Él me lo prometió y ella me lo confirmó con mil juramentos y mil desmayos. Vine, en fin, donde el duque Ricardo estaba. Fui dél tan bien recebido y tratado, que desde luego comenzó la envidia a hacer su oficio, teniéndomela los criados antiguos, pareciéndoles que las muestras que el duque daba de hacerme merced habían de ser en perjuicio suyo. Pero el que más se holgó con mi ida fue un hijo segundo del duque, llamado Fernando, mozo gallardo, gentilhombre, liberal y enamorado, el cual, en poco tiempo, quiso que fuese tan su amigo, que daba que decir a todos; y, aunque el mayor me quería bien y me hacía merced, no llegó al estremo con que don Fernando me quería y trataba. »Es, pues, el caso que, como entre los amigos no hay cosa secreta que no se comunique, y la privanza que yo tenía con don Fernando dejada de serlo por ser amistad, todos sus pensamientos me declaraba, especialmente uno enamorado, que le traía con un poco de desasosiego. Quería bien a una labradora, vasalla de su padre (y ella los tenía muy ricos), y era tan hermosa, recatada, discreta y honesta que nadie que la conocía se determinaba en cuál destas cosas tuviese más excelencia ni más se aventajase. Estas tan buenas partes de la hermosa labradora redujeron a tal término los deseos de don Fernando, que se determinó, para poder alcanzarlo y conquistar la entereza de la labradora, darle palabra de ser su esposo, porque de otra manera era procurar lo imposible. Yo, obligado de su amistad, con las mejores razones que supe y con los más vivos ejemplos que pude, procuré estorbarle y apartarle de tal propósito. Pero, viendo que no aprovechaba, determiné de decirle el caso al duque Ricardo, su padre. Mas don Fernando, como astuto y discreto, se receló y temió desto, por parecerle que estaba yo obligado, en vez de buen criado, no tener encubierta cosa que tan en perjuicio de la honra de mi señor el duque venía; y así, por divertirme y engañarme, me dijo que no hallaba otro mejor remedio para poder apartar de la memoria la hermosura que tan sujeto le tenía, que el ausentarse por algunos meses; y que quería que el ausencia fuese que los dos nos viniésemos en casa de mi padre, con ocasión que darían al duque que venía a ver y a feriar unos muy buenos caballos que en mi ciudad había, que es madre de los mejores del mundo. »Apenas le oí yo decir esto, cuando, movido de mi afición, aunque su determinación no fuera tan buena, la aprobara yo por una de las más acertadas que se podían imaginar, por ver cuán buena ocasión y coyuntura se me ofrecía de volver a ver a mi Luscinda. Con este pensamiento y deseo, aprobé su parecer y esforcé su propósito, diciéndole que lo pusiese por obra con la brevedad posible, porque, en efeto, la ausencia hacía su oficio, a pesar de los más firmes pensamientos. Ya cuando él me vino a decir esto, según después se supo, había gozado a la labradora con título de esposo, y esperaba ocasión de descubrirse a su salvo, temeroso de lo que el duque su padre haría cuando supiese su disparate. »Sucedió, pues, que, como el amor en los mozos, por la mayor parte, no lo es, sino apetito, el cual, como tiene por último fin el deleite, en llegando a alcanzarle se acaba y ha de volver atrás aquello que parecía amor, porque no puede pasar adelante del término que le puso naturaleza, el cual término no le puso a lo que es verdadero amor...; quiero decir que, así como don Fernando gozó a la labradora, se le aplacaron sus deseos y se resfriaron sus ahíncos; y si primero fingía quererse ausentar, por remediarlos, ahora de veras procuraba irse, por no ponerlos en ejecución. Diole el duque licencia, y mandóme que le acompañase. Venimos a mi ciudad, recibióle mi padre como quien era; vi yo luego a Luscinda, tornaron a vivir, aunque no habían estado muertos ni amortiguados, mis deseos, de los cuales di cuenta, por mi mal, a don Fernando, por parecerme que, en la ley de la mucha amistad que mostraba, no le debía encubrir nada. Alabéle la hermosura, donaire y discreción de Luscinda de tal manera, que mis alabanzas movieron en él los deseos de querer ver doncella de tantas buenas partes adornada. Cumplíselos yo, por mi corta suerte, enseñándosela una noche, a la luz de una vela, por una ventana por donde los dos solíamos hablarnos. Viola en sayo, tal, que todas las bellezas hasta entonces por él vistas las puso en olvido. Enmudeció, perdió el sentido, quedó absorto y, finalmente, tan enamorado cual lo veréis en el discurso del cuento de mi desventura. Y, para encenderle más el deseo, que a mí me celaba y al cielo a solas descubría, quiso la fortuna que hallase un día un billete suyo pidiéndome que la pidiese a su padre por esposa, tan discreto, tan honesto y tan enamorado que, en leyéndolo, me dijo que en sola Luscinda se encerraban todas las gracias de hermosura y de entendimiento que en las demás mujeres del mundo estaban repartidas. »Bien es verdad que quiero confesar ahora que, puesto que yo veía con cuán justas causas don Fernando a Luscinda alababa, me pesaba de oír aquellas alabanzas de su boca, y comencé a temer y a recelarme dél, porque no se pasaba momento donde no quisiese que tratásemos de Luscinda, y él movía la plática, aunque la trujese por los cabellos; cosa que despertaba en mí un no sé qué de celos, no porque yo temiese revés alguno de la bondad y de la fe de Luscinda, pero, con todo eso, me hacía temer mi suerte lo mesmo que ella me aseguraba. Procuraba siempre don Fernando leer los papeles que yo a Luscinda enviaba y los que ella me respondía, a título que de la discreción de los dos gustaba mucho. Acaeció, pues, que, habiéndome pedido Luscinda un libro de caballerías en que leer, de quien era ella muy aficionada, que era el de Amadís de Gaula...» No hubo bien oído don Quijote nombrar libro de caballerías, cuando dijo: — Con que me dijera vuestra merced, al principio de su historia, que su merced de la señora Luscinda era aficionada a libros de caballerías, no fuera menester otra exageración para darme a entender la alteza de su entendimiento, porque no le tuviera tan bueno como vos, señor, le habéis pintado, si careciera del gusto de tan sabrosa leyenda: así que, para conmigo, no es menester gastar más palabras en declararme su hermosura, valor y entendimiento; que, con sólo haber entendido su afición, la confirmo por la más hermosa y más discreta mujer del mundo. Y quisiera yo, señor, que vuestra merced le hubiera enviado junto con Amadís de Gaula al bueno de Don Rugel de Grecia, que yo sé que gustara la señora Luscinda mucho de Daraida y Geraya, y de las discreciones del pastor Darinel y de aquellos admirables versos de sus bucólicas, cantadas y representadas por él con todo donaire, discreción y desenvoltura. Pero tiempo podrá venir en que se enmiende esa falta, y no dura más en hacerse la enmienda de cuanto quiera vuestra merced ser servido de venirse conmigo a mi aldea, que allí le podré dar más de trecientos libros, que son el regalo de mi alma y el entretenimiento de mi vida; aunque tengo para mí que ya no tengo ninguno, merced a la malicia de malos y envidiosos encantadores. Y perdóneme vuestra merced el haber contravenido a lo que prometimos de no interromper su plática, pues, en oyendo cosas de caballerías y de caballeros andantes, así es en mi mano dejar de hablar en ellos, como lo es en la de los rayos del sol dejar de calentar, ni humedecer en los de la luna. Así que, perdón y proseguir, que es lo que ahora hace más al caso. En tanto que don Quijote estaba diciendo lo que queda dicho, se le había caído a Cardenio la cabeza sobre el pecho, dando muestras de estar profundamente pensativo. Y, puesto que dos veces le dijo don Quijote que prosiguiese su historia, ni alzaba la cabeza ni respondía palabra; pero, al cabo de un buen espacio, la levantó y dijo: — No se me puede quitar del pensamiento, ni habrá quien me lo quite en el mundo, ni quien me dé a entender otra cosa (y sería un majadero el que lo contrario entendiese o creyese), sino que aquel bellaconazo del maestro Elisabat estaba amancebado con la reina Madésima. — Eso no, ¡voto a tal! —respondió con mucha cólera don Quijote (y arrojóle, como tenía de costumbre)—; y ésa es una muy gran malicia, o bellaquería, por mejor decir: la reina Madásima fue muy principal señora, y no se ha de presumir que tan alta princesa se había de amancebar con un sacapotras; y quien lo contrario entendiere, miente como muy gran bellaco. Y yo se lo daré a entender, a pie o a caballo, armado o desarmado, de noche o de día, o como más gusto le diere. Estábale mirando Cardenio muy atentamente, al cual ya había venido el accidente de su locura y no estaba para proseguir su historia; ni tampoco don Quijote se la oyera, según le había disgustado lo que de Madásima le había oído. ¡Estraño caso; que así volvió por ella como si verdaderamente fuera su verdadera y natural señora: tal le tenían sus descomulgados libros! Digo, pues, que, como ya Cardenio estaba loco y se oyó tratar de mentís y de bellaco, con otros denuestos semejantes, parecióle mal la burla, y alzó un guijarro que halló junto a sí, y dio con él en los pechos tal golpe a don Quijote que le hizo caer de espaldas. Sancho Panza, que de tal modo vio parar a su señor, arremetió al loco con el puño cerrado; y el Roto le recibió de tal suerte que con una puñada dio con él a sus pies, y luego se subió sobre él y le brumó las costillas muy a su sabor. El cabrero, que le quiso defender, corrió el mesmo peligro. Y, después que los tuvo a todos rendidos y molidos, los dejó y se fue, con gentil sosiego, a emboscarse en la montaña. Levantóse Sancho, y, con la rabia que tenía de verse aporreado tan sin merecerlo, acudió a tomar la venganza del cabrero, diciéndole que él tenía la culpa de no haberles avisado que a aquel hombre le tomaba a tiempos la locura; que, si esto supieran, hubieran estado sobre aviso para poderse guardar. Respondió el cabrero que ya lo había dicho, y que si él no lo había oído, que no era suya la culpa. Replicó Sancho Panza, y tornó a replicar el cabrero, y fue el fin de las réplicas asirse de las barbas y darse tales puñadas que, si don Quijote no los pusiera en paz, se hicieran pedazos. Decía Sancho, asido con el cabrero: — Déjeme vuestra merced, señor Caballero de la Triste Figura, que en éste, que es villano como yo y no está armado caballero, bien puedo a mi salvo satisfacerme del agravio que me ha hecho, peleando con él mano a mano, como hombre honrado. — Así es —dijo don Quijote—, pero yo sé que él no tiene ninguna culpa de lo sucedido. Con esto los apaciguó, y don Quijote volvió a preguntar al cabrero si sería posible hallar a Cardenio, porque quedaba con grandísimo deseo de saber el fin de su historia. Díjole el cabrero lo que primero le había dicho, que era no saber de cierto su manida; pero que, si anduviese mucho por aquellos contornos, no dejaría de hallarle, o cuerdo o loco. Capítulo XXV. Que trata de las estrañas cosas que en Sierra Morena sucedieron al valiente caballero de la Mancha, y de la imitación que hizo a la penitencia de Beltenebros Despidióse del cabrero don Quijote, y, subiendo otra vez sobre Rocinante, mandó a Sancho que le siguiese, el cual lo hizo, con su jumento, de muy mala gana. Íbanse poco a poco entrando en lo más áspero de la montaña, y Sancho iba muerto por razonar con su amo, y deseaba que él comenzase la plática, por no contravenir a lo que le tenía mandado; mas, no pudiendo sufrir tanto silencio, le dijo: — Señor don Quijote, vuestra merced me eche su bendición y me dé licencia; que desde aquí me quiero volver a mi casa, y a mi mujer y a mis hijos, con los cuales, por lo menos, hablaré y departiré todo lo que quisiere; porque querer vuestra merced que vaya con él por estas soledades, de día y de noche, y que no le hable cuando me diere gusto es enterrarme en vida. Si ya quisiera la suerte que los animales hablaran, como hablaban en tiempos de Guisopete, fuera menos mal, porque departiera yo con mi jumento lo que me viniera en gana, y con esto pasara mi mala ventura; que es recia cosa, y que no se puede llevar en paciencia, andar buscando aventuras toda la vida y no hallar sino coces y manteamientos, ladrillazos y puñadas, y, con todo esto, nos hemos de coser la boca, sin osar decir lo que el hombre tiene en su corazón, como si fuera mudo. — Ya te entiendo, Sancho —respondió don Quijote—: tú mueres porque te alce el entredicho que te tengo puesto en la lengua. Dale por alzado y di lo que quisieres, con condición que no ha de durar este alzamiento más de en cuanto anduviéremos por estas sierras. — Sea ansí —dijo Sancho—: hable yo ahora, que después Dios sabe lo que será; y, comenzando a gozar de ese salvoconduto, digo que ¿qué le iba a vuestra merced en volver tanto por aquella reina Magimasa, o como se llama? O, ¿qué hacía al caso que aquel abad fuese su amigo o no? Que, si vuestra merced pasara con ello, pues no era su juez, bien creo yo que el loco pasara adelante con su historia, y se hubieran ahorrado el golpe del guijarro, y las coces, y aun más de seis torniscones. — A fe, Sancho —respondió don Quijote—, que si tú supieras, como yo lo sé, cuán honrada y cuán principal señora era la reina Madásima, yo sé que dijeras que tuve mucha paciencia, pues no quebré la boca por donde tales blasfemias salieron; porque es muy gran blasfemia decir ni pensar que una reina esté amancebada con un cirujano. La verdad del cuento es que aquel maestro Elisabat, que el loco dijo, fue un hombre muy prudente y de muy sanos consejos, y sirvió de ayo y de médico a la reina; pero pensar que ella era su amiga es disparate digno de muy gran castigo. Y, porque veas que Cardenio no supo lo que dijo, has de advertir que cuando lo dijo ya estaba sin juicio. — Eso digo yo —dijo Sancho—: que no había para qué hacer cuenta de las palabras de un loco, porque si la buena suerte no ayudara a vuestra merced y encaminara el guijarro a la cabeza, como le encaminó al pecho, buenos quedáramos por haber vuelto por aquella mi señora, que Dios cohonda. Pues, ¡montas que no se librara Cardenio por loco! — Contra cuerdos y contra locos está obligado cualquier caballero andante a volver por la honra de las mujeres, cualesquiera que sean, cuanto más por las reinas de tan alta guisa y pro como fue la reina Madásima, a quien yo tengo particular afición por sus buenas partes; porque, fuera de haber sido fermosa, además fue muy prudente y muy sufrida en sus calamidades, que las tuvo muchas; y los consejos y compañía del maestro Elisabat le fue y le fueron de mucho provecho y alivio para poder llevar sus trabajos con prudencia y paciencia. Y de aquí tomó ocasión el vulgo ignorante y mal intencionado de decir y pensar que ella era su manceba; y mienten, digo otra vez, y mentirán otras docientas, todos los que tal pensaren y dijeren. — Ni yo lo digo ni lo pienso —respondió Sancho—: allá se lo hayan; con su pan se lo coman. Si fueron amancebados, o no, a Dios habrán dado la cuenta. De mis viñas vengo, no sé nada; no soy amigo de saber vidas ajenas; que el que compra y miente, en su bolsa lo siente. Cuanto más, que desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; mas que lo fuesen, ¿qué me va a mí? Y muchos piensan que hay tocinos y no hay estacas. Mas, ¿quién puede poner puertas al campo? Cuanto más, que de Dios dijeron. — ¡Válame Dios —dijo don Quijote—, y qué de necedades vas, Sancho, ensartando! ¿Qué va de lo que tratamos a los refranes que enhilas? Por tu vida, Sancho, que calles; y de aquí adelante, entremétete en espolear a tu asno, y deja de hacello en lo que no te importa. Y entiende con todos tus cinco sentidos que todo cuanto yo he hecho, hago e hiciere, va muy puesto en razón y muy conforme a las reglas de caballería, que las sé mejor que cuantos caballeros las profesaron en el mundo. — Señor —respondió Sancho—, y ¿es buena regla de caballería que andemos perdidos por estas montañas, sin senda ni camino, buscando a un loco, el cual, después de hallado, quizá le vendrá en voluntad de acabar lo que dejó comenzado, no de su cuento, sino de la cabeza de vuestra merced y de mis costillas, acabándonoslas de romper de todo punto? — Calla, te digo otra vez, Sancho —dijo don Quijote—; porque te hago saber que no sólo me trae por estas partes el deseo de hallar al loco, cuanto el que tengo de hacer en ellas una hazaña con que he de ganar perpetuo nombre y fama en todo lo descubierto de la tierra; y será tal, que he de echar con ella el sello a todo aquello que puede hacer perfecto y famoso a un andante caballero. — Y ¿es de muy gran peligro esa hazaña? —preguntó Sancho Panza. — No —respondió el de la Triste Figura—, puesto que de tal manera podía correr el dado, que echásemos azar en lugar de encuentro; pero todo ha de estar en tu diligencia. — ¿En mi diligencia? —dijo Sancho. — Sí —dijo don Quijote—, porque si vuelves presto de adonde pienso enviarte, presto se acabará mi pena y presto comenzará mi gloria. Y, porque no es bien que te tenga más suspenso, esperando en lo que han de parar mis razones, quiero, Sancho, que sepas que el famoso Amadís de Gaula fue uno de los más perfectos caballeros andantes. No he dicho bien fue uno: fue el solo, el primero, el único, el señor de todos cuantos hubo en su tiempo en el mundo. Mal año y mal mes para don Belianís y para todos aquellos que dijeren que se le igualó en algo, porque se engañan, juro cierto. Digo asimismo que, cuando algún pintor quiere salir famoso en su arte, procura imitar los originales de los más únicos pintores que sabe; y esta mesma regla corre por todos los más oficios o ejercicios de cuenta que sirven para adorno de las repúblicas. Y así lo ha de hacer y hace el que quiere alcanzar nombre de prudente y sufrido, imitando a Ulises, en cuya persona y trabajos nos pinta Homero un retrato vivo de prudencia y de sufrimiento; como también nos mostró Virgilio, en persona de Eneas, el valor de un hijo piadoso y la sagacidad de un valiente y entendido capitán, no pintándolo ni descubriéndolo como ellos fueron, sino como habían de ser, para quedar ejemplo a los venideros hombres de sus virtudes. Desta mesma suerte, Amadís fue el norte, el lucero, el sol de los valientes y enamorados caballeros, a quien debemos de imitar todos aquellos que debajo de la bandera de amor y de la caballería militamos. Siendo, pues, esto ansí, como lo es, hallo yo, Sancho amigo, que el caballero andante que más le imitare estará más cerca de alcanzar la perfeción de la caballería. Y una de las cosas en que más este caballero mostró su prudencia, valor, valentía, sufrimiento, firmeza y amor, fue cuando se retiró, desdeñado de la señora Oriana, a hacer penitencia en la Peña Pobre, mudado su nombre en el de Beltenebros, nombre, por cierto, significativo y proprio para la vida que él de su voluntad había escogido. Ansí que, me es a mí más fácil imitarle en esto que no en hender gigantes, descabezar serpientes, matar endriagos, desbaratar ejércitos, fracasar armadas y deshacer encantamentos. Y, pues estos lugares son tan acomodados para semejantes efectos, no hay para qué se deje pasar la ocasión, que ahora con tanta comodidad me ofrece sus guedejas. — En efecto —dijo Sancho—, ¿qué es lo que vuestra merced quiere hacer en este tan remoto lugar? — ¿Ya no te he dicho —respondió don Quijote— que quiero imitar a Amadís, haciendo aquí del desesperado, del sandio y del furioso, por imitar juntamente al valiente don Roldán, cuando halló en una fuente las señales de que Angélica la Bella había cometido vileza con Medoro, de cuya pesadumbre se volvió loco y arrancó los árboles, enturbió las aguas de las claras fuentes, mató pastores, destruyó ganados, abrasó chozas, derribó casas, arrastró yeguas y hizo otras cien mil insolencias, dignas de eterno nombre y escritura? Y, puesto que yo no pienso imitar a Roldán, o Orlando, o Rotolando (que todos estos tres nombres tenía), parte por parte en todas las locuras que hizo, dijo y pensó, haré el bosquejo, como mejor pudiere, en las que me pareciere ser más esenciales. Y podrá ser que viniese a contentarme con sola la imitación de Amadís, que sin hacer locuras de daño, sino de lloros y sentimientos, alcanzó tanta fama como el que más. — Paréceme a mí —dijo Sancho— que los caballeros que lo tal ficieron fueron provocados y tuvieron causa para hacer esas necedades y penitencias, pero vuestra merced, ¿qué causa tiene para volverse loco? ¿Qué dama le ha desdeñado, o qué señales ha hallado que le den a entender que la señora Dulcinea del Toboso ha hecho alguna niñería con moro o cristiano? — Ahí esta el punto —respondió don Quijote— y ésa es la fineza de mi negocio; que volverse loco un caballero andante con causa, ni grado ni gracias: el toque está desatinar sin ocasión y dar a entender a mi dama que si en seco hago esto, ¿qué hiciera en mojado? Cuanto más, que harta ocasión tengo en la larga ausencia que he hecho de la siempre señora mía Dulcinea del Toboso; que, como ya oíste decir a aquel pastor de marras, Ambrosio: quien está ausente todos los males tiene y teme. Así que, Sancho amigo, no gastes tiempo en aconsejarme que deje tan rara, tan felice y tan no vista imitación. Loco soy, loco he de ser hasta tanto que tú vuelvas con la respuesta de una carta que contigo pienso enviar a mi señora Dulcinea; y si fuere tal cual a mi fe se le debe, acabarse ha mi sandez y mi penitencia; y si fuere al contrario, seré loco de veras, y, siéndolo, no sentiré nada. Ansí que, de cualquiera manera que responda, saldré del conflito y trabajo en que me dejares, gozando el bien que me trujeres, por cuerdo, o no sintiendo el mal que me aportares, por loco. Pero dime, Sancho, ¿traes bien guardado el yelmo de Mambrino?; que ya vi que le alzaste del suelo cuando aquel desagradecido le quiso hacer pedazos. Pero no pudo, donde se puede echar de ver la fineza de su temple. A lo cual respondió Sancho: — Vive Dios, señor Caballero de la Triste Figura, que no puedo sufrir ni llevar en paciencia algunas cosas que vuestra merced dice, y que por ellas vengo a imaginar que todo cuanto me dice de caballerías y de alcanzar reinos e imperios, de dar ínsulas y de hacer otras mercedes y grandezas, como es uso de caballeros andantes, que todo debe de ser cosa de viento y mentira, y todo pastraña, o patraña, o como lo llamáremos. Porque quien oyere decir a vuestra merced que una bacía de barbero es el yelmo de Mambrino, y que no salga de este error en más de cuatro días, ¿qué ha de pensar, sino que quien tal dice y afirma debe de tener güero el juicio? La bacía yo la llevo en el costal, toda abollada, y llévola para aderezarla en mi casa y hacerme la barba en ella, si Dios me diere tanta gracia que algún día me vea con mi mujer y hijos. — Mira, Sancho, por el mismo que denantes juraste, te juro —dijo don Quijote— que tienes el más corto entendimiento que tiene ni tuvo escudero en el mundo. ¿Que es posible que en cuanto ha que andas conmigo no has echado de ver que todas las cosas de los caballeros andantes parecen quimeras, necedades y desatinos, y que son todas hechas al revés? Y no porque sea ello ansí, sino porque andan entre nosotros siempre una caterva de encantadores que todas nuestras cosas mudan y truecan y les vuelven según su gusto, y según tienen la gana de favorecernos o destruirnos; y así, eso que a ti te parece bacía de barbero, me parece a mí el yelmo de Mambrino, y a otro le parecerá otra cosa. Y fue rara providencia del sabio que es de mi parte hacer que parezca bacía a todos lo que real y verdaderamente es yelmo de Mambrino, a causa que, siendo él de tanta estima, todo el mundo me perseguirá por quitármele; pero, como ven que no es más de un bacín de barbero, no se curan de procuralle, como se mostró bien en el que quiso rompelle y le dejó en el suelo sin llevarle; que a fe que si le conociera, que nunca él le dejara. Guárdale, amigo, que por ahora no le he menester; que antes me tengo de quitar todas estas armas y quedar desnudo como cuando nací, si es que me da en voluntad de seguir en mi penitencia más a Roldán que a Amadís. Llegaron, en estas pláticas, al pie de una alta montaña que, casi como peñón tajado, estaba sola entre otras muchas que la rodeaban. Corría por su falda un manso arroyuelo, y hacíase por toda su redondez un prado tan verde y vicioso, que daba contento a los ojos que le miraban. Había por allí muchos árboles silvestres y algunas plantas y flores, que hacían el lugar apacible. Este sitio escogió el Caballero de la Triste Figura para hacer su penitencia; y así, en viéndole, comenzó a decir en voz alta, como si estuviera sin juicio: — Éste es el lugar, ¡oh cielos!, que diputo y escojo para llorar la desventura en que vosotros mesmos me habéis puesto. Éste es el sitio donde el humor de mis ojos acrecentará las aguas deste pequeño arroyo, y mis continos y profundos sospiros moverán a la contina las hojas destos montaraces árboles, en testimonio y señal de la pena que mi asendereado corazón padece. ¡Oh vosotros, quienquiera que seáis, rústicos dioses que en este inhabitable lugar tenéis vuestra morada, oíd las quejas deste desdichado amante, a quien una luenga ausencia y unos imaginados celos han traído a lamentarse entre estas asperezas, y a quejarse de la dura condición de aquella ingrata y bella, término y fin de toda humana hermosura! ¡Oh vosotras, napeas y dríadas, que tenéis por costumbre de habitar en las espesuras de los montes, así los ligeros y lascivos sátiros, de quien sois, aunque en vano, amadas, no perturben jamás vuestro dulce sosiego, que me ayudéis a lamentar mi desventura, o, a lo menos, no os canséis de oílla! ¡Oh Dulcinea del Toboso, día de mi noche, gloria de mi pena, norte de mis caminos, estrella de mi ventura, así el cielo te la dé buena en cuanto acertares a pedirle, que consideres el lugar y el estado a que tu ausencia me ha conducido, y que con buen término correspondas al que a mi fe se le debe! ¡Oh solitarios árboles, que desde hoy en adelante habéis de hacer compañía a mi soledad, dad indicio, con el blando movimiento de vuestras ramas, que no os desagrade mi presencia! ¡Oh tú, escudero mío, agradable compañero en más prósperos y adversos sucesos, toma bien en la memoria lo que aquí me verás hacer, para que lo cuentes y recetes a la causa total de todo ello! Y, diciendo esto, se apeó de Rocinante, y en un momento le quitó el freno y la silla; y, dándole una palmada en las ancas, le dijo: — Libertad te da el que sin ella queda, ¡oh caballo tan estremado por tus obras cuan desdichado por tu suerte! Vete por do quisieres, que en la frente llevas escrito que no te igualó en ligereza el Hipogrifo de Astolfo, ni el nombrado Frontino, que tan caro le costó a Bradamante. Viendo esto Sancho, dijo: — Bien haya quien nos quitó ahora del trabajo de desenalbardar al rucio; que a fe que no faltaran palmadicas que dalle, ni cosas que decille en su alabanza; pero si él aquí estuviera, no consintiera yo que nadie le desalbardara, pues no había para qué, que a él no le tocaban las generales de enamorado ni de desesperado, pues no lo estaba su amo, que era yo, cuando Dios quería. Y en verdad, señor Caballero de la Triste Figura, que si es que mi partida y su locura de vuestra merced va de veras, que será bien tornar a ensillar a Rocinante, para que supla la falta del rucio, porque será ahorrar tiempo a mi ida y vuelta; que si la hago a pie, no sé cuándo llegaré ni cuándo volveré, porque, en resolución, soy mal caminante. — Digo, Sancho —respondió don Quijote—, que sea como tú quisieres, que no me parece mal tu designio; y digo que de aquí a tres días te partirás, porque quiero que en este tiempo veas lo que por ella hago y digo, para que se lo digas. — Pues, ¿qué más tengo de ver —dijo Sancho— que lo que he visto? — ¡Bien estás en el cuento! —respondió don Quijote—. Ahora me falta rasgar las vestiduras, esparcir las armas y darme de calabazadas por estas peñas, con otras cosas deste jaez que te han de admirar. — Por amor de Dios —dijo Sancho—, que mire vuestra merced cómo se da esas calabazadas; que a tal peña podrá llegar, y en tal punto, que con la primera se acabase la máquina desta penitencia; y sería yo de parecer que, ya que vuestra merced le parece que son aquí necesarias calabazadas y que no se puede hacer esta obra sin ellas, se contentase, pues todo esto es fingido y cosa contrahecha y de burla, se contentase, digo, con dárselas en el agua, o en alguna cosa blanda, como algodón; y déjeme a mí el cargo, que yo diré a mi señora que vuestra merced se las daba en una punta de peña más dura que la de un diamante. — Yo agradezco tu buena intención, amigo Sancho —respondió don Quijote—, mas quiérote hacer sabidor de que todas estas cosas que hago no son de burlas, sino muy de veras; porque de otra manera, sería contravenir a las órdenes de caballería, que nos mandan que no digamos mentira alguna, pena de relasos, y el hacer una cosa por otra lo mesmo es que mentir. Ansí que, mis calabazadas han de ser verdaderas, firmes y valederas, sin que lleven nada del sofístico ni del fantástico. Y será necesario que me dejes algunas hilas para curarme, pues que la ventura quiso que nos faltase el bálsamo que perdimos. — Más fue perder el asno —respondió Sancho—, pues se perdieron en él las hilas y todo. Y ruégole a vuestra merced que no se acuerde más de aquel maldito brebaje; que en sólo oírle mentar se me revuelve el alma, no que el estómago. Y más le ruego: que haga cuenta que son ya pasados los tres días que me ha dado de término para ver las locuras que hace, que ya las doy por vistas y por pasadas en cosa juzgada, y diré maravillas a mi señora; y escriba la carta y despácheme luego, porque tengo gran deseo de volver a sacar a vuestra merced deste purgatorio donde le dejo. — ¿Purgatorio le llamas, Sancho? —dijo don Quijote—. Mejor hicieras de llamarle infierno, y aun peor, si hay otra cosa que lo sea. — Quien ha infierno —respondió Sancho—, nula es retencio, según he oído decir. — No entiendo qué quiere decir retencio —dijo don Quijote. — Retencio es —respondió Sancho— que quien está en el infierno nunca sale dél, ni puede. Lo cual será al revés en vuestra merced, o a mí me andarán mal los pies, si es que llevo espuelas para avivar a Rocinante; y póngame yo una por una en el Toboso, y delante de mi señora Dulcinea, que yo le diré tales cosas de las necedades y locuras, que todo es uno, que vuestra merced ha hecho y queda haciendo, que la venga a poner más blanda que un guante, aunque la halle más dura que un alcornoque; con cuya respuesta dulce y melificada volveré por los aires, como brujo, y sacaré a vuestra merced deste purgatorio, que parece infierno y no lo es, pues hay esperanza de salir dél, la cual, como tengo dicho, no la tienen de salir los que están en el infierno, ni creo que vuestra merced dirá otra cosa. — Así es la verdad —dijo el de la Triste Figura—; pero, ¿qué haremos para escribir la carta? — Y la libranza pollinesca también —añadió Sancho. — Todo irá inserto —dijo don Quijote—; y sería bueno, ya que no hay papel, que la escribiésemos, como hacían los antiguos, en hojas de árboles, o en unas tablitas de cera; aunque tan dificultoso será hallarse eso ahora como el papel. Mas ya me ha venido a la memoria dónde será bien, y aun más que bien, escribilla: que es en el librillo de memoria que fue de Cardenio; y tú tendrás cuidado de hacerla trasladar en papel, de buena letra, en el primer lugar que hallares, donde haya maestro de escuela de muchachos, o si no, cualquiera sacristán te la trasladará; y no se la des a trasladar a ningún escribano, que hacen letra procesada, que no la entenderá Satanás. — Pues, ¿qué se ha de hacer de la firma? —dijo Sancho. — Nunca las cartas de Amadís se firman —respondió don Quijote. — Está bien —respondió Sancho—, pero la libranza forzosamente se ha de firmar, y ésa, si se traslada, dirán que la firma es falsa y quedaréme sin pollinos. — La libranza irá en el mesmo librillo firmada; que, en viéndola, mi sobrina no pondrá dificultad en cumplilla. Y, en lo que toca a la carta de amores, pondrás por firma: "Vuestro hasta la muerte, el Caballero de la Triste Figura". Y hará poco al caso que vaya de mano ajena, porque, a lo que yo me sé acordar, Dulcinea no sabe escribir ni leer, y en toda su vida ha visto letra mía ni carta mía, porque mis amores y los suyos han sido siempre platónicos, sin estenderse a más que a un honesto mirar. Y aun esto tan de cuando en cuando, que osaré jurar con verdad que en doce años que ha que la quiero más que a la lumbre destos ojos que han de comer la tierra, no la he visto cuatro veces; y aun podrá ser que destas cuatro veces no hubiese ella echado de ver la una que la miraba: tal es el recato y encerramiento con que sus padres, Lorenzo Corchuelo, y su madre, Aldonza Nogales, la han criado. — ¡Ta, ta! —dijo Sancho—. ¿Que la hija de Lorenzo Corchuelo es la señora Dulcinea del Toboso, llamada por otro nombre Aldonza Lorenzo? — Ésa es —dijo don Quijote—, y es la que merece ser señora de todo el universo. — Bien la conozco —dijo Sancho—, y sé decir que tira tan bien una barra como el más forzudo zagal de todo el pueblo. ¡Vive el Dador, que es moza de chapa, hecha y derecha y de pelo en pecho, y que puede sacar la barba del lodo a cualquier caballero andante, o por andar, que la tuviere por señora! ¡Oh hideputa, qué rejo que tiene, y qué voz! Sé decir que se puso un día encima del campanario del aldea a llamar unos zagales suyos que andaban en un barbecho de su padre, y, aunque estaban de allí más de media legua, así la oyeron como si estuvieran al pie de la torre. Y lo mejor que tiene es que no es nada melindrosa, porque tiene mucho de cortesana: con todos se burla y de todo hace mueca y donaire. Ahora digo, señor Caballero de la Triste Figura, que no solamente puede y debe vuestra merced hacer locuras por ella, sino que, con justo título, puede desesperarse y ahorcarse; que nadie habrá que lo sepa que no diga que hizo demasiado de bien, puesto que le lleve el diablo. Y querría ya verme en camino, sólo por vella; que ha muchos días que no la veo, y debe de estar ya trocada, porque gasta mucho la faz de las mujeres andar siempre al campo, al sol y al aire. Y confieso a vuestra merced una verdad, señor don Quijote: que hasta aquí he estado en una grande ignorancia; que pensaba bien y fielmente que la señora Dulcinea debía de ser alguna princesa de quien vuestra merced estaba enamorado, o alguna persona tal, que mereciese los ricos presentes que vuestra merced le ha enviado: así el del vizcaíno como el de los galeotes, y otros muchos que deben ser, según deben de ser muchas las vitorias que vuestra merced ha ganado y ganó en el tiempo que yo aún no era su escudero. Pero, bien considerado, ¿qué se le ha de dar a la señora Aldonza Lorenzo, digo, a la señora Dulcinea del Toboso, de que se le vayan a hincar de rodillas delante della los vencidos que vuestra merced le envía y ha de enviar? Porque podría ser que, al tiempo que ellos llegasen, estuviese ella rastrillando lino, o trillando en las eras, y ellos se corriesen de verla, y ella se riese y enfadase del presente. — Ya te tengo dicho antes de agora muchas veces, Sancho —dijo don Quijote—, que eres muy grande hablador, y que, aunque de ingenio boto, muchas veces despuntas de agudo. Mas, para que veas cuán necio eres tú y cuán discreto soy yo, quiero que me oyas un breve cuento. «Has de saber que una viuda hermosa, moza, libre y rica, y, sobre todo, desenfadada, se enamoró de un mozo motilón, rollizo y de buen tomo. Alcanzólo a saber su mayor, y un día dijo a la buena viuda, por vía de fraternal reprehensión: ''Maravillado estoy, señora, y no sin mucha causa, de que una mujer tan principal, tan hermosa y tan rica como vuestra merced, se haya enamorado de un hombre tan soez, tan bajo y tan idiota como fulano, habiendo en esta casa tantos maestros, tantos presentados y tantos teólogos, en quien vuestra merced pudiera escoger como entre peras, y decir: "Éste quiero, aquéste no quiero"''. Mas ella le respondió, con mucho donaire y desenvoltura: ''Vuestra merced, señor mío, está muy engañado, y piensa muy a lo antiguo si piensa que yo he escogido mal en fulano, por idiota que le parece, pues, para lo que yo le quiero, tanta filosofía sabe, y más, que Aristóteles''». Así que, Sancho, por lo que yo quiero a Dulcinea del Toboso, tanto vale como la más alta princesa de la tierra. Sí, que no todos los poetas que alaban damas, debajo de un nombre que ellos a su albedrío les ponen, es verdad que las tienen. ¿Piensas tú que las Amariles, las Filis, las Silvias, las Dianas, las Galateas, las Alidas y otras tales de que los libros, los romances, las tiendas de los barberos, los teatros de las comedias, están llenos, fueron verdaderamente damas de carne y hueso, y de aquéllos que las celebran y celebraron? No, por cierto, sino que las más se las fingen, por dar subjeto a sus versos y porque los tengan por enamorados y por hombres que tienen valor para serlo. Y así, bástame a mí pensar y creer que la buena de Aldonza Lorenzo es hermosa y honesta; y en lo del linaje importa poco, que no han de ir a hacer la información dél para darle algún hábito, y yo me hago cuenta que es la más alta princesa del mundo. Porque has de saber, Sancho, si no lo sabes, que dos cosas solas incitan a amar más que otras, que son la mucha hermosura y la buena fama; y estas dos cosas se hallan consumadamente en Dulcinea, porque en ser hermosa ninguna le iguala, y en la buena fama, pocas le llegan. Y para concluir con todo, yo imagino que todo lo que digo es así, sin que sobre ni falte nada; y píntola en mi imaginación como la deseo, así en la belleza como en la principalidad, y ni la llega Elena, ni la alcanza Lucrecia, ni otra alguna de las famosas mujeres de las edades pretéritas, griega, bárbara o latina. Y diga cada uno lo que quisiere; que si por esto fuere reprehendido de los ignorantes, no seré castigado de los rigurosos. — Digo que en todo tiene vuestra merced razón —respondió Sancho—, y que yo soy un asno. Mas no sé yo para qué nombro asno en mi boca, pues no se ha de mentar la soga en casa del ahorcado. Pero venga la carta, y a Dios, que me mudo. Sacó el libro de memoria don Quijote, y, apartándose a una parte, con mucho sosiego comenzó a escribir la carta; y, en acabándola, llamó a Sancho y le dijo que se la quería leer, porque la tomase de memoria, si acaso se le perdiese por el camino, porque de su desdicha todo se podía temer. A lo cual respondió Sancho: — Escríbala vuestra merced dos o tres veces ahí en el libro y démele, que yo le llevaré bien guardado, porque pensar que yo la he de tomar en la memoria es disparate: que la tengo tan mala que muchas veces se me olvida cómo me llamo. Pero, con todo eso, dígamela vuestra merced, que me holgaré mucho de oílla, que debe de ir como de molde. — Escucha, que así dice —dijo don Quijote: Carta de don Quijote a Dulcinea del Toboso Soberana y alta señora: El ferido de punta de ausencia y el llagado de las telas del corazón, dulcísima Dulcinea del Toboso, te envía la salud que él no tiene. Si tu fermosura me desprecia, si tu valor no es en mi pro, si tus desdenes son en mi afincamiento, maguer que yo sea asaz de sufrido, mal podré sostenerme en esta cuita, que, además de ser fuerte, es muy duradera. Mi buen escudero Sancho te dará entera relación, ¡oh bella ingrata, amada enemiga mía!, del modo que por tu causa quedo. Si gustares de acorrerme, tuyo soy; y si no, haz lo que te viniere en gusto; que, con acabar mi vida, habré satisfecho a tu crueldad y a mi deseo. Tuyo hasta la muerte, El Caballero de la Triste Figura. — Por vida de mi padre —dijo Sancho en oyendo la carta—, que es la más alta cosa que jamás he oído. ¡Pesia a mí, y cómo que le dice vuestra merced ahí todo cuanto quiere, y qué bien que encaja en la firma El Caballero de la Triste Figura! Digo de verdad que es vuestra merced el mesmo diablo, y que no haya cosa que no sepa. — Todo es menester —respondió don Quijote— para el oficio que trayo. — Ea, pues —dijo Sancho—, ponga vuestra merced en esotra vuelta la cédula de los tres pollinos y fírmela con mucha claridad, porque la conozcan en viéndola. — Que me place —dijo don Quijote. Y, habiéndola escrito,se la leyó; que decía ansí: Mandará vuestra merced, por esta primera de pollinos, señora sobrina, dar a Sancho Panza, mi escudero, tres de los cinco que dejé en casa y están a cargo de vuestra merced. Los cuales tres pollinos se los mando librar y pagar por otros tantos aquí recebidos de contado, que consta, y con su carta de pago serán bien dados. Fecha en las entrañas de Sierra Morena, a veinte y dos de agosto deste presente año. — Buena está —dijo Sancho—; fírmela vuestra merced. — No es menester firmarla —dijo don Quijote—, sino solamente poner mi rúbrica, que es lo mesmo que firma, y para tres asnos, y aun para trecientos, fuera bastante. — Yo me confío de vuestra merced —respondió Sancho—. Déjeme, iré a ensillar a Rocinante, y aparéjese vuestra merced a echarme su bendición, que luego pienso partirme, sin ver las sandeces que vuestra merced ha de hacer, que yo diré que le vi hacer tantas que no quiera más. — Por lo menos quiero, Sancho, y porque es menester ansí, quiero, digo, que me veas en cueros, y hacer una o dos docenas de locuras, que las haré en menos de media hora, porque, habiéndolas tú visto por tus ojos, puedas jurar a tu salvo en las demás que quisieres añadir; y asegúrote que no dirás tú tantas cuantas yo pienso hacer. — Por amor de Dios, señor mío, que no vea yo en cueros a vuestra merced, que me dará mucha lástima y no podré dejar de llorar; y tengo tal la cabeza, del llanto que anoche hice por el rucio, que no estoy para meterme en nuevos lloros; y si es que vuestra merced gusta de que yo vea algunas locuras, hágalas vestido, breves y las que le vinieren más a cuento. Cuanto más, que para mí no era menester nada deso, y, como ya tengo dicho, fuera ahorrar el camino de mi vuelta, que ha de ser con las nuevas que vuestra merced desea y merece. Y si no, aparéjese la señora Dulcinea; que si no responde como es razón, voto hago solene a quien puedo que le tengo de sacar la buena respuesta del estómago a coces y a bofetones. Porque, ¿dónde se ha de sufrir que un caballero andante, tan famoso como vuestra merced, se vuelva loco, sin qué ni para qué, por una...? No me lo haga decir la señora, porque por Dios que despotrique y lo eche todo a doce, aunque nunca se venda. ¡Bonico soy yo para eso! ¡Mal me conoce! ¡Pues, a fe que si me conociese, que me ayunase! — A fe, Sancho —dijo don Quijote—, que, a lo que parece, que no estás tú más cuerdo que yo. — No estoy tan loco —respondió Sancho—, mas estoy más colérico. Pero, dejando esto aparte, ¿qué es lo que ha de comer vuestra merced en tanto que yo vuelvo? ¿Ha de salir al camino, como Cardenio, a quitárselo a los pastores? — No te dé pena ese cuidado —respondió don Quijote—, porque, aunque tuviera, no comiera otra cosa que las yerbas y frutos que este prado y estos árboles me dieren, que la fineza de mi negocio está en no comer y en hacer otras asperezas equivalentes. — A Dios, pues. Pero, ¿sabe vuestra merced qué temo? Que no tengo de acertar a volver a este lugar donde agora le dejo, según está de escondido. — Toma bien las señas, que yo procuraré no apartarme destos contornos —dijo don Quijote—, y aun tendré cuidado de subirme por estos más altos riscos, por ver si te descubro cuando vuelvas. Cuanto más, que lo más acertado será, para que no me yerres y te pierdas, que cortes algunas retamas de las muchas que por aquí hay y las vayas poniendo de trecho a trecho, hasta salir a lo raso, las cuales te servirán de mojones y señales para que me halles cuando vuelvas, a imitación del hilo del laberinto de Teseo. — Así lo haré —respondió Sancho Panza. Y, cortando algunos, pidió la bendición a su señor, y, no sin muchas lágrimas de entrambos, se despidió dél. Y, subiendo sobre Rocinante, a quien don Quijote encomendó mucho, y que mirase por él como por su propria persona, se puso en camino del llano, esparciendo de trecho a trecho los ramos de la retama, como su amo se lo había aconsejado. Y así, se fue, aunque todavía le importunaba don Quijote que le viese siquiera hacer dos locuras. Mas no hubo andado cien pasos, cuando volvió y dijo: — Digo, señor, que vuestra merced ha dicho muy bien: que, para que pueda jurar sin cargo de conciencia que le he visto hacer locuras, será bien que vea siquiera una, aunque bien grande la he visto en la quedada de vuestra merced. — ¿No te lo decía yo? —dijo don Quijote—. Espérate, Sancho, que en un credo las haré. Y, desnudándose con toda priesa las calzones, quedó en carnes y en pañales, y luego, sin más ni más, dio dos zapatetas en el aire y dos tumbas, la cabeza abajo y los pies en alto, descubriendo cosas que, por no verlas otra vez, volvió Sancho la rienda a Rocinante y se dio por contento y satisfecho de que podía jurar que su amo quedaba loco. Y así, le dejaremos ir su camino, hasta la vuelta, que fue breve. Capítulo XXVI. Donde se prosiguen las finezas que de enamorado hizo don Quijote en Sierra Morena Y, volviendo a contar lo que hizo el de la Triste Figura después que se vio solo, dice la historia que, así como don Quijote acabó de dar las tumbas o vueltas, de medio abajo desnudo y de medio arriba vestido, y que vio que Sancho se había ido sin querer aguardar a ver más sandeces, se subió sobre una punta de una alta peña y allí tornó a pensar lo que otras muchas veces había pensado, sin haberse jamás resuelto en ello. Y era que cuál sería mejor y le estaría más a cuento: imitar a Roldán en las locuras desaforadas que hizo, o Amadís en las malencónicas. Y, hablando entre sí mesmo, decía: — Si Roldán fue tan buen caballero y tan valiente como todos dicen, ¿qué maravilla?, pues, al fin, era encantado y no le podía matar nadie si no era metiéndole un alfiler de a blanca por la planta del pie, y él traía siempre los zapatos con siete suelas de hierro. Aunque no le valieron tretas contra Bernardo del Carpio, que se las entendió y le ahogó entre los brazos, en Roncesvalles. Pero, dejando en él lo de la valentía a una parte, vengamos a lo de perder el juicio, que es cierto que le perdió, por las señales que halló en la fontana y por las nuevas que le dio el pastor de que Angélica había dormido más de dos siestas con Medoro, un morillo de cabellos enrizados y paje de Agramante; y si él entendió que esto era verdad y que su dama le había cometido desaguisado, no hizo mucho en volverse loco. Pero yo, ¿cómo puedo imitalle en las locuras, si no le imito en la ocasión dellas? Porque mi Dulcinea del Toboso osaré yo jurar que no ha visto en todos los días de su vida moro alguno, ansí como él es, en su mismo traje, y que se está hoy como la madre que la parió; y haríale agravio manifiesto si, imaginando otra cosa della, me volviese loco de aquel género de locura de Roldán el furioso. Por otra parte, veo que Amadís de Gaula, sin perder el juicio y sin hacer locuras, alcanzó tanta fama de enamorado como el que más; porque lo que hizo, según su historia, no fue más de que, por verse desdeñado de su señora Oriana, que le había mandado que no pareciese ante su presencia hasta que fuese su voluntad, de que se retiró a la Peña Pobre en compañía de un ermitaño, y allí se hartó de llorar y de encomendarse a Dios, hasta que el cielo le acorrió, en medio de su mayor cuita y necesidad. Y si esto es verdad, como lo es, ¿para qué quiero yo tomar trabajo agora de desnudarme del todo, ni dar pesadumbre a estos árboles, que no me han hecho mal alguno? Ni tengo para qué enturbiar el agua clara destos arroyos, los cuales me han de dar de beber cuando tenga gana. Viva la memoria de Amadís, y sea imitado de don Quijote de la Mancha en todo lo que pudiere; del cual se dirá lo que del otro se dijo: que si no acabó grandes cosas, murió por acometellas; y si yo no soy desechado ni desdeñado de Dulcinea del Toboso, bástame, como ya he dicho, estar ausente della. Ea, pues, manos a la obra: venid a mi memoria, cosas de Amadís, y enseñadme por dónde tengo de comenzar a imitaros. Mas ya sé que lo más que él hizo fue rezar y encomendarse a Dios; pero, ¿qué haré de rosario, que no le tengo? En esto le vino al pensamiento cómo le haría, y fue que rasgó una gran tira de las faldas de la camisa, que andaban colgando, y diole once ñudos, el uno más gordo que los demás, y esto le sirvió de rosario el tiempo que allí estuvo, donde rezó un millón de avemarías. Y lo que le fatigaba mucho era no hallar por allí otro ermitaño que le confesase y con quien consolarse. Y así, se entretenía paseándose por el pradecillo, escribiendo y grabando por las cortezas de los árboles y por la menuda arena muchos versos, todos acomodados a su tristeza, y algunos en alabanza de Dulcinea. Mas los que se pudieron hallar enteros y que se pudiesen leer, después que a él allí le hallaron, no fueron más que estos que aquí se siguen: Árboles, yerbas y plantas que en aqueste sitio estáis, tan altos, verdes y tantas, si de mi mal no os holgáis, escuchad mis quejas santas. Mi dolor no os alborote, aunque más terrible sea, pues, por pagaros escote, aquí lloró don Quijote ausencias de Dulcinea del Toboso. Es aquí el lugar adonde el amador más leal de su señora se esconde, y ha venido a tanto mal sin saber cómo o por dónde. Tráele amor al estricote, que es de muy mala ralea; y así, hasta henchir un pipote, aquí lloró don Quijote ausencias de Dulcinea del Toboso. Buscando las aventuras por entre las duras peñas, maldiciendo entrañas duras, que entre riscos y entre breñas halla el triste desventuras, hirióle amor con su azote, no con su blanda correa; y, en tocándole el cogote, aquí lloró don Quijote ausencias de Dulcinea del Toboso. No causó poca risa en los que hallaron los versos referidos el añadidura del Toboso al nombre de Dulcinea, porque imaginaron que debió de imaginar don Quijote que si, en nombrando a Dulcinea, no decía también del Toboso, no se podría entender la copla; y así fue la verdad, como él después confesó. Otros muchos escribió, pero, como se ha dicho, no se pudieron sacar en limpio, ni enteros, más destas tres coplas. En esto, y en suspirar y en llamar a los faunos y silvanos de aquellos bosques, a las ninfas de los ríos, a la dolorosa y húmida Eco, que le respondiese, consolasen y escuchasen, se entretenía, y en buscar algunas yerbas con que sustentarse en tanto que Sancho volvía; que, si como tardó tres días, tardara tres semanas, el Caballero de la Triste Figura quedara tan desfigurado que no le conociera la madre que lo parió. Y será bien dejalle, envuelto entre sus suspiros y versos, por contar lo que le avino a Sancho Panza en su mandadería. Y fue que, en saliendo al camino real, se puso en busca del Toboso, y otro día llegó a la venta donde le había sucedido la desgracia de la manta; y no la hubo bien visto, cuando le pareció que otra vez andaba en los aires, y no quiso entrar dentro, aunque llegó a hora que lo pudiera y debiera hacer, por ser la del comer y llevar en deseo de gustar algo caliente; que había grandes días que todo era fiambre. Esta necesidad le forzó a que llegase junto a la venta, todavía dudoso si entraría o no. Y, estando en esto, salieron de la venta dos personas que luego le conocieron; y dijo el uno al otro: — Dígame, señor licenciado, aquel del caballo, ¿no es Sancho Panza, el que dijo el ama de nuestro aventurero que había salido con su señor por escudero? — Sí es —dijo el licenciado—; y aquél es el caballo de nuestro don Quijote. Y conociéronle tan bien como aquellos que eran el cura y el barbero de su mismo lugar, y los que hicieron el escrutinio y acto general de los libros. Los cuales, así como acabaron de conocer a Sancho Panza y a Rocinante, deseosos de saber de don Quijote, se fueron a él; y el cura le llamó por su nombre, diciéndole: — Amigo Sancho Panza, ¿adónde queda vuestro amo? Conociólos luego Sancho Panza, y determinó de encubrir el lugar y la suerte donde y como su amo quedaba; y así, les respondió que su amo quedaba ocupado en cierta parte y en cierta cosa que le era de mucha importancia, la cual él no podía descubrir, por los ojos que en la cara tenía. — No, no —dijo el barbero—, Sancho Panza; si vos no nos decís dónde queda, imaginaremos, como ya imaginamos, que vos le habéis muerto y robado, pues venís encima de su caballo. En verdad que nos habéis de dar el dueño del rocín, o sobre eso, morena. — No hay para qué conmigo amenazas, que yo no soy hombre que robo ni mato a nadie: a cada uno mate su ventura, o Dios, que le hizo. Mi amo queda haciendo penitencia en la mitad desta montaña, muy a su sabor. Y luego, de corrida y sin parar, les contó de la suerte que quedaba, las aventuras que le habían sucedido y cómo llevaba la carta a la señora Dulcinea del Toboso, que era la hija de Lorenzo Corchuelo, de quien estaba enamorado hasta los hígados. Quedaron admirados los dos de lo que Sancho Panza les contaba; y, aunque ya sabían la locura de don Quijote y el género della, siempre que la oían se admiraban de nuevo. Pidiéronle a Sancho Panza que les enseñase la carta que llevaba a la señora Dulcinea del Toboso. Él dijo que iba escrita en un libro de memoria y que era orden de su señor que la hiciese trasladar en papel en el primer lugar que llegase; a lo cual dijo el cura que se la mostrase, que él la trasladaría de muy buena letra. Metió la mano en el seno Sancho Panza, buscando el librillo, pero no le halló, ni le podía hallar si le buscara hasta agora, porque se había quedado don Quijote con él y no se le había dado, ni a él se le acordó de pedírsele. Cuando Sancho vio que no hallaba el libro, fuésele parando mortal el rostro; y, tornándose a tentar todo el cuerpo muy apriesa, tornó a echar de ver que no le hallaba; y, sin más ni más, se echó entrambos puños a las barbas y se arrancó la mitad de ellas, y luego, apriesa y sin cesar, se dio media docena de puñadas en el rostro y en las narices, que se las bañó todas en sangre. Visto lo cual por el cura y el barbero, le dijeron que qué le había sucedido, que tan mal se paraba. — ¿Qué me ha de suceder —respondió Sancho—, sino el haber perdido de una mano a otra, en un estante, tres pollinos, que cada uno era como un castillo? — ¿Cómo es eso? —replicó el barbero. — He perdido el libro de memoria —respondió Sancho—, donde venía carta para Dulcinea y una cédula firmada de su señor, por la cual mandaba que su sobrina me diese tres pollinos, de cuatro o cinco que estaban en casa. Y, con esto, les contó la pérdida del rucio. Consolóle el cura, y díjole que, en hallando a su señor, él le haría revalidar la manda y que tornase a hacer la libranza en papel, como era uso y costumbre, porque las que se hacían en libros de memoria jamás se acetaban ni cumplían. Con esto se consoló Sancho, y dijo que, como aquello fuese ansí, que no le daba mucha pena la pérdida de la carta de Dulcinea, porque él la sabía casi de memoria, de la cual se podría trasladar donde y cuando quisiesen. — Decildo, Sancho, pues —dijo el barbero—, que después la trasladaremos. Paróse Sancho Panza a rascar la cabeza para traer a la memoria la carta, y ya se ponía sobre un pie, y ya sobre otro; unas veces miraba al suelo, otras al cielo; y, al cabo de haberse roído la mitad de la yema de un dedo, teniendo suspensos a los que esperaban que ya la dijese, dijo al cabo de grandísimo rato: — Por Dios, señor licenciado, que los diablos lleven la cosa que de la carta se me acuerda; aunque en el principio decía: «Alta y sobajada señora». — No diría —dijo el barbero— sobajada, sino sobrehumana o soberana señora. — Así es —dijo Sancho—. Luego, si mal no me acuerdo, proseguía..., si mal no me acuerdo: «el llego y falto de sueño, y el ferido besa a vuestra merced las manos, ingrata y muy desconocida hermosa», y no sé qué decía de salud y de enfermedad que le enviaba, y por aquí iba escurriendo, hasta que acababa en «Vuestro hasta la muerte, el Caballero de la Triste Figura». No poco gustaron los dos de ver la buena memoria de Sancho Panza, y alabáronsela mucho, y le pidieron que dijese la carta otras dos veces, para que ellos, ansimesmo, la tomasen de memoria para trasladalla a su tiempo. Tornóla a decir Sancho otras tres veces, y otras tantas volvió a decir otros tres mil disparates. Tras esto, contó asimesmo las cosas de su amo, pero no habló palabra acerca del manteamiento que le había sucedido en aquella venta, en la cual rehusaba entrar. Dijo también como su señor, en trayendo que le trujese buen despacho de la señora Dulcinea del Toboso, se había de poner en camino a procurar cómo ser emperador, o, por lo menos, monarca; que así lo tenían concertado entre los dos, y era cosa muy fácil venir a serlo, según era el valor de su persona y la fuerza de su brazo; y que, en siéndolo, le había de casar a él, porque ya sería viudo, que no podía ser menos, y le había de dar por mujer a una doncella de la emperatriz, heredera de un rico y grande estado de tierra firme, sin ínsulos ni ínsulas, que ya no las quería. Decía esto Sancho con tanto reposo, limpiándose de cuando en cuando las narices, y con tan poco juicio, que los dos se admiraron de nuevo, considerando cuán vehemente había sido la locura de don Quijote, pues había llevado tras sí el juicio de aquel pobre hombre. No quisieron cansarse en sacarle del error en que estaba, pareciéndoles que, pues no le dañaba nada la conciencia, mejor era dejarle en él, y a ellos les sería de más gusto oír sus necedades. Y así, le dijeron que rogase a Dios por la salud de su señor, que cosa contingente y muy agible era venir, con el discurso del tiempo, a ser emperador, como él decía, o, por lo menos, arzobispo, o otra dignidad equivalente. A lo cual respondió Sancho: — Señores, si la fortuna rodease las cosas de manera que a mi amo le viniese en voluntad de no ser emperador, sino de ser arzobispo, querría yo saber agora qué suelen dar los arzobispos andantes a sus escuderos. — Suélenles dar —respondió el cura— algún beneficio, simple o curado, o alguna sacristanía, que les vale mucho de renta rentada, amén del pie de altar, que se suele estimar en otro tanto. — Para eso será menester —replicó Sancho— que el escudero no sea casado y que sepa ayudar a misa, por lo menos; y si esto es así, ¡desdichado de yo, que soy casado y no sé la primera letra del ABC! ¿Qué será de mí si a mi amo le da antojo de ser arzobispo, y no emperador, como es uso y costumbre de los caballeros andantes? — No tengáis pena, Sancho amigo —dijo el barbero—, que aquí rogaremos a vuestro amo y se lo aconsejaremos, y aun se lo pondremos en caso de conciencia, que sea emperador y no arzobispo, porque le será más fácil, a causa de que él es más valiente que estudiante. — Así me ha parecido a mí —respondió Sancho—, aunque sé decir que para todo tiene habilidad. Lo que yo pienso hacer de mi parte es rogarle a Nuestro Señor que le eche a aquellas partes donde él más se sirva y adonde a mí más mercedes me haga. — Vos lo decís como discreto —dijo el cura— y lo haréis como buen cristiano. Mas lo que ahora se ha de hacer es dar orden como sacar a vuestro amo de aquella inútil penitencia que decís que queda haciendo; y, para pensar el modo que hemos de tener, y para comer, que ya es hora, será bien nos entremos en esta venta. Sancho dijo que entrasen ellos, que él esperaría allí fuera y que después les diría la causa por que no entraba ni le convenía entrar en ella; mas que les rogaba que le sacasen allí algo de comer que fuese cosa caliente, y, ansimismo, cebada para Rocinante. Ellos se entraron y le dejaron, y, de allí a poco, el barbero le sacó de comer. Después, habiendo bien pensado entre los dos el modo que tendrían para conseguir lo que deseaban, vino el cura en un pensamiento muy acomodado al gusto de don Quijote y para lo que ellos querían. Y fue que dijo al barbero que lo que había pensado era que él se vestiría en hábito de doncella andante, y que él procurase ponerse lo mejor que pudiese como escudero, y que así irían adonde don Quijote estaba, fingiendo ser ella una doncella afligida y menesterosa, y le pediría un don, el cual él no podría dejársele de otorgar, como valeroso caballero andante. Y que el don que le pensaba pedir era que se viniese con ella donde ella le llevase, a desfacelle un agravio que un mal caballero le tenía fecho; y que le suplicaba, ansimesmo, que no la mandase quitar su antifaz, ni la demandase cosa de su facienda, fasta que la hubiese fecho derecho de aquel mal caballero; y que creyese, sin duda, que don Quijote vendría en todo cuanto le pidiese por este término; y que desta manera le sacarían de allí y le llevarían a su lugar, donde procurarían ver si tenía algún remedio su estraña locura. Capítulo XXVII. De cómo salieron con su intención el cura y el barbero, con otras cosas dignas de que se cuenten en esta grande historia No le pareció mal al barbero la invención del cura, sino tan bien, que luego la pusieron por obra. Pidiéronle a la ventera una saya y unas tocas, dejándole en prendas una sotana nueva del cura. El barbero hizo una gran barba de una cola rucia o roja de buey, donde el ventero tenía colgado el peine. Preguntóles la ventera que para qué le pedían aquellas cosas. El cura le contó en breves razones la locura de don Quijote, y cómo convenía aquel disfraz para sacarle de la montaña, donde a la sazón estaba. Cayeron luego el ventero y la ventera en que el loco era su huésped, el del bálsamo, y el amo del manteado escudero, y contaron al cura todo lo que con él les había pasado, sin callar lo que tanto callaba Sancho. En resolución, la ventera vistió al cura de modo que no había más que ver: púsole una saya de paño, llena de fajas de terciopelo negro de un palmo en ancho, todas acuchilladas, y unos corpiños de terciopelo verde, guarnecidos con unos ribetes de raso blanco, que se debieron de hacer, ellos y la saya, en tiempo del rey Wamba. No consintió el cura que le tocasen, sino púsose en la cabeza un birretillo de lienzo colchado que llevaba para dormir de noche, y ciñóse por la frente una liga de tafetán negro, y con otra liga hizo un antifaz, con que se cubrió muy bien las barbas y el rostro; encasquetóse su sombrero, que era tan grande que le podía servir de quitasol, y, cubriéndose su herreruelo, subió en su mula a mujeriegas, y el barbero en la suya, con su barba que le llegaba a la cintura, entre roja y blanca, como aquella que, como se ha dicho, era hecha de la cola de un buey barroso. Despidiéronse de todos, y de la buena de Maritornes, que prometió de rezar un rosario, aunque pecadora, porque Dios les diese buen suceso en tan arduo y tan cristiano negocio como era el que habían emprendido. Mas, apenas hubo salido de la venta, cuando le vino al cura un pensamiento: que hacía mal en haberse puesto de aquella manera, por ser cosa indecente que un sacerdote se pusiese así, aunque le fuese mucho en ello; y, diciéndoselo al barbero, le rogó que trocasen trajes, pues era más justo que él fuese la doncella menesterosa, y que él haría el escudero, y que así se profanaba menos su dignidad; y que si no lo quería hacer, determinaba de no pasar adelante, aunque a don Quijote se le llevase el diablo. En esto, llegó Sancho, y de ver a los dos en aquel traje no pudo tener la risa. En efeto, el barbero vino en todo aquello que el cura quiso, y, trocando la invención, el cura le fue informando el modo que había de tener y las palabras que había de decir a don Quijote para moverle y forzarle a que con él se viniese, y dejase la querencia del lugar que había escogido para su vana penitencia. El barbero respondió que, sin que se le diese lición, él lo pondría bien en su punto. No quiso vestirse por entonces, hasta que estuviesen junto de donde don Quijote estaba; y así, dobló sus vestidos, y el cura acomodó su barba, y siguieron su camino, guiándolos Sancho Panza; el cual les fue contando lo que les aconteció con el loco que hallaron en la sierra, encubriendo, empero, el hallazgo de la maleta y de cuanto en ella venía; que, maguer que tonto, era un poco codicioso el mancebo. Otro día llegaron al lugar donde Sancho había dejado puestas las señales de las ramas para acertar el lugar donde había dejado a su señor; y, en reconociéndole, les dijo como aquélla era la entrada, y que bien se podían vestir, si era que aquello hacía al caso para la libertad de su señor; porque ellos le habían dicho antes que el ir de aquella suerte y vestirse de aquel modo era toda la importancia para sacar a su amo de aquella mala vida que había escogido, y que le encargaban mucho que no dijese a su amo quien ellos eran, ni que los conocía; y que si le preguntase, como se lo había de preguntar, si dio la carta a Dulcinea, dijese que sí, y que, por no saber leer, le había respondido de palabra, diciéndole que le mandaba, so pena de la su desgracia, que luego al momento se viniese a ver con ella, que era cosa que le importaba mucho; porque con esto y con lo que ellos pensaban decirle tenían por cosa cierta reducirle a mejor vida, y hacer con él que luego se pusiese en camino para ir a ser emperador o monarca; que en lo de ser arzobispo no había de qué temer. Todo lo escuchó Sancho, y lo tomó muy bien en la memoria, y les agradeció mucho la intención que tenían de aconsejar a su señor fuese emperador y no arzobispo, porque él tenía para sí que, para hacer mercedes a sus escuderos, más podían los emperadores que los arzobispos andantes. También les dijo que sería bien que él fuese delante a buscarle y darle la respuesta de su señora, que ya sería ella bastante a sacarle de aquel lugar, sin que ellos se pusiesen en tanto trabajo. Parecióles bien lo que Sancho Panza decía, y así, determinaron de aguardarle hasta que volviese con las nuevas del hallazgo de su amo. Entróse Sancho por aquellas quebradas de la sierra, dejando a los dos en una por donde corría un pequeño y manso arroyo, a quien hacían sombra agradable y fresca otras peñas y algunos árboles que por allí estaban. El calor, y el día que allí llegaron, era de los del mes de agosto, que por aquellas partes suele ser el ardor muy grande; la hora, las tres de la tarde: todo lo cual hacía al sitio más agradable, y que convidase a que en él esperasen la vuelta de Sancho, como lo hicieron. Estando, pues, los dos allí, sosegados y a la sombra, llegó a sus oídos una voz que, sin acompañarla son de algún otro instrumento, dulce y regaladamente sonaba, de que no poco se admiraron, por parecerles que aquél no era lugar donde pudiese haber quien tan bien cantase. Porque, aunque suele decirse que por las selvas y campos se hallan pastores de voces estremadas, más son encarecimientos de poetas que verdades; y más, cuando advirtieron que lo que oían cantar eran versos, no de rústicos ganaderos, sino de discretos cortesanos. Y confirmó esta verdad haber sido los versos que oyeron éstos: ¿Quién menoscaba mis bienes? Desdenes. Y ¿quién aumenta mis duelos? Los celos. Y ¿quién prueba mi paciencia? Ausencia. De ese modo, en mi dolencia ningún remedio se alcanza, pues me matan la esperanza desdenes, celos y ausencia. ¿Quién me causa este dolor? Amor. Y ¿quién mi gloria repugna? Fortuna. Y ¿quién consiente en mi duelo? El cielo De ese modo, yo recelo morir deste mal estraño, pues se aumentan en mi daño, amor, fortuna y el cielo. ¿Quién mejorará mi suerte? La muerte. Y el bien de amor, ¿quién le alcanza? Mudanza. Y sus males, ¿quién los cura? Locura. De ese modo, no es cordura querer curar la pasión cuando los remedios son muerte, mudanza y locura. La hora, el tiempo, la soledad, la voz y la destreza del que cantaba causó admiración y contento en los dos oyentes, los cuales se estuvieron quedos, esperando si otra alguna cosa oían; pero, viendo que duraba algún tanto el silencio, determinaron de salir a buscar el músico que con tan buena voz cantaba. Y, queriéndolo poner en efeto, hizo la mesma voz que no se moviesen, la cual llegó de nuevo a sus oídos, cantando este soneto: Soneto Santa amistad, que con ligeras alas, tu apariencia quedándose en el suelo, entre benditas almas, en el cielo, subiste alegre a las impíreas salas, desde allá, cuando quieres, nos señalas la justa paz cubierta con un velo, por quien a veces se trasluce el celo de buenas obras que, a la fin, son malas. Deja el cielo, ¡oh amistad!, o no permitas que el engaño se vista tu librea, con que destruye a la intención sincera; que si tus apariencias no le quitas, presto ha de verse el mundo en la pelea de la discorde confusión primera. El canto se acabó con un profundo suspiro, y los dos, con atención, volvieron a esperar si más se cantaba; pero, viendo que la música se había vuelto en sollozos y en lastimeros ayes, acordaron de saber quién era el triste, tan estremado en la voz como doloroso en los gemidos; y no anduvieron mucho, cuando, al volver de una punta de una peña, vieron a un hombre del mismo talle y figura que Sancho Panza les había pintado cuando les contó el cuento de Cardenio; el cual hombre, cuando los vio, sin sobresaltarse, estuvo quedo, con la cabeza inclinada sobre el pecho a guisa de hombre pensativo, sin alzar los ojos a mirarlos más de la vez primera, cuando de improviso llegaron. El cura, que era hombre bien hablado (como el que ya tenía noticia de su desgracia, pues por las señas le había conocido), se llegó a él, y con breves aunque muy discretas razones le rogó y persuadió que aquella tan miserable vida dejase, porque allí no la perdiese, que era la desdicha mayor de las desdichas. Estaba Cardenio entonces en su entero juicio, libre de aquel furioso accidente que tan a menudo le sacaba de sí mismo; y así, viendo a los dos en traje tan no usado de los que por aquellas soledades andaban, no dejó de admirarse algún tanto, y más cuando oyó que le habían hablado en su negocio como en cosa sabida —porque las razones que el cura le dijo así lo dieron a entender—; y así, respondió desta manera: — Bien veo yo, señores, quienquiera que seáis, que el cielo, que tiene cuidado de socorrer a los buenos, y aun a los malos muchas veces, sin yo merecerlo, me envía, en estos tan remotos y apartados lugares del trato común de las gentes, algunas personas que, poniéndome delante de los ojos con vivas y varias razones cuán sin ella ando en hacer la vida que hago, han procurado sacarme désta a mejor parte; pero, como no saben que sé yo que en saliendo deste daño he de caer en otro mayor, quizá me deben de tener por hombre de flacos discursos, y aun, lo que peor sería, por de ningún juicio. Y no sería maravilla que así fuese, porque a mí se me trasluce que la fuerza de la imaginación de mis desgracias es tan intensa y puede tanto en mi perdición que, sin que yo pueda ser parte a estobarlo, vengo a quedar como piedra, falto de todo buen sentido y conocimiento; y vengo a caer en la cuenta desta verdad, cuando algunos me dicen y muestran señales de las cosas que he hecho en tanto que aquel terrible accidente me señorea, y no sé más que dolerme en vano y maldecir sin provecho mi ventura, y dar por disculpa de mis locuras el decir la causa dellas a cuantos oírla quieren; porque, viendo los cuerdos cuál es la causa, no se maravillarán de los efetos, y si no me dieren remedio, a lo menos no me darán culpa, convirtiéndoseles el enojo de mi desenvoltura en lástima de mis desgracias. Y si es que vosotros, señores, venís con la mesma intención que otros han venido, antes que paséis adelante en vuestras discretas persuasiones, os ruego que escuchéis el cuento, que no le tiene, de mis desventuras; porque quizá, después de entendido, ahorraréis del trabajo que tomaréis en consolar un mal que de todo consuelo es incapaz. Los dos, que no deseaban otra cosa que saber de su mesma boca la causa de su daño, le rogaron se la contase, ofreciéndole de no hacer otra cosa de la que él quisiese, en su remedio o consuelo; y con esto, el triste caballero comenzó su lastimera historia, casi por las mesmas palabras y pasos que la había contado a don Quijote y al cabrero pocos días atrás, cuando, por ocasión del maestro Elisabat y puntualidad de don Quijote en guardar el decoro a la caballería, se quedó el cuento imperfeto, como la historia lo deja contado. Pero ahora quiso la buena suerte que se detuvo el accidente de la locura y le dio lugar de contarlo hasta el fin; y así, llegando al paso del billete que había hallado don Fernando entre el libro de Amadís de Gaula, dijo Cardenio que le tenía bien en la memoria, y que decía desta manera: «Luscinda a Cardenio Cada día descubro en vos valores que me obligan y fuerzan a que en más os estime; y así, si quisiéredes sacarme desta deuda sin ejecutarme en la honra, lo podréis muy bien hacer. Padre tengo, que os conoce y que me quiere bien, el cual, sin forzar mi voluntad, cumplirá la que será justo que vos tengáis, si es que me estimáis como decís y como yo creo. — »Por este billete me moví a pedir a Luscinda por esposa, como ya os he contado, y éste fue por quien quedó Luscinda en la opinión de don Fernando por una de las más discretas y avisadas mujeres de su tiempo; y este billete fue el que le puso en deseo de destruirme, antes que el mío se efetuase. Díjele yo a don Fernando en lo que reparaba el padre de Luscinda, que era en que mi padre se la pidiese, lo cual yo no le osaba decir, temeroso que no vendría en ello, no porque no tuviese bien conocida la calidad, bondad, virtud y hermosura de Luscinda, y que tenía partes bastantes para enoblecer cualquier otro linaje de España, sino porque yo entendía dél que deseaba que no me casase tan presto, hasta ver lo que el duque Ricardo hacía conmigo. En resolución, le dije que no me aventuraba a decírselo a mi padre, así por aquel inconveniente como por otros muchos que me acobardaban, sin saber cuáles eran, sino que me parecía que lo que yo desease jamás había de tener efeto. »A todo esto me respondió don Fernando que él se encargaba de hablar a mi padre y hacer con él que hablase al de Luscinda. ¡Oh Mario ambicioso, oh Catilina cruel, oh Sila facinoroso, oh Galalón embustero, oh Vellido traidor, oh Julián vengativo, oh Judas codicioso! Traidor, cruel, vengativo y embustero, ¿qué deservicios te había hecho este triste, que con tanta llaneza te descubrió los secretos y contentos de su corazón? ¿Qué ofensa te hice? ¿Qué palabras te dije, o qué consejos te di, que no fuesen todos encaminados a acrecentar tu honra y tu provecho? Mas, ¿de qué me quejo?, ¡desventurado de mí!, pues es cosa cierta que cuando traen las desgracias la corriente de las estrellas, como vienen de alto a bajo, despeñándose con furor y con violencia, no hay fuerza en la tierra que las detenga, ni industria humana que prevenirlas pueda. ¿Quién pudiera imaginar que don Fernando, caballero ilustre, discreto, obligado de mis servicios, poderoso para alcanzar lo que el deseo amoroso le pidiese dondequiera que le ocupase, se había de enconar, como suele decirse, en tomarme a mí una sola oveja, que aún no poseía? Pero quédense estas consideraciones aparte, como inútiles y sin provecho, y añudemos el roto hilo de mi desdichada historia. »Digo, pues, que, pareciéndole a don Fernando que mi presencia le era inconveniente para poner en ejecución su falso y mal pensamiento, determinó de enviarme a su hermano mayor, con ocasión de pedirle unos dineros para pagar seis caballos, que de industria, y sólo para este efeto de que me ausentase (para poder mejor salir con su dañado intento), el mesmo día que se ofreció hablar a mi padre los compró, y quiso que yo viniese por el dinero. ¿Pude yo prevenir esta traición? ¿Pude, por ventura, caer en imaginarla? No, por cierto; antes, con grandísimo gusto, me ofrecí a partir luego, contento de la buena compra hecha. Aquella noche hablé con Luscinda, y le dije lo que con don Fernando quedaba concertado, y que tuviese firme esperanza de que tendrían efeto nuestros buenos y justos deseos. Ella me dijo, tan segura como yo de la traición de don Fernando, que procurase volver presto, porque creía que no tardaría más la conclusión de nuestras voluntades que tardase mi padre de hablar al suyo. No sé qué se fue, que, en acabando de decirme esto, se le llenaron los ojos de lágrimas y un nudo se le atravesó en la garganta, que no le dejaba hablar palabra de otras muchas que me pareció que procuraba decirme. »Quedé admirado deste nuevo accidente, hasta allí jamás en ella visto, porque siempre nos hablábamos, las veces que la buena fortuna y mi diligencia lo concedía, con todo regocijo y contento, sin mezclar en nuestras pláticas lágrimas, suspiros, celos, sospechas o temores. Todo era engrandecer yo mi ventura, por habérmela dado el cielo por señora: exageraba su belleza, admirábame de su valor y entendimiento. Volvíame ella el recambio, alabando en mí lo que, como enamorada, le parecía digno de alabanza. Con esto, nos contábamos cien mil niñerías y acaecimientos de nuestros vecinos y conocidos, y a lo que más se entendía mi desenvoltura era a tomarle, casi por fuerza, una de sus bellas y blancas manos, y llegarla a mi boca, según daba lugar la estrecheza de una baja reja que nos dividía. Pero la noche que precedió al triste día de mi partida, ella lloró, gimió y suspiró, y se fue, y me dejó lleno de confusión y sobresalto, espantado de haber visto tan nuevas y tan tristes muestras de dolor y sentimiento en Luscinda. Pero, por no destruir mis esperanzas, todo lo atribuí a la fuerza del amor que me tenía y al dolor que suele causar la ausencia en los que bien se quieren. »En fin, yo me partí triste y pensativo, llena el alma de imaginaciones y sospechas, sin saber lo que sospechaba ni imaginaba: claros indicios que me mostraban el triste suceso y desventura que me estaba guardada. Llegué al lugar donde era enviado. Di las cartas al hermano de don Fernando. Fui bien recebido, pero no bien despachado, porque me mandó aguardar, bien a mi disgusto, ocho días, y en parte donde el duque, su padre, no me viese, porque su hermano le escribía que le enviase cierto dinero sin su sabiduría. Y todo fue invención del falso don Fernando, pues no le faltaban a su hermano dineros para despacharme luego. Orden y mandato fue éste que me puso en condición de no obedecerle, por parecerme imposible sustentar tantos días la vida en el ausencia de Luscinda, y más, habiéndola dejado con la tristeza que os he contado; pero, con todo esto, obedecí, como buen criado, aunque veía que había de ser a costa de mi salud. »Pero, a los cuatro días que allí llegué, llegó un hombre en mi busca con una carta, que me dio, que en el sobrescrito conocí ser de Luscinda, porque la letra dél era suya. Abríla, temeroso y con sobresalto, creyendo que cosa grande debía de ser la que la había movido a escribirme estando ausente, pues presente pocas veces lo hacía. Preguntéle al hombre, antes de leerla, quién se la había dado y el tiempo que había tardado en el camino. Díjome que acaso, pasando por una calle de la ciudad a la hora de medio día, una señora muy hermosa le llamó desde una ventana, los ojos llenos de lágrimas, y que con mucha priesa le dijo: ''Hermano: si sois cristiano, como parecéis, por amor de Dios os ruego que encaminéis luego luego esta carta al lugar y a la persona que dice el sobrescrito, que todo es bien conocido, y en ello haréis un gran servicio a nuestro Señor; y, para que no os falte comodidad de poderlo hacer, tomad lo que va en este pañuelo''. ''Y, diciendo esto, me arrojó por la ventana un pañuelo, donde venían atados cien reales y esta sortija de oro que aquí traigo, con esa carta que os he dado. Y luego, sin aguardar respuesta mía, se quitó de la ventana; aunque primero vio cómo yo tomé la carta y el pañuelo, y, por señas, le dije que haría lo que me mandaba. Y así, viéndome tan bien pagado del trabajo que podía tomar en traérosla y conociendo por el sobrescrito que érades vos a quien se enviaba, porque yo, señor, os conozco muy bien, y obligado asimesmo de las lágrimas de aquella hermosa señora, determiné de no fiarme de otra persona, sino venir yo mesmo a dárosla; y en diez y seis horas que ha que se me dio, he hecho el camino, que sabéis que es de diez y ocho leguas''. »En tanto que el agradecido y nuevo correo esto me decía, estaba yo colgado de sus palabras, temblándome las piernas de manera que apenas podía sostenerme. En efeto, abrí la carta y vi que contenía estas razones: La palabra que don Fernando os dio de hablar a vuestro padre para que hablase al mío, la ha cumplido más en su gusto que en vuestro provecho. Sabed, señor, que él me ha pedido por esposa, y mi padre, llevado de la ventaja que él piensa que don Fernando os hace, ha venido en lo que quiere, con tantas veras que de aquí a dos días se ha de hacer el desposorio, tan secreto y tan a solas, que sólo han de ser testigos los cielos y alguna gente de casa. Cual yo quedo, imaginaldo; si os cumple venir, veldo; y si os quiero bien o no, el suceso deste negocio os lo dará a entender. A Dios plega que ésta llegue a vuestras manos antes que la mía se vea en condición de juntarse con la de quien tan mal sabe guardar la fe que promete. »Éstas, en suma, fueron las razones que la carta contenía y las que me hicieron poner luego en camino, sin esperar otra respuesta ni otros dineros; que bien claro conocí entonces que no la compra de los caballos, sino la de su gusto, había movido a don Fernando a enviarme a su hermano. El enojo que contra don Fernando concebí, junto con el temor de perder la prenda que con tantos años de servicios y deseos tenía granjeada, me pusieron alas, pues, casi como en vuelo, otro día me puse en mi lugar, al punto y hora que convenía para ir a hablar a Luscinda. Entré secreto, y dejé una mula en que venía en casa del buen hombre que me había llevado la carta; y quiso la suerte que entonces la tuviese tan buena que hallé a Luscinda puesta a la reja, testigo de nuestros amores. Conocióme Luscinda luego, y conocíla yo; mas no como debía ella conocerme y yo conocerla. Pero, ¿quién hay en el mundo que se pueda alabar que ha penetrado y sabido el confuso pensamiento y condición mudable de una mujer? Ninguno, por cierto. »Digo, pues, que, así como Luscinda me vio, me dijo: ''Cardenio, de boda estoy vestida; ya me están aguardando en la sala don Fernando el traidor y mi padre el codicioso, con otros testigos, que antes lo serán de mi muerte que de mi desposorio. No te turbes, amigo, sino procura hallarte presente a este sacrificio, el cual si no pudiere ser estorbado de mis razones, una daga llevo escondida que podrá estorbar más determinadas fuerzas, dando fin a mi vida y principio a que conozcas la voluntad que te he tenido y tengo''. Yo le respondí turbado y apriesa, temeroso no me faltase lugar para responderla: ''Hagan, señora, tus obras verdaderas tus palabras; que si tú llevas daga para acreditarte, aquí llevo yo espada para defenderte con ella o para matarme si la suerte nos fuere contraria''. No creo que pudo oír todas estas razones, porque sentí que la llamaban apriesa, porque el desposado aguardaba. Cerróse con esto la noche de mi tristeza, púsoseme el sol de mi alegría: quedé sin luz en los ojos y sin discurso en el entendimiento. No acertaba a entrar en su casa, ni podía moverme a parte alguna; pero, considerando cuánto importaba mi presencia para lo que suceder pudiese en aquel caso, me animé lo más que pude y entré en su casa. Y, como ya sabía muy bien todas sus entradas y salidas, y más con el alboroto que de secreto en ella andaba, nadie me echó de ver. Así que, sin ser visto, tuve lugar de ponerme en el hueco que hacía una ventana de la mesma sala, que con las puntas y remates de dos tapices se cubría, por entre las cuales podía yo ver, sin ser visto, todo cuanto en la sala se hacía. »¿Quién pudiera decir ahora los sobresaltos que me dio el corazón mientras allí estuve, los pensamientos que me ocurrieron, las consideraciones que hice?, que fueron tantas y tales, que ni se pueden decir ni aun es bien que se digan. Basta que sepáis que el desposado entró en la sala sin otro adorno que los mesmos vestidos ordinarios que solía. Traía por padrino a un primo hermano de Luscinda, y en toda la sala no había persona de fuera, sino los criados de casa. De allí a un poco, salió de una recámara Luscinda, acompañada de su madre y de dos doncellas suyas, tan bien aderezada y compuesta como su calidad y hermosura merecían, y como quien era la perfeción de la gala y bizarría cortesana. No me dio lugar mi suspensión y arrobamiento para que mirase y notase en particular lo que traía vestido; sólo pude advertir a las colores, que eran encarnado y blanco, y en las vislumbres que las piedras y joyas del tocado y de todo el vestido hacían, a todo lo cual se aventajaba la belleza singular de sus hermosos y rubios cabellos; tales que, en competencia de las preciosas piedras y de las luces de cuatro hachas que en la sala estaban, la suya con más resplandor a los ojos ofrecían. ¡Oh memoria, enemiga mortal de mi descanso! ¿De qué sirve representarme ahora la incomparable belleza de aquella adorada enemiga mía? ¿No será mejor, cruel memoria, que me acuerdes y representes lo que entonces hizo, para que, movido de tan manifiesto agravio, procure, ya que no la venganza, a lo menos perder la vida?» No os canséis, señores, de oír estas digresiones que hago; que no es mi pena de aquellas que puedan ni deban contarse sucintamente y de paso, pues cada circunstancia suya me parece a mí que es digna de un largo discurso. A esto le respondió el cura que no sólo no se cansaban en oírle, sino que les daba mucho gusto las menudencias que contaba, por ser tales, que merecían no pasarse en silencio, y la mesma atención que lo principal del cuento. — «Digo, pues —prosiguió Cardenio—, que, estando todos en la sala, entró el cura de la perroquia, y, tomando a los dos por la mano para hacer lo que en tal acto se requiere, al decir: ''¿Queréis, señora Luscinda, al señor don Fernando, que está presente, por vuestro legítimo esposo, como lo manda la Santa Madre Iglesia?'', yo saqué toda la cabeza y cuello de entre los tapices, y con atentísimos oídos y alma turbada me puse a escuchar lo que Luscinda respondía, esperando de su respuesta la sentencia de mi muerte o la confirmación de mi vida. ¡Oh, quién se atreviera a salir entonces, diciendo a voces!: ''¡Ah Luscinda, Luscinda, mira lo que haces, considera lo que me debes, mira que eres mía y que no puedes ser de otro! Advierte que el decir tú sí y el acabárseme la vida ha de ser todo a un punto. ¡Ah traidor don Fernando, robador de mi gloria, muerte de mi vida! ¿Qué quieres? ¿Qué pretendes? Considera que no puedes cristianamente llegar al fin de tus deseos, porque Luscinda es mi esposa y yo soy su marido''. ¡Ah, loco de mí, ahora que estoy ausente y lejos del peligro, digo que había de hacer lo que no hice! ¡Ahora que dejé robar mi cara prenda, maldigo al robador, de quien pudiera vengarme si tuviera corazón para ello como le tengo para quejarme! En fin, pues fui entonces cobarde y necio, no es mucho que muera ahora corrido, arrepentido y loco. »Estaba esperando el cura la respuesta de Luscinda, que se detuvo un buen espacio en darla, y, cuando yo pensé que sacaba la daga para acreditarse, o desataba la lengua para decir alguna verdad o desengaño que en mi provecho redundase, oigo que dijo con voz desmayada y flaca: ''Sí quiero''; y lo mesmo dijo don Fernando; y, dándole el anillo, quedaron en disoluble nudo ligados. Llegó el desposado a abrazar a su esposa, y ella, poniéndose la mano sobre el corazón, cayó desmayada en los brazos de su madre. Resta ahora decir cuál quedé yo viendo, en el sí que había oído, burladas mis esperanzas, falsas las palabras y promesas de Luscinda: imposibilitado de cobrar en algún tiempo el bien que en aquel instante había perdido. Quedé falto de consejo, desamparado, a mi parecer, de todo el cielo, hecho enemigo de la tierra que me sustentaba, negándome el aire aliento para mis suspiros y el agua humor para mis ojos; sólo el fuego se acrecentó de manera que todo ardía de rabia y de celos. »Alborotáronse todos con el desmayo de Luscinda, y, desabrochándole su madre el pecho para que le diese el aire, se descubrió en él un papel cerrado, que don Fernando tomó luego y se le puso a leer a la luz de una de las hachas; y, en acabando de leerle, se sentó en una silla y se puso la mano en la mejilla, con muestras de hombre muy pensativo, sin acudir a los remedios que a su esposa se hacían para que del desmayo volviese. Yo, viendo alborotada toda la gente de casa, me aventuré a salir, ora fuese visto o no, con determinación que si me viesen, de hacer un desatino tal, que todo el mundo viniera a entender la justa indignación de mi pecho en el castigo del falso don Fernando, y aun en el mudable de la desmayada traidora. Pero mi suerte, que para mayores males, si es posible que los haya, me debe tener guardado, ordenó que en aquel punto me sobrase el entendimiento que después acá me ha faltado; y así, sin querer tomar venganza de mis mayores enemigos (que, por estar tan sin pensamiento mío, fuera fácil tomarla), quise tomarla de mi mano y ejecutar en mí la pena que ellos merecían; y aun quizá con más rigor del que con ellos se usara si entonces les diera muerte, pues la que se recibe repentina presto acaba la pena; mas la que se dilata con tormentos siempre mata, sin acabar la vida. »En fin, yo salí de aquella casa y vine a la de aquél donde había dejado la mula; hice que me la ensillase, sin despedirme dél subí en ella, y salí de la ciudad, sin osar, como otro Lot, volver el rostro a miralla; y cuando me vi en el campo solo, y que la escuridad de la noche me encubría y su silencio convidaba a quejarme, sin respeto o miedo de ser escuchado ni conocido, solté la voz y desaté la lengua en tantas maldiciones de Luscinda y de don Fernando, como si con ellas satisficiera el agravio que me habían hecho. Dile títulos de cruel, de ingrata, de falsa y desagradecida; pero, sobre todos, de codiciosa, pues la riqueza de mi enemigo la había cerrado los ojos de la voluntad, para quitármela a mí y entregarla a aquél con quien más liberal y franca la fortuna se había mostrado; y, en mitad de la fuga destas maldiciones y vituperios, la desculpaba, diciendo que no era mucho que una doncella recogida en casa de sus padres, hecha y acostumbrada siempre a obedecerlos, hubiese querido condecender con su gusto, pues le daban por esposo a un caballero tan principal, tan rico y tan gentil hombre que, a no querer recebirle, se podía pensar, o que no tenía juicio, o que en otra parte tenía la voluntad: cosa que redundaba tan en perjuicio de su buena opinión y fama. Luego volvía diciendo que, puesto que ella dijera que yo era su esposo, vieran ellos que no había hecho en escogerme tan mala elección, que no la disculparan, pues antes de ofrecérseles don Fernando no pudieran ellos mesmos acertar a desear, si con razón midiesen su deseo, otro mejor que yo para esposo de su hija; y que bien pudiera ella, antes de ponerse en el trance forzoso y último de dar la mano, decir que ya yo le había dado la mía; que yo viniera y concediera con todo cuanto ella acertara a fingir en este caso. »En fin, me resolví en que poco amor, poco juicio, mucha ambición y deseos de grandezas hicieron que se olvidase de las palabras con que me había engañado, entretenido y sustentado en mis firmes esperanzas y honestos deseos. Con estas voces y con esta inquietud caminé lo que quedaba de aquella noche, y di al amanecer en una entrada destas sierras, por las cuales caminé otros tres días, sin senda ni camino alguno, hasta que vine a parar a unos prados, que no sé a qué mano destas montañas caen, y allí pregunté a unos ganaderos que hacia dónde era lo más áspero destas sierras. Dijéronme que hacia esta parte. Luego me encaminé a ella, con intención de acabar aquí la vida, y, en entrando por estas asperezas, del cansancio y de la hambre se cayó mi mula muerta, o, lo que yo más creo, por desechar de sí tan inútil carga como en mí llevaba. Yo quedé a pie, rendido de la naturaleza, traspasado de hambre, sin tener, ni pensar buscar, quien me socorriese. »De aquella manera estuve no sé qué tiempo, tendido en el suelo, al cabo del cual me levanté sin hambre, y hallé junto a mí a unos cabreros, que, sin duda, debieron ser los que mi necesidad remediaron, porque ellos me dijeron de la manera que me habían hallado, y cómo estaba diciendo tantos disparates y desatinos, que daba indicios claros de haber perdido el juicio; y yo he sentido en mí, después acá, que no todas veces le tengo cabal, sino tan desmedrado y flaco que hago mil locuras, rasgándome los vestidos, dando voces por estas soledades, maldiciendo mi ventura y repitiendo en vano el nombre amado de mi enemiga, sin tener otro discurso ni intento entonces que procurar acabar la vida voceando; y cuando en mí vuelvo, me hallo tan cansado y molido, que apenas puedo moverme. Mi más común habitación es en el hueco de un alcornoque, capaz de cubrir este miserable cuerpo. Los vaqueros y cabreros que andan por estas montañas, movidos de caridad, me sustentan, poniéndome el manjar por los caminos y por las peñas por donde entienden que acaso podré pasar y hallarlo; y así, aunque entonces me falte el juicio, la necesidad natural me da a conocer el mantenimiento, y despierta en mí el deseo de apetecerlo y la voluntad de tomarlo. Otras veces me dicen ellos, cuando me encuentran con juicio, que yo salgo a los caminos y que se lo quito por fuerza, aunque me lo den de grado, a los pastores que vienen con ello del lugar a las majadas. »Desta manera paso mi miserable y estrema vida, hasta que el cielo sea servido de conducirle a su último fin, o de ponerle en mi memoria, para que no me acuerde de la hermosura y de la traición de Luscinda y del agravio de don Fernando; que si esto él hace sin quitarme la vida, yo volveré a mejor discurso mis pensamientos; donde no, no hay sino rogarle que absolutamente tenga misericordia de mi alma, que yo no siento en mí valor ni fuerzas para sacar el cuerpo desta estrecheza en que por mi gusto he querido ponerle». Ésta es, ¡oh señores!, la amarga historia de mi desgracia: decidme si es tal, que pueda celebrarse con menos sentimientos que los que en mí habéis visto; y no os canséis en persuadirme ni aconsejarme lo que la razón os dijere que puede ser bueno para mi remedio, porque ha de aprovechar conmigo lo que aprovecha la medicina recetada de famoso médico al enfermo que recebir no la quiere. Yo no quiero salud sin Luscinda; y, pues ella gustó de ser ajena, siendo, o debiendo ser, mía, guste yo de ser de la desventura, pudiendo haber sido de la buena dicha. Ella quiso, con su mudanza, hacer estable mi perdición; yo querré, con procurar perderme, hacer contenta su voluntad, y será ejemplo a los por venir de que a mí solo faltó lo que a todos los desdichados sobra, a los cuales suele ser consuelo la imposibilidad de tenerle, y en mí es causa de mayores sentimientos y males, porque aun pienso que no se han de acabar con la muerte. Aquí dio fin Cardenio a su larga plática y tan desdichada como amorosa historia. Y, al tiempo que el cura se prevenía para decirle algunas razones de consuelo, le suspendió una voz que llegó a sus oídos, que en lastimados acentos oyeron que decía lo que se dirá en la cuarta parte desta narración, que en este punto dio fin a la tercera el sabio y atentado historiador Cide Hamete Benengeli. Cuarta parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha Capítulo XXVIII. Que trata de la nueva y agradable aventura que al cura y barbero sucedió en la mesma sierra Felicísimos y venturosos fueron los tiempos donde se echó al mundo el audacísimo caballero don Quijote de la Mancha, pues por haber tenido tan honrosa determinación como fue el querer resucitar y volver al mundo la ya perdida y casi muerta orden de la andante caballería, gozamos ahora, en esta nuestra edad, necesitada de alegres entretenimientos, no sólo de la dulzura de su verdadera historia, sino de los cuentos y episodios della, que, en parte, no son menos agradables y artificiosos y verdaderos que la misma historia; la cual, prosiguiendo su rastrillado, torcido y aspado hilo, cuenta que, así como el cura comenzó a prevenirse para consolar a Cardenio, lo impidió una voz que llegó a sus oídos, que, con tristes acentos, decía desta manera: — ¡Ay Dios! ¿Si será posible que he ya hallado lugar que pueda servir de escondida sepultura a la carga pesada deste cuerpo, que tan contra mi voluntad sostengo? Sí será, si la soledad que prometen estas sierras no me miente. ¡Ay, desdichada, y cuán más agradable compañía harán estos riscos y malezas a mi intención, pues me darán lugar para que con quejas comunique mi desgracia al cielo, que no la de ningún hombre humano, pues no hay ninguno en la tierra de quien se pueda esperar consejo en las dudas, alivio en las quejas, ni remedio en los males! Todas estas razones oyeron y percibieron el cura y los que con él estaban, y por parecerles, como ello era, que allí junto las decían, se levantaron a buscar el dueño, y no hubieron andado veinte pasos, cuando detrás de un peñasco vieron, sentado al pie de un fresno, a un mozo vestido como labrador, al cual, por tener inclinado el rostro, a causa de que se lavaba los pies en el arroyo que por allí corría, no se le pudieron ver por entonces. Y ellos llegaron con tanto silencio que dél no fueron sentidos, ni él estaba a otra cosa atento que a lavarse los pies, que eran tales, que no parecían sino dos pedazos de blanco cristal que entre las otras piedras del arroyo se habían nacido. Suspendióles la blancura y belleza de los pies, pareciéndoles que no estaban hechos a pisar terrones, ni a andar tras el arado y los bueyes, como mostraba el hábito de su dueño; y así, viendo que no habían sido sentidos, el cura, que iba delante, hizo señas a los otros dos que se agazapasen o escondiesen detrás de unos pedazos de peña que allí había, y así lo hicieron todos, mirando con atención lo que el mozo hacía; el cual traía puesto un capotillo pardo de dos haldas, muy ceñido al cuerpo con una toalla blanca. Traía, ansimesmo, unos calzones y polainas de paño pardo, y en la cabeza una montera parda. Tenía las polainas levantadas hasta la mitad de la pierna, que, sin duda alguna, de blanco alabastro parecía. Acabóse de lavar los hermosos pies, y luego, con un paño de tocar, que sacó debajo de la montera, se los limpió; y, al querer quitársele, alzó el rostro, y tuvieron lugar los que mirándole estaban de ver una hermosura incomparable; tal, que Cardenio dijo al cura, con voz baja: — Ésta, ya que no es Luscinda, no es persona humana, sino divina. El mozo se quitó la montera, y, sacudiendo la cabeza a una y a otra parte, se comenzaron a descoger y desparcir unos cabellos, que pudieran los del sol tenerles envidia. Con esto conocieron que el que parecía labrador era mujer, y delicada, y aun la más hermosa que hasta entonces los ojos de los dos habían visto, y aun los de Cardenio, si no hubieran mirado y conocido a Luscinda; que después afirmó que sola la belleza de Luscinda podía contender con aquélla. Los luengos y rubios cabellos no sólo le cubrieron las espaldas, mas toda en torno la escondieron debajo de ellos; que si no eran los pies, ninguna otra cosa de su cuerpo se parecía: tales y tantos eran. En esto, les sirvió de peine unas manos, que si los pies en el agua habían parecido pedazos de cristal, las manos en los cabellos semejaban pedazos de apretada nieve; todo lo cual, en más admiración y en más deseo de saber quién era ponía a los tres que la miraban. Por esto determinaron de mostrarse, y, al movimiento que hicieron de ponerse en pie, la hermosa moza alzó la cabeza, y, apartándose los cabellos de delante de los ojos con entrambas manos, miró los que el ruido hacían; y apenas los hubo visto, cuando se levantó en pie, y, sin aguardar a calzarse ni a recoger los cabellos, asió con mucha presteza un bulto, como de ropa, que junto a sí tenía, y quiso ponerse en huida, llena de turbación y sobresalto; mas no hubo dado seis pasos cuando, no pudiendo sufrir los delicados pies la aspereza de las piedras, dio consigo en el suelo. Lo cual visto por los tres, salieron a ella, y el cura fue el primero que le dijo: — Deteneos, señora, quienquiera que seáis, que los que aquí veis sólo tienen intención de serviros. No hay para qué os pongáis en tan impertinente huida, porque ni vuestros pies lo podrán sufrir ni nosotros consentir. A todo esto, ella no respondía palabra, atónita y confusa. Llegaron, pues, a ella, y, asiéndola por la mano el cura, prosiguió diciendo: — Lo que vuestro traje, señora, nos niega, vuestros cabellos nos descubren: señales claras que no deben de ser de poco momento las causas que han disfrazado vuestra belleza en hábito tan indigno, y traídola a tanta soledad como es ésta, en la cual ha sido ventura el hallaros, si no para dar remedio a vuestros males, a lo menos para darles consejo, pues ningún mal puede fatigar tanto, ni llegar tan al estremo de serlo, mientras no acaba la vida, que rehúya de no escuchar siquiera el consejo que con buena intención se le da al que lo padece. Así que, señora mía, o señor mío, o lo que vos quisierdes ser, perded el sobresalto que nuestra vista os ha causado y contadnos vuestra buena o mala suerte; que en nosotros juntos, o en cada uno, hallaréis quien os ayude a sentir vuestras desgracias. En tanto que el cura decía estas razones, estaba la disfrazada moza como embelesada, mirándolos a todos, sin mover labio ni decir palabra alguna: bien así como rústico aldeano que de improviso se le muestran cosas raras y dél jamás vistas. Mas, volviendo el cura a decirle otras razones al mesmo efeto encaminadas, dando ella un profundo suspiro, rompió el silencio y dijo: — Pues que la soledad destas sierras no ha sido parte para encubrirme, ni la soltura de mis descompuestos cabellos no ha permitido que sea mentirosa mi lengua, en balde sería fingir yo de nuevo ahora lo que, si se me creyese, sería más por cortesía que por otra razón alguna. Presupuesto esto, digo, señores, que os agradezco el ofrecimiento que me habéis hecho, el cual me ha puesto en obligación de satisfaceros en todo lo que me habéis pedido, puesto que temo que la relación que os hiciere de mis desdichas os ha de causar, al par de la compasión, la pesadumbre, porque no habéis de hallar remedio para remediarlas ni consuelo para entretenerlas. Pero, con todo esto, porque no ande vacilando mi honra en vuestras intenciones, habiéndome ya conocido por mujer y viéndome moza, sola y en este traje, cosas todas juntas, y cada una por sí, que pueden echar por tierra cualquier honesto crédito, os habré de decir lo que quisiera callar si pudiera. Todo esto dijo sin parar la que tan hermosa mujer parecía, con tan suelta lengua, con voz tan suave, que no menos les admiró su discreción que su hermosura. Y, tornándole a hacer nuevos ofrecimientos y nuevos ruegos para que lo prometido cumpliese, ella, sin hacerse más de rogar, calzándose con toda honestidad y recogiendo sus cabellos, se acomodó en el asiento de una piedra, y, puestos los tres alrededor della, haciéndose fuerza por detener algunas lágrimas que a los ojos se le venían, con voz reposada y clara, comenzó la historia de su vida desta manera: — «En esta Andalucía hay un lugar de quien toma título un duque, que le hace uno de los que llaman grandes en España. Éste tiene dos hijos: el mayor, heredero de su estado, y, al parecer, de sus buenas costumbres; y el menor, no sé yo de qué sea heredero, sino de las traiciones de Vellido y de los embustes de Galalón. Deste señor son vasallos mis padres, humildes en linaje, pero tan ricos que si los bienes de su naturaleza igualaran a los de su fortuna, ni ellos tuvieran más que desear ni yo temiera verme en la desdicha en que me veo; porque quizá nace mi poca ventura de la que no tuvieron ellos en no haber nacido ilustres. Bien es verdad que no son tan bajos que puedan afrentarse de su estado, ni tan altos que a mí me quiten la imaginación que tengo de que de su humildad viene mi desgracia. Ellos, en fin, son labradores, gente llana, sin mezcla de alguna raza mal sonante, y, como suele decirse, cristianos viejos ranciosos; pero tan ricos que su riqueza y magnífico trato les va poco a poco adquiriendo nombre de hidalgos, y aun de caballeros. Puesto que de la mayor riqueza y nobleza que ellos se preciaban era de tenerme a mí por hija; y, así por no tener otra ni otro que los heredase como por ser padres, y aficionados, yo era una de las más regaladas hijas que padres jamás regalaron. Era el espejo en que se miraban, el báculo de su vejez, y el sujeto a quien encaminaban, midiéndolos con el cielo, todos sus deseos; de los cuales, por ser ellos tan buenos, los míos no salían un punto. Y del mismo modo que yo era señora de sus ánimos, ansí lo era de su hacienda: por mí se recebían y despedían los criados; la razón y cuenta de lo que se sembraba y cogía pasaba por mi mano; los molinos de aceite, los lagares de vino, el número del ganado mayor y menor, el de las colmenas. Finalmente, de todo aquello que un tan rico labrador como mi padre puede tener y tiene, tenía yo la cuenta, y era la mayordoma y señora, con tanta solicitud mía y con tanto gusto suyo, que buenamente no acertaré a encarecerlo. Los ratos que del día me quedaban, después de haber dado lo que convenía a los mayorales, a capataces y a otros jornaleros, los entretenía en ejercicios que son a las doncellas tan lícitos como necesarios, como son los que ofrece la aguja y la almohadilla, y la rueca muchas veces; y si alguna, por recrear el ánimo, estos ejercicios dejaba, me acogía al entretenimiento de leer algún libro devoto, o a tocar una arpa, porque la experiencia me mostraba que la música compone los ánimos descompuestos y alivia los trabajos que nacen del espíritu. »Ésta, pues, era la vida que yo tenía en casa de mis padres, la cual, si tan particularmente he contado, no ha sido por ostentación ni por dar a entender que soy rica, sino porque se advierta cuán sin culpa me he venido de aquel buen estado que he dicho al infelice en que ahora me hallo. Es, pues, el caso que, pasando mi vida en tantas ocupaciones y en un encerramiento tal que al de un monesterio pudiera compararse, sin ser vista, a mi parecer, de otra persona alguna que de los criados de casa, porque los días que iba a misa era tan de mañana, y tan acompañada de mi madre y de otras criadas, y yo tan cubierta y recatada que apenas vían mis ojos más tierra de aquella donde ponía los pies; y, con todo esto, los del amor, o los de la ociosidad, por mejor decir, a quien los de lince no pueden igualarse, me vieron, puestos en la solicitud de don Fernando, que éste es el nombre del hijo menor del duque que os he contado». No hubo bien nombrado a don Fernando la que el cuento contaba, cuando a Cardenio se le mudó la color del rostro, y comenzó a trasudar, con tan grande alteración que el cura y el barbero, que miraron en ello, temieron que le venía aquel accidente de locura que habían oído decir que de cuando en cuando le venía. Mas Cardenio no hizo otra cosa que trasudar y estarse quedo, mirando de hito en hito a la labradora, imaginando quién ella era; la cual, sin advertir en los movimientos de Cardenio, prosiguió su historia, diciendo: — «Y no me hubieron bien visto cuando, según él dijo después, quedó tan preso de mis amores cuanto lo dieron bien a entender sus demostraciones. Mas, por acabar presto con el cuento, que no le tiene, de mis desdichas, quiero pasar en silencio las diligencias que don Fernando hizo para declararme su voluntad. Sobornó toda la gente de mi casa, dio y ofreció dádivas y mercedes a mis parientes. Los días eran todos de fiesta y de regocijo en mi calle; las noches no dejaban dormir a nadie las músicas. Los billetes que, sin saber cómo, a mis manos venían, eran infinitos, llenos de enamoradas razones y ofrecimientos, con menos letras que promesas y juramentos. Todo lo cual no sólo no me ablandaba, pero me endurecía de manera como si fuera mi mortal enemigo, y que todas las obras que para reducirme a su voluntad hacía, las hiciera para el efeto contrario; no porque a mí me pareciese mal la gentileza de don Fernando, ni que tuviese a demasía sus solicitudes; porque me daba un no sé qué de contento verme tan querida y estimada de un tan principal caballero, y no me pesaba ver en sus papeles mis alabanzas: que en esto, por feas que seamos las mujeres, me parece a mí que siempre nos da gusto el oír que nos llaman hermosas. »Pero a todo esto se opone mi honestidad y los consejos continuos que mis padres me daban, que ya muy al descubierto sabían la voluntad de don Fernando, porque ya a él no se le daba nada de que todo el mundo la supiese. Decíanme mis padres que en sola mi virtud y bondad dejaban y depositaban su honra y fama, y que considerase la desigualdad que había entre mí y don Fernando, y que por aquí echaría de ver que sus pensamientos, aunque él dijese otra cosa, mas se encaminaban a su gusto que a mi provecho; y que si yo quisiese poner en alguna manera algún inconveniente para que él se dejase de su injusta pretensión, que ellos me casarían luego con quien yo más gustase: así de los más principales de nuestro lugar como de todos los circunvecinos, pues todo se podía esperar de su mucha hacienda y de mi buena fama. Con estos ciertos prometimientos, y con la verdad que ellos me decían, fortificaba yo mi entereza, y jamás quise responder a don Fernando palabra que le pudiese mostrar, aunque de muy lejos, esperanza de alcanzar su deseo. »Todos estos recatos míos, que él debía de tener por desdenes, debieron de ser causa de avivar más su lascivo apetito, que este nombre quiero dar a la voluntad que me mostraba; la cual, si ella fuera como debía, no la supiérades vosotros ahora, porque hubiera faltado la ocasión de decírosla. Finalmente, don Fernando supo que mis padres andaban por darme estado, por quitalle a él la esperanza de poseerme, o, a lo menos, porque yo tuviese más guardas para guardarme; y esta nueva o sospecha fue causa para que hiciese lo que ahora oiréis. Y fue que una noche, estando yo en mi aposento con sola la compañía de una doncella que me servía, teniendo bien cerradas las puertas, por temor que, por descuido, mi honestidad no se viese en peligro, sin saber ni imaginar cómo, en medio destos recatos y prevenciones, y en la soledad deste silencio y encierro, me le hallé delante, cuya vista me turbó de manera que me quitó la de mis ojos y me enmudeció la lengua; y así, no fui poderosa de dar voces, ni aun él creo que me las dejara dar, porque luego se llegó a mí, y, tomándome entre sus brazos (porque yo, como digo, no tuve fuerzas para defenderme, según estaba turbada), comenzó a decirme tales razones, que no sé cómo es posible que tenga tanta habilidad la mentira que las sepa componer de modo que parezcan tan verdaderas. Hacía el traidor que sus lágrimas acreditasen sus palabras y los suspiros su intención. Yo, pobrecilla, sola entre los míos, mal ejercitada en casos semejantes, comencé, no sé en qué modo, a tener por verdaderas tantas falsedades, pero no de suerte que me moviesen a compasión menos que buena sus lágrimas y suspiros. »Y así, pasándoseme aquel sobresalto primero, torné algún tanto a cobrar mis perdidos espíritus, y con más ánimo del que pensé que pudiera tener, le dije: ''Si como estoy, señor, en tus brazos, estuviera entre los de un león fiero y el librarme dellos se me asegurara con que hiciera, o dijera, cosa que fuera en perjuicio de mi honestidad, así fuera posible hacella o decilla como es posible dejar de haber sido lo que fue. Así que, si tú tienes ceñido mi cuerpo con tus brazos, yo tengo atada mi alma con mis buenos deseos, que son tan diferentes de los tuyos como lo verás si con hacerme fuerza quisieres pasar adelante en ellos. Tu vasalla soy, pero no tu esclava; ni tiene ni debe tener imperio la nobleza de tu sangre para deshonrar y tener en poco la humildad de la mía; y en tanto me estimo yo, villana y labradora, como tú, señor y caballero. Conmigo no han de ser de ningún efecto tus fuerzas, ni han de tener valor tus riquezas, ni tus palabras han de poder engañarme, ni tus suspiros y lágrimas enternecerme. Si alguna de todas estas cosas que he dicho viera yo en el que mis padres me dieran por esposo, a su voluntad se ajustara la mía, y mi voluntad de la suya no saliera; de modo que, como quedara con honra, aunque quedara sin gusto, de grado te entregara lo que tú, señor, ahora con tanta fuerza procuras. Todo esto he dicho porque no es pensar que de mí alcance cosa alguna el que no fuere mi ligítimo esposo''. ''Si no reparas más que en eso, bellísima Dorotea —(que éste es el nombre desta desdichada), dijo el desleal caballero—, ves: aquí te doy la mano de serlo tuyo, y sean testigos desta verdad los cielos, a quien ninguna cosa se asconde, y esta imagen de Nuestra Señora que aquí tienes''.» Cuando Cardenio le oyó decir que se llamaba Dorotea, tornó de nuevo a sus sobresaltos y acabó de confirmar por verdadera su primera opinión; pero no quiso interromper el cuento, por ver en qué venía a parar lo que él ya casi sabía; sólo dijo: — ¿Que Dorotea es tu nombre, señora? Otra he oído yo decir del mesmo, que quizá corre parejas con tus desdichas. Pasa adelante, que tiempo vendrá en que te diga cosas que te espanten en el mesmo grado que te lastimen. Reparó Dorotea en las razones de Cardenio y en su estraño y desastrado traje, y rogóle que si alguna cosa de su hacienda sabía, se la dijese luego; porque si algo le había dejado bueno la fortuna, era el ánimo que tenía para sufrir cualquier desastre que le sobreviniese, segura de que, a su parecer, ninguno podía llegar que el que tenía acrecentase un punto. — No le perdiera yo, señora —respondió Cardenio—, en decirte lo que pienso, si fuera verdad lo que imagino; y hasta ahora no se pierde coyuntura, ni a ti te importa nada el saberlo. — Sea lo que fuere —respondió Dorotea—, «lo que en mi cuento pasa fue que, tomando don Fernando una imagen que en aquel aposento estaba, la puso por testigo de nuestro desposorio. Con palabras eficacísimas y juramentos estraordinarios, me dio la palabra de ser mi marido, puesto que, antes que acabase de decirlas, le dije que mirase bien lo que hacía y que considerase el enojo que su padre había de recebir de verle casado con una villana vasalla suya; que no le cegase mi hermosura, tal cual era, pues no era bastante para hallar en ella disculpa de su yerro, y que si algún bien me quería hacer, por el amor que me tenía, fuese dejar correr mi suerte a lo igual de lo que mi calidad podía, porque nunca los tan desiguales casamientos se gozan ni duran mucho en aquel gusto con que se comienzan. »Todas estas razones que aquí he dicho le dije, y otras muchas de que no me acuerdo, pero no fueron parte para que él dejase de seguir su intento, bien ansí como el que no piensa pagar, que, al concertar de la barata, no repara en inconvenientes. Yo, a esta sazón, hice un breve discurso conmigo, y me dije a mí mesma: ''Sí, que no seré yo la primera que por vía de matrimonio haya subido de humilde a grande estado, ni será don Fernando el primero a quien hermosura, o ciega afición, que es lo más cierto, haya hecho tomar compañía desigual a su grandeza. Pues si no hago ni mundo ni uso nuevo, bien es acudir a esta honra que la suerte me ofrece, puesto que en éste no dure más la voluntad que me muestra de cuanto dure el cumplimiento de su deseo; que, en fin, para con Dios seré su esposa. Y si quiero con desdenes despedille, en término le veo que, no usando el que debe, usará el de la fuerza y vendré a quedar deshonrada y sin disculpa de la culpa que me podía dar el que no supiere cuán sin ella he venido a este punto. Porque, ¿qué razones serán bastantes para persuadir a mis padres, y a otros, que este caballero entró en mi aposento sin consentimiento mío?'' »Todas estas demandas y respuestas revolví yo en un instante en la imaginación; y, sobre todo, me comenzaron a hacer fuerza y a inclinarme a lo que fue, sin yo pensarlo, mi perdición: los juramentos de don Fernando, los testigos que ponía, las lágrimas que derramaba, y, finalmente, su dispusición y gentileza, que, acompañada con tantas muestras de verdadero amor, pudieran rendir a otro tan libre y recatado corazón como el mío. Llamé a mi criada, para que en la tierra acompañase a los testigos del cielo; tornó don Fernando a reiterar y confirmar sus juramentos; añadió a los primeros nuevos santos por testigos; echóse mil futuras maldiciones, si no cumpliese lo que me prometía; volvió a humedecer sus ojos y a acrecentar sus suspiros; apretóme más entre sus brazos, de los cuales jamás me había dejado; y con esto, y con volverse a salir del aposento mi doncella, yo dejé de serlo y él acabó de ser traidor y fementido. »El día que sucedió a la noche de mi desgracia se venía aun no tan apriesa como yo pienso que don Fernando deseaba, porque, después de cumplido aquello que el apetito pide, el mayor gusto que puede venir es apartarse de donde le alcanzaron. Digo esto porque don Fernando dio priesa por partirse de mí, y, por industria de mi doncella, que era la misma que allí le había traído, antes que amaneciese se vio en la calle. Y, al despedirse de mí, aunque no con tanto ahínco y vehemencia como cuando vino, me dijo que estuviese segura de su fe y de ser firmes y verdaderos sus juramentos; y, para más confirmación de su palabra, sacó un rico anillo del dedo y lo puso en el mío. En efecto, él se fue y yo quedé ni sé si triste o alegre; esto sé bien decir: que quedé confusa y pensativa, y casi fuera de mí con el nuevo acaecimiento, y no tuve ánimo, o no se me acordó, de reñir a mi doncella por la traición cometida de encerrar a don Fernando en mi mismo aposento, porque aún no me determinaba si era bien o mal el que me había sucedido. Díjele, al partir, a don Fernando que por el mesmo camino de aquélla podía verme otras noches, pues ya era suya, hasta que, cuando él quisiese, aquel hecho se publicase. Pero no vino otra alguna, si no fue la siguiente, ni yo pude verle en la calle ni en la iglesia en más de un mes; que en vano me cansé en solicitallo, puesto que supe que estaba en la villa y que los más días iba a caza, ejercicio de que él era muy aficionado. »Estos días y estas horas bien sé yo que para mí fueron aciagos y menguadas, y bien sé que comencé a dudar en ellos, y aun a descreer de la fe de don Fernando; y sé también que mi doncella oyó entonces las palabras que en reprehensión de su atrevimiento antes no había oído; y sé que me fue forzoso tener cuenta con mis lágrimas y con la compostura de mi rostro, por no dar ocasión a que mis padres me preguntasen que de qué andaba descontenta y me obligasen a buscar mentiras que decilles. Pero todo esto se acabó en un punto, llegándose uno donde se atropellaron respectos y se acabaron los honrados discursos, y adonde se perdió la paciencia y salieron a plaza mis secretos pensamientos. Y esto fue porque, de allí a pocos días, se dijo en el lugar como en una ciudad allí cerca se había casado don Fernando con una doncella hermosísima en todo estremo, y de muy principales padres, aunque no tan rica que, por la dote, pudiera aspirar a tan noble casamiento. Díjose que se llamaba Luscinda, con otras cosas que en sus desposorios sucedieron dignas de admiración.» Oyó Cardenio el nombre de Luscinda, y no hizo otra cosa que encoger los hombros, morderse los labios, enarcar las cejas y dejar de allí a poco caer por sus ojos dos fuentes de lágrimas. Mas no por esto dejó Dorotea de seguir su cuento, diciendo: — «Llegó esta triste nueva a mis oídos, y, en lugar de helárseme el corazón en oílla, fue tanta la cólera y rabia que se encendió en él, que faltó poco para no salirme por las calles dando voces, publicando la alevosía y traición que se me había hecho. Mas templóse esta furia por entonces con pensar de poner aquella mesma noche por obra lo que puse: que fue ponerme en este hábito, que me dio uno de los que llaman zagales en casa de los labradores, que era criado de mi padre, al cual descubrí toda mi desventura, y le rogué me acompañase hasta la ciudad donde entendí que mi enemigo estaba. Él, después que hubo reprehendido mi atrevimiento y afeado mi determinación, viéndome resuelta en mi parecer, se ofreció a tenerme compañía, como él dijo, hasta el cabo del mundo. Luego, al momento, encerré en una almohada de lienzo un vestido de mujer, y algunas joyas y dineros, por lo que podía suceder. Y en el silencio de aquella noche, sin dar cuenta a mi traidora doncella, salí de mi casa, acompañada de mi criado y de muchas imaginaciones, y me puse en camino de la ciudad a pie, llevada en vuelo del deseo de llegar, ya que no a estorbar lo que tenía por hecho, a lo menos a decir a don Fernando me dijese con qué alma lo había hecho. »Llegué en dos días y medio donde quería, y, en entrando por la ciudad, pregunté por la casa de los padres de Luscinda, y al primero a quien hice la pregunta me respondió más de lo que yo quisiera oír. Díjome la casa y todo lo que había sucedido en el desposorio de su hija, cosa tan pública en la ciudad, que se hace en corrillos para contarla por toda ella. Díjome que la noche que don Fernando se desposó con Luscinda, después de haber ella dado el sí de ser su esposa, le había tomado un recio desmayo, y que, llegando su esposo a desabrocharle el pecho para que le diese el aire, le halló un papel escrito de la misma letra de Luscinda, en que decía y declaraba que ella no podía ser esposa de don Fernando, porque lo era de Cardenio, que, a lo que el hombre me dijo, era un caballero muy principal de la mesma ciudad; y que si había dado el sí a don Fernando, fue por no salir de la obediencia de sus padres. En resolución, tales razones dijo que contenía el papel, que daba a entender que ella había tenido intención de matarse en acabándose de desposar, y daba allí las razones por que se había quitado la vida. Todo lo cual dicen que confirmó una daga que le hallaron no sé en qué parte de sus vestidos. Todo lo cual visto por don Fernando, pareciéndole que Luscinda le había burlado y escarnecido y tenido en poco, arremetió a ella, antes que de su desmayo volviese, y con la misma daga que le hallaron la quiso dar de puñaladas; y lo hiciera si sus padres y los que se hallaron presentes no se lo estorbaran. Dijeron más: que luego se ausentó don Fernando, y que Luscinda no había vuelto de su parasismo hasta otro día, que contó a sus padres cómo ella era verdadera esposa de aquel Cardenio que he dicho. Supe más: que el Cardenio, según decían, se halló presente en los desposorios, y que, en viéndola desposada, lo cual él jamás pensó, se salió de la ciudad desesperado, dejándole primero escrita una carta, donde daba a entender el agravio que Luscinda le había hecho, y de cómo él se iba adonde gentes no le viesen. »Esto todo era público y notorio en toda la ciudad, y todos hablaban dello; y más hablaron cuando supieron que Luscinda había faltado de casa de sus padres y de la ciudad, pues no la hallaron en toda ella, de que perdían el juicio sus padres y no sabían qué medio se tomar para hallarla. Esto que supe puso en bando mis esperanzas, y tuve por mejor no haber hallado a don Fernando, que no hallarle casado, pareciéndome que aún no estaba del todo cerrada la puerta a mi remedio, dándome yo a entender que podría ser que el cielo hubiese puesto aquel impedimento en el segundo matrimonio, por atraerle a conocer lo que al primero debía, y a caer en la cuenta de que era cristiano y que estaba más obligado a su alma que a los respetos humanos. Todas estas cosas revolvía en mi fantasía, y me consolaba sin tener consuelo, fingiendo unas esperanzas largas y desmayadas, para entretener la vida, que ya aborrezco. »Estando, pues, en la ciudad, sin saber qué hacerme, pues a don Fernando no hallaba, llegó a mis oídos un público pregón, donde se prometía grande hallazgo a quien me hallase, dando las señas de la edad y del mesmo traje que traía; y oí decir que se decía que me había sacado de casa de mis padres el mozo que conmigo vino, cosa que me llegó al alma, por ver cuán de caída andaba mi crédito, pues no bastaba perderle con mi venida, sino añadir el con quién, siendo subjeto tan bajo y tan indigno de mis buenos pensamientos. Al punto que oí el pregón, me salí de la ciudad con mi criado, que ya comenzaba a dar muestras de titubear en la fe que de fidelidad me tenía prometida, y aquella noche nos entramos por lo espeso desta montaña, con el miedo de no ser hallados. Pero, como suele decirse que un mal llama a otro, y que el fin de una desgracia suele ser principio de otra mayor, así me sucedió a mí, porque mi buen criado, hasta entonces fiel y seguro, así como me vio en esta soledad, incitado de su mesma bellaquería antes que de mi hermosura, quiso aprovecharse de la ocasión que, a su parecer, estos yermos le ofrecían; y, con poca vergüenza y menos temor de Dios ni respeto mío, me requirió de amores; y, viendo que yo con feas y justas palabras respondía a las desvergüenzas de sus propósitos, dejó aparte los ruegos, de quien primero pensó aprovecharse, y comenzó a usar de la fuerza. Pero el justo cielo, que pocas o ningunas veces deja de mirar y favorecer a las justas intenciones, favoreció las mías, de manera que con mis pocas fuerzas, y con poco trabajo, di con él por un derrumbadero, donde le dejé, ni sé si muerto o si vivo; y luego, con más ligereza que mi sobresalto y cansancio pedían, me entré por estas montañas, sin llevar otro pensamiento ni otro disignio que esconderme en ellas y huir de mi padre y de aquellos que de su parte me andaban buscando. »Con este deseo, ha no sé cuántos meses que entré en ellas, donde hallé un ganadero que me llevó por su criado a un lugar que está en las entrañas desta sierra, al cual he servido de zagal todo este tiempo, procurando estar siempre en el campo por encubrir estos cabellos que ahora, tan si pensarlo, me han descubierto. Pero toda mi industria y toda mi solicitud fue y ha sido de ningún provecho, pues mi amo vino en conocimiento de que yo no era varón, y nació en él el mesmo mal pensamiento que en mi criado; y, como no siempre la fortuna con los trabajos da los remedios, no hallé derrumbadero ni barranco de donde despeñar y despenar al amo, como le hallé para el criado; y así, tuve por menor inconveniente dejalle y asconderme de nuevo entre estas asperezas que probar con él mis fuerzas o mis disculpas. Digo, pues, que me torné a emboscar, y a buscar donde sin impedimento alguno pudiese con suspiros y lágrimas rogar al cielo se duela de mi desventura y me dé industria y favor para salir della, o para dejar la vida entre estas soledades, sin que quede memoria desta triste, que tan sin culpa suya habrá dado materia para que de ella se hable y murmure en la suya y en las ajenas tierras.» Capítulo XXIX. Que trata de la discreción de la hermosa Dorotea, con otras cosas de mucho gusto y pasatiempo — Esta es, señores, la verdadera historia de mi tragedia: mirad y juzgad ahora si los suspiros que escuchastes, las palabras que oístes y las lágrimas que de mis ojos salían, tenían ocasión bastante para mostrarse en mayor abundancia; y, considerada la calidad de mi desgracia, veréis que será en vano el consuelo, pues es imposible el remedio della. Sólo os ruego (lo que con facilidad podréis y debéis hacer) que me aconsejéis dónde podré pasar la vida sin que me acabe el temor y sobresalto que tengo de ser hallada de los que me buscan; que, aunque sé que el mucho amor que mis padres me tienen me asegura que seré dellos bien recebida, es tanta la vergüenza que me ocupa sólo el pensar que, no como ellos pensaban, tengo de parecer a su presencia, que tengo por mejor desterrarme para siempre de ser vista que no verles el rostro, con pensamiento que ellos miran el mío ajeno de la honestidad que de mí se debían de tener prometida. Calló en diciendo esto, y el rostro se le cubrió de un color que mostró bien claro el sentimiento y vergüenza del alma. En las suyas sintieron los que escuchado la habían tanta lástima como admiración de su desgracia; y, aunque luego quisiera el cura consolarla y aconsejarla, tomó primero la mano Cardenio, diciendo: — En fin, señora, que tú eres la hermosa Dorotea, la hija única del rico Clenardo. Admirada quedó Dorotea cuando oyó el nombre de su padre, y de ver cuán de poco era el que le nombraba, porque ya se ha dicho de la mala manera que Cardenio estaba vestido; y así, le dijo: — Y ¿quién sois vos, hermano, que así sabéis el nombre de mi padre? Porque yo, hasta ahora, si mal no me acuerdo, en todo el discurso del cuento de mi desdicha no le he nombrado. — Soy —respondió Cardenio— aquel sin ventura que, según vos, señora, habéis dicho, Luscinda dijo que era su esposa. Soy el desdichado Cardenio, a quien el mal término de aquel que a vos os ha puesto en el que estáis me ha traído a que me veáis cual me veis: roto, desnudo, falto de todo humano consuelo y, lo que es peor de todo, falto de juicio, pues no le tengo sino cuando al cielo se le antoja dármele por algún breve espacio. Yo, Teodora, soy el que me hallé presente a las sinrazones de don Fernando, y el que aguardó oír el sí que de ser su esposa pronunció Luscinda. Yo soy el que no tuvo ánimo para ver en qué paraba su desmayo, ni lo que resultaba del papel que le fue hallado en el pecho, porque no tuvo el alma sufrimiento para ver tantas desventuras juntas; y así, dejé la casa y la paciencia, y una carta que dejé a un huésped mío, a quien rogué que en manos de Luscinda la pusiese, y víneme a estas soledades, con intención de acabar en ellas la vida, que desde aquel punto aborrecí como mortal enemiga mía. Mas no ha querido la suerte quitármela, contentándose con quitarme el juicio, quizá por guardarme para la buena ventura que he tenido en hallaros; pues, siendo verdad, como creo que lo es, lo que aquí habéis contado, aún podría ser que a entrambos nos tuviese el cielo guardado mejor suceso en nuestros desastres que nosotros pensamos. Porque, presupuesto que Luscinda no puede casarse con don Fernando, por ser mía, ni don Fernando con ella, por ser vuestro, y haberlo ella tan manifiestamente declarado, bien podemos esperar que el cielo nos restituya lo que es nuestro, pues está todavía en ser, y no se ha enajenado ni deshecho. Y, pues este consuelo tenemos, nacido no de muy remota esperanza, ni fundado en desvariadas imaginaciones, suplícoos, señora, que toméis otra resolución en vuestros honrados pensamientos, pues yo la pienso tomar en los míos, acomodándoos a esperar mejor fortuna; que yo os juro, por la fe de caballero y de cristiano, de no desampararos hasta veros en poder de don Fernando, y que, cuando con razones no le pudiere atraer a que conozca lo que os debe, de usar entonces la libertad que me concede el ser caballero, y poder con justo título desafialle, en razón de la sinrazón que os hace, sin acordarme de mis agravios, cuya venganza dejaré al cielo por acudir en la tierra a los vuestros. Con lo que Cardenio dijo se acabó de admirar Dorotea, y, por no saber qué gracias volver a tan grandes ofrecimientos, quiso tomarle los pies para besárselos; mas no lo consintió Cardenio, y el licenciado respondió por entrambos, y aprobó el buen discurso de Cardenio, y, sobre todo, les rogó, aconsejó y persuadió que se fuesen con él a su aldea, donde se podrían reparar de las cosas que les faltaban, y que allí se daría orden cómo buscar a don Fernando, o cómo llevar a Dorotea a sus padres, o hacer lo que más les pareciese conveniente. Cardenio y Dorotea se lo agradecieron, y acetaron la merced que se les ofrecía. El barbero, que a todo había estado suspenso y callado, hizo también su buena plática y se ofreció con no menos voluntad que el cura a todo aquello que fuese bueno para servirles. Contó asimesmo con brevedad la causa que allí los había traído, con la estrañeza de la locura de don Quijote, y cómo aguardaban a su escudero, que había ido a buscalle. Vínosele a la memoria a Cardenio, como por sueños, la pendencia que con don Quijote había tenido y contóla a los demás, mas no supo decir por qué causa fue su quistión. En esto, oyeron voces, y conocieron que el que las daba era Sancho Panza, que, por no haberlos hallado en el lugar donde los dejó, los llamaba a voces. Saliéronle al encuentro, y, preguntándole por don Quijote, les dijo cómo le había hallado desnudo en camisa, flaco, amarillo y muerto de hambre, y suspirando por su señora Dulcinea; y que, puesto que le había dicho que ella le mandaba que saliese de aquel lugar y se fuese al del Toboso, donde le quedaba esperando, había respondido que estaba determinado de no parecer ante su fermosura fasta que hobiese fecho fazañas que le ficiesen digno de su gracia. Y que si aquello pasaba adelante, corría peligro de no venir a ser emperador, como estaba obligado, ni aun arzobispo, que era lo menos que podía ser. Por eso, que mirasen lo que se había de hacer para sacarle de allí. El licenciado le respondió que no tuviese pena, que ellos le sacarían de allí, mal que le pesase. Contó luego a Cardenio y a Dorotea lo que tenían pensado para remedio de don Quijote, a lo menos para llevarle a su casa. A lo cual dijo Dorotea que ella haría la doncella menesterosa mejor que el barbero, y más, que tenía allí vestidos con que hacerlo al natural, y que la dejasen el cargo de saber representar todo aquello que fuese menester para llevar adelante su intento, porque ella había leído muchos libros de caballerías y sabía bien el estilo que tenían las doncellas cuitadas cuando pedían sus dones a los andantes caballeros. — Pues no es menester más —dijo el cura— sino que luego se ponga por obra; que, sin duda, la buena suerte se muestra en favor nuestro, pues, tan sin pensarlo, a vosotros, señores, se os ha comenzado a abrir puerta para vuestro remedio y a nosotros se nos ha facilitado la que habíamos menester. Sacó luego Dorotea de su almohada una saya entera de cierta telilla rica y una mantellina de otra vistosa tela verde, y de una cajita un collar y otras joyas, con que en un instante se adornó de manera que una rica y gran señora parecía. Todo aquello, y más, dijo que había sacado de su casa para lo que se ofreciese, y que hasta entonces no se le había ofrecido ocasión de habello menester. A todos contentó en estremo su mucha gracia, donaire y hermosura, y confirmaron a don Fernando por de poco conocimiento, pues tanta belleza desechaba. Pero el que más se admiró fue Sancho Panza, por parecerle —como era así verdad— que en todos los días de su vida había visto tan hermosa criatura; y así, preguntó al cura con grande ahínco le dijese quién era aquella tan fermosa señora, y qué era lo que buscaba por aquellos andurriales. — Esta hermosa señora —respondió el cura—, Sancho hermano, es, como quien no dice nada, es la heredera por línea recta de varón del gran reino de Micomicón, la cual viene en busca de vuestro amo a pedirle un don, el cual es que le desfaga un tuerto o agravio que un mal gigante le tiene fecho; y, a la fama que de buen caballero vuestro amo tiene por todo lo descubierto, de Guinea ha venido a buscarle esta princesa. — Dichosa buscada y dichoso hallazgo —dijo a esta sazón Sancho Panza—, y más si mi amo es tan venturoso que desfaga ese agravio y enderece ese tuerto, matando a ese hideputa dese gigante que vuestra merced dice; que sí matará si él le encuentra, si ya no fuese fantasma, que contra las fantasmas no tiene mi señor poder alguno. Pero una cosa quiero suplicar a vuestra merced, entre otras, señor licenciado, y es que, porque a mi amo no le tome gana de ser arzobispo, que es lo que yo temo, que vuestra merced le aconseje que se case luego con esta princesa, y así quedará imposibilitado de recebir órdenes arzobispales y vendrá con facilidad a su imperio y yo al fin de mis deseos; que yo he mirado bien en ello y hallo por mi cuenta que no me está bien que mi amo sea arzobispo, porque yo soy inútil para la Iglesia, pues soy casado, y andarme ahora a traer dispensaciones para poder tener renta por la Iglesia, teniendo, como tengo, mujer y hijos, sería nunca acabar. Así que, señor, todo el toque está en que mi amo se case luego con esta señora, que hasta ahora no sé su gracia, y así, no la llamo por su nombre. — Llámase —respondió el cura— la princesa Micomicona, porque, llamándose su reino Micomicón, claro está que ella se ha de llamar así. — No hay duda en eso —respondió Sancho—, que yo he visto a muchos tomar el apellido y alcurnia del lugar donde nacieron, llamándose Pedro de Alcalá, Juan de Úbeda y Diego de Valladolid; y esto mesmo se debe de usar allá en Guinea: tomar las reinas los nombres de sus reinos. — Así debe de ser —dijo el cura—; y en lo del casarse vuestro amo, yo haré en ello todos mis poderíos. Con lo que quedó tan contento Sancho cuanto el cura admirado de su simplicidad, y de ver cuán encajados tenía en la fantasía los mesmos disparates que su amo, pues sin alguna duda se daba a entender que había de venir a ser emperador. Ya, en esto, se había puesto Dorotea sobre la mula del cura y el barbero se había acomodado al rostro la barba de la cola de buey, y dijeron a Sancho que los guiase adonde don Quijote estaba; al cual advirtieron que no dijese que conocía al licenciado ni al barbero, porque en no conocerlos consistía todo el toque de venir a ser emperador su amo; puesto que ni el cura ni Cardenio quisieron ir con ellos, porque no se le acordase a don Quijote la pendencia que con Cardenio había tenido, y el cura porque no era menester por entonces su presencia. Y así, los dejaron ir delante, y ellos los fueron siguiendo a pie, poco a poco. No dejó de avisar el cura lo que había de hacer Dorotea; a lo que ella dijo que descuidasen, que todo se haría, sin faltar punto, como lo pedían y pintaban los libros de caballerías. Tres cuartos de legua habrían andado, cuando descubrieron a don Quijote entre unas intricadas peñas, ya vestido, aunque no armado; y, así como Dorotea le vio y fue informada de Sancho que aquél era don Quijote, dio del azote a su palafrén, siguiéndole el bien barbado barbero. Y, en llegando junto a él, el escudero se arrojó de la mula y fue a tomar en los brazos a Dorotea, la cual, apeándose con grande desenvoltura, se fue a hincar de rodillas ante las de don Quijote; y, aunque él pugnaba por levantarla, ella, sin levantarse, le fabló en esta guisa: — De aquí no me levantaré, ¡oh valeroso y esforzado caballero!, fasta que la vuestra bondad y cortesía me otorgue un don, el cual redundará en honra y prez de vuestra persona, y en pro de la más desconsolada y agraviada doncella que el sol ha visto. Y si es que el valor de vuestro fuerte brazo corresponde a la voz de vuestra inmortal fama, obligado estáis a favorecer a la sin ventura que de tan lueñes tierras viene, al olor de vuestro famoso nombre, buscándoos para remedio de sus desdichas. — No os responderé palabra, fermosa señora —respondió don Quijote—, ni oiré más cosa de vuestra facienda, fasta que os levantéis de tierra. — No me levantaré, señor —respondió la afligida doncella—, si primero, por la vuestra cortesía, no me es otorgado el don que pido. — Yo vos le otorgo y concedo —respondió don Quijote—, como no se haya de cumplir en daño o mengua de mi rey, de mi patria y de aquella que de mi corazón y libertad tiene la llave. — No será en daño ni en mengua de los que decís, mi buen señor —replicó la dolorosa doncella. Y, estando en esto, se llegó Sancho Panza al oído de su señor y muy pasito le dijo: — Bien puede vuestra merced, señor, concederle el don que pide, que no es cosa de nada: sólo es matar a un gigantazo, y esta que lo pide es la alta princesa Micomicona, reina del gran reino Micomicón de Etiopía. — Sea quien fuere —respondió don Quijote—, que yo haré lo que soy obligado y lo que me dicta mi conciencia, conforme a lo que profesado tengo. Y, volviéndose a la doncella, dijo: — La vuestra gran fermosura se levante, que yo le otorgo el don que pedirme quisiere. — Pues el que pido es —dijo la doncella— que la vuestra magnánima persona se venga luego conmigo donde yo le llevare, y me prometa que no se ha de entremeter en otra aventura ni demanda alguna hasta darme venganza de un traidor que, contra todo derecho divino y humano, me tiene usurpado mi reino. — Digo que así lo otorgo —respondió don Quijote—, y así podéis, señora, desde hoy más, desechar la malenconía que os fatiga y hacer que cobre nuevos bríos y fuerzas vuestra desmayada esperanza; que, con el ayuda de Dios y la de mi brazo, vos os veréis presto restituida en vuestro reino y sentada en la silla de vuestro antiguo y grande estado, a pesar y a despecho de los follones que contradecirlo quisieren. Y manos a labor, que en la tardanza dicen que suele estar el peligro. La menesterosa doncella pugnó, con mucha porfía, por besarle las manos, mas don Quijote, que en todo era comedido y cortés caballero, jamás lo consintió; antes, la hizo levantar y la abrazó con mucha cortesía y comedimiento, y mandó a Sancho que requiriese las cinchas a Rocinante y le armase luego al punto. Sancho descolgó las armas, que, como trofeo, de un árbol estaban pendientes, y, requiriendo las cinchas, en un punto armó a su señor; el cual, viéndose armado, dijo: — Vamos de aquí, en el nombre de Dios, a favorecer esta gran señora. Estábase el barbero aún de rodillas, teniendo gran cuenta de disimular la risa y de que no se le cayese la barba, con cuya caída quizá quedaran todos sin conseguir su buena intención; y, viendo que ya el don estaba concedido y con la diligencia que don Quijote se alistaba para ir a cumplirle, se levantó y tomó de la otra mano a su señora, y entre los dos la subieron en la mula. Luego subió don Quijote sobre Rocinante, y el barbero se acomodó en su cabalgadura, quedándose Sancho a pie, donde de nuevo se le renovó la pérdida del rucio, con la falta que entonces le hacía; mas todo lo llevaba con gusto, por parecerle que ya su señor estaba puesto en camino, y muy a pique, de ser emperador; porque sin duda alguna pensaba que se había de casar con aquella princesa, y ser, por lo menos, rey de Micomicón. Sólo le daba pesadumbre el pensar que aquel reino era en tierra de negros, y que la gente que por sus vasallos le diesen habían de ser todos negros; a lo cual hizo luego en su imaginación un buen remedio, y díjose a sí mismo: — ¿Qué se me da a mí que mis vasallos sean negros? ¿Habrá más que cargar con ellos y traerlos a España, donde los podré vender, y adonde me los pagarán de contado, de cuyo dinero podré comprar algún título o algún oficio con que vivir descansado todos los días de mi vida? ¡No, sino dormíos, y no tengáis ingenio ni habilidad para disponer de las cosas y para vender treinta o diez mil vasallos en dácame esas pajas! Par Dios que los he de volar, chico con grande, o como pudiere, y que, por negros que sean, los he de volver blancos o amarillos. ¡Llegaos, que me mamo el dedo! Con esto, andaba tan solícito y tan contento que se le olvidaba la pesadumbre de caminar a pie. Todo esto miraban de entre unas breñas Cardenio y el cura, y no sabían qué hacerse para juntarse con ellos; pero el cura, que era gran tracista, imaginó luego lo que harían para conseguir lo que deseaban; y fue que con unas tijeras que traía en un estuche quitó con mucha presteza la barba a Cardenio, y vistióle un capotillo pardo que él traía y diole un herreruelo negro, y él se quedó en calzas y en jubón; y quedó tan otro de lo que antes parecía Cardenio, que él mesmo no se conociera, aunque a un espejo se mirara. Hecho esto, puesto ya que los otros habían pasado adelante en tanto que ellos se disfrazaron, con facilidad salieron al camino real antes que ellos, porque las malezas y malos pasos de aquellos lugares no concedían que anduviesen tanto los de a caballo como los de a pie. En efeto, ellos se pusieron en el llano, a la salida de la sierra, y, así como salió della don Quijote y sus camaradas, el cura se le puso a mirar muy de espacio, dando señales de que le iba reconociendo; y, al cabo de haberle una buena pieza estado mirando, se fue a él abiertos los brazos y diciendo a voces: — Para bien sea hallado el espejo de la caballería, el mi buen compatriote don Quijote de la Mancha, la flor y la nata de la gentileza, el amparo y remedio de los menesterosos, la quintaesencia de los caballeros andantes. Y, diciendo esto, tenía abrazado por la rodilla de la pierna izquierda a don Quijote; el cual, espantado de lo que veía y oía decir y hacer aquel hombre, se le puso a mirar con atención, y, al fin, le conoció y quedó como espantado de verle, y hizo grande fuerza por apearse; mas el cura no lo consintió, por lo cual don Quijote decía: — Déjeme vuestra merced, señor licenciado, que no es razón que yo esté a caballo, y una tan reverenda persona como vuestra merced esté a pie. — Eso no consentiré yo en ningún modo —dijo el cura—: estése la vuestra grandeza a caballo, pues estando a caballo acaba las mayores fazañas y aventuras que en nuestra edad se han visto; que a mí, aunque indigno sacerdote, bastaráme subir en las ancas de una destas mulas destos señores que con vuestra merced caminan, si no lo han por enojo. Y aun haré cuenta que voy caballero sobre el caballo Pegaso, o sobre la cebra o alfana en que cabalgaba aquel famoso moro Muzaraque, que aún hasta ahora yace encantado en la gran cuesta Zulema, que dista poco de la gran Compluto. — Aún no caía yo en tanto, mi señor licenciado —respondió don Quijote—; y yo sé que mi señora la princesa será servida, por mi amor, de mandar a su escudero dé a vuestra merced la silla de su mula, que él podrá acomodarse en las ancas, si es que ella las sufre. — Sí sufre, a lo que yo creo —respondió la princesa—; y también sé que no será menester mandárselo al señor mi escudero, que él es tan cortés y tan cortesano que no consentirá que una persona eclesiástica vaya a pie, pudiendo ir a caballo. — Así es —respondió el barbero. Y, apeándose en un punto, convidó al cura con la silla, y él la tomó sin hacerse mucho de rogar. Y fue el mal que al subir a las ancas el barbero, la mula, que, en efeto, era de alquiler, que para decir que era mala esto basta, alzó un poco los cuartos traseros y dio dos coces en el aire, que, a darlas en el pecho de maese Nicolás, o en la cabeza, él diera al diablo la venida por don Quijote. Con todo eso, le sobresaltaron de manera que cayó en el suelo, con tan poco cuidado de las barbas, que se le cayeron en el suelo; y, como se vio sin ellas, no tuvo otro remedio sino acudir a cubrirse el rostro con ambas manos y a quejarse que le habían derribado las muelas. Don Quijote, como vio todo aquel mazo de barbas, sin quijadas y sin sangre, lejos del rostro del escudero caído, dijo: — ¡Vive Dios, que es gran milagro éste! ¡Las barbas le ha derribado y arrancado del rostro, como si las quitaran aposta! El cura, que vio el peligro que corría su invención de ser descubierta, acudió luego a las barbas y fuese con ellas adonde yacía maese Nicolás, dando aún voces todavía, y de un golpe, llegándole la cabeza a su pecho, se las puso, murmurando sobre él unas palabras, que dijo que era cierto ensalmo apropiado para pegar barbas, como lo verían; y, cuando se las tuvo puestas, se apartó, y quedó el escudero tan bien barbado y tan sano como de antes, de que se admiró don Quijote sobremanera, y rogó al cura que cuando tuviese lugar le enseñase aquel ensalmo; que él entendía que su virtud a más que pegar barbas se debía de estender, pues estaba claro que de donde las barbas se quitasen había de quedar la carne llagada y maltrecha, y que, pues todo lo sanaba, a más que barbas aprovechaba. — Así es —dijo el cura, y prometió de enseñársele en la primera ocasión. Concertáronse que por entonces subiese el cura, y a trechos se fuesen los tres mudando, hasta que llegasen a la venta, que estaría hasta dos leguas de allí. Puestos los tres a caballo, es a saber, don Quijote, la princesa y el cura, y los tres a pie, Cardenio, el barbero y Sancho Panza, don Quijote dijo a la doncella: — Vuestra grandeza, señora mía, guíe por donde más gusto le diere. Y, antes que ella respondiese, dijo el licenciado: — ¿Hacia qué reino quiere guiar la vuestra señoría? ¿Es, por ventura, hacia el de Micomicón?; que sí debe de ser, o yo sé poco de reinos. Ella, que estaba bien en todo, entendió que había de responder que sí; y así, dijo: — Sí, señor, hacia ese reino es mi camino. — Si así es —dijo el cura—, por la mitad de mi pueblo hemos de pasar, y de allí tomará vuestra merced la derrota de Cartagena, donde se podrá embarcar con la buena ventura; y si hay viento próspero, mar tranquilo y sin borrasca, en poco menos de nueve años se podrá estar a vista de la gran laguna Meona, digo, Meótides, que está poco más de cien jornadas más acá del reino de vuestra grandeza. — Vuestra merced está engañado, señor mío —dijo ella—, porque no ha dos años que yo partí dél, y en verdad que nunca tuve buen tiempo, y, con todo eso, he llegado a ver lo que tanto deseaba, que es al señor don Quijote de la Mancha, cuyas nuevas llegaron a mis oídos así como puse los pies en España, y ellas me movieron a buscarle, para encomendarme en su cortesía y fiar mi justicia del valor de su invencible brazo. — No más: cesen mis alabanzas —dijo a esta sazón don Quijote—, porque soy enemigo de todo género de adulación; y, aunque ésta no lo sea, todavía ofenden mis castas orejas semejantes pláticas. Lo que yo sé decir, señora mía, que ora tenga valor o no, el que tuviere o no tuviere se ha de emplear en vuestro servicio hasta perder la vida; y así, dejando esto para su tiempo, ruego al señor licenciado me diga qué es la causa que le ha traído por estas partes, tan solo, y tan sin criados, y tan a la ligera, que me pone espanto. — A eso yo responderé con brevedad —respondió el cura—, porque sabrá vuestra merced, señor don Quijote, que yo y maese Nicolás, nuestro amigo y nuestro barbero, íbamos a Sevilla a cobrar cierto dinero que un pariente mío que ha muchos años que pasó a Indias me había enviado, y no tan pocos que no pasan de sesenta mil pesos ensayados, que es otro que tal; y, pasando ayer por estos lugares, nos salieron al encuentro cuatro salteadores y nos quitaron hasta las barbas; y de modo nos las quitaron, que le convino al barbero ponérselas postizas; y aun a este mancebo que aquí va —señalando a Cardenio— le pusieron como de nuevo. Y es lo bueno que es pública fama por todos estos contornos que los que nos saltearon son de unos galeotes que dicen que libertó, casi en este mesmo sitio, un hombre tan valiente que, a pesar del comisario y de las guardas, los soltó a todos; y, sin duda alguna, él debía de estar fuera de juicio, o debe de ser tan grande bellaco como ellos, o algún hombre sin alma y sin conciencia, pues quiso soltar al lobo entre las ovejas, a la raposa entre las gallinas, a la mosca entre la miel; quiso defraudar la justicia, ir contra su rey y señor natural, pues fue contra sus justos mandamientos. Quiso, digo, quitar a las galeras sus pies, poner en alboroto a la Santa Hermandad, que había muchos años que reposaba; quiso, finalmente, hacer un hecho por donde se pierda su alma y no se gane su cuerpo. Habíales contado Sancho al cura y al barbero la aventura de los galeotes, que acabó su amo con tanta gloria suya, y por esto cargaba la mano el cura refiriéndola, por ver lo que hacía o decía don Quijote; al cual se le mudaba la color a cada palabra, y no osaba decir que él había sido el libertador de aquella buena gente. — Éstos, pues —dijo el cura—, fueron los que nos robaron; que Dios, por su misericordia, se lo perdone al que no los dejó llevar al debido suplicio. Capítulo XXX. Que trata del gracioso artificio y orden que se tuvo en sacar a nuestro enamorado caballero de la asperísima penitencia en que se había puesto No hubo bien acabado el cura, cuando Sancho dijo: — Pues mía fe, señor licenciado, el que hizo esa fazaña fue mi amo, y no porque yo no le dije antes y le avisé que mirase lo que hacía, y que era pecado darles libertad, porque todos iban allí por grandísimos bellacos. — ¡Majadero! —dijo a esta sazón don Quijote—, a los caballeros andantes no les toca ni atañe averiguar si los afligidos, encadenados y opresos que encuentran por los caminos van de aquella manera, o están en aquella angustia, por sus culpas o por sus gracias; sólo le toca ayudarles como a menesterosos, poniendo los ojos en sus penas y no en sus bellaquerías. Yo topé un rosario y sarta de gente mohína y desdichada, y hice con ellos lo que mi religión me pide, y lo demás allá se avenga; y a quien mal le ha parecido, salvo la santa dignidad del señor licenciado y su honrada persona, digo que sabe poco de achaque de caballería, y que miente como un hideputa y mal nacido; y esto le haré conocer con mi espada, donde más largamente se contiene. Y esto dijo afirmándose en los estribos y calándose el morrión; porque la bacía de barbero, que a su cuenta era el yelmo de Mambrino, llevaba colgado del arzón delantero, hasta adobarla del mal tratamiento que la hicieron los galeotes. Dorotea, que era discreta y de gran donaire, como quien ya sabía el menguado humor de don Quijote y que todos hacían burla dél, sino Sancho Panza, no quiso ser para menos, y, viéndole tan enojado, le dijo: — Señor caballero, miémbresele a la vuestra merced el don que me tiene prometido, y que, conforme a él, no puede entremeterse en otra aventura, por urgente que sea; sosiegue vuestra merced el pecho, que si el señor licenciado supiera que por ese invicto brazo habían sido librados los galeotes, él se diera tres puntos en la boca, y aun se mordiera tres veces la lengua, antes que haber dicho palabra que en despecho de vuestra merced redundara. — Eso juro yo bien —dijo el cura—, y aun me hubiera quitado un bigote. — Yo callaré, señora mía —dijo don Quijote—, y reprimiré la justa cólera que ya en mi pecho se había levantado, y iré quieto y pacífico hasta tanto que os cumpla el don prometido; pero, en pago deste buen deseo, os suplico me digáis, si no se os hace de mal, cuál es la vuestra cuita y cuántas, quiénes y cuáles son las personas de quien os tengo de dar debida, satisfecha y entera venganza. — Eso haré yo de gana —respondió Dorotea—, si es que no os enfadan oír lástimas y desgracias. — No enfadará, señora mía —respondió don Quijote. A lo que respondió Dorotea: — Pues así es, esténme vuestras mercedes atentos. No hubo ella dicho esto, cuando Cardenio y el barbero se le pusieron al lado, deseosos de ver cómo fingía su historia la discreta Dorotea; y lo mismo hizo Sancho, que tan engañado iba con ella como su amo. Y ella, después de haberse puesto bien en la silla y prevenídose con toser y hacer otros ademanes, con mucho donaire, comenzó a decir desta manera: — «Primeramente, quiero que vuestras mercedes sepan, señores míos, que a mí me llaman...» Y detúvose aquí un poco, porque se le olvidó el nombre que el cura le había puesto; pero él acudió al remedio, porque entendió en lo que reparaba, y dijo: — No es maravilla, señora mía, que la vuestra grandeza se turbe y empache contando sus desventuras, que ellas suelen ser tales, que muchas veces quitan la memoria a los que maltratan, de tal manera que aun de sus mesmos nombres no se les acuerda, como han hecho con vuestra gran señoría, que se ha olvidado que se llama la princesa Micomicona, legítima heredera del gran reino Micomicón; y con este apuntamiento puede la vuestra grandeza reducir ahora fácilmente a su lastimada memoria todo aquello que contar quisiere. — Así es la verdad —respondió la doncella—, y desde aquí adelante creo que no será menester apuntarme nada, que yo saldré a buen puerto con mi verdadera historia. «La cual es que el rey mi padre, que se llama Tinacrio el Sabidor, fue muy docto en esto que llaman el arte mágica, y alcanzó por su ciencia que mi madre, que se llamaba la reina Jaramilla, había de morir primero que él, y que de allí a poco tiempo él también había de pasar desta vida y yo había de quedar huérfana de padre y madre. Pero decía él que no le fatigaba tanto esto cuanto le ponía en confusión saber, por cosa muy cierta, que un descomunal gigante, señor de una grande ínsula, que casi alinda con nuestro reino, llamado Pandafilando de la Fosca Vista (porque es cosa averiguada que, aunque tiene los ojos en su lugar y derechos, siempre mira al revés, como si fuese bizco, y esto lo hace él de maligno y por poner miedo y espanto a los que mira); digo que supo que este gigante, en sabiendo mi orfandad, había de pasar con gran poderío sobre mi reino y me lo había de quitar todo, sin dejarme una pequeña aldea donde me recogiese; pero que podía escusar toda esta ruina y desgracia si yo me quisiese casar con él; mas, a lo que él entendía, jamás pensaba que me vendría a mí en voluntad de hacer tan desigual casamiento; y dijo en esto la pura verdad, porque jamás me ha pasado por el pensamiento casarme con aquel gigante, pero ni con otro alguno, por grande y desaforado que fuese. Dijo también mi padre que, después que él fuese muerto y viese yo que Pandafilando comenzaba a pasar sobre mi reino, que no aguardase a ponerme en defensa, porque sería destruirme, sino que libremente le dejase desembarazado el reino, si quería escusar la muerte y total destruición de mis buenos y leales vasallos, porque no había de ser posible defenderme de la endiablada fuerza del gigante; sino que luego, con algunos de los míos, me pusiese en camino de las Españas, donde hallaría el remedio de mis males hallando a un caballero andante, cuya fama en este tiempo se estendería por todo este reino, el cual se había de llamar, si mal no me acuerdo, don Azote o don Gigote.» — Don Quijote diría, señora —dijo a esta sazón Sancho Panza—, o, por otro nombre, el Caballero de la Triste Figura. — Así es la verdad —dijo Dorotea—. «Dijo más: que había de ser alto de cuerpo, seco de rostro, y que en el lado derecho, debajo del hombro izquierdo, o por allí junto, había de tener un lunar pardo con ciertos cabellos a manera de cerdas.» En oyendo esto don Quijote, dijo a su escudero: — Ten aquí, Sancho, hijo, ayúdame a desnudar, que quiero ver si soy el caballero que aquel sabio rey dejó profetizado. — Pues, ¿para qué quiere vuestra merced desnudarse? —dijo Dorotea. — Para ver si tengo ese lunar que vuestro padre dijo —respondió don Quijote. — No hay para qué desnudarse —dijo Sancho—, que yo sé que tiene vuestra merced un lunar desas señas en la mitad del espinazo, que es señal de ser hombre fuerte. — Eso basta —dijo Dorotea—, porque con los amigos no se ha de mirar en pocas cosas, y que esté en el hombro o que esté en el espinazo, importa poco; basta que haya lunar, y esté donde estuviere, pues todo es una mesma carne; y, sin duda, acertó mi buen padre en todo, y yo he acertado en encomendarme al señor don Quijote, que él es por quien mi padre dijo, pues las señales del rostro vienen con las de la buena fama que este caballero tiene no sólo en España, pero en toda la Mancha, pues apenas me hube desembarcado en Osuna, cuando oí decir tantas hazañas suyas, que luego me dio el alma que era el mesmo que venía a buscar. — Pues, ¿cómo se desembarcó vuestra merced en Osuna, señora mía —preguntó don Quijote—, si no es puerto de mar? Mas, antes que Dorotea respondiese, tomó el cura la mano y dijo: — Debe de querer decir la señora princesa que, después que desembarcó en Málaga, la primera parte donde oyó nuevas de vuestra merced fue en Osuna. — Eso quise decir —dijo Dorotea. — Y esto lleva camino —dijo el cura—, y prosiga vuestra majestad adelante. — No hay que proseguir —respondió Dorotea—, sino que, finalmente, mi suerte ha sido tan buena en hallar al señor don Quijote, que ya me cuento y tengo por reina y señora de todo mi reino, pues él, por su cortesía y magnificencia, me ha prometido el don de irse conmigo dondequiera que yo le llevare, que no será a otra parte que a ponerle delante de Pandafilando de la Fosca Vista, para que le mate y me restituya lo que tan contra razón me tiene usurpado: que todo esto ha de suceder a pedir de boca, pues así lo dejó profetizado Tinacrio el Sabidor, mi buen padre; el cual también dejó dicho y escrito en letras caldeas, o griegas, que yo no las sé leer, que si este caballero de la profecía, después de haber degollado al gigante, quisiese casarse conmigo, que yo me otorgase luego sin réplica alguna por su legítima esposa, y le diese la posesión de mi reino, junto con la de mi persona. — ¿Qué te parece, Sancho amigo? —dijo a este punto don Quijote—. ¿No oyes lo que pasa? ¿No te lo dije yo? Mira si tenemos ya reino que mandar y reina con quien casar. — ¡Eso juro yo —dijo Sancho— para el puto que no se casare en abriendo el gaznatico al señor Pandahilado! Pues, ¡monta que es mala la reina! ¡Así se me vuelvan las pulgas de la cama! Y, diciendo esto, dio dos zapatetas en el aire, con muestras de grandísimo contento, y luego fue a tomar las riendas de la mula de Dorotea, y, haciéndola detener, se hincó de rodillas ante ella, suplicándole le diese las manos para besárselas, en señal que la recibía por su reina y señora. ¿Quién no había de reír de los circustantes, viendo la locura del amo y la simplicidad del criado? En efecto, Dorotea se las dio, y le prometió de hacerle gran señor en su reino, cuando el cielo le hiciese tanto bien que se lo dejase cobrar y gozar. Agradecióselo Sancho con tales palabras que renovó la risa en todos. — Ésta, señores —prosiguió Dorotea—, es mi historia: sólo resta por deciros que de cuanta gente de acompañamiento saqué de mi reino no me ha quedado sino sólo este buen barbado escudero, porque todos se anegaron en una gran borrasca que tuvimos a vista del puerto, y él y yo salimos en dos tablas a tierra, como por milagro; y así, es todo milagro y misterio el discurso de mi vida, como lo habréis notado. Y si en alguna cosa he andado demasiada, o no tan acertada como debiera, echad la culpa a lo que el señor licenciado dijo al principio de mi cuento: que los trabajos continuos y extraordinarios quitan la memoria al que los padece. — Ésa no me quitarán a mí, ¡oh alta y valerosa señora! —dijo don Quijote—, cuantos yo pasare en serviros, por grandes y no vistos que sean; y así, de nuevo confirmo el don que os he prometido, y juro de ir con vos al cabo del mundo, hasta verme con el fiero enemigo vuestro, a quien pienso, con el ayuda de Dios y de mi brazo, tajar la cabeza soberbia con los filos desta... no quiero decir buena espada, merced a Ginés de Pasamonte, que me llevó la mía. Esto dijo entre dientes, y prosiguió diciendo: — Y después de habérsela tajado y puéstoos en pacífica posesión de vuestro estado, quedará a vuestra voluntad hacer de vuestra persona lo que más en talante os viniere; porque, mientras que yo tuviere ocupada la memoria y cautiva la voluntad, perdido el entendimiento, a aquella..., y no digo más, no es posible que yo arrostre, ni por pienso, el casarme, aunque fuese con el ave fénix. Parecióle tan mal a Sancho lo que últimamente su amo dijo acerca de no querer casarse, que, con grande enojo, alzando la voz, dijo: — Voto a mí, y juro a mí, que no tiene vuestra merced, señor don Quijote, cabal juicio. Pues, ¿cómo es posible que pone vuestra merced en duda el casarse con tan alta princesa como aquésta? ¿Piensa que le ha de ofrecer la fortuna, tras cada cantillo, semejante ventura como la que ahora se le ofrece? ¿Es, por dicha, más hermosa mi señora Dulcinea? No, por cierto, ni aun con la mitad, y aun estoy por decir que no llega a su zapato de la que está delante. Así, noramala alcanzaré yo el condado que espero, si vuestra merced se anda a pedir cotufas en el golfo. Cásese, cásese luego, encomiéndole yo a Satanás, y tome ese reino que se le viene a las manos de vobis, vobis, y, en siendo rey, hágame marqués o adelantado, y luego, siquiera se lo lleve el diablo todo. Don Quijote, que tales blasfemias oyó decir contra su señora Dulcinea, no lo pudo sufrir, y, alzando el lanzón, sin hablalle palabra a Sancho y sin decirle esta boca es mía, le dio tales dos palos que dio con él en tierra; y si no fuera porque Dorotea le dio voces que no le diera más, sin duda le quitara allí la vida. — ¿Pensáis —le dijo a cabo de rato—, villano ruin, que ha de haber lugar siempre para ponerme la mano en la horcajadura, y que todo ha de ser errar vos y perdonaros yo? Pues no lo penséis, bellaco descomulgado, que sin duda lo estás, pues has puesto lengua en la sin par Dulcinea. ¿Y no sabéis vos, gañán, faquín, belitre, que si no fuese por el valor que ella infunde en mi brazo, que no le tendría yo para matar una pulga? Decid, socarrón de lengua viperina, ¿y quién pensáis que ha ganado este reino y cortado la cabeza a este gigante, y héchoos a vos marqués, que todo esto doy ya por hecho y por cosa pasada en cosa juzgada, si no es el valor de Dulcinea, tomando a mi brazo por instrumento de sus hazañas? Ella pelea en mí, y vence en mí, y yo vivo y respiro en ella, y tengo vida y ser. ¡Oh hideputa bellaco, y cómo sois desagradecido: que os veis levantado del polvo de la tierra a ser señor de título, y correspondéis a tan buena obra con decir mal de quien os la hizo! No estaba tan maltrecho Sancho que no oyese todo cuanto su amo le decía, y, levantándose con un poco de presteza, se fue a poner detrás del palafrén de Dorotea, y desde allí dijo a su amo: — Dígame, señor: si vuestra merced tiene determinado de no casarse con esta gran princesa, claro está que no será el reino suyo; y, no siéndolo, ¿qué mercedes me puede hacer? Esto es de lo que yo me quejo; cásese vuestra merced una por una con esta reina, ahora que la tenemos aquí como llovida del cielo, y después puede volverse con mi señora Dulcinea; que reyes debe de haber habido en el mundo que hayan sido amancebados. En lo de la hermosura no me entremeto; que, en verdad, si va a decirla, que entrambas me parecen bien, puesto que yo nunca he visto a la señora Dulcinea. — ¿Cómo que no la has visto, traidor blasfemo? —dijo don Quijote—. Pues, ¿no acabas de traerme ahora un recado de su parte? — Digo que no la he visto tan despacio —dijo Sancho— que pueda haber notado particularmente su hermosura y sus buenas partes punto por punto; pero así, a bulto, me parece bien. — Ahora te disculpo —dijo don Quijote—, y perdóname el enojo que te he dado, que los primeros movimientos no son en manos de los hombres. — Ya yo lo veo —respondió Sancho—; y así, en mí la gana de hablar siempre es primero movimiento, y no puedo dejar de decir, por una vez siquiera, lo que me viene a la lengua. — Con todo eso —dijo don Quijote—, mira, Sancho, lo que hablas, porque tantas veces va el cantarillo a la fuente..., y no te digo más. — Ahora bien —respondió Sancho—, Dios está en el cielo, que ve las trampas, y será juez de quién hace más mal: yo en no hablar bien, o vuestra merced en obrallo. — No haya más —dijo Dorotea—: corred, Sancho, y besad la mano a vuestro señor, y pedilde perdón, y de aquí adelante andad más atentado en vuestras alabanzas y vituperios, y no digáis mal de aquesa señora Tobosa, a quien yo no conozco si no es para servilla, y tened confianza en Dios, que no os ha de faltar un estado donde viváis como un príncipe. Fue Sancho cabizbajo y pidió la mano a su señor, y él se la dio con reposado continente; y, después que se la hubo besado, le echó la bendición, y dijo a Sancho que se adelantasen un poco, que tenía que preguntalle y que departir con él cosas de mucha importancia. Hízolo así Sancho y apartáronse los dos algo adelante, y díjole don Quijote: — Después que veniste, no he tenido lugar ni espacio para preguntarte muchas cosas de particularidad acerca de la embajada que llevaste y de la respuesta que trujiste; y ahora, pues la fortuna nos ha concedido tiempo y lugar, no me niegues tú la ventura que puedes darme con tan buenas nuevas. — Pregunte vuestra merced lo que quisiere —respondió Sancho—, que a todo daré tan buena salida como tuve la entrada. Pero suplico a vuestra merced, señor mío, que no sea de aquí adelante tan vengativo. — ¿Por qué lo dices, Sancho? —dijo don Quijote. — Dígolo —respondió— porque estos palos de agora más fueron por la pendencia que entre los dos trabó el diablo la otra noche, que por lo que dije contra mi señora Dulcinea, a quien amo y reverencio como a una reliquia, aunque en ella no lo haya, sólo por ser cosa de vuestra merced. — No tornes a esas pláticas, Sancho, por tu vida —dijo don Quijote—, que me dan pesadumbre; ya te perdoné entonces, y bien sabes tú que suele decirse: a pecado nuevo, penitencia nueva. En tanto que los dos iban en estas pláticas, dijo el cura a Dorotea que había andado muy discreta, así en el cuento como en la brevedad dél, y en la similitud que tuvo con los de los libros de caballerías. Ella dijo que muchos ratos se había entretenido en leellos, pero que no sabía ella dónde eran las provincias ni puertos de mar, y que así había dicho a tiento que se había desembarcado en Osuna. — Yo lo entendí así —dijo el cura—, y por eso acudí luego a decir lo que dije, con que se acomodó todo. Pero, ¿no es cosa estraña ver con cuánta facilidad cree este desventurado hidalgo todas estas invenciones y mentiras, sólo porque llevan el estilo y modo de las necedades de sus libros? — Sí es —dijo Cardenio—, y tan rara y nunca vista, que yo no sé si queriendo inventarla y fabricarla mentirosamente, hubiera tan agudo ingenio que pudiera dar en ella. — Pues otra cosa hay en ello —dijo el cura—: que fuera de las simplicidades que este buen hidalgo dice tocantes a su locura, si le tratan de otras cosas, discurre con bonísimas razones y muestra tener un entendimiento claro y apacible en todo. De manera que, como no le toquen en sus caballerías, no habrá nadie que le juzgue sino por de muy buen entendimiento. En tanto que ellos iban en esta conversación, prosiguió don Quijote con la suya y dijo a Sancho: — Echemos, Panza amigo, pelillos a la mar en esto de nuestras pendencias, y dime ahora, sin tener cuenta con enojo ni rencor alguno: ¿Dónde, cómo y cuándo hallaste a Dulcinea? ¿Qué hacía? ¿Qué le dijiste? ¿Qué te respondió? ¿Qué rostro hizo cuando leía mi carta? ¿Quién te la trasladó? Y todo aquello que vieres que en este caso es digno de saberse, de preguntarse y satisfacerse, sin que añadas o mientas por darme gusto, ni menos te acortes por no quitármele. — Señor —respondió Sancho—, si va a decir la verdad, la carta no me la trasladó nadie, porque yo no llevé carta alguna. — Así es como tú dices —dijo don Quijote—, porque el librillo de memoria donde yo la escribí le hallé en mi poder a cabo de dos días de tu partida, lo cual me causó grandísima pena, por no saber lo que habías tú de hacer cuando te vieses sin carta, y creí siempre que te volvieras desde el lugar donde la echaras menos. — Así fuera —respondió Sancho—, si no la hubiera yo tomado en la memoria cuando vuestra merced me la leyó, de manera que se la dije a un sacristán, que me la trasladó del entendimiento, tan punto por punto, que dijo que en todos los días de su vida, aunque había leído muchas cartas de descomunión, no había visto ni leído tan linda carta como aquélla. — Y ¿tiénesla todavía en la memoria, Sancho? —dijo don Quijote. — No, señor —respondió Sancho—, porque después que la di, como vi que no había de ser de más provecho, di en olvidalla. Y si algo se me acuerda, es aquello del sobajada, digo, del soberana señora, y lo último: Vuestro hasta la muerte, el Caballero de la Triste Figura. Y, en medio destas dos cosas, le puse más de trecientas almas, y vidas, y ojos míos. Capítulo XXXI. De los sabrosos razonamientos que pasaron entre don Quijote y Sancho Panza, su escudero, con otros sucesos — Todo eso no me descontenta; prosigue adelante —dijo don Quijote—. Llegaste, ¿y qué hacía aquella reina de la hermosura? A buen seguro que la hallaste ensartando perlas, o bordando alguna empresa con oro de cañutillo para este su cautivo caballero. — No la hallé —respondió Sancho— sino ahechando dos hanegas de trigo en un corral de su casa. — Pues haz cuenta —dijo don Quijote— que los granos de aquel trigo eran granos de perlas, tocados de sus manos. Y si miraste, amigo, el trigo ¿era candeal, o trechel? — No era sino rubión —respondió Sancho. — Pues yo te aseguro —dijo don Quijote— que, ahechado por sus manos, hizo pan candeal, sin duda alguna. Pero pasa adelante: cuando le diste mi carta, ¿besóla? ¿Púsosela sobre la cabeza? ¿Hizo alguna ceremonia digna de tal carta, o qué hizo? — Cuando yo se la iba a dar —respondió Sancho—, ella estaba en la fuga del meneo de una buena parte de trigo que tenía en la criba, y díjome: ''Poned, amigo, esa carta sobre aquel costal, que no la puedo leer hasta que acabe de acribar todo lo que aquí está''. — ¡Discreta señora! —dijo don Quijote—. Eso debió de ser por leerla despacio y recrearse con ella. Adelante, Sancho: y, en tanto que estaba en su menester, ¿qué coloquios pasó contigo? ¿Qué te preguntó de mí? Y tú, ¿qué le respondiste? Acaba, cuéntamelo todo; no se te quede en el tintero una mínima. — Ella no me preguntó nada —dijo Sancho—, mas yo le dije de la manera que vuestra merced, por su servicio, quedaba haciendo penitencia, desnudo de la cintura arriba, metido entre estas sierras como si fuera salvaje, durmiendo en el suelo, sin comer pan a manteles ni sin peinarse la barba, llorando y maldiciendo su fortuna. — En decir que maldecía mi fortuna dijiste mal —dijo don Quijote—, porque antes la bendigo y bendeciré todos los días de mi vida, por haberme hecho digno de merecer amar tan alta señora como Dulcinea del Toboso. — Tan alta es —respondió Sancho—, que a buena fe que me lleva a mí más de un coto. — Pues, ¿cómo, Sancho? —dijo don Quijote—. ¿Haste medido tú con ella? — Medíme en esta manera —respondió Sancho—: que, llegándole a ayudar a poner un costal de trigo sobre un jumento, llegamos tan juntos que eché de ver que me llevaba más de un gran palmo. — Pues ¡es verdad —replicó don Quijote— que no acompaña esa grandeza y la adorna con mil millones y gracias del alma! Pero no me negarás, Sancho, una cosa: cuando llegaste junto a ella, ¿no sentiste un olor sabeo, una fragancia aromática, y un no sé qué de bueno, que yo no acierto a dalle nombre? Digo, ¿un tuho o tufo como si estuvieras en la tienda de algún curioso guantero? — Lo que sé decir —dijo Sancho— es que sentí un olorcillo algo hombruno; y debía de ser que ella, con el mucho ejercicio, estaba sudada y algo correosa. — No sería eso —respondió don Quijote—, sino que tú debías de estar romadizado, o te debiste de oler a ti mismo; porque yo sé bien a lo que huele aquella rosa entre espinas, aquel lirio del campo, aquel ámbar desleído. — Todo puede ser —respondió Sancho—, que muchas veces sale de mí aquel olor que entonces me pareció que salía de su merced de la señora Dulcinea; pero no hay de qué maravillarse, que un diablo parece a otro. — Y bien —prosiguió don Quijote—, he aquí que acabó de limpiar su trigo y de enviallo al molino. ¿Qué hizo cuando leyó la carta? — La carta —dijo Sancho— no la leyó, porque dijo que no sabía leer ni escribir; antes, la rasgó y la hizo menudas piezas, diciendo que no la quería dar a leer a nadie, porque no se supiesen en el lugar sus secretos, y que bastaba lo que yo le había dicho de palabra acerca del amor que vuestra merced le tenía y de la penitencia extraordinaria que por su causa quedaba haciendo. Y, finalmente, me dijo que dijese a vuestra merced que le besaba las manos, y que allí quedaba con más deseo de verle que de escribirle; y que, así, le suplicaba y mandaba que, vista la presente, saliese de aquellos matorrales y se dejase de hacer disparates, y se pusiese luego luego en camino del Toboso, si otra cosa de más importancia no le sucediese, porque tenía gran deseo de ver a vuestra merced. Rióse mucho cuando le dije como se llamaba vuestra merced el Caballero de la Triste Figura. Preguntéle si había ido allá el vizcaíno de marras; díjome que sí, y que era un hombre muy de bien. También le pregunté por los galeotes, mas díjome que no había visto hasta entonces alguno. — Todo va bien hasta agora —dijo don Quijote—. Pero dime: ¿qué joya fue la que te dio, al despedirte, por las nuevas que de mí le llevaste? Porque es usada y antigua costumbre entre los caballeros y damas andantes dar a los escuderos, doncellas o enanos que les llevan nuevas, de sus damas a ellos, a ellas de sus andantes, alguna rica joya en albricias, en agradecimiento de su recado. — Bien puede eso ser así, y yo la tengo por buena usanza; pero eso debió de ser en los tiempos pasados, que ahora sólo se debe de acostumbrar a dar un pedazo de pan y queso, que esto fue lo que me dio mi señora Dulcinea, por las bardas de un corral, cuando della me despedí; y aun, por más señas, era el queso ovejuno. — Es liberal en estremo —dijo don Quijote—, y si no te dio joya de oro, sin duda debió de ser porque no la tendría allí a la mano para dártela; pero buenas son mangas después de Pascua: yo la veré, y se satisfará todo. ¿Sabes de qué estoy maravillado, Sancho? De que me parece que fuiste y veniste por los aires, pues poco más de tres días has tardado en ir y venir desde aquí al Toboso, habiendo de aquí allá más de treinta leguas; por lo cual me doy a entender que aquel sabio nigromante que tiene cuenta con mis cosas y es mi amigo (porque por fuerza le hay, y le ha de haber, so pena que yo no sería buen caballero andante); digo que este tal te debió de ayudar a caminar, sin que tú lo sintieses; que hay sabio déstos que coge a un caballero andante durmiendo en su cama, y, sin saber cómo o en qué manera, amanece otro día más de mil leguas de donde anocheció. Y si no fuese por esto, no se podrían socorrer en sus peligros los caballeros andantes unos a otros, como se socorren a cada paso. Que acaece estar uno peleando en las sierras de Armenia con algún endriago, o con algún fiero vestiglo, o con otro caballero, donde lleva lo peor de la batalla y está ya a punto de muerte, y cuando no os me cato, asoma por acullá, encima de una nube, o sobre un carro de fuego, otro caballero amigo suyo, que poco antes se hallaba en Ingalaterra, que le favorece y libra de la muerte, y a la noche se halla en su posada, cenando muy a su sabor; y suele haber de la una a la otra parte dos o tres mil leguas. Y todo esto se hace por industria y sabiduría destos sabios encantadores que tienen cuidado destos valerosos caballeros. Así que, amigo Sancho, no se me hace dificultoso creer que en tan breve tiempo hayas ido y venido desde este lugar al del Toboso, pues, como tengo dicho, algún sabio amigo te debió de llevar en volandillas, sin que tú lo sintieses. — Así sería —dijo Sancho—; porque a buena fe que andaba Rocinante como si fuera asno de gitano con azogue en los oídos. — Y ¡cómo si llevaba azogue! —dijo don Quijote—, y aun una legión de demonios, que es gente que camina y hace caminar, sin cansarse, todo aquello que se les antoja. Pero, dejando esto aparte, ¿qué te parece a ti que debo yo de hacer ahora cerca de lo que mi señora me manda que la vaya a ver?; que, aunque yo veo que estoy obligado a cumplir su mandamiento, véome también imposibilitado del don que he prometido a la princesa que con nosotros viene, y fuérzame la ley de caballería a cumplir mi palabra antes que mi gusto. Por una parte, me acosa y fatiga el deseo de ver a mi señora; por otra, me incita y llama la prometida fe y la gloria que he de alcanzar en esta empresa. Pero lo que pienso hacer será caminar apriesa y llegar presto donde está este gigante, y, en llegando, le cortaré la cabeza, y pondré a la princesa pacíficamente en su estado, y al punto daré la vuelta a ver a la luz que mis sentidos alumbra, a la cual daré tales disculpas que ella venga a tener por buena mi tardanza, pues verá que todo redunda en aumento de su gloria y fama, pues cuanta yo he alcanzado, alcanzo y alcanzare por las armas en esta vida, toda me viene del favor que ella me da y de ser yo suyo. — ¡Ay —dijo Sancho—, y cómo está vuestra merced lastimado de esos cascos! Pues dígame, señor: ¿piensa vuestra merced caminar este camino en balde, y dejar pasar y perder un tan rico y tan principal casamiento como éste, donde le dan en dote un reino, que a buena verdad que he oído decir que tiene más de veinte mil leguas de contorno, y que es abundantísimo de todas las cosas que son necesarias para el sustento de la vida humana, y que es mayor que Portugal y que Castilla juntos? Calle, por amor de Dios, y tenga vergüenza de lo que ha dicho, y tome mi consejo, y perdóneme, y cásese luego en el primer lugar que haya cura; y si no, ahí está nuestro licenciado, que lo hará de perlas. Y advierta que ya tengo edad para dar consejos, y que este que le doy le viene de molde, y que más vale pájaro en mano que buitre volando, porque quien bien tiene y mal escoge, por bien que se enoja no se venga. — Mira, Sancho —respondió don Quijote—: si el consejo que me das de que me case es porque sea luego rey, en matando al gigante, y tenga cómodo para hacerte mercedes y darte lo prometido, hágote saber que sin casarme podré cumplir tu deseo muy fácilmente, porque yo sacaré de adahala, antes de entrar en la batalla, que, saliendo vencedor della, ya que no me case, me han de dar una parte del reino, para que la pueda dar a quien yo quisiere; y, en dándomela, ¿a quién quieres tú que la dé sino a ti? — Eso está claro —respondió Sancho—, pero mire vuestra merced que la escoja hacia la marina, porque, si no me contentare la vivienda, pueda embarcar mis negros vasallos y hacer dellos lo que ya he dicho. Y vuestra merced no se cure de ir por agora a ver a mi señora Dulcinea, sino váyase a matar al gigante, y concluyamos este negocio; que por Dios que se me asienta que ha de ser de mucha honra y de mucho provecho. — Dígote, Sancho —dijo don Quijote—, que estás en lo cierto, y que habré de tomar tu consejo en cuanto el ir antes con la princesa que a ver a Dulcinea. Y avísote que no digas nada a nadie, ni a los que con nosotros vienen, de lo que aquí hemos departido y tratado; que, pues Dulcinea es tan recatada que no quiere que se sepan sus pensamientos, no será bien que yo, ni otro por mí, los descubra. — Pues si eso es así —dijo Sancho—, ¿cómo hace vuestra merced que todos los que vence por su brazo se vayan a presentar ante mi señora Dulcinea, siendo esto firma de su nombre que la quiere bien y que es su enamorado? Y, siendo forzoso que los que fueren se han de ir a hincar de finojos ante su presencia, y decir que van de parte de vuestra merced a dalle la obediencia, ¿cómo se pueden encubrir los pensamientos de entrambos? — ¡Oh, qué necio y qué simple que eres! —dijo don Quijote—. ¿Tú no ves, Sancho, que eso todo redunda en su mayor ensalzamiento? Porque has de saber que en este nuestro estilo de caballería es gran honra tener una dama muchos caballeros andantes que la sirvan, sin que se estiendan más sus pensamientos que a servilla, por sólo ser ella quien es, sin esperar otro premio de sus muchos y buenos deseos, sino que ella se contente de acetarlos por sus caballeros. — Con esa manera de amor —dijo Sancho— he oído yo predicar que se ha de amar a Nuestro Señor, por sí solo, sin que nos mueva esperanza de gloria o temor de pena. Aunque yo le querría amar y servir por lo que pudiese. — ¡Válate el diablo por villano —dijo don Quijote—, y qué de discreciones dices a las veces! No parece sino que has estudiado. — Pues a fe mía que no sé leer —respondió Sancho. En esto, les dio voces maese Nicolás que esperasen un poco, que querían detenerse a beber en una fontecilla que allí estaba. Detúvose don Quijote, con no poco gusto de Sancho, que ya estaba cansado de mentir tanto y temía no le cogiese su amo a palabras; porque, puesto que él sabía que Dulcinea era una labradora del Toboso, no la había visto en toda su vida. Habíase en este tiempo vestido Cardenio los vestidos que Dorotea traía cuando la hallaron, que, aunque no eran muy buenos, hacían mucha ventaja a los que dejaba. Apeáronse junto a la fuente, y con lo que el cura se acomodó en la venta satisficieron, aunque poco, la mucha hambre que todos traían. Estando en esto, acertó a pasar por allí un muchacho que iba de camino, el cual, poniéndose a mirar con mucha atención a los que en la fuente estaban, de allí a poco arremetió a don Quijote, y, abrazándole por las piernas, comenzó a llorar muy de propósito, diciendo: — ¡Ay, señor mío! ¿No me conoce vuestra merced? Pues míreme bien, que yo soy aquel mozo Andrés que quitó vuestra merced de la encina donde estaba atado. Reconocióle don Quijote, y, asiéndole por la mano, se volvió a los que allí estaban y dijo: — Porque vean vuestras mercedes cuán de importancia es haber caballeros andantes en el mundo, que desfagan los tuertos y agravios que en él se hacen por los insolentes y malos hombres que en él viven, sepan vuestras mercedes que los días pasados, pasando yo por un bosque, oí unos gritos y unas voces muy lastimosas, como de persona afligida y menesterosa; acudí luego, llevado de mi obligación, hacia la parte donde me pareció que las lamentables voces sonaban, y hallé atado a una encina a este muchacho que ahora está delante (de lo que me huelgo en el alma, porque será testigo que no me dejará mentir en nada); digo que estaba atado a la encina, desnudo del medio cuerpo arriba, y estábale abriendo a azotes con las riendas de una yegua un villano, que después supe que era amo suyo; y, así como yo le vi, le pregunté la causa de tan atroz vapulamiento; respondió el zafio que le azotaba porque era su criado, y que ciertos descuidos que tenía nacían más de ladrón que de simple; a lo cual este niño dijo: ''Señor, no me azota sino porque le pido mi salario''. El amo replicó no sé qué arengas y disculpas, las cuales, aunque de mí fueron oídas, no fueron admitidas. En resolución, yo le hice desatar, y tomé juramento al villano de que le llevaría consigo y le pagaría un real sobre otro, y aun sahumados. ¿No es verdad todo esto, hijo Andrés? ¿No notaste con cuánto imperio se lo mandé, y con cuánta humildad prometió de hacer todo cuanto yo le impuse, y notifiqué y quise? Responde; no te turbes ni dudes en nada: di lo que pasó a estos señores, porque se vea y considere ser del provecho que digo haber caballeros andantes por los caminos. — Todo lo que vuestra merced ha dicho es mucha verdad —respondió el muchacho—, pero el fin del negocio sucedió muy al revés de lo que vuestra merced se imagina. — ¿Cómo al revés? —replicó don Quijote—; luego, ¿no te pagó el villano? — No sólo no me pagó —respondió el muchacho—, pero, así como vuestra merced traspuso del bosque y quedamos solos, me volvió a atar a la mesma encina, y me dio de nuevo tantos azotes que quedé hecho un San Bartolomé desollado; y, a cada azote que me daba, me decía un donaire y chufeta acerca de hacer burla de vuestra merced, que, a no sentir yo tanto dolor, me riera de lo que decía. En efeto: él me paró tal, que hasta ahora he estado curándome en un hospital del mal que el mal villano entonces me hizo. De todo lo cual tiene vuestra merced la culpa, porque si se fuera su camino adelante y no viniera donde no le llamaban, ni se entremetiera en negocios ajenos, mi amo se contentara con darme una o dos docenas de azotes, y luego me soltara y pagara cuanto me debía. Mas, como vuestra merced le deshonró tan sin propósito y le dijo tantas villanías, encendiósele la cólera, y, como no la pudo vengar en vuestra merced, cuando se vio solo descargó sobre mí el nublado, de modo que me parece que no seré más hombre en toda mi vida. — El daño estuvo —dijo don Quijote— en irme yo de allí; que no me había de ir hasta dejarte pagado, porque bien debía yo de saber, por luengas experiencias, que no hay villano que guarde palabra que tiene, si él vee que no le está bien guardalla. Pero ya te acuerdas, Andrés, que yo juré que si no te pagaba, que había de ir a buscarle, y que le había de hallar, aunque se escondiese en el vientre de la ballena. — Así es la verdad —dijo Andrés—, pero no aprovechó nada. — Ahora verás si aprovecha —dijo don Quijote. Y, diciendo esto, se levantó muy apriesa y mandó a Sancho que enfrenase a Rocinante, que estaba paciendo en tanto que ellos comían. Preguntóle Dorotea qué era lo que hacer quería. Él le respondió que quería ir a buscar al villano y castigalle de tan mal término, y hacer pagado a Andrés hasta el último maravedí, a despecho y pesar de cuantos villanos hubiese en el mundo. A lo que ella respondió que advirtiese que no podía, conforme al don prometido, entremeterse en ninguna empresa hasta acabar la suya; y que, pues esto sabía él mejor que otro alguno, que sosegase el pecho hasta la vuelta de su reino. — Así es verdad —respondió don Quijote—, y es forzoso que Andrés tenga paciencia hasta la vuelta, como vos, señora, decís; que yo le torno a jurar y a prometer de nuevo de no parar hasta hacerle vengado y pagado. — No me creo desos juramentos —dijo Andrés—; más quisiera tener agora con qué llegar a Sevilla que todas las venganzas del mundo: déme, si tiene ahí, algo que coma y lleve, y quédese con Dios su merced y todos los caballeros andantes; que tan bien andantes sean ellos para consigo como lo han sido para conmigo. Sacó de su repuesto Sancho un pedazo de pan y otro de queso, y, dándoselo al mozo, le dijo: — Tomá, hermano Andrés, que a todos nos alcanza parte de vuestra desgracia. — Pues, ¿qué parte os alcanza a vos? —preguntó Andrés. — Esta parte de queso y pan que os doy —respondió Sancho—, que Dios sabe si me ha de hacer falta o no; porque os hago saber, amigo, que los escuderos de los caballeros andantes estamos sujetos a mucha hambre y a mala ventura, y aun a otras cosas que se sienten mejor que se dicen. Andrés asió de su pan y queso, y, viendo que nadie le daba otra cosa, abajó su cabeza y tomó el camino en las manos, como suele decirse. Bien es verdad que, al partirse, dijo a don Quijote: — Por amor de Dios, señor caballero andante, que si otra vez me encontrare, aunque vea que me hacen pedazos, no me socorra ni ayude, sino déjeme con mi desgracia; que no será tanta, que no sea mayor la que me vendrá de su ayuda de vuestra merced, a quien Dios maldiga, y a todos cuantos caballeros andantes han nacido en el mundo. Íbase a levantar don Quijote para castigalle, mas él se puso a correr de modo que ninguno se atrevió a seguille. Quedó corridísimo don Quijote del cuento de Andrés, y fue menester que los demás tuviesen mucha cuenta con no reírse, por no acaballe de correr del todo. Capítulo XXXII. Que trata de lo que sucedió en la venta a toda la cuadrilla de don Quijote Acabóse la buena comida, ensillaron luego, y, sin que les sucediese cosa digna de contar, llegaron otro día a la venta, espanto y asombro de Sancho Panza; y, aunque él quisiera no entrar en ella, no lo pudo huir. La ventera, ventero, su hija y Maritornes, que vieron venir a don Quijote y a Sancho, les salieron a recebir con muestras de mucha alegría, y él las recibió con grave continente y aplauso, y díjoles que le aderezasen otro mejor lecho que la vez pasada; a lo cual le respondió la huéspeda que como la pagase mejor que la otra vez, que ella se la daría de príncipes. Don Quijote dijo que sí haría, y así, le aderezaron uno razonable en el mismo caramanchón de marras, y él se acostó luego, porque venía muy quebrantado y falto de juicio. No se hubo bien encerrado, cuando la huéspeda arremetió al barbero, y, asiéndole de la barba, dijo: — Para mi santiguada, que no se ha aún de aprovechar más de mi rabo para su barba, y que me ha de volver mi cola; que anda lo de mi marido por esos suelos, que es vergüenza; digo, el peine, que solía yo colgar de mi buena cola. No se la quería dar el barbero, aunque ella más tiraba, hasta que el licenciado le dijo que se la diese, que ya no era menester más usar de aquella industria, sino que se descubriese y mostrase en su misma forma, y dijese a don Quijote que cuando le despojaron los ladrones galeotes se habían venido a aquella venta huyendo; y que si preguntase por el escudero de la princesa, le dirían que ella le había enviado adelante a dar aviso a los de su reino como ella iba y llevaba consigo el libertador de todos. Con esto, dio de buena gana la cola a la ventera el barbero, y asimismo le volvieron todos los adherentes que había prestado para la libertad de don Quijote. Espantáronse todos los de la venta de la hermosura de Dorotea, y aun del buen talle del zagal Cardenio. Hizo el cura que les aderezasen de comer de lo que en la venta hubiese, y el huésped, con esperanza de mejor paga, con diligencia les aderezó una razonable comida; y a todo esto dormía don Quijote, y fueron de parecer de no despertalle, porque más provecho le haría por entonces el dormir que el comer. Trataron sobre comida, estando delante el ventero, su mujer, su hija, Maritornes, todos los pasajeros, de la estraña locura de don Quijote y del modo que le habían hallado. La huéspeda les contó lo que con él y con el arriero les había acontecido, y, mirando si acaso estaba allí Sancho, como no le viese, contó todo lo de su manteamiento, de que no poco gusto recibieron. Y, como el cura dijese que los libros de caballerías que don Quijote había leído le habían vuelto el juicio, dijo el ventero: — No sé yo cómo puede ser eso; que en verdad que, a lo que yo entiendo, no hay mejor letrado en el mundo, y que tengo ahí dos o tres dellos, con otros papeles, que verdaderamente me han dado la vida, no sólo a mí, sino a otros muchos. Porque, cuando es tiempo de la siega, se recogen aquí, las fiestas, muchos segadores, y siempre hay algunos que saben leer, el cual coge uno destos libros en las manos, y rodeámonos dél más de treinta, y estámosle escuchando con tanto gusto que nos quita mil canas; a lo menos, de mí sé decir que cuando oyo decir aquellos furibundos y terribles golpes que los caballeros pegan, que me toma gana de hacer otro tanto, y que querría estar oyéndolos noches y días. — Y yo ni más ni menos —dijo la ventera—, porque nunca tengo buen rato en mi casa sino aquel que vos estáis escuchando leer: que estáis tan embobado, que no os acordáis de reñir por entonces. — Así es la verdad —dijo Maritornes—, y a buena fe que yo también gusto mucho de oír aquellas cosas, que son muy lindas; y más, cuando cuentan que se está la otra señora debajo de unos naranjos abrazada con su caballero, y que les está una dueña haciéndoles la guarda, muerta de envidia y con mucho sobresalto. Digo que todo esto es cosa de mieles. — Y a vos ¿qué os parece, señora doncella? —dijo el cura, hablando con la hija del ventero. — No sé, señor, en mi ánima —respondió ella—; también yo lo escucho, y en verdad que, aunque no lo entiendo, que recibo gusto en oíllo; pero no gusto yo de los golpes de que mi padre gusta, sino de las lamentaciones que los caballeros hacen cuando están ausentes de sus señoras: que en verdad que algunas veces me hacen llorar de compasión que les tengo. — Luego, ¿bien las remediárades vos, señora doncella —dijo Dorotea—, si por vos lloraran? — No sé lo que me hiciera —respondió la moza—; sólo sé que hay algunas señoras de aquéllas tan crueles, que las llaman sus caballeros tigres y leones y otras mil inmundicias. Y, ¡Jesús!, yo no sé qué gente es aquélla tan desalmada y tan sin conciencia, que por no mirar a un hombre honrado, le dejan que se muera, o que se vuelva loco. Yo no sé para qué es tanto melindre: si lo hacen de honradas, cásense con ellos, que ellos no desean otra cosa. — Calla, niña —dijo la ventera—, que parece que sabes mucho destas cosas, y no está bien a las doncellas saber ni hablar tanto. — Como me lo pregunta este señor —respondió ella—, no pude dejar de respondelle. — Ahora bien —dijo el cura—, traedme, señor huésped, aquesos libros, que los quiero ver. — Que me place —respondió él. Y, entrando en su aposento, sacó dél una maletilla vieja, cerrada con una cadenilla, y, abriéndola, halló en ella tres libros grandes y unos papeles de muy buena letra, escritos de mano. El primer libro que abrió vio que era Don Cirongilio de Tracia; y el otro, de Felixmarte de Hircania; y el otro, la Historia del Gran Capitán Gonzalo Hernández de Córdoba, con la vida de Diego García de Paredes. Así como el cura leyó los dos títulos primeros, volvió el rostro al barbero y dijo: — Falta nos hacen aquí ahora el ama de mi amigo y su sobrina. — No hacen —respondió el barbero—, que también sé yo llevallos al corral o a la chimenea; que en verdad que hay muy buen fuego en ella. — Luego, ¿quiere vuestra merced quemar más libros? —dijo el ventero. — No más —dijo el cura— que estos dos: el de Don Cirongilio y el de Felixmarte. — Pues, ¿por ventura —dijo el ventero— mis libros son herejes o flemáticos, que los quiere quemar? — Cismáticos queréis decir, amigo —dijo el barbero—, que no flemáticos. — Así es —replicó el ventero—; mas si alguno quiere quemar, sea ese del Gran Capitán y dese Diego García, que antes dejaré quemar un hijo que dejar quemar ninguno desotros. — Hermano mío —dijo el cura—, estos dos libros son mentirosos y están llenos de disparates y devaneos; y este del Gran Capitán es historia verdadera, y tiene los hechos de Gonzalo Hernández de Córdoba, el cual, por sus muchas y grandes hazañas, mereció ser llamado de todo el mundo Gran Capitán, renombre famoso y claro, y dél sólo merecido. Y este Diego García de Paredes fue un principal caballero, natural de la ciudad de Trujillo, en Estremadura, valentísimo soldado, y de tantas fuerzas naturales que detenía con un dedo una rueda de molino en la mitad de su furia; y, puesto con un montante en la entrada de una puente, detuvo a todo un innumerable ejército, que no pasase por ella; y hizo otras tales cosas que, como si él las cuenta y las escribe él asimismo, con la modestia de caballero y de coronista propio, las escribiera otro, libre y desapasionado, pusieran en su olvido las de los Hétores, Aquiles y Roldanes. — ¡Tomaos con mi padre! —dijo el dicho ventero—. ¡Mirad de qué se espanta: de detener una rueda de molino! Por Dios, ahora había vuestra merced de leer lo que hizo Felixmarte de Hircania, que de un revés solo partió cinco gigantes por la cintura, como si fueran hechos de habas, como los frailecicos que hacen los niños. Y otra vez arremetió con un grandísimo y poderosísimo ejército, donde llevó más de un millón y seiscientos mil soldados, todos armados desde el pie hasta la cabeza, y los desbarató a todos, como si fueran manadas de ovejas. Pues, ¿qué me dirán del bueno de don Cirongilio de Tracia, que fue tan valiente y animoso como se verá en el libro, donde cuenta que, navegando por un río, le salió de la mitad del agua una serpiente de fuego, y él, así como la vio, se arrojó sobre ella, y se puso a horcajadas encima de sus escamosas espaldas, y le apretó con ambas manos la garganta, con tanta fuerza que, viendo la serpiente que la iba ahogando, no tuvo otro remedio sino dejarse ir a lo hondo del río, llevándose tras sí al caballero, que nunca la quiso soltar? Y, cuando llegaron allá bajo, se halló en unos palacios y en unos jardines tan lindos que era maravilla; y luego la sierpe se volvió en un viejo anciano, que le dijo tantas de cosas que no hay más que oír. Calle, señor, que si oyese esto, se volvería loco de placer. ¡Dos higas para el Gran Capitán y para ese Diego García que dice! Oyendo esto Dorotea, dijo callando a Cardenio: — Poco le falta a nuestro huésped para hacer la segunda parte de don Quijote. — Así me parece a mí —respondió Cardenio—, porque, según da indicio, él tiene por cierto que todo lo que estos libros cuentan pasó ni más ni menos que lo escriben, y no le harán creer otra cosa frailes descalzos. — Mirad, hermano —tornó a decir el cura—, que no hubo en el mundo Felixmarte de Hircania, ni don Cirongilio de Tracia, ni otros caballeros semejantes que los libros de caballerías cuentan, porque todo es compostura y ficción de ingenios ociosos, que los compusieron para el efeto que vos decís de entretener el tiempo, como lo entretienen leyéndolos vuestros segadores; porque realmente os juro que nunca tales caballeros fueron en el mundo, ni tales hazañas ni disparates acontecieron en él. — ¡A otro perro con ese hueso! —respondió el ventero—. ¡Como si yo no supiese cuántas son cinco y adónde me aprieta el zapato! No piense vuestra merced darme papilla, porque por Dios que no soy nada blanco. ¡Bueno es que quiera darme vuestra merced a entender que todo aquello que estos buenos libros dicen sea disparates y mentiras, estando impreso con licencia de los señores del Consejo Real, como si ellos fueran gente que habían de dejar imprimir tanta mentira junta, y tantas batallas y tantos encantamentos que quitan el juicio! — Ya os he dicho, amigo —replicó el cura—, que esto se hace para entretener nuestros ociosos pensamientos; y, así como se consiente en las repúblicas bien concertadas que haya juegos de ajedrez, de pelota y de trucos, para entretener a algunos que ni tienen, ni deben, ni pueden trabajar, así se consiente imprimir y que haya tales libros, creyendo, como es verdad, que no ha de haber alguno tan ignorante que tenga por historia verdadera ninguna destos libros. Y si me fuera lícito agora, y el auditorio lo requiriera, yo dijera cosas acerca de lo que han de tener los libros de caballerías para ser buenos, que quizá fueran de provecho y aun de gusto para algunos; pero yo espero que vendrá tiempo en que lo pueda comunicar con quien pueda remediallo, y en este entretanto creed, señor ventero, lo que os he dicho, y tomad vuestros libros, y allá os avenid con sus verdades o mentiras, y buen provecho os hagan, y quiera Dios que no cojeéis del pie que cojea vuestro huésped don Quijote. — Eso no —respondió el ventero—, que no seré yo tan loco que me haga caballero andante: que bien veo que ahora no se usa lo que se usaba en aquel tiempo, cuando se dice que andaban por el mundo estos famosos caballeros. A la mitad desta plática se halló Sancho presente, y quedó muy confuso y pensativo de lo que había oído decir que ahora no se usaban caballeros andantes, y que todos los libros de caballerías eran necedades y mentiras, y propuso en su corazón de esperar en lo que paraba aquel viaje de su amo, y que si no salía con la felicidad que él pensaba, determinaba de dejalle y volverse con su mujer y sus hijos a su acostumbrado trabajo. Llevábase la maleta y los libros el ventero, mas el cura le dijo: — Esperad, que quiero ver qué papeles son esos que de tan buena letra están escritos. Sacólos el huésped, y, dándoselos a leer, vio hasta obra de ocho pliegos escritos de mano, y al principio tenían un título grande que decía: Novela del curioso impertinente. Leyó el cura para sí tres o cuatro renglones y dijo: — Cierto que no me parece mal el título desta novela, y que me viene voluntad de leella toda. A lo que respondió el ventero: — Pues bien puede leella su reverencia, porque le hago saber que algunos huéspedes que aquí la han leído les ha contentado mucho, y me la han pedido con muchas veras; mas yo no se la he querido dar, pensando volvérsela a quien aquí dejó esta maleta olvidada con estos libros y esos papeles; que bien puede ser que vuelva su dueño por aquí algún tiempo, y, aunque sé que me han de hacer falta los libros, a fe que se los he de volver: que, aunque ventero, todavía soy cristiano. — Vos tenéis mucha razón, amigo —dijo el cura—, mas, con todo eso, si la novela me contenta, me la habéis de dejar trasladar. — De muy buena gana —respondió el ventero. Mientras los dos esto decían, había tomado Cardenio la novela y comenzado a leer en ella; y, pareciéndole lo mismo que al cura, le rogó que la leyese de modo que todos la oyesen. — Sí leyera —dijo el cura—, si no fuera mejor gastar este tiempo en dormir que en leer. — Harto reposo será para mí —dijo Dorotea— entretener el tiempo oyendo algún cuento, pues aún no tengo el espíritu tan sosegado que me conceda dormir cuando fuera razón. — Pues desa manera —dijo el cura—, quiero leerla, por curiosidad siquiera; quizá tendrá alguna de gusto. Acudió maese Nicolás a rogarle lo mesmo, y Sancho también; lo cual visto del cura, y entendiendo que a todos daría gusto y él le recibiría, dijo: — Pues así es, esténme todos atentos, que la novela comienza desta manera: Capítulo XXXIII. Donde se cuenta la novela del Curioso impertinente «En Florencia, ciudad rica y famosa de Italia, en la provincia que llaman Toscana, vivían Anselmo y Lotario, dos caballeros ricos y principales, y tan amigos que, por excelencia y antonomasia, de todos los que los conocían los dos amigos eran llamados. Eran solteros, mozos de una misma edad y de unas mismas costumbres; todo lo cual era bastante causa a que los dos con recíproca amistad se correspondiesen. Bien es verdad que el Anselmo era algo más inclinado a los pasatiempos amorosos que el Lotario, al cual llevaban tras sí los de la caza; pero, cuando se ofrecía, dejaba Anselmo de acudir a sus gustos por seguir los de Lotario, y Lotario dejaba los suyos por acudir a los de Anselmo; y, desta manera, andaban tan a una sus voluntades, que no había concertado reloj que así lo anduviese. »Andaba Anselmo perdido de amores de una doncella principal y hermosa de la misma ciudad, hija de tan buenos padres y tan buena ella por sí, que se determinó, con el parecer de su amigo Lotario, sin el cual ninguna cosa hacía, de pedilla por esposa a sus padres, y así lo puso en ejecución; y el que llevó la embajada fue Lotario, y el que concluyó el negocio tan a gusto de su amigo, que en breve tiempo se vio puesto en la posesión que deseaba, y Camila tan contenta de haber alcanzado a Anselmo por esposo, que no cesaba de dar gracias al cielo, y a Lotario, por cuyo medio tanto bien le había venido. »Los primeros días, como todos los de boda suelen ser alegres, continuó Lotario, como solía, la casa de su amigo Anselmo, procurando honralle, festejalle y regocijalle con todo aquello que a él le fue posible; pero, acabadas las bodas y sosegada ya la frecuencia de las visitas y parabienes, comenzó Lotario a descuidarse con cuidado de las idas en casa de Anselmo, por parecerle a él —como es razón que parezca a todos los que fueren discretos— que no se han de visitar ni continuar las casas de los amigos casados de la misma manera que cuando eran solteros; porque, aunque la buena y verdadera amistad no puede ni debe de ser sospechosa en nada, con todo esto, es tan delicada la honra del casado, que parece que se puede ofender aun de los mesmos hermanos, cuanto más de los amigos. »Notó Anselmo la remisión de Lotario, y formó dél quejas grandes, diciéndole que si él supiera que el casarse había de ser parte para no comunicalle como solía, que jamás lo hubiera hecho, y que si, por la buena correspondencia que los dos tenían mientras él fue soltero, habían alcanzado tan dulce nombre como el de ser llamados los dos amigos, que no permitiese, por querer hacer del circunspecto, sin otra ocasión alguna, que tan famoso y tan agradable nombre se perdiese; y que así, le suplicaba, si era lícito que tal término de hablar se usase entre ellos, que volviese a ser señor de su casa, y a entrar y salir en ella como de antes, asegurándole que su esposa Camila no tenía otro gusto ni otra voluntad que la que él quería que tuviese, y que, por haber sabido ella con cuántas veras los dos se amaban, estaba confusa de ver en él tanta esquiveza. »A todas estas y otras muchas razones que Anselmo dijo a Lotario para persuadille volviese como solía a su casa, respondió Lotario con tanta prudencia, discreción y aviso, que Anselmo quedó satisfecho de la buena intención de su amigo, y quedaron de concierto que dos días en la semana y las fiestas fuese Lotario a comer con él; y, aunque esto quedó así concertado entre los dos, propuso Lotario de no hacer más de aquello que viese que más convenía a la honra de su amigo, cuyo crédito estimaba en más que el suyo proprio. Decía él, y decía bien, que el casado a quien el cielo había concedido mujer hermosa, tanto cuidado había de tener qué amigos llevaba a su casa como en mirar con qué amigas su mujer conversaba, porque lo que no se hace ni concierta en las plazas, ni en los templos, ni en las fiestas públicas, ni estaciones —cosas que no todas veces las han de negar los maridos a sus mujeres—, se concierta y facilita en casa de la amiga o la parienta de quien más satisfación se tiene. »También decía Lotario que tenían necesidad los casados de tener cada uno algún amigo que le advirtiese de los descuidos que en su proceder hiciese, porque suele acontecer que con el mucho amor que el marido a la mujer tiene, o no le advierte o no le dice, por no enojalla, que haga o deje de hacer algunas cosas, que el hacellas o no, le sería de honra o de vituperio; de lo cual, siendo del amigo advertido, fácilmente pondría remedio en todo. Pero, ¿dónde se hallará amigo tan discreto y tan leal y verdadero como aquí Lotario le pide? No lo sé yo, por cierto; sólo Lotario era éste, que con toda solicitud y advertimiento miraba por la honra de su amigo y procuraba dezmar, frisar y acortar los días del concierto del ir a su casa, porque no pareciese mal al vulgo ocioso y a los ojos vagabundos y maliciosos la entrada de un mozo rico, gentilhombre y bien nacido, y de las buenas partes que él pensaba que tenía, en la casa de una mujer tan hermosa como Camila; que, puesto que su bondad y valor podía poner freno a toda maldiciente lengua, todavía no quería poner en duda su crédito ni el de su amigo, y por esto los más de los días del concierto los ocupaba y entretenía en otras cosas, que él daba a entender ser inexcusables. Así que, en quejas del uno y disculpas del otro se pasaban muchos ratos y partes del día. »Sucedió, pues, que uno que los dos se andaban paseando por un prado fuera de la ciudad, Anselmo dijo a Lotario las semejantes razones: »—Pensabas, amigo Lotario, que a las mercedes que Dios me ha hecho en hacerme hijo de tales padres como fueron los míos y al darme, no con mano escasa, los bienes, así los que llaman de naturaleza como los de fortuna, no puedo yo corresponder con agradecimiento que llegue al bien recebido, y sobre al que me hizo en darme a ti por amigo y a Camila por mujer propria: dos prendas que las estimo, si no en el grado que debo, en el que puedo. Pues con todas estas partes, que suelen ser el todo con que los hombres suelen y pueden vivir contentos, vivo yo el más despechado y el más desabrido hombre de todo el universo mundo; porque no sé qué días a esta parte me fatiga y aprieta un deseo tan estraño, y tan fuera del uso común de otros, que yo me maravillo de mí mismo, y me culpo y me riño a solas, y procuro callarlo y encubrirlo de mis proprios pensamientos; y así me ha sido posible salir con este secreto como si de industria procurara decillo a todo el mundo. Y, pues que, en efeto, él ha de salir a plaza,quiero que sea en la del archivo de tu secreto, confiado que, con él y con la diligencia que pondrás, como mi amigo verdadero, en remediarme, yo me veré presto libre de la angustia que me causa, y llegará mi alegría por tu solicitud al grado que ha llegado mi descontento por mi locura. »Suspenso tenían a Lotario las razones de Anselmo, y no sabía en qué había de parar tan larga prevención o preámbulo; y, aunque iba revolviendo en su imaginación qué deseo podría ser aquel que a su amigo tanto fatigaba, dio siempre muy lejos del blanco de la verdad; y, por salir presto de la agonía que le causaba aquella suspensión, le dijo que hacía notorio agravio a su mucha amistad en andar buscando rodeos para decirle sus más encubiertos pensamientos, pues tenía cierto que se podía prometer dél, o ya consejos para entretenellos, o ya remedio para cumplillos. »—Así es la verdad —respondió Anselmo—, y con esa confianza te hago saber, amigo Lotario, que el deseo que me fatiga es pensar si Camila, mi esposa, es tan buena y tan perfeta como yo pienso; y no puedo enterarme en esta verdad, si no es probándola de manera que la prueba manifieste los quilates de su bondad, como el fuego muestra los del oro. Porque yo tengo para mí, ¡oh amigo!, que no es una mujer más buena de cuanto es o no es solicitada, y que aquella sola es fuerte que no se dobla a las promesas, a las dádivas, a las lágrimas y a las continuas importunidades de los solícitos amantes. Porque, ¿qué hay que agradecer —decía él— que una mujer sea buena, si nadie le dice que sea mala? ¿Qué mucho que esté recogida y temerosa la que no le dan ocasión para que se suelte, y la que sabe que tiene marido que, en cogiéndola en la primera desenvoltura, la ha de quitar la vida? Ansí que, la que es buena por temor, o por falta de lugar, yo no la quiero tener en aquella estima en que tendré a la solicitada y perseguida que salió con la corona del vencimiento. De modo que, por estas razones y por otras muchas que te pudiera decir para acreditar y fortalecer la opinión que tengo, deseo que Camila, mi esposa, pase por estas dificultades y se acrisole y quilate en el fuego de verse requerida y solicitada, y de quien tenga valor para poner en ella sus deseos; y si ella sale, como creo que saldrá, con la palma desta batalla, tendré yo por sin igual mi ventura; podré yo decir que está colmo el vacío de mis deseos; diré que me cupo en suerte la mujer fuerte, de quien el Sabio dice que ¿quién la hallará? Y, cuando esto suceda al revés de lo que pienso, con el gusto de ver que acerté en mi opinión, llevaré sin pena la que de razón podrá causarme mi tan costosa experiencia. Y, prosupuesto que ninguna cosa de cuantas me dijeres en contra de mi deseo ha de ser de algún provecho para dejar de ponerle por la obra, quiero, ¡oh amigo Lotario!, que te dispongas a ser el instrumento que labre aquesta obra de mi gusto; que yo te daré lugar para que lo hagas, sin faltarte todo aquello que yo viere ser necesario para solicitar a una mujer honesta, honrada, recogida y desinteresada. Y muéveme, entre otras cosas, a fiar de ti esta tan ardua empresa, el ver que si de ti es vencida Camila, no ha de llegar el vencimiento a todo trance y rigor, sino a sólo a tener por hecho lo que se ha de hacer, por buen respeto; y así, no quedaré yo ofendido más de con el deseo, y mi injuria quedará escondida en la virtud de tu silencio, que bien sé que en lo que me tocare ha de ser eterno como el de la muerte. Así que, si quieres que yo tenga vida que pueda decir que lo es, desde luego has de entrar en esta amorosa batalla, no tibia ni perezosamente, sino con el ahínco y diligencia que mi deseo pide, y con la confianza que nuestra amistad me asegura. »Éstas fueron las razones que Anselmo dijo a Lotario, a todas las cuales estuvo tan atento, que si no fueron las que quedan escritas que le dijo, no desplegó sus labios hasta que hubo acabado; y, viendo que no decía más, después que le estuvo mirando un buen espacio, como si mirara otra cosa que jamás hubiera visto, que le causara admiración y espanto, le dijo: »—No me puedo persuadir, ¡oh amigo Anselmo!, a que no sean burlas las cosas que me has dicho; que, a pensar que de veras las decías, no consintiera que tan adelante pasaras, porque con no escucharte previniera tu larga arenga. Sin duda imagino, o que no me conoces, o que yo no te conozco. Pero no; que bien sé que eres Anselmo, y tú sabes que yo soy Lotario; el daño está en que yo pienso que no eres el Anselmo que solías, y tú debes de haber pensado que tampoco yo soy el Lotario que debía ser, porque las cosas que me has dicho, ni son de aquel Anselmo mi amigo, ni las que me pides se han de pedir a aquel Lotario que tú conoces; porque los buenos amigos han de probar a sus amigos y valerse dellos, como dijo un poeta, usque ad aras; que quiso decir que no se habían de valer de su amistad en cosas que fuesen contra Dios. Pues, si esto sintió un gentil de la amistad, ¿cuánto mejor es que lo sienta el cristiano, que sabe que por ninguna humana ha de perder la amistad divina? Y cuando el amigo tirase tanto la barra que pusiese aparte los respetos del cielo por acudir a los de su amigo, no ha de ser por cosas ligeras y de poco momento, sino por aquellas en que vaya la honra y la vida de su amigo. Pues dime tú ahora, Anselmo: ¿cuál destas dos cosas tienes en peligro para que yo me aventure a complacerte y a hacer una cosa tan detestable como me pides? Ninguna, por cierto; antes, me pides, según yo entiendo, que procure y solicite quitarte la honra y la vida, y quitármela a mí juntamente. Porque si yo he de procurar quitarte la honra, claro está que te quito la vida, pues el hombre sin honra peor es que un muerto; y, siendo yo el instrumento, como tú quieres que lo sea, de tanto mal tuyo, ¿no vengo a quedar deshonrado, y, por el mesmo consiguiente, sin vida? Escucha, amigo Anselmo, y ten paciencia de no responderme hasta que acabe de decirte lo que se me ofreciere acerca de lo que te ha pedido tu deseo; que tiempo quedará para que tú me repliques y yo te escuche. »—Que me place —dijo Anselmo—: di lo que quisieres. »Y Lotario prosiguió diciendo: »—Paréceme, ¡oh Anselmo!, que tienes tú ahora el ingenio como el que siempre tienen los moros, a los cuales no se les puede dar a entender el error de su secta con las acotaciones de la Santa Escritura, ni con razones que consistan en especulación del entendimiento, ni que vayan fundadas en artículos de fe, sino que les han de traer ejemplos palpables, fáciles, intelegibles, demonstrativos, indubitables, con demostraciones matemáticas que no se pueden negar, como cuando dicen: "Si de dos partes iguales quitamos partes iguales, las que quedan también son iguales"; y, cuando esto no entiendan de palabra, como, en efeto, no lo entienden, háseles de mostrar con las manos y ponérselo delante de los ojos, y, aun con todo esto, no basta nadie con ellos a persuadirles las verdades de mi sacra religión. Y este mesmo término y modo me convendrá usar contigo, porque el deseo que en ti ha nacido va tan descaminado y tan fuera de todo aquello que tenga sombra de razonable, que me parece que ha de ser tiempo gastado el que ocupare en darte a entender tu simplicidad, que por ahora no le quiero dar otro nombre, y aun estoy por dejarte en tu desatino, en pena de tu mal deseo; mas no me deja usar deste rigor la amistad que te tengo, la cual no consiente que te deje puesto en tan manifiesto peligro de perderte. Y, porque claro lo veas, dime, Anselmo: ¿tú no me has dicho que tengo de solicitar a una retirada, persuadir a una honesta, ofrecer a una desinteresada, servir a una prudente? Sí que me lo has dicho. Pues si tú sabes que tienes mujer retirada, honesta, desinteresada y prudente, ¿qué buscas? Y si piensas que de todos mis asaltos ha de salir vencedora, como saldrá sin duda, ¿qué mejores títulos piensas darle después que los que ahora tiene, o qué será más después de lo que es ahora? O es que tú no la tienes por la que dices, o tú no sabes lo que pides. Si no la tienes por lo que dices, ¿para qué quieres probarla, sino, como a mala, hacer della lo que más te viniere en gusto? Mas si es tan buena como crees, impertinente cosa será hacer experiencia de la mesma verdad, pues, después de hecha, se ha de quedar con la estimación que primero tenía. Así que, es razón concluyente que el intentar las cosas de las cuales antes nos puede suceder daño que provecho es de juicios sin discurso y temerarios, y más cuando quieren intentar aquellas a que no son forzados ni compelidos, y que de muy lejos traen descubierto que el intentarlas es manifiesta locura. Las cosas dificultosas se intentan por Dios, o por el mundo, o por entrambos a dos: las que se acometen por Dios son las que acometieron los santos, acometiendo a vivir vida de ángeles en cuerpos humanos; las que se acometen por respeto del mundo son las de aquellos que pasan tanta infinidad de agua, tanta diversidad de climas, tanta estrañeza de gentes, por adquirir estos que llaman bienes de fortuna. Y las que se intentan por Dios y por el mundo juntamente son aquellas de los valerosos soldados, que apenas veen en el contrario muro abierto tanto espacio cuanto es el que pudo hacer una redonda bala de artillería, cuando, puesto aparte todo temor, sin hacer discurso ni advertir al manifiesto peligro que les amenaza, llevados en vuelo de las alas del deseo de volver por su fe, por su nación y por su rey, se arrojan intrépidamente por la mitad de mil contrapuestas muertes que los esperan. Estas cosas son las que suelen intentarse, y es honra, gloria y provecho intentarlas, aunque tan llenas de inconvenientes y peligros. Pero la que tú dices que quieres intentar y poner por obra, ni te ha de alcanzar gloria de Dios, bienes de la fortuna, ni fama con los hombres; porque, puesto que salgas con ella como deseas, no has de quedar ni más ufano, ni más rico, ni más honrado que estás ahora; y si no sales, te has de ver en la mayor miseria que imaginarse pueda, porque no te ha de aprovechar pensar entonces que no sabe nadie la desgracia que te ha sucedido, porque bastará para afligirte y deshacerte que la sepas tú mesmo. Y, para confirmación desta verdad, te quiero decir una estancia que hizo el famoso poeta Luis Tansilo, en el fin de su primera parte de Las lágrimas de San Pedro, que dice así: Crece el dolor y crece la vergüenza en Pedro, cuando el día se ha mostrado; y, aunque allí no ve a nadie, se avergüenza de sí mesmo, por ver que había pecado: que a un magnánimo pecho a haber vergüenza no sólo ha de moverle el ser mirado; que de sí se avergüenza cuando yerra, si bien otro no vee que cielo y tierra. Así que, no escusarás con el secreto tu dolor; antes, tendrás que llorar contino, si no lágrimas de los ojos, lágrimas de sangre del corazón, como las lloraba aquel simple doctor que nuestro poeta nos cuenta que hizo la prueba del vaso, que, con mejor discurso, se escusó de hacerla el prudente Reinaldos; que, puesto que aquello sea ficción poética, tiene en sí encerrados secretos morales dignos de ser advertidos y entendidos e imitados. Cuanto más que, con lo que ahora pienso decirte, acabarás de venir en conocimiento del grande error que quieres cometer. Dime, Anselmo, si el cielo, o la suerte buena, te hubiera hecho señor y legítimo posesor de un finísimo diamante, de cuya bondad y quilates estuviesen satisfechos cuantos lapidarios le viesen, y que todos a una voz y de común parecer dijesen que llegaba en quilates, bondad y fineza a cuanto se podía estender la naturaleza de tal piedra, y tú mesmo lo creyeses así, sin saber otra cosa en contrario, ¿sería justo que te viniese en deseo de tomar aquel diamante, y ponerle entre un ayunque y un martillo, y allí, a pura fuerza de golpes y brazos, probar si es tan duro y tan fino como dicen? Y más, si lo pusieses por obra; que, puesto caso que la piedra hiciese resistencia a tan necia prueba, no por eso se le añadiría más valor ni más fama; y si se rompiese, cosa que podría ser, ¿no se perdería todo? Sí, por cierto, dejando a su dueño en estimación de que todos le tengan por simple. Pues haz cuenta, Anselmo amigo, que Camila es fínisimo diamante, así en tu estimación como en la ajena, y que no es razón ponerla en contingencia de que se quiebre, pues, aunque se quede con su entereza, no puede subir a más valor del que ahora tiene; y si faltase y no resistiese, considera desde ahora cuál quedarías sin ella, y con cuánta razón te podrías quejar de ti mesmo, por haber sido causa de su perdición y la tuya. Mira que no hay joya en el mundo que tanto valga como la mujer casta y honrada, y que todo el honor de las mujeres consiste en la opinión buena que dellas se tiene; y, pues la de tu esposa es tal que llega al estremo de bondad que sabes, ¿para qué quieres poner esta verdad en duda? Mira, amigo, que la mujer es animal imperfecto, y que no se le han de poner embarazos donde tropiece y caiga, sino quitárselos y despejalle el camino de cualquier inconveniente, para que sin pesadumbre corra ligera a alcanzar la perfeción que le falta, que consiste en el ser virtuosa. Cuentan los naturales que el arminio es un animalejo que tiene una piel blanquísima, y que cuando quieren cazarle, los cazadores usan deste artificio: que, sabiendo las partes por donde suele pasar y acudir, las atajan con lodo, y después, ojeándole, le encaminan hacia aquel lugar, y así como el arminio llega al lodo, se está quedo y se deja prender y cautivar, a trueco de no pasar por el cieno y perder y ensuciar su blancura, que la estima en más que la libertad y la vida. La honesta y casta mujer es arminio, y es más que nieve blanca y limpia la virtud de la honestidad; y el que quisiere que no la pierda, antes la guarde y conserve, ha de usar de otro estilo diferente que con el arminio se tiene, porque no le han de poner delante el cieno de los regalos y servicios de los importunos amantes, porque quizá, y aun sin quizá, no tiene tanta virtud y fuerza natural que pueda por sí mesma atropellar y pasar por aquellos embarazos, y es necesario quitárselos y ponerle delante la limpieza de la virtud y la belleza que encierra en sí la buena fama. Es asimesmo la buena mujer como espejo de cristal luciente y claro; pero está sujeto a empañarse y escurecerse con cualquiera aliento que le toque. Hase de usar con la honesta mujer el estilo que con las reliquias: adorarlas y no tocarlas. Hase de guardar y estimar la mujer buena como se guarda y estima un hermoso jardín que está lleno de flores y rosas, cuyo dueño no consiente que nadie le pasee ni manosee; basta que desde lejos, y por entre las verjas de hierro, gocen de su fragrancia y hermosura. Finalmente, quiero decirte unos versos que se me han venido a la memoria, que los oí en una comedia moderna, que me parece que hacen al propósito de lo que vamos tratando. Aconsejaba un prudente viejo a otro, padre de una doncella, que la recogiese, guardase y encerrase, y entre otras razones, le dijo éstas: Es de vidrio la mujer; pero no se ha de probar si se puede o no quebrar, porque todo podría ser. Y es más fácil el quebrarse, y no es cordura ponerse a peligro de romperse lo que no puede soldarse. Y en esta opinión estén todos, y en razón la fundo: que si hay Dánaes en el mundo, hay pluvias de oro también. Cuanto hasta aquí te he dicho, ¡oh Anselmo!, ha sido por lo que a ti te toca; y ahora es bien que se oiga algo de lo que a mí me conviene; y si fuere largo, perdóname, que todo lo requiere el laberinto donde te has entrado y de donde quieres que yo te saque. Tú me tienes por amigo y quieres quitarme la honra, cosa que es contra toda amistad; y aun no sólo pretendes esto, sino que procuras que yo te la quite a ti. Que me la quieres quitar a mí está claro, pues, cuando Camila vea que yo la solicito, como me pides, cierto está que me ha de tener por hombre sin honra y mal mirado, pues intento y hago una cosa tan fuera de aquello que el ser quien soy y tu amistad me obliga. De que quieres que te la quite a ti no hay duda, porque, viendo Camila que yo la solicito, ha de pensar que yo he visto en ella alguna liviandad que me dio atrevimiento a descubrirle mi mal deseo; y, teniéndose por deshonrada, te toca a ti, como a cosa suya, su mesma deshonra. Y de aquí nace lo que comúnmente se platica: que el marido de la mujer adúltera, puesto que él no lo sepa ni haya dado ocasión para que su mujer no sea la que debe, ni haya sido en su mano, ni en su descuido y poco recato estorbar su desgracia, con todo, le llaman y le nombran con nombre de vituperio y bajo; y en cierta manera le miran, los que la maldad de su mujer saben, con ojos de menosprecio, en cambio de mirarle con los de lástima, viendo que no por su culpa, sino por el gusto de su mala compañera, está en aquella desventura. Pero quiérote decir la causa por que con justa razón es deshonrado el marido de la mujer mala, aunque él no sepa que lo es, ni tenga culpa, ni haya sido parte, ni dado ocasión, para que ella lo sea. Y no te canses de oírme, que todo ha de redundar en tu provecho. Cuando Dios crió a nuestro primero padre en el Paraíso terrenal, dice la Divina Escritura que infundió Dios sueño en Adán, y que, estando durmiendo, le sacó una costilla del lado siniestro, de la cual formó a nuestra madre Eva; y, así como Adán despertó y la miró, dijo: ''Ésta es carne de mi carne y hueso de mis huesos''. Y Dios dijo: ''Por ésta dejará el hombre a su padre y madre, y serán dos en una carne misma''. Y entonces fue instituido el divino sacramento del matrimonio, con tales lazos que sola la muerte puede desatarlos. Y tiene tanta fuerza y virtud este milagroso sacramento, que hace que dos diferentes personas sean una mesma carne; y aún hace más en los buenos casados, que, aunque tienen dos almas, no tienen más de una voluntad. Y de aquí viene que, como la carne de la esposa sea una mesma con la del esposo, las manchas que en ella caen, o los defectos que se procura, redundan en la carne del marido, aunque él no haya dado, como queda dicho, ocasión para aquel daño. Porque, así como el dolor del pie o de cualquier miembro del cuerpo humano le siente todo el cuerpo, por ser todo de una carne mesma, y la cabeza siente el daño del tobillo, sin que ella se le haya causado, así el marido es participante de la deshonra de la mujer, por ser una mesma cosa con ella. Y como las honras y deshonras del mundo sean todas y nazcan de carne y sangre, y las de la mujer mala sean deste género, es forzoso que al marido le quepa parte dellas, y sea tenido por deshonrado sin que él lo sepa. Mira, pues, ¡oh Anselmo!, al peligro que te pones en querer turbar el sosiego en que tu buena esposa vive. Mira por cuán vana e impertinente curiosidad quieres revolver los humores que ahora están sosegados en el pecho de tu casta esposa. Advierte que lo que aventuras a ganar es poco, y que lo que perderás será tanto que lo dejaré en su punto, porque me faltan palabras para encarecerlo. Pero si todo cuanto he dicho no basta a moverte de tu mal propósito, bien puedes buscar otro instrumento de tu deshonra y desventura, que yo no pienso serlo, aunque por ello pierda tu amistad, que es la mayor pérdida que imaginar puedo. »Calló, en diciendo esto, el virtuoso y prudente Lotario, y Anselmo quedó tan confuso y pensativo que por un buen espacio no le pudo responder palabra; pero, en fin, le dijo: »—Con la atención que has visto he escuchado, Lotario amigo, cuanto has querido decirme, y en tus razones, ejemplos y comparaciones he visto la mucha discreción que tienes y el estremo de la verdadera amistad que alcanzas; y ansimesmo veo y confieso que si no sigo tu parecer y me voy tras el mío, voy huyendo del bien y corriendo tras el mal. Prosupuesto esto, has de considerar que yo padezco ahora la enfermedad que suelen tener algunas mujeres, que se les antoja comer tierra, yeso, carbón y otras cosas peores, aun asquerosas para mirarse, cuanto más para comerse; así que, es menester usar de algún artificio para que yo sane, y esto se podía hacer con facilidad, sólo con que comiences, aunque tibia y fingidamente, a solicitar a Camila, la cual no ha de ser tan tierna que a los primeros encuentros dé con su honestidad por tierra; y con solo este principio quedaré contento y tú habrás cumplido con lo que debes a nuestra amistad, no solamente dándome la vida, sino persuadiéndome de no verme sin honra. Y estás obligado a hacer esto por una razón sola; y es que, estando yo, como estoy, determinado de poner en plática esta prueba, no has tú de consentir que yo dé cuenta de mi desatino a otra persona, con que pondría en aventura el honor que tú procuras que no pierda; y, cuando el tuyo no esté en el punto que debe en la intención de Camila en tanto que la solicitares, importa poco o nada, pues con brevedad, viendo en ella la entereza que esperamos, le podrás decir la pura verdad de nuestro artificio, con que volverá tu crédito al ser primero. Y, pues tan poco aventuras y tanto contento me puedes dar aventurándote, no lo dejes de hacer, aunque más inconvenientes se te pongan delante, pues, como ya he dicho, con sólo que comiences daré por concluida la causa. »Viendo Lotario la resoluta voluntad de Anselmo, y no sabiendo qué más ejemplos traerle ni qué más razones mostrarle para que no la siguiese, y viendo que le amenazaba que daría a otro cuenta de su mal deseo, por evitar mayor mal, determinó de contentarle y hacer lo que le pedía, con propósito e intención de guiar aquel negocio de modo que, sin alterar los pensamientos de Camila, quedase Anselmo satisfecho; y así, le respondió que no comunicase su pensamiento con otro alguno, que él tomaba a su cargo aquella empresa, la cual comenzaría cuando a él le diese más gusto. Abrazóle Anselmo tierna y amorosamente, y agradecióle su ofrecimiento, como si alguna grande merced le hubiera hecho; y quedaron de acuerdo entre los dos que desde otro día siguiente se comenzase la obra; que él le daría lugar y tiempo como a sus solas pudiese hablar a Camila, y asimesmo le daría dineros y joyas que darla y que ofrecerla. Aconsejóle que le diese músicas, que escribiese versos en su alabanza, y que, cuando él no quisiese tomar trabajo de hacerlos, él mesmo los haría. A todo se ofreció Lotario, bien con diferente intención que Anselmo pensaba. »Y con este acuerdo se volvieron a casa de Anselmo, donde hallaron a Camila con ansia y cuidado, esperando a su esposo, porque aquel día tardaba en venir más de lo acostumbrado. »Fuese Lotario a su casa, y Anselmo quedó en la suya, tan contento como Lotario fue pensativo, no sabiendo qué traza dar para salir bien de aquel impertinente negocio. Pero aquella noche pensó el modo que tendría para engañar a Anselmo, sin ofender a Camila; y otro día vino a comer con su amigo, y fue bien recebido de Camila, la cual le recebía y regalaba con mucha voluntad, por entender la buena que su esposo le tenía. »Acabaron de comer, levantaron los manteles y Anselmo dijo a Lotario que se quedase allí con Camila, en tanto que él iba a un negocio forzoso, que dentro de hora y media volvería. Rogóle Camila que no se fuese y Lotario se ofreció a hacerle compañía, más nada aprovechó con Anselmo; antes, importunó a Lotario que se quedase y le aguardase, porque tenía que tratar con él una cosa de mucha importancia. Dijo también a Camila que no dejase solo a Lotario en tanto que él volviese. En efeto, él supo tan bien fingir la necesidad, o necedad, de su ausencia, que nadie pudiera entender que era fingida. Fuese Anselmo, y quedaron solos a la mesa Camila y Lotario, porque la demás gente de casa toda se había ido a comer. Viose Lotario puesto en la estacada que su amigo deseaba y con el enemigo delante, que pudiera vencer con sola su hermosura a un escuadrón de caballeros armados: mirad si era razón que le temiera Lotario. »Pero lo que hizo fue poner el codo sobre el brazo de la silla y la mano abierta en la mejilla, y, pidiendo perdón a Camila del mal comedimiento, dijo que quería reposar un poco en tanto que Anselmo volvía. Camila le respondió que mejor reposaría en el estrado que en la silla, y así, le rogó se entrase a dormir en él. No quiso Lotario, y allí se quedó dormido hasta que volvió Anselmo, el cual, como halló a Camila en su aposento y a Lotario durmiendo, creyó que, como se había tardado tanto, ya habrían tenido los dos lugar para hablar, y aun para dormir, y no vio la hora en que Lotario despertase, para volverse con él fuera y preguntarle de su ventura. »Todo le sucedió como él quiso: Lotario despertó, y luego salieron los dos de casa, y así, le preguntó lo que deseaba, y le respondió Lotario que no le había parecido ser bien que la primera vez se descubriese del todo; y así, no había hecho otra cosa que alabar a Camila de hermosa, diciéndole que en toda la ciudad no se trataba de otra cosa que de su hermosura y discreción, y que éste le había parecido buen principio para entrar ganando la voluntad, y disponiéndola a que otra vez le escuchase con gusto, usando en esto del artificio que el demonio usa cuando quiere engañar a alguno que está puesto en atalaya de mirar por sí: que se transforma en ángel de luz, siéndolo él de tinieblas, y, poniéndole delante apariencias buenas, al cabo descubre quién es y sale con su intención, si a los principios no es descubierto su engaño. Todo esto le contentó mucho a Anselmo, y dijo que cada día daría el mesmo lugar, aunque no saliese de casa, porque en ella se ocuparía en cosas que Camila no pudiese venir en conocimiento de su artificio. »Sucedió, pues, que se pasaron muchos días que, sin decir Lotario palabra a Camila, respondía a Anselmo que la hablaba y jamás podía sacar della una pequeña muestra de venir en ninguna cosa que mala fuese, ni aun dar una señal de sombra de esperanza; antes, decía que le amenazaba que si de aquel mal pensamiento no se quitaba, que lo había de decir a su esposo. »—Bien está —dijo Anselmo—. Hasta aquí ha resistido Camila a las palabras; es menester ver cómo resiste a las obras: yo os daré mañana dos mil escudos de oro para que se los ofrezcáis, y aun se los deis, y otros tantos para que compréis joyas con que cebarla; que las mujeres suelen ser aficionadas, y más si son hermosas, por más castas que sean, a esto de traerse bien y andar galanas; y si ella resiste a esta tentación, yo quedaré satisfecho y no os daré más pesadumbre. »Lotario respondió que ya que había comenzado, que él llevaría hasta el fin aquella empresa, puesto que entendía salir della cansado y vencido. Otro día recibió los cuatro mil escudos, y con ellos cuatro mil confusiones, porque no sabía qué decirse para mentir de nuevo; pero, en efeto, determinó de decirle que Camila estaba tan entera a las dádivas y promesas como a las palabras, y que no había para qué cansarse más, porque todo el tiempo se gastaba en balde. »Pero la suerte, que las cosas guiaba de otra manera, ordenó que, habiendo dejado Anselmo solos a Lotario y a Camila, como otras veces solía, él se encerró en un aposento y por los agujeros de la cerradura estuvo mirando y escuchando lo que los dos trataban, y vio que en más de media hora Lotario no habló palabra a Camila, ni se la hablara si allí estuviera un siglo, y cayó en la cuenta de que cuanto su amigo le había dicho de las respuestas de Camila todo era ficción y mentira. Y, para ver si esto era ansí, salió del aposento, y, llamando a Lotario aparte, le preguntó qué nuevas había y de qué temple estaba Camila. Lotario le respondió que no pensaba más darle puntada en aquel negocio, porque respondía tan áspera y desabridamente, que no tendría ánimo para volver a decirle cosa alguna. »—¡Ah! —dijo Anselmo—, Lotario, Lotario, y cuán mal correspondes a lo que me debes y a lo mucho que de ti confío! Ahora te he estado mirando por el lugar que concede la entrada desta llave, y he visto que no has dicho palabra a Camila, por donde me doy a entender que aun las primeras le tienes por decir; y si esto es así, como sin duda lo es, ¿para qué me engañas, o por qué quieres quitarme con tu industria los medios que yo podría hallar para conseguir mi deseo? »No dijo más Anselmo, pero bastó lo que había dicho para dejar corrido y confuso a Lotario; el cual, casi como tomando por punto de honra el haber sido hallado en mentira, juró a Anselmo que desde aquel momento tomaba tan a su cargo el contentalle y no mentille, cual lo vería si con curiosidad lo espiaba; cuanto más, que no sería menester usar de ninguna diligencia, porque la que él pensaba poner en satisfacelle le quitaría de toda sospecha. Creyóle Anselmo, y para dalle comodidad más segura y menos sobresaltada, determinó de hacer ausencia de su casa por ocho días, yéndose a la de un amigo suyo, que estaba en una aldea, no lejos de la ciudad, con el cual amigo concertó que le enviase a llamar con muchas veras, para tener ocasión con Camila de su partida. »¡Desdichado y mal advertido de ti, Anselmo! ¿Qué es lo que haces? ¿Qué es lo que trazas? ¿Qué es lo que ordenas? Mira que haces contra ti mismo, trazando tu deshonra y ordenando tu perdición. Buena es tu esposa Camila, quieta y sosegadamente la posees, nadie sobresalta tu gusto, sus pensamientos no salen de las paredes de su casa, tú eres su cielo en la tierra, el blanco de sus deseos, el cumplimiento de sus gustos y la medida por donde mide su voluntad, ajustándola en todo con la tuya y con la del cielo. Pues si la mina de su honor, hermosura, honestidad y recogimiento te da sin ningún trabajo toda la riqueza que tiene y tú puedes desear, ¿para qué quieres ahondar la tierra y buscar nuevas vetas de nuevo y nunca visto tesoro, poniéndote a peligro que toda venga abajo, pues, en fin, se sustenta sobre los débiles arrimos de su flaca naturaleza? Mira que el que busca lo imposible es justo que lo posible se le niegue, como lo dijo mejor un poeta, diciendo: Busco en la muerte la vida, salud en la enfermedad, en la prisión libertad, en lo cerrado salida y en el traidor lealtad. Pero mi suerte, de quien jamás espero algún bien, con el cielo ha estatuido que, pues lo imposible pido, lo posible aun no me den. »Fuese otro día Anselmo a la aldea, dejando dicho a Camila que el tiempo que él estuviese ausente vendría Lotario a mirar por su casa y a comer con ella; que tuviese cuidado de tratalle como a su mesma persona. Afligióse Camila, como mujer discreta y honrada, de la orden que su marido le dejaba, y díjole que advirtiese que no estaba bien que nadie, él ausente, ocupase la silla de su mesa, y que si lo hacía por no tener confianza que ella sabría gobernar su casa, que probase por aquella vez, y vería por experiencia como para mayores cuidados era bastante. Anselmo le replicó que aquél era su gusto, y que no tenía más que hacer que bajar la cabeza y obedecelle. Camila dijo que ansí lo haría, aunque contra su voluntad. »Partióse Anselmo, y otro día vino a su casa Lotario, donde fue rescebido de Camila con amoroso y honesto acogimiento; la cual jamás se puso en parte donde Lotario la viese a solas, porque siempre andaba rodeada de sus criados y criadas, especialmente de una doncella suya, llamada Leonela, a quien ella mucho quería, por haberse criado desde niñas las dos juntas en casa de los padres de Camila, y cuando se casó con Anselmo la trujo consigo. »En los tres días primeros nunca Lotario le dijo nada, aunque pudiera, cuando se levantaban los manteles y la gente se iba a comer con mucha priesa, porque así se lo tenía mandado Camila. Y aun tenía orden Leonela que comiese primero que Camila, y que de su lado jamás se quitase; mas ella, que en otras cosas de su gusto tenía puesto el pensamiento y había menester aquellas horas y aquel lugar para ocuparle en sus contentos, no cumplía todas veces el mandamiento de su señora; antes, los dejaba solos, como si aquello le hubieran mandado. Mas la honesta presencia de Camila, la gravedad de su rostro, la compostura de su persona era tanta, que ponía freno a la lengua de Lotario. »Pero el provecho que las muchas virtudes de Camila hicieron, poniendo silencio en la lengua de Lotario, redundó más en daño de los dos, porque si la lengua callaba, el pensamiento discurría y tenía lugar de contemplar, parte por parte, todos los estremos de bondad y de hermosura que Camila tenía, bastantes a enamorar una estatua de mármol, no que un corazón de carne. »Mirábala Lotario en el lugar y espacio que había de hablarla, y consideraba cuán digna era de ser amada; y esta consideración comenzó poco a poco a dar asaltos a los respectos que a Anselmo tenía, y mil veces quiso ausentarse de la ciudad y irse donde jamás Anselmo le viese a él, ni él viese a Camila; mas ya le hacía impedimento y detenía el gusto que hallaba en mirarla. Hacíase fuerza y peleaba consigo mismo por desechar y no sentir el contento que le llevaba a mirar a Camila. Culpábase a solas de su desatino, llamábase mal amigo y aun mal cristiano; hacía discursos y comparaciones entre él y Anselmo, y todos paraban en decir que más había sido la locura y confianza de Anselmo que su poca fidelidad, y que si así tuviera disculpa para con Dios como para con los hombres de lo que pensaba hacer, que no temiera pena por su culpa. »En efecto, la hermosura y la bondad de Camila, juntamente con la ocasión que el ignorante marido le había puesto en las manos, dieron con la lealtad de Lotario en tierra. Y, sin mirar a otra cosa que aquella a que su gusto le inclinaba, al cabo de tres días de la ausencia de Anselmo, en los cuales estuvo en continua batalla por resistir a sus deseos, comenzó a requebrar a Camila, con tanta turbación y con tan amorosas razones que Camila quedó suspensa, y no hizo otra cosa que levantarse de donde estaba y entrarse a su aposento, sin respondelle palabra alguna. Mas no por esta sequedad se desmayó en Lotario la esperanza, que siempre nace juntamente con el amor; antes, tuvo en más a Camila. La cual, habiendo visto en Lotario lo que jamás pensara, no sabía qué hacerse. Y, pareciéndole no ser cosa segura ni bien hecha darle ocasión ni lugar a que otra vez la hablase, determinó de enviar aquella mesma noche, como lo hizo, a un criado suyo con un billete a Anselmo, donde le escribió estas razones: Capítulo XXXIV. Donde se prosigue la novela del Curioso impertinente »Así como suele decirse que parece mal el ejército sin su general y el castillo sin su castellano, digo yo que parece muy peor la mujer casada y moza sin su marido, cuando justísimas ocasiones no lo impiden. Yo me hallo tan mal sin vos, y tan imposibilitada de no poder sufrir esta ausencia, que si presto no venís, me habré de ir a entretener en casa de mis padres, aunque deje sin guarda la vuestra; porque la que me dejastes, si es que quedó con tal título, creo que mira más por su gusto que por lo que a vos os toca; y, pues sois discreto, no tengo más que deciros, ni aun es bien que más os diga. »Esta carta recibió Anselmo, y entendió por ella que Lotario había ya comenzado la empresa, y que Camila debía de haber respondido como él deseaba; y, alegre sobremanera de tales nuevas, respondió a Camila, de palabra, que no hiciese mudamiento de su casa en modo ninguno, porque él volvería con mucha brevedad. Admirada quedó Camila de la respuesta de Anselmo, que la puso en más confusión que primero, porque ni se atrevía a estar en su casa, ni menos irse a la de sus padres; porque en la quedada corría peligro su honestidad, y en la ida iba contra el mandamiento de su esposo. »En fin, se resolvió en lo que le estuvo peor, que fue en el quedarse, con determinación de no huir la presencia de Lotario, por no dar que decir a sus criados; y ya le pesaba de haber escrito lo que escribió a su esposo, temerosa de que no pensase que Lotario había visto en ella alguna desenvoltura que le hubiese movido a no guardalle el decoro que debía. Pero, fiada en su bondad, se fió en Dios y en su buen pensamiento, con que pensaba resistir callando a todo aquello que Lotario decirle quisiese, sin dar más cuenta a su marido, por no ponerle en alguna pendencia y trabajo. Y aun andaba buscando manera como disculpar a Lotario con Anselmo, cuando le preguntase la ocasión que le había movido a escribirle aquel papel. Con estos pensamientos, más honrados que acertados ni provechosos, estuvo otro día escuchando a Lotario, el cual cargó la mano de manera que comenzó a titubear la firmeza de Camila, y su honestidad tuvo harto que hacer en acudir a los ojos, para que no diesen muestra de alguna amorosa compasión que las lágrimas y las razones de Lotario en su pecho habían despertado. Todo esto notaba Lotario, y todo le encendía. »Finalmente, a él le pareció que era menester, en el espacio y lugar que daba la ausencia de Anselmo, apretar el cerco a aquella fortaleza. Y así, acometió a su presunción con las alabanzas de su hermosura, porque no hay cosa que más presto rinda y allane las encastilladas torres de la vanidad de las hermosas que la mesma vanidad, puesta en las lenguas de la adulación. En efecto, él, con toda diligencia, minó la roca de su entereza, con tales pertrechos que, aunque Camila fuera toda de bronce, viniera al suelo. Lloró, rogó, ofreció, aduló, porfió, y fingió Lotario con tantos sentimientos, con muestras de tantas veras, que dio al través con el recato de Camila y vino a triunfar de lo que menos se pensaba y más deseaba. »Rindióse Camila, Camila se rindió; pero, ¿qué mucho, si la amistad de Lotario no quedó en pie? Ejemplo claro que nos muestra que sólo se vence la pasión amorosa con huilla, y que nadie se ha de poner a brazos con tan poderoso enemigo, porque es menester fuerzas divinas para vencer las suyas humanas. Sólo supo Leonela la flaqueza de su señora, porque no se la pudieron encubrir los dos malos amigos y nuevos amantes. No quiso Lotario decir a Camila la pretensión de Anselmo, ni que él le había dado lugar para llegar a aquel punto, porque no tuviese en menos su amor y pensase que así, acaso y sin pensar, y no de propósito, la había solicitado. »Volvió de allí a pocos días Anselmo a su casa, y no echó de ver lo que faltaba en ella, que era lo que en menos tenía y más estimaba. Fuese luego a ver a Lotario, y hallóle en su casa; abrazáronse los dos, y el uno preguntó por las nuevas de su vida o de su muerte. »—Las nuevas que te podré dar, ¡oh amigo Anselmo! —dijo Lotario—, son de que tienes una mujer que dignamente puede ser ejemplo y corona de todas las mujeres buenas. Las palabras que le he dicho se las ha llevado el aire, los ofrecimientos se han tenido en poco, las dádivas no se han admitido, de algunas lágrimas fingidas mías se ha hecho burla notable. En resolución, así como Camila es cifra de toda belleza, es archivo donde asiste la honestidad y vive el comedimiento y el recato, y todas las virtudes que pueden hacer loable y bien afortunada a una honrada mujer. Vuelve a tomar tus dineros, amigo, que aquí los tengo, sin haber tenido necesidad de tocar a ellos; que la entereza de Camila no se rinde a cosas tan bajas como son dádivas ni promesas. Conténtate, Anselmo, y no quieras hacer más pruebas de las hechas; y, pues a pie enjuto has pasado el mar de las dificultades y sospechas que de las mujeres suelen y pueden tenerse, no quieras entrar de nuevo en el profundo piélago de nuevos inconvenientes, ni quieras hacer experiencia con otro piloto de la bondad y fortaleza del navío que el cielo te dio en suerte para que en él pasases la mar deste mundo, sino haz cuenta que estás ya en seguro puerto, y aférrate con las áncoras de la buena consideración, y déjate estar hasta que te vengan a pedir la deuda que no hay hidalguía humana que de pagarla se escuse. »Contentísimo quedó Anselmo de las razones de Lotario, y así se las creyó como si fueran dichas por algún oráculo. Pero, con todo eso, le rogó que no dejase la empresa, aunque no fuese más de por curiosidad y entretenimiento, aunque no se aprovechase de allí adelante de tan ahincadas diligencias como hasta entonces; y que sólo quería que le escribiese algunos versos en su alabanza, debajo del nombre de Clori, porque él le daría a entender a Camila que andaba enamorado de una dama, a quien le había puesto aquel nombre por poder celebrarla con el decoro que a su honestidad se le debía; y que, cuando Lotario no quisiera tomar trabajo de escribir los versos, que él los haría. »—No será menester eso —dijo Lotario—, pues no me son tan enemigas las musas que algunos ratos del año no me visiten. Dile tú a Camila lo que has dicho del fingimiento de mis amores, que los versos yo los haré; si no tan buenos como el subjeto merece, serán, por lo menos, los mejores que yo pudiere. »Quedaron deste acuerdo el impertinente y el traidor amigo; y, vuelto Anselmo a su casa, preguntó a Camila lo que ella ya se maravillaba que no se lo hubiese preguntado: que fue que le dijese la ocasión por que le había escrito el papel que le envió. Camila le respondió que le había parecido que Lotario la miraba un poco más desenvueltamente que cuando él estaba en casa; pero que ya estaba desengañada y creía que había sido imaginación suya, porque ya Lotario huía de vella y de estar con ella a solas. Díjole Anselmo que bien podía estar segura de aquella sospecha, porque él sabía que Lotario andaba enamorado de una doncella principal de la ciudad, a quien él celebraba debajo del nombre de Clori, y que, aunque no lo estuviera, no había que temer de la verdad de Lotario y de la mucha amistad de entrambos. Y, a no estar avisada Camila de Lotario de que eran fingidos aquellos amores de Clori, y que él se lo había dicho a Anselmo por poder ocuparse algunos ratos en las mismas alabanzas de Camila, ella, sin duda, cayera en la desesperada red de los celos; mas, por estar ya advertida, pasó aquel sobresalto sin pesadumbre. »Otro día, estando los tres sobre mesa, rogó Anselmo a Lotario dijese alguna cosa de las que había compuesto a su amada Clori; que, pues Camila no la conocía, seguramente podía decir lo que quisiese. »—Aunque la conociera —respondió Lotario—, no encubriera yo nada, porque cuando algún amante loa a su dama de hermosa y la nota de cruel, ningún oprobrio hace a su buen crédito. Pero, sea lo que fuere, lo que sé decir, que ayer hice un soneto a la ingratitud desta Clori, que dice ansí: Soneto En el silencio de la noche, cuando ocupa el dulce sueño a los mortales, la pobre cuenta de mis ricos males estoy al cielo y a mi Clori dando. Y, al tiempo cuando el sol se va mostrando por las rosadas puertas orientales, con suspiros y acentos desiguales, voy la antigua querella renovando. Y cuando el sol, de su estrellado asiento, derechos rayos a la tierra envía, el llanto crece y doblo los gemidos. Vuelve la noche, y vuelvo al triste cuento, y siempre hallo, en mi mortal porfía, al cielo, sordo; a Clori, sin oídos. »Bien le pareció el soneto a Camila, pero mejor a Anselmo, pues le alabó, y dijo que era demasiadamente cruel la dama que a tan claras verdades no correspondía. A lo que dijo Camila: »—Luego, ¿todo aquello que los poetas enamorados dicen es verdad? »—En cuanto poetas, no la dicen —respondió Lotario—; mas, en cuanto enamorados, siempre quedan tan cortos como verdaderos. »—No hay duda deso —replicó Anselmo, todo por apoyar y acreditar los pensamientos de Lotario con Camila, tan descuidada del artificio de Anselmo como ya enamorada de Lotario. »Y así, con el gusto que de sus cosas tenía, y más, teniendo por entendido que sus deseos y escritos a ella se encaminaban, y que ella era la verdadera Clori, le rogó que si otro soneto o otros versos sabía, los dijese: »—Sí sé —respondió Lotario—, pero no creo que es tan bueno como el primero, o, por mejor decir, menos malo. Y podréislo bien juzgar, pues es éste: Soneto Yo sé que muero; y si no soy creído, es más cierto el morir, como es más cierto verme a tus pies, ¡oh bella ingrata!, muerto, antes que de adorarte arrepentido. Podré yo verme en la región de olvido, de vida y gloria y de favor desierto, y allí verse podrá en mi pecho abierto cómo tu hermoso rostro está esculpido. Que esta reliquia guardo para el duro trance que me amenaza mi porfía, que en tu mismo rigor se fortalece. ¡Ay de aquel que navega, el cielo escuro, por mar no usado y peligrosa vía, adonde norte o puerto no se ofrece! »También alabó este segundo soneto Anselmo, como había hecho el primero, y desta manera iba añadiendo eslabón a eslabón a la cadena con que se enlazaba y trababa su deshonra, pues cuando más Lotario le deshonraba, entonces le decía que estaba más honrado; y, con esto, todos los escalones que Camila bajaba hacia el centro de su menosprecio, los subía, en la opinión de su marido, hacia la cumbre de la virtud y de su buena fama. »Sucedió en esto que, hallándose una vez, entre otras, sola Camila con su doncella, le dijo: »—Corrida estoy, amiga Leonela, de ver en cuán poco he sabido estimarme, pues siquiera no hice que con el tiempo comprara Lotario la entera posesión que le di tan presto de mi voluntad. Temo que ha de estimar mi presteza o ligereza, sin que eche de ver la fuerza que él me hizo para no poder resistirle. »—No te dé pena eso, señora mía —respondió Leonela—, que no está la monta, ni es causa para menguar la estimación, darse lo que se da presto, si, en efecto, lo que se da es bueno, y ello por sí digno de estimarse. Y aun suele decirse que el que luego da, da dos veces. »—También se suele decir —dijo Camila— que lo que cuesta poco se estima en menos. »—No corre por ti esa razón —respondió Leonela—, porque el amor, según he oído decir, unas veces vuela y otras anda, con éste corre y con aquél va despacio, a unos entibia y a otros abrasa, a unos hiere y a otros mata, en un mesmo punto comienza la carrera de sus deseos y en aquel mesmo punto la acaba y concluye, por la mañana suele poner el cerco a una fortaleza y a la noche la tiene rendida, porque no hay fuerza que le resista. Y, siendo así, ¿de qué te espantas, o de qué temes, si lo mismo debe de haber acontecido a Lotario, habiendo tomado el amor por instrumento de rendirnos la ausencia de mi señor? Y era forzoso que en ella se concluyese lo que el amor tenía determinado, sin dar tiempo al tiempo para que Anselmo le tuviese de volver, y con su presencia quedase imperfecta la obra. Porque el amor no tiene otro mejor ministro para ejecutar lo que desea que es la ocasión: de la ocasión se sirve en todos sus hechos, principalmente en los principios. Todo esto sé yo muy bien, más de experiencia que de oídas, y algún día te lo diré, señora, que yo también soy de carne y de sangre moza. Cuanto más, señora Camila, que no te entregaste ni diste tan luego, que primero no hubieses visto en los ojos, en los suspiros, en las razones y en las promesas y dádivas de Lotario toda su alma, viendo en ella y en sus virtudes cuán digno era Lotario de ser amado. Pues si esto es ansí, no te asalten la imaginación esos escrupulosos y melindrosos pensamientos, sino asegúrate que Lotario te estima como tú le estimas a él, y vive con contento y satisfación de que, ya que caíste en el lazo amoroso, es el que te aprieta de valor y de estima. Y que no sólo tiene las cuatro eses que dicen que han de tener los buenos enamorados, sino todo un ABC entero: si no, escúchame y verás como te le digo de coro. Él es, según yo veo y a mí me parece, agradecido, bueno, caballero, dadivoso, enamorado, firme, gallardo, honrado, ilustre, leal, mozo, noble, onesto, principal, quantioso, rico, y las eses que dicen; y luego, tácito, verdadero. La X no le cuadra, porque es letra áspera; la Y ya está dicha; la Z, zelador de tu honra. »Rióse Camila del ABC de su doncella, y túvola por más plática en las cosas de amor que ella decía; y así lo confesó ella, descubriendo a Camila como trataba amores con un mancebo bien nacido, de la mesma ciudad; de lo cual se turbó Camila, temiendo que era aquél camino por donde su honra podía correr riesgo. Apuróla si pasaban sus pláticas a más que serlo. Ella, con poca vergüenza y mucha desenvoltura, le respondió que sí pasaban; porque es cosa ya cierta que los descuidos de las señoras quitan la vergüenza a las criadas, las cuales, cuando ven a las amas echar traspiés, no se les da nada a ellas de cojear, ni de que lo sepan. »No pudo hacer otra cosa Camila sino rogar a Leonela no dijese nada de su hecho al que decía ser su amante, y que tratase sus cosas con secreto, porque no viniesen a noticia de Anselmo ni de Lotario. Leonela respondió que así lo haría, mas cumpliólo de manera que hizo cierto el temor de Camila de que por ella había de perder su crédito. Porque la deshonesta y atrevida Leonela, después que vio que el proceder de su ama no era el que solía, atrevióse a entrar y poner dentro de casa a su amante, confiada que, aunque su señora le viese, no había de osar descubrille; que este daño acarrean, entre otros, los pecados de las señoras: que se hacen esclavas de sus mesmas criadas y se obligan a encubrirles sus deshonestidades y vilezas, como aconteció con Camila; que, aunque vio una y muchas veces que su Leonela estaba con su galán en un aposento de su casa, no sólo no la osaba reñir, mas dábale lugar a que lo encerrase, y quitábale todos los estorbos, para que no fuese visto de su marido. »Pero no los pudo quitar que Lotario no le viese una vez salir, al romper del alba; el cual, sin conocer quién era, pensó primero que debía de ser alguna fantasma; mas, cuando le vio caminar, embozarse y encubrirse con cuidado y recato, cayó de su simple pensamiento y dio en otro, que fuera la perdición de todos si Camila no lo remediara. Pensó Lotario que aquel hombre que había visto salir tan a deshora de casa de Anselmo no había entrado en ella por Leonela, ni aun se acordó si Leonela era en el mundo; sólo creyó que Camila, de la misma manera que había sido fácil y ligera con él, lo era para otro; que estas añadiduras trae consigo la maldad de la mujer mala: que pierde el crédito de su honra con el mesmo a quien se entregó rogada y persuadida, y cree que con mayor facilidad se entrega a otros, y da infalible crédito a cualquiera sospecha que desto le venga. Y no parece sino que le faltó a Lotario en este punto todo su buen entendimiento, y se le fueron de la memoria todos sus advertidos discursos, pues, sin hacer alguno que bueno fuese, ni aun razonable, sin más ni más, antes que Anselmo se levantase, impaciente y ciego de la celosa rabia que las entrañas le roía, muriendo por vengarse de Camila, que en ninguna cosa le había ofendido, se fue a Anselmo y le dijo: »—Sábete, Anselmo, que ha muchos días que he andado peleando conmigo mesmo, haciéndome fuerza a no decirte lo que ya no es posible ni justo que más te encubra. Sábete que la fortaleza de Camila está ya rendida y sujeta a todo aquello que yo quisiere hacer della; y si he tardado en descubrirte esta verdad, ha sido por ver si era algún liviano antojo suyo, o si lo hacía por probarme y ver si eran con propósito firme tratados los amores que, con tu licencia, con ella he comenzado. Creí, ansimismo, que ella, si fuera la que debía y la que entrambos pensábamos, ya te hubiera dado cuenta de mi solicitud, pero, habiendo visto que se tarda, conozco que son verdaderas las promesas que me ha dado de que, cuando otra vez hagas ausencia de tu casa, me hablará en la recámara, donde está el repuesto de tus alhajas —y era la verdad, que allí le solía hablar Camila—; y no quiero que precipitosamente corras a hacer alguna venganza, pues no está aún cometido el pecado sino con pensamiento, y podría ser que, desde éste hasta el tiempo de ponerle por obra, se mudase el de Camila y naciese en su lugar el arrepentimiento. Y así, ya que, en todo o en parte, has seguido siempre mis consejos, sigue y guarda uno que ahora te diré, para que sin engaño y con medroso advertimento te satisfagas de aquello que más vieres que te convenga. Finge que te ausentas por dos o tres días, como otras veces sueles, y haz de manera que te quedes escondido en tu recámara, pues los tapices que allí hay y otras cosas con que te puedas encubrir te ofrecen mucha comodidad, y entonces verás por tus mismos ojos, y yo por los míos, lo que Camila quiere; y si fuere la maldad que se puede temer antes que esperar, con silencio, sagacidad y discreción podrás ser el verdugo de tu agravio. »Absorto, suspenso y admirado quedó Anselmo con las razones de Lotario, porque le cogieron en tiempo donde menos las esperaba oír, porque ya tenía a Camila por vencedora de los fingidos asaltos de Lotario y comenzaba a gozar la gloria del vencimiento. Callando estuvo por un buen espacio, mirando al suelo sin mover pestaña, y al cabo dijo: »—Tú lo has hecho, Lotario, como yo esperaba de tu amistad; en todo he de seguir tu consejo: haz lo que quisieres y guarda aquel secreto que ves que conviene en caso tan no pensado. »Prometióselo Lotario, y, en apartándose dél, se arrepintió totalmente de cuanto le había dicho, viendo cuán neciamente había andado, pues pudiera él vengarse de Camila, y no por camino tan cruel y tan deshonrado. Maldecía su entendimiento, afeaba su ligera determinación, y no sabía qué medio tomarse para deshacer lo hecho, o para dalle alguna razonable salida. Al fin, acordó de dar cuenta de todo a Camila; y, como no faltaba lugar para poderlo hacer, aquel mismo día la halló sola, y ella, así como vio que le podía hablar, le dijo. »—Sabed, amigo Lotario, que tengo una pena en el corazón que me le aprieta de suerte que parece que quiere reventar en el pecho, y ha de ser maravilla si no lo hace, pues ha llegado la desvergüenza de Leonela a tanto, que cada noche encierra a un galán suyo en esta casa y se está con él hasta el día, tan a costa de mi crédito cuanto le quedará campo abierto de juzgarlo al que le viere salir a horas tan inusitadas de mi casa. Y lo que me fatiga es que no la puedo castigar ni reñir: que el ser ella secretario de nuestros tratos me ha puesto un freno en la boca para callar los suyos, y temo que de aquí ha de nacer algún mal suceso. »Al principio que Camila esto decía creyó Lotario que era artificio para desmentille que el hombre que había visto salir era de Leonela, y no suyo; pero, viéndola llorar y afligirse, y pedirle remedio, vino a creer la verdad, y, en creyéndola, acabó de estar confuso y arrepentido del todo. Pero, con todo esto, respondió a Camila que no tuviese pena, que él ordenaría remedio para atajar la insolencia de Leonela. Díjole asimismo lo que, instigado de la furiosa rabia de los celos, había dicho a Anselmo, y cómo estaba concertado de esconderse en la recámara, para ver desde allí a la clara la poca lealtad que ella le guardaba. Pidióle perdón desta locura, y consejo para poder remedialla y salir bien de tan revuelto laberinto como su mal discurso le había puesto. »Espantada quedó Camila de oír lo que Lotario le decía, y con mucho enojo y muchas y discretas razones le riñó y afeó su mal pensamiento y la simple y mala determinación que había tenido. Pero, como naturalmente tiene la mujer ingenio presto para el bien y para el mal más que el varón, puesto que le va faltando cuando de propósito se pone a hacer discursos, luego al instante halló Camila el modo de remediar tan al parecer inremediable negocio, y dijo a Lotario que procurase que otro día se escondiese Anselmo donde decía, porque ella pensaba sacar de su escondimiento comodidad para que desde allí en adelante los dos se gozasen sin sobresalto alguno; y, sin declararle del todo su pensamiento, le advirtió que tuviese cuidado que, en estando Anselmo escondido, él viniese cuando Leonela le llamase, y que a cuanto ella le dijese le respondiese como respondiera aunque no supiera que Anselmo le escuchaba. Porfió Lotario que le acabase de declarar su intención, porque con más seguridad y aviso guardase todo lo que viese ser necesario. »—Digo —dijo Camila— que no hay más que guardar, si no fuere responderme como yo os preguntare (no queriendo Camila darle antes cuenta de lo que pensaba hacer, temerosa que no quisiese seguir el parecer que a ella tan bueno le parecía, y siguiese o buscase otros que no podrían ser tan buenos). »Con esto, se fue Lotario; y Anselmo, otro día, con la escusa de ir aquella aldea de su amigo, se partió y volvió a esconderse: que lo pudo hacer con comodidad, porque de industria se la dieron Camila y Leonela. »Escondido, pues, Anselmo, con aquel sobresalto que se puede imaginar que tendría el que esperaba ver por sus ojos hacer notomía de las entrañas de su honra, íbase a pique de perder el sumo bien que él pensaba que tenía en su querida Camila. Seguras ya y ciertas Camila y Leonela que Anselmo estaba escondido, entraron en la recámara; y apenas hubo puesto los pies en ella Camilia, cuando, dando un grande suspiro, dijo: »—¡Ay, Leonela amiga! ¿No sería mejor que, antes que llegase a poner en ejecución lo que no quiero que sepas, porque no procures estorbarlo, que tomases la daga de Anselmo, que te he pedido, y pasases con ella este infame pecho mío? Pero no hagas tal, que no será razón que yo lleve la pena de la ajena culpa. Primero quiero saber qué es lo que vieron en mí los atrevidos y deshonestos ojos de Lotario que fuese causa de darle atrevimiento a descubrirme un tan mal deseo como es el que me ha descubierto, en desprecio de su amigo y en deshonra mía. Ponte, Leonela, a esa ventana y llámale, que, sin duda alguna, él debe de estar en la calle, esperando poner en efeto su mala intención. Pero primero se pondrá la cruel cuanto honrada mía. »—¡Ay, señora mía! —respondió la sagaz y advertida Leonela—, y ¿qué es lo que quieres hacer con esta daga? ¿Quieres por ventura quitarte la vida o quitársela a Lotario? Que cualquiera destas cosas que quieras ha de redundar en pérdida de tu crédito y fama. Mejor es que disimules tu agravio, y no des lugar a que este mal hombre entre ahora en esta casa y nos halle solas. Mira, señora, que somos flacas mujeres, y él es hombre y determinado; y, como viene con aquel mal propósito, ciego y apasionado, quizá antes que tú pongas en ejecución el tuyo, hará él lo que te estaría más mal que quitarte la vida. ¡Mal haya mi señor Anselmo, que tanto mal ha querido dar a este desuellacaras en su casa! Y ya, señora, que le mates, como yo pienso que quieres hacer, ¿qué hemos de hacer dél después de muerto? »—¿Qué, amiga? —respondió Camila—: dejarémosle para que Anselmo le entierre, pues será justo que tenga por descanso el trabajo que tomare en poner debajo de la tierra su misma infamia. Llámale, acaba, que todo el tiempo que tardo en tomar la debida venganza de mi agravio parece que ofendo a la lealtad que a mi esposo debo. »Todo esto escuchaba Anselmo, y, a cada palabra que Camila decía, se le mudaban los pensamientos; mas, cuando entendió que estaba resuelta en matar a Lotario, quiso salir y descubrirse, porque tal cosa no se hiciese; pero detúvole el deseo de ver en qué paraba tanta gallardía y honesta resolución, con propósito de salir a tiempo que la estorbase. »Tomóle en esto a Camila un fuerte desmayo, y, arrojándose encima de una cama que allí estaba, comenzó Leonela a llorar muy amargamente y a decir: »—¡Ay, desdichada de mí si fuese tan sin ventura que se me muriese aquí entre mis brazos la flor de la honestidad del mundo, la corona de las buenas mujeres, el ejemplo de la castidad...! »Con otras cosas a éstas semejantes, que ninguno la escuchara que no la tuviera por la más lastimada y leal doncella del mundo, y a su señora por otra nueva y perseguida Penélope. Poco tardó en volver de su desmayo Camila; y, al volver en sí, dijo: »—¿Por qué no vas, Leonela, a llamar al más leal amigo de amigo que vio el sol o cubrió la noche? Acaba, corre, aguija, camina, no se esfogue con la tardanza el fuego de la cólera que tengo, y se pase en amenazas y maldiciones la justa venganza que espero. »—Ya voy a llamarle, señora mía —dijo Leonela—, mas hasme de dar primero esa daga, porque no hagas cosa, en tanto que falto, que dejes con ella que llorar toda la vida a todos los que bien te quieren. »—Ve segura, Leonela amiga, que no haré —respondió Camila—; porque, ya que sea atrevida y simple a tu parecer en volver por mi honra, no lo he de ser tanto como aquella Lucrecia de quien dicen que se mató sin haber cometido error alguno, y sin haber muerto primero a quien tuvo la causa de su desgracia. Yo moriré, si muero, pero ha de ser vengada y satisfecha del que me ha dado ocasión de venir a este lugar a llorar sus atrevimientos, nacidos tan sin culpa mía. »Mucho se hizo de rogar Leonela antes que saliese a llamar a Lotario, pero, en fin, salió; y, entre tanto que volvía, quedó Camilia diciendo, como que hablaba consigo misma: »—¡Válame Dios! ¿No fuera más acertado haber despedido a Lotario, como otras muchas veces lo he hecho, que no ponerle en condición, como ya le he puesto, que me tenga por deshonesta y mala, siquiera este tiempo que he de tardar en desengañarle? Mejor fuera, sin duda; pero no quedara yo vengada, ni la honra de mi marido satisfecha, si tan a manos lavadas y tan a paso llano se volviera a salir de donde sus malos pensamientos le entraron. Pague el traidor con la vida lo que intentó con tan lascivo deseo: sepa el mundo, si acaso llegare a saberlo, de que Camila no sólo guardó la lealtad a su esposo, sino que le dio venganza del que se atrevió a ofendelle. Mas, con todo, creo que fuera mejor dar cuenta desto a Anselmo, pero ya se la apunté a dar en la carta que le escribí al aldea, y creo que el no acudir él al remedio del daño que allí le señalé, debió de ser que, de puro bueno y confiado, no quiso ni pudo creer que en el pecho de su tan firme amigo pudiese caber género de pensamiento que contra su honra fuese; ni aun yo lo creí después, por muchos días, ni lo creyera jamás, si su insolencia no llegara a tanto, que las manifiestas dádivas y las largas promesas y las continuas lágrimas no me lo manifestaran. Mas, ¿para qué hago yo ahora estos discursos? ¿Tiene, por ventura, una resulución gallarda necesidad de consejo alguno? No, por cierto. ¡Afuera, pues, traidores; aquí, venganzas! ¡Entre el falso, venga, llegue, muera y acabe, y suceda lo que sucediere! Limpia entré en poder del que el cielo me dio por mío, limpia he de salir dél; y, cuando mucho, saldré bañada en mi casta sangre, y en la impura del más falso amigo que vio la amistad en el mundo. »Y, diciendo esto, se paseaba por la sala con la daga desenvainada, dando tan desconcertados y desaforados pasos, y haciendo tales ademanes, que no parecía sino que le faltaba el juicio, y que no era mujer delicada, sino un rufián desesperado. »Todo lo miraba Anselmo, cubierto detrás de unos tapices donde se había escondido, y de todo se admiraba, y ya le parecía que lo que había visto y oído era bastante satisfación para mayores sospechas; y ya quisiera que la prueba de venir Lotario faltara, temeroso de algún mal repentino suceso. Y, estando ya para manifestarse y salir, para abrazar y desengañar a su esposa, se detuvo porque vio que Leonela volvía con Lotario de la mano; y, así como Camila le vio, haciendo con la daga en el suelo una gran raya delante della, le dijo: »—Lotario, advierte lo que te digo: si a dicha te atrevieres a pasar desta raya que ves, ni aun llegar a ella, en el punto que viere que lo intentas, en ese mismo me pasaré el pecho con esta daga que en las manos tengo. Y, antes que a esto me respondas palabra, quiero que otras algunas me escuches; que después responderás lo que más te agradare. Lo primero, quiero, Lotario, que me digas si conoces a Anselmo, mi marido, y en qué opinión le tienes; y lo segundo, quiero saber también si me conoces a mí. Respóndeme a esto, y no te turbes, ni pienses mucho lo que has de responder, pues no son dificultades las que te pregunto. »No era tan ignorante Lotario que, desde el primer punto que Camila le dijo que hiciese esconder a Anselmo, no hubiese dado en la cuenta de lo que ella pensaba hacer; y así, correspondió con su intención tan discretamente, y tan a tiempo, que hicieran los dos pasar aquella mentira por más que cierta verdad; y así, respondió a Camila desta manera: »—No pensé yo, hermosa Camila, que me llamabas para preguntarme cosas tan fuera de la intención con que yo aquí vengo. Si lo haces por dilatarme la prometida merced, desde más lejos pudieras entretenerla, porque tanto más fatiga el bien deseado cuanto la esperanza está más cerca de poseello; pero, porque no digas que no respondo a tus preguntas, digo que conozco a tu esposo Anselmo, y nos conocemos los dos desde nuestros más tiernos años; y no quiero decir lo que tú tan bien sabes de nuestra amistad, por no me hacer testigo del agravio que el amor hace que le haga, poderosa disculpa de mayores yerros. A ti te conozco y tengo en la misma posesión que él te tiene; que, a no ser así, por menos prendas que las tuyas no había yo de ir contra lo que debo a ser quien soy y contra las santas leyes de la verdadera amistad, ahora por tan poderoso enemigo como el amor por mí rompidas y violadas. »—Si eso confiesas —respondió Camila—, enemigo mortal de todo aquello que justamente merece ser amado, ¿con qué rostro osas parecer ante quien sabes que es el espejo donde se mira aquel en quien tú te debieras mirar, para que vieras con cuán poca ocasión le agravias? Pero ya cayo, ¡ay, desdichada de mí!, en la cuenta de quién te ha hecho tener tan poca con lo que a ti mismo debes, que debe de haber sido alguna desenvoltura mía, que no quiero llamarla deshonestidad, pues no habrá procedido de deliberada determinación, sino de algún descuido de los que las mujeres que piensan que no tienen de quién recatarse suelen hacer inadvertidamente. Si no, dime: ¿cuándo, ¡oh traidor!, respondí a tus ruegos con alguna palabra o señal que pudiese despertar en ti alguna sombra de esperanza de cumplir tus infames deseos? ¿Cuándo tus amorosas palabras no fueron deshechas y reprehendidas de las mías con rigor y con aspereza? ¿Cuándo tus muchas promesas y mayores dádivas fueron de mí creídas, ni admitidas? Pero, por parecerme que alguno no puede perseverar en el intento amoroso luengo tiempo, si no es sustentado de alguna esperanza, quiero atribuirme a mí la culpa de tu impertinencia, pues, sin duda, algún descuido mío ha sustentado tanto tiempo tu cuidado; y así, quiero castigarme y darme la pena que tu culpa merece. Y, porque vieses que, siendo conmigo tan inhumana, no era posible dejar de serlo contigo, quise traerte a ser testigo del sacrificio que pienso hacer a la ofendida honra de mi tan honrado marido, agraviado de ti con el mayor cuidado que te ha sido posible, y de mí también con el poco recato que he tenido del huir la ocasión, si alguna te di, para favorecer y canonizar tus malas intenciones. Torno a decir que la sospecha que tengo que algún descuido mío engendró en ti tan desvariados pensamientos es la que más me fatiga, y la que yo más deseo castigar con mis propias manos, porque, castigándome otro verdugo, quizá sería más pública mi culpa; pero, antes que esto haga, quiero matar muriendo, y llevar conmigo quien me acabe de satisfacer el deseo de la venganza que espero y tengo, viendo allá, dondequiera que fuere, la pena que da la justicia desinteresada y que no se dobla al que en términos tan desesperados me ha puesto. »Y, diciendo estas razones, con una increíble fuerza y ligereza arremetió a Lotario con la daga desenvainada, con tales muestras de querer enclavársela en el pecho, que casi él estuvo en duda si aquellas demostraciones eran falsas o verdaderas, porque le fue forzoso valerse de su industria y de su fuerza para estorbar que Camila no le diese. La cual tan vivamente fingía aquel estraño embuste y fealdad que, por dalle color de verdad, la quiso matizar con su misma sangre; porque, viendo que no podía haber a Lotario, o fingiendo que no podía, dijo: »—Pues la suerte no quiere satisfacer del todo mi tan justo deseo, a lo menos, no será tan poderosa que, en parte, me quite que no le satisfaga. Y, haciendo fuerza para soltar la mano de la daga, que Lotario la tenía asida, la sacó, y, guiando su punta por parte que pudiese herir no profundamente, se la entró y escondió por más arriba de la islilla del lado izquierdo, junto al hombro, y luego se dejó caer en el suelo, como desmayada. »Estaban Leonela y Lotario suspensos y atónitos de tal suceso, y todavía dudaban de la verdad de aquel hecho, viendo a Camila tendida en tierra y bañada en su sangre. Acudió Lotario con mucha presteza, despavorido y sin aliento, a sacar la daga, y, en ver la pequeña herida, salió del temor que hasta entonces tenía, y de nuevo se admiró de la sagacidad, prudencia y mucha discreción de la hermosa Camila; y, por acudir con lo que a él le tocaba, comenzó a hacer una larga y triste lamentación sobre el cuerpo de Camila, como si estuviera difunta, echándose muchas maldiciones, no sólo a él, sino al que había sido causa de habelle puesto en aquel término. Y, como sabía que le escuchaba su amigo Anselmo, decía cosas que el que le oyera le tuviera mucha más lástima que a Camila, aunque por muerta la juzgara. »Leonela la tomó en brazos y la puso en el lecho, suplicando a Lotario fuese a buscar quien secretamente a Camila curase; pedíale asimismo consejo y parecer de lo que dirían a Anselmo de aquella herida de su señora, si acaso viniese antes que estuviese sana. Él respondió que dijesen lo que quisiesen, que él no estaba para dar consejo que de provecho fuese; sólo le dijo que procurase tomarle la sangre, porque él se iba adonde gentes no le viesen. Y, con muestras de mucho dolor y sentimiento, se salió de casa; y, cuando se vio solo y en parte donde nadie le veía, no cesaba de hacerse cruces, maravillándose de la industria de Camila y de los ademanes tan proprios de Leonela. Consideraba cuán enterado había de quedar Anselmo de que tenía por mujer a una segunda Porcia, y deseaba verse con él para celebrar los dos la mentira y la verdad más disimulada que jamás pudiera imaginarse. »Leonela tomó, como se ha dicho, la sangre a su señora, que no era más de aquello que bastó para acreditar su embuste; y, lavando con un poco de vino la herida, se la ató lo mejor que supo, diciendo tales razones, en tanto que la curaba, que, aunque no hubieran precedido otras, bastaran a hacer creer a Anselmo que tenía en Camila un simulacro de la honestidad. »Juntáronse a las palabras de Leonela otras de Camila, llamándose cobarde y de poco ánimo, pues le había faltado al tiempo que fuera más necesario tenerle, para quitarse la vida, que tan aborrecida tenía. Pedía consejo a su doncella si daría, o no, todo aquel suceso a su querido esposo; la cual le dijo que no se lo dijese, porque le pondría en obligación de vengarse de Lotario, lo cual no podría ser sin mucho riesgo suyo, y que la buena mujer estaba obligada a no dar ocasión a su marido a que riñese, sino a quitalle todas aquellas que le fuese posible. »Respondió Camila que le parecía muy bien su parecer y que ella le seguiría; pero que en todo caso convenía buscar qué decir a Anselmo de la causa de aquella herida, que él no podría dejar de ver; a lo que Leonela respondía que ella, ni aun burlando, no sabía mentir. »—Pues yo, hermana —replicó Camila—, ¿qué tengo de saber, que no me atreveré a forjar ni sustentar una mentira, si me fuese en ello la vida? Y si es que no hemos de saber dar salida a esto, mejor será decirle la verdad desnuda, que no que nos alcance en mentirosa cuenta. »—No tengas pena, señora: de aquí a mañana —respondió Leonela— yo pensaré qué le digamos, y quizá que, por ser la herida donde es, la podrás encubrir sin que él la vea, y el cielo será servido de favorecer a nuestros tan justos y tan honrados pensamientos. Sosiégate, señora mía, y procura sosegar tu alteración, porque mi señor no te halle sobresaltada, y lo demás déjalo a mi cargo, y al de Dios, que siempre acude a los buenos deseos. »Atentísimo había estado Anselmo a escuchar y a ver representar la tragedia de la muerte de su honra; la cual con tan estraños y eficaces afectos la representaron los personajes della, que pareció que se habían transformado en la misma verdad de lo que fingían. Deseaba mucho la noche, y el tener lugar para salir de su casa, y ir a verse con su buen amigo Lotario, congratulándose con él de la margarita preciosa que había hallado en el desengaño de la bondad de su esposa. Tuvieron cuidado las dos de darle lugar y comodidad a que saliese, y él, sin perdella, salió y luego fue a buscar a Lotario, el cual hallado, no se puede buenamente contar los abrazos que le dio, las cosas que de su contento le dijo, las alabanzas que dio a Camila. Todo lo cual escuchó Lotario sin poder dar muestras de alguna alegría, porque se le representaba a la memoria cuán engañado estaba su amigo y cuán injustamente él le agraviaba. Y, aunque Anselmo veía que Lotario no se alegraba, creía ser la causa por haber dejado a Camila herida y haber él sido la causa; y así, entre otras razones, le dijo que no tuviese pena del suceso de Camila, porque, sin duda, la herida era ligera, pues quedaban de concierto de encubrírsela a él; y que, según esto, no había de qué temer, sino que de allí adelante se gozase y alegrase con él, pues por su industria y medio él se veía levantado a la más alta felicidad que acertara desearse, y quería que no fuesen otros sus entretenimientos que en hacer versos en alabanza de Camila, que la hiciesen eterna en la memoria de los siglos venideros. Lotario alabó su buena determinación y dijo que él, por su parte, ayudaría a levantar tan ilustre edificio. »Con esto quedó Anselmo el hombre más sabrosamente engañado que pudo haber en el mundo: él mismo llevó por la mano a su casa, creyendo que llevaba el instrumento de su gloria, toda la perdición de su fama. Recebíale Camila con rostro, al parecer, torcido, aunque con alma risueña. Duró este engaño algunos días, hasta que, al cabo de pocos meses, volvió Fortuna su rueda y salió a plaza la maldad con tanto artificio hasta allí cubierta, y a Anselmo le costó la vida su impertinente curiosidad.» Capítulo XXXV. Donde se da fin a la novela del Curioso impertinente Poco más quedaba por leer de la novela, cuando del caramanchón donde reposaba don Quijote salió Sancho Panza todo alborotado, diciendo a voces: — Acudid, señores, presto y socorred a mi señor, que anda envuelto en la más reñida y trabada batalla que mis ojos han visto. ¡Vive Dios, que ha dado una cuchillada al gigante enemigo de la señora princesa Micomicona, que le ha tajado la cabeza, cercen a cercen, como si fuera un nabo! — ¿Qué dices, hermano? —dijo el cura, dejando de leer lo que de la novela quedaba—. ¿Estáis en vos, Sancho? ¿Cómo diablos puede ser eso que decís, estando el gigante dos mil leguas de aquí? En esto, oyeron un gran ruido en el aposento, y que don Quijote decía a voces: — ¡Tente, ladrón, malandrín, follón, que aquí te tengo, y no te ha de valer tu cimitarra! Y parecía que daba grandes cuchilladas por las paredes. Y dijo Sancho: — No tienen que pararse a escuchar, sino entren a despartir la pelea, o a ayudar a mi amo; aunque ya no será menester, porque, sin duda alguna, el gigante está ya muerto, y dando cuenta a Dios de su pasada y mala vida, que yo vi correr la sangre por el suelo, y la cabeza cortada y caída a un lado, que es tamaña como un gran cuero de vino. — Que me maten —dijo a esta sazón el ventero— si don Quijote, o don diablo, no ha dado alguna cuchillada en alguno de los cueros de vino tinto que a su cabecera estaban llenos, y el vino derramado debe de ser lo que le parece sangre a este buen hombre. Y, con esto, entró en el aposento, y todos tras él, y hallaron a don Quijote en el más estraño traje del mundo: estaba en camisa, la cual no era tan cumplida que por delante le acabase de cubrir los muslos, y por detrás tenía seis dedos menos; las piernas eran muy largas y flacas, llenas de vello y no nada limpias; tenía en la cabeza un bonetillo colorado, grasiento, que era del ventero; en el brazo izquierdo tenía revuelta la manta de la cama, con quien tenía ojeriza Sancho, y él se sabía bien el porqué; y en la derecha, desenvainada la espada, con la cual daba cuchilladas a todas partes, diciendo palabras como si verdaderamente estuviera peleando con algún gigante. Y es lo bueno que no tenía los ojos abiertos, porque estaba durmiendo y soñando que estaba en batalla con el gigante; que fue tan intensa la imaginación de la aventura que iba a fenecer, que le hizo soñar que ya había llegado al reino de Micomicón, y que ya estaba en la pelea con su enemigo. Y había dado tantas cuchilladas en los cueros, creyendo que las daba en el gigante, que todo el aposento estaba lleno de vino; lo cual visto por el ventero, tomó tanto enojo que arremetió con don Quijote, y a puño cerrado le comenzó a dar tantos golpes que si Cardenio y el cura no se le quitaran, él acabara la guerra del gigante; y, con todo aquello, no despertaba el pobre caballero, hasta que el barbero trujo un gran caldero de agua fría del pozo y se le echó por todo el cuerpo de golpe, con lo cual despertó don Quijote; mas no con tanto acuerdo que echase de ver de la manera que estaba. Dorotea, que vio cuán corta y sotilmente estaba vestido, no quiso entrar a ver la batalla de su ayudador y de su contrario. Andaba Sancho buscando la cabeza del gigante por todo el suelo, y, como no la hallaba, dijo: — Ya yo sé que todo lo desta casa es encantamento; que la otra vez, en este mesmo lugar donde ahora me hallo, me dieron muchos mojicones y porrazos, sin saber quién me los daba, y nunca pude ver a nadie; y ahora no parece por aquí esta cabeza que vi cortar por mis mismísimos ojos, y la sangre corría del cuerpo como de una fuente. — ¿Qué sangre ni qué fuente dices, enemigo de Dios y de sus santos? —dijo el ventero—. ¿No vees, ladrón, que la sangre y la fuente no es otra cosa que estos cueros que aquí están horadados y el vino tinto que nada en este aposento, que nadando vea yo el alma en los infiernos de quien los horadó? — No sé nada —respondió Sancho—; sólo sé que vendré a ser tan desdichado que, por no hallar esta cabeza, se me ha de deshacer mi condado como la sal en el agua. Y estaba peor Sancho despierto que su amo durmiendo: tal le tenían las promesas que su amo le había hecho. El ventero se desesperaba de ver la flema del escudero y el maleficio del señor, y juraba que no había de ser como la vez pasada, que se le fueron sin pagar; y que ahora no le habían de valer los previlegios de su caballería para dejar de pagar lo uno y lo otro, aun hasta lo que pudiesen costar las botanas que se habían de echar a los rotos cueros. Tenía el cura de las manos a don Quijote, el cual, creyendo que ya había acabado la aventura, y que se hallaba delante de la princesa Micomicona, se hincó de rodillas delante del cura, diciendo: — Bien puede la vuestra grandeza, alta y famosa señora, vivir, de hoy más, segura que le pueda hacer mal esta mal nacida criatura; y yo también, de hoy más, soy quito de la palabra que os di, pues, con el ayuda del alto Dios y con el favor de aquella por quien yo vivo y respiro, tan bien la he cumplido. — ¿No lo dije yo? —dijo oyendo esto Sancho—. Sí que no estaba yo borracho: ¡mirad si tiene puesto ya en sal mi amo al gigante! ¡Ciertos son los toros: mi condado está de molde! ¿Quién no había de reír con los disparates de los dos, amo y mozo? Todos reían sino el ventero, que se daba a Satanás. Pero, en fin, tanto hicieron el barbero, Cardenio y el cura que, con no poco trabajo, dieron con don Quijote en la cama, el cual se quedó dormido, con muestras de grandísimo cansancio. Dejáronle dormir, y saliéronse al portal de la venta a consolar a Sancho Panza de no haber hallado la cabeza del gigante; aunque más tuvieron que hacer en aplacar al ventero, que estaba desesperado por la repentina muerte de sus cueros. Y la ventera decía en voz y en grito: — En mal punto y en hora menguada entró en mi casa este caballero andante, que nunca mis ojos le hubieran visto, que tan caro me cuesta. La vez pasada se fue con el costo de una noche, de cena, cama, paja y cebada, para él y para su escudero, y un rocín y un jumento, diciendo que era caballero aventurero (que mala ventura le dé Dios a él y a cuantos aventureros hay en el mundo) y que por esto no estaba obligado a pagar nada, que así estaba escrito en los aranceles de la caballería andantesca. Y ahora, por su respeto, vino estotro señor y me llevó mi cola, y hámela vuelto con más de dos cuartillos de daño, toda pelada, que no puede servir para lo que la quiere mi marido. Y, por fin y remate de todo, romperme mis cueros y derramarme mi vino; que derramada le vea yo su sangre. ¡Pues no se piense; que, por los huesos de mi padre y por el siglo de mi madre, si no me lo han de pagar un cuarto sobre otro, o no me llamaría yo como me llamo ni sería hija de quien soy! Estas y otras razones tales decía la ventera con grande enojo, y ayudábala su buena criada Maritornes. La hija callaba, y de cuando en cuando se sonreía. El cura lo sosegó todo, prometiendo de satisfacerles su pérdida lo mejor que pudiese, así de los cueros como del vino, y principalmente del menoscabo de la cola, de quien tanta cuenta hacían. Dorotea consoló a Sancho Panza diciéndole que cada y cuando que pareciese haber sido verdad que su amo hubiese descabezado al gigante, le prometía, en viéndose pacífica en su reino, de darle el mejor condado que en él hubiese. Consolóse con esto Sancho, y aseguró a la princesa que tuviese por cierto que él había visto la cabeza del gigante, y que, por más señas, tenía una barba que le llegaba a la cintura; y que si no parecía, era porque todo cuanto en aquella casa pasaba era por vía de encantamento, como él lo había probado otra vez que había posado en ella. Dorotea dijo que así lo creía, y que no tuviese pena, que todo se haría bien y sucedería a pedir de boca. Sosegados todos, el cura quiso acabar de leer la novela, porque vio que faltaba poco. Cardenio, Dorotea y todos los demás le rogaron la acabase. Él, que a todos quiso dar gusto, y por el que él tenía de leerla, prosiguió el cuento, que así decía: «Sucedió, pues, que, por la satisfación que Anselmo tenía de la bondad de Camila, vivía una vida contenta y descuidada, y Camila, de industria, hacía mal rostro a Lotario, porque Anselmo entendiese al revés de la voluntad que le tenía; y, para más confirmación de su hecho, pidió licencia Lotario para no venir a su casa, pues claramente se mostraba la pesadumbre que con su vista Camila recebía; mas el engañado Anselmo le dijo que en ninguna manera tal hiciese. Y, desta manera, por mil maneras era Anselmo el fabricador de su deshonra, creyendo que lo era de su gusto. »En esto, el que tenía Leonela de verse cualificada, no de con sus amores, llegó a tanto que, sin mirar a otra cosa, se iba tras él a suelta rienda, fiada en que su señora la encubría, y aun la advertía del modo que con poco recelo pudiese ponerle en ejecución. En fin, una noche sintió Anselmo pasos en el aposento de Leonela, y, queriendo entrar a ver quién los daba, sintió que le detenían la puerta, cosa que le puso más voluntad de abrirla; y tanta fuerza hizo, que la abrió, y entró dentro a tiempo que vio que un hombre saltaba por la ventana a la calle; y, acudiendo con presteza a alcanzarle o conocerle, no pudo conseguir lo uno ni lo otro, porque Leonela se abrazó con él, diciéndole: »—Sosiégate, señor mío, y no te alborotes, ni sigas al que de aquí saltó; es cosa mía, y tanto, que es mi esposo. »No lo quiso creer Anselmo; antes, ciego de enojo, sacó la daga y quiso herir a Leonela, diciéndole que le dijese la verdad, si no, que la mataría. Ella, con el miedo, sin saber lo que se decía, le dijo: »—No me mates, señor, que yo te diré cosas de más importancia de las que puedes imaginar. »—Dilas luego —dijo Anselmo—; si no, muerta eres. »—Por ahora será imposible —dijo Leonela—, según estoy de turbada; déjame hasta mañana, que entonces sabrás de mí lo que te ha de admirar; y está seguro que el que saltó por esta ventana es un mancebo desta ciudad, que me ha dado la mano de ser mi esposo. »Sosegóse con esto Anselmo y quiso aguardar el término que se le pedía, porque no pensaba oír cosa que contra Camila fuese, por estar de su bondad tan satisfecho y seguro; y así, se salió del aposento y dejó encerrada en él a Leonela, diciéndole que de allí no saldría hasta que le dijese lo que tenía que decirle. »Fue luego a ver a Camila y a decirle, como le dijo, todo aquello que con su doncella le había pasado, y la palabra que le había dado de decirle grandes cosas y de importancia. Si se turbó Camila o no, no hay para qué decirlo, porque fue tanto el temor que cobró, creyendo verdaderamente —y era de creer— que Leonela había de decir a Anselmo todo lo que sabía de su poca fe, que no tuvo ánimo para esperar si su sospecha salía falsa o no. Y aquella mesma noche, cuando le pareció que Anselmo dormía, juntó las mejores joyas que tenía y algunos dineros, y, sin ser de nadie sentida, salió de casa y se fue a la de Lotario, a quien contó lo que pasaba, y le pidió que la pusiese en cobro, o que se ausentasen los dos donde de Anselmo pudiesen estar seguros. La confusión en que Camila puso a Lotario fue tal, que no le sabía responder palabra, ni menos sabía resolverse en lo que haría. »En fin, acordó de llevar a Camila a un monesterio, en quien era priora una su hermana. Consintió Camila en ello, y, con la presteza que el caso pedía, la llevó Lotario y la dejó en el monesterio, y él, ansimesmo, se ausentó luego de la ciudad, sin dar parte a nadie de su ausencia. »Cuando amaneció, sin echar de ver Anselmo que Camila faltaba de su lado, con el deseo que tenía de saber lo que Leonela quería decirle, se levantó y fue adonde la había dejado encerrada. Abrió y entró en el aposento, pero no halló en él a Leonela: sólo halló puestas unas sábanas añudadas a la ventana, indicio y señal que por allí se había descolgado e ido. Volvió luego muy triste a decírselo a Camila, y, no hallándola en la cama ni en toda la casa, quedó asombrado.Preguntó a los criados de casa por ella, pero nadie le supo dar razón de lo que pedía. »Acertó acaso, andando a buscar a Camila, que vio sus cofres abiertos y que dellos faltaban las más de sus joyas, y con esto acabó de caer en la cuenta de su desgracia, y en que no era Leonela la causa de su desventura. Y, ansí como estaba, sin acabarse de vestir, triste y pensativo, fue a dar cuenta de su desdicha a su amigo Lotario. Mas, cuando no le halló, y sus criados le dijeron que aquella noche había faltado de casa y había llevado consigo todos los dineros que tenía, pensó perder el juicio. Y, para acabar de concluir con todo, volviéndose a su casa, no halló en ella ninguno de cuantos criados ni criadas tenía, sino la casa desierta y sola. »No sabía qué pensar, qué decir, ni qué hacer, y poco a poco se le iba volviendo el juicio. Contemplábase y mirábase en un instante sin mujer, sin amigo y sin criados; desamparado, a su parecer, del cielo que le cubría, y sobre todo sin honra, porque en la falta de Camila vio su perdición. »Resolvióse, en fin, a cabo de una gran pieza, de irse a la aldea de su amigo, donde había estado cuando dio lugar a que se maquinase toda aquella desventura. Cerró las puertas de su casa, subió a caballo, y con desmayado aliento se puso en camino; y, apenas hubo andado la mitad, cuando, acosado de sus pensamientos, le fue forzoso apearse y arrendar su caballo a un árbol, a cuyo tronco se dejó caer, dando tiernos y dolorosos suspiros, y allí se estuvo hasta casi que anochecía; y aquella hora vio que venía un hombre a caballo de la ciudad, y, después de haberle saludado, le preguntó qué nuevas había en Florencia. El ciudadano respondió: »—Las más estrañas que muchos días ha se han oído en ella; porque se dice públicamente que Lotario, aquel grande amigo de Anselmo el rico, que vivía a San Juan, se llevó esta noche a Camila, mujer de Anselmo, el cual tampoco parece. Todo esto ha dicho una criada de Camila, que anoche la halló el gobernador descolgándose con una sábana por las ventanas de la casa de Anselmo. En efeto, no sé puntualmente cómo pasó el negocio; sólo sé que toda la ciudad está admirada deste suceso, porque no se podía esperar tal hecho de la mucha y familiar amistad de los dos, que dicen que era tanta, que los llamaban los dos amigos. »—¿Sábese, por ventura —dijo Anselmo—, el camino que llevan Lotario y Camila? »—Ni por pienso —dijo el ciudadano—, puesto que el gobernador ha usado de mucha diligencia en buscarlos »—A Dios vais, señor —dijo Anselmo. »—Con Él quedéis —respondió el ciudadano, y fuese. »Con tan desdichadas nuevas, casi casi llegó a términos Anselmo, no sólo de perder el juicio, sino de acabar la vida. Levantóse como pudo y llegó a casa de su amigo, que aún no sabía su desgracia; mas, como le vio llegar amarillo, consumido y seco, entendió que de algún grave mal venía fatigado. Pidió luego Anselmo que le acostasen, y que le diesen aderezo de escribir. Hízose así, y dejáronle acostado y solo, porque él así lo quiso, y aun que le cerrasen la puerta. Viéndose, pues, solo, comenzó a cargar tanto la imaginación de su desventura, que claramente conoció que se le iba acabando la vida; y así, ordenó de dejar noticia de la causa de su estraña muerte; y, comenzando a escribir, antes que acabase de poner todo lo que quería, le faltó el aliento y dejó la vida en las manos del dolor que le causó su curiosidad impertinente. »Viendo el señor de casa que era ya tarde y que Anselmo no llamaba, acordó de entrar a saber si pasaba adelante su indisposición, y hallóle tendido boca abajo, la mitad del cuerpo en la cama y la otra mitad sobre el bufete, sobre el cual estaba con el papel escrito y abierto, y él tenía aún la pluma en la mano. Llegóse el huésped a él, habiéndole llamado primero; y, trabándole por la mano, viendo que no le respondía y hallándole frío, vio que estaba muerto. Admiróse y congojóse en gran manera, y llamó a la gente de casa para que viesen la desgracia a Anselmo sucedida; y, finalmente, leyó el papel, que conoció que de su mesma mano estaba escrito, el cual contenía estas razones: Un necio e impertinente deseo me quitó la vida. Si las nuevas de mi muerte llegaren a los oídos de Camila, sepa que yo la perdono, porque no estaba ella obligada a hacer milagros, ni yo tenía necesidad de querer que ella los hiciese; y, pues yo fui el fabricador de mi deshonra, no hay para qué... »Hasta aquí escribió Anselmo, por donde se echó de ver que en aquel punto, sin poder acabar la razón, se le acabó la vida. Otro día dio aviso su amigo a los parientes de Anselmo de su muerte, los cuales ya sabían su desgracia, y el monesterio donde Camila estaba, casi en el término de acompañar a su esposo en aquel forzoso viaje, no por las nuevas del muerto esposo, mas por las que supo del ausente amigo. Dícese que, aunque se vio viuda, no quiso salir del monesterio, ni, menos, hacer profesión de monja, hasta que, no de allí a muchos días, le vinieron nuevas que Lotario había muerto en una batalla que en aquel tiempo dio monsiur de Lautrec al Gran Capitán Gonzalo Fernández de Córdoba en el reino de Nápoles, donde había ido a parar el tarde arrepentido amigo; lo cual sabido por Camila, hizo profesión, y acabó en breves días la vida a las rigurosas manos de tristezas y melancolías. Éste fue el fin que tuvieron todos, nacido de un tan desatinado principio.» — Bien —dijo el cura— me parece esta novela, pero no me puedo persuadir que esto sea verdad; y si es fingido, fingió mal el autor, porque no se puede imaginar que haya marido tan necio que quiera hacer tan costosa experiencia como Anselmo. Si este caso se pusiera entre un galán y una dama, pudiérase llevar, pero entre marido y mujer, algo tiene del imposible; y, en lo que toca al modo de contarle, no me descontenta. Capítulo XXXVI. Que trata de la brava y descomunal batalla que don Quijote tuvo con unos cueros de vino tinto, con otros raros sucesos que en la venta le sucedieron Estando en esto, el ventero, que estaba a la puerta de la venta, dijo: — Esta que viene es una hermosa tropa de huéspedes: si ellos paran aquí, gaudeamus tenemos. — ¿Qué gente es? —dijo Cardenio. — Cuatro hombres —respondió el ventero— vienen a caballo, a la jineta, con lanzas y adargas, y todos con antifaces negros; y junto con ellos viene una mujer vestida de blanco, en un sillón, ansimesmo cubierto el rostro, y otros dos mozos de a pie. — ¿Vienen muy cerca? —preguntó el cura. — Tan cerca —respondió el ventero—, que ya llegan. Oyendo esto Dorotea, se cubrió el rostro, y Cardenio se entró en el aposento de don Quijote; y casi no habían tenido lugar para esto, cuando entraron en la venta todos los que el ventero había dicho; y, apeándose los cuatro de a caballo, que de muy gentil talle y disposición eran, fueron a apear a la mujer que en el sillón venía; y, tomándola uno dellos en sus brazos, la sentó en una silla que estaba a la entrada del aposento donde Cardenio se había escondido. En todo este tiempo, ni ella ni ellos se habían quitado los antifaces, ni hablado palabra alguna; sólo que, al sentarse la mujer en la silla, dio un profundo suspiro y dejó caer los brazos, como persona enferma y desmayada. Los mozos de a pie llevaron los caballos a la caballeriza. Viendo esto el cura, deseoso de saber qué gente era aquella que con tal traje y tal silencio estaba, se fue donde estaban los mozos, y a uno dellos le preguntó lo que ya deseaba; el cual le respondió: — Pardiez, señor, yo no sabré deciros qué gente sea ésta; sólo sé que muestra ser muy principal, especialmente aquel que llegó a tomar en sus brazos a aquella señora que habéis visto; y esto dígolo porque todos los demás le tienen respeto, y no se hace otra cosa más de la que él ordena y manda. — Y la señora, ¿quién es? —preguntó el cura. — Tampoco sabré decir eso —respondió el mozo—, porque en todo el camino no la he visto el rostro; suspirar sí la he oído muchas veces, y dar unos gemidos que parece que con cada uno dellos quiere dar el alma. Y no es de maravillar que no sepamos más de lo que habemos dicho, porque mi compañero y yo no ha más de dos días que los acompañamos; porque, habiéndolos encontrado en el camino, nos rogaron y persuadieron que viniésemos con ellos hasta el Andalucía, ofreciéndose a pagárnoslo muy bien. — ¿Y habéis oído nombrar a alguno dellos? —preguntó el cura. — No, por cierto —respondió el mozo—, porque todos caminan con tanto silencio que es maravilla, porque no se oye entre ellos otra cosa que los suspiros y sollozos de la pobre señora, que nos mueven a lástima; y sin duda tenemos creído que ella va forzada dondequiera que va, y, según se puede colegir por su hábito, ella es monja, o va a serlo, que es lo más cierto, y quizá porque no le debe de nacer de voluntad el monjío, va triste, como parece. — Todo podría ser —dijo el cura. Y, dejándolos, se volvió adonde estaba Dorotea, la cual, como había oído suspirar a la embozada, movida de natural compasión, se llegó a ella y le dijo: — ¿Qué mal sentís, señora mía? Mirad si es alguno de quien las mujeres suelen tener uso y experiencia de curarle, que de mi parte os ofrezco una buena voluntad de serviros. A todo esto callaba la lastimada señora; y, aunque Dorotea tornó con mayores ofrecimientos, todavía se estaba en su silencio, hasta que llegó el caballero embozado que dijo el mozo que los demás obedecían, y dijo a Dorotea: — No os canséis, señora, en ofrecer nada a esa mujer, porque tiene por costumbre de no agradecer cosa que por ella se hace, ni procuréis que os responda, si no queréis oír alguna mentira de su boca. — Jamás la dije —dijo a esta sazón la que hasta allí había estado callando—; antes, por ser tan verdadera y tan sin trazas mentirosas, me veo ahora en tanta desventura; y desto vos mesmo quiero que seáis el testigo, pues mi pura verdad os hace a vos ser falso y mentiroso. Oyó estas razones Cardenio bien clara y distintamente, como quien estaba tan junto de quien las decía que sola la puerta del aposento de don Quijote estaba en medio; y, así como las oyó, dando una gran voz dijo: — ¡Válgame Dios! ¿Qué es esto que oigo? ¿Qué voz es esta que ha llegado a mis oídos? Volvió la cabeza a estos gritos aquella señora, toda sobresaltada, y, no viendo quién las daba, se levantó en pie y fuese a entrar en el aposento; lo cual visto por el caballero, la detuvo, sin dejarla mover un paso. A ella, con la turbación y desasosiego, se le cayó el tafetán con que traía cubierto el rostro, y descubrió una hermosura incomparable y un rostro milagroso, aunque descolorido y asombrado, porque con los ojos andaba rodeando todos los lugares donde alcanzaba con la vista, con tanto ahínco, que parecía persona fuera de juicio; cuyas señales, sin saber por qué las hacía, pusieron gran lástima en Dorotea y en cuantos la miraban. Teníala el caballero fuertemente asida por las espaldas, y, por estar tan ocupado en tenerla, no pudo acudir a alzarse el embozo, que se le caía, como, en efeto, se le cayó del todo; y, alzando los ojos Dorotea, que abrazada con la señora estaba, vio que el que abrazada ansimesmo la tenía era su esposo don Fernando; y, apenas le hubo conocido, cuando, arrojando de lo íntimo de sus entrañas un luengo y tristísimo ''¡ay!'', se dejó caer de espaldas desmayada; y, a no hallarse allí junto el barbero, que la recogió en los brazos, ella diera consigo en el suelo. Acudió luego el cura a quitarle el embozo, para echarle agua en el rostro, y así como la descubrió la conoció don Fernando, que era el que estaba abrazado con la otra, y quedó como muerto en verla; pero no porque dejase, con todo esto, de tener a Luscinda, que era la que procuraba soltarse de sus brazos; la cual había conocido en el suspiro a Cardenio, y él la había conocido a ella. Oyó asimesmo Cardenio el ¡ay! que dio Dorotea cuando se cayó desmayada, y, creyendo que era su Luscinda, salió del aposento despavorido, y lo primero que vio fue a don Fernando, que tenía abrazada a Luscinda. También don Fernando conoció luego a Cardenio; y todos tres, Luscinda, Cardenio y Dorotea, quedaron mudos y suspensos, casi sin saber lo que les había acontecido. Callaban todos y mirábanse todos: Dorotea a don Fernando, don Fernando a Cardenio, Cardenio a Luscinda y Luscinda a Cardenio. Mas quien primero rompió el silencio fue Luscinda, hablando a don Fernando desta manera: — Dejadme, señor don Fernando, por lo que debéis a ser quien sois, ya que por otro respeto no lo hagáis; dejadme llegar al muro de quien yo soy yedra, al arrimo de quien no me han podido apartar vuestras importunaciones, vuestras amenazas, vuestras promesas ni vuestras dádivas. Notad cómo el cielo, por desusados y a nosotros encubiertos caminos, me ha puesto a mi verdadero esposo delante. Y bien sabéis por mil costosas experiencias que sola la muerte fuera bastante para borrarle de mi memoria. Sean, pues, parte tan claros desengaños para que volváis, ya que no podáis hacer otra cosa, el amor en rabia, la voluntad en despecho, y acabadme con él la vida; que, como yo la rinda delante de mi buen esposo, la daré por bien empleada: quizá con mi muerte quedará satisfecho de la fe que le mantuve hasta el último trance de la vida. Había en este entretanto vuelto Dorotea en sí, y había estado escuchando todas las razones que Luscinda dijo, por las cuales vino en conocimiento de quién ella era; que, viendo que don Fernando aún no la dejaba de los brazos, ni respondía a sus razones, esforzándose lo más que pudo, se levantó y se fue a hincar de rodillas a sus pies; y, derramando mucha cantidad de hermosas y lastimeras lágrimas, así le comenzó a decir: — Si ya no es, señor mío, que los rayos deste sol que en tus brazos eclipsado tienes te quitan y ofuscan los de tus ojos, ya habrás echado de ver que la que a tus pies está arrodillada es la sin ventura, hasta que tú quieras, y la desdichada Dorotea. Yo soy aquella labradora humilde a quien tú, por tu bondad o por tu gusto, quisiste levantar a la alteza de poder llamarse tuya. Soy la que, encerrada en los límites de la honestidad, vivió vida contenta hasta que, a las voces de tus importunidades, y, al parecer, justos y amorosos sentimientos, abrió las puertas de su recato y te entregó las llaves de su libertad: dádiva de ti tan mal agradecida, cual lo muestra bien claro haber sido forzoso hallarme en el lugar donde me hallas, y verte yo a ti de la manera que te veo. Pero, con todo esto, no querría que cayese en tu imaginación pensar que he venido aquí con pasos de mi deshonra, habiéndome traído sólo los del dolor y sentimiento de verme de ti olvidada. Tú quisiste que yo fuese tuya, y quisístelo de manera que, aunque ahora quieras que no lo sea, no será posible que tú dejes de ser mío. Mira, señor mío, que puede ser recompensa a la hermosura y nobleza por quien me dejas la incomparable voluntad que te tengo. Tú no puedes ser de la hermosa Luscinda, porque eres mío, ni ella puede ser tuya, porque es de Cardenio; y más fácil te será, si en ello miras, reducir tu voluntad a querer a quien te adora, que no encaminar la que te aborrece a que bien te quiera. Tú solicitaste mi descuido, tú rogaste a mi entereza, tú no ignoraste mi calidad, tú sabes bien de la manera que me entregué a toda tu voluntad: no te queda lugar ni acogida de llamarte a engaño. Y si esto es así, como lo es, y tú eres tan cristiano como caballero, ¿por qué por tantos rodeos dilatas de hacerme venturosa en los fines, como me heciste en los principios? Y si no me quieres por la que soy, que soy tu verdadera y legítima esposa, quiéreme, a lo menos, y admíteme por tu esclava; que, como yo esté en tu poder, me tendré por dichosa y bien afortunada. No permitas, con dejarme y desampararme, que se hagan y junten corrillos en mi deshonra; no des tan mala vejez a mis padres, pues no lo merecen los leales servicios que, como buenos vasallos, a los tuyos siempre han hecho. Y si te parece que has de aniquilar tu sangre por mezclarla con la mía, considera que pocas o ninguna nobleza hay en el mundo que no haya corrido por este camino, y que la que se toma de las mujeres no es la que hace al caso en las ilustres decendencias; cuanto más, que la verdadera nobleza consiste en la virtud, y si ésta a ti te falta, negándome lo que tan justamente me debes, yo quedaré con más ventajas de noble que las que tú tienes. En fin, señor, lo que últimamente te digo es que, quieras o no quieras, yo soy tu esposa: testigos son tus palabras, que no han ni deben ser mentirosas, si ya es que te precias de aquello por que me desprecias; testigo será la firma que hiciste, y testigo el cielo, a quien tú llamaste por testigo de lo que me prometías. Y, cuando todo esto falte, tu misma conciencia no ha de faltar de dar voces callando en mitad de tus alegrías, volviendo por esta verdad que te he dicho y turbando tus mejores gustos y contentos. Estas y otras razones dijo la lastimada Dorotea, con tanto sentimiento y lágrimas, que los mismos que acompañaban a don Fernando, y cuantos presentes estaban, la acompañaron en ellas. Escuchóla don Fernando sin replicalle palabra, hasta que ella dio fin a las suyas y principio a tantos sollozos y suspiros, que bien había de ser corazón de bronce el que con muestras de tanto dolor no se enterneciera. Mirándola estaba Luscinda, no menos lastimada de su sentimiento que admirada de su mucha discreción y hermosura; y, aunque quisiera llegarse a ella y decirle algunas palabras de consuelo, no la dejaban los brazos de don Fernando, que apretada la tenían. El cual, lleno de confusión y espanto, al cabo de un buen espacio que atentamente estuvo mirando a Dorotea, abrió los brazos y, dejando libre a Luscinda, dijo: — Venciste, hermosa Dorotea, venciste; porque no es posible tener ánimo para negar tantas verdades juntas. Con el desmayo que Luscinda había tenido, así como la dejó don Fernando, iba a caer en el suelo; mas, hallándose Cardenio allí junto, que a las espaldas de don Fernando se había puesto porque no le conociese, prosupuesto todo temor y aventurando a todo riesgo, acudió a sostener a Luscinda, y, cogiéndola entre sus brazos, le dijo: — Si el piadoso cielo gusta y quiere que ya tengas algún descanso, leal, firme y hermosa señora mía, en ninguna parte creo yo que le tendrás más seguro que en estos brazos que ahora te reciben, y otro tiempo te recibieron, cuando la fortuna quiso que pudiese llamarte mía. A estas razones, puso Luscinda en Cardenio los ojos, y, habiendo comenzado a conocerle, primero por la voz, y asegurándose que él era con la vista, casi fuera de sentido y sin tener cuenta a ningún honesto respeto, le echó los brazos al cuello, y, juntando su rostro con el de Cardenio, le dijo: — Vos sí, señor mío, sois el verdadero dueño desta vuestra captiva, aunque más lo impida la contraria suerte, y, aunque más amenazas le hagan a esta vida que en la vuestra se sustenta. Estraño espectáculo fue éste para don Fernando y para todos los circunstantes, admirándose de tan no visto suceso. Parecióle a Dorotea que don Fernando había perdido la color del rostro y que hacía ademán de querer vengarse de Cardenio, porque le vio encaminar la mano a ponella en la espada; y, así como lo pensó, con no vista presteza se abrazó con él por las rodillas, besándoselas y teniéndole apretado, que no le dejaba mover, y, sin cesar un punto de sus lágrimas, le decía: — ¿Qué es lo que piensas hacer, único refugio mío, en este tan impensado trance? Tú tienes a tus pies a tu esposa, y la que quieres que lo sea está en los brazos de su marido. Mira si te estará bien o te será posible deshacer lo que el cielo ha hecho, o si te convendrá querer levantar a igualar a ti mismo a la que, pospuesto todo inconveniente, confirmada en su verdad y firmeza, delante de tus ojos tiene los suyos, bañados de licor amoroso el rostro y pecho de su verdadero esposo. Por quien Dios es te ruego, y por quien tú eres te suplico, que este tan notorio desengaño no sólo no acreciente tu ira, sino que la mengüe en tal manera, que con quietud y sosiego permitas que estos dos amantes le tengan, sin impedimiento tuyo, todo el tiempo que el cielo quisiere concedérsele; y en esto mostrarás la generosidad de tu ilustre y noble pecho, y verá el mundo que tiene contigo más fuerza la razón que el apetito. En tanto que esto decía Dorotea, aunque Cardenio tenía abrazada a Luscinda, no quitaba los ojos de don Fernando, con determinación de que, si le viese hacer algún movimiento en su perjuicio, procurar defenderse y ofender como mejor pudiese a todos aquellos que en su daño se mostrasen, aunque le costase la vida. Pero a esta sazón acudieron los amigos de don Fernando, y el cura y el barbero, que a todo habían estado presentes, sin que faltase el bueno de Sancho Panza, y todos rodeaban a don Fernando, suplicándole tuviese por bien de mirar las lágrimas de Dorotea; y que, siendo verdad, como sin duda ellos creían que lo era, lo que en sus razones había dicho, que no permitiese quedase defraudada de sus tan justas esperanzas. Que considerase que, no acaso, como parecía, sino con particular providencia del cielo, se habían todos juntado en lugar donde menos ninguno pensaba; y que advirtiese —dijo el cura— que sola la muerte podía apartar a Luscinda de Cardenio; y, aunque los dividiesen filos de alguna espada, ellos tendrían por felicísima su muerte; y que en los lazos inremediables era suma cordura, forzándose y venciéndose a sí mismo, mostrar un generoso pecho, permitiendo que por sola su voluntad los dos gozasen el bien que el cielo ya les había concedido; que pusiese los ojos ansimesmo en la beldad de Dorotea, y vería que pocas o ninguna se le podían igualar, cuanto más hacerle ventaja, y que juntase a su hermosura su humildad y el estremo del amor que le tenía; y, sobre todo, advirtiese que si se preciaba de caballero y de cristiano, que no podía hacer otra cosa que cumplille la palabra dada, y que, cumpliéndosela, cumpliría con Dios y satisfaría a las gentes discretas, las cuales saben y conocen que es prerrogativa de la hermosura, aunque esté en sujeto humilde, como se acompañe con la honestidad, poder levantarse e igualarse a cualquiera alteza, sin nota de menoscabo del que la levanta e iguala a sí mismo; y, cuando se cumplen las fuertes leyes del gusto, como en ello no intervenga pecado, no debe de ser culpado el que las sigue. En efeto, a estas razones añadieron todos otras, tales y tantas, que el valeroso pecho de don Fernando (en fin, como alimentado con ilustre sangre) se ablandó y se dejó vencer de la verdad, que él no pudiera negar aunque quisiera; y la señal que dio de haberse rendido y entregado al buen parecer que se le había propuesto fue abajarse y abrazar a Dorotea, diciéndole: — Levantaos, señora mía, que no es justo que esté arrodillada a mis pies la que yo tengo en mi alma; y si hasta aquí no he dado muestras de lo que digo, quizá ha sido por orden del cielo, para que, viendo yo en vos la fe con que me amáis, os sepa estimar en lo que merecéis. Lo que os ruego es que no me reprehendáis mi mal término y mi mucho descuido, pues la misma ocasión y fuerza que me movió para acetaros por mía, esa misma me impelió para procurar no ser vuestro. Y que esto sea verdad, volved y mirad los ojos de la ya contenta Luscinda, y en ellos hallaréis disculpa de todos mis yerros; y, pues ella halló y alcanzó lo que deseaba, y yo he hallado en vos lo que me cumple, viva ella segura y contenta luengos y felices años con su Cardenio, que yo rogaré al cielo que me los deje vivir con mi Dorotea. Y, diciendo esto, la tornó a abrazar y a juntar su rostro con el suyo, con tan tierno sentimiento, que le fue necesario tener gran cuenta con que las lágrimas no acabasen de dar indubitables señas de su amor y arrepentimiento. No lo hicieron así las de Luscinda y Cardenio, y aun las de casi todos los que allí presentes estaban, porque comenzaron a derramar tantas, los unos de contento proprio y los otros del ajeno, que no parecía sino que algún grave y mal caso a todos había sucedido. Hasta Sancho Panza lloraba, aunque después dijo que no lloraba él sino por ver que Dorotea no era, como él pensaba, la reina Micomicona, de quien él tantas mercedes esperaba. Duró algún espacio, junto con el llanto, la admiración en todos, y luego Cardenio y Luscinda se fueron a poner de rodillas ante don Fernando, dándole gracias de la merced que les había hecho con tan corteses razones, que don Fernando no sabía qué responderles; y así, los levantó y abrazó con muestras de mucho amor y de mucha cortesía. Preguntó luego a Dorotea le dijese cómo había venido a aquel lugar tan lejos del suyo. Ella, con breves y discretas razones, contó todo lo que antes había contado a Cardenio, de lo cual gustó tanto don Fernando y los que con él venían, que quisieran que durara el cuento más tiempo: tanta era la gracia con que Dorotea contaba sus desventuras. Y, así como hubo acabado, dijo don Fernando lo que en la ciudad le había acontecido después que halló el papel en el seno de Luscinda, donde declaraba ser esposa de Cardenio y no poderlo ser suya. Dijo que la quiso matar, y lo hiciera si de sus padres no fuera impedido; y que así, se salió de su casa, despechado y corrido, con determinación de vengarse con más comodidad; y que otro día supo como Luscinda había faltado de casa de sus padres, sin que nadie supiese decir dónde se había ido, y que, en resolución, al cabo de algunos meses vino a saber como estaba en un monesterio, con voluntad de quedarse en él toda la vida, si no la pudiese pasar con Cardenio; y que, así como lo supo, escogiendo para su compañía aquellos tres caballeros, vino al lugar donde estaba, a la cual no había querido hablar, temeroso que, en sabiendo que él estaba allí, había de haber más guarda en el monesterio; y así, aguardando un día a que la portería estuviese abierta, dejó a los dos a la guarda de la puerta, y él, con otro, habían entrado en el monesterio buscando a Luscinda, la cual hallaron en el claustro hablando con una monja; y, arrebatándola, sin darle lugar a otra cosa, se habían venido con ella a un lugar donde se acomodaron de aquello que hubieron menester para traella. Todo lo cual habían podido hacer bien a su salvo, por estar el monesterio en el campo, buen trecho fuera del pueblo. Dijo que, así como Luscinda se vio en su poder, perdió todos los sentidos; y que, después de vuelta en sí, no había hecho otra cosa sino llorar y suspirar, sin hablar palabra alguna; y que así, acompañados de silencio y de lágrimas, habían llegado a aquella venta, que para él era haber llegado al cielo, donde se rematan y tienen fin todas las desventuras de la tierra. Capítulo XXXVII. Que prosigue la historia de la famosa infanta Micomicona, con otras graciosas aventuras Todo esto escuchaba Sancho, no con poco dolor de su ánima, viendo que se le desparecían e iban en humo las esperanzas de su ditado, y que la linda princesa Micomicona se le había vuelto en Dorotea, y el gigante en don Fernando, y su amo se estaba durmiendo a sueño suelto, bien descuidado de todo lo sucedido. No se podía asegurar Dorotea si era soñado el bien que poseía. Cardenio estaba en el mismo pensamiento, y el de Luscinda corría por la misma cuenta. Don Fernando daba gracias al cielo por la merced recebida y haberle sacado de aquel intricado laberinto, donde se hallaba tan a pique de perder el crédito y el alma; y, finalmente, cuantos en la venta estaban, estaban contentos y gozosos del buen suceso que habían tenido tan trabados y desesperados negocios. Todo lo ponía en su punto el cura, como discreto, y a cada uno daba el parabién del bien alcanzado; pero quien más jubilaba y se contentaba era la ventera, por la promesa que Cardenio y el cura le habían hecho de pagalle todos los daños e intereses que por cuenta de don Quijote le hubiesen venido. Sólo Sancho, como ya se ha dicho, era el afligido, el desventurado y el triste; y así, con malencónico semblante, entró a su amo, el cual acababa de despertar, a quien dijo: — Bien puede vuestra merced, señor Triste Figura, dormir todo lo que quisiere, sin cuidado de matar a ningún gigante, ni de volver a la princesa su reino: que ya todo está hecho y concluido. — Eso creo yo bien —respondió don Quijote—, porque he tenido con el gigante la más descomunal y desaforada batalla que pienso tener en todos los días de mi vida; y de un revés, ¡zas!, le derribé la cabeza en el suelo, y fue tanta la sangre que le salió, que los arroyos corrían por la tierra como si fueran de agua. — Como si fueran de vino tinto, pudiera vuestra merced decir mejor — respondió Sancho—, porque quiero que sepa vuestra merced, si es que no lo sabe, que el gigante muerto es un cuero horadado, y la sangre, seis arrobas de vino tinto que encerraba en su vientre; y la cabeza cortada es la puta que me parió, y llévelo todo Satanás. — Y ¿qué es lo que dices, loco? —replicó don Quijote—. ¿Estás en tu seso? — Levántese vuestra merced —dijo Sancho—, y verá el buen recado que ha hecho, y lo que tenemos que pagar; y verá a la reina convertida en una dama particular, llamada Dorotea, con otros sucesos que, si cae en ellos, le han de admirar. — No me maravillaría de nada deso —replicó don Quijote—, porque, si bien te acuerdas, la otra vez que aquí estuvimos te dije yo que todo cuanto aquí sucedía eran cosas de encantamento, y no sería mucho que ahora fuese lo mesmo. — Todo lo creyera yo —respondió Sancho—, si también mi manteamiento fuera cosa dese jaez, mas no lo fue, sino real y verdaderamente; y vi yo que el ventero que aquí está hoy día tenía del un cabo de la manta, y me empujaba hacia el cielo con mucho donaire y brío, y con tanta risa como fuerza; y donde interviene conocerse las personas, tengo para mí, aunque simple y pecador, que no hay encantamento alguno, sino mucho molimiento y mucha mala ventura. — Ahora bien, Dios lo remediará —dijo don Quijote—. Dame de vestir y déjame salir allá fuera, que quiero ver los sucesos y transformaciones que dices. Diole de vestir Sancho, y, en el entretanto que se vestía, contó el cura a don Fernando y a los demás las locuras de don Quijote, y del artificio que habían usado para sacarle de la Peña Pobre, donde él se imaginaba estar por desdenes de su señora. Contóles asimismo casi todas las aventuras que Sancho había contado, de que no poco se admiraron y rieron, por parecerles lo que a todos parecía: ser el más estraño género de locura que podía caber en pensamiento desparatado. Dijo más el cura: que, pues ya el buen suceso de la señora Dorotea impidía pasar con su disignio adelante, que era menester inventar y hallar otro para poderle llevar a su tierra. Ofrecióse Cardenio de proseguir lo comenzado, y que Luscinda haría y representaría la persona de Dorotea. — No —dijo don Fernando—, no ha de ser así: que yo quiero que Dorotea prosiga su invención; que, como no sea muy lejos de aquí el lugar deste buen caballero, yo holgaré de que se procure su remedio. — No está más de dos jornadas de aquí. — Pues, aunque estuviera más, gustara yo de caminallas, a trueco de hacer tan buena obra. Salió, en esto, don Quijote, armado de todos sus pertrechos, con el yelmo, aunque abollado, de Mambrino en la cabeza, embrazado de su rodela y arrimado a su tronco o lanzón. Suspendió a don Fernando y a los demás la estraña presencia de don Quijote, viendo su rostro de media legua de andadura, seco y amarillo, la desigualdad de sus armas y su mesurado continente, y estuvieron callando hasta ver lo que él decía, el cual, con mucha gravedad y reposo, puestos los ojos en la hermosa Dorotea, dijo: — Estoy informado, hermosa señora, deste mi escudero que la vuestra grandeza se ha aniquilado, y vuestro ser se ha deshecho, porque de reina y gran señora que solíades ser os habéis vuelto en una particular doncella. Si esto ha sido por orden del rey nigromante de vuestro padre, temeroso que yo no os diese la necesaria y debida ayuda, digo que no supo ni sabe de la misa la media, y que fue poco versado en las historias caballerescas, porque si él las hubiera leído y pasado tan atentamente y con tanto espacio como yo las pasé y leí, hallara a cada paso cómo otros caballeros de menor fama que la mía habían acabado cosas más dificultosas, no siéndolo mucho matar a un gigantillo, por arrogante que sea; porque no ha muchas horas que yo me vi con él, y... quiero callar, porque no me digan que miento; pero el tiempo, descubridor de todas las cosas, lo dirá cuando menos lo pensemos. — Vístesos vos con dos cueros, que no con un gigante —dijo a esta sazón el ventero. Al cual mandó don Fernando que callase y no interrumpiese la plática de don Quijote en ninguna manera; y don Quijote prosiguió diciendo: — Digo, en fin, alta y desheredada señora, que si por la causa que he dicho vuestro padre ha hecho este metamorfóseos en vuestra persona, que no le deis crédito alguno, porque no hay ningún peligro en la tierra por quien no se abra camino mi espada, con la cual, poniendo la cabeza de vuestro enemigo en tierra, os pondré a vos la corona de la vuestra en la cabeza en breves días. No dijo más don Quijote, y esperó a que la princesa le respondiese, la cual, como ya sabía la determinación de don Fernando de que se prosiguiese adelante en el engaño hasta llevar a su tierra a don Quijote, con mucho donaire y gravedad, le respondió: — Quienquiera que os dijo, valeroso caballero de la Triste Figura, que yo me había mudado y trocado de mi ser, no os dijo lo cierto, porque la misma que ayer fui me soy hoy. Verdad es que alguna mudanza han hecho en mí ciertos acaecimientos de buena ventura, que me la han dado la mejor que yo pudiera desearme, pero no por eso he dejado de ser la que antes y de tener los mesmos pensamientos de valerme del valor de vuestro valeroso e invenerable brazo que siempre he tenido. Así que, señor mío, vuestra bondad vuelva la honra al padre que me engendró, y téngale por hombre advertido y prudente, pues con su ciencia halló camino tan fácil y tan verdadero para remediar mi desgracia; que yo creo que si por vos, señor, no fuera, jamás acertara a tener la ventura que tengo; y en esto digo tanta verdad como son buenos testigos della los más destos señores que están presentes. Lo que resta es que mañana nos pongamos en camino, porque ya hoy se podrá hacer poca jornada, y en lo demás del buen suceso que espero, lo dejaré a Dios y al valor de vuestro pecho. Esto dijo la discreta Dorotea, y, en oyéndolo don Quijote, se volvió a Sancho, y, con muestras de mucho enojo, le dijo: — Ahora te digo, Sanchuelo, que eres el mayor bellacuelo que hay en España. Dime, ladrón vagamundo, ¿no me acabaste de decir ahora que esta princesa se había vuelto en una doncella que se llamaba Dorotea, y que la cabeza que entiendo que corté a un gigante era la puta que te parió, con otros disparates que me pusieron en la mayor confusión que jamás he estado en todos los días de mi vida? ¡Voto... —y miró al cielo y apretó los dientes— que estoy por hacer un estrago en ti, que ponga sal en la mollera a todos cuantos mentirosos escuderos hubiere de caballeros andantes, de aquí adelante, en el mundo! — Vuestra merced se sosiegue, señor mío —respondió Sancho—, que bien podría ser que yo me hubiese engañado en lo que toca a la mutación de la señora princesa Micomicona; pero, en lo que toca a la cabeza del gigante, o, a lo menos, a la horadación de los cueros y a lo de ser vino tinto la sangre, no me engaño, ¡vive Dios!, porque los cueros allí están heridos, a la cabecera del lecho de vuestra merced, y el vino tinto tiene hecho un lago el aposento; y si no, al freír de los huevos lo verá; quiero decir que lo verá cuando aquí su merced del señor ventero le pida el menoscabo de todo. De lo demás, de que la señora reina se esté como se estaba, me regocijo en el alma, porque me va mi parte, como a cada hijo de vecino. — Ahora yo te digo, Sancho —dijo don Quijote—, que eres un mentecato; y perdóname, y basta. — Basta —dijo don Fernando—, y no se hable más en esto; y, pues la señora princesa dice que se camine mañana, porque ya hoy es tarde, hágase así, y esta noche la podremos pasar en buena conversación hasta el venidero día, donde todos acompañaremos al señor don Quijote, porque queremos ser testigos de las valerosas e inauditas hazañas que ha de hacer en el discurso desta grande empresa que a su cargo lleva. — Yo soy el que tengo de serviros y acompañaros —respondió don Quijote—, y agradezco mucho la merced que se me hace y la buena opinión que de mí se tiene, la cual procuraré que salga verdadera, o me costará la vida, y aun más, si más costarme puede. Muchas palabras de comedimiento y muchos ofrecimientos pasaron entre don Quijote y don Fernando; pero a todo puso silencio un pasajero que en aquella sazón entró en la venta, el cual en su traje mostraba ser cristiano recién venido de tierra de moros, porque venía vestido con una casaca de paño azul, corta de faldas, con medias mangas y sin cuello; los calzones eran asimismo de lienzo azul, con bonete de la misma color; traía unos borceguíes datilados y un alfanje morisco, puesto en un tahelí que le atravesaba el pecho. Entró luego tras él, encima de un jumento, una mujer a la morisca vestida, cubierto el rostro con una toca en la cabeza; traía un bonetillo de brocado, y vestida una almalafa, que desde los hombros a los pies la cubría. Era el hombre de robusto y agraciado talle, de edad de poco más de cuarenta años, algo moreno de rostro, largo de bigotes y la barba muy bien puesta. En resolución, él mostraba en su apostura que si estuviera bien vestido, le juzgaran por persona de calidad y bien nacida. Pidió, en entrando, un aposento, y, como le dijeron que en la venta no le había, mostró recebir pesadumbre; y, llegándose a la que en el traje parecía mora, la apeó en sus brazos. Luscinda, Dorotea, la ventera, su hija y Maritornes, llevadas del nuevo y para ellas nunca visto traje, rodearon a la mora, y Dorotea, que siempre fue agraciada, comedida y discreta, pareciéndole que así ella como el que la traía se congojaban por la falta del aposento, le dijo: — No os dé mucha pena, señora mía, la incomodidad de regalo que aquí falta, pues es proprio de ventas no hallarse en ellas; pero, con todo esto, si gustáredes de pasar con nosotras —señalando a Luscinda—, quizá en el discurso de este camino habréis hallado otros no tan buenos acogimientos. No respondió nada a esto la embozada, ni hizo otra cosa que levantarse de donde sentado se había, y, puestas entrambas manos cruzadas sobre el pecho, inclinada la cabeza, dobló el cuerpo en señal de que lo agradecía. Por su silencio imaginaron que, sin duda alguna, debía de ser mora, y que no sabía hablar cristiano. Llegó, en esto, el cautivo, que entendiendo en otra cosa hasta entonces había estado, y, viendo que todas tenían cercada a la que con él venía, y que ella a cuanto le decían callaba, dijo: — Señoras mías, esta doncella apenas entiende mi lengua, ni sabe hablar otra ninguna sino conforme a su tierra, y por esto no debe de haber respondido, ni responde, a lo que se le ha preguntado. — No se le pregunta otra cosa ninguna —respondió Luscinda— sino ofrecelle por esta noche nuestra compañía y parte del lugar donde nos acomodáremos, donde se le hará el regalo que la comodidad ofreciere, con la voluntad que obliga a servir a todos los estranjeros que dello tuvieren necesidad, especialmente siendo mujer a quien se sirve. — Por ella y por mí —respondió el captivo— os beso, señora mía, las manos, y estimo mucho y en lo que es razón la merced ofrecida; que en tal ocasión, y de tales personas como vuestro parecer muestra, bien se echa de ver que ha de ser muy grande. — Decidme, señor —dijo Dorotea—: ¿esta señora es cristiana o mora? Porque el traje y el silencio nos hace pensar que es lo que no querríamos que fuese. — Mora es en el traje y en el cuerpo, pero en el alma es muy grande cristiana, porque tiene grandísimos deseos de serlo. — Luego, ¿no es baptizada? —replicó Luscinda. — No ha habido lugar para ello —respondió el captivo— después que salió de Argel, su patria y tierra, y hasta agora no se ha visto en peligro de muerte tan cercana que obligase a baptizalla sin que supiese primero todas las ceremonias que nuestra Madre la Santa Iglesia manda; pero Dios será servido que presto se bautice con la decencia que la calidad de su persona merece, que es más de lo que muestra su hábito y el mío. Con estas razones puso gana en todos los que escuchándole estaban de saber quién fuese la mora y el captivo, pero nadie se lo quiso preguntar por entonces, por ver que aquella sazón era más para procurarles descanso que para preguntarles sus vidas. Dorotea la tomó por la mano y la llevó a sentar junto a sí, y le rogó que se quitase el embozo. Ella miró al cautivo, como si le preguntara le dijese lo que decían y lo que ella haría. Él, en lengua arábiga, le dijo que le pedían se quitase el embozo, y que lo hiciese; y así, se lo quitó, y descubrió un rostro tan hermoso que Dorotea la tuvo por más hermosa que a Luscinda, y Luscinda por más hermosa que a Dorotea, y todos los circustantes conocieron que si alguno se podría igualar al de las dos, era el de la mora, y aun hubo algunos que le aventajaron en alguna cosa. Y, como la hermosura tenga prerrogativa y gracia de reconciliar los ánimos y atraer las voluntades, luego se rindieron todos al deseo de servir y acariciar a la hermosa mora. Preguntó don Fernando al captivo cómo se llamaba la mora, el cual respondió que lela Zoraida; y, así como esto oyó, ella entendió lo que le habían preguntado al cristiano, y dijo con mucha priesa, llena de congoja y donaire: — ¡No, no Zoraida: María, María! —dando a entender que se llamaba María y no Zoraida. Estas palabras, el grande afecto con que la mora las dijo, hicieron derramar más de una lágrima a algunos de los que la escucharon, especialmente a las mujeres, que de su naturaleza son tiernas y compasivas. Abrazóla Luscinda con mucho amor, diciéndole: — Sí, sí: María, María. A lo cual respondió la mora: — ¡Sí, sí: María; Zoraida macange! —que quiere decir no. Ya en esto llegaba la noche, y, por orden de los que venían con don Fernando, había el ventero puesto diligencia y cuidado en aderezarles de cenar lo mejor que a él le fue posible. Llegada, pues, la hora, sentáronse todos a una larga mesa, como de tinelo, porque no la había redonda ni cuadrada en la venta, y dieron la cabecera y principal asiento, puesto que él lo rehusaba, a don Quijote, el cual quiso que estuviese a su lado la señora Micomicona, pues él era su aguardador. Luego se sentaron Luscinda y Zoraida, y frontero dellas don Fernando y Cardenio, y luego el cautivo y los demás caballeros, y, al lado de las señoras, el cura y el barbero. Y así, cenaron con mucho contento, y acrecentóseles más viendo que, dejando de comer don Quijote, movido de otro semejante espíritu que el que le movió a hablar tanto como habló cuando cenó con los cabreros, comenzó a decir: — Verdaderamente, si bien se considera, señores míos, grandes e inauditas cosas ven los que profesan la orden de la andante caballería. Si no, ¿cuál de los vivientes habrá en el mundo que ahora por la puerta deste castillo entrara, y de la suerte que estamos nos viere, que juzgue y crea que nosotros somos quien somos? ¿Quién podrá decir que esta señora que está a mi lado es la gran reina que todos sabemos, y que yo soy aquel Caballero de la Triste Figura que anda por ahí en boca de la fama? Ahora no hay que dudar, sino que esta arte y ejercicio excede a todas aquellas y aquellos que los hombres inventaron, y tanto más se ha de tener en estima cuanto a más peligros está sujeto. Quítenseme delante los que dijeren que las letras hacen ventaja a las armas, que les diré, y sean quien se fueren, que no saben lo que dicen. Porque la razón que los tales suelen decir, y a lo que ellos más se atienen, es que los trabajos del espíritu exceden a los del cuerpo, y que las armas sólo con el cuerpo se ejercitan, como si fuese su ejercicio oficio de ganapanes, para el cual no es menester más de buenas fuerzas; o como si en esto que llamamos armas los que las profesamos no se encerrasen los actos de la fortaleza, los cuales piden para ejecutallos mucho entendimiento; o como si no trabajase el ánimo del guerrero que tiene a su cargo un ejército, o la defensa de una ciudad sitiada, así con el espíritu como con el cuerpo. Si no, véase si se alcanza con las fuerzas corporales a saber y conjeturar el intento del enemigo, los disignios, las estratagemas, las dificultades, el prevenir los daños que se temen; que todas estas cosas son acciones del entendimiento, en quien no tiene parte alguna el cuerpo. Siendo pues ansí, que las armas requieren espíritu, como las letras, veamos ahora cuál de los dos espíritus, el del letrado o el del guerrero, trabaja más. Y esto se vendrá a conocer por el fin y paradero a que cada uno se encamina, porque aquella intención se ha de estimar en más que tiene por objeto más noble fin. Es el fin y paradero de las letras..., y no hablo ahora de las divinas, que tienen por blanco llevar y encaminar las almas al cielo, que a un fin tan sin fin como éste ninguno otro se le puede igualar; hablo de las letras humanas, que es su fin poner en su punto la justicia distributiva y dar a cada uno lo que es suyo, entender y hacer que las buenas leyes se guarden. Fin, por cierto, generoso y alto y digno de grande alabanza, pero no de tanta como merece aquel a que las armas atienden, las cuales tienen por objeto y fin la paz, que es el mayor bien que los hombres pueden desear en esta vida. Y así, las primeras buenas nuevas que tuvo el mundo y tuvieron los hombres fueron las que dieron los ángeles la noche que fue nuestro día, cuando cantaron en los aires: ''Gloria sea en las alturas, y paz en la tierra, a los hombres de buena voluntad''; y a la salutación que el mejor maestro de la tierra y del cielo enseñó a sus allegados y favoridos, fue decirles que cuando entrasen en alguna casa, dijesen: ''Paz sea en esta casa''; y otras muchas veces les dijo: ''Mi paz os doy, mi paz os dejo: paz sea con vosotros'', bien como joya y prenda dada y dejada de tal mano; joya que sin ella, en la tierra ni en el cielo puede haber bien alguno. Esta paz es el verdadero fin de la guerra, que lo mesmo es decir armas que guerra. Prosupuesta, pues, esta verdad, que el fin de la guerra es la paz, y que en esto hace ventaja al fin de las letras, vengamos ahora a los trabajos del cuerpo del letrado y a los del profesor de las armas, y véase cuáles son mayores. De tal manera, y por tan buenos términos, iba prosiguiendo en su plática don Quijote que obligó a que, por entonces, ninguno de los que escuchándole estaban le tuviese por loco; antes, como todos los más eran caballeros, a quien son anejas las armas, le escuchaban de muy buena gana; y él prosiguió diciendo: — Digo, pues, que los trabajos del estudiante son éstos: principalmente pobreza (no porque todos sean pobres, sino por poner este caso en todo el estremo que pueda ser); y, en haber dicho que padece pobreza, me parece que no había que decir más de su mala ventura, porque quien es pobre no tiene cosa buena. Esta pobreza la padece por sus partes, ya en hambre, ya en frío, ya en desnudez, ya en todo junto; pero, con todo eso, no es tanta que no coma, aunque sea un poco más tarde de lo que se usa, aunque sea de las sobras de los ricos; que es la mayor miseria del estudiante éste que entre ellos llaman andar a la sopa; y no les falta algún ajeno brasero o chimenea, que, si no callenta, a lo menos entibie su frío, y, en fin, la noche duermen debajo de cubierta. No quiero llegar a otras menudencias, conviene a saber, de la falta de camisas y no sobra de zapatos, la raridad y poco pelo del vestido, ni aquel ahitarse con tanto gusto, cuando la buena suerte les depara algún banquete. Por este camino que he pintado, áspero y dificultoso, tropezando aquí, cayendo allí, levantándose acullá, tornando a caer acá, llegan al grado que desean; el cual alcanzado, a muchos hemos visto que, habiendo pasado por estas Sirtes y por estas Scilas y Caribdis, como llevados en vuelo de la favorable fortuna, digo que los hemos visto mandar y gobernar el mundo desde una silla, trocada su hambre en hartura, su frío en refrigerio, su desnudez en galas, y su dormir en una estera en reposar en holandas y damascos: premio justamente merecido de su virtud. Pero, contrapuestos y comparados sus trabajos con los del mílite guerrero, se quedan muy atrás en todo, como ahora diré. Capítulo XXXVIII. Que trata del curioso discurso que hizo don Quijote de las armas y las letras Prosiguiendo don Quijote, dijo: — Pues comenzamos en el estudiante por la pobreza y sus partes, veamos si es más rico el soldado. Y veremos que no hay ninguno más pobre en la misma pobreza, porque está atenido a la miseria de su paga, que viene o tarde o nunca, o a lo que garbeare por sus manos, con notable peligro de su vida y de su conciencia. Y a veces suele ser su desnudez tanta, que un coleto acuchillado le sirve de gala y de camisa, y en la mitad del invierno se suele reparar de las inclemencias del cielo, estando en la campaña rasa, con sólo el aliento de su boca, que, como sale de lugar vacío, tengo por averiguado que debe de salir frío, contra toda naturaleza. Pues esperad que espere que llegue la noche, para restaurarse de todas estas incomodidades, en la cama que le aguarda, la cual, si no es por su culpa, jamás pecará de estrecha; que bien puede medir en la tierra los pies que quisiere, y revolverse en ella a su sabor, sin temor que se le encojan las sábanas. Lléguese, pues, a todo esto, el día y la hora de recebir el grado de su ejercicio; lléguese un día de batalla, que allí le pondrán la borla en la cabeza, hecha de hilas, para curarle algún balazo, que quizá le habrá pasado las sienes, o le dejará estropeado de brazo o pierna. Y, cuando esto no suceda, sino que el cielo piadoso le guarde y conserve sano y vivo, podrá ser que se quede en la mesma pobreza que antes estaba, y que sea menester que suceda uno y otro rencuentro, una y otra batalla, y que de todas salga vencedor, para medrar en algo; pero estos milagros vense raras veces. Pero, decidme, señores, si habéis mirado en ello: ¿cuán menos son los premiados por la guerra que los que han perecido en ella? Sin duda, habéis de responder que no tienen comparación, ni se pueden reducir a cuenta los muertos, y que se podrán contar los premiados vivos con tres letras de guarismo. Todo esto es al revés en los letrados; porque, de faldas, que no quiero decir de mangas, todos tienen en qué entretenerse. Así que, aunque es mayor el trabajo del soldado, es mucho menor el premio. Pero a esto se puede responder que es más fácil premiar a dos mil letrados que a treinta mil soldados, porque a aquéllos se premian con darles oficios, que por fuerza se han de dar a los de su profesión, y a éstos no se pueden premiar sino con la mesma hacienda del señor a quien sirven; y esta imposibilidad fortifica más la razón que tengo. Pero dejemos esto aparte, que es laberinto de muy dificultosa salida, sino volvamos a la preeminencia de las armas contra las letras, materia que hasta ahora está por averiguar, según son las razones que cada una de su parte alega. Y, entre las que he dicho, dicen las letras que sin ellas no se podrían sustentar las armas, porque la guerra también tiene sus leyes y está sujeta a ellas, y que las leyes caen debajo de lo que son letras y letrados. A esto responden las armas que las leyes no se podrán sustentar sin ellas, porque con las armas se defienden las repúblicas, se conservan los reinos, se guardan las ciudades, se aseguran los caminos, se despejan los mares de cosarios; y, finalmente, si por ellas no fuese, las repúblicas, los reinos, las monarquías, las ciudades, los caminos de mar y tierra estarían sujetos al rigor y a la confusión que trae consigo la guerra el tiempo que dura y tiene licencia de usar de sus previlegios y de sus fuerzas. Y es razón averiguada que aquello que más cuesta se estima y debe de estimar en más. Alcanzar alguno a ser eminente en letras le cuesta tiempo, vigilias, hambre, desnudez, váguidos de cabeza, indigestiones de estómago, y otras cosas a éstas adherentes, que, en parte, ya las tengo referidas; mas llegar uno por sus términos a ser buen soldado le cuesta todo lo que a el estudiante, en tanto mayor grado que no tiene comparación, porque a cada paso está a pique de perder la vida. Y ¿qué temor de necesidad y pobreza puede llegar ni fatigar al estudiante, que llegue al que tiene un soldado, que, hallándose cercado en alguna fuerza, y estando de posta, o guarda, en algún revellín o caballero, siente que los enemigos están minando hacia la parte donde él está, y no puede apartarse de allí por ningún caso, ni huir el peligro que de tan cerca le amenaza? Sólo lo que puede hacer es dar noticia a su capitán de lo que pasa, para que lo remedie con alguna contramina, y él estarse quedo, temiendo y esperando cuándo improvisamente ha de subir a las nubes sin alas y bajar al profundo sin su voluntad. Y si éste parece pequeño peligro, veamos si le iguala o hace ventajas el de embestirse dos galeras por las proas en mitad del mar espacioso, las cuales enclavijadas y trabadas, no le queda al soldado más espacio del que concede dos pies de tabla del espolón; y, con todo esto, viendo que tiene delante de sí tantos ministros de la muerte que le amenazan cuantos cañones de artillería se asestan de la parte contraria, que no distan de su cuerpo una lanza, y viendo que al primer descuido de los pies iría a visitar los profundos senos de Neptuno; y, con todo esto, con intrépido corazón, llevado de la honra que le incita, se pone a ser blanco de tanta arcabucería, y procura pasar por tan estrecho paso al bajel contrario. Y lo que más es de admirar: que apenas uno ha caído donde no se podrá levantar hasta la fin del mundo, cuando otro ocupa su mesmo lugar; y si éste también cae en el mar, que como a enemigo le aguarda, otro y otro le sucede, sin dar tiempo al tiempo de sus muertes: valentía y atrevimiento el mayor que se puede hallar en todos los trances de la guerra. Bien hayan aquellos benditos siglos que carecieron de la espantable furia de aquestos endemoniados instrumentos de la artillería, a cuyo inventor tengo para mí que en el infierno se le está dando el premio de su diabólica invención, con la cual dio causa que un infame y cobarde brazo quite la vida a un valeroso caballero, y que, sin saber cómo o por dónde, en la mitad del coraje y brío que enciende y anima a los valientes pechos, llega una desmandada bala, disparada de quien quizá huyó y se espantó del resplandor que hizo el fuego al disparar de la maldita máquina, y corta y acaba en un instante los pensamientos y vida de quien la merecía gozar luengos siglos. Y así, considerando esto, estoy por decir que en el alma me pesa de haber tomado este ejercicio de caballero andante en edad tan detestable como es esta en que ahora vivimos; porque, aunque a mí ningún peligro me pone miedo, todavía me pone recelo pensar si la pólvora y el estaño me han de quitar la ocasión de hacerme famoso y conocido por el valor de mi brazo y filos de mi espada, por todo lo descubierto de la tierra. Pero haga el cielo lo que fuere servido, que tanto seré más estimado, si salgo con lo que pretendo, cuanto a mayores peligros me he puesto que se pusieron los caballeros andantes de los pasados siglos. Todo este largo preámbulo dijo don Quijote, en tanto que los demás cenaban, olvidándose de llevar bocado a la boca, puesto que algunas veces le había dicho Sancho Panza que cenase, que después habría lugar para decir todo lo que quisiese. En los que escuchado le habían sobrevino nueva lástima de ver que hombre que, al parecer, tenía buen entendimiento y buen discurso en todas las cosas que trataba, le hubiese perdido tan rematadamente, en tratándole de su negra y pizmienta caballería. El cura le dijo que tenía mucha razón en todo cuanto había dicho en favor de las armas, y que él, aunque letrado y graduado, estaba de su mesmo parecer. Acabaron de cenar, levantaron los manteles, y, en tanto que la ventera, su hija y Maritornes aderezaban el camaranchón de don Quijote de la Mancha, donde habían determinado que aquella noche las mujeres solas en él se recogiesen, don Fernando rogó al cautivo les contase el discurso de su vida, porque no podría ser sino que fuese peregrino y gustoso, según las muestras que había comenzado a dar, viniendo en compañía de Zoraida. A lo cual respondió el cautivo que de muy buena gana haría lo que se le mandaba, y que sólo temía que el cuento no había de ser tal, que les diese el gusto que él deseaba; pero que, con todo eso, por no faltar en obedecelle, le contaría. El cura y todos los demás se lo agradecieron, y de nuevo se lo rogaron; y él, viéndose rogar de tantos, dijo que no eran menester ruegos adonde el mandar tenía tanta fuerza. — Y así, estén vuestras mercedes atentos, y oirán un discurso verdadero, a quien podría ser que no llegasen los mentirosos que con curioso y pensado artificio suelen componerse. Con esto que dijo, hizo que todos se acomodasen y le prestasen un grande silencio; y él, viendo que ya callaban y esperaban lo que decir quisiese, con voz agradable y reposada, comenzó a decir desta manera: Capítulo XXXIX. Donde el cautivo cuenta su vida y sucesos — «En un lugar de las Montañas de León tuvo principio mi linaje, con quien fue más agradecida y liberal la naturaleza que la fortuna, aunque, en la estrecheza de aquellos pueblos, todavía alcanzaba mi padre fama de rico, y verdaderamente lo fuera si así se diera maña a conservar su hacienda como se la daba en gastalla. Y la condición que tenía de ser liberal y gastador le procedió de haber sido soldado los años de su joventud, que es escuela la soldadesca donde el mezquino se hace franco, y el franco, pródigo; y si algunos soldados se hallan miserables, son como monstruos, que se ven raras veces. Pasaba mi padre los términos de la liberalidad, y rayaba en los de ser pródigo: cosa que no le es de ningún provecho al hombre casado, y que tiene hijos que le han de suceder en el nombre y en el ser. Los que mi padre tenía eran tres, todos varones y todos de edad de poder elegir estado. Viendo, pues, mi padre que, según él decía, no podía irse a la mano contra su condición, quiso privarse del instrumento y causa que le hacía gastador y dadivoso, que fue privarse de la hacienda, sin la cual el mismo Alejandro pareciera estrecho. »Y así, llamándonos un día a todos tres a solas en un aposento, nos dijo unas razones semejantes a las que ahora diré: ''Hijos, para deciros que os quiero bien, basta saber y decir que sois mis hijos; y, para entender que os quiero mal, basta saber que no me voy a la mano en lo que toca a conservar vuestra hacienda. Pues, para que entendáis desde aquí adelante que os quiero como padre, y que no os quiero destruir como padrastro, quiero hacer una cosa con vosotros que ha muchos días que la tengo pensada y con madura consideración dispuesta. Vosotros estáis ya en edad de tomar estado, o, a lo menos, de elegir ejercicio, tal que, cuando mayores, os honre y aproveche. Y lo que he pensado es hacer de mi hacienda cuatro partes: las tres os daré a vosotros, a cada uno lo que le tocare, sin exceder en cosa alguna, y con la otra me quedaré yo para vivir y sustentarme los días que el cielo fuere servido de darme de vida. Pero querría que, después que cada uno tuviese en su poder la parte que le toca de su hacienda, siguiese uno de los caminos que le diré. Hay un refrán en nuestra España, a mi parecer muy verdadero, como todos lo son, por ser sentencias breves sacadas de la luenga y discreta experiencia; y el que yo digo dice: "Iglesia, o mar, o casa real", como si más claramente dijera: "Quien quisiere valer y ser rico, siga o la Iglesia, o navegue, ejercitando el arte de la mercancía, o entre a servir a los reyes en sus casas"; porque dicen: "Más vale migaja de rey que merced de señor". Digo esto porque querría, y es mi voluntad, que uno de vosotros siguiese las letras, el otro la mercancía, y el otro sirviese al rey en la guerra, pues es dificultoso entrar a servirle en su casa; que, ya que la guerra no dé muchas riquezas, suele dar mucho valor y mucha fama. Dentro de ocho días, os daré toda vuestra parte en dineros, sin defraudaros en un ardite, como lo veréis por la obra. Decidme ahora si queréis seguir mi parecer y consejo en lo que os he propuesto''. Y, mandándome a mí, por ser el mayor, que respondiese, después de haberle dicho que no se deshiciese de la hacienda, sino que gastase todo lo que fuese su voluntad, que nosotros éramos mozos para saber ganarla, vine a concluir en que cumpliría su gusto, y que el mío era seguir el ejercicio de las armas, sirviendo en él a Dios y a mi rey. El segundo hermano hizo los mesmos ofrecimientos, y escogió el irse a las Indias, llevando empleada la hacienda que le cupiese. El menor, y, a lo que yo creo, el más discreto, dijo que quería seguir la Iglesia, o irse a acabar sus comenzados estudios a Salamanca. Así como acabamos de concordarnos y escoger nuestros ejercicios, mi padre nos abrazó a todos, y, con la brevedad que dijo, puso por obra cuanto nos había prometido; y, dando a cada uno su parte, que, a lo que se me acuerda, fueron cada tres mil ducados, en dineros (porque un nuestro tío compró toda la hacienda y la pagó de contado, porque no saliese del tronco de la casa), en un mesmo día nos despedimos todos tres de nuestro buen padre; y, en aquel mesmo, pareciéndome a mí ser inhumanidad que mi padre quedase viejo y con tan poca hacienda, hice con él que de mis tres mil tomase los dos mil ducados, porque a mí me bastaba el resto para acomodarme de lo que había menester un soldado. Mis dos hermanos, movidos de mi ejemplo, cada uno le dio mil ducados: de modo que a mi padre le quedaron cuatro mil en dineros, y más tres mil, que, a lo que parece, valía la hacienda que le cupo, que no quiso vender, sino quedarse con ella en raíces. Digo, en fin, que nos despedimos dél y de aquel nuestro tío que he dicho, no sin mucho sentimiento y lágrimas de todos, encargándonos que les hiciésemos saber, todas las veces que hubiese comodidad para ello, de nuestros sucesos, prósperos o adversos. Prometímosselo, y, abrazándonos y echándonos su bendición, el uno tomó el viaje de Salamanca, el otro de Sevilla y yo el de Alicante, adonde tuve nuevas que había una nave ginovesa que cargaba allí lana para Génova. »Éste hará veinte y dos años que salí de casa de mi padre, y en todos ellos, puesto que he escrito algunas cartas, no he sabido dél ni de mis hermanos nueva alguna. Y lo que en este discurso de tiempo he pasado lo diré brevemente. Embarquéme en Alicante, llegué con próspero viaje a Génova, fui desde allí a Milán, donde me acomodé de armas y de algunas galas de soldado, de donde quise ir a asentar mi plaza al Piamonte; y, estando ya de camino para Alejandría de la Palla, tuve nuevas que el gran duque de Alba pasaba a Flandes. Mudé propósito, fuime con él, servíle en las jornadas que hizo, halléme en la muerte de los condes de Eguemón y de Hornos, alcancé a ser alférez de un famoso capitán de Guadalajara, llamado Diego de Urbina; y, a cabo de algún tiempo que llegué a Flandes, se tuvo nuevas de la liga que la Santidad del Papa Pío Quinto, de felice recordación, había hecho con Venecia y con España, contra el enemigo común, que es el Turco; el cual, en aquel mesmo tiempo, había ganado con su armada la famosa isla de Chipre, que estaba debajo del dominio del veneciano: y pérdida lamentable y desdichada. Súpose cierto que venía por general desta liga el serenísimo don Juan de Austria, hermano natural de nuestro buen rey don Felipe. Divulgóse el grandísimo aparato de guerra que se hacía. Todo lo cual me incitó y conmovió el ánimo y el deseo de verme en la jornada que se esperaba; y, aunque tenía barruntos, y casi promesas ciertas, de que en la primera ocasión que se ofreciese sería promovido a capitán, lo quise dejar todo y venirme, como me vine, a Italia. Y quiso mi buena suerte que el señor don Juan de Austria acababa de llegar a Génova, que pasaba a Nápoles a juntarse con la armada de Venecia, como después lo hizo en Mecina. »Digo, en fin, que yo me hallé en aquella felicísima jornada, ya hecho capitán de infantería, a cuyo honroso cargo me subió mi buena suerte, más que mis merecimientos. Y aquel día, que fue para la cristiandad tan dichoso, porque en él se desengañó el mundo y todas las naciones del error en que estaban, creyendo que los turcos eran invencibles por la mar: en aquel día, digo, donde quedó el orgullo y soberbia otomana quebrantada, entre tantos venturosos como allí hubo (porque más ventura tuvieron los cristianos que allí murieron que los que vivos y vencedores quedaron), yo solo fui el desdichado, pues, en cambio de que pudiera esperar, si fuera en los romanos siglos, alguna naval corona, me vi aquella noche que siguió a tan famoso día con cadenas a los pies y esposas a las manos. »Y fue desta suerte: que, habiendo el Uchalí, rey de Argel, atrevido y venturoso cosario, embestido y rendido la capitana de Malta, que solos tres caballeros quedaron vivos en ella, y éstos malheridos, acudió la capitana de Juan Andrea a socorrella, en la cual yo iba con mi compañía; y, haciendo lo que debía en ocasión semejante, salté en la galera contraria, la cual, desviándose de la que la había embestido, estorbó que mis soldados me siguiesen, y así, me hallé solo entre mis enemigos, a quien no pude resistir, por ser tantos; en fin, me rindieron lleno de heridas. Y, como ya habréis, señores, oído decir que el Uchalí se salvó con toda su escuadra, vine yo a quedar cautivo en su poder, y solo fui el triste entre tantos alegres y el cautivo entre tantos libres; porque fueron quince mil cristianos los que aquel día alcanzaron la deseada libertad, que todos venían al remo en la turquesca armada. »Lleváronme a Costantinopla, donde el Gran Turco Selim hizo general de la mar a mi amo, porque había hecho su deber en la batalla, habiendo llevado por muestra de su valor el estandarte de la religión de Malta. Halléme el segundo año, que fue el de setenta y dos, en Navarino, bogando en la capitana de los tres fanales. Vi y noté la ocasión que allí se perdió de no coger en el puerto toda el armada turquesca, porque todos los leventes y jenízaros que en ella venían tuvieron por cierto que les habían de embestir dentro del mesmo puerto, y tenían a punto su ropa y pasamaques, que son sus zapatos, para huirse luego por tierra, sin esperar ser combatidos: tanto era el miedo que habían cobrado a nuestra armada. Pero el cielo lo ordenó de otra manera, no por culpa ni descuido del general que a los nuestros regía, sino por los pecados de la cristiandad, y porque quiere y permite Dios que tengamos siempre verdugos que nos castiguen. »En efeto, el Uchalí se recogió a Modón, que es una isla que está junto a Navarino, y, echando la gente en tierra, fortificó la boca del puerto, y estúvose quedo hasta que el señor don Juan se volvió. En este viaje se tomó la galera que se llamaba La Presa, de quien era capitán un hijo de aquel famoso cosario Barbarroja. Tomóla la capitana de Nápoles, llamada La Loba, regida por aquel rayo de la guerra, por el padre de los soldados, por aquel venturoso y jamás vencido capitán don Álvaro de Bazán, marqués de Santa Cruz. Y no quiero dejar de decir lo que sucedió en la presa de La Presa. Era tan cruel el hijo de Barbarroja, y trataba tan mal a sus cautivos, que, así como los que venían al remo vieron que la galera Loba les iba entrando y que los alcanzaba, soltaron todos a un tiempo los remos, y asieron de su capitán, que estaba sobre el estanterol gritando que bogasen apriesa, y pasándole de banco en banco, de popa a proa, le dieron bocados, que a poco más que pasó del árbol ya había pasado su ánima al infierno: tal era, como he dicho, la crueldad con que los trataba y el odio que ellos le tenían. »Volvimos a Constantinopla, y el año siguiente, que fue el de setenta y tres, se supo en ella cómo el señor don Juan había ganado a Túnez, y quitado aquel reino a los turcos y puesto en posesión dél a Muley Hamet, cortando las esperanzas que de volver a reinar en él tenía Muley Hamida, el moro más cruel y más valiente que tuvo el mundo. Sintió mucho esta pérdida el Gran Turco, y, usando de la sagacidad que todos los de su casa tienen, hizo paz con venecianos, que mucho más que él la deseaban; y el año siguiente de setenta y cuatro acometió a la Goleta y al fuerte que junto a Túnez había dejado medio levantado el señor don Juan. En todos estos trances andaba yo al remo, sin esperanza de libertad alguna; a lo menos, no esperaba tenerla por rescate, porque tenía determinado de no escribir las nuevas de mi desgracia a mi padre. »Perdióse, en fin, la Goleta; perdióse el fuerte, sobre las cuales plazas hubo de soldados turcos, pagados, setenta y cinco mil, y de moros, y alárabes de toda la Africa, más de cuatrocientos mil, acompañado este tan gran número de gente con tantas municiones y pertrechos de guerra, y con tantos gastadores, que con las manos y a puñados de tierra pudieran cubrir la Goleta y el fuerte. Perdióse primero la Goleta, tenida hasta entonces por inexpugnable; y no se perdió por culpa de sus defensores, los cuales hicieron en su defensa todo aquello que debían y podían, sino porque la experiencia mostró la facilidad con que se podían levantar trincheas en aquella desierta arena, porque a dos palmos se hallaba agua, y los turcos no la hallaron a dos varas; y así, con muchos sacos de arena levantaron las trincheas tan altas que sobrepujaban las murallas de la fuerza; y, tirándoles a caballero, ninguno podía parar, ni asistir a la defensa. Fue común opinión que no se habían de encerrar los nuestros en la Goleta, sino esperar en campaña al desembarcadero; y los que esto dicen hablan de lejos y con poca experiencia de casos semejantes, porque si en la Goleta y en el fuerte apenas había siete mil soldados, ¿cómo podía tan poco número, aunque más esforzados fuesen, salir a la campaña y quedar en las fuerzas, contra tanto como era el de los enemigos?; y ¿cómo es posible dejar de perderse fuerza que no es socorrida, y más cuando la cercan enemigos muchos y porfiados, y en su mesma tierra? Pero a muchos les pareció, y así me pareció a mí, que fue particular gracia y merced que el cielo hizo a España en permitir que se asolase aquella oficina y capa de maldades, y aquella gomia o esponja y polilla de la infinidad de dineros que allí sin provecho se gastaban, sin servir de otra cosa que de conservar la memoria de haberla ganado la felicísima del invictísimo Carlos Quinto; como si fuera menester para hacerla eterna, como lo es y será, que aquellas piedras la sustentaran. »Perdióse también el fuerte; pero fuéronle ganando los turcos palmo a palmo, porque los soldados que lo defendían pelearon tan valerosa y fuertemente, que pasaron de veinte y cinco mil enemigos los que mataron en veinte y dos asaltos generales que les dieron. Ninguno cautivaron sano de trecientos que quedaron vivos, señal cierta y clara de su esfuerzo y valor, y de lo bien que se habían defendido y guardado sus plazas. Rindióse a partido un pequeño fuerte o torre que estaba en mitad del estaño, a cargo de don Juan Zanoguera, caballero valenciano y famoso soldado. Cautivaron a don Pedro Puertocarrero, general de la Goleta, el cual hizo cuanto fue posible por defender su fuerza; y sintió tanto el haberla perdido que de pesar murió en el camino de Constantinopla, donde le llevaban cautivo. Cautivaron ansimesmo al general del fuerte, que se llamaba Gabrio Cervellón, caballero milanés, grande ingeniero y valentísimo soldado. Murieron en estas dos fuerzas muchas personas de cuenta, de las cuales fue una Pagán de Oria, caballero del hábito de San Juan, de condición generoso, como lo mostró la summa liberalidad que usó con su hermano, el famoso Juan de Andrea de Oria; y lo que más hizo lastimosa su muerte fue haber muerto a manos de unos alárabes de quien se fió, viendo ya perdido el fuerte, que se ofrecieron de llevarle en hábito de moro a Tabarca, que es un portezuelo o casa que en aquellas riberas tienen los ginoveses que se ejercitan en la pesquería del coral; los cuales alárabes le cortaron la cabeza y se la trujeron al general de la armada turquesca, el cual cumplió con ellos nuestro refrán castellano: "Que aunque la traición aplace, el traidor se aborrece"; y así, se dice que mandó el general ahorcar a los que le trujeron el presente, porque no se le habían traído vivo. »Entre los cristianos que en el fuerte se perdieron, fue uno llamado don Pedro de Aguilar, natural no sé de qué lugar del Andalucía, el cual había sido alférez en el fuerte, soldado de mucha cuenta y de raro entendimiento: especialmente tenía particular gracia en lo que llaman poesía. Dígolo porque su suerte le trujo a mi galera y a mi banco, y a ser esclavo de mi mesmo patrón; y, antes que nos partiésemos de aquel puerto, hizo este caballero dos sonetos, a manera de epitafios, el uno a la Goleta y el otro al fuerte. Y en verdad que los tengo de decir, porque los sé de memoria y creo que antes causarán gusto que pesadumbre.» En el punto que el cautivo nombró a don Pedro de Aguilar, don Fernando miró a sus camaradas, y todos tres se sonrieron; y, cuando llegó a decir de los sonetos, dijo el uno: — Antes que vuestra merced pase adelante, le suplico me diga qué se hizo ese don Pedro de Aguilar que ha dicho. — Lo que sé es —respondió el cautivo— que, al cabo de dos años que estuvo en Constantinopla, se huyó en traje de arnaúte con un griego espía, y no sé si vino en libertad, puesto que creo que sí, porque de allí a un año vi yo al griego en Constantinopla, y no le pude preguntar el suceso de aquel viaje. — Pues lo fue —respondió el caballero—, porque ese don Pedro es mi hermano, y está ahora en nuestro lugar, bueno y rico, casado y con tres hijos. — Gracias sean dadas a Dios —dijo el cautivo— por tantas mercedes como le hizo; porque no hay en la tierra, conforme mi parecer, contento que se iguale a alcanzar la libertad perdida. — Y más —replicó el caballero—, que yo sé los sonetos que mi hermano hizo. — Dígalos, pues, vuestra merced —dijo el cautivo—, que los sabrá decir mejor que yo. — Que me place —respondió el caballero—; y el de la Goleta decía así: Capítulo XL. Donde se prosigue la historia del cautivo Soneto Almas dichosas que del mortal velo libres y esentas, por el bien que obrastes, desde la baja tierra os levantastes a lo más alto y lo mejor del cielo, y, ardiendo en ira y en honroso celo, de los cuerpos la fuerza ejercitastes, que en propia y sangre ajena colorastes el mar vecino y arenoso suelo; primero que el valor faltó la vida en los cansados brazos, que, muriendo, con ser vencidos, llevan la vitoria. Y esta vuestra mortal, triste caída entre el muro y el hierro, os va adquiriendo fama que el mundo os da, y el cielo gloria. — Desa mesma manera le sé yo —dijo el cautivo. — Pues el del fuerte, si mal no me acuerdo —dijo el caballero—, dice así: Soneto De entre esta tierra estéril, derribada, destos terrones por el suelo echados, las almas santas de tres mil soldados subieron vivas a mejor morada, siendo primero, en vano, ejercitada la fuerza de sus brazos esforzados, hasta que, al fin, de pocos y cansados, dieron la vida al filo de la espada. Y éste es el suelo que continuo ha sido de mil memorias lamentables lleno en los pasados siglos y presentes. Mas no más justas de su duro seno habrán al claro cielo almas subido, ni aun él sostuvo cuerpos tan valientes. No parecieron mal los sonetos, y el cautivo se alegró con las nuevas que de su camarada le dieron; y, prosiguiendo su cuento, dijo: — «Rendidos, pues, la Goleta y el fuerte, los turcos dieron orden en desmantelar la Goleta, porque el fuerte quedó tal, que no hubo qué poner por tierra, y para hacerlo con más brevedad y menos trabajo, la minaron por tres partes; pero con ninguna se pudo volar lo que parecía menos fuerte, que eran las murallas viejas; y todo aquello que había quedado en pie de la fortificación nueva que había hecho el Fratín, con mucha facilidad vino a tierra. En resolución, la armada volvió a Constantinopla, triunfante y vencedora: y de allí a pocos meses murió mi amo el Uchalí, al cual llamaban Uchalí Fartax, que quiere decir, en lengua turquesca, el renegado tiñoso, porque lo era; y es costumbre entre los turcos ponerse nombres de alguna falta que tengan, o de alguna virtud que en ellos haya. Y esto es porque no hay entre ellos sino cuatro apellidos de linajes, que decienden de la casa Otomana, y los demás, como tengo dicho, toman nombre y apellido ya de las tachas del cuerpo y ya de las virtudes del ánimo. Y este Tiñoso bogó el remo, siendo esclavo del Gran Señor, catorce años, y a más de los treinta y cuatro de sus edad renegó, de despecho de que un turco, estando al remo, le dio un bofetón, y por poderse vengar dejó su fe; y fue tanto su valor que, sin subir por los torpes medios y caminos que los más privados del Gran Turco suben, vino a ser rey de Argel, y después, a ser general de la mar, que es el tercero cargo que hay en aquel señorío. Era calabrés de nación, y moralmente fue un hombre de bien, y trataba con mucha humanidad a sus cautivos, que llegó a tener tres mil, los cuales, después de su muerte, se repartieron, como él lo dejó en su testamento, entre el Gran Señor (que también es hijo heredero de cuantos mueren, y entra a la parte con los más hijos que deja el difunto) y entre sus renegados; y yo cupe a un renegado veneciano que, siendo grumete de una nave, le cautivó el Uchalí, y le quiso tanto, que fue uno de los más regalados garzones suyos, y él vino a ser el más cruel renegado que jamás se ha visto. Llamábase Azán Agá, y llegó a ser muy rico, y a ser rey de Argel; con el cual yo vine de Constantinopla, algo contento, por estar tan cerca de España, no porque pensase escribir a nadie el desdichado suceso mío, sino por ver si me era más favorable la suerte en Argel que en Constantinopla, donde ya había probado mil maneras de huirme, y ninguna tuvo sazón ni ventura; y pensaba en Argel buscar otros medios de alcanzar lo que tanto deseaba, porque jamás me desamparó la esperanza de tener libertad; y cuando en lo que fabricaba, pensaba y ponía por obra no correspondía el suceso a la intención, luego, sin abandonarme, fingía y buscaba otra esperanza que me sustentase, aunque fuese débil y flaca. »Con esto entretenía la vida, encerrado en una prisión o casa que los turcos llaman baño, donde encierran los cautivos cristianos, así los que son del rey como de algunos particulares; y los que llaman del almacén, que es como decir cautivos del concejo, que sirven a la ciudad en las obras públicas que hace y en otros oficios, y estos tales cautivos tienen muy dificultosa su libertad, que, como son del común y no tienen amo particular, no hay con quien tratar su rescate, aunque le tengan. En estos baños, como tengo dicho, suelen llevar a sus cautivos algunos particulares del pueblo, principalmente cuando son de rescate, porque allí los tienen holgados y seguros hasta que venga su rescate. También los cautivos del rey que son de rescate no salen al trabajo con la demás chusma, si no es cuando se tarda su rescate; que entonces, por hacerles que escriban por él con más ahínco, les hacen trabajar y ir por leña con los demás, que es un no pequeño trabajo. »Yo, pues, era uno de los de rescate; que, como se supo que era capitán, puesto que dije mi poca posibilidad y falta de hacienda, no aprovechó nada para que no me pusiesen en el número de los caballeros y gente de rescate. Pusiéronme una cadena, más por señal de rescate que por guardarme con ella; y así, pasaba la vida en aquel baño, con otros muchos caballeros y gente principal, señalados y tenidos por de rescate. Y, aunque la hambre y desnudez pudiera fatigarnos a veces, y aun casi siempre, ninguna cosa nos fatigaba tanto como oír y ver, a cada paso, las jamás vistas ni oídas crueldades que mi amo usaba con los cristianos. Cada día ahorcaba el suyo, empalaba a éste, desorejaba aquél; y esto, por tan poca ocasión, y tan sin ella, que los turcos conocían que lo hacía no más de por hacerlo, y por ser natural condición suya ser homicida de todo el género humano. Sólo libró bien con él un soldado español, llamado tal de Saavedra, el cual, con haber hecho cosas que quedarán en la memoria de aquellas gentes por muchos años, y todas por alcanzar libertad, jamás le dio palo, ni se lo mandó dar, ni le dijo mala palabra; y, por la menor cosa de muchas que hizo, temíamos todos que había de ser empalado, y así lo temió él más de una vez; y si no fuera porque el tiempo no da lugar, yo dijera ahora algo de lo que este soldado hizo, que fuera parte para entreteneros y admiraros harto mejor que con el cuento de mi historia. »Digo, pues, que encima del patio de nuestra prisión caían las ventanas de la casa de un moro rico y principal, las cuales, como de ordinario son las de los moros, más eran agujeros que ventanas, y aun éstas se cubrían con celosías muy espesas y apretadas. Acaeció, pues, que un día, estando en un terrado de nuestra prisión con otros tres compañeros, haciendo pruebas de saltar con las cadenas, por entretener el tiempo, estando solos, porque todos los demás cristianos habían salido a trabajar, alcé acaso los ojos y vi que por aquellas cerradas ventanillas que he dicho parecía una caña, y al remate della puesto un lienzo atado, y la caña se estaba blandeando y moviéndose, casi como si hiciera señas que llegásemos a tomarla. Miramos en ello, y uno de los que conmigo estaban fue a ponerse debajo de la caña, por ver si la soltaban, o lo que hacían; pero, así como llegó, alzaron la caña y la movieron a los dos lados, como si dijeran no con la cabeza. Volvióse el cristiano, y tornáronla a bajar y hacer los mesmos movimientos que primero. Fue otro de mis compañeros, y sucedióle lo mesmo que al primero. Finalmente, fue el tercero y avínole lo que al primero y al segundo. Viendo yo esto, no quise dejar de probar la suerte, y, así como llegué a ponerme debajo de la caña, la dejaron caer, y dio a mis pies dentro del baño. Acudí luego a desatar el lienzo, en el cual vi un nudo, y dentro dél venían diez cianíis, que son unas monedas de oro bajo que usan los moros, que cada una vale diez reales de los nuestros. Si me holgué con el hallazgo, no hay para qué decirlo, pues fue tanto el contento como la admiración de pensar de donde podía venirnos aquel bien, especialmente a mí, pues las muestras de no haber querido soltar la caña sino a mí claro decían que a mí se hacía la merced. Tomé mi buen dinero, quebré la caña, volvíme al terradillo, miré la ventana, y vi que por ella salía una muy blanca mano, que la abrían y cerraban muy apriesa. Con esto entendimos, o imaginamos, que alguna mujer que en aquella casa vivía nos debía de haber hecho aquel beneficio; y, en señal de que lo agradecíamos, hecimos zalemas a uso de moros, inclinando la cabeza, doblando el cuerpo y poniendo los brazos sobre el pecho. De allí a poco sacaron por la mesma ventana una pequeña cruz hecha de cañas, y luego la volvieron a entrar. Esta señal nos confirmó en que alguna cristiana debía de estar cautiva en aquella casa, y era la que el bien nos hacía; pero la blancura de la mano, y las ajorcas que en ella vimos, nos deshizo este pensamiento, puesto que imaginamos que debía de ser cristiana renegada, a quien de ordinario suelen tomar por legítimas mujeres sus mesmos amos, y aun lo tienen a ventura, porque las estiman en más que las de su nación. »En todos nuestros discursos dimos muy lejos de la verdad del caso; y así, todo nuestro entretenimiento desde allí adelante era mirar y tener por norte a la ventana donde nos había aparecido la estrella de la caña; pero bien se pasaron quince días en que no la vimos, ni la mano tampoco, ni otra señal alguna. Y, aunque en este tiempo procuramos con toda solicitud saber quién en aquella casa vivía, y si había en ella alguna cristiana renegada, jamás hubo quien nos dijese otra cosa, sino que allí vivía un moro principal y rico, llamado Agi Morato, alcaide que había sido de La Pata, que es oficio entre ellos de mucha calidad. Mas, cuando más descuidados estábamos de que por allí habían de llover más cianíis, vimos a deshora parecer la caña, y otro lienzo en ella, con otro nudo más crecido; y esto fue a tiempo que estaba el baño, como la vez pasada, solo y sin gente. Hecimos la acostumbrada prueba, yendo cada uno primero que yo, de los mismos tres que estábamos, pero a ninguno se rindió la caña sino a mí, porque, en llegando yo, la dejaron caer. Desaté el nudo, y hallé cuarenta escudos de oro españoles y un papel escrito en arábigo, y al cabo de lo escrito hecha una grande cruz. Besé la cruz, tomé los escudos, volvíme al terrado, hecimos todos nuestras zalemas, tornó a parecer la mano, hice señas que leería el papel, cerraron la ventana. Quedamos todos confusos y alegres con lo sucedido; y, como ninguno de nosotros no entendía el arábigo, era grande el deseo que teníamos de entender lo que el papel contenía, y mayor la dificultad de buscar quien lo leyese. »En fin, yo me determiné de fiarme de un renegado, natural de Murcia, que se había dado por grande amigo mío, y puesto prendas entre los dos, que le obligaban a guardar el secreto que le encargase; porque suelen algunos renegados, cuando tienen intención de volverse a tierra de cristianos, traer consigo algunas firmas de cautivos principales, en que dan fe, en la forma que pueden, como el tal renegado es hombre de bien, y que siempre ha hecho bien a cristianos, y que lleva deseo de huirse en la primera ocasión que se le ofrezca. Algunos hay que procuran estas fees con buena intención, otros se sirven dellas acaso y de industria: que, viniendo a robar a tierra de cristianos, si a dicha se pierden o los cautivan, sacan sus firmas y dicen que por aquellos papeles se verá el propósito con que venían, el cual era de quedarse en tierra de cristianos, y que por eso venían en corso con los demás turcos. Con esto se escapan de aquel primer ímpetu, y se reconcilian con la Iglesia, sin que se les haga daño; y, cuando veen la suya, se vuelven a Berbería a ser lo que antes eran. Otros hay que usan destos papeles, y los procuran, con buen intento, y se quedan en tierra de cristianos. »Pues uno de los renegados que he dicho era este mi amigo, el cual tenía firmas de todas nuestras camaradas, donde le acreditábamos cuanto era posible; y si los moros le hallaran estos papeles, le quemaran vivo. Supe que sabía muy bien arábigo, y no solamente hablarlo, sino escribirlo; pero, antes que del todo me declarase con él, le dije que me leyese aquel papel, que acaso me había hallado en un agujero de mi rancho. Abrióle, y estuvo un buen espacio mirándole y construyéndole, murmurando entre los dientes. Preguntéle si lo entendía; díjome que muy bien, y, que si quería que me lo declarase palabra por palabra, que le diese tinta y pluma, porque mejor lo hiciese. Dímosle luego lo que pedía, y él poco a poco lo fue traduciendo; y, en acabando, dijo: ''Todo lo que va aquí en romance, sin faltar letra, es lo que contiene este papel morisco; y hase de advertir que adonde dice Lela Marién quiere decir Nuestra Señora la Virgen María''. »Leímos el papel, y decía así: Cuando yo era niña, tenía mi padre una esclava, la cual en mi lengua me mostró la zalá cristianesca, y me dijo muchas cosas de Lela Marién. La cristiana murió, y yo sé que no fue al fuego, sino con Alá, porque después la vi dos veces, y me dijo que me fuese a tierra de cristianos a ver a Lela Marién, que me quería mucho. No sé yo cómo vaya: muchos cristianos he visto por esta ventana, y ninguno me ha parecido caballero sino tú. Yo soy muy hermosa y muchacha, y tengo muchos dineros que llevar conmigo: mira tú si puedes hacer cómo nos vamos, y serás allá mi marido, si quisieres, y si no quisieres, no se me dará nada, que Lela Marién me dará con quien me case. Yo escribí esto; mira a quién lo das a leer: no te fíes de ningún moro, porque son todos marfuces. Desto tengo mucha pena: que quisiera que no te descubrieras a nadie, porque si mi padre lo sabe, me echará luego en un pozo, y me cubrirá de piedras. En la caña pondré un hilo: ata allí la respuesta; y si no tienes quien te escriba arábigo, dímelo por señas, que Lela Marién hará que te entienda. Ella y Alá te guarden, y esa cruz que yo beso muchas veces; que así me lo mandó la cautiva. »Mirad, señores, si era razón que las razones deste papel nos admirasen y alegrasen. Y así, lo uno y lo otro fue de manera que el renegado entendió que no acaso se había hallado aquel papel, sino que realmente a alguno de nosotros se había escrito; y así, nos rogó que si era verdad lo que sospechaba, que nos fiásemos dél y se lo dijésemos, que él aventuraría su vida por nuestra libertad. Y, diciendo esto, sacó del pecho un crucifijo de metal, y con muchas lágrimas juró por el Dios que aquella imagen representaba, en quien él, aunque pecador y malo, bien y fielmente creía, de guardarnos lealtad y secreto en todo cuanto quisiésemos descubrirle, porque le parecía, y casi adevinaba que, por medio de aquella que aquel papel había escrito, había él y todos nosotros de tener libertad, y verse él en lo que tanto deseaba, que era reducirse al gremio de la Santa Iglesia, su madre, de quien como miembro podrido estaba dividido y apartado por su ignorancia y pecado. »Con tantas lágrimas y con muestras de tanto arrepentimiento dijo esto el renegado, que todos de un mesmo parecer consentimos, y venimos en declararle la verdad del caso; y así, le dimos cuenta de todo, sin encubrirle nada. Mostrámosle la ventanilla por donde parecía la caña, y él marcó desde allí la casa, y quedó de tener especial y gran cuidado de informarse quién en ella vivía. Acordamos, ansimesmo, que sería bien responder al billete de la mora; y, como teníamos quien lo supiese hacer, luego al momento el renegado escribió las razones que yo le fui notando, que puntualmente fueron las que diré, porque de todos los puntos sustanciales que en este suceso me acontecieron, ninguno se me ha ido de la memoria, ni aun se me irá en tanto que tuviere vida. »En efeto, lo que a la mora se le respondió fue esto: El verdadero Alá te guarde, señora mía, y aquella bendita Marién, que es la verdadera madre de Dios y es la que te ha puesto en corazón que te vayas a tierra de cristianos, porque te quiere bien. Ruégale tú que se sirva de darte a entender cómo podrás poner por obra lo que te manda, que ella es tan buena que sí hará. De mi parte y de la de todos estos cristianos que están conmigo, te ofrezco de hacer por ti todo lo que pudiéremos, hasta morir. No dejes de escribirme y avisarme lo que pensares hacer, que yo te responderé siempre; que el grande Alá nos ha dado un cristiano cautivo que sabe hablar y escribir tu lengua tan bien como lo verás por este papel. Así que, sin tener miedo, nos puedes avisar de todo lo que quisieres. A lo que dices que si fueres a tierra de cristianos, que has de ser mi mujer, yo te lo prometo como buen cristiano; y sabe que los cristianos cumplen lo que prometen mejor que los moros. Alá y Marién, su madre, sean en tu guarda, señora mía. »Escrito y cerrado este papel, aguardé dos días a que estuviese el baño solo, como solía, y luego salí al paso acostumbrado del terradillo, por ver si la caña parecía, que no tardó mucho en asomar. Así como la vi, aunque no podía ver quién la ponía, mostré el papel, como dando a entender que pusiesen el hilo, pero ya venía puesto en la caña, al cual até el papel, y de allí a poco tornó a parecer nuestra estrella, con la blanca bandera de paz del atadillo. Dejáronla caer, y alcé yo, y hallé en el paño, en toda suerte de moneda de plata y de oro, más de cincuenta escudos, los cuales cincuenta veces más doblaron nuestro contento y confirmaron la esperanza de tener libertad. »Aquella misma noche volvió nuestro renegado, y nos dijo que había sabido que en aquella casa vivía el mesmo moro que a nosotros nos habían dicho que se llamaba Agi Morato, riquísimo por todo estremo, el cual tenía una sola hija, heredera de toda su hacienda, y que era común opinión en toda la ciudad ser la más hermosa mujer de la Berbería; y que muchos de los virreyes que allí venían la habían pedido por mujer, y que ella nunca se había querido casar; y que también supo que tuvo una cristiana cautiva, que ya se había muerto; todo lo cual concertaba con lo que venía en el papel. Entramos luego en consejo con el renegado, en qué orden se tendría para sacar a la mora y venirnos todos a tierra de cristianos, y, en fin, se acordó por entonces que esperásemos el aviso segundo de Zoraida, que así se llamaba la que ahora quiere llamarse María; porque bien vimos que ella, y no otra alguna era la que había de dar medio a todas aquellas dificultades. Después que quedamos en esto, dijo el renegado que no tuviésemos pena, que él perdería la vida o nos pondría en libertad. »Cuatro días estuvo el baño con gente, que fue ocasión que cuatro días tardase en parecer la caña; al cabo de los cuales, en la acostumbrada soledad del baño, pareció con el lienzo tan preñado, que un felicísimo parto prometía. Inclinóse a mí la caña y el lienzo, hallé en él otro papel y cien escudos de oro, sin otra moneda alguna. Estaba allí el renegado, dímosle a leer el papel dentro de nuestro rancho, el cual dijo que así decía: Yo no sé, mi señor, cómo dar orden que nos vamos a España, ni Lela Marién me lo ha dicho, aunque yo se lo he preguntado. Lo que se podrá hacer es que yo os daré por esta ventana muchísimos dineros de oro: rescataos vos con ellos y vuestros amigos, y vaya uno en tierra de cristianos, y compre allá una barca y vuelva por los demás; y a mí me hallarán en el jardín de mi padre, que está a la puerta de Babazón, junto a la marina, donde tengo de estar todo este verano con mi padre y con mis criados. De allí, de noche, me podréis sacar sin miedo y llevarme a la barca; y mira que has de ser mi marido, porque si no, yo pediré a Marién que te castigue. Si no te fías de nadie que vaya por la barca, rescátate tú y ve, que yo sé que volverás mejor que otro, pues eres caballero y cristiano. Procura saber el jardín, y cuando te pasees por ahí sabré que está solo el baño, y te daré mucho dinero. Alá te guarde, señor mío. »Esto decía y contenía el segundo papel. Lo cual visto por todos, cada uno se ofreció a querer ser el rescatado, y prometió de ir y volver con toda puntualidad, y también yo me ofrecí a lo mismo; a todo lo cual se opuso el renegado, diciendo que en ninguna manera consentiría que ninguno saliese de libertad hasta que fuesen todos juntos, porque la experiencia le había mostrado cuán mal cumplían los libres las palabras que daban en el cautiverio; porque muchas veces habían usado de aquel remedio algunos principales cautivos, rescatando a uno que fuese a Valencia, o Mallorca, con dineros para poder armar una barca y volver por los que le habían rescatado, y nunca habían vuelto; porque la libertad alcanzada y el temor de no volver a perderla les borraba de la memoria todas las obligaciones del mundo. Y, en confirmación de la verdad que nos decía, nos contó brevemente un caso que casi en aquella mesma sazón había acaecido a unos caballeros cristianos, el más estraño que jamás sucedió en aquellas partes, donde a cada paso suceden cosas de grande espanto y de admiración. »En efecto, él vino a decir que lo que se podía y debía hacer era que el dinero que se había de dar para rescatar al cristiano, que se le diese a él para comprar allí en Argel una barca, con achaque de hacerse mercader y tratante en Tetuán y en aquella costa; y que, siendo él señor de la barca, fácilmente se daría traza para sacarlos del baño y embarcarlos a todos. Cuanto más, que si la mora, como ella decía, daba dineros para rescatarlos a todos, que, estando libres, era facilísima cosa aun embarcarse en la mitad del día; y que la dificultad que se ofrecía mayor era que los moros no consienten que renegado alguno compre ni tenga barca, si no es bajel grande para ir en corso, porque se temen que el que compra barca, principalmente si es español, no la quiere sino para irse a tierra de cristianos; pero que él facilitaría este inconveniente con hacer que un moro tagarino fuese a la parte con él en la compañía de la barca y en la ganancia de las mercancías, y con esta sombra él vendría a ser señor de la barca, con que daba por acabado todo lo demás. »Y, puesto que a mí y a mis camaradas nos había parecido mejor lo de enviar por la barca a Mallorca, como la mora decía, no osamos contradecirle, temerosos que, si no hacíamos lo que él decía, nos había de descubrir y poner a peligro de perder las vidas, si descubriese el trato de Zoraida, por cuya vida diéramos todos las nuestras. Y así, determinamos de ponernos en las manos de Dios y en las del renegado, y en aquel mismo punto se le respondió a Zoraida, diciéndole que haríamos todo cuanto nos aconsejaba, porque lo había advertido tan bien como si Lela Marién se lo hubiera dicho, y que en ella sola estaba dilatar aquel negocio, o ponello luego por obra. Ofrecímele de nuevo de ser su esposo, y, con esto, otro día que acaeció a estar solo el baño, en diversas veces, con la caña y el paño, nos dio dos mil escudos de oro, y un papel donde decía que el primer jumá, que es el viernes, se iba al jardín de su padre, y que antes que se fuese nos daría más dinero, y que si aquello no bastase, que se lo avisásemos, que nos daría cuanto le pidiésemos: que su padre tenía tantos, que no lo echaría menos, cuanto más, que ella tenía la llaves de todo. »Dimos luego quinientos escudos al renegado para comprar la barca; con ochocientos me rescaté yo, dando el dinero a un mercader valenciano que a la sazón se hallaba en Argel, el cual me rescató del rey, tomándome sobre su palabra, dándola de que con el primer bajel que viniese de Valencia pagaría mi rescate; porque si luego diera el dinero, fuera dar sospechas al rey que había muchos días que mi rescate estaba en Argel, y que el mercader, por sus granjerías, lo había callado. Finalmente, mi amo era tan caviloso que en ninguna manera me atreví a que luego se desembolsase el dinero. El jueves antes del viernes que la hermosa Zoraida se había de ir al jardín, nos dio otros mil escudos y nos avisó de su partida, rogándome que, si me rescatase, supiese luego el jardín de su padre, y que en todo caso buscase ocasión de ir allá y verla. Respondíle en breves palabras que así lo haría, y que tuviese cuidado de encomendarnos a Lela Marién, con todas aquellas oraciones que la cautiva le había enseñado. »Hecho esto, dieron orden en que los tres compañeros nuestros se rescatasen, por facilitar la salida del baño, y porque, viéndome a mí rescatado, y a ellos no, pues había dinero, no se alborotasen y les persuadiese el diablo que hiciesen alguna cosa en perjuicio de Zoraida; que, puesto que el ser ellos quien eran me podía asegurar deste temor, con todo eso, no quise poner el negocio en aventura, y así, los hice rescatar por la misma orden que yo me rescaté, entregando todo el dinero al mercader, para que, con certeza y seguridad, pudiese hacer la fianza; al cual nunca descubrimos nuestro trato y secreto, por el peligro que había. Capítulo XLI. Donde todavía prosigue el cautivo su suceso »No se pasaron quince días, cuando ya nuestro renegado tenía comprada una muy buena barca, capaz de más de treinta personas: y, para asegurar su hecho y dalle color, quiso hacer, como hizo, un viaje a un lugar que se llamaba Sargel, que está treinta leguas de Argel hacia la parte de Orán, en el cual hay mucha contratación de higos pasos. Dos o tres veces hizo este viaje, en compañía del tagarino que había dicho. Tagarinos llaman en Berbería a los moros de Aragón, y a los de Granada, mudéjares; y en el reino de Fez llaman a los mudéjares elches, los cuales son la gente de quien aquel rey más se sirve en la guerra. »Digo, pues, que cada vez que pasaba con su barca daba fondo en una caleta que estaba no dos tiros de ballesta del jardín donde Zoraida esperaba; y allí, muy de propósito, se ponía el renegado con los morillos que bogaban el remo, o ya a hacer la zalá, o a como por ensayarse de burlas a lo que pensaba hacer de veras; y así, se iba al jardín de Zoraida y le pedía fruta, y su padre se la daba sin conocelle; y, aunque él quisiera hablar a Zoraida, como él después me dijo, y decille que él era el que por orden mía le había de llevar a tierra de cristianos, que estuviese contenta y segura, nunca le fue posible, porque las moras no se dejan ver de ningún moro ni turco, si no es que su marido o su padre se lo manden. De cristianos cautivos se dejan tratar y comunicar, aun más de aquello que sería razonable; y a mí me hubiera pesado que él la hubiera hablado, que quizá la alborotara, viendo que su negocio andaba en boca de renegados. Pero Dios, que lo ordenaba de otra manera, no dio lugar al buen deseo que nuestro renegado tenía; el cual, viendo cuán seguramente iba y venía a Sargel, y que daba fondo cuando y como y adonde quería, y que el tagarino, su compañero, no tenía más voluntad de lo que la suya ordenaba, y que yo estaba ya rescatado, y que sólo faltaba buscar algunos cristianos que bogasen el remo, me dijo que mirase yo cuáles quería traer conmigo, fuera de los rescatados, y que los tuviese hablados para el primer viernes, donde tenía determinado que fuese nuestra partida. Viendo esto, hablé a doce españoles, todos valientes hombres del remo, y de aquellos que más libremente podían salir de la ciudad; y no fue poco hallar tantos en aquella coyuntura, porque estaban veinte bajeles en corso, y se habían llevado toda la gente de remo, y éstos no se hallaran, si no fuera que su amo se quedó aquel verano sin ir en corso, a acabar una galeota que tenía en astillero. A los cuales no les dije otra cosa, sino que el primer viernes en la tarde se saliesen uno a uno, disimuladamente, y se fuesen la vuelta del jardín de Agi Morato, y que allí me aguardasen hasta que yo fuese. A cada uno di este aviso de por sí, con orden que, aunque allí viesen a otros cristianos, no les dijesen sino que yo les había mandado esperar en aquel lugar. »Hecha esta diligencia, me faltaba hacer otra, que era la que más me convenía: y era la de avisar a Zoraida en el punto que estaban los negocios, para que estuviese apercebida y sobre aviso, que no se sobresaltase si de improviso la asaltásemos antes del tiempo que ella podía imaginar que la barca de cristianos podía volver. Y así, determiné de ir al jardín y ver si podría hablarla; y, con ocasión de coger algunas yerbas, un día, antes de mi partida, fui allá, y la primera persona con quién encontré fue con su padre, el cual me dijo, en lengua que en toda la Berbería, y aun en Costantinopla, se halla entre cautivos y moros, que ni es morisca, ni castellana, ni de otra nación alguna, sino una mezcla de todas las lenguas con la cual todos nos entendemos; digo, pues, que en esta manera de lenguaje me preguntó que qué buscaba en aquel su jardín, y de quién era. Respondíle que era esclavo de Arnaúte Mamí (y esto, porque sabía yo por muy cierto que era un grandísimo amigo suyo), y que buscaba de todas yerbas, para hacer ensalada. Preguntóme, por el consiguiente, si era hombre de rescate o no, y que cuánto pedía mi amo por mí. Estando en todas estas preguntas y respuestas, salió de la casa del jardín la bella Zoraida, la cual ya había mucho que me había visto; y, como las moras en ninguna manera hacen melindre de mostrarse a los cristianos, ni tampoco se esquivan, como ya he dicho, no se le dio nada de venir adonde su padre conmigo estaba; antes, luego cuando su padre vio que venía, y de espacio, la llamó y mandó que llegase. »Demasiada cosa sería decir yo agora la mucha hermosura, la gentileza, el gallardo y rico adorno con que mi querida Zoraida se mostró a mis ojos: sólo diré que más perlas pendían de su hermosísimo cuello, orejas y cabellos, que cabellos tenía en la cabeza. En las gargantas de los sus pies, que descubiertas, a su usanza, traía, traía dos carcajes (que así se llamaban las manillas o ajorcas de los pies en morisco) de purísimo oro, con tantos diamantes engastados, que ella me dijo después que su padre los estimaba en diez mil doblas, y las que traía en las muñecas de las manos valían otro tanto. Las perlas eran en gran cantidad y muy buenas, porque la mayor gala y bizarría de las moras es adornarse de ricas perlas y aljófar, y así, hay más perlas y aljófar entre moros que entre todas las demás naciones; y el padre de Zoraida tenía fama de tener muchas y de las mejores que en Argel había, y de tener asimismo más de docientos mil escudos españoles, de todo lo cual era señora esta que ahora lo es mía. Si con todo este adorno podía venir entonces hermosa, o no, por las reliquias que le han quedado en tantos trabajos se podrá conjeturar cuál debía de ser en las prosperidades. Porque ya se sabe que la hermosura de algunas mujeres tiene días y sazones, y requiere accidentes para diminuirse o acrecentarse; y es natural cosa que las pasiones del ánimo la levanten o abajen, puesto que las más veces la destruyen. »Digo, en fin, que entonces llegó en todo estremo aderezada y en todo estremo hermosa, o, a lo menos, a mí me pareció serlo la más que hasta entonces había visto; y con esto, viendo las obligaciones en que me había puesto, me parecía que tenía delante de mí una deidad del cielo, venida a la tierra para mi gusto y para mi remedio. Así como ella llegó, le dijo su padre en su lengua como yo era cautivo de su amigo Arnaúte Mamí, y que venía a buscar ensalada. Ella tomó la mano, y en aquella mezcla de lenguas que tengo dicho me preguntó si era caballero y qué era la causa que no me rescataba. Yo le respondí que ya estaba rescatado, y que en el precio podía echar de ver en lo que mi amo me estimaba, pues había dado por mí mil y quinientos zoltanís. A lo cual ella respondió: ''En verdad que si tú fueras de mi padre, que yo hiciera que no te diera él por otros dos tantos, porque vosotros, cristianos, siempre mentís en cuanto decís, y os hacéis pobres por engañar a los moros''. ''Bien podría ser eso, señora —le respondí—, mas en verdad que yo la he tratado con mi amo, y la trato y la trataré con cuantas personas hay en el mundo''. ''Y ¿cuándo te vas?'', dijo Zoraida. ''Mañana, creo yo —dije—, porque está aquí un bajel de Francia que se hace mañana a la vela, y pienso irme en él''. ''¿No es mejor —replicó Zoraida—, esperar a que vengan bajeles de España, y irte con ellos, que no con los de Francia, que no son vuestros amigos?'' ''No —respondí yo—, aunque si como hay nuevas que viene ya un bajel de España, es verdad, todavía yo le aguardaré, puesto que es más cierto el partirme mañana; porque el deseo que tengo de verme en mi tierra, y con las personas que bien quiero, es tanto que no me dejará esperar otra comodidad, si se tarda, por mejor que sea''. ''Debes de ser, sin duda, casado en tu tierra —dijo Zoraida—, y por eso deseas ir a verte con tu mujer''. ''No soy —respondí yo— casado, mas tengo dada la palabra de casarme en llegando allá''. ''Y ¿es hermosa la dama a quien se la diste?'', dijo Zoraida. ''Tan hermosa es —respondí yo— que para encarecella y decirte la verdad, te parece a ti mucho''. Desto se riyó muy de veras su padre, y dijo: ''Gualá, cristiano, que debe de ser muy hermosa si se parece a mi hija, que es la más hermosa de todo este reino. Si no, mírala bien, y verás cómo te digo verdad''. Servíanos de intérprete a las más de estas palabras y razones el padre de Zoraida, como más ladino; que, aunque ella hablaba la bastarda lengua que, como he dicho, allí se usa, más declaraba su intención por señas que por palabras. »Estando en estas y otras muchas razones, llegó un moro corriendo, y dijo, a grandes voces, que por las bardas o paredes del jardín habían saltado cuatro turcos, y andaban cogiendo la fruta, aunque no estaba madura. Sobresaltóse el viejo, y lo mesmo hizo Zoraida, porque es común y casi natural el miedo que los moros a los turcos tienen, especialmente a los soldados, los cuales son tan insolentes y tienen tanto imperio sobre los moros que a ellos están sujetos, que los tratan peor que si fuesen esclavos suyos. Digo, pues, que dijo su padre a Zoraida: ''Hija, retírate a la casa y enciérrate, en tanto que yo voy a hablar a estos canes; y tú, cristiano, busca tus yerbas, y vete en buen hora, y llévete Alá con bien a tu tierra''. Yo me incliné, y él se fue a buscar los turcos, dejándome solo con Zoraida, que comenzó a dar muestras de irse donde su padre la había mandado. Pero, apenas él se encubrió con los árboles del jardín, cuando ella, volviéndose a mí, llenos los ojos de lágrimas, me dijo: ''Ámexi, cristiano, ámexi''; que quiere decir: "¿Vaste, cristiano, vaste?" Yo la respondí: ''Señora, sí, pero no en ninguna manera sin ti: el primero jumá me aguarda, y no te sobresaltes cuando nos veas; que sin duda alguna iremos a tierra de cristianos''. »Yo le dije esto de manera que ella me entendió muy bien a todas las razones que entrambos pasamos; y, echándome un brazo al cuello, con desmayados pasos comenzó a caminar hacia la casa; y quiso la suerte, que pudiera ser muy mala si el cielo no lo ordenara de otra manera, que, yendo los dos de la manera y postura que os he contado, con un brazo al cuello, su padre, que ya volvía de hacer ir a los turcos, nos vio de la suerte y manera que íbamos, y nosotros vimos que él nos había visto; pero Zoraida, advertida y discreta, no quiso quitar el brazo de mi cuello, antes se llegó más a mí y puso su cabeza sobre mi pecho, doblando un poco las rodillas, dando claras señales y muestras que se desmayaba, y yo, ansimismo, di a entender que la sostenía contra mi voluntad. Su padre llegó corriendo adonde estábamos, y, viendo a su hija de aquella manera, le preguntó que qué tenía; pero, como ella no le respondiese, dijo su padre: ''Sin duda alguna que con el sobresalto de la entrada de estos canes se ha desmayado''. Y, quitándola del mío, la arrimó a su pecho; y ella, dando un suspiro y aún no enjutos los ojos de lágrimas, volvió a decir: ''Ámexi, cristiano, ámexi'': "Vete, cristiano, vete". A lo que su padre respondió: ''No importa, hija, que el cristiano se vaya, que ningún mal te ha hecho, y los turcos ya son idos. No te sobresalte cosa alguna, pues ninguna hay que pueda darte pesadumbre, pues, como ya te he dicho, los turcos, a mi ruego, se volvieron por donde entraron''. ''Ellos, señor, la sobresaltaron, como has dicho —dije yo a su padre—; mas, pues ella dice que yo me vaya, no la quiero dar pesadumbre: quédate en paz, y, con tu licencia, volveré, si fuere menester, por yerbas a este jardín; que, según dice mi amo, en ninguno las hay mejores para ensalada que en él''. ''Todas las que quisieres podrás volver —respondió Agi Morato—, que mi hija no dice esto porque tú ni ninguno de los cristianos la enojaban, sino que, por decir que los turcos se fuesen, dijo que tú te fueses, o porque ya era hora que buscases tus yerbas''. »Con esto, me despedí al punto de entrambos; y ella, arrancándosele el alma, al parecer, se fue con su padre; y yo, con achaque de buscar las yerbas, rodeé muy bien y a mi placer todo el jardín: miré bien las entradas y salidas, y la fortaleza de la casa, y la comodidad que se podía ofrecer para facilitar todo nuestro negocio. Hecho esto, me vine y di cuenta de cuanto había pasado al renegado y a mis compañeros; y ya no veía la hora de verme gozar sin sobresalto del bien que en la hermosa y bella Zoraida la suerte me ofrecía. »En fin, el tiempo se pasó, y se llegó el día y plazo de nosotros tan deseado; y, siguiendo todos el orden y parecer que, con discreta consideración y largo discurso, muchas veces habíamos dado, tuvimos el buen suceso que deseábamos; porque el viernes que se siguió al día que yo con Zoraida hablé en el jardín, nuestro renegado, al anochecer, dio fondo con la barca casi frontero de donde la hermosísima Zoraida estaba. Ya los cristianos que habían de bogar el remo estaban prevenidos y escondidos por diversas partes de todos aquellos alrededores. Todos estaban suspensos y alborozados, aguardándome, deseosos ya de embestir con el bajel que a los ojos tenían; porque ellos no sabían el concierto del renegado, sino que pensaban que a fuerza de brazos habían de haber y ganar la libertad, quitando la vida a los moros que dentro de la barca estaban. »Sucedió, pues, que, así como yo me mostré y mis compañeros, todos los demás escondidos que nos vieron se vinieron llegando a nosotros. Esto era ya a tiempo que la ciudad estaba ya cerrada, y por toda aquella campaña ninguna persona parecía. Como estuvimos juntos, dudamos si sería mejor ir primero por Zoraida, o rendir primero a los moros bagarinos que bogaban el remo en la barca. Y, estando en esta duda, llegó a nosotros nuestro renegado diciéndonos que en qué nos deteníamos, que ya era hora, y que todos sus moros estaban descuidados, y los más dellos durmiendo. Dijímosle en lo que reparábamos, y él dijo que lo que más importaba era rendir primero el bajel, que se podía hacer con grandísima facilidad y sin peligro alguno, y que luego podíamos ir por Zoraida. Pareciónos bien a todos lo que decía, y así, sin detenernos más, haciendo él la guía, llegamos al bajel, y, saltando él dentro primero, metió mano a un alfanje, y dijo en morisco: ''Ninguno de vosotros se mueva de aquí, si no quiere que le cueste la vida''. Ya, a este tiempo, habían entrado dentro casi todos los cristianos. Los moros, que eran de poco ánimo, viendo hablar de aquella manera a su arráez, quedáronse espantados, y sin ninguno de todos ellos echar mano a las armas, que pocas o casi ningunas tenían, se dejaron, sin hablar alguna palabra, maniatar de los cristianos, los cuales con mucha presteza lo hicieron, amenazando a los moros que si alzaban por alguna vía o manera la voz, que luego al punto los pasarían todos a cuchillo. »Hecho ya esto, quedándose en guardia dellos la mitad de los nuestros, los que quedábamos, haciéndonos asimismo el renegado la guía, fuimos al jardín de Agi Morato, y quiso la buena suerte que, llegando a abrir la puerta, se abrió con tanta facilidad como si cerrada no estuviera; y así, con gran quietud y silencio, llegamos a la casa sin ser sentidos de nadie. Estaba la bellísima Zoraida aguardándonos a una ventana, y, así como sintió gente, preguntó con voz baja si éramos nizarani, como si dijera o preguntara si éramos cristianos. Yo le respondí que sí, y que bajase. Cuando ella me conoció, no se detuvo un punto, porque, sin responderme palabra, bajó en un instante, abrió la puerta y mostróse a todos tan hermosa y ricamente vestida que no lo acierto a encarecer. Luego que yo la vi, le tomé una mano y la comencé a besar, y el renegado hizo lo mismo, y mis dos camaradas; y los demás, que el caso no sabían, hicieron lo que vieron que nosotros hacíamos, que no parecía sino que le dábamos las gracias y la reconocíamos por señora de nuestra libertad. El renegado le dijo en lengua morisca si estaba su padre en el jardín. Ella respondió que sí y que dormía. ''Pues será menester despertalle —replicó el renegado—, y llevárnosle con nosotros, y todo aquello que tiene de valor este hermoso jardín.'' ''No —dijo ella—, a mi padre no se ha de tocar en ningún modo, y en esta casa no hay otra cosa que lo que yo llevo, que es tanto, que bien habrá para que todos quedéis ricos y contentos; y esperaros un poco y lo veréis''. Y, diciendo esto, se volvió a entrar, diciendo que muy presto volvería; que nos estuviésemos quedos, sin hacer ningún ruido. Preguntéle al renegado lo que con ella había pasado, el cual me lo contó, a quien yo dije que en ninguna cosa se había de hacer más de lo que Zoraida quisiese; la cual ya que volvía cargada con un cofrecillo lleno de escudos de oro, tantos, que apenas lo podía sustentar, quiso la mala suerte que su padre despertase en el ínterin y sintiese el ruido que andaba en el jardín; y, asomándose a la ventana, luego conoció que todos los que en él estaban eran cristianos; y, dando muchas, grandes y desaforadas voces, comenzó a decir en arábigo: ''¡Cristianos, cristianos! ¡Ladrones, ladrones!''; por los cuales gritos nos vimos todos puestos en grandísima y temerosa confusión. Pero el renegado, viendo el peligro en que estábamos, y lo mucho que le importaba salir con aquella empresa antes de ser sentido, con grandísima presteza, subió donde Agi Morato estaba, y juntamente con él fueron algunos de nosotros; que yo no osé desamparar a la Zoraida, que como desmayada se había dejado caer en mis brazos. En resolución, los que subieron se dieron tan buena maña que en un momento bajaron con Agi Morato, trayéndole atadas las manos y puesto un pañizuelo en la boca, que no le dejaba hablar palabra, amenazándole que el hablarla le había de costar la vida. Cuando su hija le vio, se cubrió los ojos por no verle, y su padre quedó espantado, ignorando cuán de su voluntad se había puesto en nuestras manos. Mas, entonces siendo más necesarios los pies, con diligencia y presteza nos pusimos en la barca; que ya los que en ella habían quedado nos esperaban, temerosos de algún mal suceso nuestro. »Apenas serían dos horas pasadas de la noche, cuando ya estábamos todos en la barca, en la cual se le quitó al padre de Zoraida la atadura de las manos y el paño de la boca; pero tornóle a decir el renegado que no hablase palabra, que le quitarían la vida. Él, como vio allí a su hija, comenzó a suspirar ternísimamente, y más cuando vio que yo estrechamente la tenía abrazada, y que ella sin defender, quejarse ni esquivarse, se estaba queda; pero, con todo esto, callaba, porque no pusiesen en efeto las muchas amenazas que el renegado le hacía. Viéndose, pues, Zoraida ya en la barca, y que queríamos dar los remos al agua, y viendo allí a su padre y a los demás moros que atados estaban, le dijo al renegado que me dijese le hiciese merced de soltar a aquellos moros y de dar libertad a su padre, porque antes se arrojaría en la mar que ver delante de sus ojos y por causa suya llevar cautivo a un padre que tanto la había querido. El renegado me lo dijo; y yo respondí que era muy contento; pero él respondió que no convenía, a causa que, si allí los dejaban apellidarían luego la tierra y alborotarían la ciudad, y serían causa que saliesen a buscallos con algunas fragatas ligeras, y les tomasen la tierra y la mar, de manera que no pudiésemos escaparnos; que lo que se podría hacer era darles libertad en llegando a la primera tierra de cristianos. En este parecer venimos todos, y Zoraida, a quien se le dio cuenta, con las causas que nos movían a no hacer luego lo que quería, también se satisfizo; y luego, con regocijado silencio y alegre diligencia, cada uno de nuestros valientes remeros tomó su remo, y comenzamos, encomendándonos a Dios de todo corazón, a navegar la vuelta de las islas de Mallorca, que es la tierra de cristianos más cerca. »Pero, a causa de soplar un poco el viento tramontana y estar la mar algo picada, no fue posible seguir la derrota de Mallorca, y fuenos forzoso dejarnos ir tierra a tierra la vuelta de Orán, no sin mucha pesadumbre nuestra, por no ser descubiertos del lugar de Sargel, que en aquella costa cae sesenta millas de Argel. Y, asimismo, temíamos encontrar por aquel paraje alguna galeota de las que de ordinario vienen con mercancía de Tetuán, aunque cada uno por sí, y todos juntos, presumíamos de que, si se encontraba galeota de mercancía, como no fuese de las que andan en corso, que no sólo no nos perderíamos, mas que tomaríamos bajel donde con más seguridad pudiésemos acabar nuestro viaje. Iba Zoraida, en tanto que se navegaba, puesta la cabeza entre mis manos, por no ver a su padre, y sentía yo que iba llamando a Lela Marién que nos ayudase. »Bien habríamos navegado treinta millas, cuando nos amaneció, como tres tiros de arcabuz desviados de tierra, toda la cual vimos desierta y sin nadie que nos descubriese; pero, con todo eso, nos fuimos a fuerza de brazos entrando un poco en la mar, que ya estaba algo más sosegada; y, habiendo entrado casi dos leguas, diose orden que se bogase a cuarteles en tanto que comíamos algo, que iba bien proveída la barca, puesto que los que bogaban dijeron que no era aquél tiempo de tomar reposo alguno, que les diesen de comer los que no bogaban, que ellos no querían soltar los remos de las manos en manera alguna. Hízose ansí, y en esto comenzó a soplar un viento largo, que nos obligó a hacer luego vela y a dejar el remo, y enderezar a Orán, por no ser posible poder hacer otro viaje. Todo se hizo con muchísima presteza; y así, a la vela, navegamos por más de ocho millas por hora, sin llevar otro temor alguno sino el de encontrar con bajel que de corso fuese. »Dimos de comer a los moros bagarinos, y el renegado les consoló diciéndoles como no iban cautivos, que en la primera ocasión les darían libertad. Lo mismo se le dijo al padre de Zoraida, el cual respondió: ''Cualquiera otra cosa pudiera yo esperar y creer de vuestra liberalidad y buen término, ¡oh cristianos!, mas el darme libertad, no me tengáis por tan simple que lo imagine; que nunca os pusistes vosotros al peligro de quitármela para volverla tan liberalmente, especialmente sabiendo quién soy yo, y el interese que se os puede seguir de dármela; el cual interese, si le queréis poner nombre, desde aquí os ofrezco todo aquello que quisiéredes por mí y por esa desdichada hija mía, o si no, por ella sola, que es la mayor y la mejor parte de mi alma''. En diciendo esto, comenzó a llorar tan amargamente que a todos nos movió a compasión, y forzó a Zoraida que le mirase; la cual, viéndole llorar, así se enterneció que se levantó de mis pies y fue a abrazar a su padre, y, juntando su rostro con el suyo, comenzaron los dos tan tierno llanto que muchos de los que allí íbamos le acompañamos en él. Pero, cuando su padre la vio adornada de fiesta y con tantas joyas sobre sí, le dijo en su lengua: ''¿Qué es esto, hija, que ayer al anochecer, antes que nos sucediese esta terrible desgracia en que nos vemos, te vi con tus ordinarios y caseros vestidos, y agora, sin que hayas tenido tiempo de vestirte y sin haberte dado alguna nueva alegre de solenizalle con adornarte y pulirte, te veo compuesta con los mejores vestidos que yo supe y pude darte cuando nos fue la ventura más favorable? Respóndeme a esto, que me tiene más suspenso y admirado que la misma desgracia en que me hallo''. »Todo lo que el moro decía a su hija nos lo declaraba el renegado, y ella no le respondía palabra. Pero, cuando él vio a un lado de la barca el cofrecillo donde ella solía tener sus joyas, el cual sabía él bien que le había dejado en Argel, y no traídole al jardín, quedó más confuso, y preguntóle que cómo aquel cofre había venido a nuestras manos, y qué era lo que venía dentro. A lo cual el renegado, sin aguardar que Zoraida le respondiese, le respondió: ''No te canses, señor, en preguntar a Zoraida, tu hija, tantas cosas, porque con una que yo te responda te satisfaré a todas; y así, quiero que sepas que ella es cristiana, y es la que ha sido la lima de nuestras cadenas y la libertad de nuestro cautiverio; ella va aquí de su voluntad, tan contenta, a lo que yo imagino, de verse en este estado, como el que sale de las tinieblas a la luz, de la muerte a la vida y de la pena a la gloria''. ''¿Es verdad lo que éste dice, hija?'', dijo el moro. ''Así es'', respondió Zoraida. ''¿Que, en efeto —replicó el viejo—, tú eres cristiana, y la que ha puesto a su padre en poder de sus enemigos?'' A lo cual respondió Zoraida: ''La que es cristiana yo soy, pero no la que te ha puesto en este punto, porque nunca mi deseo se estendió a dejarte ni a hacerte mal, sino a hacerme a mí bien''. ''Y ¿qué bien es el que te has hecho, hija?'' ''Eso —respondió ella— pregúntaselo tú a Lela Marién, que ella te lo sabrá decir mejor que no yo''. »Apenas hubo oído esto el moro, cuando, con una increíble presteza, se arrojó de cabeza en la mar, donde sin ninguna duda se ahogara, si el vestido largo y embarazoso que traía no le entretuviera un poco sobre el agua. Dio voces Zoraida que le sacasen, y así, acudimos luego todos, y, asiéndole de la almalafa, le sacamos medio ahogado y sin sentido, de que recibió tanta pena Zoraida que, como si fuera ya muerto, hacía sobre él un tierno y doloroso llanto. Volvímosle boca abajo, volvió mucha agua, tornó en sí al cabo de dos horas, en las cuales, habiéndose trocado el viento, nos convino volver hacia tierra, y hacer fuerza de remos, por no embestir en ella; mas quiso nuestra buena suerte que llegamos a una cala que se hace al lado de un pequeño promontorio o cabo que de los moros es llamado el de La Cava Rumía, que en nuestra lengua quiere decir La mala mujer cristiana; y es tradición entre los moros que en aquel lugar está enterrada la Cava, por quien se perdió España, porque cava en su lengua quiere decir mujer mala, y rumía, cristiana; y aun tienen por mal agüero llegar allí a dar fondo cuando la necesidad les fuerza a ello, porque nunca le dan sin ella; puesto que para nosotros no fue abrigo de mala mujer, sino puerto seguro de nuestro remedio, según andaba alterada la mar. »Pusimos nuestras centinelas en tierra, y no dejamos jamás los remos de la mano; comimos de lo que el renegado había proveído, y rogamos a Dios y a Nuestra Señora, de todo nuestro corazón, que nos ayudase y favoreciese para que felicemente diésemos fin a tan dichoso principio. Diose orden, a suplicación de Zoraida, como echásemos en tierra a su padre y a todos los demás moros que allí atados venían, porque no le bastaba el ánimo, ni lo podían sufrir sus blandas entrañas, ver delante de sus ojos atado a su padre y aquellos de su tierra presos. Prometímosle de hacerlo así al tiempo de la partida, pues no corría peligro el dejallos en aquel lugar, que era despoblado. No fueron tan vanas nuestras oraciones que no fuesen oídas del cielo; que, en nuestro favor, luego volvió el viento, tranquilo el mar, convidándonos a que tornásemos alegres a proseguir nuestro comenzado viaje. »Viendo esto, desatamos a los moros, y uno a uno los pusimos en tierra, de lo que ellos se quedaron admirados; pero, llegando a desembarcar al padre de Zoraida, que ya estaba en todo su acuerdo, dijo: ''¿Por qué pensáis, cristianos, que esta mala hembra huelga de que me deis libertad? ¿Pensáis que es por piedad que de mí tiene? No, por cierto, sino que lo hace por el estorbo que le dará mi presencia cuando quiera poner en ejecución sus malos deseos; ni penséis que la ha movido a mudar religión entender ella que la vuestra a la nuestra se aventaja, sino el saber que en vuestra tierra se usa la deshonestidad más libremente que en la nuestra''. Y, volviéndose a Zoraida, teniéndole yo y otro cristiano de entrambos brazos asido, porque algún desatino no hiciese, le dijo: ''¡Oh infame moza y mal aconsejada muchacha! ¿Adónde vas, ciega y desatinada, en poder destos perros, naturales enemigos nuestros? ¡Maldita sea la hora en que yo te engendré, y malditos sean los regalos y deleites en que te he criado!'' Pero, viendo yo que llevaba término de no acabar tan presto, di priesa a ponelle en tierra, y desde allí, a voces, prosiguió en sus maldiciones y lamentos, rogando a Mahoma rogase a Alá que nos destruyese, confundiese y acabase; y cuando, por habernos hecho a la vela, no podimos oír sus palabras, vimos sus obras, que eran arrancarse las barbas, mesarse los cabellos y arrastrarse por el suelo; mas una vez esforzó la voz de tal manera que podimos entender que decía: ''¡Vuelve, amada hija, vuelve a tierra, que todo te lo perdono; entrega a esos hombres ese dinero, que ya es suyo, y vuelve a consolar a este triste padre tuyo, que en esta desierta arena dejará la vida, si tú le dejas!'' Todo lo cual escuchaba Zoraida, y todo lo sentía y lloraba, y no supo decirle ni respondelle palabra, sino: ''Plega a Alá, padre mío, que Lela Marién, que ha sido la causa de que yo sea cristiana, ella te consuele en tu tristeza. Alá sabe bien que no pude hacer otra cosa de la que he hecho, y que estos cristianos no deben nada a mi voluntad, pues, aunque quisiera no venir con ellos y quedarme en mi casa, me fuera imposible, según la priesa que me daba mi alma a poner por obra ésta que a mí me parece tan buena como tú, padre amado, la juzgas por mala''. Esto dijo, a tiempo que ni su padre la oía, ni nosotros ya le veíamos; y así, consolando yo a Zoraida, atendimos todos a nuestro viaje, el cual nos le facilitaba el proprio viento, de tal manera que bien tuvimos por cierto de vernos otro día al amanecer en las riberas de España. »Mas, como pocas veces, o nunca, viene el bien puro y sencillo, sin ser acompañado o seguido de algún mal que le turbe o sobresalte, quiso nuestra ventura, o quizá las maldiciones que el moro a su hija había echado, que siempre se han de temer de cualquier padre que sean; quiso, digo, que estando ya engolfados y siendo ya casi pasadas tres horas de la noche, yendo con la vela tendida de alto baja, frenillados los remos, porque el próspero viento nos quitaba del trabajo de haberlos menester, con la luz de la luna, que claramente resplandecía, vimos cerca de nosotros un bajel redondo, que, con todas las velas tendidas, llevando un poco a orza el timón, delante de nosotros atravesaba; y esto tan cerca, que nos fue forzoso amainar por no embestirle, y ellos, asimesmo, hicieron fuerza de timón para darnos lugar que pasásemos. »Habíanse puesto a bordo del bajel a preguntarnos quién éramos, y adónde navegábamos, y de dónde veníamos; pero, por preguntarnos esto en lengua francesa, dijo nuestro renegado: ''Ninguno responda; porque éstos, sin duda, son cosarios franceses, que hacen a toda ropa''. Por este advertimiento, ninguno respondió palabra; y, habiendo pasado un poco delante, que ya el bajel quedaba sotavento, de improviso soltaron dos piezas de artillería, y, a lo que parecía, ambas venían con cadenas, porque con una cortaron nuestro árbol por medio, y dieron con él y con la vela en la mar; y al momento, disparando otra pieza, vino a dar la bala en mitad de nuestra barca, de modo que la abrió toda, sin hacer otro mal alguno; pero, como nosotros nos vimos ir a fondo, comenzamos todos a grandes voces a pedir socorro y a rogar a los del bajel que nos acogiesen, porque nos anegábamos. Amainaron entonces, y, echando el esquife o barca a la mar, entraron en él hasta doce franceses bien armados, con sus arcabuces y cuerdas encendidas, y así llegaron junto al nuestro; y, viendo cuán pocos éramos y cómo el bajel se hundía, nos recogieron, diciendo que, por haber usado de la descortesía de no respondelles, nos había sucedido aquello. Nuestro renegado tomó el cofre de las riquezas de Zoraida, y dio con él en la mar, sin que ninguno echase de ver en lo que hacía. En resolución, todos pasamos con los franceses, los cuales, después de haberse informado de todo aquello que de nosotros saber quisieron, como si fueran nuestros capitales enemigos, nos despojaron de todo cuanto teníamos, y a Zoraida le quitaron hasta los carcajes que traía en los pies. Pero no me daba a mí tanta pesadumbre la que a Zoraida daban, como me la daba el temor que tenía de que habían de pasar del quitar de las riquísimas y preciosísimas joyas al quitar de la joya que más valía y ella más estimaba. Pero los deseos de aquella gente no se estienden a más que al dinero, y desto jamás se vee harta su codicia; lo cual entonces llegó a tanto, que aun hasta los vestidos de cautivos nos quitaran si de algún provecho les fueran. Y hubo parecer entre ellos de que a todos nos arrojasen a la mar envueltos en una vela, porque tenían intención de tratar en algunos puertos de España con nombre de que eran bretones, y si nos llevaban vivos, serían castigados, siendo descubierto su hurto. Mas el capitán, que era el que había despojado a mi querida Zoraida, dijo que él se contentaba con la presa que tenía, y que no quería tocar en ningún puerto de España, sino pasar el estrecho de Gibraltar de noche, o como pudiese, y irse a la Rochela, de donde había salido; y así, tomaron por acuerdo de darnos el esquife de su navío, y todo lo necesario para la corta navegación que nos quedaba, como lo hicieron otra día, ya a vista de tierra de España, con la cual vista, todas nuestras pesadumbres y pobrezas se nos olvidaron de todo punto, como si no hubieran pasado por nosotros: tanto es el gusto de alcanzar la libertad perdida. »Cerca de mediodía podría ser cuando nos echaron en la barca, dándonos dos barriles de agua y algún bizcocho; y el capitán, movido no sé de qué misericordia, al embarcarse la hermosísima Zoraida, le dio hasta cuarenta escudos de oro, y no consintió que le quitasen sus soldados estos mesmos vestidos que ahora tiene puestos. Entramos en el bajel; dímosles las gracias por el bien que nos hacían, mostrándonos más agradecidos que quejosos; ellos se hicieron a lo largo, siguiendo la derrota del estrecho; nosotros, sin mirar a otro norte que a la tierra que se nos mostraba delante, nos dimos tanta priesa a bogar que al poner del sol estábamos tan cerca que bien pudiéramos, a nuestro parecer, llegar antes que fuera muy noche; pero, por no parecer en aquella noche la luna y el cielo mostrarse escuro, y por ignorar el paraje en que estábamos, no nos pareció cosa segura embestir en tierra, como a muchos de nosotros les parecía, diciendo que diésemos en ella, aunque fuese en unas peñas y lejos de poblado, porque así aseguraríamos el temor que de razón se debía tener que por allí anduviesen bajeles de cosarios de Tetuán, los cuales anochecen en Berbería y amanecen en las costas de España, y hacen de ordinario presa, y se vuelven a dormir a sus casas. Pero, de los contrarios pareceres, el que se tomó fue que nos llegásemos poco a poco, y que si el sosiego del mar lo concediese, desembarcásemos donde pudiésemos. »Hízose así, y poco antes de la media noche sería cuando llegamos al pie de una disformísima y alta montaña, no tan junto al mar que no concediese un poco de espacio para poder desembarcar cómodamente. Embestimos en la arena, salimos a tierra, besamos el suelo, y, con lágrimas de muy alegrísimo contento, dimos todos gracias a Dios, Señor Nuestro, por el bien tan incomparable que nos había hecho. Sacamos de la barca los bastimentos que tenía, tirámosla en tierra, y subímonos un grandísimo trecho en la montaña, porque aún allí estábamos, y aún no podíamos asegurar el pecho, ni acabábamos de creer que era tierra de cristianos la que ya nos sostenía. Amaneció más tarde, a mi parecer, de lo que quisiéramos. Acabamos de subir toda la montaña, por ver si desde allí algún poblado se descubría, o algunas cabañas de pastores; pero, aunque más tendimos la vista, ni poblado, ni persona, ni senda, ni camino descubrimos. Con todo esto, determinamos de entrarnos la tierra adentro, pues no podría ser menos sino que presto descubriésemos quien nos diese noticia della. Pero lo que a mí más me fatigaba era el ver ir a pie a Zoraida por aquellas asperezas, que, puesto que alguna vez la puse sobre mis hombros, más le cansaba a ella mi cansancio que la reposaba su reposo; y así, nunca más quiso que yo aquel trabajo tomase; y, con mucha paciencia y muestras de alegría, llevándola yo siempre de la mano, poco menos de un cuarto de legua debíamos de haber andado, cuando llegó a nuestros oídos el son de una pequeña esquila, señal clara que por allí cerca había ganado; y, mirando todos con atención si alguno se parecía, vimos al pie de un alcornoque un pastor mozo, que con grande reposo y descuido estaba labrando un palo con un cuchillo. Dimos voces, y él, alzando la cabeza, se puso ligeramente en pie, y, a lo que después supimos, los primeros que a la vista se le ofrecieron fueron el renegado y Zoraida, y, como él los vio en hábito de moros, pensó que todos los de la Berbería estaban sobre él; y, metiéndose con estraña ligereza por el bosque adelante, comenzó a dar los mayores gritos del mundo diciendo: ''¡Moros, moros hay en la tierra! ¡Moros, moros! ¡Arma, arma!'' »Con estas voces quedamos todos confusos, y no sabíamos qué hacernos; pero, considerando que las voces del pastor habían de alborotar la tierra, y que la caballería de la costa había de venir luego a ver lo que era, acordamos que el renegado se desnudase las ropas del turco y se vistiese un gilecuelco o casaca de cautivo que uno de nosotros le dio luego, aunque se quedó en camisa; y así, encomendándonos a Dios, fuimos por el mismo camino que vimos que el pastor llevaba, esperando siempre cuándo había de dar sobre nosotros la caballería de la costa. Y no nos engañó nuestro pensamiento, porque, aún no habrían pasado dos horas cuando, habiendo ya salido de aquellas malezas a un llano, descubrimos hasta cincuenta caballeros, que con gran ligereza, corriendo a media rienda, a nosotros se venían, y así como los vimos, nos estuvimos quedos aguardándolos; pero, como ellos llegaron y vieron, en lugar de los moros que buscaban, tanto pobre cristiano, quedaron confusos, y uno dellos nos preguntó si éramos nosotros acaso la ocasión por que un pastor había apellidado al arma. ''Sí'', dije yo; y, queriendo comenzar a decirle mi suceso, y de dónde veníamos y quién éramos, uno de los cristianos que con nosotros venían conoció al jinete que nos había hecho la pregunta, y dijo, sin dejarme a mí decir más palabra: ''¡Gracias sean dadas a Dios, señores, que a tan buena parte nos ha conducido!, porque, si yo no me engaño, la tierra que pisamos es la de Vélez Málaga, si ya los años de mi cautiverio no me han quitado de la memoria el acordarme que vos, señor, que nos preguntáis quién somos, sois Pedro de Bustamante, tío mío''. Apenas hubo dicho esto el cristiano cautivo, cuando el jinete se arrojó del caballo y vino a abrazar al mozo, diciéndole: ''Sobrino de mi alma y de mi vida, ya te conozco, y ya te he llorado por muerto yo, y mi hermana, tu madre, y todos los tuyos, que aún viven; y Dios ha sido servido de darles vida para que gocen el placer de verte: ya sabíamos que estabas en Argel, y por las señales y muestras de tus vestidos, y la de todos los desta compañía, comprehendo que habéis tenido milagrosa libertad''. ''Así es —respondió el mozo—, y tiempo nos quedará para contároslo todo''. »Luego que los jinetes entendieron que éramos cristianos cautivos, se apearon de sus caballos, y cada uno nos convidaba con el suyo para llevarnos a la ciudad de Vélez Málaga, que legua y media de allí estaba. Algunos dellos volvieron a llevar la barca a la ciudad, diciéndoles dónde la habíamos dejado; otros nos subieron a las ancas, y Zoraida fue en las del caballo del tío del cristiano. Saliónos a recebir todo el pueblo, que ya de alguno que se había adelantado sabían la nueva de nuestra venida. No se admiraban de ver cautivos libres, ni moros cautivos, porque toda la gente de aquella costa está hecha a ver a los unos y a los otros; pero admirábanse de la hermosura de Zoraida, la cual en aquel instante y sazón estaba en su punto, ansí con el cansancio del camino como con la alegría de verse ya en tierra de cristianos, sin sobresalto de perderse; y esto le había sacado al rostro tales colores que, si no es que la afición entonces me engañaba, osaré decir que más hermosa criatura no había en el mundo; a lo menos, que yo la hubiese visto. »Fuimos derechos a la iglesia, a dar gracias a Dios por la merced recebida; y, así como en ella entró Zoraida, dijo que allí había rostros que se parecían a los de Lela Marién. Dijímosle que eran imágines suyas, y como mejor se pudo le dio el renegado a entender lo que significaban, para que ella las adorase como si verdaderamente fueran cada una dellas la misma Lela Marién que la había hablado. Ella, que tiene buen entendimiento y un natural fácil y claro, entendió luego cuanto acerca de las imágenes se le dijo. Desde allí nos llevaron y repartieron a todos en diferentes casas del pueblo; pero al renegado, Zoraida y a mí nos llevó el cristiano que vino con nosotros, y en casa de sus padres, que medianamente eran acomodados de los bienes de fortuna, y nos regalaron con tanto amor como a su mismo hijo. »Seis días estuvimos en Vélez, al cabo de los cuales el renegado, hecha su información de cuanto le convenía, se fue a la ciudad de Granada, a reducirse por medio de la Santa Inquisición al gremio santísimo de la Iglesia; los demás cristianos libertados se fueron cada uno donde mejor le pareció; solos quedamos Zoraida y yo, con solos los escudos que la cortesía del francés le dio a Zoraida, de los cuales compré este animal en que ella viene; y, sirviéndola yo hasta agora de padre y escudero, y no de esposo, vamos con intención de ver si mi padre es vivo, o si alguno de mis hermanos ha tenido más próspera ventura que la mía, puesto que, por haberme hecho el cielo compañero de Zoraida, me parece que ninguna otra suerte me pudiera venir, por buena que fuera, que más la estimara. La paciencia con que Zoraida lleva las incomodidades que la pobreza trae consigo, y el deseo que muestra tener de verse ya cristiana es tanto y tal, que me admira y me mueve a servirla todo el tiempo de mi vida, puesto que el gusto que tengo de verme suyo y de que ella sea mía me lo turba y deshace no saber si hallaré en mi tierra algún rincón donde recogella, y si habrán hecho el tiempo y la muerte tal mudanza en la hacienda y vida de mi padre y hermanos que apenas halle quien me conozca, si ellos faltan.» No tengo más, señores, que deciros de mi historia; la cual, si es agradable y peregrina, júzguenlo vuestros buenos entendimientos; que de mí sé decir que quisiera habérosla contado más brevemente, puesto que el temor de enfadaros más de cuatro circustancias me ha quitado de la lengua. Capítulo XLII. Que trata de lo que más sucedió en la venta y de otras muchas cosas dignas de saberse Calló, en diciendo esto, el cautivo, a quien don Fernando dijo: — Por cierto, señor capitán, el modo con que habéis contado este estraño suceso ha sido tal, que iguala a la novedad y estrañeza del mesmo caso. Todo es peregrino y raro, y lleno de accidentes que maravillan y suspenden a quien los oye; y es de tal manera el gusto que hemos recebido en escuchalle, que, aunque nos hallara el día de mañana entretenidos en el mesmo cuento, holgáramos que de nuevo se comenzara. Y, en diciendo esto, don Fernando y todos los demás se le ofrecieron, con todo lo a ellos posible para servirle, con palabras y razones tan amorosas y tan verdaderas que el capitán se tuvo por bien satisfecho de sus voluntades. Especialmente, le ofreció don Fernando que si quería volverse con él, que él haría que el marqués, su hermano, fuese padrino del bautismo de Zoraida, y que él, por su parte, le acomodaría de manera que pudiese entrar en su tierra con el autoridad y cómodo que a su persona se debía. Todo lo agradeció cortesísimamente el cautivo, pero no quiso acetar ninguno de sus liberales ofrecimientos. En esto, llegaba ya la noche, y, al cerrar della, llegó a la venta un coche, con algunos hombres de a caballo. Pidieron posada; a quien la ventera respondió que no había en toda la venta un palmo desocupado. — Pues, aunque eso sea —dijo uno de los de a caballo que habían entrado—, no ha de faltar para el señor oidor que aquí viene. A este nombre se turbó la güéspeda, y dijo: — Señor, lo que en ello hay es que no tengo camas: si es que su merced del señor oidor la trae, que sí debe de traer, entre en buen hora, que yo y mi marido nos saldremos de nuestro aposento por acomodar a su merced. — Sea en buen hora —dijo el escudero. Pero, a este tiempo, ya había salido del coche un hombre, que en el traje mostró luego el oficio y cargo que tenía, porque la ropa luenga, con las mangas arrocadas, que vestía, mostraron ser oidor, como su criado había dicho. Traía de la mano a una doncella, al parecer de hasta diez y seis años, vestida de camino, tan bizarra, tan hermosa y tan gallarda que a todos puso en admiración su vista; de suerte que, a no haber visto a Dorotea y a Luscinda y Zoraida, que en la venta estaban, creyeran que otra tal hermosura como la desta doncella difícilmente pudiera hallarse. Hallóse don Quijote al entrar del oidor y de la doncella, y, así como le vio, dijo: — Seguramente puede vuestra merced entrar y espaciarse en este castillo, que, aunque es estrecho y mal acomodado, no hay estrecheza ni incomodidad en el mundo que no dé lugar a las armas y a las letras, y más si las armas y letras traen por guía y adalid a la fermosura, como la traen las letras de vuestra merced en esta fermosa doncella, a quien deben no sólo abrirse y manifestarse los castillos, sino apartarse los riscos, y devidirse y abajarse las montañas, para dalle acogida. Entre vuestra merced, digo, en este paraíso, que aquí hallará estrellas y soles que acompañen el cielo que vuestra merced trae consigo; aquí hallará las armas en su punto y la hermosura en su estremo. Admirado quedó el oidor del razonamiento de don Quijote, a quien se puso a mirar muy de propósito, y no menos le admiraba su talle que sus palabras; y, sin hallar ningunas con que respondelle, se tornó a admirar de nuevo cuando vio delante de sí a Luscinda, Dorotea y a Zoraida, que, a las nuevas de los nuevos güéspedes y a las que la ventera les había dado de la hermosura de la doncella, habían venido a verla y a recebirla. Pero don Fernando, Cardenio y el cura le hicieron más llanos y más cortesanos ofrecimientos. En efecto, el señor oidor entró confuso, así de lo que veía como de lo que escuchaba, y las hermosas de la venta dieron la bienllegada a la hermosa doncella. En resolución, bien echó de ver el oidor que era gente principal toda la que allí estaba; pero el talle, visaje y la apostura de don Quijote le desatinaba; y, habiendo pasado entre todos corteses ofrecimientos y tanteado la comodidad de la venta, se ordenó lo que antes estaba ordenado: que todas las mujeres se entrasen en el camaranchón ya referido, y que los hombres se quedasen fuera, como en su guarda. Y así, fue contento el oidor que su hija, que era la doncella, se fuese con aquellas señoras, lo que ella hizo de muy buena gana. Y con parte de la estrecha cama del ventero, y con la mitad de la que el oidor traía, se acomodaron aquella noche mejor de lo que pensaban. El cautivo, que, desde el punto que vio al oidor, le dio saltos el corazón y barruntos de que aquél era su hermano, preguntó a uno de los criados que con él venían que cómo se llamaba y si sabía de qué tierra era. El criado le respondió que se llamaba el licenciado Juan Pérez de Viedma, y que había oído decir que era de un lugar de las montañas de León. Con esta relación y con lo que él había visto se acabó de confirmar de que aquél era su hermano, que había seguido las letras por consejo de su padre; y, alborotado y contento, llamando aparte a don Fernando, a Cardenio y al cura, les contó lo que pasaba, certificándoles que aquel oidor era su hermano. Habíale dicho también el criado como iba proveído por oidor a las Indias, en la Audiencia de Méjico. Supo también como aquella doncella era su hija, de cuyo parto había muerto su madre, y que él había quedado muy rico con el dote que con la hija se le quedó en casa. Pidióles consejo qué modo tendría para descubrirse, o para conocer primero si, después de descubierto, su hermano, por verle pobre, se afrentaba o le recebía con buenas entrañas. — Déjeseme a mí el hacer esa experiencia —dijo el cura—; cuanto más, que no hay pensar sino que vos, señor capitán, seréis muy bien recebido; porque el valor y prudencia que en su buen parecer descubre vuestro hermano no da indicios de ser arrogante ni desconocido, ni que no ha de saber poner los casos de la fortuna en su punto. — Con todo eso —dijo el capitán— yo querría, no de improviso, sino por rodeos, dármele a conocer. — Ya os digo —respondió el cura— que yo lo trazaré de modo que todos quedemos satisfechos. Ya, en esto, estaba aderezada la cena, y todos se sentaron a la mesa, eceto el cautivo y las señoras, que cenaron de por sí en su aposento. En la mitad de la cena dijo el cura: — Del mesmo nombre de vuestra merced, señor oidor, tuve yo una camarada en Costantinopla, donde estuve cautivo algunos años; la cual camarada era uno de los valientes soldados y capitanes que había en toda la infantería española, pero tanto cuanto tenía de esforzado y valeroso lo tenía de desdichado. — Y ¿cómo se llamaba ese capitán, señor mío? —preguntó el oidor. — Llamábase —respondió el cura— Ruy Pérez de Viedma, y era natural de un lugar de las montañas de León, el cual me contó un caso que a su padre con sus hermanos le había sucedido, que, a no contármelo un hombre tan verdadero como él, lo tuviera por conseja de aquellas que las viejas cuentan el invierno al fuego. Porque me dijo que su padre había dividido su hacienda entre tres hijos que tenía, y les había dado ciertos consejos, mejores que los de Catón. Y sé yo decir que el que él escogió de venir a la guerra le había sucedido tan bien que en pocos años, por su valor y esfuerzo, sin otro brazo que el de su mucha virtud, subió a ser capitán de infantería, y a verse en camino y predicamento de ser presto maestre de campo. Pero fuele la fortuna contraria, pues donde la pudiera esperar y tener buena, allí la perdió, con perder la libertad en la felicísima jornada donde tantos la cobraron, que fue en la batalla de Lepanto. Yo la perdí en la Goleta, y después, por diferentes sucesos, nos hallamos camaradas en Costantinopla. Desde allí vino a Argel, donde sé que le sucedió uno de los más estraños casos que en el mundo han sucedido. De aquí fue prosiguiendo el cura, y, con brevedad sucinta, contó lo que con Zoraida a su hermano había sucedido; a todo lo cual estaba tan atento el oidor, que ninguna vez había sido tan oidor como entonces. Sólo llegó el cura al punto de cuando los franceses despojaron a los cristianos que en la barca venían, y la pobreza y necesidad en que su camarada y la hermosa mora habían quedado; de los cuales no había sabido en qué habían parado, ni si habían llegado a España, o llevádolos los franceses a Francia. Todo lo que el cura decía estaba escuchando, algo de allí desviado, el capitán, y notaba todos los movimientos que su hermano hacía; el cual, viendo que ya el cura había llegado al fin de su cuento, dando un grande suspiro y llenándosele los ojos de agua, dijo: — ¡Oh, señor, si supiésedes las nuevas que me habéis contado, y cómo me tocan tan en parte que me es forzoso dar muestras dello con estas lágrimas que, contra toda mi discreción y recato, me salen por los ojos! Ese capitán tan valeroso que decís es mi mayor hermano, el cual, como más fuerte y de más altos pensamientos que yo ni otro hermano menor mío, escogió el honroso y digno ejercicio de la guerra, que fue uno de los tres caminos que nuestro padre nos propuso, según os dijo vuestra camarada en la conseja que, a vuestro parecer, le oístes. Yo seguí el de las letras, en las cuales Dios y mi diligencia me han puesto en el grado que me veis. Mi menor hermano está en el Pirú, tan rico que con lo que ha enviado a mi padre y a mí ha satisfecho bien la parte que él se llevó, y aun dado a las manos de mi padre con que poder hartar su liberalidad natural; y yo, ansimesmo, he podido con más decencia y autoridad tratarme en mis estudios y llegar al puesto en que me veo. Vive aún mi padre, muriendo con el deseo de saber de su hijo mayor, y pide a Dios con continuas oraciones no cierre la muerte sus ojos hasta que él vea con vida a los de su hijo; del cual me maravillo, siendo tan discreto, cómo en tantos trabajos y afliciones, o prósperos sucesos, se haya descuidado de dar noticia de sí a su padre; que si él lo supiera, o alguno de nosotros, no tuviera necesidad de aguardar al milagro de la caña para alcanzar su rescate. Pero de lo que yo agora me temo es de pensar si aquellos franceses le habrán dado libertad, o le habrán muerto por encubrir su hurto. Esto todo será que yo prosiga mi viaje, no con aquel contento con que le comencé, sino con toda melancolía y tristeza. ¡Oh buen hermano mío, y quién supiera agora dónde estabas; que yo te fuera a buscar y a librar de tus trabajos, aunque fuera a costa de los míos! ¡Oh, quién llevara nuevas a nuestro viejo padre de que tenías vida, aunque estuvieras en las mazmorras más escondidas de Berbería; que de allí te sacaran sus riquezas, las de mi hermano y las mías! ¡Oh Zoraida hermosa y liberal, quién pudiera pagar el bien que a un hermano hiciste!; ¡quién pudiera hallarse al renacer de tu alma, y a las bodas, que tanto gusto a todos nos dieran! Estas y otras semejantes palabras decía el oidor, lleno de tanta compasión con las nuevas que de su hermano le habían dado, que todos los que le oían le acompañaban en dar muestras del sentimiento que tenían de su lástima. Viendo, pues, el cura que tan bien había salido con su intención y con lo que deseaba el capitán, no quiso tenerlos a todos más tiempo tristes, y así, se levantó de la mesa, y, entrando donde estaba Zoraida, la tomó por la mano, y tras ella se vinieron Luscinda, Dorotea y la hija del oidor. Estaba esperando el capitán a ver lo que el cura quería hacer, que fue que, tomándole a él asimesmo de la otra mano, con entrambos a dos se fue donde el oidor y los demás caballeros estaban, y dijo: — Cesen, señor oidor, vuestras lágrimas, y cólmese vuestro deseo de todo el bien que acertare a desearse, pues tenéis delante a vuestro buen hermano y a vuestra buena cuñada. Éste que aquí veis es el capitán Viedma, y ésta, la hermosa mora que tanto bien le hizo. Los franceses que os dije los pusieron en la estrecheza que veis, para que vos mostréis la liberalidad de vuestro buen pecho. Acudió el capitán a abrazar a su hermano, y él le puso ambas manos en los pechos por mirarle algo más apartado; mas, cuando le acabó de conocer, le abrazó tan estrechamente, derramando tan tiernas lágrimas de contento,que los más de los que presentes estaban le hubieron de acompañar en ellas. Las palabras que entrambos hermanos se dijeron, los sentimientos que mostraron, apenas creo que pueden pensarse, cuanto más escribirse. Allí, en breves razones, se dieron cuenta de sus sucesos; allí mostraron puesta en su punto la buena amistad de dos hermanos; allí abrazó el oidor a Zoraida; allí la ofreció su hacienda; allí hizo que la abrazase su hija; allí la cristiana hermosa y la mora hermosísima renovaron las lágrimas de todos. Allí don Quijote estaba atento, sin hablar palabra, considerando estos tan estraños sucesos, atribuyéndolos todos a quimeras de la andante caballería. Allí concertaron que el capitán y Zoraida se volviesen con su hermano a Sevilla y avisasen a su padre de su hallazgo y libertad, para que, como pudiese, viniese a hallarse en las bodas y bautismo de Zoraida, por no le ser al oidor posible dejar el camino que llevaba, a causa de tener nuevas que de allí a un mes partía la flota de Sevilla a la Nueva España, y fuérale de grande incomodidad perder el viaje. En resolución, todos quedaron contentos y alegres del buen suceso del cautivo; y, como ya la noche iba casi en las dos partes de su jornada, acordaron de recogerse y reposar lo que de ella les quedaba. Don Quijote se ofreció a hacer la guardia del castillo, porque de algún gigante o otro mal andante follón no fuesen acometidos, codiciosos del gran tesoro de hermosura que en aquel castillo se encerraba. Agradeciéronselo los que le conocían, y dieron al oidor cuenta del humor estraño de don Quijote, de que no poco gusto recibió. Sólo Sancho Panza se desesperaba con la tardanza del recogimiento, y sólo él se acomodó mejor que todos, echándose sobre los aparejos de su jumento, que le costaron tan caros como adelante se dirá. Recogidas, pues, las damas en su estancia, y los demás acomodádose como menos mal pudieron, don Quijote se salió fuera de la venta a hacer la centinela del castillo, como lo había prometido. Sucedió, pues, que faltando poco por venir el alba, llegó a los oídos de las damas una voz tan entonada y tan buena, que les obligó a que todas le prestasen atento oído, especialmente Dorotea, que despierta estaba, a cuyo lado dormía doña Clara de Viedma, que ansí se llamaba la hija del oidor. Nadie podía imaginar quién era la persona que tan bien cantaba, y era una voz sola, sin que la acompañase instrumento alguno. Unas veces les parecía que cantaban en el patio; otras, que en la caballeriza; y, estando en esta confusión muy atentas, llegó a la puerta del aposento Cardenio y dijo: — Quien no duerme, escuche; que oirán una voz de un mozo de mulas, que de tal manera canta que encanta. — Ya lo oímos, señor —respondió Dorotea. Y, con esto, se fue Cardenio; y Dorotea, poniendo toda la atención posible, entendió que lo que se cantaba era esto: Capítulo XLIII. Donde se cuenta la agradable historia del mozo de mulas, con otros estraños acaecimientos en la venta sucedidos] -Marinero soy de amor, y en su piélago profundo navego sin esperanza de llegar a puerto alguno. Siguiendo voy a una estrella que desde lejos descubro, más bella y resplandeciente que cuantas vio Palinuro. Yo no sé adónde me guía, y así, navego confuso, el alma a mirarla atenta, cuidadosa y con descuido. Recatos impertinentes, honestidad contra el uso, son nubes que me la encubren cuando más verla procuro. ¡Oh clara y luciente estrella, en cuya lumbre me apuro!; al punto que te me encubras, será de mi muerte el punto. Llegando el que cantaba a este punto, le pareció a Dorotea que no sería bien que dejase Clara de oír una tan buena voz; y así, moviéndola a una y a otra parte, la despertó diciéndole: — Perdóname, niña, que te despierto, pues lo hago porque gustes de oír la mejor voz que quizá habrás oído en toda tu vida. Clara despertó toda soñolienta, y de la primera vez no entendió lo que Dorotea le decía; y, volviéndoselo a preguntar, ella se lo volvió a decir, por lo cual estuvo atenta Clara. Pero, apenas hubo oído dos versos que el que cantaba iba prosiguiendo, cuando le tomó un temblor tan estraño como si de algún grave accidente de cuartana estuviera enferma, y, abrazándose estrechamente con Teodora, le dijo: — ¡Ay señora de mi alma y de mi vida!, ¿para qué me despertastes?; que el mayor bien que la fortuna me podía hacer por ahora era tenerme cerrados los ojos y los oídos, para no ver ni oír a ese desdichado músico. — ¿Qué es lo que dices, niña?; mira que dicen que el que canta es un mozo de mulas. — No es sino señor de lugares —respondió Clara—, y el que le tiene en mi alma con tanta seguridad que si él no quiere dejalle, no le será quitado eternamente. Admirada quedó Dorotea de las sentidas razones de la muchacha, pareciéndole que se aventajaban en mucho a la discreción que sus pocos años prometían; y así, le dijo: — Habláis de modo, señora Clara, que no puedo entenderos: declaraos más y decidme qué es lo que decís de alma y de lugares, y deste músico, cuya voz tan inquieta os tiene. Pero no me digáis nada por ahora, que no quiero perder, por acudir a vuestro sobresalto, el gusto que recibo de oír al que canta; que me parece que con nuevos versos y nuevo tono torna a su canto. — Sea en buen hora —respondió Clara. Y, por no oílle, se tapó con las manos entrambos oídos, de lo que también se admiró Dorotea; la cual, estando atenta a lo que se cantaba, vio que proseguían en esta manera: -Dulce esperanza mía, que, rompiendo imposibles y malezas, sigues firme la vía que tú mesma te finges y aderezas: no te desmaye el verte a cada paso junto al de tu muerte. No alcanzan perezosos honrados triunfos ni vitoria alguna, ni pueden ser dichosos los que, no contrastando a la fortuna, entregan, desvalidos, al ocio blando todos los sentidos. Que amor sus glorias venda caras, es gran razón, y es trato justo, pues no hay más rica prenda que la que se quilata por su gusto; y es cosa manifiesta que no es de estima lo que poco cuesta. Amorosas porfías tal vez alcanzan imposibles cosas; y ansí, aunque con las mías sigo de amor las más dificultosas, no por eso recelo de no alcanzar desde la tierra el cielo. Aquí dio fin la voz, y principio a nuevos sollozos Clara. Todo lo cual encendía el deseo de Dorotea, que deseaba saber la causa de tan suave canto y de tan triste lloro. Y así, le volvió a preguntar qué era lo que le quería decir denantes. Entonces Clara, temerosa de que Luscinda no la oyese, abrazando estrechamente a Dorotea, puso su boca tan junto del oído de Dorotea, que seguramente podía hablar sin ser de otro sentida, y así le dijo: — Este que canta, señora mía, es un hijo de un caballero natural del reino de Aragón, señor de dos lugares, el cual vivía frontero de la casa de mi padre en la Corte; y, aunque mi padre tenía las ventanas de su casa con lienzos en el invierno y celosías en el verano, yo no sé lo que fue, ni lo que no, que este caballero, que andaba al estudio, me vio, ni sé si en la iglesia o en otra parte. Finalmente, él se enamoró de mí, y me lo dio a entender desde las ventanas de su casa con tantas señas y con tantas lágrimas, que yo le hube de creer, y aun querer, sin saber lo que me quería. Entre las señas que me hacía, era una de juntarse la una mano con la otra, dándome a entender que se casaría conmigo; y, aunque yo me holgaría mucho de que ansí fuera, como sola y sin madre, no sabía con quién comunicallo, y así, lo dejé estar sin dalle otro favor si no era, cuando estaba mi padre fuera de casa y el suyo también, alzar un poco el lienzo o la celosía y dejarme ver toda, de lo que él hacía tanta fiesta, que daba señales de volverse loco. Llegóse en esto el tiempo de la partida de mi padre, la cual él supo, y no de mí, pues nunca pude decírselo. Cayó malo, a lo que yo entiendo, de pesadumbre; y así, el día que nos partimos nunca pude verle para despedirme dél, siquiera con los ojos. Pero, a cabo de dos días que caminábamos, al entrar de una posada, en un lugar una jornada de aquí, le vi a la puerta del mesón, puesto en hábito de mozo de mulas, tan al natural que si yo no le trujera tan retratado en mi alma fuera imposible conocelle. Conocíle, admiréme y alegréme; él me miró a hurto de mi padre, de quien él siempre se esconde cuando atraviesa por delante de mí en los caminos y en las posadas do llegamos; y, como yo sé quién es, y considero que por amor de mí viene a pie y con tanto trabajo, muérome de pesadumbre, y adonde él pone los pies pongo yo los ojos. No sé con qué intención viene, ni cómo ha podido escaparse de su padre, que le quiere estraordinariamente, porque no tiene otro heredero, y porque él lo merece, como lo verá vuestra merced cuando le vea. Y más le sé decir: que todo aquello que canta lo saca de su cabeza; que he oído decir que es muy gran estudiante y poeta. Y hay más: que cada vez que le veo o le oigo cantar, tiemblo toda y me sobresalto, temerosa de que mi padre le conozca y venga en conocimiento de nuestros deseos. En mi vida le he hablado palabra, y, con todo eso, le quiero de manera que no he de poder vivir sin él. Esto es, señora mía, todo lo que os puedo decir deste músico, cuya voz tanto os ha contentado; que en sola ella echaréis bien de ver que no es mozo de mulas, como decís, sino señor de almas y lugares, como yo os he dicho. — No digáis más, señora doña Clara —dijo a esta sazón Dorotea, y esto, besándola mil veces—; no digáis más, digo, y esperad que venga el nuevo día, que yo espero en Dios de encaminar de manera vuestros negocios, que tengan el felice fin que tan honestos principios merecen. — ¡Ay señora! —dijo doña Clara—, ¿qué fin se puede esperar, si su padre es tan principal y tan rico que le parecerá que aun yo no puedo ser criada de su hijo, cuanto más esposa? Pues casarme yo a hurto de mi padre, no lo haré por cuanto hay en el mundo. No querría sino que este mozo se volviese y me dejase; quizá con no velle y con la gran distancia del camino que llevamos se me aliviaría la pena que ahora llevo, aunque sé decir que este remedio que me imagino me ha de aprovechar bien poco. No sé qué diablos ha sido esto, ni por dónde se ha entrado este amor que le tengo, siendo yo tan muchacha y él tan muchacho, que en verdad que creo que somos de una edad mesma, y que yo no tengo cumplidos diez y seis años; que para el día de San Miguel que vendrá dice mi padre que los cumplo. No pudo dejar de reírse Dorotea, oyendo cuán como niña hablaba doña Clara, a quien dijo: — Reposemos, señora, lo poco que creo queda de la noche, y amanecerá Dios y medraremos, o mal me andarán las manos. Sosegáronse con esto, y en toda la venta se guardaba un grande silencio; solamente no dormían la hija de la ventera y Maritornes, su criada, las cuales, como ya sabían el humor de que pecaba don Quijote, y que estaba fuera de la venta armado y a caballo haciendo la guarda, determinaron las dos de hacelle alguna burla, o, a lo menos, de pasar un poco el tiempo oyéndole sus disparates. Es, pues, el caso que en toda la venta no había ventana que saliese al campo, sino un agujero de un pajar, por donde echaban la paja por defuera. A este agujero se pusieron las dos semidoncellas, y vieron que don Quijote estaba a caballo, recostado sobre su lanzón, dando de cuando en cuando tan dolientes y profundos suspiros que parecía, que con cada uno se le arrancaba el alma. Y asimesmo oyeron que decía con voz blanda, regalada y amorosa: — ¡Oh mi señora Dulcinea del Toboso, estremo de toda hermosura, fin y remate de la discreción, archivo del mejor donaire, depósito de la honestidad, y, ultimadamente, idea de todo lo provechoso, honesto y deleitable que hay en el mundo! Y ¿qué fará agora la tu merced? ¿Si tendrás por ventura las mientes en tu cautivo caballero, que a tantos peligros, por sólo servirte, de su voluntad ha querido ponerse? Dame tú nuevas della, ¡oh luminaria de las tres caras! Quizá con envidia de la suya la estás ahora mirando; que, o paseándose por alguna galería de sus suntuosos palacios, o ya puesta de pechos sobre algún balcón, está considerando cómo, salva su honestidad y grandeza, ha de amansar la tormenta que por ella este mi cuitado corazón padece, qué gloria ha de dar a mis penas, qué sosiego a mi cuidado y, finalmente, qué vida a mi muerte y qué premio a mis servicios. Y tú, sol, que ya debes de estar apriesa ensillando tus caballos, por madrugar y salir a ver a mi señora, así como la veas, suplícote que de mi parte la saludes; pero guárdate que al verla y saludarla no le des paz en el rostro, que tendré más celos de ti que tú los tuviste de aquella ligera ingrata que tanto te hizo sudar y correr por los llanos de Tesalia, o por las riberas de Peneo, que no me acuerdo bien por dónde corriste entonces celoso y enamorado. A este punto llegaba entonces don Quijote en su tan lastimero razonamiento, cuando la hija de la ventera le comenzó a cecear y a decirle: — Señor mío, lléguese acá la vuestra merced si es servido. A cuyas señas y voz volvió don Quijote la cabeza, y vio, a la luz de la luna, que entonces estaba en toda su claridad, cómo le llamaban del agujero que a él le pareció ventana, y aun con rejas doradas, como conviene que las tengan tan ricos castillos como él se imaginaba que era aquella venta; y luego en el instante se le representó en su loca imaginación que otra vez, como la pasada, la doncella fermosa, hija de la señora de aquel castillo, vencida de su amor, tornaba a solicitarle; y con este pensamiento, por no mostrarse descortés y desagradecido, volvió las riendas a Rocinante y se llegó al agujero, y, así como vio a las dos mozas, dijo: — Lástima os tengo, fermosa señora, de que hayades puesto vuestras amorosas mientes en parte donde no es posible corresponderos conforme merece vuestro gran valor y gentileza; de lo que no debéis dar culpa a este miserable andante caballero, a quien tiene amor imposibilitado de poder entregar su voluntad a otra que aquella que, en el punto que sus ojos la vieron, la hizo señora absoluta de su alma. Perdonadme, buena señora, y recogeos en vuestro aposento, y no queráis, con significarme más vuestros deseos, que yo me muestre más desagradecido; y si del amor que me tenéis halláis en mí otra cosa con que satisfaceros, que el mismo amor no sea, pedídmela; que yo os juro, por aquella ausente enemiga dulce mía, de dárosla en continente, si bien me pidiésedes una guedeja de los cabellos de Medusa, que eran todos culebras, o ya los mesmos rayos del sol encerrados en una redoma. — No ha menester nada deso mi señora, señor caballero —dijo a este punto Maritornes. — Pues, ¿qué ha menester, discreta dueña, vuestra señora? —respondió don Quijote. — Sola una de vuestras hermosas manos —dijo Maritornes—, por poder deshogar con ella el gran deseo que a este agujero la ha traído, tan a peligro de su honor que si su señor padre la hubiera sentido, la menor tajada della fuera la oreja. — ¡Ya quisiera yo ver eso! —respondió don Quijote—; pero él se guardará bien deso, si ya no quiere hacer el más desastrado fin que padre hizo en el mundo, por haber puesto las manos en los delicados miembros de su enamorada hija. Parecióle a Maritornes que sin duda don Quijote daría la mano que le habían pedido, y, proponiendo en su pensamiento lo que había de hacer, se bajó del agujero y se fue a la caballeriza, donde tomó el cabestro del jumento de Sancho Panza, y con mucha presteza se volvió a su agujero, a tiempo que don Quijote se había puesto de pies sobre la silla de Rocinante, por alcanzar a la ventana enrejada, donde se imaginaba estar la ferida doncella; y, al darle la mano, dijo: — Tomad, señora, esa mano, o, por mejor decir, ese verdugo de los malhechores del mundo; tomad esa mano, digo, a quien no ha tocado otra de mujer alguna, ni aun la de aquella que tiene entera posesión de todo mi cuerpo. No os la doy para que la beséis, sino para que miréis la contestura de sus nervios, la trabazón de sus músculos, la anchura y espaciosidad de sus venas; de donde sacaréis qué tal debe de ser la fuerza del brazo que tal mano tiene. — Ahora lo veremos —dijo Maritornes. Y, haciendo una lazada corrediza al cabestro, se la echó a la muñeca, y, bajándose del agujero, ató lo que quedaba al cerrojo de la puerta del pajar muy fuertemente. Don Quijote, que sintió la aspereza del cordel en su muñeca, dijo: — Más parece que vuestra merced me ralla que no que me regala la mano; no la tratéis tan mal, pues ella no tiene la culpa del mal que mi voluntad os hace, ni es bien que en tan poca parte venguéis el todo de vuestro enojo. Mirad que quien quiere bien no se venga tan mal. Pero todas estas razones de don Quijote ya no las escuchaba nadie, porque, así como Maritornes le ató, ella y la otra se fueron, muertas de risa, y le dejaron asido de manera que fue imposible soltarse. Estaba, pues, como se ha dicho, de pies sobre Rocinante, metido todo el brazo por el agujero y atado de la muñeca, y al cerrojo de la puerta, con grandísimo temor y cuidado, que si Rocinante se desviaba a un cabo o a otro, había de quedar colgado del brazo; y así, no osaba hacer movimiento alguno, puesto que de la paciencia y quietud de Rocinante bien se podía esperar que estaría sin moverse un siglo entero. En resolución, viéndose don Quijote atado, y que ya las damas se habían ido, se dio a imaginar que todo aquello se hacía por vía de encantamento, como la vez pasada, cuando en aquel mesmo castillo le molió aquel moro encantado del arriero; y maldecía entre sí su poca discreción y discurso, pues, habiendo salido tan mal la vez primera de aquel castillo, se había aventurado a entrar en él la segunda, siendo advertimiento de caballeros andantes que, cuando han probado una aventura y no salido bien con ella, es señal que no está para ellos guardada, sino para otros; y así, no tienen necesidad de probarla segunda vez. Con todo esto, tiraba de su brazo, por ver si podía soltarse; mas él estaba tan bien asido, que todas sus pruebas fueron en vano. Bien es verdad que tiraba con tiento, porque Rocinante no se moviese; y, aunque él quisiera sentarse y ponerse en la silla, no podía sino estar en pie, o arrancarse la mano. Allí fue el desear de la espada de Amadís, contra quien no tenía fuerza de encantamento alguno; allí fue el maldecir de su fortuna; allí fue el exagerar la falta que haría en el mundo su presencia el tiempo que allí estuviese encantado, que sin duda alguna se había creído que lo estaba; allí el acordarse de nuevo de su querida Dulcinea del Toboso; allí fue el llamar a su buen escudero Sancho Panza, que, sepultado en sueño y tendido sobre el albarda de su jumento, no se acordaba en aquel instante de la madre que lo había parido; allí llamó a los sabios Lirgandeo y Alquife, que le ayudasen; allí invocó a su buena amiga Urganda, que le socorriese, y, finalmente, allí le tomó la mañana, tan desesperado y confuso que bramaba como un toro; porque no esperaba él que con el día se remediara su cuita, porque la tenía por eterna, teniéndose por encantado. Y hacíale creer esto ver que Rocinante poco ni mucho se movía, y creía que de aquella suerte, sin comer ni beber ni dormir, habían de estar él y su caballo, hasta que aquel mal influjo de las estrellas se pasase, o hasta que otro más sabio encantador le desencantase. Pero engañóse mucho en su creencia, porque, apenas comenzó a amanecer, cuando llegaron a la venta cuatro hombres de a caballo, muy bien puestos y aderezados, con sus escopetas sobre los arzones. Llamaron a la puerta de la venta, que aún estaba cerrada, con grandes golpes; lo cual, visto por don Quijote desde donde aún no dejaba de hacer la centinela, con voz arrogante y alta dijo: — Caballeros, o escuderos, o quienquiera que seáis: no tenéis para qué llamar a las puertas deste castillo; que asaz de claro está que a tales horas, o los que están dentro duermen, o no tienen por costumbre de abrirse las fortalezas hasta que el sol esté tendido por todo el suelo. Desviaos afuera, y esperad que aclare el día, y entonces veremos si será justo o no que os abran. — ¿Qué diablos de fortaleza o castillo es éste —dijo uno—, para obligarnos a guardar esas ceremonias? Si sois el ventero, mandad que nos abran, que somos caminantes que no queremos más de dar cebada a nuestras cabalgaduras y pasar adelante, porque vamos de priesa. — ¿Paréceos, caballeros, que tengo yo talle de ventero? —respondió don Quijote. — No sé de qué tenéis talle —respondió el otro—, pero sé que decís disparates en llamar castillo a esta venta. — Castillo es —replicó don Quijote—, y aun de los mejores de toda esta provincia; y gente tiene dentro que ha tenido cetro en la mano y corona en la cabeza. — Mejor fuera al revés —dijo el caminante—: el cetro en la cabeza y la corona en la mano. Y será, si a mano viene, que debe de estar dentro alguna compañía de representantes, de los cuales es tener a menudo esas coronas y cetros que decís, porque en una venta tan pequeña, y adonde se guarda tanto silencio como ésta, no creo yo que se alojan personas dignas de corona y cetro. — Sabéis poco del mundo —replicó don Quijote—, pues ignoráis los casos que suelen acontecer en la caballería andante. Cansábanse los compañeros que con el preguntante venían del coloquio que con don Quijote pasaba, y así, tornaron a llamar con grande furia; y fue de modo que el ventero despertó, y aun todos cuantos en la venta estaban; y así, se levantó a preguntar quién llamaba. Sucedió en este tiempo que una de las cabalgaduras en que venían los cuatro que llamaban se llegó a oler a Rocinante, que, melancólico y triste, con las orejas caídas, sostenía sin moverse a su estirado señor; y como, en fin, era de carne, aunque parecía de leño, no pudo dejar de resentirse y tornar a oler a quien le llegaba a hacer caricias; y así, no se hubo movido tanto cuanto, cuando se desviaron los juntos pies de don Quijote, y, resbalando de la silla, dieran con él en el suelo, a no quedar colgado del brazo: cosa que le causó tanto dolor que creyó o que la muñeca le cortaban, o que el brazo se le arrancaba; porque él quedó tan cerca del suelo que con los estremos de las puntas de los pies besaba la tierra, que era en su perjuicio, porque, como sentía lo poco que le faltaba para poner las plantas en la tierra, fatigábase y estirábase cuanto podía por alcanzar al suelo: bien así como los que están en el tormento de la garrucha, puestos a toca, no toca, que ellos mesmos son causa de acrecentar su dolor, con el ahínco que ponen en estirarse, engañados de la esperanza que se les representa, que con poco más que se estiren llegarán al suelo. Capítulo XLIV. Donde se prosiguen los inauditos sucesos de la venta En efeto, fueron tantas las voces que don Quijote dio, que, abriendo de presto las puertas de la venta, salió el ventero, despavorido, a ver quién tales gritos daba, y los que estaban fuera hicieron lo mesmo. Maritornes, que ya había despertado a las mismas voces, imaginando lo que podía ser, se fue al pajar y desató, sin que nadie lo viese, el cabestro que a don Quijote sostenía, y él dio luego en el suelo, a vista del ventero y de los caminantes, que, llegándose a él, le preguntaron qué tenía, que tales voces daba. Él, sin responder palabra, se quitó el cordel de la muñeca, y, levantándose en pie, subió sobre Rocinante, embrazó su adarga, enristró su lanzón, y, tomando buena parte del campo, volvió a medio galope, diciendo: — Cualquiera que dijere que yo he sido con justo título encantado, como mi señora la princesa Micomicona me dé licencia para ello, yo le desmiento, le rieto y desafío a singular batalla. Admirados se quedaron los nuevos caminantes de las palabras de don Quijote, pero el ventero les quitó de aquella admiración, diciéndoles que era don Quijote, y que no había que hacer caso dél, porque estaba fuera de juicio. Preguntáronle al ventero si acaso había llegado a aquella venta un muchacho de hasta edad de quince años, que venía vestido como mozo de mulas, de tales y tales señas, dando las mesmas que traía el amante de doña Clara. El ventero respondió que había tanta gente en la venta, que no había echado de ver en el que preguntaban. Pero, habiendo visto uno dellos el coche donde había venido el oidor, dijo: — Aquí debe de estar sin duda, porque éste es el coche que él dicen que sigue; quédese uno de nosotros a la puerta y entren los demás a buscarle; y aun sería bien que uno de nosotros rodease toda la venta, porque no se fuese por las bardas de los corrales. — Así se hará —respondió uno dellos. Y, entrándose los dos dentro, uno se quedó a la puerta y el otro se fue a rodear la venta; todo lo cual veía el ventero, y no sabía atinar para qué se hacían aquellas diligencias, puesto que bien creyó que buscaban aquel mozo cuyas señas le habían dado. Ya a esta sazón aclaraba el día; y, así por esto como por el ruido que don Quijote había hecho, estaban todos despiertos y se levantaban, especialmente doña Clara y Dorotea, que la una con sobresalto de tener tan cerca a su amante, y la otra con el deseo de verle, habían podido dormir bien mal aquella noche. Don Quijote, que vio que ninguno de los cuatro caminantes hacía caso dél, ni le respondían a su demanda, moría y rabiaba de despecho y saña; y si él hallara en las ordenanzas de su caballería que lícitamente podía el caballero andante tomar y emprender otra empresa, habiendo dado su palabra y fe de no ponerse en ninguna hasta acabar la que había prometido, él embistiera con todos, y les hiciera responder mal de su grado. Pero, por parecerle no convenirle ni estarle bien comenzar nueva empresa hasta poner a Micomicona en su reino, hubo de callar y estarse quedo, esperando a ver en qué paraban las diligencias de aquellos caminantes; uno de los cuales halló al mancebo que buscaba, durmiendo al lado de un mozo de mulas, bien descuidado de que nadie ni le buscase, ni menos de que le hallase. El hombre le trabó del brazo y le dijo: — Por cierto, señor don Luis, que responde bien a quien vos sois el hábito que tenéis, y que dice bien la cama en que os hallo al regalo con que vuestra madre os crió. Limpióse el mozo los soñolientos ojos y miró de espacio al que le tenía asido, y luego conoció que era criado de su padre, de que recibió tal sobresalto, que no acertó o no pudo hablarle palabra por un buen espacio. Y el criado prosiguió diciendo: — Aquí no hay que hacer otra cosa, señor don Luis, sino prestar paciencia y dar la vuelta a casa, si ya vuestra merced no gusta que su padre y mi señor la dé al otro mundo, porque no se puede esperar otra cosa de la pena con que queda por vuestra ausencia. — Pues, ¿cómo supo mi padre —dijo don Luis— que yo venía este camino y en este traje? — Un estudiante —respondió el criado— a quien distes cuenta de vuestros pensamientos fue el que lo descubrió, movido a lástima de las que vio que hacía vuestro padre al punto que os echó de menos; y así, despachó a cuatro de sus criados en vuestra busca, y todos estamos aquí a vuestro servicio, más contentos de lo que imaginar se puede, por el buen despacho con que tornaremos, llevándoos a los ojos que tanto os quieren. — Eso será como yo quisiere, o como el cielo lo ordenare —respondió don Luis. — ¿Qué habéis de querer, o qué ha de ordenar el cielo, fuera de consentir en volveros?; porque no ha de ser posible otra cosa. Todas estas razones que entre los dos pasaban oyó el mozo de mulas junto a quien don Luis estaba; y, levantándose de allí, fue a decir lo que pasaba a don Fernando y a Cardenio, y a los demás, que ya vestido se habían; a los cuales dijo cómo aquel hombre llamaba de don a aquel muchacho, y las razones que pasaban, y cómo le quería volver a casa de su padre, y el mozo no quería. Y con esto, y con lo que dél sabían de la buena voz que el cielo le había dado, vinieron todos en gran deseo de saber más particularmente quién era, y aun de ayudarle si alguna fuerza le quisiesen hacer; y así, se fueron hacia la parte donde aún estaba hablando y porfiando con su criado. Salía en esto Dorotea de su aposento, y tras ella doña Clara, toda turbada; y, llamando Dorotea a Cardenio aparte, le contó en breves razones la historia del músico y de doña Clara, a quien él también dijo lo que pasaba de la venida a buscarle los criados de su padre, y no se lo dijo tan callando que lo dejase de oír Clara; de lo que quedó tan fuera de sí que, si Dorotea no llegara a tenerla, diera consigo en el suelo. Cardenio dijo a Dorotea que se volviesen al aposento, que él procuraría poner remedio en todo, y ellas lo hicieron. Ya estaban todos los cuatro que venían a buscar a don Luis dentro de la venta y rodeados dél, persuadiéndole que luego, sin detenerse un punto, volviese a consolar a su padre. Él respondió que en ninguna manera lo podía hacer hasta dar fin a un negocio en que le iba la vida, la honra y el alma. Apretáronle entonces los criados, diciéndole que en ningún modo volverían sin él, y que le llevarían, quisiese o no quisiese. — Eso no haréis vosotros —replicó don Luis—, si no es llevándome muerto; aunque, de cualquiera manera que me llevéis, será llevarme sin vida. Ya a esta sazón habían acudido a la porfía todos los más que en la venta estaban, especialmente Cardenio, don Fernando, sus camaradas, el oidor, el cura, el barbero y don Quijote, que ya le pareció que no había necesidad de guardar más el castillo. Cardenio, como ya sabía la historia del mozo, preguntó a los que llevarle querían que qué les movía a querer llevar contra su voluntad aquel muchacho. — Muévenos —respondió uno de los cuatro— dar la vida a su padre, que por la ausencia deste caballero queda a peligro de perderla. A esto dijo don Luis: — No hay para qué se dé cuenta aquí de mis cosas: yo soy libre, y volveré si me diere gusto, y si no, ninguno de vosotros me ha de hacer fuerza. — Harásela a vuestra merced la razón —respondió el hombre—; y, cuando ella no bastare con vuestra merced, bastará con nosotros para hacer a lo que venimos y lo que somos obligados. — Sepamos qué es esto de raíz —dijo a este tiempo el oidor. Pero el hombre, que lo conoció, como vecino de su casa, respondió: — ¿No conoce vuestra merced, señor oidor, a este caballero, que es el hijo de su vecino, el cual se ha ausentado de casa de su padre en el hábito tan indecente a su calidad como vuestra merced puede ver? Miróle entonces el oidor más atentamente y conocióle; y, abrazándole, dijo: — ¿Qué niñerías son éstas, señor don Luis, o qué causas tan poderosas, que os hayan movido a venir desta manera, y en este traje, que dice tan mal con la calidad vuestra? Al mozo se le vinieron las lágrimas a los ojos, y no pudo responder palabra. El oidor dijo a los cuatro que se sosegasen, que todo se haría bien; y, tomando por la mano a don Luis, le apartó a una parte y le preguntó qué venida había sido aquélla. Y, en tanto que le hacía esta y otras preguntas, oyeron grandes voces a la puerta de la venta, y era la causa dellas que dos huéspedes que aquella noche habían alojado en ella, viendo a toda la gente ocupada en saber lo que los cuatro buscaban, habían intentado a irse sin pagar lo que debían; mas el ventero, que atendía más a su negocio que a los ajenos, les asió al salir de la puerta y pidió su paga, y les afeó su mala intención con tales palabras, que les movió a que le respondiesen con los puños; y así, le comenzaron a dar tal mano, que el pobre ventero tuvo necesidad de dar voces y pedir socorro. La ventera y su hija no vieron a otro más desocupado para poder socorrerle que a don Quijote, a quien la hija de la ventera dijo: — Socorra vuestra merced, señor caballero, por la virtud que Dios le dio, a mi pobre padre, que dos malos hombres le están moliendo como a cibera. A lo cual respondió don Quijote, muy de espacio y con mucha flema: — Fermosa doncella, no ha lugar por ahora vuestra petición, porque estoy impedido de entremeterme en otra aventura en tanto que no diere cima a una en que mi palabra me ha puesto. Mas lo que yo podré hacer por serviros es lo que ahora diré: corred y decid a vuestro padre que se entretenga en esa batalla lo mejor que pudiere, y que no se deje vencer en ningún modo, en tanto que yo pido licencia a la princesa Micomicona para poder socorrerle en su cuita; que si ella me la da, tened por cierto que yo le sacaré della. — ¡Pecadora de mí! —dijo a esto Maritornes, que estaba delante—: primero que vuestra merced alcance esa licencia que dice, estará ya mi señor en el otro mundo. — Dadme vos, señora, que yo alcance la licencia que digo —respondió don Quijote—; que, como yo la tenga, poco hará al caso que él esté en el otro mundo; que de allí le sacaré a pesar del mismo mundo que lo contradiga; o, por lo menos, os daré tal venganza de los que allá le hubieren enviado, que quedéis más que medianamente satisfechas. Y sin decir más se fue a poner de hinojos ante Dorotea, pidiéndole con palabras caballerescas y andantescas que la su grandeza fuese servida de darle licencia de acorrer y socorrer al castellano de aquel castillo, que estaba puesto en una grave mengua. La princesa se la dio de buen talante, y él luego, embrazando su adarga y poniendo mano a su espada, acudió a la puerta de la venta, adonde aún todavía traían los dos huéspedes a mal traer al ventero; pero, así como llegó, embazó y se estuvo quedo, aunque Maritornes y la ventera le decían que en qué se detenía, que socorriese a su señor y marido. — Deténgome —dijo don Quijote— porque no me es lícito poner mano a la espada contra gente escuderil; pero llamadme aquí a mi escudero Sancho, que a él toca y atañe esta defensa y venganza. Esto pasaba en la puerta de la venta, y en ella andaban las puñadas y mojicones muy en su punto, todo en daño del ventero y en rabia de Maritornes, la ventera y su hija, que se desesperaban de ver la cobardía de don Quijote, y de lo mal que lo pasaba su marido, señor y padre. Pero dejémosle aquí, que no faltará quien le socorra, o si no, sufra y calle el que se atreve a más de a lo que sus fuerzas le prometen, y volvámonos atrás cincuenta pasos, a ver qué fue lo que don Luis respondió al oidor, que le dejamos aparte, preguntándole la causa de su venida a pie y de tan vil traje vestido. A lo cual el mozo, asiéndole fuertemente de las manos, como en señal de que algún gran dolor le apretaba el corazón, y derramando lágrimas en grande abundancia, le dijo: — Señor mío, yo no sé deciros otra cosa sino que desde el punto que quiso el cielo y facilitó nuestra vecindad que yo viese a mi señora doña Clara, hija vuestra y señora mía, desde aquel instante la hice dueño de mi voluntad; y si la vuestra, verdadero señor y padre mío, no lo impide, en este mesmo día ha de ser mi esposa. Por ella dejé la casa de mi padre, y por ella me puse en este traje, para seguirla dondequiera que fuese, como la saeta al blanco, o como el marinero al norte. Ella no sabe de mis deseos más de lo que ha podido entender de algunas veces que desde lejos ha visto llorar mis ojos. Ya, señor, sabéis la riqueza y la nobleza de mis padres, y como yo soy su único heredero: si os parece que éstas son partes para que os aventuréis a hacerme en todo venturoso, recebidme luego por vuestro hijo; que si mi padre, llevado de otros disignios suyos, no gustare deste bien que yo supe buscarme, más fuerza tiene el tiempo para deshacer y mudar las cosas que las humanas voluntades. Calló, en diciendo esto, el enamorado mancebo, y el oidor quedó en oírle suspenso, confuso y admirado, así de haber oído el modo y la discreción con que don Luis le había descubierto su pensamiento, como de verse en punto que no sabía el que poder tomar en tan repentino y no esperado negocio; y así, no respondió otra cosa sino que se sosegase por entonces, y entretuviese a sus criados, que por aquel día no le volviesen, porque se tuviese tiempo para considerar lo que mejor a todos estuviese. Besóle las manos por fuerza don Luis, y aun se las bañó con lágrimas, cosa que pudiera enternecer un corazón de mármol, no sólo el del oidor, que, como discreto, ya había conocido cuán bien le estaba a su hija aquel matrimonio; puesto que, si fuera posible, lo quisiera efetuar con voluntad del padre de don Luis, del cual sabía que pretendía hacer de título a su hijo. Ya a esta sazón estaban en paz los huéspedes con el ventero, pues, por persuasión y buenas razones de don Quijote, más que por amenazas, le habían pagado todo lo que él quiso, y los criados de don Luis aguardaban el fin de la plática del oidor y la resolución de su amo, cuando el demonio, que no duerme, ordenó que en aquel mesmo punto entró en la venta el barbero a quien don Quijote quitó el yelmo de Mambrino y Sancho Panza los aparejos del asno, que trocó con los del suyo; el cual barbero, llevando su jumento a la caballeriza, vio a Sancho Panza que estaba aderezando no sé qué de la albarda, y así como la vio la conoció, y se atrevió a arremeter a Sancho, diciendo: — ¡Ah don ladrón, que aquí os tengo! ¡Venga mi bacía y mi albarda, con todos mis aparejos que me robastes! Sancho, que se vio acometer tan de improviso y oyó los vituperios que le decían, con la una mano asió de la albarda, y con la otra dio un mojicón al barbero que le bañó los dientes en sangre; pero no por esto dejó el barbero la presa que tenía hecha en el albarda; antes, alzó la voz de tal manera que todos los de la venta acudieron al ruido y pendencia, y decía: — ¡Aquí del rey y de la justicia, que, sobre cobrar mi hacienda, me quiere matar este ladrón salteador de caminos! — Mentís —respondió Sancho—, que yo no soy salteador de caminos; que en buena guerra ganó mi señor don Quijote estos despojos. Ya estaba don Quijote delante, con mucho contento de ver cuán bien se defendía y ofendía su escudero, y túvole desde allí adelante por hombre de pro, y propuso en su corazón de armalle caballero en la primera ocasión que se le ofreciese, por parecerle que sería en él bien empleada la orden de la caballería. Entre otras cosas que el barbero decía en el discurso de la pendencia, vino a decir: — Señores, así esta albarda es mía como la muerte que debo a Dios, y así la conozco como si la hubiera parido; y ahí está mi asno en el establo, que no me dejará mentir; si no, pruébensela, y si no le viniere pintiparada, yo quedaré por infame. Y hay más: que el mismo día que ella se me quitó, me quitaron también una bacía de azófar nueva, que no se había estrenado, que era señora de un escudo. Aquí no se pudo contener don Quijote sin responder: y, poniéndose entre los dos y apartándoles, depositando la albarda en el suelo, que la tuviese de manifiesto hasta que la verdad se aclarase, dijo: — ¡Porque vean vuestras mercedes clara y manifiestamente el error en que está este buen escudero, pues llama bacía a lo que fue, es y será yelmo de Mambrino, el cual se lo quité yo en buena guerra, y me hice señor dél con ligítima y lícita posesión! En lo del albarda no me entremeto, que lo que en ello sabré decir es que mi escudero Sancho me pidió licencia para quitar los jaeces del caballo deste vencido cobarde, y con ellos adornar el suyo; yo se la di, y él los tomó, y, de haberse convertido de jaez en albarda, no sabré dar otra razón si no es la ordinaria: que como esas transformaciones se ven en los sucesos de la caballería; para confirmación de lo cual, corre, Sancho hijo, y saca aquí el yelmo que este buen hombre dice ser bacía. — ¡Pardiez, señor —dijo Sancho—, si no tenemos otra prueba de nuestra intención que la que vuestra merced dice, tan bacía es el yelmo de Malino como el jaez deste buen hombre albarda! — Haz lo que te mando —replicó don Quijote—, que no todas las cosas deste castillo han de ser guiadas por encantamento. Sancho fue a do estaba la bacía y la trujo; y, así como don Quijote la vio, la tomó en las manos y dijo: — Miren vuestras mercedes con qué cara podía decir este escudero que ésta es bacía, y no el yelmo que yo he dicho; y juro por la orden de caballería que profeso que este yelmo fue el mismo que yo le quité, sin haber añadido en él ni quitado cosa alguna. — En eso no hay duda —dijo a esta sazón Sancho—, porque desde que mi señor le ganó hasta agora no ha hecho con él más de una batalla, cuando libró a los sin ventura encadenados; y si no fuera por este baciyelmo, no lo pasara entonces muy bien, porque hubo asaz de pedradas en aquel trance. Capítulo XLV. Donde se acaba de averiguar la duda del yelmo de Mambrino y de la albarda, y otras aventuras sucedidas, con toda verdad — ¿Qué les parece a vuestras mercedes, señores —dijo el barbero—, de lo que afirman estos gentiles hombres, pues aún porfían que ésta no es bacía, sino yelmo? — Y quien lo contrario dijere —dijo don Quijote—, le haré yo conocer que miente, si fuere caballero, y si escudero, que remiente mil veces. Nuestro barbero, que a todo estaba presente, como tenía tan bien conocido el humor de don Quijote, quiso esforzar su desatino y llevar adelante la burla para que todos riesen, y dijo, hablando con el otro barbero: — Señor barbero, o quien sois, sabed que yo también soy de vuestro oficio, y tengo más ha de veinte años carta de examen, y conozco muy bien de todos los instrumentos de la barbería, sin que le falte uno; y ni más ni menos fui un tiempo en mi mocedad soldado, y sé también qué es yelmo, y qué es morrión, y celada de encaje, y otras cosas tocantes a la milicia, digo, a los géneros de armas de los soldados; y digo, salvo mejor parecer, remitiéndome siempre al mejor entendimiento, que esta pieza que está aquí delante y que este buen señor tiene en las manos, no sólo no es bacía de barbero, pero está tan lejos de serlo como está lejos lo blanco de lo negro y la verdad de la mentira; también digo que éste, aunque es yelmo, no es yelmo entero. — No, por cierto —dijo don Quijote—, porque le falta la mitad, que es la babera. — Así es —dijo el cura, que ya había entendido la intención de su amigo el barbero. Y lo mismo confirmó Cardenio, don Fernando y sus camaradas; y aun el oidor, si no estuviera tan pensativo con el negocio de don Luis, ayudara, por su parte, a la burla; pero las veras de lo que pensaba le tenían tan suspenso, que poco o nada atendía a aquellos donaires. — ¡Válame Dios! —dijo a esta sazón el barbero burlado—; ¿que es posible que tanta gente honrada diga que ésta no es bacía, sino yelmo? Cosa parece ésta que puede poner en admiración a toda una Universidad, por discreta que sea. Basta: si es que esta bacía es yelmo, también debe de ser esta albarda jaez de caballo, como este señor ha dicho. — A mí albarda me parece —dijo don Quijote—, pero ya he dicho que en eso no me entremeto. — De que sea albarda o jaez —dijo el cura— no está en más de decirlo el señor don Quijote; que en estas cosas de la caballería todos estos señores y yo le damos la ventaja. — Por Dios, señores míos —dijo don Quijote—, que son tantas y tan estrañas las cosas que en este castillo, en dos veces que en él he alojado, me han sucedido, que no me atreva a decir afirmativamente ninguna cosa de lo que acerca de lo que en él se contiene se preguntare, porque imagino que cuanto en él se trata va por vía de encantamento. La primera vez me fatigó mucho un moro encantado que en él hay, y a Sancho no le fue muy bien con otros sus secuaces; y anoche estuve colgado deste brazo casi dos horas, sin saber cómo ni cómo no vine a caer en aquella desgracia. Así que, ponerme yo agora en cosa de tanta confusión a dar mi parecer, será caer en juicio temerario. En lo que toca a lo que dicen que ésta es bacía, y no yelmo, ya yo tengo respondido; pero, en lo de declarar si ésa es albarda o jaez, no me atrevo a dar sentencia difinitiva: sólo lo dejo al buen parecer de vuestras mercedes. Quizá por no ser armados caballeros, como yo lo soy, no tendrán que ver con vuestras mercedes los encantamentos deste lugar, y tendrán los entendimientos libres, y podrán juzgar de las cosas deste castillo como ellas son real y verdaderamente, y no como a mí me parecían. — No hay duda —respondió a esto don Fernando—, sino que el señor don Quijote ha dicho muy bien hoy que a nosotros toca la difinición deste caso; y, porque vaya con más fundamento, yo tomaré en secreto los votos destos señores, y de lo que resultare daré entera y clara noticia. Para aquellos que la tenían del humor de don Quijote, era todo esto materia de grandísima risa; pero, para los que le ignoraban, les parecía el mayor disparate del mundo, especialmente a los cuatro criados de don Luis, y a don Luis ni más ni menos, y a otros tres pasajeros que acaso habían llegado a la venta, que tenían parecer de ser cuadrilleros, como, en efeto, lo eran. Pero el que más se desesperaba era el barbero, cuya bacía, allí delante de sus ojos, se le había vuelto en yelmo de Mambrino, y cuya albarda pensaba sin duda alguna que se le había de volver en jaez rico de caballo; y los unos y los otros se reían de ver cómo andaba don Fernando tomando los votos de unos en otros, hablándolos al oído para que en secreto declarasen si era albarda o jaez aquella joya sobre quien tanto se había peleado. Y, después que hubo tomado los votos de aquellos que a don Quijote conocían, dijo en alta voz: — El caso es, buen hombre, que ya yo estoy cansado de tomar tantos pareceres, porque veo que a ninguno pregunto lo que deseo saber que no me diga que es disparate el decir que ésta sea albarda de jumento, sino jaez de caballo, y aun de caballo castizo; y así, habréis de tener paciencia, porque, a vuestro pesar y al de vuestro asno, éste es jaez y no albarda, y vos habéis alegado y probado muy mal de vuestra parte. — No la tenga yo en el cielo —dijo el sobrebarbero— si todos vuestras mercedes no se engañan, y que así parezca mi ánima ante Dios como ella me parece a mí albarda, y no jaez; pero allá van leyes..., etcétera; y no digo más; y en verdad que no estoy borracho: que no me he desayunado, si de pecar no. No menos causaban risa las necedades que decía el barbero que los disparates de don Quijote, el cual a esta sazón dijo: — Aquí no hay más que hacer, sino que cada uno tome lo que es suyo, y a quien Dios se la dio, San Pedro se la bendiga. Uno de los cuatro dijo: — Si ya no es que esto sea burla pesada, no me puedo persuadir que hombres de tan buen entendimiento como son, o parecen, todos los que aquí están, se atrevan a decir y afirmar que ésta no es bacía, ni aquélla albarda; mas, como veo que lo afirman y lo dicen, me doy a entender que no carece de misterio el porfiar una cosa tan contraria de lo que nos muestra la misma verdad y la misma experiencia; porque, ¡voto a tal! —y arrojóle redondo—, que no me den a mí a entender cuantos hoy viven en el mundo al revés de que ésta no sea bacía de barbero y ésta albarda de asno. — Bien podría ser de borrica —dijo el cura. — Tanto monta —dijo el criado—, que el caso no consiste en eso, sino en si es o no es albarda, como vuestras mercedes dicen. Oyendo esto uno de los cuadrilleros que habían entrado, que había oído la pendencia y quistión, lleno de cólera y de enfado, dijo: — Tan albarda es como mi padre; y el que otra cosa ha dicho o dijere debe de estar hecho uva. — Mentís como bellaco villano —respondió don Quijote. Y, alzando el lanzón, que nunca le dejaba de las manos, le iba a descargar tal golpe sobre la cabeza, que, a no desviarse el cuadrillero, se le dejara allí tendido. El lanzón se hizo pedazos en el suelo, y los demás cuadrilleros, que vieron tratar mal a su compañero, alzaron la voz pidiendo favor a la Santa Hermandad. El ventero, que era de la cuadrilla, entró al punto por su varilla y por su espada, y se puso al lado de sus compañeros; los criados de don Luis rodearon a don Luis, porque con el alboroto no se les fuese; el barbero, viendo la casa revuelta, tornó a asir de su albarda, y lo mismo hizo Sancho; don Quijote puso mano a su espada y arremetió a los cuadrilleros. Don Luis daba voces a sus criados que le dejasen a él y acorriesen a don Quijote, y a Cardenio, y a don Fernando, que todos favorecían a don Quijote. El cura daba voces, la ventera gritaba, su hija se afligía, Maritornes lloraba, Dorotea estaba confusa, Luscinda suspensa y doña Clara desmayada. El barbero aporreaba a Sancho, Sancho molía al barbero; don Luis, a quien un criado suyo se atrevió a asirle del brazo porque no se fuese, le dio una puñada que le bañó los dientes en sangre; el oidor le defendía, don Fernando tenía debajo de sus pies a un cuadrillero, midiéndole el cuerpo con ellos muy a su sabor. El ventero tornó a reforzar la voz, pidiendo favor a la Santa Hermandad: de modo que toda la venta era llantos, voces, gritos, confusiones, temores, sobresaltos, desgracias, cuchilladas, mojicones, palos, coces y efusión de sangre. Y, en la mitad deste caos, máquina y laberinto de cosas, se le representó en la memoria de don Quijote que se veía metido de hoz y de coz en la discordia del campo de Agramante; y así dijo, con voz que atronaba la venta: — ¡Ténganse todos; todos envainen; todos se sosieguen; óiganme todos, si todos quieren quedar con vida! A cuya gran voz, todos se pararon, y él prosiguió diciendo: — ¿No os dije yo, señores, que este castillo era encantado, y que alguna región de demonios debe de habitar en él? En confirmación de lo cual, quiero que veáis por vuestros ojos cómo se ha pasado aquí y trasladado entre nosotros la discordia del campo de Agramante. Mirad cómo allí se pelea por la espada, aquí por el caballo, acullá por el águila, acá por el yelmo, y todos peleamos, y todos no nos entendemos. Venga, pues, vuestra merced, señor oidor, y vuestra merced, señor cura, y el uno sirva de rey Agramante, y el otro de rey Sobrino, y pónganos en paz; porque por Dios Todopoderoso que es gran bellaquería que tanta gente principal como aquí estamos se mate por causas tan livianas. Los cuadrilleros, que no entendían el frasis de don Quijote, y se veían malparados de don Fernando, Cardenio y sus camaradas, no querían sosegarse; el barbero sí, porque en la pendencia tenía deshechas las barbas y el albarda; Sancho, a la más mínima voz de su amo, obedeció como buen criado; los cuatro criados de don Luis también se estuvieron quedos, viendo cuán poco les iba en no estarlo. Sólo el ventero porfiaba que se habían de castigar las insolencias de aquel loco, que a cada paso le alborotaba la venta. Finalmente, el rumor se apaciguó por entonces, la albarda se quedó por jaez hasta el día del juicio, y la bacía por yelmo y la venta por castillo en la imaginación de don Quijote. Puestos, pues, ya en sosiego, y hechos amigos todos a persuasión del oidor y del cura, volvieron los criados de don Luis a porfiarle que al momento se viniese con ellos; y, en tanto que él con ellos se avenía, el oidor comunicó con don Fernando, Cardenio y el cura qué debía hacer en aquel caso, contándoseles con las razones que don Luis le había dicho. En fin, fue acordado que don Fernando dijese a los criados de don Luis quién él era y cómo era su gusto que don Luis se fuese con él al Andalucía, donde de su hermano el marqués sería estimado como el valor de don Luis merecía; porque desta manera se sabía de la intención de don Luis que no volvería por aquella vez a los ojos de su padre, si le hiciesen pedazos. Entendida, pues, de los cuatro la calidad de don Fernando y la intención de don Luis, determinaron entre ellos que los tres se volviesen a contar lo que pasaba a su padre, y el otro se quedase a servir a don Luis, y a no dejalle hasta que ellos volviesen por él, o viese lo que su padre les ordenaba. Desta manera se apaciguó aquella máquina de pendencias, por la autoridad de Agramante y prudencia del rey Sobrino; pero, viéndose el enemigo de la concordia y el émulo de la paz menospreciado y burlado, y el poco fruto que había granjeado de haberlos puesto a todos en tan confuso laberinto, acordó de probar otra vez la mano, resucitando nuevas pendencias y desasosiegos. Es, pues, el caso que los cuadrilleros se sosegaron, por haber entreoído la calidad de los que con ellos se habían combatido, y se retiraron de la pendencia, por parecerles que, de cualquiera manera que sucediese, habían de llevar lo peor de la batalla; pero uno dellos, que fue el que fue molido y pateado por don Fernando, le vino a la memoria que, entre algunos mandamientos que traía para prender a algunos delincuentes, traía uno contra don Quijote, a quien la Santa Hermandad había mandado prender, por la libertad que dio a los galeotes, y como Sancho, con mucha razón, había temido. Imaginando, pues, esto, quiso certificarse si las señas que de don Quijote traía venían bien, y, sacando del seno un pergamino, topó con el que buscaba; y, poniéndosele a leer de espacio, porque no era buen lector, a cada palabra que leía ponía los ojos en don Quijote, y iba cotejando las señas del mandamiento con el rostro de don Quijote, y halló que, sin duda alguna, era el que el mandamiento rezaba. Y, apenas se hubo certificado, cuando, recogiendo su pergamino, en la izquierda tomó el mandamiento, y con la derecha asió a don Quijote del cuello fuertemente, que no le dejaba alentar, y a grandes voces decía: — ¡Favor a la Santa Hermandad! Y, para que se vea que lo pido de veras, léase este mandamiento, donde se contiene que se prenda a este salteador de caminos. Tomó el mandamiento el cura, y vio como era verdad cuanto el cuadrillero decía, y cómo convenía con las señas con don Quijote; el cual, viéndose tratar mal de aquel villano malandrín, puesta la cólera en su punto y crujiéndole los huesos de su cuerpo, como mejor pudo él, asió al cuadrillero con entrambas manos de la garganta, que, a no ser socorrido de sus compañeros, allí dejara la vida antes que don Quijote la presa. El ventero, que por fuerza había de favorecer a los de su oficio, acudió luego a dalle favor. La ventera, que vio de nuevo a su marido en pendencias, de nuevo alzó la voz, cuyo tenor le llevaron luego Maritornes y su hija, pidiendo favor al cielo y a los que allí estaban. Sancho dijo, viendo lo que pasaba: — ¡Vive el Señor, que es verdad cuanto mi amo dice de los encantos deste castillo, pues no es posible vivir una hora con quietud en él! Don Fernando despartió al cuadrillero y a don Quijote, y, con gusto de entrambos, les desenclavijó las manos, que el uno en el collar del sayo del uno, y el otro en la garganta del otro, bien asidas tenían; pero no por esto cesaban los cuadrilleros de pedir su preso, y que les ayudasen a dársele atado y entregado a toda su voluntad, porque así convenía al servicio del rey y de la Santa Hermandad, de cuya parte de nuevo les pedían socorro y favor para hacer aquella prisión de aquel robador y salteador de sendas y de carreras. Reíase de oír decir estas razones don Quijote; y, con mucho sosiego, dijo: — Venid acá, gente soez y malnacida: ¿saltear de caminos llamáis al dar libertad a los encadenados, soltar los presos, acorrer a los miserables, alzar los caídos, remediar los menesterosos? ¡Ah gente infame, digna por vuestro bajo y vil entendimiento que el cielo no os comunique el valor que se encierra en la caballería andante, ni os dé a entender el pecado e ignorancia en que estáis en no reverenciar la sombra, cuanto más la asistencia, de cualquier caballero andante! Venid acá, ladrones en cuadrilla, que no cuadrilleros, salteadores de caminos con licencia de la Santa Hermandad; decidme: ¿quién fue el ignorante que firmó mandamiento de prisión contra un tal caballero como yo soy? ¿Quién el que ignoró que son esentos de todo judicial fuero los caballeros andantes, y que su ley es su espada; sus fueros, sus bríos; sus premáticas, su voluntad? ¿Quién fue el mentecato, vuelvo a decir, que no sabe que no hay secutoria de hidalgo con tantas preeminencias, ni esenciones, como la que adquiere un caballero andante el día que se arma caballero y se entrega al duro ejercicio de la caballería? ¿Qué caballero andante pagó pecho, alcabala, chapín de la reina, moneda forera, portazgo ni barca? ¿Qué sastre le llevó hechura de vestido que le hiciese? ¿Qué castellano le acogió en su castillo que le hiciese pagar el escote? ¿Qué rey no le asentó a su mesa? ¿Qué doncella no se le aficionó y se le entregó rendida, a todo su talante y voluntad? Y, finalmente, ¿qué caballero andante ha habido, hay ni habrá en el mundo, que no tenga bríos para dar él solo cuatrocientos palos a cuatrocientos cuadrilleros que se le pongan delante? Capítulo XLVI. De la notable aventura de los cuadrilleros, y la gran ferocidad de nuestro buen caballero don Quijote En tanto que don Quijote esto decía, estaba persuadiendo el cura a los cuadrilleros como don Quijote era falto de juicio, como lo veían por sus obras y por sus palabras, y que no tenían para qué llevar aquel negocio adelante, pues, aunque le prendiesen y llevasen, luego le habían de dejar por loco; a lo que respondió el del mandamiento que a él no tocaba juzgar de la locura de don Quijote, sino hacer lo que por su mayor le era mandado, y que una vez preso, siquiera le soltasen trecientas. — Con todo eso —dijo el cura—, por esta vez no le habéis de llevar, ni aun él dejará llevarse, a lo que yo entiendo. En efeto, tanto les supo el cura decir, y tantas locuras supo don Quijote hacer, que más locos fueran que no él los cuadrilleros si no conocieran la falta de don Quijote; y así, tuvieron por bien de apaciguarse, y aun de ser medianeros de hacer las paces entre el barbero y Sancho Panza, que todavía asistían con gran rancor a su pendencia. Finalmente, ellos, como miembros de justicia, mediaron la causa y fueron árbitros della, de tal modo que ambas partes quedaron, si no del todo contentas, a lo menos en algo satisfechas, porque se trocaron las albardas, y no las cinchas y jáquimas; y en lo que tocaba a lo del yelmo de Mambrino, el cura, a socapa y sin que don Quijote lo entendiese, le dio por la bacía ocho reales, y el barbero le hizo una cédula del recibo y de no llamarse a engaño por entonces, ni por siempre jamás amén. Sosegadas, pues, estas dos pendencias, que eran las más principales y de más tomo, restaba que los criados de don Luis se contentasen de volver los tres, y que el uno quedase para acompañarle donde don Fernando le quería llevar; y, como ya la buena suerte y mejor fortuna había comenzado a romper lanzas y a facilitar dificultades en favor de los amantes de la venta y de los valientes della, quiso llevarlo al cabo y dar a todo felice suceso, porque los criados se contentaron de cuanto don Luis quería; de que recibió tanto contento doña Clara, que ninguno en aquella sazón la mirara al rostro que no conociera el regocijo de su alma. Zoraida, aunque no entendía bien todos los sucesos que había visto, se entristecía y alegraba a bulto, conforme veía y notaba los semblantes a cada uno, especialmente de su español, en quien tenía siempre puestos los ojos y traía colgada el alma. El ventero, a quien no se le pasó por alto la dádiva y recompensa que el cura había hecho al barbero, pidió el escote de don Quijote, con el menoscabo de sus cueros y falta de vino, jurando que no saldría de la venta Rocinante, ni el jumento de Sancho, sin que se le pagase primero hasta el último ardite. Todo lo apaciguó el cura, y lo pagó don Fernando, puesto que el oidor, de muy buena voluntad, había también ofrecido la paga; y de tal manera quedaron todos en paz y sosiego, que ya no parecía la venta la discordia del campo de Agramante, como don Quijote había dicho, sino la misma paz y quietud del tiempo de Otaviano; de todo lo cual fue común opinión que se debían dar las gracias a la buena intención y mucha elocuencia del señor cura y a la incomparable liberalidad de don Fernando. Viéndose, pues, don Quijote libre y desembarazado de tantas pendencias, así de su escudero como suyas, le pareció que sería bien seguir su comenzado viaje y dar fin a aquella grande aventura para que había sido llamado y escogido; y así, con resoluta determinación se fue a poner de hinojos ante Dorotea, la cual no le consintió que hablase palabra hasta que se levantase; y él, por obedecella, se puso en pie y le dijo: — Es común proverbio, fermosa señora, que la diligencia es madre de la buena ventura, y en muchas y graves cosas ha mostrado la experiencia que la solicitud del negociante trae a buen fin el pleito dudoso; pero en ningunas cosas se muestra más esta verdad que en las de la guerra, adonde la celeridad y presteza previene los discursos del enemigo, y alcanza la vitoria antes que el contrario se ponga en defensa. Todo esto digo, alta y preciosa señora, porque me parece que la estada nuestra en este castillo ya es sin provecho, y podría sernos de tanto daño que lo echásemos de ver algún día; porque, ¿quién sabe si por ocultas espías y diligentes habrá sabido ya vuestro enemigo el gigante de que yo voy a destruille?; y, dándole lugar el tiempo, se fortificase en algún inexpugnable castillo o fortaleza contra quien valiesen poco mis diligencias y la fuerza de mi incansable brazo. Así que, señora mía, prevengamos, como tengo dicho, con nuestra diligencia sus designios, y partámonos luego a la buena ventura; que no está más de tenerla vuestra grandeza como desea, de cuanto yo tarde de verme con vuestro contrario. Calló y no dijo más don Quijote, y esperó con mucho sosiego la respuesta de la fermosa infanta; la cual, con ademán señoril y acomodado al estilo de don Quijote, le respondió desta manera: — Yo os agradezco, señor caballero, el deseo que mostráis tener de favorecerme en mi gran cuita, bien así como caballero, a quien es anejo y concerniente favorecer los huérfanos y menesterosos; y quiera el cielo que el vuestro y mi deseo se cumplan, para que veáis que hay agradecidas mujeres en el mundo. Y en lo de mi partida, sea luego; que yo no tengo más voluntad que la vuestra: disponed vos de mí a toda vuestra guisa y talante; que la que una vez os entregó la defensa de su persona y puso en vuestras manos la restauración de sus señoríos no ha de querer ir contra lo que la vuestra prudencia ordenare. — A la mano de Dios —dijo don Quijote—; pues así es que una señora se me humilla, no quiero yo perder la ocasión de levantalla y ponella en su heredado trono. La partida sea luego, porque me va poniendo espuelas al deseo y al camino lo que suele decirse que en la tardanza está el peligro. Y, pues no ha criado el cielo, ni visto el infierno, ninguno que me espante ni acobarde, ensilla, Sancho, a Rocinante, y apareja tu jumento y el palafrén de la reina, y despidámonos del castellano y destos señores, y vamos de aquí luego al punto. Sancho, que a todo estaba presente, dijo, meneando la cabeza a una parte y a otra: — ¡Ay señor, señor, y cómo hay más mal en el aldegüela que se suena, con perdón sea dicho de las tocadas honradas! — ¿Qué mal puede haber en ninguna aldea, ni en todas las ciudades del mundo, que pueda sonarse en menoscabo mío, villano? — Si vuestra merced se enoja —respondió Sancho—, yo callaré, y dejaré de decir lo que soy obligado como buen escudero, y como debe un buen criado decir a su señor. — Di lo que quisieres —replicó don Quijote—, como tus palabras no se encaminen a ponerme miedo; que si tú le tienes, haces como quien eres, y si yo no le tengo, hago como quien soy. — No es eso, ¡pecador fui yo a Dios! —respondió Sancho—, sino que yo tengo por cierto y por averiguado que esta señora que se dice ser reina del gran reino Micomicón no lo es más que mi madre; porque, a ser lo que ella dice, no se anduviera hocicando con alguno de los que están en la rueda, a vuelta de cabeza y a cada traspuesta. Paróse colorada con las razones de Sancho Dorotea, porque era verdad que su esposo don Fernando, alguna vez, a hurto de otros ojos, había cogido con los labios parte del premio que merecían sus deseos (lo cual había visto Sancho, y pareciéndole que aquella desenvoltura más era de dama cortesana que de reina de tan gran reino), y no pudo ni quiso responder palabra a Sancho, sino dejóle proseguir en su plática, y él fue diciendo: — Esto digo, señor, porque, si al cabo de haber andado caminos y carreras, y pasado malas noches y peores días, ha de venir a coger el fruto de nuestros trabajos el que se está holgando en esta venta, no hay para qué darme priesa a que ensille a Rocinante, albarde el jumento y aderece al palafrén, pues será mejor que nos estemos quedos, y cada puta hile, y comamos. ¡Oh, válame Dios, y cuán grande que fue el enojo que recibió don Quijote, oyendo las descompuestas palabras de su escudero! Digo que fue tanto, que, con voz atropellada y tartamuda lengua, lanzando vivo fuego por los ojos, dijo: — ¡Oh bellaco villano, mal mirado, descompuesto, ignorante, infacundo, deslenguado, atrevido, murmurador y maldiciente! ¿Tales palabras has osado decir en mi presencia y en la destas ínclitas señoras, y tales deshonestidades y atrevimientos osaste poner en tu confusa imaginación? ¡Vete de mi presencia, monstruo de naturaleza, depositario de mentiras, almario de embustes, silo de bellaquerías, inventor de maldades, publicador de sandeces, enemigo del decoro que se debe a las reales personas! ¡Vete; no parezcas delante de mí, so pena de mi ira! Y, diciendo esto, enarcó las cejas, hinchó los carrillos, miró a todas partes, y dio con el pie derecho una gran patada en el suelo, señales todas de la ira que encerraba en sus entrañas. A cuyas palabras y furibundos ademanes quedó Sancho tan encogido y medroso, que se holgara que en aquel instante se abriera debajo de sus pies la tierra y le tragara. Y no supo qué hacerse, sino volver las espaldas y quitarse de la enojada presencia de su señor. Pero la discreta Dorotea, que tan entendido tenía ya el humor de don Quijote, dijo, para templarle la ira: — No os despechéis, señor Caballero de la Triste Figura, de las sandeces que vuestro buen escudero ha dicho, porque quizá no las debe de decir sin ocasión, ni de su buen entendimiento y cristiana conciencia se puede sospechar que levante testimonio a nadie; y así, se ha de creer, sin poner duda en ello, que, como en este castillo, según vos, señor caballero, decís, todas las cosas van y suceden por modo de encantamento, podría ser, digo, que Sancho hubiese visto por esta diabólica vía lo que él dice que vio, tan en ofensa de mi honestidad. — Por el omnipotente Dios juro —dijo a esta sazón don Quijote—, que la vuestra grandeza ha dado en el punto, y que alguna mala visión se le puso delante a este pecador de Sancho, que le hizo ver lo que fuera imposible verse de otro modo que por el de encantos no fuera; que sé yo bien de la bondad e inocencia deste desdichado, que no sabe levantar testimonios a nadie. — Ansí es y ansí será —dijo don Fernando—; por lo cual debe vuestra merced, señor don Quijote, perdonalle y reducille al gremio de su gracia, sicut erat in principio, antes que las tales visiones le sacasen de juicio. Don Quijote respondió que él le perdonaba, y el cura fue por Sancho, el cual vino muy humilde, y, hincándose de rodillas, pidió la mano a su amo; y él se la dio, y, después de habérsela dejado besar, le echó la bendición, diciendo: — Agora acabarás de conocer, Sancho hijo, ser verdad lo que yo otras muchas veces te he dicho de que todas las cosas deste castillo son hechas por vía de encantamento. — Así lo creo yo —dijo Sancho—, excepto aquello de la manta, que realmente sucedió por vía ordinaria. — No lo creas —respondió don Quijote—; que si así fuera, yo te vengara entonces, y aun agora; pero ni entonces ni agora pude ni vi en quién tomar venganza de tu agravio. Desearon saber todos qué era aquello de la manta, y el ventero lo contó, punto por punto: la volatería de Sancho Panza, de que no poco se rieron todos; y de que no menos se corriera Sancho, si de nuevo no le asegurara su amo que era encantamento; puesto que jamás llegó la sandez de Sancho a tanto, que creyese no ser verdad pura y averiguada, sin mezcla de engaño alguno, lo de haber sido manteado por personas de carne y hueso, y no por fantasmas soñadas ni imaginadas, como su señor lo creía y lo afirmaba. Dos días eran ya pasados los que había que toda aquella ilustre compañía estaba en la venta; y, pareciéndoles que ya era tiempo de partirse, dieron orden para que, sin ponerse al trabajo de volver Dorotea y don Fernando con don Quijote a su aldea, con la invención de la libertad de la reina Micomicona, pudiesen el cura y el barbero llevársele, como deseaban, y procurar la cura de su locura en su tierra. Y lo que ordenaron fue que se concertaron con un carretero de bueyes que acaso acertó a pasar por allí, para que lo llevase en esta forma: hicieron una como jaula de palos enrejados, capaz que pudiese en ella caber holgadamente don Quijote; y luego don Fernando y sus camaradas, con los criados de don Luis y los cuadrilleros, juntamente con el ventero, todos por orden y parecer del cura, se cubrieron los rostros y se disfrazaron, quién de una manera y quién de otra, de modo que a don Quijote le pareciese ser otra gente de la que en aquel castillo había visto. Hecho esto, con grandísimo silencio se entraron adonde él estaba durmiendo y descansando de las pasadas refriegas. Llegáronse a él, que libre y seguro de tal acontecimiento dormía, y, asiéndole fuertemente, le ataron muy bien las manos y los pies, de modo que, cuando él despertó con sobresalto, no pudo menearse, ni hacer otra cosa más que admirarse y suspenderse de ver delante de sí tan estraños visajes; y luego dio en la cuenta de lo que su continua y desvariada imaginación le representaba, y se creyó que todas aquellas figuras eran fantasmas de aquel encantado castillo, y que, sin duda alguna, ya estaba encantado, pues no se podía menear ni defender: todo a punto como había pensado que sucedería el cura, trazador desta máquina. Sólo Sancho, de todos los presentes, estaba en su mesmo juicio y en su mesma figura; el cual, aunque le faltaba bien poco para tener la mesma enfermedad de su amo, no dejó de conocer quién eran todas aquellas contrahechas figuras; mas no osó descoser su boca, hasta ver en qué paraba aquel asalto y prisión de su amo, el cual tampoco hablaba palabra, atendiendo a ver el paradero de su desgracia; que fue que, trayendo allí la jaula, le encerraron dentro, y le clavaron los maderos tan fuertemente que no se pudieran romper a dos tirones. Tomáronle luego en hombros, y, al salir del aposento, se oyó una voz temerosa, todo cuanto la supo formar el barbero, no el del albarda, sino el otro, que decía: — ¡Oh Caballero de la Triste Figura!, no te dé afincamiento la prisión en que vas, porque así conviene para acabar más presto la aventura en que tu gran esfuerzo te puso; la cual se acabará cuando el furibundo león manchado con la blanca paloma tobosina yoguieren en uno, ya después de humilladas las altas cervices al blando yugo matrimoñesco; de cuyo inaudito consorcio saldrán a la luz del orbe los bravos cachorros, que imitarán las rumpantes garras del valeroso padre. Y esto será antes que el seguidor de la fugitiva ninfa faga dos vegadas la visita de las lucientes imágines con su rápido y natural curso. Y tú, ¡oh, el más noble y obediente escudero que tuvo espada en cinta, barbas en rostro y olfato en las narices!, no te desmaye ni descontente ver llevar ansí delante de tus ojos mesmos a la flor de la caballería andante; que presto, si al plasmador del mundo le place, te verás tan alto y tan sublimado que no te conozcas, y no saldrán defraudadas las promesas que te ha fecho tu buen señor. Y asegúrote, de parte de la sabia Mentironiana, que tu salario te sea pagado, como lo verás por la obra; y sigue las pisadas del valeroso y encantado caballero, que conviene que vayas donde paréis entrambos. Y, porque no me es lícito decir otra cosa, a Dios quedad, que yo me vuelvo adonde yo me sé. Y, al acabar de la profecía, alzó la voz de punto, y diminuyóla después, con tan tierno acento, que aun los sabidores de la burla estuvieron por creer que era verdad lo que oían. Quedó don Quijote consolado con la escuchada profecía, porque luego coligió de todo en todo la significación de ella; y vio que le prometían el verse ayuntados en santo y debido matrimonio con su querida Dulcinea del Toboso, de cuyo felice vientre saldrían los cachorros, que eran sus hijos, para gloria perpetua de la Mancha. Y, creyendo esto bien y firmemente, alzó la voz, y, dando un gran suspiro, dijo: — ¡Oh tú, quienquiera que seas, que tanto bien me has pronosticado!, ruégote que pidas de mi parte al sabio encantador que mis cosas tiene a cargo, que no me deje perecer en esta prisión donde agora me llevan, hasta ver cumplidas tan alegres e incomparables promesas como son las que aquí se me han hecho; que, como esto sea, tendré por gloria las penas de mi cárcel, y por alivio estas cadenas que me ciñen, y no por duro campo de batalla este lecho en que me acuestan, sino por cama blanda y tálamo dichoso. Y, en lo que toca a la consolación de Sancho Panza, mi escudero, yo confío de su bondad y buen proceder que no me dejará en buena ni en mala suerte; porque, cuando no suceda, por la suya o por mi corta ventura, el poderle yo dar la ínsula, o otra cosa equivalente que le tengo prometida, por lo menos su salario no podrá perderse; que en mi testamento, que ya está hecho, dejo declarado lo que se le ha de dar, no conforme a sus muchos y buenos servicios, sino a la posibilidad mía. Sancho Panza se le inclinó con mucho comedimiento, y le besó entrambas las manos, porque la una no pudiera, por estar atadas entrambas. Luego tomaron la jaula en hombros aquellas visiones, y la acomodaron en el carro de los bueyes. Capítulo XLVII. Del estraño modo con que fue encantado don Quijote de la Mancha, con otros famosos sucesos Cuando don Quijote se vio de aquella manera enjaulado y encima del carro, dijo: — Muchas y muy graves historias he yo leído de caballeros andantes, pero jamás he leído, ni visto, ni oído, que a los caballeros encantados los lleven desta manera y con el espacio que prometen estos perezosos y tardíos animales; porque siempre los suelen llevar por los aires, con estraña ligereza, encerrados en alguna parda y escura nube, o en algún carro de fuego, o ya sobre algún hipogrifo o otra bestia semejante; pero que me lleven a mí agora sobre un carro de bueyes, ¡vive Dios que me pone en confusión! Pero quizá la caballería y los encantos destos nuestros tiempos deben de seguir otro camino que siguieron los antiguos. Y también podría ser que, como yo soy nuevo caballero en el mundo, y el primero que ha resucitado el ya olvidado ejercicio de la caballería aventurera, también nuevamente se hayan inventado otros géneros de encantamentos y otros modos de llevar a los encantados. ¿Qué te parece desto, Sancho hijo? — No sé yo lo que me parece —respondió Sancho—, por no ser tan leído como vuestra merced en las escrituras andantes; pero, con todo eso, osaría afirmar y jurar que estas visiones que por aquí andan, que no son del todo católicas. — ¿Católicas? ¡Mi padre! —respondió don Quijote—. ¿Cómo han de ser católicas si son todos demonios que han tomado cuerpos fantásticos para venir a hacer esto y a ponerme en este estado? Y si quieres ver esta verdad, tócalos y pálpalos, y verás como no tienen cuerpo sino de aire, y como no consiste más de en la apariencia. — Par Dios, señor —replicó Sancho—, ya yo los he tocado; y este diablo que aquí anda tan solícito es rollizo de carnes, y tiene otra propiedad muy diferente de la que yo he oído decir que tienen los demonios; porque, según se dice, todos huelen a piedra azufre y a otros malos olores; pero éste huele a ámbar de media legua. Decía esto Sancho por don Fernando, que, como tan señor, debía de oler a lo que Sancho decía. — No te maravilles deso, Sancho amigo —respondió don Quijote—, porque te hago saber que los diablos saben mucho, y, puesto que traigan olores consigo, ellos no huelen nada, porque son espíritus, y si huelen, no pueden oler cosas buenas, sino malas y hidiondas. Y la razón es que como ellos, dondequiera que están, traen el infierno consigo, y no pueden recebir género de alivio alguno en sus tormentos, y el buen olor sea cosa que deleita y contenta, no es posible que ellos huelan cosa buena. Y si a ti te parece que ese demonio que dices huele a ámbar, o tú te engañas, o él quiere engañarte con hacer que no le tengas por demonio. Todos estos coloquios pasaron entre amo y criado; y, temiendo don Fernando y Cardenio que Sancho no viniese a caer del todo en la cuenta de su invención, a quien andaba ya muy en los alcances, determinaron de abreviar con la partida; y, llamando aparte al ventero, le ordenaron que ensillase a Rocinante y enalbardase el jumento de Sancho; el cual lo hizo con mucha presteza. Ya en esto, el cura se había concertado con los cuadrilleros que le acompañasen hasta su lugar, dándoles un tanto cada día. Colgó Cardenio del arzón de la silla de Rocinante, del un cabo la adarga y del otro la bacía, y por señas mandó a Sancho que subiese en su asno y tomase de las riendas a Rocinante, y puso a los dos lados del carro a los dos cuadrilleros con sus escopetas. Pero, antes que se moviese el carro, salió la ventera, su hija y Maritornes a despedirse de don Quijote, fingiendo que lloraban de dolor de su desgracia; a quien don Quijote dijo: — No lloréis, mis buenas señoras, que todas estas desdichas son anexas a los que profesan lo que yo profeso; y si estas calamidades no me acontecieran, no me tuviera yo por famoso caballero andante; porque a los caballeros de poco nombre y fama nunca les suceden semejantes casos, porque no hay en el mundo quien se acuerde dellos. A los valerosos sí, que tienen envidiosos de su virtud y valentía a muchos príncipes y a muchos otros caballeros, que procuran por malas vías destruir a los buenos. Pero, con todo eso, la virtud es tan poderosa que, por sí sola, a pesar de toda la nigromancia que supo su primer inventor, Zoroastes, saldrá vencedora de todo trance, y dará de sí luz en el mundo, como la da el sol en el cielo. Perdonadme, fermosas damas, si algún desaguisado, por descuido mío, os he fecho, que, de voluntad y a sabiendas, jamás le di a nadie; y rogad a Dios me saque destas prisiones, donde algún mal intencionado encantador me ha puesto; que si de ellas me veo libre, no se me caerá de la memoria las mercedes que en este castillo me habedes fecho, para gratificallas, servillas y recompensallas como ellas merecen. En tanto que las damas del castillo esto pasaban con don Quijote, el cura y el barbero se despidieron de don Fernando y sus camaradas, y del capitán y de su hermano y todas aquellas contentas señoras, especialmente de Dorotea y Luscinda. Todos se abrazaron y quedaron de darse noticia de sus sucesos, diciendo don Fernando al cura dónde había de escribirle para avisarle en lo que paraba don Quijote, asegurándole que no habría cosa que más gusto le diese que saberlo; y que él, asimesmo, le avisaría de todo aquello que él viese que podría darle gusto, así de su casamiento como del bautismo de Zoraida, y suceso de don Luis, y vuelta de Luscinda a su casa. El cura ofreció de hacer cuanto se le mandaba, con toda puntualidad. Tornaron a abrazarse otra vez, y otra vez tornaron a nuevos ofrecimientos. El ventero se llegó al cura y le dio unos papeles, diciéndole que los había hallado en un aforro de la maleta donde se halló la Novela del curioso impertinente, y que, pues su dueño no había vuelto más por allí, que se los llevase todos; que, pues él no sabía leer, no los quería. El cura se lo agradeció, y, abriéndolos luego, vio que al principio de lo escrito decía: Novela de Rinconete y Cortadillo, por donde entendió ser alguna novela y coligió que, pues la del Curioso impertinente había sido buena, que también lo sería aquélla, pues podría ser fuesen todas de un mesmo autor; y así, la guardó, con prosupuesto de leerla cuando tuviese comodidad. Subió a caballo, y también su amigo el barbero, con sus antifaces, porque no fuesen luego conocidos de don Quijote, y pusiéronse a caminar tras el carro. Y la orden que llevaban era ésta: iba primero el carro, guiándole su dueño; a los dos lados iban los cuadrilleros, como se ha dicho, con sus escopetas; seguía luego Sancho Panza sobre su asno, llevando de rienda a Rocinante. Detrás de todo esto iban el cura y el barbero sobre sus poderosas mulas, cubiertos los rostros, como se ha dicho, con grave y reposado continente, no caminando más de lo que permitía el paso tardo de los bueyes. Don Quijote iba sentado en la jaula, las manos atadas, tendidos los pies, y arrimado a las verjas, con tanto silencio y tanta paciencia como si no fuera hombre de carne, sino estatua de piedra. Y así, con aquel espacio y silencio caminaron hasta dos leguas, que llegaron a un valle, donde le pareció al boyero ser lugar acomodado para reposar y dar pasto a los bueyes; y, comunicándolo con el cura, fue de parecer el barbero que caminasen un poco más, porque él sabía, detrás de un recuesto que cerca de allí se mostraba, había un valle de más yerba y mucho mejor que aquel donde parar querían. Tomóse el parecer del barbero, y así, tornaron a proseguir su camino. En esto, volvió el cura el rostro, y vio que a sus espaldas venían hasta seis o siete hombres de a caballo, bien puestos y aderezados, de los cuales fueron presto alcanzados, porque caminaban no con la flema y reposo de los bueyes, sino como quien iba sobre mulas de canónigos y con deseo de llegar presto a sestear a la venta, que menos de una legua de allí se parecía. Llegaron los diligentes a los perezosos y saludáronse cortésmente; y uno de los que venían, que, en resolución, era canónigo de Toledo y señor de los demás que le acompañaban, viendo la concertada procesión del carro, cuadrilleros, Sancho, Rocinante, cura y barbero, y más a don Quijote, enjaulado y aprisionado, no pudo dejar de preguntar qué significaba llevar aquel hombre de aquella manera; aunque ya se había dado a entender, viendo las insignias de los cuadrilleros, que debía de ser algún facinoroso salteador, o otro delincuente cuyo castigo tocase a la Santa Hermandad. Uno de los cuadrilleros, a quien fue hecha la pregunta, respondió ansí: — Señor, lo que significa ir este caballero desta manera, dígalo él, porque nosotros no lo sabemos. Oyó don Quijote la plática, y dijo: — ¿Por dicha vuestras mercedes, señores caballeros, son versados y perictos en esto de la caballería andante? Porque si lo son, comunicaré con ellos mis desgracias, y si no, no hay para qué me canse en decillas. Y, a este tiempo, habían ya llegado el cura y el barbero, viendo que los caminantes estaban en pláticas con don Quijote de la Mancha, para responder de modo que no fuese descubierto su artificio. El canónigo, a lo que don Quijote dijo, respondió: — En verdad, hermano, que sé más de libros de caballerías que de las Súmulas de Villalpando. Ansí que, si no está más que en esto, seguramente podéis comunicar conmigo lo que quisiéredes. — A la mano de Dios —replicó don Quijote—. Pues así es, quiero, señor caballero, que sepades que yo voy encantado en esta jaula, por envidia y fraude de malos encantadores; que la virtud más es perseguida de los malos que amada de los buenos. Caballero andante soy, y no de aquellos de cuyos nombres jamás la Fama se acordó para eternizarlos en su memoria, sino de aquellos que, a despecho y pesar de la mesma envidia, y de cuantos magos crió Persia, bracmanes la India, ginosofistas la Etiopía, ha de poner su nombre en el templo de la inmortalidad para que sirva de ejemplo y dechado en los venideros siglos, donde los caballeros andantes vean los pasos que han de seguir, si quisieren llegar a la cumbre y alteza honrosa de las armas. — Dice verdad el señor don Quijote de la Mancha —dijo a esta sazón el cura—; que él va encantado en esta carreta, no por sus culpas y pecados, sino por la mala intención de aquellos a quien la virtud enfada y la valentía enoja. Éste es, señor, el Caballero de la Triste Figura, si ya le oístes nombrar en algún tiempo, cuyas valerosas hazañas y grandes hechos serán escritas en bronces duros y en eternos mármoles, por más que se canse la envidia en escurecerlos y la malicia en ocultarlos. Cuando el canónigo oyó hablar al preso y al libre en semejante estilo, estuvo por hacerse la cruz, de admirado, y no podía saber lo que le había acontencido; y en la mesma admiración cayeron todos los que con él venían. En esto, Sancho Panza, que se había acercado a oír la plática, para adobarlo todo, dijo: — Ahora, señores, quiéranme bien o quiéranme mal por lo que dijere, el caso de ello es que así va encantado mi señor don Quijote como mi madre; él tiene su entero juicio, él come y bebe y hace sus necesidades como los demás hombres, y como las hacía ayer, antes que le enjaulasen. Siendo esto ansí, ¿cómo quieren hacerme a mí entender que va encantado? Pues yo he oído decir a muchas personas que los encantados ni comen, ni duermen, ni hablan, y mi amo, si no le van a la mano, hablará más que treinta procuradores. Y, volviéndose a mirar al cura, prosiguió diciendo: — ¡Ah señor cura, señor cura! ¿Pensaba vuestra merced que no le conozco, y pensará que yo no calo y adivino adónde se encaminan estos nuevos encantamentos? Pues sepa que le conozco, por más que se encubra el rostro, y sepa que le entiendo, por más que disimule sus embustes. En fin, donde reina la envidia no puede vivir la virtud, ni adonde hay escaseza la liberalidad. !Mal haya el diablo!; que, si por su reverencia no fuera, ésta fuera ya la hora que mi señor estuviera casado con la infanta Micomicona, y yo fuera conde, por lo menos, pues no se podía esperar otra cosa, así de la bondad de mi señor el de la Triste Figura como de la grandeza de mis servicios. Pero ya veo que es verdad lo que se dice por ahí: que la rueda de la Fortuna anda más lista que una rueda de molino, y que los que ayer estaban en pinganitos hoy están por el suelo. De mis hijos y de mi mujer me pesa, pues cuando podían y debían esperar ver entrar a su padre por sus puertas hecho gobernador o visorrey de alguna ínsula o reino, le verán entrar hecho mozo de caballos. Todo esto que he dicho, señor cura, no es más de por encarecer a su paternidad haga conciencia del mal tratamiento que a mi señor se le hace, y mire bien no le pida Dios en la otra vida esta prisión de mi amo, y se le haga cargo de todos aquellos socorros y bienes que mi señor don Quijote deja de hacer en este tiempo que está preso. — ¡Adóbame esos candiles! —dijo a este punto el barbero—. ¿También vos, Sancho, sois de la cofradía de vuestro amo? ¡Vive el Señor, que voy viendo que le habéis de tener compañía en la jaula, y que habéis de quedar tan encantado como él, por lo que os toca de su humor y de su caballería! En mal punto os empreñastes de sus promesas, y en mal hora se os entró en los cascos la ínsula que tanto deseáis. — Yo no estoy preñado de nadie —respondió Sancho—, ni soy hombre que me dejaría empreñar, del rey que fuese; y, aunque pobre, soy cristiano viejo, y no debo nada a nadie; y si ínsulas deseo, otros desean otras cosas peores; y cada uno es hijo de sus obras; y, debajo de ser hombre, puedo venir a ser papa, cuanto más gobernador de una ínsula, y más pudiendo ganar tantas mi señor que le falte a quien dallas. Vuestra merced mire cómo habla, señor barbero; que no es todo hacer barbas, y algo va de Pedro a Pedro. Dígolo porque todos nos conocemos, y a mí no se me ha de echar dado falso. Y en esto del encanto de mi amo, Dios sabe la verdad; y quédese aquí, porque es peor meneallo. No quiso responder el barbero a Sancho, porque no descubriese con sus simplicidades lo que él y el cura tanto procuraban encubrir; y, por este mesmo temor, había el cura dicho al canónigo que caminasen un poco delante: que él le diría el misterio del enjaulado, con otras cosas que le diesen gusto. Hízolo así el canónigo, y adelantóse con sus criados y con él: estuvo atento a todo aquello que decirle quiso de la condición, vida, locura y costumbres de don Quijote, contándole brevemente el principio y causa de su desvarío, y todo el progreso de sus sucesos, hasta haberlo puesto en aquella jaula, y el disignio que llevaban de llevarle a su tierra, para ver si por algún medio hallaban remedio a su locura. Admiráronse de nuevo los criados y el canónigo de oír la peregrina historia de don Quijote, y, en acabándola de oír, dijo: — Verdaderamente, señor cura, yo hallo por mi cuenta que son perjudiciales en la república estos que llaman libros de caballerías; y, aunque he leído, llevado de un ocioso y falso gusto, casi el principio de todos los más que hay impresos, jamás me he podido acomodar a leer ninguno del principio al cabo, porque me parece que, cuál más, cuál menos, todos ellos son una mesma cosa, y no tiene más éste que aquél, ni estotro que el otro. Y, según a mí me parece, este género de escritura y composición cae debajo de aquel de las fábulas que llaman milesias, que son cuentos disparatados, que atienden solamente a deleitar, y no a enseñar: al contrario de lo que hacen las fábulas apólogas, que deleitan y enseñan juntamente. Y, puesto que el principal intento de semejantes libros sea el deleitar, no sé yo cómo puedan conseguirle, yendo llenos de tantos y tan desaforados disparates; que el deleite que en el alma se concibe ha de ser de la hermosura y concordancia que vee o contempla en las cosas que la vista o la imaginación le ponen delante; y toda cosa que tiene en sí fealdad y descompostura no nos puede causar contento alguno. Pues, ¿qué hermosura puede haber, o qué proporción de partes con el todo y del todo con las partes, en un libro o fábula donde un mozo de diez y seis años da una cuchillada a un gigante como una torre, y le divide en dos mitades, como si fuera de alfeñique; y que, cuando nos quieren pintar una batalla, después de haber dicho que hay de la parte de los enemigos un millón de competientes, como sea contra ellos el señor del libro, forzosamente, mal que nos pese, habemos de entender que el tal caballero alcanzó la vitoria por solo el valor de su fuerte brazo? Pues, ¿qué diremos de la facilidad con que una reina o emperatriz heredera se conduce en los brazos de un andante y no conocido caballero? ¿Qué ingenio, si no es del todo bárbaro e inculto, podrá contentarse leyendo que una gran torre llena de caballeros va por la mar adelante, como nave con próspero viento, y hoy anochece en Lombardía, y mañana amanezca en tierras del Preste Juan de las Indias, o en otras que ni las descubrió Tolomeo ni las vio Marco Polo? Y, si a esto se me respondiese que los que tales libros componen los escriben como cosas de mentira, y que así, no están obligados a mirar en delicadezas ni verdades, responderles hía yo que tanto la mentira es mejor cuanto más parece verdadera, y tanto más agrada cuanto tiene más de lo dudoso y posible. Hanse de casar las fábulas mentirosas con el entendimiento de los que las leyeren, escribiéndose de suerte que, facilitando los imposibles, allanando las grandezas, suspendiendo los ánimos, admiren, suspendan, alborocen y entretengan, de modo que anden a un mismo paso la admiración y la alegría juntas; y todas estas cosas no podrá hacer el que huyere de la verisimilitud y de la imitación, en quien consiste la perfeción de lo que se escribe. No he visto ningún libro de caballerías que haga un cuerpo de fábula entero con todos sus miembros, de manera que el medio corresponda al principio, y el fin al principio y al medio; sino que los componen con tantos miembros, que más parece que llevan intención a formar una quimera o un monstruo que a hacer una figura proporcionada. Fuera desto, son en el estilo duros; en las hazañas, increíbles; en los amores, lascivos; en las cortesías, mal mirados; largos en las batallas, necios en las razones, disparatados en los viajes, y, finalmente, ajenos de todo discreto artificio, y por esto dignos de ser desterrados de la república cristiana, como a gente inútil. El cura le estuvo escuchando con grande atención, y parecióle hombre de buen entendimiento, y que tenía razón en cuanto decía; y así, le dijo que, por ser él de su mesma opinión y tener ojeriza a los libros de caballerías, había quemado todos los de don Quijote, que eran muchos. Y contóle el escrutinio que dellos había hecho, y los que había condenado al fuego y dejado con vida, de que no poco se rió el canónigo, y dijo que, con todo cuanto mal había dicho de tales libros, hallaba en ellos una cosa buena: que era el sujeto que ofrecían para que un buen entendimiento pudiese mostrarse en ellos, porque daban largo y espacioso campo por donde sin empacho alguno pudiese correr la pluma, descubriendo naufragios, tormentas, rencuentros y batallas; pintando un capitán valeroso con todas las partes que para ser tal se requieren, mostrándose prudente previniendo las astucias de sus enemigos, y elocuente orador persuadiendo o disuadiendo a sus soldados, maduro en el consejo, presto en lo determinado, tan valiente en el esperar como en el acometer; pintando ora un lamentable y trágico suceso, ahora un alegre y no pensado acontecimiento; allí una hermosísima dama, honesta, discreta y recatada; aquí un caballero cristiano, valiente y comedido; acullá un desaforado bárbaro fanfarrón; acá un príncipe cortés, valeroso y bien mirado; representando bondad y lealtad de vasallos, grandezas y mercedes de señores. Ya puede mostrarse astrólogo, ya cosmógrafo excelente, ya músico, ya inteligente en las materias de estado, y tal vez le vendrá ocasión de mostrarse nigromante, si quisiere. Puede mostrar las astucias de Ulixes, la piedad de Eneas, la valentía de Aquiles, las desgracias de Héctor, las traiciones de Sinón, la amistad de Eurialio, la liberalidad de Alejandro, el valor de César, la clemencia y verdad de Trajano, la fidelidad de Zopiro, la prudencia de Catón; y, finalmente, todas aquellas acciones que pueden hacer perfecto a un varón ilustre, ahora poniéndolas en uno solo, ahora dividiéndolas en muchos. — Y, siendo esto hecho con apacibilidad de estilo y con ingeniosa invención, que tire lo más que fuere posible a la verdad, sin duda compondrá una tela de varios y hermosos lazos tejida, que, después de acabada, tal perfeción y hermosura muestre, que consiga el fin mejor que se pretende en los escritos, que es enseñar y deleitar juntamente, como ya tengo dicho. Porque la escritura desatada destos libros da lugar a que el autor pueda mostrarse épico, lírico, trágico, cómico, con todas aquellas partes que encierran en sí las dulcísimas y agradables ciencias de la poesía y de la oratoria; que la épica también puede escrebirse en prosa como en verso. Capítulo XLVIII. Donde prosigue el canónigo la materia de los libros de caballerías, con otras cosas dignas de su ingenio — Así es como vuestra merced dice, señor canónigo —dijo el cura—, y por esta causa son más dignos de reprehensión los que hasta aquí han compuesto semejantes libros sin tener advertencia a ningún buen discurso, ni al arte y reglas por donde pudieran guiarse y hacerse famosos en prosa, como lo son en verso los dos príncipes de la poesía griega y latina. — Yo, a lo menos —replicó el canónigo—, he tenido cierta tentación de hacer un libro de caballerías, guardando en él todos los puntos que he significado; y si he de confesar la verdad, tengo escritas más de cien hojas. Y para hacer la experiencia de si correspondían a mi estimación, las he comunicado con hombres apasionados desta leyenda, dotos y discretos, y con otros ignorantes, que sólo atienden al gusto de oír disparates, y de todos he hallado una agradable aprobación; pero, con todo esto, no he proseguido adelante, así por parecerme que hago cosa ajena de mi profesión, como por ver que es más el número de los simples que de los prudentes; y que, puesto que es mejor ser loado de los pocos sabios que burlado de los muchos necios, no quiero sujetarme al confuso juicio del desvanecido vulgo, a quien por la mayor parte toca leer semejantes libros. Pero lo que más me le quitó de las manos, y aun del pensamiento, de acabarle, fue un argumento que hice conmigo mesmo, sacado de las comedias que ahora se representa, diciendo: ''Si estas que ahora se usan, así las imaginadas como las de historia, todas o las más son conocidos disparates y cosas que no llevan pies ni cabeza, y, con todo eso, el vulgo las oye con gusto, y las tiene y las aprueba por buenas, estando tan lejos de serlo, y los autores que las componen y los actores que las representan dicen que así han de ser, porque así las quiere el vulgo, y no de otra manera; y que las que llevan traza y siguen la fábula como el arte pide, no sirven sino para cuatro discretos que las entienden, y todos los demás se quedan ayunos de entender su artificio, y que a ellos les está mejor ganar de comer con los muchos, que no opinión con los pocos, deste modo vendrá a ser un libro, al cabo de haberme quemado las cejas por guardar los preceptos referidos, y vendré a ser el sastre del cantillo''. Y, aunque algunas veces he procurado persuadir a los actores que se engañan en tener la opinión que tienen, y que más gente atraerán y más fama cobrarán representando comedias que hagan el arte que no con las disparatadas, y están tan asidos y encorporados en su parecer, que no hay razón ni evidencia que dél los saque. Acuérdome que un día dije a uno destos pertinaces: ''Decidme, ¿no os acordáis que ha pocos años que se representaron en España tres tragedias que compuso un famoso poeta destos reinos, las cuales fueron tales, que admiraron, alegraron y suspendieron a todos cuantos las oyeron, así simples como prudentes, así del vulgo como de los escogidos, y dieron más dineros a los representantes ellas tres solas que treinta de las mejores que después acá se han hecho?'' ''Sin duda —respondió el autor que digo—, que debe de decir vuestra merced por La Isabela, La Filis y La Alejandra''. ''Por ésas digo — le repliqué yo—; y mirad si guardaban bien los preceptos del arte, y si por guardarlos dejaron de parecer lo que eran y de agradar a todo el mundo. Así que no está la falta en el vulgo, que pide disparates, sino en aquellos que no saben representar otra cosa. Sí, que no fue disparate La ingratitud vengada, ni le tuvo La Numancia, ni se le halló en la del Mercader amante, ni menos en La enemiga favorable, ni en otras algunas que de algunos entendidos poetas han sido compuestas, para fama y renombre suyo, y para ganancia de los que las han representado''. Y otras cosas añadí a éstas, con que, a mi parecer, le dejé algo confuso, pero no satisfecho ni convencido para sacarle de su errado pensamiento. — En materia ha tocado vuestra merced, señor canónigo —dijo a esta sazón el cura—, que ha despertado en mí un antiguo rancor que tengo con las comedias que agora se usan, tal, que iguala al que tengo con los libros de caballerías; porque, habiendo de ser la comedia, según le parece a Tulio, espejo de la vida humana, ejemplo de las costumbres y imagen de la verdad, las que ahora se representan son espejos de disparates, ejemplos de necedades e imágenes de lascivia. Porque, ¿qué mayor disparate puede ser en el sujeto que tratamos que salir un niño en mantillas en la primera cena del primer acto, y en la segunda salir ya hecho hombre barbado? Y ¿qué mayor que pintarnos un viejo valiente y un mozo cobarde, un lacayo rectórico, un paje consejero, un rey ganapán y una princesa fregona? ¿Qué diré, pues, de la observancia que guardan en los tiempos en que pueden o podían suceder las acciones que representan, sino que he visto comedia que la primera jornada comenzó en Europa, la segunda en Asia, la tercera se acabó en Africa, y ansí fuera de cuatro jornadas, la cuarta acababa en América, y así se hubiera hecho en todas las cuatro partes del mundo? Y si es que la imitación es lo principal que ha de tener la comedia, ¿cómo es posible que satisfaga a ningún mediano entendimiento que, fingiendo una acción que pasa en tiempo del rey Pepino y Carlomagno, el mismo que en ella hace la persona principal le atribuyan que fue el emperador Heraclio, que entró con la Cruz en Jerusalén, y el que ganó la Casa Santa, como Godofre de Bullón, habiendo infinitos años de lo uno a lo otro; y fundándose la comedia sobre cosa fingida, atribuirle verdades de historia, y mezclarle pedazos de otras sucedidas a diferentes personas y tiempos, y esto, no con trazas verisímiles, sino con patentes errores de todo punto inexcusables? Y es lo malo que hay ignorantes que digan que esto es lo perfecto, y que lo demás es buscar gullurías. Pues, ¿qué si venimos a las comedias divinas?: ¡qué de milagros falsos fingen en ellas, qué de cosas apócrifas y mal entendidas, atribuyendo a un santo los milagros de otro! Y aun en las humanas se atreven a hacer milagros, sin más respeto ni consideración que parecerles que allí estará bien el tal milagro y apariencia, como ellos llaman, para que gente ignorante se admire y venga a la comedia; que todo esto es en perjuicio de la verdad y en menoscabo de las historias, y aun en oprobrio de los ingenios españoles; porque los estranjeros, que con mucha puntualidad guardan las leyes de la comedia, nos tienen por bárbaros e ignorantes, viendo los absurdos y disparates de las que hacemos. Y no sería bastante disculpa desto decir que el principal intento que las repúblicas bien ordenadas tienen, permitiendo que se hagan públicas comedias, es para entretener la comunidad con alguna honesta recreación, y divertirla a veces de los malos humores que suele engendrar la ociosidad; y que, pues éste se consigue con cualquier comedia, buena o mala, no hay para qué poner leyes, ni estrechar a los que las componen y representan a que las hagan como debían hacerse, pues, como he dicho, con cualquiera se consigue lo que con ellas se pretende. A lo cual respondería yo que este fin se conseguiría mucho mejor, sin comparación alguna, con las comedias buenas que con las no tales; porque, de haber oído la comedia artificiosa y bien ordenada, saldría el oyente alegre con las burlas, enseñado con las veras, admirado de los sucesos, discreto con las razones, advertido con los embustes, sagaz con los ejemplos, airado contra el vicio y enamorado de la virtud; que todos estos afectos ha de despertar la buena comedia en el ánimo del que la escuchare, por rústico y torpe que sea; y de toda imposibilidad es imposible dejar de alegrar y entretener, satisfacer y contentar, la comedia que todas estas partes tuviere mucho más que aquella que careciere dellas, como por la mayor parte carecen estas que de ordinario agora se representan. Y no tienen la culpa desto los poetas que las componen, porque algunos hay dellos que conocen muy bien en lo que yerran, y saben estremadamente lo que deben hacer; pero, como las comedias se han hecho mercadería vendible, dicen, y dicen verdad, que los representantes no se las comprarían si no fuesen de aquel jaez; y así, el poeta procura acomodarse con lo que el representante que le ha de pagar su obra le pide. Y que esto sea verdad véase por muchas e infinitas comedias que ha compuesto un felicísimo ingenio destos reinos, con tanta gala, con tanto donaire, con tan elegante verso, con tan buenas razones, con tan graves sentencias y, finalmente, tan llenas de elocución y alteza de estilo, que tiene lleno el mundo de su fama. Y, por querer acomodarse al gusto de los representantes, no han llegado todas, como han llegado algunas, al punto de la perfección que requieren. Otros las componen tan sin mirar lo que hacen, que después de representadas tienen necesidad los recitantes de huirse y ausentarse, temerosos de ser castigados, como lo han sido muchas veces, por haber representado cosas en perjuicio de algunos reyes y en deshonra de algunos linajes. Y todos estos inconvinientes cesarían, y aun otros muchos más que no digo, con que hubiese en la Corte una persona inteligente y discreta que examinase todas las comedias antes que se representasen (no sólo aquellas que se hiciesen en la Corte, sino todas las que se quisiesen representar en España), sin la cual aprobación, sello y firma, ninguna justicia en su lugar dejase representar comedia alguna; y, desta manera, los comediantes tendrían cuidado de enviar las comedias a la Corte, y con seguridad podrían representallas, y aquellos que las componen mirarían con más cuidado y estudio lo que hacían, temorosos de haber de pasar sus obras por el riguroso examen de quien lo entiende; y desta manera se harían buenas comedias y se conseguiría felicísimamente lo que en ellas se pretende: así el entretenimiento del pueblo, como la opinión de los ingenios de España, el interés y seguridad de los recitantes y el ahorro del cuidado de castigallos. Y si diese cargo a otro, o a este mismo, que examinase los libros de caballerías que de nuevo se compusiesen, sin duda podrían salir algunos con la perfección que vuestra merced ha dicho, enriqueciendo nuestra lengua del agradable y precioso tesoro de la elocuencia, dando ocasión que los libros viejos se escureciesen a la luz de los nuevos que saliesen, para honesto pasatiempo, no solamente de los ociosos, sino de los más ocupados; pues no es posible que esté continuo el arco armado, ni la condición y flaqueza humana se pueda sustentar sin alguna lícita recreación. A este punto de su coloquio llegaban el canónigo y el cura, cuando, adelantándose el barbero, llegó a ellos, y dijo al cura: — Aquí, señor licenciado, es el lugar que yo dije que era bueno para que, sesteando nosotros, tuviesen los bueyes fresco y abundoso pasto. — Así me lo parece a mí —respondió el cura. Y, diciéndole al canónigo lo que pensaba hacer, él también quiso quedarse con ellos, convidado del sitio de un hermoso valle que a la vista se les ofrecía. Y, así por gozar dél como de la conversación del cura, de quien ya iba aficionado, y por saber más por menudo las hazañas de don Quijote, mandó a algunos de sus criados que se fuesen a la venta, que no lejos de allí estaba, y trujesen della lo que hubiese de comer, para todos, porque él determinaba de sestear en aquel lugar aquella tarde; a lo cual uno de sus criados respondió que el acémila del repuesto, que ya debía de estar en la venta, traía recado bastante para no obligar a no tomar de la venta más que cebada. — Pues así es —dijo el canónigo—, llévense allá todas las cabalgaduras, y haced volver la acémila. En tanto que esto pasaba, viendo Sancho que podía hablar a su amo sin la continua asistencia del cura y el barbero, que tenía por sospechosos, se llegó a la jaula donde iba su amo, y le dijo: — Señor, para descargo de mi conciencia, le quiero decir lo que pasa cerca de su encantamento; y es que aquestos dos que vienen aquí cubiertos los rostros son el cura de nuestro lugar y el barbero; y imagino han dado esta traza de llevalle desta manera, de pura envidia que tienen como vuestra merced se les adelanta en hacer famosos hechos. Presupuesta, pues, esta verdad, síguese que no va encantado, sino embaído y tonto. Para prueba de lo cual le quiero preguntar una cosa; y si me responde como creo que me ha de responder, tocará con la mano este engaño y verá como no va encantado, sino trastornado el juicio. — Pregunta lo que quisieres, hijo Sancho —respondió don Quijote—, que yo te satisfaré y responderé a toda tu voluntad. Y en lo que dices que aquellos que allí van y vienen con nosotros son el cura y el barbero, nuestros compatriotos y conocidos, bien podrá ser que parezca que son ellos mesmos; pero que lo sean realmente y en efeto, eso no lo creas en ninguna manera. Lo que has de creer y entender es que si ellos se les parecen, como dices, debe de ser que los que me han encantado habrán tomado esa apariencia y semejanza; porque es fácil a los encantadores tomar la figura que se les antoja, y habrán tomado las destos nuestros amigos, para darte a ti ocasión de que pienses lo que piensas, y ponerte en un laberinto de imaginaciones, que no aciertes a salir dél, aunque tuvieses la soga de Teseo. Y también lo habrán hecho para que yo vacile en mi entendimiento, y no sepa atinar de dónde me viene este daño; porque si, por una parte, tú me dices que me acompañan el barbero y el cura de nuestro pueblo, y, por otra, yo me veo enjaulado, y sé de mí que fuerzas humanas, como no fueran sobrenaturales, no fueran bastantes para enjaularme, ¿qué quieres que diga o piense sino que la manera de mi encantamento excede a cuantas yo he leído en todas las historias que tratan de caballeros andantes que han sido encantados? Ansí que, bien puedes darte paz y sosiego en esto de creer que son los que dices, porque así son ellos como yo soy turco. Y, en lo que toca a querer preguntarme algo, di, que yo te responderé, aunque me preguntes de aquí a mañana. — ¡Válame Nuestra Señora! —respondió Sancho, dando una gran voz—. Y ¿es posible que sea vuestra merced tan duro de celebro, y tan falto de meollo, que no eche de ver que es pura verdad la que le digo, y que en esta su prisión y desgracia tiene más parte la malicia que el encanto? Pero, pues así es, yo le quiero probar evidentemente como no va encantado. Si no, dígame, así Dios le saque desta tormenta, y así se vea en los brazos de mi señora Dulcinea cuando menos se piense... — Acaba de conjurarme —dijo don Quijote—, y pregunta lo que quisieres; que ya te he dicho que te responderé con toda puntualidad. — Eso pido —replicó Sancho—; y lo que quiero saber es que me diga, sin añadir ni quitar cosa ninguna, sino con toda verdad, como se espera que la han de decir y la dicen todos aquellos que profesan las armas, como vuestra merced las profesa, debajo de título de caballeros andantes... — Digo que no mentiré en cosa alguna —respondió don Quijote—. Acaba ya de preguntar, que en verdad que me cansas con tantas salvas, plegarias y prevenciones, Sancho. — Digo que yo estoy seguro de la bondad y verdad de mi amo; y así, porque hace al caso a nuestro cuento, pregunto, hablando con acatamiento, si acaso después que vuestra merced va enjaulado y, a su parecer, encantado en esta jaula, le ha venido gana y voluntad de hacer aguas mayores o menores, como suele decirse. — No entiendo eso de hacer aguas, Sancho; aclárate más, si quieres que te responda derechamente. — ¿Es posible que no entiende vuestra merced de hacer aguas menores o mayores? Pues en la escuela destetan a los muchachos con ello. Pues sepa que quiero decir si le ha venido gana de hacer lo que no se escusa. — ¡Ya, ya te entiendo, Sancho! Y muchas veces; y aun agora la tengo. ¡Sácame deste peligro, que no anda todo limpio! Capítulo XLIX. Donde se trata del discreto coloquio que Sancho Panza tuvo con su señor don Quijote — ¡Ah —dijo Sancho—; cogido le tengo! Esto es lo que yo deseaba saber, como al alma y como a la vida. Venga acá, señor: ¿podría negar lo que comúnmente suele decirse por ahí cuando una persona está de mala voluntad: "No sé qué tiene fulano, que ni come, ni bebe, ni duerme, ni responde a propósito a lo que le preguntan, que no parece sino que está encantado"? De donde se viene a sacar que los que no comen, ni beben, ni duermen, ni hacen las obras naturales que yo digo, estos tales están encantados; pero no aquellos que tienen la gana que vuestra merced tiene y que bebe cuando se lo dan, y come cuando lo tiene, y responde a todo aquello que le preguntan. — Verdad dices, Sancho —respondió don Quijote—, pero ya te he dicho que hay muchas maneras de encantamentos, y podría ser que con el tiempo se hubiesen mudado de unos en otros, y que agora se use que los encantados hagan todo lo que yo hago, aunque antes no lo hacían. De manera que contra el uso de los tiempos no hay que argüir ni de qué hacer consecuencias. Yo sé y tengo para mí que voy encantado, y esto me basta para la seguridad de mi conciencia; que la formaría muy grande si yo pensase que no estaba encantado y me dejase estar en esta jaula, perezoso y cobarde, defraudando el socorro que podría dar a muchos menesterosos y necesitados que de mi ayuda y amparo deben tener a la hora de ahora precisa y estrema necesidad. — Pues, con todo eso —replicó Sancho—, digo que, para mayor abundancia y satisfación, sería bien que vuestra merced probase a salir desta cárcel, que yo me obligo con todo mi poder a facilitarlo, y aun a sacarle della, y probase de nuevo a subir sobre su buen Rocinante, que también parece que va encantado, según va de malencólico y triste; y, hecho esto, probásemos otra vez la suerte de buscar más aventuras; y si no nos sucediese bien, tiempo nos queda para volvernos a la jaula, en la cual prometo, a ley de buen y leal escudero, de encerrarme juntamente con vuestra merced, si acaso fuere vuestra merced tan desdichado, o yo tan simple, que no acierte a salir con lo que digo. — Yo soy contento de hacer lo que dices, Sancho hermano —replicó don Quijote—; y cuando tú veas coyuntura de poner en obra mi libertad, yo te obedeceré en todo y por todo; pero tú, Sancho, verás como te engañas en el conocimiento de mi desgracia. En estas pláticas se entretuvieron el caballero andante y el mal andante escudero, hasta que llegaron donde, ya apeados, los aguardaban el cura, el canónigo y el barbero. Desunció luego los bueyes de la carreta el boyero, y dejólos andar a sus anchuras por aquel verde y apacible sitio, cuya frescura convidaba a quererla gozar, no a las personas tan encantadas como don Quijote, sino a los tan advertidos y discretos como su escudero; el cual rogó al cura que permitiese que su señor saliese por un rato de la jaula, porque si no le dejaban salir, no iría tan limpia aquella prisión como requiría la decencia de un tal caballero como su amo. Entendióle el cura, y dijo que de muy buena gana haría lo que le pedía si no temiera que, en viéndose su señor en libertad, había de hacer de las suyas, y irse donde jamás gentes le viesen. — Yo le fío de la fuga —respondió Sancho. — Y yo y todo —dijo el canónigo—; y más si él me da la palabra, como caballero, de no apartarse de nosotros hasta que sea nuestra voluntad. — Sí doy —respondió don Quijote, que todo lo estaba escuchando—; cuanto más, que el que está encantado, como yo, no tiene libertad para hacer de su persona lo que quisiere, porque el que le encantó le puede hacer que no se mueva de un lugar en tres siglos; y si hubiere huido, le hará volver en volandas. —Y que, pues esto era así, bien podían soltalle, y más, siendo tan en provecho de todos; y del no soltalle les protestaba que no podía dejar de fatigalles el olfato, si de allí no se desviaban. Tomóle la mano el canónigo, aunque las tenía atadas, y, debajo de su buena fe y palabra, le desenjaularon, de que él se alegró infinito y en grande manera de verse fuera de la jaula. Y lo primero que hizo fue estirarse todo el cuerpo, y luego se fue donde estaba Rocinante, y, dándole dos palmadas en las ancas, dijo: — Aún espero en Dios y en su bendita Madre, flor y espejo de los caballos, que presto nos hemos de ver los dos cual deseamos; tú, con tu señor a cuestas; y yo, encima de ti, ejercitando el oficio para que Dios me echó al mundo. Y, diciendo esto, don Quijote se apartó con Sancho en remota parte, de donde vino más aliviado y con más deseos de poner en obra lo que su escudero ordenase. Mirábalo el canónigo, y admirábase de ver la estrañeza de su grande locura, y de que, en cuanto hablaba y respondía, mostraba tener bonísimo entendimiento: solamente venía a perder los estribos, como otras veces se ha dicho, en tratándole de caballería. Y así, movido de compasión, después de haberse sentado todos en la verde yerba, para esperar el repuesto del canónigo, le dijo: — ¿Es posible, señor hidalgo, que haya podido tanto con vuestra merced la amarga y ociosa letura de los libros de caballerías, que le hayan vuelto el juicio de modo que venga a creer que va encantado, con otras cosas deste jaez, tan lejos de ser verdaderas como lo está la mesma mentira de la verdad? Y ¿cómo es posible que haya entendimiento humano que se dé a entender que ha habido en el mundo aquella infinidad de Amadises, y aquella turbamulta de tanto famoso caballero, tanto emperador de Trapisonda, tanto Felixmarte de Hircania, tanto palafrén, tanta doncella andante, tantas sierpes, tantos endriagos, tantos gigantes, tantas inauditas aventuras, tanto género de encantamentos, tantas batallas, tantos desaforados encuentros, tanta bizarría de trajes, tantas princesas enamoradas, tantos escuderos condes, tantos enanos graciosos, tanto billete, tanto requiebro, tantas mujeres valientes; y, finalmente, tantos y tan disparatados casos como los libros de caballerías contienen? De mí sé decir que, cuando los leo, en tanto que no pongo la imaginación en pensar que son todos mentira y liviandad, me dan algún contento; pero, cuando caigo en la cuenta de lo que son, doy con el mejor dellos en la pared, y aun diera con él en el fuego si cerca o presente le tuviera, bien como a merecedores de tal pena, por ser falsos y embusteros, y fuera del trato que pide la común naturaleza, y como a inventores de nuevas sectas y de nuevo modo de vida, y como a quien da ocasión que el vulgo ignorante venga a creer y a tener por verdaderas tantas necedades como contienen. Y aun tienen tanto atrevimiento, que se atreven a turbar los ingenios de los discretos y bien nacidos hidalgos, como se echa bien de ver por lo que con vuestra merced han hecho, pues le han traído a términos que sea forzoso encerrarle en una jaula, y traerle sobre un carro de bueyes, como quien trae o lleva algún león o algún tigre, de lugar en lugar, para ganar con él dejando que le vean. ¡Ea, señor don Quijote, duélase de sí mismo, y redúzgase al gremio de la discreción, y sepa usar de la mucha que el cielo fue servido de darle, empleando el felicísimo talento de su ingenio en otra letura que redunde en aprovechamiento de su conciencia y en aumento de su honra! Y si todavía, llevado de su natural inclinación, quisiere leer libros de hazañas y de caballerías, lea en la Sacra Escritura el de los Jueces; que allí hallará verdades grandiosas y hechos tan verdaderos como valientes. Un Viriato tuvo Lusitania; un César, Roma; un Anibal, Cartago; un Alejandro, Grecia; un conde Fernán González, Castilla; un Cid, Valencia; un Gonzalo Fernández, Andalucía; un Diego García de Paredes, Estremadura; un Garci Pérez de Vargas, Jerez; un Garcilaso, Toledo; un don Manuel de León, Sevilla, cuya leción de sus valerosos hechos puede entretener, enseñar, deleitar y admirar a los más altos ingenios que los leyeren. Ésta sí será letura digna del buen entendimiento de vuestra merced, señor don Quijote mío, de la cual saldrá erudito en la historia, enamorado de la virtud, enseñado en la bondad, mejorado en las costumbres, valiente sin temeridad, osado sin cobardía, y todo esto, para honra de Dios, provecho suyo y fama de la Mancha; do, según he sabido, trae vuestra merced su principio y origen. Atentísimamente estuvo don Quijote escuchando las razones del canónigo; y, cuando vio que ya había puesto fin a ellas, después de haberle estado un buen espacio mirando, le dijo: — Paréceme, señor hidalgo, que la plática de vuestra merced se ha encaminado a querer darme a entender que no ha habido caballeros andantes en el mundo, y que todos los libros de caballerías son falsos, mentirosos, dañadores e inútiles para la república; y que yo he hecho mal en leerlos, y peor en creerlos, y más mal en imitarlos, habiéndome puesto a seguir la durísima profesión de la caballería andante, que ellos enseñan, negándome que no ha habido en el mundo Amadises, ni de Gaula ni de Grecia, ni todos los otros caballeros de que las escrituras están llenas. — Todo es al pie de la letra como vuestra merced lo va relatando —dijo a está sazón el canónigo. A lo cual respondió don Quijote: — Añadió también vuestra merced, diciendo que me habían hecho mucho daño tales libros, pues me habían vuelto el juicio y puéstome en una jaula, y que me sería mejor hacer la enmienda y mudar de letura, leyendo otros más verdaderos y que mejor deleitan y enseñan. — Así es —dijo el canónigo. — Pues yo —replicó don Quijote— hallo por mi cuenta que el sin juicio y el encantado es vuestra merced, pues se ha puesto a decir tantas blasfemias contra una cosa tan recebida en el mundo, y tenida por tan verdadera, que el que la negase, como vuestra merced la niega, merecía la mesma pena que vuestra merced dice que da a los libros cuando los lee y le enfadan. Porque querer dar a entender a nadie que Amadís no fue en el mundo, ni todos los otros caballeros aventureros de que están colmadas las historias, será querer persuadir que el sol no alumbra, ni el yelo enfría, ni la tierra sustenta; porque, ¿qué ingenio puede haber en el mundo que pueda persuadir a otro que no fue verdad lo de la infanta Floripes y Guy de Borgoña, y lo de Fierabrás con la puente de Mantible, que sucedió en el tiempo de Carlomagno; que voto a tal que es tanta verdad como es ahora de día? Y si es mentira, también lo debe de ser que no hubo Héctor, ni Aquiles, ni la guerra de Troya, ni los Doce Pares de Francia, ni el rey Artús de Ingalaterra, que anda hasta ahora convertido en cuervo y le esperan en su reino por momentos. Y también se atreverán a decir que es mentirosa la historia de Guarino Mezquino, y la de la demanda del Santo Grial, y que son apócrifos los amores de don Tristán y la reina Iseo, como los de Ginebra y Lanzarote, habiendo personas que casi se acuerdan de haber visto a la dueña Quintañona, que fue la mejor escanciadora de vino que tuvo la Gran Bretaña. Y es esto tan ansí, que me acuerdo yo que me decía una mi agüela de partes de mi padre, cuando veía alguna dueña con tocas reverendas: ''Aquélla, nieto, se parece a la dueña Quintañona''; de donde arguyo yo que la debió de conocer ella o, por lo menos, debió de alcanzar a ver algún retrato suyo. Pues, ¿quién podrá negar no ser verdadera la historia de Pierres y la linda Magalona, pues aun hasta hoy día se vee en la armería de los reyes la clavija con que volvía al caballo de madera, sobre quien iba el valiente Pierres por los aires, que es un poco mayor que un timón de carreta? Y junto a la clavija está la silla de Babieca, y en Roncesvalles está el cuerno de Roldán, tamaño como una grande viga: de donde se infiere que hubo Doce Pares, que hubo Pierres, que hubo Cides, y otros caballeros semejantes, déstos que dicen las gentes que a sus aventuras van. Si no, díganme también que no es verdad que fue caballero andante el valiente lusitano Juan de Merlo, que fue a Borgoña y se combatió en la ciudad de Ras con el famoso señor de Charní, llamado mosén Pierres, y después, en la ciudad de Basilea, con mosén Enrique de Remestán, saliendo de entrambas empresas vencedor y lleno de honrosa fama; y las aventuras y desafíos que también acabaron en Borgoña los valientes españoles Pedro Barba y Gutierre Quijada (de cuya alcurnia yo deciendo por línea recta de varón), venciendo a los hijos del conde de San Polo. Niéguenme, asimesmo, que no fue a buscar las aventuras a Alemania don Fernando de Guevara, donde se combatió con micer Jorge, caballero de la casa del duque de Austria; digan que fueron burla las justas de Suero de Quiñones, del Paso; las empresas de mosén Luis de Falces contra don Gonzalo de Guzmán, caballero castellano, con otras muchas hazañas hechas por caballeros cristianos, déstos y de los reinos estranjeros, tan auténticas y verdaderas, que torno a decir que el que las negase carecería de toda razón y buen discurso. Admirado quedó el canónigo de oír la mezcla que don Quijote hacía de verdades y mentiras, y de ver la noticia que tenía de todas aquellas cosas tocantes y concernientes a los hechos de su andante caballería; y así, le respondió: — No puedo yo negar, señor don Quijote, que no sea verdad algo de lo que vuestra merced ha dicho, especialmente en lo que toca a los caballeros andantes españoles; y, asimesmo, quiero conceder que hubo Doce Pares de Francia, pero no quiero creer que hicieron todas aquellas cosas que el arzobispo Turpín dellos escribe; porque la verdad dello es que fueron caballeros escogidos por los reyes de Francia, a quien llamaron pares por ser todos iguales en valor, en calidad y en valentía; a lo menos, si no lo eran, era razón que lo fuesen y era como una religión de las que ahora se usan de Santiago o de Calatrava, que se presupone que los que la profesan han de ser, o deben ser, caballeros valerosos, valientes y bien nacidos; y, como ahora dicen caballero de San Juan, o de Alcántara, decían en aquel tiempo caballero de los Doce Pares, porque no fueron doce iguales los que para esta religión militar se escogieron. En lo de que hubo Cid no hay duda, ni menos Bernardo del Carpio, pero de que hicieron las hazañas que dicen, creo que la hay muy grande. En lo otro de la clavija que vuestra merced dice del conde Pierres, y que está junto a la silla de Babieca en la armería de los reyes, confieso mi pecado; que soy tan ignorante, o tan corto de vista, que, aunque he visto la silla, no he echado de ver la clavija, y más siendo tan grande como vuestra merced ha dicho. — Pues allí está, sin duda alguna —replicó don Quijote—; y, por más señas, dicen que está metida en una funda de vaqueta, porque no se tome de moho. — Todo puede ser —respondió el canónigo—; pero, por las órdenes que recebí, que no me acuerdo haberla visto. Mas, puesto que conceda que está allí, no por eso me obligo a creer las historias de tantos Amadises, ni las de tanta turbamulta de caballeros como por ahí nos cuentan; ni es razón que un hombre como vuestra merced, tan honrado y de tan buenas partes, y dotado de tan buen entendimiento, se dé a entender que son verdaderas tantas y tan estrañas locuras como las que están escritas en los disparatados libros de caballerías. Capítulo L. De las discretas altercaciones que don Quijote y el canónigo tuvieron, con otros sucesos — ¡Bueno está eso! —respondió don Quijote—. Los libros que están impresos con licencia de los reyes y con aprobación de aquellos a quien se remitieron, y que con gusto general son leídos y celebrados de los grandes y de los chicos, de los pobres y de los ricos, de los letrados e ignorantes, de los plebeyos y caballeros, finalmente, de todo género de personas, de cualquier estado y condición que sean, ¿habían de ser mentira?; y más llevando tanta apariencia de verdad, pues nos cuentan el padre, la madre, la patria, los parientes, la edad, el lugar y las hazañas, punto por punto y día por día, que el tal caballero hizo, o caballeros hicieron. Calle vuestra merced, no diga tal blasfemia (y créame que le aconsejo en esto lo que debe de hacer como discreto), sino léalos, y verá el gusto que recibe de su leyenda. Si no, dígame: ¿hay mayor contento que ver, como si dijésemos: aquí ahora se muestra delante de nosotros un gran lago de pez hirviendo a borbollones, y que andan nadando y cruzando por él muchas serpientes, culebras y lagartos, y otros muchos géneros de animales feroces y espantables, y que del medio del lago sale una voz tristísima que dice: ''Tú, caballero, quienquiera que seas, que el temeroso lago estás mirando, si quieres alcanzar el bien que debajo destas negras aguas se encubre, muestra el valor de tu fuerte pecho y arrójate en mitad de su negro y encendido licor; porque si así no lo haces, no serás digno de ver las altas maravillas que en sí encierran y contienen los siete castillos de las siete fadas que debajo desta negregura yacen?'' ¿Y que, apenas el caballero no ha acabado de oír la voz temerosa, cuando, sin entrar más en cuentas consigo, sin ponerse a considerar el peligro a que se pone, y aun sin despojarse de la pesadumbre de sus fuertes armas, encomendándose a Dios y a su señora, se arroja en mitad del bullente lago, y, cuando no se cata ni sabe dónde ha de parar, se halla entre unos floridos campos, con quien los Elíseos no tienen que ver en ninguna cosa? Allí le parece que el cielo es más transparente, y que el sol luce con claridad más nueva; ofrécesele a los ojos una apacible floresta de tan verdes y frondosos árboles compuesta, que alegra a la vista su verdura, y entretiene los oídos el dulce y no aprendido canto de los pequeños, infinitos y pintados pajarillos que por los intricados ramos van cruzando. Aquí descubre un arroyuelo, cuyas frescas aguas, que líquidos cristales parecen, corren sobre menudas arenas y blancas pedrezuelas, que oro cernido y puras perlas semejan; acullá vee una artificiosa fuente de jaspe variado y de liso mármol compuesta; acá vee otra a lo brutesco adornada, adonde las menudas conchas de las almejas, con las torcidas casas blancas y amarillas del caracol, puestas con orden desordenada, mezclados entre ellas pedazos de cristal luciente y de contrahechas esmeraldas, hacen una variada labor, de manera que el arte, imitando a la naturaleza, parece que allí la vence. Acullá de improviso se le descubre un fuerte castillo o vistoso alcázar, cuyas murallas son de macizo oro, las almenas de diamantes, las puertas de jacintos; finalmente, él es de tan admirable compostura que, con ser la materia de que está formado no menos que de diamantes, de carbuncos, de rubíes, de perlas, de oro y de esmeraldas, es de más estimación su hechura. Y ¿hay más que ver, después de haber visto esto, que ver salir por la puerta del castillo un buen número de doncellas, cuyos galanos y vistosos trajes, si yo me pusiese ahora a decirlos como las historias nos los cuentan, sería nunca acabar; y tomar luego la que parecía principal de todas por la mano al atrevido caballero que se arrojó en el ferviente lago, y llevarle, sin hablarle palabra, dentro del rico alcázar o castillo, y hacerle desnudar como su madre le parió, y bañarle con templadas aguas, y luego untarle todo con olorosos ungüentos, y vestirle una camisa de cendal delgadísimo, toda olorosa y perfumada, y acudir otra doncella y echarle un mantón sobre los hombros, que, por lo menos menos, dicen que suele valer una ciudad, y aun más? ¿Qué es ver, pues, cuando nos cuentan que, tras todo esto, le llevan a otra sala, donde halla puestas las mesas, con tanto concierto, que queda suspenso y admirado?; ¿qué, el verle echar agua a manos, toda de ámbar y de olorosas flores distilada?; ¿qué, el hacerle sentar sobre una silla de marfil?; ¿qué, verle servir todas las doncellas, guardando un maravilloso silencio?; ¿qué, el traerle tanta diferencia de manjares, tan sabrosamente guisados, que no sabe el apetito a cuál deba de alargar la mano? ¿Cuál será oír la música que en tanto que come suena, sin saberse quién la canta ni adónde suena? ¿Y, después de la comida acabada y las mesas alzadas, quedarse el caballero recostado sobre la silla, y quizá mondándose los dientes, como es costumbre, entrar a deshora por la puerta de la sala otra mucho más hermosa doncella que ninguna de las primeras, y sentarse al lado del caballero, y comenzar a darle cuenta de qué castillo es aquél, y de cómo ella está encantada en él, con otras cosas que suspenden al caballero y admiran a los leyentes que van leyendo su historia? No quiero alargarme más en esto, pues dello se puede colegir que cualquiera parte que se lea, de cualquiera historia de caballero andante, ha de causar gusto y maravilla a cualquiera que la leyere. Y vuestra merced créame, y, como otra vez le he dicho, lea estos libros, y verá cómo le destierran la melancolía que tuviere, y le mejoran la condición, si acaso la tiene mala. De mí sé decir que, después que soy caballero andante, soy valiente, comedido, liberal, bien criado, generoso, cortés, atrevido, blando, paciente, sufridor de trabajos, de prisiones, de encantos; y, aunque ha tan poco que me vi encerrado en una jaula, como loco, pienso, por el valor de mi brazo, favoreciéndome el cielo y no me siendo contraria la fortuna, en pocos días verme rey de algún reino, adonde pueda mostrar el agradecimiento y liberalidad que mi pecho encierra. Que, mía fe, señor, el pobre está inhabilitado de poder mostrar la virtud de liberalidad con ninguno, aunque en sumo grado la posea; y el agradecimiento que sólo consiste en el deseo es cosa muerta, como es muerta la fe sin obras. Por esto querría que la fortuna me ofreciese presto alguna ocasión donde me hiciese emperador, por mostrar mi pecho haciendo bien a mis amigos, especialmente a este pobre de Sancho Panza, mi escudero, que es el mejor hombre del mundo, y querría darle un condado que le tengo muchos días ha prometido, sino que temo que no ha de tener habilidad para gobernar su estado. Casi estas últimas palabras oyó Sancho a su amo, a quien dijo: — Trabaje vuestra merced, señor don Quijote, en darme ese condado, tan prometido de vuestra merced como de mí esperado, que yo le prometo que no me falte a mí habilidad para gobernarle; y, cuando me faltare, yo he oído decir que hay hombres en el mundo que toman en arrendamiento los estados de los señores, y les dan un tanto cada año, y ellos se tienen cuidado del gobierno, y el señor se está a pierna tendida, gozando de la renta que le dan, sin curarse de otra cosa; y así haré yo, y no repararé en tanto más cuanto, sino que luego me desistiré de todo, y me gozaré mi renta como un duque, y allá se lo hayan. — Eso, hermano Sancho —dijo el canónigo—, entiéndese en cuanto al gozar la renta; empero, al administrar justicia, ha de atender el señor del estado, y aquí entra la habilidad y buen juicio, y principalmente la buena intención de acertar; que si ésta falta en los principios, siempre irán errados los medios y los fines; y así suele Dios ayudar al buen deseo del simple como desfavorecer al malo del discreto. — No sé esas filosofías —respondió Sancho Panza—; mas sólo sé que tan presto tuviese yo el condado como sabría regirle; que tanta alma tengo yo como otro, y tanto cuerpo como el que más, y tan rey sería yo de mi estado como cada uno del suyo; y, siéndolo, haría lo que quisiese; y, haciendo lo que quisiese, haría mi gusto; y, haciendo mi gusto, estaría contento; y, en estando uno contento, no tiene más que desear; y, no teniendo más que desear, acabóse; y el estado venga, y a Dios y veámonos, como dijo un ciego a otro. — No son malas filosofías ésas, como tú dices, Sancho; pero, con todo eso, hay mucho que decir sobre esta materia de condados. A lo cual replicó don Quijote: — Yo no sé que haya más que decir; sólo me guío por el ejemplo que me da el grande Amadís de Gaula, que hizo a su escudero conde de la Ínsula Firme; y así, puedo yo, sin escrúpulo de conciencia, hacer conde a Sancho Panza, que es uno de los mejores escuderos que caballero andante ha tenido. Admirado quedó el canónigo de los concertados disparates que don Quijote había dicho, del modo con que había pintado la aventura del Caballero del Lago, de la impresión que en él habían hecho las pensadas mentiras de los libros que había leído; y, finalmente, le admiraba la necedad de Sancho, que con tanto ahínco deseaba alcanzar el condado que su amo le había prometido. Ya en esto, volvían los criados del canónigo, que a la venta habían ido por la acémila del repuesto, y, haciendo mesa de una alhombra y de la verde yerba del prado, a la sombra de unos árboles se sentaron, y comieron allí, porque el boyero no perdiese la comodidad de aquel sitio, como queda dicho. Y, estando comiendo, a deshora oyeron un recio estruendo y un son de esquila, que por entre unas zarzas y espesas matas que allí junto estaban sonaba, y al mesmo instante vieron salir de entre aquellas malezas una hermosa cabra, toda la piel manchada de negro, blanco y pardo. Tras ella venía un cabrero dándole voces, y diciéndole palabras a su uso, para que se detuviese, o al rebaño volviese. La fugitiva cabra, temerosa y despavorida, se vino a la gente, como a favorecerse della, y allí se detuvo. Llegó el cabrero, y, asiéndola de los cuernos, como si fuera capaz de discurso y entendimiento, le dijo: — ¡Ah cerrera, cerrera, Manchada, Manchada, y cómo andáis vos estos días de pie cojo! ¿Qué lobos os espantan, hija? ¿No me diréis qué es esto, hermosa? Mas ¡qué puede ser sino que sois hembra, y no podéis estar sosegada; que mal haya vuestra condición, y la de todas aquellas a quien imitáis! Volved, volved, amiga; que si no tan contenta, a lo menos, estaréis más segura en vuestro aprisco, o con vuestras compañeras; que si vos que las habéis de guardar y encaminar andáis tan sin guía y tan descaminada, ¿en qué podrán parar ellas? Contento dieron las palabras del cabrero a los que las oyeron, especialmente al canónigo, que le dijo: — Por vida vuestra, hermano, que os soseguéis un poco y no os acuciéis en volver tan presto esa cabra a su rebaño; que, pues ella es hembra, como vos decís, ha de seguir su natural distinto, por más que vos os pongáis a estorbarlo. Tomad este bocado y bebed una vez, con que templaréis la cólera, y en tanto, descansará la cabra. Y el decir esto y el darle con la punta del cuchillo los lomos de un conejo fiambre, todo fue uno. Tomólo y agradeciólo el cabrero; bebió y sosegóse, y luego dijo: — No querría que por haber yo hablado con esta alimaña tan en seso, me tuviesen vuestras mercedes por hombre simple; que en verdad que no carecen de misterio las palabras que le dije. Rústico soy, pero no tanto que no entienda cómo se ha de tratar con los hombres y con las bestias. — Eso creo yo muy bien —dijo el cura—, que ya yo sé de esperiencia que los montes crían letrados y las cabañas de los pastores encierran filósofos. — A lo menos, señor —replicó el cabrero—, acogen hombres escarmentados; y para que creáis esta verdad y la toquéis con la mano, aunque parezca que sin ser rogado me convido, si no os enfadáis dello y queréis, señores, un breve espacio prestarme oído atento, os contaré una verdad que acredite lo que ese señor (señalando al cura) ha dicho, y la mía. A esto respondió don Quijote: — Por ver que tiene este caso un no sé qué de sombra de aventura de caballería, yo, por mi parte, os oiré, hermano, de muy buena gana, y así lo harán todos estos señores, por lo mucho que tienen de discretos y de ser amigos de curiosas novedades que suspendan, alegren y entretengan los sentidos, como, sin duda, pienso que lo ha de hacer vuestro cuento. Comenzad, pues, amigo, que todos escucharemos. — Saco la mía —dijo Sancho—; que yo a aquel arroyo me voy con esta empanada, donde pienso hartarme por tres días; porque he oído decir a mi señor don Quijote que el escudero de caballero andante ha de comer, cuando se le ofreciere, hasta no poder más, a causa que se les suele ofrecer entrar acaso por una selva tan intricada que no aciertan a salir della en seis días; y si el hombre no va harto, o bien proveídas las alforjas, allí se podrá quedar, como muchas veces se queda, hecho carne momia. — Tú estás en lo cierto, Sancho —dijo don Quijote—: vete adonde quisieres, y come lo que pudieres; que yo ya estoy satisfecho, y sólo me falta dar al alma su refacción, como se la daré escuchando el cuento deste buen hombre. — Así las daremos todos a las nuestras —dijo el canónigo. Y luego, rogó al cabrero que diese principio a lo que prometido había. El cabrero dio dos palmadas sobre el lomo a la cabra, que por los cuernos tenía, diciéndole: — Recuéstate junto a mí, Manchada, que tiempo nos queda para volver a nuestro apero. Parece que lo entendió la cabra, porque, en sentándose su dueño, se tendió ella junto a él con mucho sosiego, y, mirándole al rostro, daba a entender que estaba atenta a lo que el cabrero iba diciendo, el cual comenzó su historia desta manera: Capítulo LI. Que trata de lo que contó el cabrero a todos los que llevaban a don Quijote — «Tres leguas deste valle está una aldea que, aunque pequeña, es de las más ricas que hay en todos estos contornos; en la cual había un labrador muy honrado, y tanto, que, aunque es anexo al ser rico el ser honrado, más lo era él por la virtud que tenía que por la riqueza que alcanzaba. Mas lo que le hacía más dichoso, según él decía, era tener una hija de tan estremada hermosura, rara discreción, donaire y virtud, que el que la conocía y la miraba se admiraba de ver las estremadas partes con que el cielo y la naturaleza la habían enriquecido. Siendo niña fue hermosa, y siempre fue creciendo en belleza, y en la edad de diez y seis años fue hermosísima. La fama de su belleza se comenzó a estender por todas las circunvecinas aldeas, ¿qué digo yo por las circunvecinas no más, si se estendió a las apartadas ciudades, y aun se entró por las salas de los reyes, y por los oídos de todo género de gente; que, como a cosa rara, o como a imagen de milagros, de todas partes a verla venían? Guardábala su padre, y guardábase ella; que no hay candados, guardas ni cerraduras que mejor guarden a una doncella que las del recato proprio. »La riqueza del padre y la belleza de la hija movieron a muchos, así del pueblo como forasteros, a que por mujer se la pidiesen; mas él, como a quien tocaba disponer de tan rica joya, andaba confuso, sin saber determinarse a quién la entregaría de los infinitos que le importunaban. Y, entre los muchos que tan buen deseo tenían, fui yo uno, a quien dieron muchas y grandes esperanzas de buen suceso conocer que el padre conocía quien yo era, el ser natural del mismo pueblo, limpio en sangre, en la edad floreciente, en la hacienda muy rico y en el ingenio no menos acabado. Con todas estas mismas partes la pidió también otro del mismo pueblo, que fue causa de suspender y poner en balanza la voluntad del padre, a quien parecía que con cualquiera de nosotros estaba su hija bien empleada; y, por salir desta confusión, determinó decírselo a Leandra, que así se llama la rica que en miseria me tiene puesto, advirtiendo que, pues los dos éramos iguales, era bien dejar a la voluntad de su querida hija el escoger a su gusto: cosa digna de imitar de todos los padres que a sus hijos quieren poner en estado: no digo yo que los dejen escoger en cosas ruines y malas, sino que se las propongan buenas, y de las buenas, que escojan a su gusto. No sé yo el que tuvo Leandra; sólo sé que el padre nos entretuvo a entrambos con la poca edad de su hija y con palabras generales, que ni le obligaban, ni nos desobligaba tampoco. Llámase mi competidor Anselmo, y yo Eugenio, porque vais con noticia de los nombres de las personas que en esta tragedia se contienen, cuyo fin aún está pendiente; pero bien se deja entender que será desastrado. »En esta sazón, vino a nuestro pueblo un Vicente de la Rosa, hijo de un pobre labrador del mismo lugar; el cual Vicente venía de las Italias, y de otras diversas partes, de ser soldado. Llevóle de nuestro lugar, siendo muchacho de hasta doce años, un capitán que con su compañía por allí acertó a pasar, y volvió el mozo de allí a otros doce, vestido a la soldadesca, pintado con mil colores, lleno de mil dijes de cristal y sutiles cadenas de acero. Hoy se ponía una gala y mañana otra; pero todas sutiles, pintadas, de poco peso y menos tomo. La gente labradora, que de suyo es maliciosa, y dándole el ocio lugar es la misma malicia, lo notó, y contó punto por punto sus galas y preseas, y halló que los vestidos eran tres, de diferentes colores, con sus ligas y medias; pero él hacía tantos guisados e invenciones dellas, que si no se los contaran, hubiera quien jurara que había hecho muestra de más de diez pares de vestidos y de más de veinte plumajes. Y no parezca impertinencia y demasía esto que de los vestidos voy contando, porque ellos hacen una buena parte en esta historia. »Sentábase en un poyo que debajo de un gran álamo está en nuestra plaza, y allí nos tenía a todos la boca abierta, pendientes de las hazañas que nos iba contando. No había tierra en todo el orbe que no hubiese visto, ni batalla donde no se hubiese hallado; había muerto más moros que tiene Marruecos y Túnez, y entrado en más singulares desafíos, según él decía, que Gante y Luna, Diego García de Paredes y otros mil que nombraba; y de todos había salido con vitoria, sin que le hubiesen derramado una sola gota de sangre. Por otra parte, mostraba señales de heridas que, aunque no se divisaban, nos hacía entender que eran arcabuzazos dados en diferentes rencuentros y faciones. Finalmente, con una no vista arrogancia, llamaba de vos a sus iguales y a los mismos que le conocían, y decía que su padre era su brazo, su linaje, sus obras, y que debajo de ser soldado, al mismo rey no debía nada. Añadiósele a estas arrogancias ser un poco músico y tocar una guitarra a lo rasgado, de manera que decían algunos que la hacía hablar; pero no pararon aquí sus gracias, que también la tenía de poeta, y así, de cada niñería que pasaba en el pueblo, componía un romance de legua y media de escritura. »Este soldado, pues, que aquí he pintado, este Vicente de la Rosa, este bravo, este galán, este músico, este poeta fue visto y mirado muchas veces de Leandra, desde una ventana de su casa que tenía la vista a la plaza. Enamoróla el oropel de sus vistosos trajes, encantáronla sus romances, que de cada uno que componía daba veinte traslados, llegaron a sus oídos las hazañas que él de sí mismo había referido, y, finalmente, que así el diablo lo debía de tener ordenado, ella se vino a enamorar dél, antes que en él naciese presunción de solicitalla. Y, como en los casos de amor no hay ninguno que con más facilidad se cumpla que aquel que tiene de su parte el deseo de la dama, con facilidad se concertaron Leandra y Vicente; y, primero que alguno de sus muchos pretendientes cayesen en la cuenta de su deseo, ya ella le tenía cumplido, habiendo dejado la casa de su querido y amado padre, que madre no la tiene, y ausentádose de la aldea con el soldado, que salió con más triunfo desta empresa que de todas las muchas que él se aplicaba. »Admiró el suceso a toda el aldea, y aun a todos los que dél noticia tuvieron; yo quedé suspenso, Anselmo, atónito, el padre triste, sus parientes afrentados, solícita la justicia, los cuadrilleros listos; tomáronse los caminos, escudriñáronse los bosques y cuanto había, y, al cabo de tres días, hallaron a la antojadiza Leandra en una cueva de un monte, desnuda en camisa, sin muchos dineros y preciosísimas joyas que de su casa había sacado. Volviéronla a la presencia del lastimado padre; preguntáronle su desgracia; confesó sin apremio que Vicente de la Roca la había engañado, y debajo de su palabra de ser su esposo la persuadió que dejase la casa de su padre; que él la llevaría a la más rica y más viciosa ciudad que había en todo el universo mundo, que era Nápoles; y que ella, mal advertida y peor engañada, le había creído; y, robando a su padre, se le entregó la misma noche que había faltado; y que él la llevó a un áspero monte, y la encerró en aquella cueva donde la habían hallado. Contó también como el soldado, sin quitalle su honor, le robó cuanto tenía, y la dejó en aquella cueva y se fue: suceso que de nuevo puso en admiración a todos. »Duro se nos hizo de creer la continencia del mozo, pero ella lo afirmó con tantas veras, que fueron parte para que el desconsolado padre se consolase, no haciendo cuenta de las riquezas que le llevaban, pues le habían dejado a su hija con la joya que, si una vez se pierde, no deja esperanza de que jamás se cobre. El mismo día que pareció Leandra la despareció su padre de nuestros ojos, y la llevó a encerrar en un monesterio de una villa que está aquí cerca, esperando que el tiempo gaste alguna parte de la mala opinión en que su hija se puso. Los pocos años de Leandra sirvieron de disculpa de su culpa, a lo menos con aquellos que no les iba algún interés en que ella fuese mala o buena; pero los que conocían su discreción y mucho entendimiento no atribuyeron a ignorancia su pecado, sino a su desenvoltura y a la natural inclinación de las mujeres, que, por la mayor parte, suele ser desatinada y mal compuesta. »Encerrada Leandra, quedaron los ojos de Anselmo ciegos, a lo menos sin tener cosa que mirar que contento le diese; los míos en tinieblas, sin luz que a ninguna cosa de gusto les encaminase; con la ausencia de Leandra, crecía nuestra tristeza, apocábase nuestra paciencia, maldecíamos las galas del soldado y abominábamos del poco recato del padre de Leandra. Finalmente, Anselmo y yo nos concertamos de dejar el aldea y venirnos a este valle, donde él, apacentando una gran cantidad de ovejas suyas proprias, y yo un numeroso rebaño de cabras, también mías, pasamos la vida entre los árboles, dando vado a nuestras pasiones, o cantando juntos alabanzas o vituperios de la hermosa Leandra, o suspirando solos y a solas comunicando con el cielo nuestras querellas. »A imitación nuestra, otros muchos de los pretendientes de Leandra se han venido a estos ásperos montes, usando el mismo ejercicio nuestro; y son tantos, que parece que este sitio se ha convertido en la pastoral Arcadia, según está colmo de pastores y de apriscos, y no hay parte en él donde no se oiga el nombre de la hermosa Leandra. Éste la maldice y la llama antojadiza, varia y deshonesta; aquél la condena por fácil y ligera; tal la absuelve y perdona, y tal la justicia y vitupera; uno celebra su hermosura, otro reniega de su condición, y, en fin, todos la deshonran, y todos la adoran, y de todos se estiende a tanto la locura, que hay quien se queje de desdén sin haberla jamás hablado, y aun quien se lamente y sienta la rabiosa enfermedad de los celos, que ella jamás dio a nadie; porque, como ya tengo dicho, antes se supo su pecado que su deseo. No hay hueco de peña, ni margen de arroyo, ni sombra de árbol que no esté ocupada de algún pastor que sus desventuras a los aires cuente; el eco repite el nombre de Leandra dondequiera que pueda formarse: Leandra resuenan los montes, Leandra murmuran los arroyos, y Leandra nos tiene a todos suspensos y encantados, esperando sin esperanza y temiendo sin saber de qué tememos. Entre estos disparatados, el que muestra que menos y más juicio tiene es mi competidor Anselmo, el cual, teniendo tantas otras cosas de que quejarse, sólo se queja de ausencia; y al son de un rabel, que admirablemente toca, con versos donde muestra su buen entendimiento, cantando se queja. Yo sigo otro camino más fácil, y a mi parecer el más acertado, que es decir mal de la ligereza de las mujeres, de su inconstancia, de su doble trato, de sus promesas muertas, de su fe rompida, y, finalmente, del poco discurso que tienen en saber colocar sus pensamientos e intenciones que tienen.» Y ésta fue la ocasión, señores, de las palabras y razones que dije a esta cabra cuando aquí llegué; que por ser hembra la tengo en poco, aunque es la mejor de todo mi apero. Ésta es la historia que prometí contaros; si he sido en el contarla prolijo, no seré en serviros corto: cerca de aquí tengo mi majada, y en ella tengo fresca leche y muy sabrosísimo queso, con otras varias y sazonadas frutas, no menos a la vista que al gusto agradables. Capítulo LII. De la pendencia que don Quijote tuvo con el cabrero, con la rara aventura de los deceplinantes, a quien dio felice fin a costa de su sudor General gusto causó el cuento del cabrero a todos los que escuchado le habían; especialmente le recibió el canónigo, que con estraña curiosidad notó la manera con que le había contado, tan lejos de parecer rústico cabrero cuan cerca de mostrarse discreto cortesano; y así, dijo que había dicho muy bien el cura en decir que los montes criaban letrados. Todos se ofrecieron a Eugenio; pero el que más se mostró liberal en esto fue don Quijote, que le dijo: — Por cierto, hermano cabrero, que si yo me hallara posibilitado de poder comenzar alguna aventura, que luego luego me pusiera en camino porque vos la tuviérades buena; que yo sacara del monesterio, donde, sin duda alguna, debe de estar contra su voluntad, a Leandra, a pesar de la abadesa y de cuantos quisieran estorbarlo, y os la pusiera en vuestras manos, para que hiciérades della a toda vuestra voluntad y talante, guardando, pero, las leyes de la caballería, que mandan que a ninguna doncella se le sea fecho desaguisado alguno; aunque yo espero en Dios Nuestro Señor que no ha de poder tanto la fuerza de un encantador malicioso, que no pueda más la de otro encantador mejor intencionado, y para entonces os prometo mi favor y ayuda, como me obliga mi profesión, que no es otra si no es favorecer a los desvalidos y menesterosos. Miróle el cabrero, y, como vio a don Quijote de tan mal pelaje y catadura, admiróse y preguntó al barbero, que cerca de sí tenía: — Señor, ¿quién es este hombre, que tal talle tiene y de tal manera habla? — ¿Quién ha de ser —respondió el barbero— sino el famoso don Quijote de la Mancha, desfacedor de agravios, enderezador de tuertos, el amparo de las doncellas, el asombro de los gigantes y el vencedor de las batallas? — Eso me semeja —respondió el cabrero— a lo que se lee en los libros de caballeros andantes, que hacían todo eso que de este hombre vuestra merced dice; puesto que para mí tengo, o que vuestra merced se burla, o que este gentil hombre debe de tener vacíos los aposentos de la cabeza. — Sois un grandísimo bellaco —dijo a esta sazón don Quijote—; y vos sois el vacío y el menguado, que yo estoy más lleno que jamás lo estuvo la muy hideputa puta que os parió. Y, diciendo y haciendo, arrebató de un pan que junto a sí tenía, y dio con él al cabrero en todo el rostro, con tanta furia, que le remachó las narices; mas el cabrero, que no sabía de burlas, viendo con cuántas veras le maltrataban, sin tener respeto a la alhombra, ni a los manteles, ni a todos aquellos que comiendo estaban, saltó sobre don Quijote, y, asiéndole del cuello con entrambas manos, no dudara de ahogalle, si Sancho Panza no llegara en aquel punto, y le asiera por las espaldas y diera con él encima de la mesa, quebrando platos, rompiendo tazas y derramando y esparciendo cuanto en ella estaba. Don Quijote, que se vio libre, acudió a subirse sobre el cabrero; el cual, lleno de sangre el rostro, molido a coces de Sancho, andaba buscando a gatas algún cuchillo de la mesa para hacer alguna sanguinolenta venganza, pero estorbábanselo el canónigo y el cura; mas el barbero hizo de suerte que el cabrero cogió debajo de sí a don Quijote, sobre el cual llovió tanto número de mojicones, que del rostro del pobre caballero llovía tanta sangre como del suyo. Reventaban de risa el canónigo y el cura, saltaban los cuadrilleros de gozo, zuzaban los unos y los otros, como hacen a los perros cuando en pendencia están trabados; sólo Sancho Panza se desesperaba, porque no se podía desasir de un criado del canónigo, que le estorbaba que a su amo no ayudase. En resolución, estando todos en regocijo y fiesta, sino los dos aporreantes que se carpían, oyeron el son de una trompeta, tan triste que les hizo volver los rostros hacia donde les pareció que sonaba; pero el que más se alborotó de oírle fue don Quijote, el cual, aunque estaba debajo del cabrero, harto contra su voluntad y más que medianamente molido, le dijo: — Hermano demonio, que no es posible que dejes de serlo, pues has tenido valor y fuerzas para sujetar las mías, ruégote que hagamos treguas, no más de por una hora; porque el doloroso son de aquella trompeta que a nuestros oídos llega me parece que a alguna nueva aventura me llama. El cabrero, que ya estaba cansado de moler y ser molido, le dejó luego, y don Quijote se puso en pie, volviendo asimismo el rostro adonde el son se oía, y vio a deshora que por un recuesto bajaban muchos hombres vestidos de blanco, a modo de diciplinantes. Era el caso que aquel año habían las nubes negado su rocío a la tierra, y por todos los lugares de aquella comarca se hacían procesiones, rogativas y diciplinas, pidiendo a Dios abriese las manos de su misericordia y les lloviese; y para este efecto la gente de una aldea que allí junto estaba venía en procesión a una devota ermita que en un recuesto de aquel valle había. Don Quijote, que vio los estraños trajes de los diciplinantes, sin pasarle por la memoria las muchas veces que los había de haber visto, se imaginó que era cosa de aventura, y que a él solo tocaba, como a caballero andante, el acometerla; y confirmóle más esta imaginación pensar que una imagen que traían cubierta de luto fuese alguna principal señora que llevaban por fuerza aquellos follones y descomedidos malandrines; y, como esto le cayó en las mientes, con gran ligereza arremetió a Rocinante, que paciendo andaba, quitándole del arzón el freno y el adarga, y en un punto le enfrenó, y, pidiendo a Sancho su espada, subió sobre Rocinante y embrazó su adarga, y dijo en alta voz a todos los que presentes estaban: — Agora, valerosa compañía, veredes cuánto importa que haya en el mundo caballeros que profesen la orden de la andante caballería; agora digo que veredes, en la libertad de aquella buena señora que allí va cautiva, si se han de estimar los caballeros andantes. Y, en diciendo esto, apretó los muslos a Rocinante, porque espuelas no las tenía, y, a todo galope, porque carrera tirada no se lee en toda esta verdadera historia que jamás la diese Rocinante, se fue a encontrar con los diciplinantes, bien que fueran el cura y el canónigo y barbero a detenelle; mas no les fue posible, ni menos le detuvieron las voces que Sancho le daba, diciendo: — ¿Adónde va, señor don Quijote? ¿Qué demonios lleva en el pecho, que le incitan a ir contra nuestra fe católica? Advierta, mal haya yo, que aquélla es procesión de diciplinantes, y que aquella señora que llevan sobre la peana es la imagen benditísima de la Virgen sin mancilla; mire, señor, lo que hace, que por esta vez se puede decir que no es lo que sabe. Fatigóse en vano Sancho, porque su amo iba tan puesto en llegar a los ensabanados y en librar a la señora enlutada, que no oyó palabra; y, aunque la oyera, no volviera, si el rey se lo mandara. Llegó, pues, a la procesión, y paró a Rocinante, que ya llevaba deseo de quietarse un poco, y, con turbada y ronca voz, dijo: — Vosotros, que, quizá por no ser buenos, os encubrís los rostros, atended y escuchad lo que deciros quiero. Los primeros que se detuvieron fueron los que la imagen llevaban; y uno de los cuatro clérigos que cantaban las ledanías, viendo la estraña catadura de don Quijote, la flaqueza de Rocinante y otras circunstancias de risa que notó y descubrió en don Quijote, le respondió diciendo: — Señor hermano, si nos quiere decir algo, dígalo presto, porque se van estos hermanos abriendo las carnes, y no podemos, ni es razón que nos detengamos a oír cosa alguna, si ya no es tan breve que en dos palabras se diga. — En una lo diré —replicó don Quijote—, y es ésta: que luego al punto dejéis libre a esa hermosa señora, cuyas lágrimas y triste semblante dan claras muestras que la lleváis contra su voluntad y que algún notorio desaguisado le habedes fecho; y yo, que nací en el mundo para desfacer semejantes agravios, no consentiré que un solo paso adelante pase sin darle la deseada libertad que merece. En estas razones, cayeron todos los que las oyeron que don Quijote debía de ser algún hombre loco, y tomáronse a reír muy de gana; cuya risa fue poner pólvora a la cólera de don Quijote, porque, sin decir más palabra, sacando la espada, arremetió a las andas. Uno de aquellos que las llevaban, dejando la carga a sus compañeros, salió al encuentro de don Quijote, enarbolando una horquilla o bastón con que sustentaba las andas en tanto que descansaba; y, recibiendo en ella una gran cuchillada que le tiró don Quijote, con que se la hizo dos partes, con el último tercio, que le quedó en la mano, dio tal golpe a don Quijote encima de un hombro, por el mismo lado de la espada, que no pudo cubrir el adarga contra villana fuerza, que el pobre don Quijote vino al suelo muy mal parado. Sancho Panza, que jadeando le iba a los alcances, viéndole caído, dio voces a su moledor que no le diese otro palo, porque era un pobre caballero encantado, que no había hecho mal a nadie en todos los días de su vida. Mas, lo que detuvo al villano no fueron las voces de Sancho, sino el ver que don Quijote no bullía pie ni mano; y así, creyendo que le había muerto, con priesa se alzó la túnica a la cinta, y dio a huir por la campaña como un gamo. Ya en esto llegaron todos los de la compañía de don Quijote adonde él estaba; y más los de la procesión, que los vieron venir corriendo, y con ellos los cuadrilleros con sus ballestas, temieron algún mal suceso, y hiciéronse todos un remolino alrededor de la imagen; y, alzados los capirotes, empuñando las diciplinas, y los clérigos los ciriales, esperaban el asalto con determinación de defenderse, y aun ofender, si pudiesen, a sus acometedores; pero la fortuna lo hizo mejor que se pensaba, porque Sancho no hizo otra cosa que arrojarse sobre el cuerpo de su señor, haciendo sobre él el más doloroso y risueño llanto del mundo, creyendo que estaba muerto. El cura fue conocido de otro cura que en la procesión venía, cuyo conocimiento puso en sosiego el concebido temor de los dos escuadrones. El primer cura dio al segundo, en dos razones, cuenta de quién era don Quijote, y así él como toda la turba de los diciplinantes fueron a ver si estaba muerto el pobre caballero, y oyeron que Sancho Panza, con lágrimas en los ojos, decía: — ¡Oh flor de la caballería, que con solo un garrotazo acabaste la carrera de tus tan bien gastados años! ¡Oh honra de tu linaje, honor y gloria de toda la Mancha, y aun de todo el mundo, el cual, faltando tú en él, quedará lleno de malhechores, sin temor de ser castigados de sus malas fechorías! ¡Oh liberal sobre todos los Alejandros, pues por solos ocho meses de servicio me tenías dada la mejor ínsula que el mar ciñe y rodea! ¡Oh humilde con los soberbios y arrogante con los humildes, acometedor de peligros, sufridor de afrentas, enamorado sin causa, imitador de los buenos, azote de los malos, enemigo de los ruines, en fin, caballero andante, que es todo lo que decir se puede! Con las voces y gemidos de Sancho revivió don Quijote, y la primer palabra que dijo fue: — El que de vos vive ausente, dulcísima Dulcinea, a mayores miserias que éstas está sujeto. Ayúdame, Sancho amigo, a ponerme sobre el carro encantado, que ya no estoy para oprimir la silla de Rocinante, porque tengo todo este hombro hecho pedazos. — Eso haré yo de muy buena gana, señor mío —respondió Sancho—, y volvamos a mi aldea en compañía destos señores, que su bien desean, y allí daremos orden de hacer otra salida que nos sea de más provecho y fama. — Bien dices, Sancho —respondió don Quijote—, y será gran prudencia dejar pasar el mal influjo de las estrellas que agora corre. El canónigo y el cura y barbero le dijeron que haría muy bien en hacer lo que decía; y así, habiendo recebido grande gusto de las simplicidades de Sancho Panza, pusieron a don Quijote en el carro, como antes venía. La procesión volvió a ordenarse y a proseguir su camino; el cabrero se despidió de todos; los cuadrilleros no quisieron pasar adelante, y el cura les pagó lo que se les debía. El canónigo pidió al cura le avisase el suceso de don Quijote, si sanaba de su locura o si proseguía en ella, y con esto tomó licencia para seguir su viaje. En fin, todos se dividieron y apartaron, quedando solos el cura y barbero, don Quijote y Panza, y el bueno de Rocinante, que a todo lo que había visto estaba con tanta paciencia como su amo. El boyero unció sus bueyes y acomodó a don Quijote sobre un haz de heno, y con su acostumbrada flema siguió el camino que el cura quiso, y a cabo de seis días llegaron a la aldea de don Quijote, adonde entraron en la mitad del día, que acertó a ser domingo, y la gente estaba toda en la plaza, por mitad de la cual atravesó el carro de don Quijote. Acudieron todos a ver lo que en el carro venía, y, cuando conocieron a su compatrioto, quedaron maravillados, y un muchacho acudió corriendo a dar las nuevas a su ama y a su sobrina de que su tío y su señor venía flaco y amarillo, y tendido sobre un montón de heno y sobre un carro de bueyes. Cosa de lástima fue oír los gritos que las dos buenas señoras alzaron, las bofetadas que se dieron, las maldiciones que de nuevo echaron a los malditos libros de caballerías; todo lo cual se renovó cuando vieron entrar a don Quijote por sus puertas. A las nuevas desta venida de don Quijote, acudió la mujer de Sancho Panza, que ya había sabido que había ido con él sirviéndole de escudero, y, así como vio a Sancho, lo primero que le preguntó fue que si venía bueno el asno. Sancho respondió que venía mejor que su amo. — Gracias sean dadas a Dios —replicó ella—, que tanto bien me ha hecho; pero contadme agora, amigo: ¿qué bien habéis sacado de vuestras escuderías?, ¿qué saboyana me traes a mí?, ¿qué zapaticos a vuestros hijos? — No traigo nada deso —dijo Sancho—, mujer mía, aunque traigo otras cosas de más momento y consideración. — Deso recibo yo mucho gusto —respondió la mujer—; mostradme esas cosas de más consideración y más momento, amigo mío, que las quiero ver, para que se me alegre este corazón, que tan triste y descontento ha estado en todos los siglos de vuestra ausencia. — En casa os las mostraré, mujer —dijo Panza—, y por agora estad contenta, que, siendo Dios servido de que otra vez salgamos en viaje a buscar aventuras, vos me veréis presto conde o gobernador de una ínsula, y no de las de por ahí, sino la mejor que pueda hallarse. — Quiéralo así el cielo, marido mío; que bien lo habemos menester. Mas, decidme: ¿qué es eso de ínsulas, que no lo entiendo? — No es la miel para la boca del asno —respondió Sancho—; a su tiempo lo verás, mujer, y aun te admirarás de oírte llamar Señoría de todos tus vasallos. — ¿Qué es lo que decís, Sancho, de señorías, ínsulas y vasallos? —respondió Juana Panza, que así se llamaba la mujer de Sancho, aunque no eran parientes, sino porque se usa en la Mancha tomar las mujeres el apellido de sus maridos. — No te acucies, Juana, por saber todo esto tan apriesa; basta que te digo verdad, y cose la boca. Sólo te sabré decir, así de paso, que no hay cosa más gustosa en el mundo que ser un hombre honrado escudero de un caballero andante buscador de aventuras. Bien es verdad que las más que se hallan no salen tan a gusto como el hombre querría, porque de ciento que se encuentran, las noventa y nueve suelen salir aviesas y torcidas. Sélo yo de expiriencia, porque de algunas he salido manteado, y de otras molido; pero, con todo eso, es linda cosa esperar los sucesos atravesando montes, escudriñando selvas, pisando peñas, visitando castillos, alojando en ventas a toda discreción, sin pagar, ofrecido sea al diablo, el maravedí. Todas estas pláticas pasaron entre Sancho Panza y Juana Panza, su mujer, en tanto que el ama y sobrina de don Quijote le recibieron, y le desnudaron, y le tendieron en su antiguo lecho. Mirábalas él con ojos atravesados, y no acababa de entender en qué parte estaba. El cura encargó a la sobrina tuviese gran cuenta con regalar a su tío, y que estuviesen alerta de que otra vez no se les escapase, contando lo que había sido menester para traelle a su casa. Aquí alzaron las dos de nuevo los gritos al cielo; allí se renovaron las maldiciones de los libros de caballerías, allí pidieron al cielo que confundiese en el centro del abismo a los autores de tantas mentiras y disparates. Finalmente, ellas quedaron confusas y temerosas de que se habían de ver sin su amo y tío en el mesmo punto que tuviese alguna mejoría; y sí fue como ellas se lo imaginaron. Pero el autor desta historia, puesto que con curiosidad y diligencia ha buscado los hechos que don Quijote hizo en su tercera salida, no ha podido hallar noticia de ellas, a lo menos por escrituras auténticas; sólo la fama ha guardado, en las memorias de la Mancha, que don Quijote, la tercera vez que salió de su casa, fue a Zaragoza, donde se halló en unas famosas justas que en aquella ciudad hicieron, y allí le pasaron cosas dignas de su valor y buen entendimiento. Ni de su fin y acabamiento pudo alcanzar cosa alguna, ni la alcanzara ni supiera si la buena suerte no le deparara un antiguo médico que tenía en su poder una caja de plomo, que, según él dijo, se había hallado en los cimientos derribados de una antigua ermita que se renovaba; en la cual caja se habían hallado unos pergaminos escritos con letras góticas, pero en versos castellanos, que contenían muchas de sus hazañas y daban noticia de la hermosura de Dulcinea del Toboso, de la figura de Rocinante, de la fidelidad de Sancho Panza y de la sepultura del mesmo don Quijote, con diferentes epitafios y elogios de su vida y costumbres. Y los que se pudieron leer y sacar en limpio fueron los que aquí pone el fidedigno autor desta nueva y jamás vista historia. El cual autor no pide a los que la leyeren, en premio del inmenso trabajo que le costó inquerir y buscar todos los archivos manchegos, por sacarla a luz, sino que le den el mesmo crédito que suelen dar los discretos a los libros de caballerías, que tan validos andan en el mundo; que con esto se tendrá por bien pagado y satisfecho, y se animará a sacar y buscar otras, si no tan verdaderas, a lo menos de tanta invención y pasatiempo. Las palabras primeras que estaban escritas en el pergamino que se halló en la caja de plomo eran éstas: LOS ACADÉMICOS DE LA ARGAMASILLA, LUGAR DE LA MANCHA, EN VIDA Y MUERTE DEL VALEROSO DON QUIJOTE DE LA MANCHA, HOC SCRIPSERUNT: EL MONICONGO, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, A LA SEPULTURA DE DON QUIJOTE Epitafio El calvatrueno que adornó a la Mancha de más despojos que Jasón decreta; el jüicio que tuvo la veleta aguda donde fuera mejor ancha, el brazo que su fuerza tanto ensancha, que llegó del Catay hasta Gaeta, la musa más horrenda y más discreta que grabó versos en la broncínea plancha, el que a cola dejó los Amadises, y en muy poquito a Galaores tuvo, estribando en su amor y bizarría, el que hizo callar los Belianises, aquel que en Rocinante errando anduvo, yace debajo desta losa fría. DEL PANIAGUADO, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, In laudem Dulcineae del Toboso Soneto Esta que veis de rostro amondongado, alta de pechos y ademán brioso, es Dulcinea, reina del Toboso, de quien fue el gran Quijote aficionado. Pisó por ella el uno y otro lado de la gran Sierra Negra, y el famoso campo de Montïel, hasta el herboso llano de Aranjüez, a pie y cansado. Culpa de Rocinante, ¡oh dura estrella!, que esta manchega dama, y este invito andante caballero, en tiernos años, ella dejó, muriendo, de ser bella; y él, aunque queda en mármores escrito, no pudo huir de amor, iras y engaños. DEL CAPRICHOSO, DISCRETÍSIMO ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, EN LOOR DE ROCINANTE, CABALLO DE DON QUIJOTE DE LA MANCHA Soneto En el soberbio trono diamantino que con sangrientas plantas huella Marte, frenético, el Manchego su estandarte tremola con esfuerzo peregrino. Cuelga las armas y el acero fino con que destroza, asuela, raja y parte: ¡nuevas proezas!, pero inventa el arte un nuevo estilo al nuevo paladino. Y si de su Amadís se precia Gaula, por cuyos bravos descendientes Grecia triunfó mil veces y su fama ensancha, hoy a Quijote le corona el aula do Belona preside, y dél se precia, más que Grecia ni Gaula, la alta Mancha. Nunca sus glorias el olvido mancha, pues hasta Rocinante, en ser gallardo, excede a Brilladoro y a Bayardo. DEL BURLADOR, ACADÉMICO ARGAMASILLESCO, A SANCHO PANZA Soneto Sancho Panza es asqueste, en cuerpo chico, Pero grande en valor: ¡milagro extraño! Escudero el más simple y sin engaño Que tuvo el mundo, os juro y certifico. De ser conde no estuvo en un tantico, Si no se conjuraran en su daño Insolencias y agravios del tacaño Siglo, que aun no perdonan á un borrico. Sobre él anduvo (con perdón se miente) Este manso escudero, tras el manso Caballo Rocinante y tras su dueño. ¡Oh vanas esperanzas de la gente! ¡Cómo pasais con prometer descanso, Y al fin parais en sombra, en humo, en sueño! DEL CACHIDIABLO, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, EN LA SEPULTURA DE DON QUIJOTE Epitafio Aquí yace el caballero, bien molido y mal andante, a quien llevó Rocinante por uno y otro sendero. Sancho Panza el majadero yace también junto a él, escudero el más fïel que vio el trato de escudero. DEL TIQUITOC, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, EN LA SEPULTURA DE DULCINEA DEL TOBOSO Epitafio Reposa aquí Dulcinea; y, aunque de carnes rolliza, la volvió en polvo y ceniza la muerte espantable y fea. Fue de castiza ralea, y tuvo asomos de dama; del gran Quijote fue llama, y fue gloria de su aldea. Éstos fueron los versos que se pudieron leer; los demás, por estar carcomida la letra, se entregaron a un académico para que por conjeturas los declarase. Tiénese noticia que lo ha hecho, a costa de muchas vigilias y mucho trabajo, y que tiene intención de sacallos a luz, con esperanza de la tercera salida de don Quijote. Forsi altro canterà con miglior plectio. Finis Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de la Mancha TASA Yo, Hernando de Vallejo, escribano de Cámara del Rey nuestro señor, de los que residen en su Consejo, doy fe que, habiéndose visto por los señores dél un libro que compuso Miguel de Cervantes Saavedra, intitulado Don Quijote de la Mancha, Segunda parte, que con licencia de Su Majestad fue impreso, le tasaron a cuatro maravedís cada pliego en papel, el cual tiene setenta y tres pliegos, que al dicho respeto suma y monta docientos y noventa y dos maravedís, y mandaron que esta tasa se ponga al principio de cada volumen del dicho libro, para que se sepa y entienda lo que por él se ha de pedir y llevar, sin que se exceda en ello en manera alguna, como consta y parece por el auto y decreto original sobre ello dado, y que queda en mi poder, a que me refiero; y de mandamiento de los dichos señores del Consejo y de pedimiento de la parte del dicho Miguel de Cervantes, di esta fee en Madrid, a veinte y uno días del mes de otubre del mil y seiscientos y quince años. Hernando de Vallejo. FEE DE ERRATAS Vi este libro intitulado Segunda parte de don Quijote de la Mancha, compuesto por Miguel de Cervantes Saavedra, y no hay en él cosa digna de notar que no corresponda a su original. Dada en Madrid, a veinte y uno de otubre, mil y seiscientos y quince. El licenciado Francisco Murcia de la Llana. APROBACIONES APROBACIÓN Por comisión y mandado de los señores del Consejo, he hecho ver el libro contenido en este memorial: no contiene cosa contra la fe ni buenas costumbres, antes es libro de mucho entretenimiento lícito, mezclado de mucha filosofía moral; puédesele dar licencia para imprimirle. En Madrid, a cinco de noviembre de mil seiscientos y quince. Doctor Gutierre de Cetina. APROBACIÓN Por comisión y mandado de los señores del Consejo, he visto la Segunda parte de don Quijote de la Mancha, por Miguel de Cervantes Saavedra: no contiene cosa contra nuestra santa fe católica, ni buenas costumbres, antes, muchas de honesta recreación y apacible divertimiento, que los antiguos juzgaron convenientes a sus repúblicas, pues aun en la severa de los lacedemonios levantaron estatua a la risa, y los de Tesalia la dedicaron fiestas, como lo dice Pausanias, referido de Bosio, libro II De signis Ecclesiae, cap. 10, alentando ánimos marchitos y espíritus melancólicos, de que se acordó Tulio en el primero De legibus, y el poeta diciendo: Interpone tuis interdum gaudia curis, lo cual hace el autor mezclando las veras a las burlas, lo dulce a lo provechoso y lo moral a lo faceto, disimulando en el cebo del donaire el anzuelo de la reprehensión, y cumpliendo con el acertado asunto en que pretende la expulsión de los libros de caballerías, pues con su buena diligencia mañosamente alimpiando de su contagiosa dolencia a estos reinos, es obra muy digna de su grande ingenio, honra y lustre de nuestra nación, admiración y invidia de las estrañas. Éste es mi parecer, salvo etc. En Madrid, a 17 de marzo de 1615. El maestro Josef de Valdivielso. APROBACIÓN Por comisión del señor doctor Gutierre de Cetina, vicario general desta villa de Madrid, corte de Su Majestad, he visto este libro de la Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de la Mancha, por Miguel de Cervantes Saavedra, y no hallo en él cosa indigna de un cristiano celo, ni que disuene de la decencia debida a buen ejemplo, ni virtudes morales; antes, mucha erudición y aprovechamiento, así en la continencia de su bien seguido asunto para extirpar los vanos y mentirosos libros de caballerías, cuyo contagio había cundido más de lo que fuera justo, como en la lisura del lenguaje castellano, no adulterado con enfadosa y estudiada afectación, vicio con razón aborrecido de hombres cuerdos; y en la correción de vicios que generalmente toca, ocasionado de sus agudos discursos, guarda con tanta cordura las leyes de reprehensión cristiana, que aquel que fuere tocado de la enfermedad que pretende curar, en lo dulce y sabroso de sus medicinas gustosamente habrá bebido, cuando menos lo imagine, sin empacho ni asco alguno, lo provechoso de la detestación de su vicio, con que se hallará, que es lo más difícil de conseguirse, gustoso y reprehendido. Ha habido muchos que, por no haber sabido templar ni mezclar a propósito lo útil con lo dulce, han dado con todo su molesto trabajo en tierra, pues no pudiendo imitar a Diógenes en lo filósofo y docto, atrevida, por no decir licenciosa y desalumbradamente, le pretenden imitar en lo cínico, entregándose a maldicientes, inventando casos que no pasaron, para hacer capaz al vicio que tocan de su áspera reprehensión, y por ventura descubren caminos para seguirle, hasta entonces ignorados, con que vienen a quedar, si no reprehensores, a lo menos maestros dél. Hácense odiosos a los bien entendidos, con el pueblo pierden el crédito, si alguno tuvieron, para admitir sus escritos y los vicios que arrojada e imprudentemente quisieren corregir en muy peor estado que antes, que no todas las postemas a un mismo tiempo están dispuestas para admitir las recetas o cauterios; antes, algunos mucho mejor reciben las blandas y suaves medicinas, con cuya aplicación, el atentado y docto médico consigue el fin de resolverlas, término que muchas veces es mejor que no el que se alcanza con el rigor del hierro. Bien diferente han sentido de los escritos de Miguel de Cervantes, así nuestra nación como las estrañas, pues como a milagro desean ver el autor de libros que con general aplauso, así por su decoro y decencia como por la suavidad y blandura de sus discursos, han recebido España, Francia, Italia, Alemania y Flandes. Certifico con verdad que en veinte y cinco de febrero deste año de seiscientos y quince, habiendo ido el ilustrísimo señor don Bernardo de Sandoval y Rojas, cardenal arzobispo de Toledo, mi señor, a pagar la visita que a Su Ilustrísima hizo el embajador de Francia, que vino a tratar cosas tocantes a los casamientos de sus príncipes y los de España, muchos caballeros franceses, de los que vinieron acompañando al embajador, tan corteses como entendidos y amigos de buenas letras, se llegaron a mí y a otros capellanes del cardenal mi señor, deseosos de saber qué libros de ingenio andaban más validos; y, tocando acaso en éste que yo estaba censurando, apenas oyeron el nombre de Miguel de Cervantes, cuando se comenzaron a hacer lenguas, encareciendo la estimación en que, así en Francia como en los reinos sus confinantes, se tenían sus obras: la Galatea, que alguno dellos tiene casi de memoria la primera parte désta, y las Novelas. Fueron tantos sus encarecimientos, que me ofrecí llevarles que viesen el autor dellas, que estimaron con mil demostraciones de vivos deseos. Preguntáronme muy por menor su edad, su profesión, calidad y cantidad. Halléme obligado a decir que era viejo, soldado, hidalgo y pobre, a que uno respondió estas formales palabras: ''Pues, ¿a tal hombre no le tiene España muy rico y sustentado del erario público?'' Acudió otro de aquellos caballeros con este pensamiento y con mucha agudeza, y dijo: ''Si necesidad le ha de obligar a escribir, plega a Dios que nunca tenga abundancia, para que con sus obras, siendo él pobre, haga rico a todo el mundo''. Bien creo que está, para censura, un poco larga; alguno dirá que toca los límites de lisonjero elogio; mas la verdad de lo que cortamente digo deshace en el crítico la sospecha y en mí el cuidado; además que el día de hoy no se lisonjea a quien no tiene con qué cebar el pico del adulador, que, aunque afectuosa y falsamente dice de burlas, pretende ser remunerado de veras. En Madrid, a veinte y siete de febrero de mil y seiscientos y quince. El licenciado Márquez Torres. PRIVILEGIO Por cuanto por parte de vos, Miguel de Cervantes Saavedra, nos fue fecha relación que habíades compuesto la Segunda parte de don Quijote de la Mancha, de la cual hacíades presentación, y, por ser libro de historia agradable y honesta, y haberos costado mucho trabajo y estudio, nos suplicastes os mandásemos dar licencia para le poder imprimir y privilegio por veinte años, o como la nuestra merced fuese; lo cual visto por los del nuestro Consejo, por cuanto en el dicho libro se hizo la diligencia que la premática por nos sobre ello fecha dispone, fue acordado que debíamos mandar dar esta nuestra cédula en la dicha razón, y nos tuvímoslo por bien. Por la cual vos damos licencia y facultad para que, por tiempo y espacio de diez años, cumplidos primeros siguientes, que corran y se cuenten desde el día de la fecha de esta nuestra cédula en adelante, vos, o la persona que para ello vuestro poder hobiere, y no otra alguna, podáis imprimir y vender el dicho libro que desuso se hace mención; y por la presente damos licencia y facultad a cualquier impresor de nuestros reinos que nombráredes para que durante el dicho tiempo le pueda imprimir por el original que en el nuestro Consejo se vio, que va rubricado y firmado al fin de Hernando de Vallejo, nuestro escribano de Cámara, y uno de los que en él residen, con que antes y primero que se venda lo traigáis ante ellos, juntamente con el dicho original, para que se vea si la dicha impresión está conforme a él, o traigáis fe en pública forma cómo, por corretor por nos nombrado, se vio y corrigió la dicha impresión por el dicho original, y más al dicho impresor que ansí imprimiere el dicho libro no imprima el principio y primer pliego dél, ni entregue más de un solo libro con el original al autor y persona a cuya costa lo imprimiere, ni a otra alguna, para efecto de la dicha correción y tasa, hasta que antes y primero el dicho libro esté corregido y tasado por los del nuestro Consejo, y estando hecho, y no de otra manera, pueda imprimir el dicho principio y primer pliego, en el cual imediatamente ponga esta nuestra licencia y la aprobación, tasa y erratas, ni lo podáis vender ni vendáis vos ni otra persona alguna, hasta que esté el dicho libro en la forma susodicha, so pena de caer e incurrir en las penas contenidas en la dicha premática y leyes de nuestros reinos que sobre ello disponen; y más, que durante el dicho tiempo persona alguna sin vuestra licencia no le pueda imprimir ni vender, so pena que el que lo imprimiere y vendiere haya perdido y pierda cualesquiera libros, moldes y aparejos que dél tuviere, y más incurra en pena de cincuenta mil maravedís por cada vez que lo contrario hiciere, de la cual dicha pena sea la tercia parte para nuestra Cámara, y la otra tercia parte para el juez que lo sentenciare, y la otra tercia parte par el que lo denunciare; y más a los del nuestro Consejo, presidentes, oidores de las nuestras Audiencias, alcaldes, alguaciles de la nuestra Casa y Corte y Chancillerías, y a otras cualesquiera justicias de todas las ciudades, villas y lugares de los nuestros reinos y señoríos, y a cada uno en su juridición, ansí a los que agora son como a los que serán de aquí adelante, que vos guarden y cumplan esta nuestra cédula y merced, que ansí vos hacemos, y contra ella no vayan ni pasen en manera alguna, so pena de la nuestra merced y de diez mil maravedís para la nuestra Cámara. Dada en Madrid, a treinta días del mes de marzo de mil y seiscientos y quince años. YO, EL REY. Por mandado del Rey nuestro señor: Pedro de Contreras. PRÓLOGO AL LECTOR ¡Válame Dios, y con cuánta gana debes de estar esperando ahora, lector ilustre, o quier plebeyo, este prólogo, creyendo hallar en él venganzas, riñas y vituperios del autor del segundo Don Quijote; digo de aquel que dicen que se engendró en Tordesillas y nació en Tarragona! Pues en verdad que no te he dar este contento; que, puesto que los agravios despiertan la cólera en los más humildes pechos, en el mío ha de padecer excepción esta regla. Quisieras tú que lo diera del asno, del mentecato y del atrevido, pero no me pasa por el pensamiento: castíguele su pecado, con su pan se lo coma y allá se lo haya. Lo que no he podido dejar de sentir es que me note de viejo y de manco, como si hubiera sido en mi mano haber detenido el tiempo, que no pasase por mí, o si mi manquedad hubiera nacido en alguna taberna, sino en la más alta ocasión que vieron los siglos pasados, los presentes, ni esperan ver los venideros. Si mis heridas no resplandecen en los ojos de quien las mira, son estimadas, a lo menos, en la estimación de los que saben dónde se cobraron; que el soldado más bien parece muerto en la batalla que libre en la fuga; y es esto en mí de manera, que si ahora me propusieran y facilitaran un imposible, quisiera antes haberme hallado en aquella facción prodigiosa que sano ahora de mis heridas sin haberme hallado en ella. Las que el soldado muestra en el rostro y en los pechos, estrellas son que guían a los demás al cielo de la honra, y al de desear la justa alabanza; y hase de advertir que no se escribe con las canas, sino con el entendimiento, el cual suele mejorarse con los años. He sentido también que me llame invidioso, y que, como a ignorante, me describa qué cosa sea la invidia; que, en realidad de verdad, de dos que hay, yo no conozco sino a la santa, a la noble y bien intencionada; y, siendo esto así, como lo es, no tengo yo de perseguir a ningún sacerdote, y más si tiene por añadidura ser familiar del Santo Oficio; y si él lo dijo por quien parece que lo dijo, engañóse de todo en todo: que del tal adoro el ingenio, admiro las obras y la ocupación continua y virtuosa. Pero, en efecto, le agradezco a este señor autor el decir que mis novelas son más satíricas que ejemplares, pero que son buenas; y no lo pudieran ser si no tuvieran de todo. Paréceme que me dices que ando muy limitado y que me contengo mucho en los términos de mi modestia, sabiendo que no se ha añadir aflición al afligido, y que la que debe de tener este señor sin duda es grande, pues no osa parecer a campo abierto y al cielo claro, encubriendo su nombre, fingiendo su patria, como si hubiera hecho alguna traición de lesa majestad. Si, por ventura, llegares a conocerle, dile de mi parte que no me tengo por agraviado: que bien sé lo que son tentaciones del demonio, y que una de las mayores es ponerle a un hombre en el entendimiento que puede componer y imprimir un libro, con que gane tanta fama como dineros, y tantos dineros cuanta fama; y, para confirmación desto, quiero que en tu buen donaire y gracia le cuentes este cuento: «Había en Sevilla un loco que dio en el más gracioso disparate y tema que dio loco en el mundo. Y fue que hizo un cañuto de caña puntiagudo en el fin, y, en cogiendo algún perro en la calle, o en cualquiera otra parte, con el un pie le cogía el suyo, y el otro le alzaba con la mano, y como mejor podía le acomodaba el cañuto en la parte que, soplándole, le ponía redondo como una pelota; y, en teniéndolo desta suerte, le daba dos palmaditas en la barriga, y le soltaba, diciendo a los circunstantes, que siempre eran muchos: ''¿Pensarán vuestras mercedes ahora que es poco trabajo hinchar un perro?''» ¿Pensará vuestra merced ahora que es poco trabajo hacer un libro? Y si este cuento no le cuadrare, dirásle, lector amigo, éste, que también es de loco y de perro: «Había en Córdoba otro loco, que tenía por costumbre de traer encima de la cabeza un pedazo de losa de mármol, o un canto no muy liviano, y, en topando algún perro descuidado, se le ponía junto, y a plomo dejaba caer sobre él el peso. Amohinábase el perro, y, dando ladridos y aullidos, no paraba en tres calles. Sucedió, pues, que, entre los perros que descargó la carga, fue uno un perro de un bonetero, a quien quería mucho su dueño. Bajó el canto, diole en la cabeza, alzó el grito el molido perro, violo y sintiólo su amo, asió de una vara de medir, y salió al loco y no le dejó hueso sano; y cada palo que le daba decía: ''Perro ladrón, ¿a mi podenco? ¿No viste, cruel, que era podenco mi perro?'' Y, repitiéndole el nombre de podenco muchas veces, envió al loco hecho una alheña. Escarmentó el loco y retiróse, y en más de un mes no salió a la plaza; al cabo del cual tiempo, volvió con su invención y con más carga. Llegábase donde estaba el perro, y, mirándole muy bien de hito en hito, y sin querer ni atreverse a descargar la piedra, decía: ''Este es podenco: ¡guarda!'' En efeto, todos cuantos perros topaba, aunque fuesen alanos, o gozques, decía que eran podencos; y así, no soltó más el canto.» Quizá de esta suerte le podrá acontecer a este historiador: que no se atreverá a soltar más la presa de su ingenio en libros que, en siendo malos, son más duros que las peñas. Dile también que de la amenaza que me hace, que me ha de quitar la ganancia con su libro, no se me da un ardite, que, acomodándome al entremés famoso de La Perendenga, le respondo que me viva el Veinte y cuatro, mi señor, y Cristo con todos. Viva el gran conde de Lemos, cuya cristiandad y liberalidad, bien conocida, contra todos los golpes de mi corta fortuna me tiene en pie, y vívame la suma caridad del ilustrísimo de Toledo, don Bernardo de Sandoval y Rojas, y siquiera no haya emprentas en el mundo, y siquiera se impriman contra mí más libros que tienen letras las Coplas de Mingo Revulgo. Estos dos príncipes, sin que los solicite adulación mía ni otro género de aplauso, por sola su bondad, han tomado a su cargo el hacerme merced y favorecerme; en lo que me tengo por más dichoso y más rico que si la fortuna por camino ordinario me hubiera puesto en su cumbre. La honra puédela tener el pobre, pero no el vicioso; la pobreza puede anublar a la nobleza, pero no escurecerla del todo; pero, como la virtud dé alguna luz de sí, aunque sea por los inconvenientes y resquicios de la estrecheza, viene a ser estimada de los altos y nobles espíritus, y, por el consiguiente, favorecida. Y no le digas más, ni yo quiero decirte más a ti, sino advertirte que consideres que esta segunda parte de Don Quijote que te ofrezco es cortada del mismo artífice y del mesmo paño que la primera, y que en ella te doy a don Quijote dilatado, y, finalmente, muerto y sepultado, porque ninguno se atreva a levantarle nuevos testimonios, pues bastan los pasados y basta también que un hombre honrado haya dado noticia destas discretas locuras, sin querer de nuevo entrarse en ellas: que la abundancia de las cosas, aunque sean buenas, hace que no se estimen, y la carestía, aun de las malas, se estima en algo. Olvídaseme de decirte que esperes el Persiles, que ya estoy acabando, y la segunda parte de Galatea. DEDICATORIA, AL CONDE DE LEMOS Enviando a Vuestra Excelencia los días pasados mis comedias, antes impresas que representadas, si bien me acuerdo, dije que don Quijote quedaba calzadas las espuelas para ir a besar las manos a Vuestra Excelencia; y ahora digo que se las ha calzado y se ha puesto en camino, y si él allá llega, me parece que habré hecho algún servicio a Vuestra Excelencia, porque es mucha la priesa que de infinitas partes me dan a que le envíe para quitar el hámago y la náusea que ha causado otro don Quijote, que, con nombre de segunda parte, se ha disfrazado y corrido por el orbe; y el que más ha mostrado desearle ha sido el grande emperador de la China, pues en lengua chinesca habrá un mes que me escribió una carta con un propio, pidiéndome, o, por mejor decir, suplicándome se le enviase, porque quería fundar un colegio donde se leyese la lengua castellana, y quería que el libro que se leyese fuese el de la historia de don Quijote. Juntamente con esto, me decía que fuese yo a ser el rector del tal colegio. Preguntéle al portador si Su Majestad le había dado para mí alguna ayuda de costa. Respondióme que ni por pensamiento. ''Pues, hermano —le respondí yo—, vos os podéis volver a vuestra China a las diez, o a las veinte, o a las que venís despachado, porque yo no estoy con salud para ponerme en tan largo viaje; además que, sobre estar enfermo, estoy muy sin dineros, y emperador por emperador, y monarca por monarca, en Nápoles tengo al grande conde de Lemos, que, sin tantos titulillos de colegios ni rectorías, me sustenta, me ampara y hace más merced que la que yo acierto a desear''. Con esto le despedí, y con esto me despido, ofreciendo a Vuestra Excelencia los Trabajos de Persiles y Sigismunda, libro a quien daré fin dentro de cuatro meses, Deo volente; el cual ha de ser o el más malo o el mejor que en nuestra lengua se haya compuesto, quiero decir de los de entretenimiento; y digo que me arrepiento de haber dicho el más malo, porque, según la opinión de mis amigos, ha de llegar al estremo de bondad posible. Venga Vuestra Excelencia con la salud que es deseado; que ya estará Persiles para besarle las manos, y yo los pies, como criado que soy de Vuestra Excelencia. De Madrid, último de otubre de mil seiscientos y quince. Criado de Vuestra Excelencia, Miguel de Cervantes Saavedra. Capítulo Primero. De lo que el cura y el barbero pasaron con don Quijote cerca de su enfermedad Cuenta Cide Hamete Benengeli, en la segunda parte desta historia y tercera salida de don Quijote, que el cura y el barbero se estuvieron casi un mes sin verle, por no renovarle y traerle a la memoria las cosas pasadas; pero no por esto dejaron de visitar a su sobrina y a su ama, encargándolas tuviesen cuenta con regalarle, dándole a comer cosas confortativas y apropiadas para el corazón y el celebro, de donde procedía, según buen discurso, toda su mala ventura. Las cuales dijeron que así lo hacían, y lo harían, con la voluntad y cuidado posible, porque echaban de ver que su señor por momentos iba dando muestras de estar en su entero juicio; de lo cual recibieron los dos gran contento, por parecerles que habían acertado en haberle traído encantado en el carro de los bueyes, como se contó en la primera parte desta tan grande como puntual historia, en su último capítulo. Y así, determinaron de visitarle y hacer esperiencia de su mejoría, aunque tenían casi por imposible que la tuviese, y acordaron de no tocarle en ningún punto de la andante caballería, por no ponerse a peligro de descoser los de la herida, que tan tiernos estaban. Visitáronle, en fin, y halláronle sentado en la cama, vestida una almilla de bayeta verde, con un bonete colorado toledano; y estaba tan seco y amojamado, que no parecía sino hecho de carne momia. Fueron dél muy bien recebidos, preguntáronle por su salud, y él dio cuenta de sí y de ella con mucho juicio y con muy elegantes palabras; y en el discurso de su plática vinieron a tratar en esto que llaman razón de estado y modos de gobierno, enmendando este abuso y condenando aquél, reformando una costumbre y desterrando otra, haciéndose cada uno de los tres un nuevo legislador, un Licurgo moderno o un Solón flamante; y de tal manera renovaron la república, que no pareció sino que la habían puesto en una fragua, y sacado otra de la que pusieron; y habló don Quijote con tanta discreción en todas las materias que se tocaron, que los dos esaminadores creyeron indubitadamente que estaba del todo bueno y en su entero juicio. Halláronse presentes a la plática la sobrina y ama, y no se hartaban de dar gracias a Dios de ver a su señor con tan buen entendimiento; pero el cura, mudando el propósito primero, que era de no tocarle en cosa de caballerías, quiso hacer de todo en todo esperiencia si la sanidad de don Quijote era falsa o verdadera, y así, de lance en lance, vino a contar algunas nuevas que habían venido de la corte; y, entre otras, dijo que se tenía por cierto que el Turco bajaba con una poderosa armada, y que no se sabía su designio, ni adónde había de descargar tan gran nublado; y, con este temor, con que casi cada año nos toca arma, estaba puesta en ella toda la cristiandad, y Su Majestad había hecho proveer las costas de Nápoles y Sicilia y la isla de Malta. A esto respondió don Quijote: — Su Majestad ha hecho como prudentísimo guerrero en proveer sus estados con tiempo, porque no le halle desapercebido el enemigo; pero si se tomara mi consejo, aconsejárale yo que usara de una prevención, de la cual Su Majestad la hora de agora debe estar muy ajeno de pensar en ella. Apenas oyó esto el cura, cuando dijo entre sí: — ¡Dios te tenga de su mano, pobre don Quijote: que me parece que te despeñas de la alta cumbre de tu locura hasta el profundo abismo de tu simplicidad! Mas el barbero, que ya había dado en el mesmo pensamiento que el cura, preguntó a don Quijote cuál era la advertencia de la prevención que decía era bien se hiciese; quizá podría ser tal, que se pusiese en la lista de los muchos advertimientos impertinentes que se suelen dar a los príncipes. — El mío, señor rapador —dijo don Quijote—, no será impertinente, sino perteneciente. — No lo digo por tanto —replicó el barbero—, sino porque tiene mostrado la esperiencia que todos o los más arbitrios que se dan a Su Majestad, o son imposibles, o disparatados, o en daño del rey o del reino. — Pues el mío —respondió don Quijote— ni es imposible ni disparatado, sino el más fácil, el más justo y el más mañero y breve que puede caber en pensamiento de arbitrante alguno. — Ya tarda en decirle vuestra merced, señor don Quijote —dijo el cura. — No querría —dijo don Quijote— que le dijese yo aquí agora, y amaneciese mañana en los oídos de los señores consejeros, y se llevase otro las gracias y el premio de mi trabajo. — Por mí —dijo el barbero—, doy la palabra, para aquí y para delante de Dios, de no decir lo que vuestra merced dijere a rey ni a roque, ni a hombre terrenal, juramento que aprendí del romance del cura que en el prefacio avisó al rey del ladrón que le había robado las cien doblas y la su mula la andariega. — No sé historias —dijo don Quijote—, pero sé que es bueno ese juramento, en fee de que sé que es hombre de bien el señor barbero. — Cuando no lo fuera —dijo el cura—, yo le abono y salgo por él, que en este caso no hablará más que un mudo, so pena de pagar lo juzgado y sentenciado. — Y a vuestra merced, ¿quién le fía, señor cura? —dijo don Quijote. — Mi profesión —respondió el cura—, que es de guardar secreto. — ¡Cuerpo de tal! —dijo a esta sazón don Quijote—. ¿Hay más, sino mandar Su Majestad por público pregón que se junten en la corte para un día señalado todos los caballeros andantes que vagan por España; que, aunque no viniesen sino media docena, tal podría venir entre ellos, que solo bastase a destruir toda la potestad del Turco? Esténme vuestras mercedes atentos, y vayan conmigo. ¿Por ventura es cosa nueva deshacer un solo caballero andante un ejército de docientos mil hombres, como si todos juntos tuvieran una sola garganta, o fueran hechos de alfenique? Si no, díganme: ¿cuántas historias están llenas destas maravillas? ¡Había, en hora mala para mí, que no quiero decir para otro, de vivir hoy el famoso don Belianís, o alguno de los del inumerable linaje de Amadís de Gaula; que si alguno déstos hoy viviera y con el Turco se afrontara, a fee que no le arrendara la ganancia! Pero Dios mirará por su pueblo, y deparará alguno que, si no tan bravo como los pasados andantes caballeros, a lo menos no les será inferior en el ánimo; y Dios me entiende, y no digo más. — ¡Ay! —dijo a este punto la sobrina—; ¡que me maten si no quiere mi señor volver a ser caballero andante! A lo que dijo don Quijote: — Caballero andante he de morir, y baje o suba el Turco cuando él quisiere y cuan poderosamente pudiere; que otra vez digo que Dios me entiende. A esta sazón dijo el barbero: — Suplico a vuestras mercedes que se me dé licencia para contar un cuento breve que sucedió en Sevilla, que, por venir aquí como de molde, me da gana de contarle. Dio la licencia don Quijote, y el cura y los demás le prestaron atención, y él comenzó desta manera: — «En la casa de los locos de Sevilla estaba un hombre a quien sus parientes habían puesto allí por falto de juicio. Era graduado en cánones por Osuna, pero, aunque lo fuera por Salamanca, según opinión de muchos, no dejara de ser loco. Este tal graduado, al cabo de algunos años de recogimiento, se dio a entender que estaba cuerdo y en su entero juicio, y con esta imaginación escribió al arzobispo, suplicándole encarecidamente y con muy concertadas razones le mandase sacar de aquella miseria en que vivía, pues por la misericordia de Dios había ya cobrado el juicio perdido; pero que sus parientes, por gozar de la parte de su hacienda, le tenían allí, y, a pesar de la verdad, querían que fuese loco hasta la muerte. »El arzobispo, persuadido de muchos billetes concertados y discretos, mandó a un capellán suyo se informase del retor de la casa si era verdad lo que aquel licenciado le escribía, y que asimesmo hablase con el loco, y que si le pareciese que tenía juicio, le sacase y pusiese en libertad. Hízolo así el capellán, y el retor le dijo que aquel hombre aún se estaba loco: que, puesto que hablaba muchas veces como persona de grande entendimiento, al cabo disparaba con tantas necedades, que en muchas y en grandes igualaban a sus primeras discreciones, como se podía hacer la esperiencia hablándole. Quiso hacerla el capellán, y, poniéndole con el loco, habló con él una hora y más, y en todo aquel tiempo jamás el loco dijo razón torcida ni disparatada; antes, habló tan atentadamente, que el capellán fue forzado a creer que el loco estaba cuerdo; y entre otras cosas que el loco le dijo fue que el retor le tenía ojeriza, por no perder los regalos que sus parientes le hacían porque dijese que aún estaba loco, y con lúcidos intervalos; y que el mayor contrario que en su desgracia tenía era su mucha hacienda, pues, por gozar della sus enemigos, ponían dolo y dudaban de la merced que Nuestro Señor le había hecho en volverle de bestia en hombre. Finalmente, él habló de manera que hizo sospechoso al retor, codiciosos y desalmados a sus parientes, y a él tan discreto que el capellán se determinó a llevársele consigo a que el arzobispo le viese y tocase con la mano la verdad de aquel negocio. »Con esta buena fee, el buen capellán pidió al retor mandase dar los vestidos con que allí había entrado el licenciado; volvió a decir el retor que mirase lo que hacía, porque, sin duda alguna, el licenciado aún se estaba loco. No sirvieron de nada para con el capellán las prevenciones y advertimientos del retor para que dejase de llevarle; obedeció el retor, viendo ser orden del arzobispo; pusieron al licenciado sus vestidos, que eran nuevos y decentes, y, como él se vio vestido de cuerdo y desnudo de loco, suplicó al capellán que por caridad le diese licencia para ir a despedirse de sus compañeros los locos. El capellán dijo que él le quería acompañar y ver los locos que en la casa había. Subieron, en efeto, y con ellos algunos que se hallaron presentes; y, llegado el licenciado a una jaula adonde estaba un loco furioso, aunque entonces sosegado y quieto, le dijo: ''Hermano mío, mire si me manda algo, que me voy a mi casa; que ya Dios ha sido servido, por su infinita bondad y misericordia, sin yo merecerlo, de volverme mi juicio: ya estoy sano y cuerdo; que acerca del poder de Dios ninguna cosa es imposible. Tenga grande esperanza y confianza en Él, que, pues a mí me ha vuelto a mi primero estado, también le volverá a él si en Él confía. Yo tendré cuidado de enviarle algunos regalos que coma, y cómalos en todo caso, que le hago saber que imagino, como quien ha pasado por ello, que todas nuestras locuras proceden de tener los estómagos vacíos y los celebros llenos de aire. Esfuércese, esfuércese, que el descaecimiento en los infortunios apoca la salud y acarrea la muerte''. »Todas estas razones del licenciado escuchó otro loco que estaba en otra jaula, frontero de la del furioso, y, levantándose de una estera vieja donde estaba echado y desnudo en cueros, preguntó a grandes voces quién era el que se iba sano y cuerdo. El licenciado respondió: ''Yo soy, hermano, el que me voy; que ya no tengo necesidad de estar más aquí, por lo que doy infinitas gracias a los cielos, que tan grande merced me han hecho''. ''Mirad lo que decís, licenciado, no os engañe el diablo —replicó el loco—; sosegad el pie, y estaos quedito en vuestra casa, y ahorraréis la vuelta''. ''Yo sé que estoy bueno —replicó el licenciado—, y no habrá para qué tornar a andar estaciones''. ''¿Vos bueno? —dijo el loco—: agora bien, ello dirá; andad con Dios, pero yo os voto a Júpiter, cuya majestad yo represento en la tierra, que por solo este pecado que hoy comete Sevilla, en sacaros desta casa y en teneros por cuerdo, tengo de hacer un tal castigo en ella, que quede memoria dél por todos los siglos del los siglos, amén. ¿No sabes tú, licenciadillo menguado, que lo podré hacer, pues, como digo, soy Júpiter Tonante, que tengo en mis manos los rayos abrasadores con que puedo y suelo amenazar y destruir el mundo? Pero con sola una cosa quiero castigar a este ignorante pueblo, y es con no llover en él ni en todo su distrito y contorno por tres enteros años, que se han de contar desde el día y punto en que ha sido hecha esta amenaza en adelante. ¿Tú libre, tú sano, tú cuerdo, y yo loco, y yo enfermo, y yo atado...? Así pienso llover como pensar ahorcarme''. »A las voces y a las razones del loco estuvieron los circustantes atentos, pero nuestro licenciado, volviéndose a nuestro capellán y asiéndole de las manos, le dijo: ''No tenga vuestra merced pena, señor mío, ni haga caso de lo que este loco ha dicho, que si él es Júpiter y no quisiere llover, yo, que soy Neptuno, el padre y el dios de las aguas, lloveré todas las veces que se me antojare y fuere menester''. A lo que respondió el capellán: ''Con todo eso, señor Neptuno, no será bien enojar al señor Júpiter: vuestra merced se quede en su casa, que otro día, cuando haya más comodidad y más espacio, volveremos por vuestra merced''. Rióse el retor y los presentes, por cuya risa se medio corrió el capellán; desnudaron al licenciado, quedóse en casa y acabóse el cuento.» — Pues, ¿éste es el cuento, señor barbero —dijo don Quijote—, que, por venir aquí como de molde, no podía dejar de contarle? ¡Ah, señor rapista, señor rapista, y cuán ciego es aquel que no vee por tela de cedazo! Y ¿es posible que vuestra merced no sabe que las comparaciones que se hacen de ingenio a ingenio, de valor a valor, de hermosura a hermosura y de linaje a linaje son siempre odiosas y mal recebidas? Yo, señor barbero, no soy Neptuno, el dios de las aguas, ni procuro que nadie me tenga por discreto no lo siendo; sólo me fatigo por dar a entender al mundo en el error en que está en no renovar en sí el felicísimo tiempo donde campeaba la orden de la andante caballería. Pero no es merecedora la depravada edad nuestra de gozar tanto bien como el que gozaron las edades donde los andantes caballeros tomaron a su cargo y echaron sobre sus espaldas la defensa de los reinos, el amparo de las doncellas, el socorro de los huérfanos y pupilos, el castigo de los soberbios y el premio de los humildes. Los más de los caballeros que agora se usan, antes les crujen los damascos, los brocados y otras ricas telas de que se visten, que la malla con que se arman; ya no hay caballero que duerma en los campos, sujeto al rigor del cielo, armado de todas armas desde los pies a la cabeza; y ya no hay quien, sin sacar los pies de los estribos, arrimado a su lanza, sólo procure descabezar, como dicen, el sueño, como lo hacían los caballeros andantes. Ya no hay ninguno que, saliendo deste bosque, entre en aquella montaña, y de allí pise una estéril y desierta playa del mar, las más veces proceloso y alterado, y, hallando en ella y en su orilla un pequeño batel sin remos, vela, mástil ni jarcia alguna, con intrépido corazón se arroje en él, entregándose a las implacables olas del mar profundo, que ya le suben al cielo y ya le bajan al abismo; y él, puesto el pecho a la incontrastable borrasca, cuando menos se cata, se halla tres mil y más leguas distante del lugar donde se embarcó, y, saltando en tierra remota y no conocida, le suceden cosas dignas de estar escritas, no en pergaminos, sino en bronces. Mas agora, ya triunfa la pereza de la diligencia, la ociosidad del trabajo, el vicio de la virtud, la arrogancia de la valentía y la teórica de la práctica de las armas, que sólo vivieron y resplandecieron en las edades del oro y en los andantes caballeros. Si no, díganme: ¿quién más honesto y más valiente que el famoso Amadís de Gaula?; ¿quién más discreto que Palmerín de Inglaterra?; ¿quién más acomodado y manual que Tirante el Blanco?; ¿quién más galán que Lisuarte de Grecia?; ¿quién más acuchillado ni acuchillador que don Belianís?; ¿quién más intrépido que Perión de Gaula, o quién más acometedor de peligros que Felixmarte de Hircania, o quién más sincero que Esplandián?; ¿quién mas arrojado que don Cirongilio de Tracia?; ¿quién más bravo que Rodamonte?; ¿quién más prudente que el rey Sobrino?; ¿quién más atrevido que Reinaldos?; ¿quién más invencible que Roldán?; y ¿quién más gallardo y más cortés que Rugero, de quien decienden hoy los duques de Ferrara, según Turpín en su Cosmografía? Todos estos caballeros, y otros muchos que pudiera decir, señor cura, fueron caballeros andantes, luz y gloria de la caballería. Déstos, o tales como éstos, quisiera yo que fueran los de mi arbitrio, que, a serlo, Su Majestad se hallara bien servido y ahorrara de mucho gasto, y el Turco se quedara pelando las barbas, y con esto, no quiero quedar en mi casa, pues no me saca el capellán della; y si su Júpiter, como ha dicho el barbero, no lloviere, aquí estoy yo, que lloveré cuando se me antojare. Digo esto porque sepa el señor Bacía que le entiendo. — En verdad, señor don Quijote —dijo el barbero—, que no lo dije por tanto, y así me ayude Dios como fue buena mi intención, y que no debe vuestra merced sentirse. — Si puedo sentirme o no —respondió don Quijote—, yo me lo sé. A esto dijo el cura: — Aun bien que yo casi no he hablado palabra hasta ahora, y no quisiera quedar con un escrúpulo que me roe y escarba la conciencia, nacido de lo que aquí el señor don Quijote ha dicho. — Para otras cosas más —respondió don Quijote— tiene licencia el señor cura; y así, puede decir su escrúpulo, porque no es de gusto andar con la conciencia escrupulosa. — Pues con ese beneplácito —respondió el cura—, digo que mi escrúpulo es que no me puedo persuadir en ninguna manera a que toda la caterva de caballeros andantes que vuestra merced, señor don Quijote, ha referido, hayan sido real y verdaderamente personas de carne y hueso en el mundo; antes, imagino que todo es ficción, fábula y mentira, y sueños contados por hombres despiertos, o, por mejor decir, medio dormidos. — Ése es otro error —respondió don Quijote— en que han caído muchos, que no creen que haya habido tales caballeros en el mundo; y yo muchas veces, con diversas gentes y ocasiones, he procurado sacar a la luz de la verdad este casi común engaño; pero algunas veces no he salido con mi intención, y otras sí, sustentándola sobre los hombros de la verdad; la cual verdad es tan cierta, que estoy por decir que con mis propios ojos vi a Amadís de Gaula, que era un hombre alto de cuerpo, blanco de rostro, bien puesto de barba, aunque negra, de vista entre blanda y rigurosa, corto de razones, tardo en airarse y presto en deponer la ira; y del modo que he delineado a Amadís pudiera, a mi parecer, pintar y descubrir todos cuantos caballeros andantes andan en las historias en el orbe, que, por la aprehensión que tengo de que fueron como sus historias cuentan, y por las hazañas que hicieron y condiciones que tuvieron, se pueden sacar por buena filosofía sus faciones, sus colores y estaturas. — ¿Que tan grande le parece a vuestra merced, mi señor don Quijote —preguntó el barbero—, debía de ser el gigante Morgante? — En esto de gigantes —respondió don Quijote— hay diferentes opiniones, si los ha habido o no en el mundo; pero la Santa Escritura, que no puede faltar un átomo en la verdad, nos muestra que los hubo, contándonos la historia de aquel filisteazo de Golías, que tenía siete codos y medio de altura, que es una desmesurada grandeza. También en la isla de Sicilia se han hallado canillas y espaldas tan grandes, que su grandeza manifiesta que fueron gigantes sus dueños, y tan grandes como grandes torres; que la geometría saca esta verdad de duda. Pero, con todo esto, no sabré decir con certidumbre qué tamaño tuviese Morgante, aunque imagino que no debió de ser muy alto; y muéveme a ser deste parecer hallar en la historia donde se hace mención particular de sus hazañas que muchas veces dormía debajo de techado; y, pues hallaba casa donde cupiese, claro está que no era desmesurada su grandeza. — Así es —dijo el cura. El cual, gustando de oírle decir tan grandes disparates, le preguntó que qué sentía acerca de los rostros de Reinaldos de Montalbán y de don Roldán, y de los demás Doce Pares de Francia, pues todos habían sido caballeros andantes. — De Reinaldos —respondió don Quijote— me atrevo a decir que era ancho de rostro, de color bermejo, los ojos bailadores y algo saltados, puntoso y colérico en demasía, amigo de ladrones y de gente perdida. De Roldán, o Rotolando, o Orlando, que con todos estos nombres le nombran las historias, soy de parecer y me afirmo que fue de mediana estatura, ancho de espaldas, algo estevado, moreno de rostro y barbitaheño, velloso en el cuerpo y de vista amenazadora; corto de razones, pero muy comedido y bien criado. — Si no fue Roldán más gentilhombre que vuestra merced ha dicho —replicó el cura—, no fue maravilla que la señora Angélica la Bella le desdeñase y dejase por la gala, brío y donaire que debía de tener el morillo barbiponiente a quien ella se entregó; y anduvo discreta de adamar antes la blandura de Medoro que la aspereza de Roldán. — Esa Angélica —respondió don Quijote—, señor cura, fue una doncella destraída, andariega y algo antojadiza, y tan lleno dejó el mundo de sus impertinencias como de la fama de su hermosura: despreció mil señores, mil valientes y mil discretos, y contentóse con un pajecillo barbilucio, sin otra hacienda ni nombre que el que le pudo dar de agradecido la amistad que guardó a su amigo. El gran cantor de su belleza, el famoso Ariosto, por no atreverse, o por no querer cantar lo que a esta señora le sucedió después de su ruin entrego, que no debieron ser cosas demasiadamente honestas, la dejó donde dijo: Y como del Catay recibió el cetro, quizá otro cantará con mejor plectro. Y, sin duda, que esto fue como profecía; que los poetas también se llaman vates, que quiere decir adivinos. Véese esta verdad clara, porque, después acá, un famoso poeta andaluz lloró y cantó sus lágrimas, y otro famoso y único poeta castellano cantó su hermosura. — Dígame, señor don Quijote —dijo a esta sazón el barbero—, ¿no ha habido algún poeta que haya hecho alguna sátira a esa señora Angélica, entre tantos como la han alabado? — Bien creo yo —respondió don Quijote— que si Sacripante o Roldán fueran poetas, que ya me hubieran jabonado a la doncella; porque es propio y natural de los poetas desdeñados y no admitidos de sus damas fingidas —o fingidas, en efeto, de aquéllos a quien ellos escogieron por señoras de sus pensamientos—, vengarse con sátiras y libelos (venganza, por cierto, indigna de pechos generosos), pero hasta agora no ha llegado a mi noticia ningún verso infamatorio contra la señora Angélica, que trujo revuelto el mundo. — ¡Milagro! —dijo el cura. Y, en esto, oyeron que la ama y la sobrina, que ya habían dejado la conversación, daban grandes voces en el patio, y acudieron todos al ruido. Capítulo II. Que trata de la notable pendencia que Sancho Panza tuvo con la sobrina y ama de don Quijote, con otros sujetos graciosos Cuenta la historia que las voces que oyeron don Quijote, el cura y el barbero eran de la sobrina y ama, que las daban diciendo a Sancho Panza, que pugnaba por entrar a ver a don Quijote, y ellas le defendían la puerta: — ¿Qué quiere este mostrenco en esta casa? Idos a la vuestra, hermano, que vos sois, y no otro, el que destrae y sonsaca a mi señor, y le lleva por esos andurriales. A lo que Sancho respondió: — Ama de Satanás, el sonsacado, y el destraído, y el llevado por esos andurriales soy yo, que no tu amo; él me llevó por esos mundos, y vosotras os engañáis en la mitad del justo precio: él me sacó de mi casa con engañifas, prometiéndome una ínsula, que hasta agora la espero. — Malas ínsulas te ahoguen —respondió la sobrina—, Sancho maldito. Y ¿qué son ínsulas? ¿Es alguna cosa de comer, golosazo, comilón, que tú eres? — No es de comer —replicó Sancho—, sino de gobernar y regir mejor que cuatro ciudades y que cuatro alcaldes de corte. — Con todo eso —dijo el ama—, no entraréis acá, saco de maldades y costal de malicias. Id a gobernar vuestra casa y a labrar vuestros pegujares, y dejaos de pretender ínsulas ni ínsulos. Grande gusto recebían el cura y el barbero de oír el coloquio de los tres; pero don Quijote, temeroso que Sancho se descosiese y desbuchase algún montón de maliciosas necedades, y tocase en puntos que no le estarían bien a su crédito, le llamó, y hizo a las dos que callasen y le dejasen entrar. Entró Sancho, y el cura y el barbero se despidieron de don Quijote, de cuya salud desesperaron, viendo cuán puesto estaba en sus desvariados pensamientos, y cuán embebido en la simplicidad de sus malandantes caballerías; y así, dijo el cura al barbero: — Vos veréis, compadre, cómo, cuando menos lo pensemos, nuestro hidalgo sale otra vez a volar la ribera. No pongo yo duda en eso —respondió el barbero—, pero no me maravillo tanto de la locura del caballero como de la simplicidad del escudero, que tan creído tiene aquello de la ínsula, que creo que no se lo sacarán del casco cuantos desengaños pueden imaginarse. — Dios los remedie —dijo el cura—, y estemos a la mira: veremos en lo que para esta máquina de disparates de tal caballero y de tal escudero, que parece que los forjaron a los dos en una mesma turquesa, y que las locuras del señor, sin las necedades del criado, no valían un ardite. — Así es —dijo el barbero—, y holgara mucho saber qué tratarán ahora los dos. — Yo seguro —respondió el cura— que la sobrina o el ama nos lo cuenta después, que no son de condición que dejarán de escucharlo. En tanto, don Quijote se encerró con Sancho en su aposento; y, estando solos, le dijo: — Mucho me pesa, Sancho, que hayas dicho y digas que yo fui el que te saqué de tus casillas, sabiendo que yo no me quedé en mis casas: juntos salimos, juntos fuimos y juntos peregrinamos; una misma fortuna y una misma suerte ha corrido por los dos: si a ti te mantearon una vez, a mí me han molido ciento, y esto es lo que te llevo de ventaja. — Eso estaba puesto en razón —respondió Sancho—, porque, según vuestra merced dice, más anejas son a los caballeros andantes las desgracias que a sus escuderos. — Engáñaste, Sancho —dijo don Quijote—; según aquello, quando caput dolet..., etcétera. — No entiendo otra lengua que la mía —respondió Sancho. — Quiero decir —dijo don Quijote— que, cuando la cabeza duele, todos los miembros duelen; y así, siendo yo tu amo y señor, soy tu cabeza, y tú mi parte, pues eres mi criado; y, por esta razón, el mal que a mí me toca, o tocare, a ti te ha de doler, y a mí el tuyo. — Así había de ser —dijo Sancho—, pero cuando a mí me manteaban como a miembro, se estaba mi cabeza detrás de las bardas, mirándome volar por los aires, sin sentir dolor alguno; y, pues los miembros están obligados a dolerse del mal de la cabeza, había de estar obligada ella a dolerse dellos. — ¿Querrás tú decir agora, Sancho —respondió don Quijote—, que no me dolía yo cuando a ti te manteaban? Y si lo dices, no lo digas, ni lo pienses; pues más dolor sentía yo entonces en mi espíritu que tú en tu cuerpo. Pero dejemos esto aparte por agora, que tiempo habrá donde lo ponderemos y pongamos en su punto, y dime, Sancho amigo: ¿qué es lo que dicen de mí por ese lugar? ¿En qué opinión me tiene el vulgo, en qué los hidalgos y en qué los caballeros? ¿Qué dicen de mi valentía, qué de mis hazañas y qué de mi cortesía? ¿Qué se platica del asumpto que he tomado de resucitar y volver al mundo la ya olvidada orden caballeresca? Finalmente, quiero, Sancho, me digas lo que acerca desto ha llegado a tus oídos; y esto me has de decir sin añadir al bien ni quitar al mal cosa alguna, que de los vasallos leales es decir la verdad a sus señores en su ser y figura propia, sin que la adulación la acreciente o otro vano respeto la disminuya; y quiero que sepas, Sancho, que si a los oídos de los príncipes llegase la verdad desnuda, sin los vestidos de la lisonja, otros siglos correrían, otras edades serían tenidas por más de hierro que la nuestra, que entiendo que, de las que ahora se usan, es la dorada. Sírvate este advertimiento, Sancho, para que discreta y bienintencionadamente pongas en mis oídos la verdad de las cosas que supieres de lo que te he preguntado. — Eso haré yo de muy buena gana, señor mío —respondió Sancho—, con condición que vuestra merced no se ha de enojar de lo que dijere, pues quiere que lo diga en cueros, sin vestirlo de otras ropas de aquellas con que llegaron a mi noticia. — En ninguna manera me enojaré —respondió don Quijote—. Bien puedes, Sancho, hablar libremente y sin rodeo alguno. — Pues lo primero que digo —dijo—, es que el vulgo tiene a vuestra merced por grandísimo loco, y a mí por no menos mentecato. Los hidalgos dicen que, no conteniéndose vuestra merced en los límites de la hidalguía, se ha puesto don y se ha arremetido a caballero con cuatro cepas y dos yugadas de tierra y con un trapo atrás y otro adelante. Dicen los caballeros que no querrían que los hidalgos se opusiesen a ellos, especialmente aquellos hidalgos escuderiles que dan humo a los zapatos y toman los puntos de las medias negras con seda verde. — Eso —dijo don Quijote— no tiene que ver conmigo, pues ando siempre bien vestido, y jamás remendado; roto, bien podría ser; y el roto, más de las armas que del tiempo. — En lo que toca —prosiguió Sancho— a la valentía, cortesía, hazañas y asumpto de vuestra merced, hay diferentes opiniones; unos dicen: "loco, pero gracioso"; otros, "valiente, pero desgraciado"; otros, "cortés, pero impertinente"; y por aquí van discurriendo en tantas cosas, que ni a vuestra merced ni a mí nos dejan hueso sano. — Mira, Sancho —dijo don Quijote—: dondequiera que está la virtud en eminente grado, es perseguida. Pocos o ninguno de los famosos varones que pasaron dejó de ser calumniado de la malicia. Julio César, animosísimo, prudentísimo y valentísimo capitán, fue notado de ambicioso y algún tanto no limpio, ni en sus vestidos ni en sus costumbres. Alejandro, a quien sus hazañas le alcanzaron el renombre de Magno, dicen dél que tuvo sus ciertos puntos de borracho. De Hércules, el de los muchos trabajos, se cuenta que fue lascivo y muelle. De don Galaor, hermano de Amadís de Gaula, se murmura que fue más que demasiadamente rijoso; y de su hermano, que fue llorón. Así que, ¡oh Sancho!, entre las tantas calumnias de buenos, bien pueden pasar las mías, como no sean más de las que has dicho. — ¡Ahí está el toque, cuerpo de mi padre! —replicó Sancho. — Pues, ¿hay más? —preguntó don Quijote. — Aún la cola falta por desollar —dijo Sancho—. Lo de hasta aquí son tortas y pan pintado; mas si vuestra merced quiere saber todo lo que hay acerca de las caloñas que le ponen, yo le traeré aquí luego al momento quien se las diga todas, sin que les falte una meaja; que anoche llegó el hijo de Bartolomé Carrasco, que viene de estudiar de Salamanca, hecho bachiller, y, yéndole yo a dar la bienvenida, me dijo que andaba ya en libros la historia de vuestra merced, con nombre del Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha; y dice que me mientan a mí en ella con mi mesmo nombre de Sancho Panza, y a la señora Dulcinea del Toboso, con otras cosas que pasamos nosotros a solas, que me hice cruces de espantado cómo las pudo saber el historiador que las escribió. — Yo te aseguro, Sancho —dijo don Quijote—, que debe de ser algún sabio encantador el autor de nuestra historia; que a los tales no se les encubre nada de lo que quieren escribir. — Y ¡cómo —dijo Sancho— si era sabio y encantador, pues (según dice el bachiller Sansón Carrasco, que así se llama el que dicho tengo) que el autor de la historia se llama Cide Hamete Berenjena! — Ese nombre es de moro —respondió don Quijote. — Así será —respondió Sancho—, porque por la mayor parte he oído decir que los moros son amigos de berenjenas. — Tú debes, Sancho —dijo don Quijote—, errarte en el sobrenombre de ese Cide, que en arábigo quiere decir señor. — Bien podría ser —replicó Sancho—, mas, si vuestra merced gusta que yo le haga venir aquí, iré por él en volandas. — Harásme mucho placer, amigo —dijo don Quijote—, que me tiene suspenso lo que me has dicho, y no comeré bocado que bien me sepa hasta ser informado de todo. — Pues yo voy por él —respondió Sancho. Y, dejando a su señor, se fue a buscar al bachiller, con el cual volvió de allí a poco espacio, y entre los tres pasaron un graciosísimo coloquio. Capítulo III. Del ridículo razonamiento que pasó entre don Quijote, Sancho Panza y el bachiller Sansón Carrasco Pensativo además quedó don Quijote, esperando al bachiller Carrasco, de quien esperaba oír las nuevas de sí mismo puestas en libro, como había dicho Sancho; y no se podía persuadir a que tal historia hubiese, pues aún no estaba enjuta en la cuchilla de su espada la sangre de los enemigos que había muerto, y ya querían que anduviesen en estampa sus altas caballerías. Con todo eso, imaginó que algún sabio, o ya amigo o enemigo, por arte de encantamento las habrá dado a la estampa: si amigo, para engrandecerlas y levantarlas sobre las más señaladas de caballero andante; si enemigo, para aniquilarlas y ponerlas debajo de las más viles que de algún vil escudero se hubiesen escrito, puesto —decía entre sí— que nunca hazañas de escuderos se escribieron; y cuando fuese verdad que la tal historia hubiese, siendo de caballero andante, por fuerza había de ser grandílocua, alta, insigne, magnífica y verdadera. Con esto se consoló algún tanto, pero desconsolóle pensar que su autor era moro, según aquel nombre de Cide; y de los moros no se podía esperar verdad alguna, porque todos son embelecadores, falsarios y quimeristas. Temíase no hubiese tratado sus amores con alguna indecencia, que redundase en menoscabo y perjuicio de la honestidad de su señora Dulcinea del Toboso; deseaba que hubiese declarado su fidelidad y el decoro que siempre la había guardado, menospreciando reinas, emperatrices y doncellas de todas calidades, teniendo a raya los ímpetus de los naturales movimientos; y así, envuelto y revuelto en estas y otras muchas imaginaciones, le hallaron Sancho y Carrasco, a quien don Quijote recibió con mucha cortesía. Era el bachiller, aunque se llamaba Sansón, no muy grande de cuerpo, aunque muy gran socarrón, de color macilenta, pero de muy buen entendimiento; tendría hasta veinte y cuatro años, carirredondo, de nariz chata y de boca grande, señales todas de ser de condición maliciosa y amigo de donaires y de burlas, como lo mostró en viendo a don Quijote, poniéndose delante dél de rodillas, diciéndole: — Déme vuestra grandeza las manos, señor don Quijote de la Mancha; que, por el hábito de San Pedro que visto, aunque no tengo otras órdenes que las cuatro primeras, que es vuestra merced uno de los más famosos caballeros andantes que ha habido, ni aun habrá, en toda la redondez de la tierra. Bien haya Cide Hamete Benengeli, que la historia de vuestras grandezas dejó escritas, y rebién haya el curioso que tuvo cuidado de hacerlas traducir de arábigo en nuestro vulgar castellano, para universal entretenimiento de las gentes. Hízole levantar don Quijote, y dijo: — Desa manera, ¿verdad es que hay historia mía, y que fue moro y sabio el que la compuso? — Es tan verdad, señor —dijo Sansón—, que tengo para mí que el día de hoy están impresos más de doce mil libros de la tal historia; si no, dígalo Portugal, Barcelona y Valencia, donde se han impreso; y aun hay fama que se está imprimiendo en Amberes, y a mí se me trasluce que no ha de haber nación ni lengua donde no se traduzga. — Una de las cosas —dijo a esta sazón don Quijote— que más debe de dar contento a un hombre virtuoso y eminente es verse, viviendo, andar con buen nombre por las lenguas de las gentes, impreso y en estampa. Dije con buen nombre porque, siendo al contrario, ninguna muerte se le igualará. — Si por buena fama y si por buen nombre va —dijo el bachiller—, solo vuestra merced lleva la palma a todos los caballeros andantes; porque el moro en su lengua y el cristiano en la suya tuvieron cuidado de pintarnos muy al vivo la gallardía de vuestra merced, el ánimo grande en acometer los peligros, la paciencia en las adversidades y el sufrimiento, así en las desgracias como en las heridas, la honestidad y continencia en los amores tan platónicos de vuestra merced y de mi señora doña Dulcinea del Toboso. — Nunca —dijo a este punto Sancho Panza— he oído llamar con don a mi señora Dulcinea, sino solamente la señora Dulcinea del Toboso, y ya en esto anda errada la historia. — No es objeción de importancia ésa —respondió Carrasco. — No, por cierto —respondió don Quijote—; pero dígame vuestra merced, señor bachiller: ¿qué hazañas mías son las que más se ponderan en esa historia? — En eso —respondió el bachiller—, hay diferentes opiniones, como hay diferentes gustos: unos se atienen a la aventura de los molinos de viento, que a vuestra merced le parecieron Briareos y gigantes; otros, a la de los batanes; éste, a la descripción de los dos ejércitos, que después parecieron ser dos manadas de carneros; aquél encarece la del muerto que llevaban a enterrar a Segovia; uno dice que a todas se aventaja la de la libertad de los galeotes; otro, que ninguna iguala a la de los dos gigantes benitos, con la pendencia del valeroso vizcaíno. — Dígame, señor bachiller —dijo a esta sazón Sancho—: ¿entra ahí la aventura de los yangüeses, cuando a nuestro buen Rocinante se le antojó pedir cotufas en el golfo? — No se le quedó nada —respondió Sansón— al sabio en el tintero: todo lo dice y todo lo apunta, hasta lo de las cabriolas que el buen Sancho hizo en la manta. — En la manta no hice yo cabriolas —respondió Sancho—; en el aire sí, y aun más de las que yo quisiera. — A lo que yo imagino —dijo don Quijote—, no hay historia humana en el mundo que no tenga sus altibajos, especialmente las que tratan de caballerías, las cuales nunca pueden estar llenas de prósperos sucesos. — Con todo eso —respondió el bachiller—, dicen algunos que han leído la historia que se holgaran se les hubiera olvidado a los autores della algunos de los infinitos palos que en diferentes encuentros dieron al señor don Quijote. — Ahí entra la verdad de la historia —dijo Sancho. — También pudieran callarlos por equidad —dijo don Quijote—, pues las acciones que ni mudan ni alteran la verdad de la historia no hay para qué escribirlas, si han de redundar en menosprecio del señor de la historia. A fee que no fue tan piadoso Eneas como Virgilio le pinta, ni tan prudente Ulises como le describe Homero. — Así es —replicó Sansón—, pero uno es escribir como poeta y otro como historiador: el poeta puede contar, o cantar las cosas, no como fueron, sino como debían ser; y el historiador las ha de escribir, no como debían ser, sino como fueron, sin añadir ni quitar a la verdad cosa alguna. — Pues si es que se anda a decir verdades ese señor moro —dijo Sancho—, a buen seguro que entre los palos de mi señor se hallen los míos; porque nunca a su merced le tomaron la medida de las espaldas que no me la tomasen a mí de todo el cuerpo; pero no hay de qué maravillarme, pues, como dice el mismo señor mío, del dolor de la cabeza han de participar los miembros. — Socarrón sois, Sancho —respondió don Quijote—. A fee que no os falta memoria cuando vos queréis tenerla. — Cuando yo quisiese olvidarme de los garrotazos que me han dado —dijo Sancho—, no lo consentirán los cardenales, que aún se están frescos en las costillas. — Callad, Sancho —dijo don Quijote—, y no interrumpáis al señor bachiller, a quien suplico pase adelante en decirme lo que se dice de mí en la referida historia. — Y de mí —dijo Sancho—, que también dicen que soy yo uno de los principales presonajes della. — Personajes que no presonajes, Sancho amigo —dijo Sansón. — ¿Otro reprochador de voquibles tenemos? —dijo Sancho—. Pues ándense a eso, y no acabaremos en toda la vida. — Mala me la dé Dios, Sancho —respondió el bachiller—, si no sois vos la segunda persona de la historia; y que hay tal, que precia más oíros hablar a vos que al más pintado de toda ella, puesto que también hay quien diga que anduvistes demasiadamente de crédulo en creer que podía ser verdad el gobierno de aquella ínsula, ofrecida por el señor don Quijote, que está presente. — Aún hay sol en las bardas —dijo don Quijote—, y, mientras más fuere entrando en edad Sancho, con la esperiencia que dan los años, estará más idóneo y más hábil para ser gobernador que no está agora. — Por Dios, señor —dijo Sancho—, la isla que yo no gobernase con los años que tengo, no la gobernaré con los años de Matusalén. El daño está en que la dicha ínsula se entretiene, no sé dónde, y no en faltarme a mí el caletre para gobernarla. — Encomendadlo a Dios, Sancho —dijo don Quijote—, que todo se hará bien, y quizá mejor de lo que vos pensáis; que no se mueve la hoja en el árbol sin la voluntad de Dios. — Así es verdad —dijo Sansón—, que si Dios quiere, no le faltarán a Sancho mil islas que gobernar, cuanto más una. — Gobernador he visto por ahí —dijo Sancho— que, a mi parecer, no llegan a la suela de mi zapato, y, con todo eso, los llaman señoría, y se sirven con plata. — Ésos no son gobernadores de ínsulas —replicó Sansón—, sino de otros gobiernos más manuales; que los que gobiernan ínsulas, por lo menos han de saber gramática. — Con la grama bien me avendría yo —dijo Sancho—, pero con la tica, ni me tiro ni me pago, porque no la entiendo. Pero, dejando esto del gobierno en las manos de Dios, que me eche a las partes donde más de mí se sirva, digo, señor bachiller Sansón Carrasco, que infinitamente me ha dado gusto que el autor de la historia haya hablado de mí de manera que no enfadan las cosas que de mí se cuentan; que a fe de buen escudero que si hubiera dicho de mí cosas que no fueran muy de cristiano viejo, como soy, que nos habían de oír los sordos. — Eso fuera hacer milagros —respondió Sansón. — Milagros o no milagros —dijo Sancho—, cada uno mire cómo habla o cómo escribe de las presonas, y no ponga a troche moche lo primero que le viene al magín. — Una de las tachas que ponen a la tal historia —dijo el bachiller— es que su autor puso en ella una novela intitulada El curioso impertinente; no por mala ni por mal razonada, sino por no ser de aquel lugar, ni tiene que ver con la historia de su merced del señor don Quijote. — Yo apostaré —replicó Sancho— que ha mezclado el hideperro berzas con capachos. — Ahora digo —dijo don Quijote— que no ha sido sabio el autor de mi historia, sino algún ignorante hablador, que, a tiento y sin algún discurso, se puso a escribirla, salga lo que saliere, como hacía Orbaneja, el pintor de Úbeda, al cual preguntándole qué pintaba, respondió: ''Lo que saliere''. Tal vez pintaba un gallo, de tal suerte y tan mal parecido, que era menester que con letras góticas escribiese junto a él: "Éste es gallo". Y así debe de ser de mi historia, que tendrá necesidad de comento para entenderla. — Eso no —respondió Sansón—, porque es tan clara, que no hay cosa que dificultar en ella: los niños la manosean, los mozos la leen, los hombres la entienden y los viejos la celebran; y, finalmente, es tan trillada y tan leída y tan sabida de todo género de gentes, que, apenas han visto algún rocín flaco, cuando dicen: "allí va Rocinante". Y los que más se han dado a su letura son los pajes: no hay antecámara de señor donde no se halle un Don Quijote: unos le toman si otros le dejan; éstos le embisten y aquéllos le piden. Finalmente, la tal historia es del más gustoso y menos perjudicial entretenimiento que hasta agora se haya visto, porque en toda ella no se descubre, ni por semejas, una palabra deshonesta ni un pensamiento menos que católico. — A escribir de otra suerte —dijo don Quijote—, no fuera escribir verdades, sino mentiras; y los historiadores que de mentiras se valen habían de ser quemados, como los que hacen moneda falsa; y no sé yo qué le movió al autor a valerse de novelas y cuentos ajenos, habiendo tanto que escribir en los míos: sin duda se debió de atener al refrán: "De paja y de heno...", etcétera. Pues en verdad que en sólo manifestar mis pensamientos, mis sospiros, mis lágrimas, mis buenos deseos y mis acometimientos pudiera hacer un volumen mayor, o tan grande que el que pueden hacer todas las obras del Tostado. En efeto, lo que yo alcanzo, señor bachiller, es que para componer historias y libros, de cualquier suerte que sean, es menester un gran juicio y un maduro entendimiento. Decir gracias y escribir donaires es de grandes ingenios: la más discreta figura de la comedia es la del bobo, porque no lo ha de ser el que quiere dar a entender que es simple. La historia es como cosa sagrada; porque ha de ser verdadera, y donde está la verdad está Dios, en cuanto a verdad; pero, no obstante esto, hay algunos que así componen y arrojan libros de sí como si fuesen buñuelos. — No hay libro tan malo —dijo el bachiller— que no tenga algo bueno. — No hay duda en eso —replicó don Quijote—; pero muchas veces acontece que los que tenían méritamente granjeada y alcanzada gran fama por sus escritos, en dándolos a la estampa, la perdieron del todo, o la menoscabaron en algo. — La causa deso es —dijo Sansón— que, como las obras impresas se miran despacio, fácilmente se veen sus faltas, y tanto más se escudriñan cuanto es mayor la fama del que las compuso. Los hombres famosos por sus ingenios, los grandes poetas, los ilustres historiadores, siempre, o las más veces, son envidiados de aquellos que tienen por gusto y por particular entretenimiento juzgar los escritos ajenos, sin haber dado algunos propios a la luz del mundo. — Eso no es de maravillar —dijo don Quijote—, porque muchos teólogos hay que no son buenos para el púlpito, y son bonísimos para conocer las faltas o sobras de los que predican. — Todo eso es así, señor don Quijote —dijo Carrasco—, pero quisiera yo que los tales censuradores fueran más misericordiosos y menos escrupulosos, sin atenerse a los átomos del sol clarísimo de la obra de que murmuran; que si aliquando bonus dormitat Homerus, consideren lo mucho que estuvo despierto, por dar la luz de su obra con la menos sombra que pudiese; y quizá podría ser que lo que a ellos les parece mal fuesen lunares, que a las veces acrecientan la hermosura del rostro que los tiene; y así, digo que es grandísimo el riesgo a que se pone el que imprime un libro, siendo de toda imposibilidad imposible componerle tal, que satisfaga y contente a todos los que le leyeren. — El que de mí trata —dijo don Quijote—, a pocos habrá contentado. — Antes es al revés; que, como de stultorum infinitus est numerus, infinitos son los que han gustado de la tal historia; y algunos han puesto falta y dolo en la memoria del autor, pues se le olvida de contar quién fue el ladrón que hurtó el rucio a Sancho, que allí no se declara, y sólo se infiere de lo escrito que se le hurtaron, y de allí a poco le vemos a caballo sobre el mesmo jumento, sin haber parecido. También dicen que se le olvidó poner lo que Sancho hizo de aquellos cien escudos que halló en la maleta en Sierra Morena, que nunca más los nombra, y hay muchos que desean saber qué hizo dellos, o en qué los gastó, que es uno de los puntos sustanciales que faltan en la obra. — Sancho respondió: — Yo, señor Sansón, no estoy ahora para ponerme en cuentas ni cuentos; que me ha tomado un desmayo de estómago, que si no le reparo con dos tragos de lo añejo, me pondrá en la espina de Santa Lucía. En casa lo tengo, mi oíslo me aguarda; en acabando de comer, daré la vuelta, y satisfaré a vuestra merced y a todo el mundo de lo que preguntar quisieren, así de la pérdida del jumento como del gasto de los cien escudos. Y, sin esperar respuesta ni decir otra palabra, se fue a su casa. Don Quijote pidió y rogó al bachiller se quedase a hacer penitencia con él. Tuvo el bachiller el envite: quedóse, añadióse al ordinaro un par de pichones, tratóse en la mesa de caballerías, siguióle el humor Carrasco, acabóse el banquete, durmieron la siesta, volvió Sancho y renovóse la plática pasada. Capítulo IV. Donde Sancho Panza satisface al bachiller Sansón Carrasco de sus dudas y preguntas, con otros sucesos dignos de saberse y de contarse Volvió Sancho a casa de don Quijote, y, volviendo al pasado razonamiento, dijo: — A lo que el señor Sansón dijo que se deseaba saber quién, o cómo, o cuándo se me hurtó el jumento, respondiendo digo que la noche misma que, huyendo de la Santa Hermandad, nos entramos en Sierra Morena, después de la aventura sin ventura de los galeotes y de la del difunto que llevaban a Segovia, mi señor y yo nos metimos entre una espesura, adonde mi señor arrimado a su lanza, y yo sobre mi rucio, molidos y cansados de las pasadas refriegas, nos pusimos a dormir como si fuera sobre cuatro colchones de pluma; especialmente yo dormí con tan pesado sueño, que quienquiera que fue tuvo lugar de llegar y suspenderme sobre cuatro estacas que puso a los cuatro lados de la albarda, de manera que me dejó a caballo sobre ella, y me sacó debajo de mí al rucio, sin que yo lo sintiese. — Eso es cosa fácil, y no acontecimiento nuevo, que lo mesmo le sucedió a Sacripante cuando, estando en el cerco de Albraca, con esa misma invención le sacó el caballo de entre las piernas aquel famoso ladrón llamado Brunelo. — Amaneció —prosiguió Sancho—, y, apenas me hube estremecido, cuando, faltando las estacas, di conmigo en el suelo una gran caída; miré por el jumento, y no le vi; acudiéronme lágrimas a los ojos, y hice una lamentación, que si no la puso el autor de nuestra historia, puede hacer cuenta que no puso cosa buena. Al cabo de no sé cuántos días, viniendo con la señora princesa Micomicona, conocí mi asno, y que venía sobre él en hábito de gitano aquel Ginés de Pasamonte, aquel embustero y grandísimo maleador que quitamos mi señor y yo de la cadena. — No está en eso el yerro —replicó Sansón—, sino en que, antes de haber parecido el jumento, dice el autor que iba a caballo Sancho en el mesmo rucio. — A eso —dijo Sancho—, no sé qué responder, sino que el historiador se engañó, o ya sería descuido del impresor. — Así es, sin duda —dijo Sansón—; pero, ¿qué se hicieron los cien escudos?; ¿deshiciéronse? Respondió Sancho: — Yo los gasté en pro de mi persona y de la de mi mujer, y de mis hijos, y ellos han sido causa de que mi mujer lleve en paciencia los caminos y carreras que he andado sirviendo a mi señor don Quijote; que si, al cabo de tanto tiempo, volviera sin blanca y sin el jumento a mi casa, negra ventura me esperaba; y si hay más que saber de mí, aquí estoy, que responderé al mismo rey en presona, y nadie tiene para qué meterse en si truje o no truje, si gasté o no gasté; que si los palos que me dieron en estos viajes se hubieran de pagar a dinero, aunque no se tasaran sino a cuatro maravedís cada uno, en otros cien escudos no había para pagarme la mitad; y cada uno meta la mano en su pecho, y no se ponga a juzgar lo blanco por negro y lo negro por blanco; que cada uno es como Dios le hizo, y aun peor muchas veces. — Yo tendré cuidado —dijo Carrasco— de acusar al autor de la historia que si otra vez la imprimiere, no se le olvide esto que el buen Sancho ha dicho, que será realzarla un buen coto más de lo que ella se está. — ¿Hay otra cosa que enmendar en esa leyenda, señor bachiller? —preguntó don Quijote. — Sí debe de haber —respondió él—, pero ninguna debe de ser de la importancia de las ya referidas. — Y por ventura —dijo don Quijote—, ¿promete el autor segunda parte? — Sí promete —respondió Sansón—, pero dice que no ha hallado ni sabe quién la tiene, y así, estamos en duda si saldrá o no; y así por esto como porque algunos dicen: "Nunca segundas partes fueron buenas", y otros: "De las cosas de don Quijote bastan las escritas", se duda que no ha de haber segunda parte; aunque algunos que son más joviales que saturninos dicen: "Vengan más quijotadas: embista don Quijote y hable Sancho Panza, y sea lo que fuere, que con eso nos contentamos". — Y ¿a qué se atiene el autor? — A que —respondió Sansón—, en hallando que halle la historia, que él va buscando con extraordinarias diligencias, la dará luego a la estampa, llevado más del interés que de darla se le sigue que de otra alabanza alguna. A lo que dijo Sancho: — ¿Al dinero y al interés mira el autor? Maravilla será que acierte, porque no hará sino harbar, harbar, como sastre en vísperas de pascuas, y las obras que se hacen apriesa nunca se acaban con la perfeción que requieren. Atienda ese señor moro, o lo que es, a mirar lo que hace; que yo y mi señor le daremos tanto ripio a la mano en materia de aventuras y de sucesos diferentes, que pueda componer no sólo segunda parte, sino ciento. Debe de pensar el buen hombre, sin duda, que nos dormimos aquí en las pajas; pues ténganos el pie al herrar, y verá del que cosqueamos. Lo que yo sé decir es que si mi señor tomase mi consejo, ya habíamos de estar en esas campañas deshaciendo agravios y enderezando tuertos, como es uso y costumbre de los buenos andantes caballeros. No había bien acabado de decir estas razones Sancho, cuando llegaron a sus oídos relinchos de Rocinante; los cuales relinchos tomó don Quijote por felicísimo agüero, y determinó de hacer de allí a tres o cuatro días otra salida; y, declarando su intento al bachiller, le pidió consejo por qué parte comenzaría su jornada; el cual le respondió que era su parecer que fuese al reino de Aragón y a la ciudad de Zaragoza, adonde, de allí a pocos días, se habían de hacer unas solenísimas justas por la fiesta de San Jorge, en las cuales podría ganar fama sobre todos los caballeros aragoneses, que sería ganarla sobre todos los del mundo. Alabóle ser honradísima y valentísima su determinación, y advirtióle que anduviese más atentado en acometer los peligros, a causa que su vida no era suya, sino de todos aquellos que le habían de menester para que los amparase y socorriese en sus desventuras. — Deso es lo que yo reniego, señor Sansón —dijo a este punto Sancho—, que así acomete mi señor a cien hombres armados como un muchacho goloso a media docena de badeas. ¡Cuerpo del mundo, señor bachiller! Sí, que tiempos hay de acometer y tiempos de retirar; sí, no ha de ser todo "¡Santiago, y cierra, España!" Y más, que yo he oído decir, y creo que a mi señor mismo, si mal no me acuerdo, que en los estremos de cobarde y de temerario está el medio de la valentía; y si esto es así, no quiero que huya sin tener para qué, ni que acometa cuando la demasía pide otra cosa. Pero, sobre todo, aviso a mi señor que si me ha de llevar consigo, ha de ser con condición que él se lo ha de batallar todo, y que yo no he de estar obligado a otra cosa que a mirar por su persona en lo que tocare a su limpieza y a su regalo; que en esto yo le bailaré el agua delante; pero pensar que tengo de poner mano a la espada, aunque sea contra villanos malandrines de hacha y capellina, es pensar en lo escusado. Yo, señor Sansón, no pienso granjear fama de valiente, sino del mejor y más leal escudero que jamás sirvió a caballero andante; y si mi señor don Quijote, obligado de mis muchos y buenos servicios, quisiere darme alguna ínsula de las muchas que su merced dice que se ha de topar por ahí, recibiré mucha merced en ello; y cuando no me la diere, nacido soy, y no ha de vivir el hombre en hoto de otro sino de Dios; y más, que tan bien, y aun quizá mejor, me sabrá el pan desgobernado que siendo gobernador; y ¿sé yo por ventura si en esos gobiernos me tiene aparejada el diablo alguna zancadilla donde tropiece y caiga y me haga las muelas? Sancho nací, y Sancho pienso morir; pero si con todo esto, de buenas a buenas, sin mucha solicitud y sin mucho riesgo, me deparase el cielo alguna ínsula, o otra cosa semejante, no soy tan necio que la desechase; que también se dice: "Cuando te dieren la vaquilla, corre con la soguilla"; y "Cuando viene el bien, mételo en tu casa". — Vos, hermano Sancho —dijo Carrasco—, habéis hablado como un catedrático; pero, con todo eso, confiad en Dios y en el señor don Quijote, que os ha de dar un reino, no que una ínsula. — Tanto es lo de más como lo de menos —respondió Sancho—; aunque sé decir al señor Carrasco que no echara mi señor el reino que me diera en saco roto, que yo he tomado el pulso a mí mismo, y me hallo con salud para regir reinos y gobernar ínsulas, y esto ya otras veces lo he dicho a mi señor. — Mirad, Sancho —dijo Sansón—, que los oficios mudan las costumbres, y podría ser que viéndoos gobernador no conociésedes a la madre que os parió. — Eso allá se ha de entender —respondió Sancho— con los que nacieron en las malvas, y no con los que tienen sobre el alma cuatro dedos de enjundia de cristianos viejos, como yo los tengo. ¡No, sino llegaos a mi condición, que sabrá usar de desagradecimiento con alguno! — Dios lo haga —dijo don Quijote—, y ello dirá cuando el gobierno venga; que ya me parece que le trayo entre los ojos. Dicho esto, rogó al bachiller que, si era poeta, le hiciese merced de componerle unos versos que tratasen de la despedida que pensaba hacer de su señora Dulcinea del Toboso, y que advirtiese que en el principio de cada verso había de poner una letra de su nombre, de manera que al fin de los versos, juntando las primeras letras, se leyese: Dulcinea del Toboso. El bachiller respondió que, puesto que él no era de los famosos poetas que había en España, que decían que no eran sino tres y medio, que no dejaría de componer los tales metros, aunque hallaba una dificultad grande en su composición, a causa que las letras que contenían el nombre eran diez y siete; y que si hacía cuatro castellanas de a cuatro versos, sobrara una letra; y si de a cinco, a quien llaman décimas o redondillas, faltaban tres letras; pero, con todo eso, procuraría embeber una letra lo mejor que pudiese, de manera que en las cuatro castellanas se incluyese el nombre de Dulcinea del Toboso. — Ha de ser así en todo caso —dijo don Quijote—; que si allí no va el nombre patente y de manifiesto, no hay mujer que crea que para ella se hicieron los metros. Quedaron en esto y en que la partida sería de allí a ocho días. Encargó don Quijote al bachiller la tuviese secreta, especialmente al cura y a maese Nicolás, y a su sobrina y al ama, porque no estorbasen su honrada y valerosa determinación. Todo lo prometió Carrasco. Con esto se despidió, encargando a don Quijote que de todos sus buenos o malos sucesos le avisase, habiendo comodidad; y así, se despidieron, y Sancho fue a poner en orden lo necesario para su jornada. Capítulo V. De la discreta y graciosa plática que pasó entre Sancho Panza y su mujer Teresa Panza, y otros sucesos dignos de felice recordación (Llegando a escribir el traductor desta historia este quinto capítulo, dice que le tiene por apócrifo, porque en él habla Sancho Panza con otro estilo del que se podía prometer de su corto ingenio, y dice cosas tan sutiles, que no tiene por posible que él las supiese; pero que no quiso dejar de traducirlo, por cumplir con lo que a su oficio debía; y así, prosiguió diciendo:) Llegó Sancho a su casa tan regocijado y alegre, que su mujer conoció su alegría a tiro de ballesta; tanto, que la obligó a preguntarle: — ¿Qué traés, Sancho amigo, que tan alegre venís? A lo que él respondió: — Mujer mía, si Dios quisiera, bien me holgara yo de no estar tan contento como muestro. — No os entiendo, marido —replicó ella—, y no sé qué queréis decir en eso de que os holgáredes, si Dios quisiera, de no estar contento; que, maguer tonta, no sé yo quién recibe gusto de no tenerle. — Mirad, Teresa —respondió Sancho—: yo estoy alegre porque tengo determinado de volver a servir a mi amo don Quijote, el cual quiere la vez tercera salir a buscar las aventuras; y yo vuelvo a salir con él, porque lo quiere así mi necesidad, junto con la esperanza, que me alegra, de pensar si podré hallar otros cien escudos como los ya gastados, puesto que me entristece el haberme de apartar de ti y de mis hijos; y si Dios quisiera darme de comer a pie enjuto y en mi casa, sin traerme por vericuetos y encrucijadas, pues lo podía hacer a poca costa y no más de quererlo, claro está que mi alegría fuera más firme y valedera, pues que la que tengo va mezclada con la tristeza del dejarte; así que, dije bien que holgara, si Dios quisiera, de no estar contento. — Mirad, Sancho —replicó Teresa—: después que os hicistes miembro de caballero andante habláis de tan rodeada manera, que no hay quien os entienda. — Basta que me entienda Dios, mujer —respondió Sancho—, que Él es el entendedor de todas las cosas, y quédese esto aquí; y advertid, hermana, que os conviene tener cuenta estos tres días con el rucio, de manera que esté para armas tomar: dobladle los piensos, requerid la albarda y las demás jarcias, porque no vamos a bodas, sino a rodear el mundo, y a tener dares y tomares con gigantes, con endriagos y con vestiglos, y a oír silbos, rugidos, bramidos y baladros; y aun todo esto fuera flores de cantueso si no tuviéramos que entender con yangüeses y con moros encantados. — Bien creo yo, marido —replicó Teresa—, que los escuderos andantes no comen el pan de balde; y así, quedaré rogando a Nuestro Señor os saque presto de tanta mala ventura. — Yo os digo, mujer —respondió Sancho—, que si no pensase antes de mucho tiempo verme gobernador de una ínsula, aquí me caería muerto. — Eso no, marido mío —dijo Teresa—: viva la gallina, aunque sea con su pepita; vivid vos, y llévese el diablo cuantos gobiernos hay en el mundo; sin gobierno salistes del vientre de vuestra madre, sin gobierno habéis vivido hasta ahora, y sin gobierno os iréis, o os llevarán, a la sepultura cuando Dios fuere servido. Como ésos hay en el mundo que viven sin gobierno, y no por eso dejan de vivir y de ser contados en el número de las gentes. La mejor salsa del mundo es la hambre; y como ésta no falta a los pobres, siempre comen con gusto. Pero mirad, Sancho: si por ventura os viéredes con algún gobierno, no os olvidéis de mí y de vuestros hijos. Advertid que Sanchico tiene ya quince años cabales, y es razón que vaya a la escuela, si es que su tío el abad le ha de dejar hecho de la Iglesia. Mirad también que Mari Sancha, vuestra hija, no se morirá si la casamos; que me va dando barruntos que desea tanto tener marido como vos deseáis veros con gobierno; y, en fin en fin, mejor parece la hija mal casada que bien abarraganada. — A buena fe —respondió Sancho— que si Dios me llega a tener algo qué de gobierno, que tengo de casar, mujer mía, a Mari Sancha tan altamente que no la alcancen sino con llamarla señora. — Eso no, Sancho —respondió Teresa—: casadla con su igual, que es lo más acertado; que si de los zuecos la sacáis a chapines, y de saya parda de catorceno a verdugado y saboyanas de seda, y de una Marica y un tú a una doña tal y señoría, no se ha de hallar la mochacha, y a cada paso ha de caer en mil faltas, descubriendo la hilaza de su tela basta y grosera. — Calla, boba —dijo Sancho—, que todo será usarlo dos o tres años; que después le vendrá el señorío y la gravedad como de molde; y cuando no, ¿qué importa? Séase ella señoría, y venga lo que viniere. — Medíos, Sancho, con vuestro estado —respondió Teresa—; no os queráis alzar a mayores, y advertid al refrán que dice: "Al hijo de tu vecino, límpiale las narices y métele en tu casa". ¡Por cierto, que sería gentil cosa casar a nuestra María con un condazo, o con caballerote que, cuando se le antojase, la pusiese como nueva, llamándola de villana, hija del destripaterrones y de la pelarruecas! ¡No en mis días, marido! ¡Para eso, por cierto, he criado yo a mi hija! Traed vos dineros, Sancho, y el casarla dejadlo a mi cargo; que ahí está Lope Tocho, el hijo de Juan Tocho, mozo rollizo y sano, y que le conocemos, y sé que no mira de mal ojo a la mochacha; y con éste, que es nuestro igual, estará bien casada, y le tendremos siempre a nuestros ojos, y seremos todos unos, padres y hijos, nietos y yernos, y andará la paz y la bendición de Dios entre todos nosotros; y no casármela vos ahora en esas cortes y en esos palacios grandes, adonde ni a ella la entiendan, ni ella se entienda. — Ven acá, bestia y mujer de Barrabás —replicó Sancho—: ¿por qué quieres tú ahora, sin qué ni para qué, estorbarme que no case a mi hija con quien me dé nietos que se llamen señoría? Mira, Teresa: siempre he oído decir a mis mayores que el que no sabe gozar de la ventura cuando le viene, que no se debe quejar si se le pasa. Y no sería bien que ahora, que está llamando a nuestra puerta, se la cerremos; dejémonos llevar deste viento favorable que nos sopla. (Por este modo de hablar, y por lo que más abajo dice Sancho, dijo el tradutor desta historia que tenía por apócrifo este capítulo.) — ¿No te parece, animalia —prosiguió Sancho—, que será bien dar con mi cuerpo en algún gobierno provechoso que nos saque el pie del lodo? Y cásese a Mari Sancha con quien yo quisiere, y verás cómo te llaman a ti doña Teresa Panza, y te sientas en la iglesia sobre alcatifa, almohadas y arambeles, a pesar y despecho de las hidalgas del pueblo. ¡No, sino estaos siempre en un ser, sin crecer ni menguar, como figura de paramento! Y en esto no hablemos más, que Sanchica ha de ser condesa, aunque tú más me digas. — ¿Veis cuanto decís, marido? —respondió Teresa—. Pues, con todo eso, temo que este condado de mi hija ha de ser su perdición. Vos haced lo que quisiéredes, ora la hagáis duquesa o princesa, pero séos decir que no será ello con voluntad ni consentimiento mío. Siempre, hermano, fui amiga de la igualdad, y no puedo ver entonos sin fundamentos. Teresa me pusieron en el bautismo, nombre mondo y escueto, sin añadiduras ni cortapisas, ni arrequives de dones ni donas; Cascajo se llamó mi padre, y a mí, por ser vuestra mujer, me llaman Teresa Panza, que a buena razón me habían de llamar Teresa Cascajo. Pero allá van reyes do quieren leyes, y con este nombre me contento, sin que me le pongan un don encima, que pese tanto que no le pueda llevar, y no quiero dar que decir a los que me vieren andar vestida a lo condesil o a lo de gobernadora, que luego dirán: ''¡Mirad qué entonada va la pazpuerca!; ayer no se hartaba de estirar de un copo de estopa, y iba a misa cubierta la cabeza con la falda de la saya, en lugar de manto, y ya hoy va con verdugado, con broches y con entono, como si no la conociésemos''. Si Dios me guarda mis siete, o mis cinco sentidos, o los que tengo, no pienso dar ocasión de verme en tal aprieto. Vos, hermano, idos a ser gobierno o ínsulo, y entonaos a vuestro gusto; que mi hija ni yo, por el siglo de mi madre, que no nos hemos de mudar un paso de nuestra aldea: la mujer honrada, la pierna quebrada, y en casa; y la doncella honesta, el hacer algo es su fiesta. Idos con vuestro don Quijote a vuestras aventuras, y dejadnos a nosotras con nuestras malas venturas, que Dios nos las mejorará como seamos buenas; y yo no sé, por cierto, quién le puso a él don, que no tuvieron sus padres ni sus agüelos. — Ahora digo —replicó Sancho— que tienes algún familiar en ese cuerpo. ¡Válate Dios, la mujer, y qué de cosas has ensartado unas en otras, sin tener pies ni cabeza! ¿Qué tiene que ver el Cascajo, los broches, los refranes y el entono con lo que yo digo? Ven acá, mentecata e ignorante (que así te puedo llamar, pues no entiendes mis razones y vas huyendo de la dicha): si yo dijera que mi hija se arrojara de una torre abajo, o que se fuera por esos mundos, como se quiso ir la infanta doña Urraca, tenías razón de no venir con mi gusto; pero si en dos paletas, y en menos de un abrir y cerrar de ojos, te la chanto un don y una señoría a cuestas, y te la saco de los rastrojos, y te la pongo en toldo y en peana, y en un estrado de más almohadas de velludo que tuvieron moros en su linaje los Almohadas de Marruecos, ¿por qué no has de consentir y querer lo que yo quiero? — ¿Sabéis por qué, marido? —respondió Teresa—; por el refrán que dice: "¡Quien te cubre, te descubre!" Por el pobre todos pasan los ojos como de corrida, y en el rico los detienen; y si el tal rico fue un tiempo pobre, allí es el murmurar y el maldecir, y el peor perseverar de los maldicientes, que los hay por esas calles a montones, como enjambres de abejas. — Mira, Teresa —respondió Sancho—, y escucha lo que agora quiero decirte; quizá no lo habrás oído en todos los días de tu vida, y yo agora no hablo de mío; que todo lo que pienso decir son sentencias del padre predicador que la Cuaresma pasada predicó en este pueblo, el cual, si mal no me acuerdo, dijo que todas las cosas presentes que los ojos están mirando se presentan, están y asisten en nuestra memoria mucho mejor y con más vehemencia que las cosas pasadas. (Todas estas razones que aquí va diciendo Sancho son las segundas por quien dice el tradutor que tiene por apócrifo este capítulo, que exceden a la capacidad de Sancho. El cual prosiguió diciendo:) — De donde nace que, cuando vemos alguna persona bien aderezada, y con ricos vestidos compuesta, y con pompa de criados, parece que por fuerza nos mueve y convida a que la tengamos respeto, puesto que la memoria en aquel instante nos represente alguna bajeza en que vimos a la tal persona; la cual inominia, ahora sea de pobreza o de linaje, como ya pasó, no es, y sólo es lo que vemos presente. Y si éste a quien la fortuna sacó del borrador de su bajeza (que por estas mesmas razones lo dijo el padre) a la alteza de su prosperidad, fuere bien criado, liberal y cortés con todos, y no se pusiere en cuentos con aquellos que por antigüedad son nobles, ten por cierto, Teresa, que no habrá quien se acuerde de lo que fue, sino que reverencien lo que es, si no fueren los invidiosos, de quien ninguna próspera fortuna está segura. — Yo no os entiendo, marido —replicó Teresa—: haced lo que quisiéredes, y no me quebréis más la cabeza con vuestras arengas y retóricas. Y si estáis revuelto en hacer lo que decís... — Resuelto has de decir, mujer —dijo Sancho—, y no revuelto. — No os pongáis a disputar, marido, conmigo —respondió Teresa—. Yo hablo como Dios es servido, y no me meto en más dibujos; y digo que si estáis porfiando en tener gobierno, que llevéis con vos a vuestro hijo Sancho, para que desde agora le enseñéis a tener gobierno, que bien es que los hijos hereden y aprendan los oficios de sus padres. — En teniendo gobierno —dijo Sancho—, enviaré por él por la posta, y te enviaré dineros, que no me faltarán, pues nunca falta quien se los preste a los gobernadores cuando no los tienen; y vístele de modo que disimule lo que es y parezca lo que ha de ser. — Enviad vos dinero —dijo Teresa—, que yo os lo vistiré como un palmito. — En efecto, quedamos de acuerdo —dijo Sancho— de que ha de ser condesa nuestra hija. — El día que yo la viere condesa —respondió Teresa—, ése haré cuenta que la entierro, pero otra vez os digo que hagáis lo que os diere gusto, que con esta carga nacemos las mujeres, de estar obedientes a sus maridos, aunque sean unos porros. Y, en esto, comenzó a llorar tan de veras como si ya viera muerta y enterrada a Sanchica. Sancho la consoló diciéndole que, ya que la hubiese de hacer condesa, la haría todo lo más tarde que ser pudiese. Con esto se acabó su plática, y Sancho volvió a ver a don Quijote para dar orden en su partida. Capítulo VI. De lo que le pasó a Don Quijote con su sobrina y con su ama, y es uno de los importantes capítulos de toda la historia En tanto que Sancho Panza y su mujer Teresa Cascajo pasaron la impertinente referida plática, no estaban ociosas la sobrina y el ama de don Quijote, que por mil señales iban coligiendo que su tío y señor quería desgarrarse la vez tercera, y volver al ejercicio de su, para ellas, mal andante caballería: procuraban por todas las vías posibles apartarle de tan mal pensamiento, pero todo era predicar en desierto y majar en hierro frío. Con todo esto, entre otras muchas razones que con él pasaron, le dijo el ama: — En verdad, señor mío, que si vuesa merced no afirma el pie llano y se está quedo en su casa, y se deja de andar por los montes y por los valles como ánima en pena, buscando esas que dicen que se llaman aventuras, a quien yo llamo desdichas, que me tengo de quejar en voz y en grita a Dios y al rey, que pongan remedio en ello. A lo que respondió don Quijote: — Ama, lo que Dios responderá a tus quejas yo no lo sé, ni lo que ha de responder Su Majestad tampoco, y sólo sé que si yo fuera rey, me escusara de responder a tanta infinidad de memoriales impertinentes como cada día le dan; que uno de los mayores trabajos que los reyes tienen, entre otros muchos, es el estar obligados a escuchar a todos y a responder a todos; y así, no querría yo que cosas mías le diesen pesadumbre. A lo que dijo el ama: — Díganos, señor: en la corte de Su Majestad, ¿no hay caballeros? — Sí —respondió don Quijote—, y muchos; y es razón que los haya, para adorno de la grandeza de los príncipes y para ostentación de la majestad real. — Pues, ¿no sería vuesa merced —replicó ella— uno de los que a pie quedo sirviesen a su rey y señor, estándose en la corte? — Mira, amiga —respondió don Quijote—: no todos los caballeros pueden ser cortesanos, ni todos los cortesanos pueden ni deben ser caballeros andantes: de todos ha de haber en el mundo; y, aunque todos seamos caballeros, va mucha diferencia de los unos a los otros; porque los cortesanos, sin salir de sus aposentos ni de los umbrales de la corte, se pasean por todo el mundo, mirando un mapa, sin costarles blanca, ni padecer calor ni frío, hambre ni sed; pero nosotros, los caballeros andantes verdaderos, al sol, al frío, al aire, a las inclemencias del cielo, de noche y de día, a pie y a caballo, medimos toda la tierra con nuestros mismos pies; y no solamente conocemos los enemigos pintados, sino en su mismo ser, y en todo trance y en toda ocasión los acometemos, sin mirar en niñerías, ni en las leyes de los desafíos; si lleva, o no lleva, más corta la lanza, o la espada; si trae sobre sí reliquias, o algún engaño encubierto; si se ha de partir y hacer tajadas el sol, o no, con otras ceremonias deste jaez, que se usan en los desafíos particulares de persona a persona, que tú no sabes y yo sí. Y has de saber más: que el buen caballero andante, aunque vea diez gigantes que con las cabezas no sólo tocan, sino pasan las nubes, y que a cada uno le sirven de piernas dos grandísimas torres, y que los brazos semejan árboles de gruesos y poderosos navíos, y cada ojo como una gran rueda de molino y más ardiendo que un horno de vidrio, no le han de espantar en manera alguna; antes con gentil continente y con intrépido corazón los ha de acometer y embestir, y, si fuere posible, vencerlos y desbaratarlos en un pequeño instante, aunque viniesen armados de unas conchas de un cierto pescado que dicen que son más duras que si fuesen de diamantes, y en lugar de espadas trujesen cuchillos tajantes de damasquino acero, o porras ferradas con puntas asimismo de acero, como yo las he visto más de dos veces. Todo esto he dicho, ama mía, porque veas la diferencia que hay de unos caballeros a otros; y sería razón que no hubiese príncipe que no estimase en más esta segunda, o, por mejor decir, primera especie de caballeros andantes, que, según leemos en sus historias, tal ha habido entre ellos que ha sido la salud no sólo de un reino, sino de muchos. — ¡Ah, señor mío! —dijo a esta sazón la sobrina—; advierta vuestra merced que todo eso que dice de los caballeros andantes es fábula y mentira, y sus historias, ya que no las quemasen, merecían que a cada una se le echase un sambenito, o alguna señal en que fuese conocida por infame y por gastadora de las buenas costumbres. — Por el Dios que me sustenta —dijo don Quijote—, que si no fueras mi sobrina derechamente, como hija de mi misma hermana, que había de hacer un tal castigo en ti, por la blasfemia que has dicho, que sonara por todo el mundo. ¿Cómo que es posible que una rapaza que apenas sabe menear doce palillos de randas se atreva a poner lengua y a censurar las historias de los caballeros andantes? ¿Qué dijera el señor Amadís si lo tal oyera? Pero a buen seguro que él te perdonara, porque fue el más humilde y cortés caballero de su tiempo, y, demás, grande amparador de las doncellas; mas, tal te pudiera haber oído que no te fuera bien dello, que no todos son corteses ni bien mirados: algunos hay follones y descomedidos. Ni todos los que se llaman caballeros lo son de todo en todo: que unos son de oro, otros de alquimia, y todos parecen caballeros, pero no todos pueden estar al toque de la piedra de la verdad. Hombres bajos hay que revientan por parecer caballeros, y caballeros altos hay que parece que aposta mueren por parecer hombres bajos; aquéllos se llevantan o con la ambición o con la virtud, éstos se abajan o con la flojedad o con el vicio; y es menester aprovecharnos del conocimiento discreto para distinguir estas dos maneras de caballeros, tan parecidos en los nombres y tan distantes en las acciones. — ¡Válame Dios! —dijo la sobrina—. ¡Que sepa vuestra merced tanto, señor tío, que, si fuese menester en una necesidad, podría subir en un púlpito e irse a predicar por esas calles, y que, con todo esto, dé en una ceguera tan grande y en una sandez tan conocida, que se dé a entender que es valiente, siendo viejo, que tiene fuerzas, estando enfermo, y que endereza tuertos, estando por la edad agobiado, y, sobre todo, que es caballero, no lo siendo; porque, aunque lo puedan ser los hidalgos, no lo son los pobres! — Tienes mucha razón, sobrina, en lo que dices —respondió don Quijote—, y cosas te pudiera yo decir cerca de los linajes, que te admiraran; pero, por no mezclar lo divino con lo humano, no las digo. Mirad, amigas: a cuatro suertes de linajes, y estadme atentas, se pueden reducir todos los que hay en el mundo, que son éstas: unos, que tuvieron principios humildes, y se fueron estendiendo y dilatando hasta llegar a una suma grandeza; otros, que tuvieron principios grandes, y los fueron conservando y los conservan y mantienen en el ser que comenzaron; otros, que, aunque tuvieron principios grandes, acabaron en punta, como pirámide, habiendo diminuido y aniquilado su principio hasta parar en nonada, como lo es la punta de la pirámide, que respeto de su basa o asiento no es nada; otros hay, y éstos son los más, que ni tuvieron principio bueno ni razonable medio, y así tendrán el fin, sin nombre, como el linaje de la gente plebeya y ordinaria. De los primeros, que tuvieron principio humilde y subieron a la grandeza que agora conservan, te sirva de ejemplo la Casa Otomana, que, de un humilde y bajo pastor que le dio principio, está en la cumbre que le vemos. Del segundo linaje, que tuvo principio en grandeza y la conserva sin aumentarla, serán ejemplo muchos príncipes que por herencia lo son, y se conservan en ella, sin aumentarla ni diminuirla, conteniéndose en los límites de sus estados pacíficamente. De los que comenzaron grandes y acabaron en punta hay millares de ejemplos, porque todos los Faraones y Tolomeos de Egipto, los Césares de Roma, con toda la caterva, si es que se le puede dar este nombre, de infinitos príncipes, monarcas, señores, medos, asirios, persas, griegos y bárbaros, todos estos linajes y señoríos han acabado en punta y en nonada, así ellos como los que les dieron principio, pues no será posible hallar agora ninguno de sus decendientes, y si le hallásemos, sería en bajo y humilde estado. Del linaje plebeyo no tengo qué decir, sino que sirve sólo de acrecentar el número de los que viven, sin que merezcan otra fama ni otro elogio sus grandezas. De todo lo dicho quiero que infiráis, bobas mías, que es grande la confusión que hay entre los linajes, y que solos aquéllos parecen grandes y ilustres que lo muestran en la virtud, y en la riqueza y liberalidad de sus dueños. Dije virtudes, riquezas y liberalidades, porque el grande que fuere vicioso será vicioso grande, y el rico no liberal será un avaro mendigo; que al poseedor de las riquezas no le hace dichoso el tenerlas, sino el gastarlas, y no el gastarlas comoquiera, sino el saberlas bien gastar. Al caballero pobre no le queda otro camino para mostrar que es caballero sino el de la virtud, siendo afable, bien criado, cortés y comedido, y oficioso; no soberbio, no arrogante, no murmurador, y, sobre todo, caritativo; que con dos maravedís que con ánimo alegre dé al pobre se mostrará tan liberal como el que a campana herida da limosna, y no habrá quien le vea adornado de las referidas virtudes que, aunque no le conozca, deje de juzgarle y tenerle por de buena casta, y el no serlo sería milagro; y siempre la alabanza fue premio de la virtud, y los virtuosos no pueden dejar de ser alabados. Dos caminos hay, hijas, por donde pueden ir los hombres a llegar a ser ricos y honrados: el uno es el de las letras; otro, el de las armas. Yo tengo más armas que letras, y nací, según me inclino a las armas, debajo de la influencia del planeta Marte; así que, casi me es forzoso seguir por su camino, y por él tengo de ir a pesar de todo el mundo, y será en balde cansaros en persuadirme a que no quiera yo lo que los cielos quieren, la fortuna ordena y la razón pide, y, sobre todo, mi voluntad desea. Pues con saber, como sé, los innumerables trabajos que son anejos al andante caballería, sé también los infinitos bienes que se alcanzan con ella; y sé que la senda de la virtud es muy estrecha, y el camino del vicio, ancho y espacioso; y sé que sus fines y paraderos son diferentes, porque el del vicio, dilatado y espacioso, acaba en la muerte, y el de la virtud, angosto y trabajoso, acaba en vida, y no en vida que se acaba, sino en la que no tendrá fin; y sé, como dice el gran poeta castellano nuestro, que Por estas asperezas se camina de la inmortalidad al alto asiento, do nunca arriba quien de allí declina. — ¡Ay, desdichada de mí —dijo la sobrina—, que también mi señor es poeta!. Todo lo sabe, todo lo alcanza: yo apostaré que si quisiera ser albañil, que supiera fabricar una casa como una jaula. Yo te prometo, sobrina —respondió don Quijote—, que si estos pensamientos caballerescos no me llevasen tras sí todos los sentidos, que no habría cosa que yo no hiciese, ni curiosidad que no saliese de mis manos, especialmente jaulas y palillos de dientes. A este tiempo, llamaron a la puerta, y, preguntando quién llamaba, respondió Sancho Panza que él era; y, apenas le hubo conocido el ama, cuando corrió a esconderse por no verle: tanto le aborrecía. Abrióle la sobrina, salió a recebirle con los brazos abiertos su señor don Quijote, y encerráronse los dos en su aposento, donde tuvieron otro coloquio, que no le hace ventaja el pasado. Capítulo VII. De lo que pasó don Quijote con su escudero, con otros sucesos famosísimos Apenas vio el ama que Sancho Panza se encerraba con su señor, cuando dio en la cuenta de sus tratos; y, imaginando que de aquella consulta había de salir la resolución de su tercera salida y tomando su manto, toda llena de congoja y pesadumbre, se fue a buscar al bachiller Sansón Carrasco, pareciéndole que, por ser bien hablado y amigo fresco de su señor, le podría persuadir a que dejase tan desvariado propósito. Hallóle paseándose por el patio de su casa, y, viéndole, se dejó caer ante sus pies, trasudando y congojosa. Cuando la vio Carrasco con muestras tan doloridas y sobresaltadas, le dijo: — ¿Qué es esto, señora ama? ¿Qué le ha acontecido, que parece que se le quiere arrancar el alma? — No es nada, señor Sansón mío, sino que mi amo se sale; ¡sálese sin duda! — Y ¿por dónde se sale, señora? —preguntó Sansón—. ¿Hásele roto alguna parte de su cuerpo? — No se sale —respondió ella—, sino por la puerta de su locura. Quiero decir, señor bachiller de mi ánima, que quiere salir otra vez, que con ésta será la tercera, a buscar por ese mundo lo que él llama venturas, que yo no puedo entender cómo les da este nombre. La vez primera nos le volvieron atravesado sobre un jumento, molido a palos. La segunda vino en un carro de bueyes, metido y encerrado en una jaula, adonde él se daba a entender que estaba encantado; y venía tal el triste, que no le conociera la madre que le parió: flaco, amarillo, los ojos hundidos en los últimos camaranchones del celebro, que, para haberle de volver algún tanto en sí, gasté más de seiscientos huevos, como lo sabe Dios y todo el mundo, y mis gallinas, que no me dejaran mentir. — Eso creo yo muy bien —respondió el bachiller—; que ellas son tan buenas, tan gordas y tan bien criadas, que no dirán una cosa por otra, si reventasen. En efecto, señora ama: ¿no hay otra cosa, ni ha sucedido otro desmán alguno, sino el que se teme que quiere hacer el señor don Quijote? — No, señor —respondió ella. — Pues no tenga pena —respondió el bachiller—, sino váyase en hora buena a su casa, y téngame aderezado de almorzar alguna cosa caliente, y, de camino, vaya rezando la oración de Santa Apolonia si es que la sabe, que yo iré luego allá, y verá maravillas. — ¡Cuitada de mí! —replicó el ama—; ¿la oración de Santa Apolonia dice vuestra merced que rece?: eso fuera si mi amo lo hubiera de las muelas, pero no lo ha sino de los cascos. — Yo sé lo que digo, señora ama: váyase y no se ponga a disputar conmigo, pues sabe que soy bachiller por Salamanca, que no hay más que bachillear — respondió Carrasco. Y con esto, se fue el ama, y el bachiller fue luego a buscar al cura, a comunicar con él lo que se dirá a su tiempo. En el que estuvieron encerrados don Quijote y Sancho, pasaron las razones que con mucha puntualidad y verdadera relación cuenta la historia. Dijo Sancho a su amo: — Señor, ya yo tengo relucida a mi mujer a que me deje ir con vuestra merced adonde quisiere llevarme. — Reducida has de decir, Sancho —dijo don Quijote—, que no relucida. — Una o dos veces —respondió Sancho—, si mal no me acuerdo, he suplicado a vuestra merced que no me emiende los vocablos, si es que entiende lo que quiero decir en ellos, y que, cuando no los entienda, diga: ''Sancho, o diablo, no te entiendo''; y si yo no me declarare, entonces podrá emendarme; que yo soy tan fócil... — No te entiendo, Sancho —dijo luego don Quijote—, pues no sé qué quiere decir soy tan fócil. — Tan fócil quiere decir —respondió Sancho— soy tan así. — Menos te entiendo agora —replicó don Quijote. — Pues si no me puede entender —respondió Sancho—, no sé cómo lo diga: no sé más, y Dios sea conmigo. — Ya, ya caigo —respondió don Quijote— en ello: tú quieres decir que eres tan dócil, blando y mañero que tomarás lo que yo te dijere, y pasarás por lo que te enseñare. — Apostaré yo —dijo Sancho— que desde el emprincipio me caló y me entendió, sino que quiso turbarme por oírme decir otras docientas patochadas. — Podrá ser —replicó don Quijote—. Y, en efecto, ¿qué dice Teresa? — Teresa dice —dijo Sancho— que ate bien mi dedo con vuestra merced, y que hablen cartas y callen barbas, porque quien destaja no baraja, pues más vale un toma que dos te daré. Y yo digo que el consejo de la mujer es poco, y el que no le toma es loco. — Y yo lo digo también —respondió don Quijote—. Decid, Sancho amigo; pasá adelante, que habláis hoy de perlas. — Es el caso —replicó Sancho— que, como vuestra merced mejor sabe, todos estamos sujetos a la muerte, y que hoy somos y mañana no, y que tan presto se va el cordero como el carnero, y que nadie puede prometerse en este mundo más horas de vida de las que Dios quisiere darle, porque la muerte es sorda, y, cuando llega a llamar a las puertas de nuestra vida, siempre va depriesa y no la harán detener ni ruegos, ni fuerzas, ni ceptros, ni mitras, según es pública voz y fama, y según nos lo dicen por esos púlpitos. — Todo eso es verdad —dijo don Quijote—, pero no sé dónde vas a parar. — Voy a parar —dijo Sancho— en que vuesa merced me señale salario conocido de lo que me ha de dar cada mes el tiempo que le sirviere, y que el tal salario se me pague de su hacienda; que no quiero estar a mercedes, que llegan tarde, o mal, o nunca; con lo mío me ayude Dios. En fin, yo quiero saber lo que gano, poco o mucho que sea, que sobre un huevo pone la gallina, y muchos pocos hacen un mucho, y mientras se gana algo no se pierde nada. Verdad sea que si sucediese, lo cual ni lo creo ni lo espero, que vuesa merced me diese la ínsula que me tiene prometida, no soy tan ingrato, ni llevo las cosas tan por los cabos, que no querré que se aprecie lo que montare la renta de la tal ínsula, y se descuente de mi salario gata por cantidad. — Sancho amigo —respondió don Quijote—, a las veces, tan buena suele ser una gata como una rata. — Ya entiendo —dijo Sancho—: yo apostaré que había de decir rata, y no gata; pero no importa nada, pues vuesa merced me ha entendido. — Y tan entendido —respondió don Quijote— que he penetrado lo último de tus pensamientos, y sé al blanco que tiras con las inumerables saetas de tus refranes. Mira, Sancho: yo bien te señalaría salario, si hubiera hallado en alguna de las historias de los caballeros andantes ejemplo que me descubriese y mostrase, por algún pequeño resquicio, qué es lo que solían ganar cada mes, o cada año; pero yo he leído todas o las más de sus historias, y no me acuerdo haber leído que ningún caballero andante haya señalado conocido salario a su escudero. Sólo sé que todos servían a merced, y que, cuando menos se lo pensaban, si a sus señores les había corrido bien la suerte, se hallaban premiados con una ínsula, o con otra cosa equivalente, y, por lo menos, quedaban con título y señoría. Si con estas esperanzas y aditamentos vos, Sancho, gustáis de volver a servirme, sea en buena hora: que pensar que yo he de sacar de sus términos y quicios la antigua usanza de la caballería andante es pensar en lo escusado. Así que, Sancho mío, volveos a vuestra casa, y declarad a vuestra Teresa mi intención; y si ella gustare y vos gustáredes de estar a merced conmigo, bene quidem; y si no, tan amigos como de antes; que si al palomar no le falta cebo, no le faltarán palomas. Y advertid, hijo, que vale más buena esperanza que ruin posesión, y buena queja que mala paga. Hablo de esta manera, Sancho, por daros a entender que también como vos sé yo arrojar refranes como llovidos. Y, finalmente, quiero decir, y os digo, que si no queréis venir a merced conmigo y correr la suerte que yo corriere, que Dios quede con vos y os haga un santo; que a mí no me faltarán escuderos más obedientes, más solícitos, y no tan empachados ni tan habladores como vos. Cuando Sancho oyó la firme resolución de su amo se le anubló el cielo y se le cayeron las alas del corazón, porque tenía creído que su señor no se iría sin él por todos los haberes del mundo; y así, estando suspenso y pensativo, entró Sansón Carrasco y la sobrina, deseosos de oír con qué razones persuadía a su señor que no tornarse a buscar las aventuras. Llegó Sansón, socarrón famoso, y, abrazándole como la vez primera y con voz levantada, le dijo: — ¡Oh flor de la andante caballería; oh luz resplandeciente de las armas; oh honor y espejo de la nación española! Plega a Dios todopoderoso, donde más largamente se contiene, que la persona o personas que pusieren impedimento y estorbaren tu tercera salida, que no la hallen en el laberinto de sus deseos, ni jamás se les cumpla lo que mal desearen. Y, volviéndose al ama, le dijo: — Bien puede la señora ama no rezar más la oración de Santa Apolonia, que yo sé que es determinación precisa de las esferas que el señor don Quijote vuelva a ejecutar sus altos y nuevos pensamientos, y yo encargaría mucho mi conciencia si no intimase y persuadiese a este caballero que no tenga más tiempo encogida y detenida la fuerza de su valeroso brazo y la bondad de su ánimo valentísimo, porque defrauda con su tardanza el derecho de los tuertos, el amparo de los huérfanos, la honra de las doncellas, el favor de las viudas y el arrimo de las casadas, y otras cosas deste jaez, que tocan, atañen, dependen y son anejas a la orden de la caballería andante. ¡Ea, señor don Quijote mío, hermoso y bravo, antes hoy que mañana se ponga vuestra merced y su grandeza en camino; y si alguna cosa faltare para ponerle en ejecución, aquí estoy yo para suplirla con mi persona y hacienda; y si fuere necesidad servir a tu magnificencia de escudero, lo tendré a felicísima ventura! A esta sazón, dijo don Quijote, volviéndose a Sancho: — ¿No te dije yo, Sancho, que me habían de sobrar escuderos? Mira quién se ofrece a serlo, sino el inaudito bachiller Sansón Carrasco, perpetuo trastulo y regocijador de los patios de las escuelas salmanticenses, sano de su persona, ágil de sus miembros, callado, sufridor así del calor como del frío, así de la hambre como de la sed, con todas aquellas partes que se requieren para ser escudero de un caballero andante. Pero no permita el cielo que, por seguir mi gusto, desjarrete y quiebre la coluna de las letras y el vaso de las ciencias, y tronque la palma eminente de las buenas y liberales artes. Quédese el nuevo Sansón en su patria, y, honrándola, honre juntamente las canas de sus ancianos padres; que yo con cualquier escudero estaré contento, ya que Sancho no se digna de venir conmigo. — Sí digno —respondió Sancho, enternecido y llenos de lágrimas los ojos; y prosiguió—: No se dirá por mí, señor mío: el pan comido y la compañía deshecha; sí, que no vengo yo de alguna alcurnia desagradecida, que ya sabe todo el mundo, y especialmente mi pueblo, quién fueron los Panzas, de quien yo deciendo, y más, que tengo conocido y calado por muchas buenas obras, y por más buenas palabras, el deseo que vuestra merced tiene de hacerme merced; y si me he puesto en cuentas de tanto más cuanto acerca de mi salario, ha sido por complacer a mi mujer; la cual, cuando toma la mano a persuadir una cosa, no hay mazo que tanto apriete los aros de una cuba como ella aprieta a que se haga lo que quiere; pero, en efeto, el hombre ha de ser hombre, y la mujer, mujer; y, pues yo soy hombre dondequiera, que no lo puedo negar, también lo quiero ser en mi casa, pese a quien pesare; y así, no hay más que hacer, sino que vuestra merced ordene su testamento con su codicilo, en modo que no se pueda revolcar, y pongámonos luego en camino, porque no padezca el alma del señor Sansón, que dice que su conciencia le lita que persuada a vuestra merced a salir vez tercera por ese mundo; y yo de nuevo me ofrezco a servir a vuestra merced fiel y legalmente, tan bien y mejor que cuantos escuderos han servido a caballeros andantes en los pasados y presentes tiempos. Admirado quedó el bachiller de oír el término y modo de hablar de Sancho Panza; que, puesto que había leído la primera historia de su señor, nunca creyó que era tan gracioso como allí le pintan; pero, oyéndole decir ahora testamento y codicilo que no se pueda revolcar, en lugar de testamento y codicilo que no se pueda revocar, creyó todo lo que dél había leído, y confirmólo por uno de los más solenes mentecatos de nuestros siglos; y dijo entre sí que tales dos locos como amo y mozo no se habrían visto en el mundo. Finalmente, don Quijote y Sancho se abrazaron y quedaron amigos, y con parecer y beneplácito del gran Carrasco, que por entonces era su oráculo, se ordenó que de allí a tres días fuese su partida; en los cuales habría lugar de aderezar lo necesario para el viaje, y de buscar una celada de encaje, que en todas maneras dijo don Quijote que la había de llevar. Ofreciósela Sansón, porque sabía no se la negaría un amigo suyo que la tenía, puesto que estaba más escura por el orín y el moho que clara y limpia por el terso acero. Las maldiciones que las dos, ama y sobrina, echaron al bachiller no tuvieron cuento: mesaron sus cabellos, arañaron sus rostros, y, al modo de las endechaderas que se usaban, lamentaban la partida como si fuera la muerte de su señor. El designo que tuvo Sansón, para persuadirle a que otra vez saliese, fue hacer lo que adelante cuenta la historia, todo por consejo del cura y del barbero, con quien él antes lo había comunicado. En resolución, en aquellos tres días don Quijote y Sancho se acomodaron de lo que les pareció convenirles; y, habiendo aplacado Sancho a su mujer, y don Quijote a su sobrina y a su ama, al anochecer, sin que nadie lo viese, sino el bachiller, que quiso acompañarles media legua del lugar, se pusieron en camino del Toboso: don Quijote sobre su buen Rocinante, y Sancho sobre su antiguo rucio, proveídas las alforjas de cosas tocantes a la bucólica, y la bolsa de dineros que le dio don Quijote para lo que se ofreciese. Abrazóle Sansón, y suplicóle le avisase de su buena o mala suerte, para alegrarse con ésta o entristecerse con aquélla, como las leyes de su amistad pedían. Prometióselo don Quijote, dio Sansón la vuelta a su lugar, y los dos tomaron la de la gran ciudad del Toboso. Capítulo VIII. Donde se cuenta lo que le sucedió a don Quijote, yendo a ver su señora Dulcinea del Toboso ''¡Bendito sea el poderoso Alá! —dice Hamete Benengeli al comienzo deste octavo capítulo—. ¡Bendito sea Alá!'', repite tres veces; y dice que da estas bendiciones por ver que tiene ya en campaña a don Quijote y a Sancho, y que los letores de su agradable historia pueden hacer cuenta que desde este punto comienzan las hazañas y donaires de don Quijote y de su escudero; persuádeles que se les olviden las pasadas caballerías del ingenioso hidalgo, y pongan los ojos en las que están por venir, que desde agora en el camino del Toboso comienzan, como las otras comenzaron en los campos de Montiel, y no es mucho lo que pide para tanto como él promete; y así prosigue diciendo: Solos quedaron don Quijote y Sancho, y, apenas se hubo apartado Sansón, cuando comenzó a relinchar Rocinante y a sospirar el rucio, que de entrambos, caballero y escudero, fue tenido a buena señal y por felicísimo agüero; aunque, si se ha de contar la verdad, más fueron los sospiros y rebuznos del rucio que los relinchos del rocín, de donde coligió Sancho que su ventura había de sobrepujar y ponerse encima de la de su señor, fundándose no sé si en astrología judiciaria que él se sabía, puesto que la historia no lo declara; sólo le oyeron decir que, cuando tropezaba o caía, se holgara no haber salido de casa, porque del tropezar o caer no se sacaba otra cosa sino el zapato roto o las costillas quebradas; y, aunque tonto, no andaba en esto muy fuera de camino. Díjole don Quijote: — Sancho amigo, la noche se nos va entrando a más andar, y con más escuridad de la que habíamos menester para alcanzar a ver con el día al Toboso, adonde tengo determinado de ir antes que en otra aventura me ponga, y allí tomaré la bendición y buena licencia de la sin par Dulcinea, con la cual licencia pienso y tengo por cierto de acabar y dar felice cima a toda peligrosa aventura, porque ninguna cosa desta vida hace más valientes a los caballeros andantes que verse favorecidos de sus damas. — Yo así lo creo —respondió Sancho—; pero tengo por dificultoso que vuestra merced pueda hablarla ni verse con ella, en parte, a lo menos, que pueda recebir su bendición, si ya no se la echa desde las bardas del corral, por donde yo la vi la vez primera, cuando le llevé la carta donde iban las nuevas de las sandeces y locuras que vuestra merced quedaba haciendo en el corazón de Sierra Morena. — ¿Bardas de corral se te antojaron aquéllas, Sancho —dijo don Quijote—, adonde o por donde viste aquella jamás bastantemente alabada gentileza y hermosura? No debían de ser sino galerías o corredores, o lonjas, o como las llaman, de ricos y reales palacios. — Todo pudo ser —respondió Sancho—, pero a mí bardas me parecieron, si no es que soy falto de memoria. — Con todo eso, vamos allá, Sancho —replicó don Quijote—, que como yo la vea, eso se me da que sea por bardas que por ventanas, o por resquicios, o verjas de jardines; que cualquier rayo que del sol de su belleza llegue a mis ojos alumbrará mi entendimiento y fortalecerá mi corazón, de modo que quede único y sin igual en la discreción y en la valentía. — Pues en verdad, señor —respondió Sancho—, que cuando yo vi ese sol de la señora Dulcinea del Toboso, que no estaba tan claro, que pudiese echar de sí rayos algunos, y debió de ser que, como su merced estaba ahechando aquel trigo que dije, el mucho polvo que sacaba se le puso como nube ante el rostro y se le escureció. — ¡Que todavía das, Sancho —dijo don Quijote—, en decir, en pensar, en creer y en porfiar que mi señora Dulcinea ahechaba trigo, siendo eso un menester y ejercicio que va desviado de todo lo que hacen y deben hacer las personas principales que están constituidas y guardadas para otros ejercicios y entretenimientos, que muestran a tiro de ballesta su principalidad...! Mal se te acuerdan a ti, ¡oh Sancho!, aquellos versos de nuestro poeta donde nos pinta las labores que hacían allá en sus moradas de cristal aquellas cuatro ninfas que del Tajo amado sacaron las cabezas, y se sentaron a labrar en el prado verde aquellas ricas telas que allí el ingenioso poeta nos describe, que todas eran de oro, sirgo y perlas contestas y tejidas. Y desta manera debía de ser el de mi señora cuando tú la viste; sino que la envidia que algún mal encantador debe de tener a mis cosas, todas las que me han de dar gusto trueca y vuelve en diferentes figuras que ellas tienen; y así, temo que, en aquella historia que dicen que anda impresa de mis hazañas, si por ventura ha sido su autor algún sabio mi enemigo, habrá puesto unas cosas por otras, mezclando con una verdad mil mentiras, divertiéndose a contar otras acciones fuera de lo que requiere la continuación de una verdadera historia. ¡Oh envidia, raíz de infinitos males y carcoma de las virtudes! Todos los vicios, Sancho, traen un no sé qué de deleite consigo, pero el de la envidia no trae sino disgustos, rancores y rabias. — Eso es lo que yo digo también —respondió Sancho—, y pienso que en esa leyenda o historia que nos dijo el bachiller Carrasco que de nosotros había visto debe de andar mi honra a coche acá, cinchado, y, como dicen, al estricote, aquí y allí, barriendo las calles. Pues, a fe de bueno, que no he dicho yo mal de ningún encantador, ni tengo tantos bienes que pueda ser envidiado; bien es verdad que soy algo malicioso, y que tengo mis ciertos asomos de bellaco, pero todo lo cubre y tapa la gran capa de la simpleza mía, siempre natural y nunca artificiosa. Y cuando otra cosa no tuviese sino el creer, como siempre creo, firme y verdaderamente en Dios y en todo aquello que tiene y cree la Santa Iglesia Católica Romana, y el ser enemigo mortal, como lo soy, de los judíos, debían los historiadores tener misericordia de mí y tratarme bien en sus escritos. Pero digan lo que quisieren; que desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; aunque, por verme puesto en libros y andar por ese mundo de mano en mano, no se me da un higo que digan de mí todo lo que quisieren. — Eso me parece, Sancho —dijo don Quijote—, a lo que sucedió a un famoso poeta destos tiempos, el cual, habiendo hecho una maliciosa sátira contra todas las damas cortesanas, no puso ni nombró en ella a una dama que se podía dudar si lo era o no; la cual, viendo que no estaba en la lista de las demás, se quejó al poeta, diciéndole que qué había visto en ella para no ponerla en el número de las otras, y que alargase la sátira, y la pusiese en el ensanche; si no, que mirase para lo que había nacido. Hízolo así el poeta, y púsola cual no digan dueñas, y ella quedó satisfecha, por verse con fama, aunque infame. También viene con esto lo que cuentan de aquel pastor que puso fuego y abrasó el templo famoso de Diana, contado por una de las siete maravillas del mundo, sólo porque quedase vivo su nombre en los siglos venideros; y, aunque se mandó que nadie le nombrase, ni hiciese por palabra o por escrito mención de su nombre, porque no consiguiese el fin de su deseo, todavía se supo que se llamaba Eróstrato. También alude a esto lo que sucedió al grande emperador Carlo Quinto con un caballero en Roma. Quiso ver el emperador aquel famoso templo de la Rotunda, que en la antigüedad se llamó el templo de todos los dioses, y ahora, con mejor vocación, se llama de todos los santos, y es el edificio que más entero ha quedado de los que alzó la gentilidad en Roma, y es el que más conserva la fama de la grandiosidad y magnificencia de sus fundadores: él es de hechura de una media naranja, grandísimo en estremo, y está muy claro, sin entrarle otra luz que la que le concede una ventana, o, por mejor decir, claraboya redonda que está en su cima, desde la cual mirando el emperador el edificio, estaba con él y a su lado un caballero romano, declarándole los primores y sutilezas de aquella gran máquina y memorable arquitetura; y, habiéndose quitado de la claraboya, dijo al emperador: ''Mil veces, Sacra Majestad, me vino deseo de abrazarme con vuestra Majestad y arrojarme de aquella claraboya abajo, por dejar de mí fama eterna en el mundo''. ''Yo os agradezco —respondió el emperador— el no haber puesto tan mal pensamiento en efeto, y de aquí adelante no os pondré yo en ocasión que volváis a hacer prueba de vuestra lealtad; y así, os mando que jamás me habléis, ni estéis donde yo estuviere''. Y, tras estas palabras, le hizo una gran merced. Quiero decir, Sancho, que el deseo de alcanzar fama es activo en gran manera. ¿Quién piensas tú que arrojó a Horacio del puente abajo, armado de todas armas, en la profundidad del Tibre? ¿Quién abrasó el brazo y la mano a Mucio? ¿Quién impelió a Curcio a lanzarse en la profunda sima ardiente que apareció en la mitad de Roma? ¿Quién, contra todos los agüeros que en contra se le habían mostrado, hizo pasar el Rubicón a César? Y, con ejemplos más modernos, ¿quién barrenó los navíos y dejó en seco y aislados los valerosos españoles guiados por el cortesísimo Cortés en el Nuevo Mundo? Todas estas y otras grandes y diferentes hazañas son, fueron y serán obras de la fama, que los mortales desean como premios y parte de la inmortalidad que sus famosos hechos merecen, puesto que los cristianos, católicos y andantes caballeros más habemos de atender a la gloria de los siglos venideros, que es eterna en las regiones etéreas y celestes, que a la vanidad de la fama que en este presente y acabable siglo se alcanza; la cual fama, por mucho que dure, en fin se ha de acabar con el mesmo mundo, que tiene su fin señalado. Así, ¡oh Sancho!, que nuestras obras no han de salir del límite que nos tiene puesto la religión cristiana, que profesamos. Hemos de matar en los gigantes a la soberbia; a la envidia, en la generosidad y buen pecho; a la ira, en el reposado continente y quietud del ánimo; a la gula y al sueño, en el poco comer que comemos y en el mucho velar que velamos; a la lujuria y lascivia, en la lealtad que guardamos a las que hemos hecho señoras de nuestros pensamientos; a la pereza, con andar por todas las partes del mundo, buscando las ocasiones que nos puedan hacer y hagan, sobre cristianos, famosos caballeros. Ves aquí, Sancho, los medios por donde se alcanzan los estremos de alabanzas que consigo trae la buena fama. — Todo lo que vuestra merced hasta aquí me ha dicho —dijo Sancho— lo he entendido muy bien, pero, con todo eso, querría que vuestra merced me sorbiese una duda que agora en este punto me ha venido a la memoria. — Asolviese quieres decir, Sancho —dijo don Quijote—. Di en buen hora, que yo responderé lo que supiere. — Dígame, señor —prosiguió Sancho—: esos Julios o Agostos, y todos esos caballeros hazañosos que ha dicho, que ya son muertos, ¿dónde están agora? — Los gentiles —respondió don Quijote— sin duda están en el infierno; los cristianos, si fueron buenos cristianos, o están en el purgatorio o en el cielo. — Está bien —dijo Sancho—, pero sepamos ahora: esas sepulturas donde están los cuerpos desos señorazos, ¿tienen delante de sí lámparas de plata, o están adornadas las paredes de sus capillas de muletas, de mortajas, de cabelleras, de piernas y de ojos de cera? Y si desto no, ¿de qué están adornadas? A lo que respondió don Quijote: — Los sepulcros de los gentiles fueron por la mayor parte suntuosos templos: las cenizas del cuerpo de Julio César se pusieron sobre una pirámide de piedra de desmesurada grandeza, a quien hoy llaman en Roma La aguja de San Pedro; al emperador Adriano le sirvió de sepultura un castillo tan grande como una buena aldea, a quien llamaron Moles Hadriani, que agora es el castillo de Santángel en Roma; la reina Artemisa sepultó a su marido Mausoleo en un sepulcro que se tuvo por una de las siete maravillas del mundo; pero ninguna destas sepulturas ni otras muchas que tuvieron los gentiles se adornaron con mortajas ni con otras ofrendas y señales que mostrasen ser santos los que en ellas estaban sepultados. — A eso voy —replicó Sancho—. Y dígame agora: ¿cuál es más: resucitar a un muerto, o matar a un gigante? — La respuesta está en la mano —respondió don Quijote—: más es resucitar a un muerto. — Cogido le tengo —dijo Sancho—: luego la fama del que resucita muertos, da vista a los ciegos, endereza los cojos y da salud a los enfermos, y delante de sus sepulturas arden lámparas, y están llenas sus capillas de gentes devotas que de rodillas adoran sus reliquias, mejor fama será, para este y para el otro siglo, que la que dejaron y dejaren cuantos emperadores gentiles y caballeros andantes ha habido en el mundo. — También confieso esa verdad —respondió don Quijote. — Pues esta fama, estas gracias, estas prerrogativas, como llaman a esto — respondió Sancho—, tienen los cuerpos y las reliquias de los santos que, con aprobación y licencia de nuestra santa madre Iglesia, tienen lámparas, velas, mortajas, muletas, pinturas, cabelleras, ojos, piernas, con que aumentan la devoción y engrandecen su cristiana fama. Los cuerpos de los santos o sus reliquias llevan los reyes sobre sus hombros, besan los pedazos de sus huesos, adornan y enriquecen con ellos sus oratorios y sus más preciados altares... — ¿Qué quieres que infiera, Sancho, de todo lo que has dicho? —dijo don Quijote. — Quiero decir —dijo Sancho— que nos demos a ser santos, y alcanzaremos más brevemente la buena fama que pretendemos; y advierta, señor, que ayer o antes de ayer, que, según ha poco se puede decir desta manera, canonizaron o beatificaron dos frailecitos descalzos, cuyas cadenas de hierro con que ceñían y atormentaban sus cuerpos se tiene ahora a gran ventura el besarlas y tocarlas, y están en más veneración que está, según dije, la espada de Roldán en la armería del rey, nuestro señor, que Dios guarde. Así que, señor mío, más vale ser humilde frailecito, de cualquier orden que sea, que valiente y andante caballero; mas alcanzan con Dios dos docenas de diciplinas que dos mil lanzadas, ora las den a gigantes, ora a vestiglos o a endrigos. — Todo eso es así —respondió don Quijote—, pero no todos podemos ser frailes, y muchos son los caminos por donde lleva Dios a los suyos al cielo: religión es la caballería; caballeros santos hay en la gloria. — Sí —respondió Sancho—, pero yo he oído decir que hay más frailes en el cielo que caballeros andantes. — Eso es —respondió don Quijote— porque es mayor el número de los religiosos que el de los caballeros. — Muchos son los andantes —dijo Sancho. — Muchos —respondió don Quijote—, pero pocos los que merecen nombre de caballeros. En estas y otras semejantes pláticas se les pasó aquella noche y el día siguiente, sin acontecerles cosa que de contar fuese, de que no poco le pesó a don Quijote. En fin, otro día, al anochecer, descubrieron la gran ciudad del Toboso, con cuya vista se le alegraron los espíritus a don Quijote y se le entristecieron a Sancho, porque no sabía la casa de Dulcinea, ni en su vida la había visto, como no la había visto su señor; de modo que el uno por verla, y el otro por no haberla visto, estaban alborotados, y no imaginaba Sancho qué había de hacer cuando su dueño le enviase al Toboso. Finalmente, ordenó don Quijote entrar en la ciudad entrada la noche, y, en tanto que la hora se llegaba, se quedaron entre unas encinas que cerca del Toboso estaban, y, llegado el determinado punto, entraron en la ciudad, donde les sucedió cosas que a cosas llegan. Capítulo IX. Donde se cuenta lo que en él se verá Media noche era por filo, poco más a menos, cuando don Quijote y Sancho dejaron el monte y entraron en el Toboso. Estaba el pueblo en un sosegado silencio, porque todos sus vecinos dormían y reposaban a pierna tendida, como suele decirse. Era la noche entreclara, puesto que quisiera Sancho que fuera del todo escura, por hallar en su escuridad disculpa de su sandez. No se oía en todo el lugar sino ladridos de perros, que atronaban los oídos de don Quijote y turbaban el corazón de Sancho. De cuando en cuando, rebuznaba un jumento, gruñían puercos, mayaban gatos, cuyas voces, de diferentes sonidos, se aumentaban con el silencio de la noche, todo lo cual tuvo el enamorado caballero a mal agüero; pero, con todo esto, dijo a Sancho: — Sancho, hijo, guía al palacio de Dulcinea: quizá podrá ser que la hallemos despierta. — ¿A qué palacio tengo de guiar, cuerpo del sol —respondió Sancho—, que en el que yo vi a su grandeza no era sino casa muy pequeña? — Debía de estar retirada, entonces —respondió don Quijote—, en algún pequeño apartamiento de su alcázar, solazándose a solas con sus doncellas, como es uso y costumbre de las altas señoras y princesas. — Señor —dijo Sancho—, ya que vuestra merced quiere, a pesar mío, que sea alcázar la casa de mi señora Dulcinea, ¿es hora ésta por ventura de hallar la puerta abierta? Y ¿será bien que demos aldabazos para que nos oyan y nos abran, metiendo en alboroto y rumor toda la gente? ¿Vamos por dicha a llamar a la casa de nuestras mancebas, como hacen los abarraganados, que llegan, y llaman, y entran a cualquier hora, por tarde que sea? — Hallemos primero una por una el alcázar —replicó don Quijote—, que entonces yo te diré, Sancho, lo que será bien que hagamos. Y advierte, Sancho, que yo veo poco, o que aquel bulto grande y sombra que desde aquí se descubre la debe de hacer el palacio de Dulcinea. — Pues guíe vuestra merced —respondió Sancho—: quizá será así; aunque yo lo veré con los ojos y lo tocaré con las manos, y así lo creeré yo como creer que es ahora de día. Guió don Quijote, y, habiendo andado como docientos pasos, dio con el bulto que hacía la sombra, y vio una gran torre, y luego conoció que el tal edificio no era alcázar, sino la iglesia principal del pueblo. Y dijo: — Con la iglesia hemos dado, Sancho. — Ya lo veo —respondió Sancho—; y plega a Dios que no demos con nuestra sepultura, que no es buena señal andar por los cimenterios a tales horas, y más, habiendo yo dicho a vuestra merced, si mal no me acuerdo, que la casa desta señora ha de estar en una callejuela sin salida. — ¡Maldito seas de Dios, mentecato! —dijo don Quijote—. ¿Adónde has tú hallado que los alcázares y palacios reales estén edificados en callejuelas sin salida? — Señor —respondió Sancho—, en cada tierra su uso: quizá se usa aquí en el Toboso edificar en callejuelas los palacios y edificios grandes; y así, suplico a vuestra merced me deje buscar por estas calles o callejuelas que se me ofrecen: podría ser que en algún rincón topase con ese alcázar, que le vea yo comido de perros, que así nos trae corridos y asendereados. — Habla con respeto, Sancho, de las cosas de mi señora —dijo don Quijote—, y tengamos la fiesta en paz, y no arrojemos la soga tras el caldero. — Yo me reportaré —respondió Sancho—; pero, ¿con qué paciencia podré llevar que quiera vuestra merced que de sola una vez que vi la casa de nuestra ama, la haya de saber siempre y hallarla a media noche, no hallándola vuestra merced, que la debe de haber visto millares de veces? — Tú me harás desesperar, Sancho —dijo don Quijote—. Ven acá, hereje: ¿no te he dicho mil veces que en todos los días de mi vida no he visto a la sin par Dulcinea, ni jamás atravesé los umbrales de su palacio, y que sólo estoy enamorado de oídas y de la gran fama que tiene de hermosa y discreta? — Ahora lo oigo —respondió Sancho—; y digo que, pues vuestra merced no la ha visto, ni yo tampoco... — Eso no puede ser —replicó don Quijote—; que, por lo menos, ya me has dicho tú que la viste ahechando trigo, cuando me trujiste la respuesta de la carta que le envié contigo. — No se atenga a eso, señor —respondió Sancho—, porque le hago saber que también fue de oídas la vista y la respuesta que le truje; porque, así sé yo quién es la señora Dulcinea como dar un puño en el cielo. — Sancho, Sancho —respondió don Quijote—, tiempos hay de burlar, y tiempos donde caen y parecen mal las burlas. No porque yo diga que ni he visto ni hablado a la señora de mi alma has tú de decir también que ni la has hablado ni visto, siendo tan al revés como sabes. Estando los dos en estas pláticas, vieron que venía a pasar por donde estaban uno con dos mulas, que, por el ruido que hacía el arado, que arrastraba por el suelo, juzgaron que debía de ser labrador, que habría madrugado antes del día a ir a su labranza; y así fue la verdad. Venía el labrador cantando aquel romance que dicen: Mala la hubistes, franceses, en esa de Roncesvalles. — Que me maten, Sancho —dijo, en oyéndole, don Quijote—, si nos ha de suceder cosa buena esta noche. ¿No oyes lo que viene cantando ese villano? — Sí oigo —respondió Sancho—; pero, ¿qué hace a nuestro propósito la caza de Roncesvalles? Así pudiera cantar el romance de Calaínos, que todo fuera uno para sucedernos bien o mal en nuestro negocio. Llegó, en esto, el labrador, a quien don Quijote preguntó: — ¿Sabréisme decir, buen amigo, que buena ventura os dé Dios, dónde son por aquí los palacios de la sin par princesa doña Dulcinea del Toboso? — Señor —respondió el mozo—, yo soy forastero y ha pocos días que estoy en este pueblo, sirviendo a un labrador rico en la labranza del campo; en esa casa frontera viven el cura y el sacristán del lugar; entrambos, o cualquier dellos, sabrá dar a vuestra merced razón desa señora princesa, porque tienen la lista de todos los vecinos del Toboso; aunque para mí tengo que en todo él no vive princesa alguna; muchas señoras, sí, principales, que cada una en su casa puede ser princesa. — Pues entre ésas —dijo don Quijote— debe de estar, amigo, ésta por quien te pregunto. — Podría ser —respondió el mozo—; y adiós, que ya viene el alba. Y, dando a sus mulas, no atendió a más preguntas. Sancho, que vio suspenso a su señor y asaz mal contento, le dijo: — Señor, ya se viene a más andar el día, y no será acertado dejar que nos halle el sol en la calle; mejor será que nos salgamos fuera de la ciudad, y que vuestra merced se embosque en alguna floresta aquí cercana, y yo volveré de día, y no dejaré ostugo en todo este lugar donde no busque la casa, alcázar o palacio de mi señora, y asaz sería de desdichado si no le hallase; y, hallándole, hablaré con su merced, y le diré dónde y cómo queda vuestra merced esperando que le dé orden y traza para verla, sin menoscabo de su honra y fama. — Has dicho, Sancho —dijo don Quijote—, mil sentencias encerradas en el círculo de breves palabras: el consejo que ahora me has dado le apetezco y recibo de bonísima gana. Ven, hijo, y vamos a buscar donde me embosque, que tú volverás, como dices, a buscar, a ver y hablar a mi señora, de cuya discreción y cortesía espero más que milagrosos favores. Rabiaba Sancho por sacar a su amo del pueblo, porque no averiguase la mentira de la respuesta que de parte de Dulcinea le había llevado a Sierra Morena; y así, dio priesa a la salida, que fue luego, y a dos millas del lugar hallaron una floresta o bosque, donde don Quijote se emboscó en tanto que Sancho volvía a la ciudad a hablar a Dulcinea; en cuya embajada le sucedieron cosas que piden nueva atención y nuevo crédito. Capítulo X. Donde se cuenta la industria que Sancho tuvo para encantar a la señora Dulcinea, y de otros sucesos tan ridículos como verdaderos Llegando el autor desta grande historia a contar lo que en este capítulo cuenta, dice que quisiera pasarle en silencio, temeroso de que no había de ser creído, porque las locuras de don Quijote llegaron aquí al término y raya de las mayores que pueden imaginarse, y aun pasaron dos tiros de ballesta más allá de las mayores. Finalmente, aunque con este miedo y recelo, las escribió de la misma manera que él las hizo, sin añadir ni quitar a la historia un átomo de la verdad, sin dársele nada por las objeciones que podían ponerle de mentiroso. Y tuvo razón, porque la verdad adelgaza y no quiebra, y siempre anda sobre la mentira como el aceite sobre el agua. Y así, prosiguiendo su historia, dice que, así como don Quijote se emboscó en la floresta, encinar o selva junto al gran Toboso, mandó a Sancho volver a la ciudad, y que no volviese a su presencia sin haber primero hablado de su parte a su señora, pidiéndola fuese servida de dejarse ver de su cautivo caballero, y se dignase de echarle su bendición, para que pudiese esperar por ella felicísimos sucesos de todos sus acometimientos y dificultosas empresas. Encargóse Sancho de hacerlo así como se le mandaba, y de traerle tan buena respuesta como le trujo la vez primera. — Anda, hijo —replicó don Quijote—, y no te turbes cuando te vieres ante la luz del sol de hermosura que vas a buscar. ¡Dichoso tú sobre todos los escuderos del mundo! Ten memoria, y no se te pase della cómo te recibe: si muda las colores el tiempo que la estuvieres dando mi embajada; si se desasosiega y turba oyendo mi nombre; si no cabe en la almohada, si acaso la hallas sentada en el estrado rico de su autoridad; y si está en pie, mírala si se pone ahora sobre el uno, ahora sobre el otro pie; si te repite la respuesta que te diere dos o tres veces; si la muda de blanda en áspera, de aceda en amorosa; si levanta la mano al cabello para componerle, aunque no esté desordenado; finalmente, hijo, mira todas sus acciones y movimientos; porque si tú me los relatares como ellos fueron, sacaré yo lo que ella tiene escondido en lo secreto de su corazón acerca de lo que al fecho de mis amores toca; que has de saber, Sancho, si no lo sabes, que entre los amantes, las acciones y movimientos exteriores que muestran, cuando de sus amores se trata, son certísimos correos que traen las nuevas de lo que allá en lo interior del alma pasa. Ve, amigo, y guíete otra mejor ventura que la mía, y vuélvate otro mejor suceso del que yo quedo temiendo y esperando en esta amarga soledad en que me dejas. — Yo iré y volveré presto —dijo Sancho—; y ensanche vuestra merced, señor mío, ese corazoncillo, que le debe de tener agora no mayor que una avellana, y considere que se suele decir que buen corazón quebranta mala ventura, y que donde no hay tocinos, no hay estacas; y también se dice: donde no piensa, salta la liebre. Dígolo porque si esta noche no hallamos los palacios o alcázares de mi señora, agora que es de día los pienso hallar, cuando menos los piense, y hallados, déjenme a mí con ella. — Por cierto, Sancho —dijo don Quijote—, que siempre traes tus refranes tan a pelo de lo que tratamos cuanto me dé Dios mejor ventura en lo que deseo. Esto dicho, volvió Sancho las espaldas y vareó su rucio, y don Quijote se quedó a caballo, descansando sobre los estribos y sobre el arrimo de su lanza, lleno de tristes y confusas imaginaciones, donde le dejaremos, yéndonos con Sancho Panza, que no menos confuso y pensativo se apartó de su señor que él quedaba; y tanto, que, apenas hubo salido del bosque, cuando, volviendo la cabeza y viendo que don Quijote no parecía, se apeó del jumento, y, sentándose al pie de un árbol, comenzó a hablar consigo mesmo y a decirse: — Sepamos agora, Sancho hermano, adónde va vuesa merced. ¿Va a buscar algún jumento que se le haya perdido? ''No, por cierto''. Pues, ¿qué va a buscar? ''Voy a buscar, como quien no dice nada, a una princesa, y en ella al sol de la hermosura y a todo el cielo junto''. Y ¿adónde pensáis hallar eso que decís, Sancho? ''¿Adónde? En la gran ciudad del Toboso''. Y bien: ¿y de parte de quién la vais a buscar? ''De parte del famoso caballero don Quijote de la Mancha, que desface los tuertos, y da de comer al que ha sed, y de beber al que ha hambre''. Todo eso está muy bien. Y ¿sabéis su casa, Sancho? ''Mi amo dice que han de ser unos reales palacios o unos soberbios alcázares''. Y ¿habéisla visto algún día por ventura? ''Ni yo ni mi amo la habemos visto jamás''. Y ¿paréceos que fuera acertado y bien hecho que si los del Toboso supiesen que estáis vos aquí con intención de ir a sonsacarles sus princesas y a desasosegarles sus damas, viniesen y os moliesen las costillas a puros palos, y no os dejasen hueso sano? ''En verdad que tendrían mucha razón, cuando no considerasen que soy mandado, y que mensajero sois, amigo, no merecéis culpa, non''. No os fiéis en eso, Sancho, porque la gente manchega es tan colérica como honrada, y no consiente cosquillas de nadie. Vive Dios que si os huele, que os mando mala ventura. ''¡Oxte, puto! ¡Allá darás, rayo! ¡No, sino ándeme yo buscando tres pies al gato por el gusto ajeno! Y más, que así será buscar a Dulcinea por el Toboso como a Marica por Rávena, o al bachiller en Salamanca. ¡El diablo, el diablo me ha metido a mí en esto, que otro no!'' Este soliloquio pasó consigo Sancho, y lo que sacó dél fue que volvió a decirse: — Ahora bien, todas las cosas tienen remedio, si no es la muerte, debajo de cuyo yugo hemos de pasar todos, mal que nos pese, al acabar de la vida. Este mi amo, por mil señales, he visto que es un loco de atar, y aun también yo no le quedo en zaga, pues soy más mentecato que él, pues le sigo y le sirvo, si es verdadero el refrán que dice: "Dime con quién andas, decirte he quién eres", y el otro de "No con quien naces, sino con quien paces". Siendo, pues, loco, como lo es, y de locura que las más veces toma unas cosas por otras, y juzga lo blanco por negro y lo negro por blanco, como se pareció cuando dijo que los molinos de viento eran gigantes, y las mulas de los religiosos dromedarios, y las manadas de carneros ejércitos de enemigos, y otras muchas cosas a este tono, no será muy difícil hacerle creer que una labradora, la primera que me topare por aquí, es la señora Dulcinea; y, cuando él no lo crea, juraré yo; y si él jurare, tornaré yo a jurar; y si porfiare, porfiaré yo más, y de manera que tengo de tener la mía siempre sobre el hito, venga lo que viniere. Quizá con esta porfía acabaré con él que no me envíe otra vez a semejantes mensajerías, viendo cuán mal recado le traigo dellas, o quizá pensará, como yo imagino, que algún mal encantador de estos que él dice que le quieren mal la habrá mudado la figura por hacerle mal y daño. Con esto que pensó Sancho Panza quedó sosegado su espíritu, y tuvo por bien acabado su negocio, y deteniéndose allí hasta la tarde, por dar lugar a que don Quijote pensase que le había tenido para ir y volver del Toboso; y sucedióle todo tan bien que, cuando se levantó para subir en el rucio, vio que del Toboso hacia donde él estaba venían tres labradoras sobre tres pollinos, o pollinas, que el autor no lo declara, aunque más se puede creer que eran borricas, por ser ordinaria caballería de las aldeanas; pero, como no va mucho en esto, no hay para qué detenernos en averiguarlo. En resolución: así como Sancho vio a las labradoras, a paso tirado volvió a buscar a su señor don Quijote, y hallóle suspirando y diciendo mil amorosas lamentaciones. Como don Quijote le vio, le dijo: — ¿Qué hay, Sancho amigo? ¿Podré señalar este día con piedra blanca, o con negra? — Mejor será —respondió Sancho— que vuesa merced le señale con almagre, como rétulos de cátedras, porque le echen bien de ver los que le vieren. — De ese modo —replicó don Quijote—, buenas nuevas traes. — Tan buenas —respondió Sancho—, que no tiene más que hacer vuesa merced sino picar a Rocinante y salir a lo raso a ver a la señora Dulcinea del Toboso, que con otras dos doncellas suyas viene a ver a vuesa merced. — ¡Santo Dios! ¿Qué es lo que dices, Sancho amigo? —dijo don Quijote—. Mira no me engañes, ni quieras con falsas alegrías alegrar mis verdaderas tristezas. — ¿Qué sacaría yo de engañar a vuesa merced —respondió Sancho—, y más estando tan cerca de descubrir mi verdad? Pique, señor, y venga, y verá venir a la princesa, nuestra ama, vestida y adornada, en fin, como quien ella es. Sus doncellas y ella todas son una ascua de oro, todas mazorcas de perlas, todas son diamantes, todas rubíes, todas telas de brocado de más de diez altos; los cabellos, sueltos por las espaldas, que son otros tantos rayos del sol que andan jugando con el viento; y, sobre todo, vienen a caballo sobre tres cananeas remendadas, que no hay más que ver. — Hacaneas querrás decir, Sancho. — Poca diferencia hay —respondió Sancho— de cananeas a hacaneas; pero, vengan sobre lo que vinieren, ellas vienen las más galanas señoras que se puedan desear, especialmente la princesa Dulcinea, mi señora, que pasma los sentidos. — Vamos, Sancho hijo —respondió don Quijote—; y, en albricias destas no esperadas como buenas nuevas, te mando el mejor despojo que ganare en la primera aventura que tuviere, y si esto no te contenta, te mando las crías que este año me dieren las tres yeguas mías, que tú sabes que quedan para parir en el prado concejil de nuestro pueblo. — A las crías me atengo —respondió Sancho—, porque de ser buenos los despojos de la primera aventura no está muy cierto. Ya en esto salieron de la selva, y descubrieron cerca a las tres aldeanas. Tendió don Quijote los ojos por todo el camino del Toboso, y como no vio sino a las tres labradoras, turbóse todo, y preguntó a Sancho si las había dejado fuera de la ciudad. — ¿Cómo fuera de la ciudad? —respondió—. ¿Por ventura tiene vuesa merced los ojos en el colodrillo, que no vee que son éstas, las que aquí vienen, resplandecientes como el mismo sol a mediodía? — Yo no veo, Sancho —dijo don Quijote—, sino a tres labradoras sobre tres borricos. — ¡Agora me libre Dios del diablo! —respondió Sancho—. Y ¿es posible que tres hacaneas, o como se llaman, blancas como el ampo de la nieve, le parezcan a vuesa merced borricos? ¡Vive el Señor, que me pele estas barbas si tal fuese verdad! — Pues yo te digo, Sancho amigo —dijo don Quijote—, que es tan verdad que son borricos, o borricas, como yo soy don Quijote y tú Sancho Panza; a lo menos, a mí tales me parecen. — Calle, señor —dijo Sancho—, no diga la tal palabra, sino despabile esos ojos, y venga a hacer reverencia a la señora de sus pensamientos, que ya llega cerca. Y, diciendo esto, se adelantó a recebir a las tres aldeanas; y, apeándose del rucio, tuvo del cabestro al jumento de una de las tres labradoras, y, hincando ambas rodillas en el suelo, dijo: — Reina y princesa y duquesa de la hermosura, vuestra altivez y grandeza sea servida de recebir en su gracia y buen talente al cautivo caballero vuestro, que allí está hecho piedra mármol, todo turbado y sin pulsos de verse ante vuestra magnífica presencia. Yo soy Sancho Panza, su escudero, y él es el asendereado caballero don Quijote de la Mancha, llamado por otro nombre el Caballero de la Triste Figura. A esta sazón, ya se había puesto don Quijote de hinojos junto a Sancho, y miraba con ojos desencajados y vista turbada a la que Sancho llamaba reina y señora, y, como no descubría en ella sino una moza aldeana, y no de muy buen rostro, porque era carirredonda y chata, estaba suspenso y admirado, sin osar desplegar los labios. Las labradoras estaban asimismo atónitas, viendo aquellos dos hombres tan diferentes hincados de rodillas, que no dejaban pasar adelante a su compañera; pero, rompiendo el silencio la detenida, toda desgraciada y mohína, dijo: — Apártense nora en tal del camino, y déjenmos pasar, que vamos de priesa. A lo que respondió Sancho: — ¡Oh princesa y señora universal del Toboso! ¿Cómo vuestro magnánimo corazón no se enternece viendo arrodillado ante vuestra sublimada presencia a la coluna y sustento de la andante caballería? Oyendo lo cual, otra de las dos dijo: — Mas, ¡jo, que te estrego, burra de mi suegro! ¡Mirad con qué se vienen los señoritos ahora a hacer burla de las aldeanas, como si aquí no supiésemos echar pullas como ellos! Vayan su camino, e déjenmos hacer el nueso, y serles ha sano. — Levántate, Sancho —dijo a este punto don Quijote—, que ya veo que la Fortuna, de mi mal no harta, tiene tomados los caminos todos por donde pueda venir algún contento a esta ánima mezquina que tengo en las carnes. Y tú, ¡oh estremo del valor que puede desearse, término de la humana gentileza, único remedio deste afligido corazón que te adora!, ya que el maligno encantador me persigue, y ha puesto nubes y cataratas en mis ojos, y para sólo ellos y no para otros ha mudado y transformado tu sin igual hermosura y rostro en el de una labradora pobre, si ya también el mío no le ha cambiado en el de algún vestiglo, para hacerle aborrecible a tus ojos, no dejes de mirarme blanda y amorosamente, echando de ver en esta sumisión y arrodillamiento que a tu contrahecha hermosura hago, la humildad con que mi alma te adora. — ¡Tomá que mi agüelo! —respondió la aldeana—. ¡Amiguita soy yo de oír resquebrajos! Apártense y déjenmos ir, y agradecérselo hemos. Apartóse Sancho y dejóla ir, contentísimo de haber salido bien de su enredo. Apenas se vio libre la aldeana que había hecho la figura de Dulcinea, cuando, picando a su cananea con un aguijón que en un palo traía, dio a correr por el prado adelante. Y, como la borrica sentía la punta del aguijón, que le fatigaba más de lo ordinario, comenzó a dar corcovos, de manera que dio con la señora Dulcinea en tierra; lo cual visto por don Quijote, acudió a levantarla, y Sancho a componer y cinchar el albarda, que también vino a la barriga de la pollina. Acomodada, pues, la albarda, y quiriendo don Quijote levantar a su encantada señora en los brazos sobre la jumenta, la señora, levantándose del suelo, le quitó de aquel trabajo, porque, haciéndose algún tanto atrás, tomó una corridica, y, puestas ambas manos sobre las ancas de la pollina, dio con su cuerpo, más ligero que un halcón, sobre la albarda, y quedó a horcajadas, como si fuera hombre; y entonces dijo Sancho: — ¡Vive Roque, que es la señora nuestra ama más ligera que un acotán, y que puede enseñar a subir a la jineta al más diestro cordobés o mejicano! El arzón trasero de la silla pasó de un salto, y sin espuelas hace correr la hacanea como una cebra. Y no le van en zaga sus doncellas; que todas corren como el viento. Y así era la verdad, porque, en viéndose a caballo Dulcinea, todas picaron tras ella y dispararon a correr, sin volver la cabeza atrás por espacio de más de media legua. Siguiólas don Quijote con la vista, y, cuando vio que no parecían, volviéndose a Sancho, le dijo: — Sancho, ¿qué te parece cuán malquisto soy de encantadores? Y mira hasta dónde se estiende su malicia y la ojeriza que me tienen, pues me han querido privar del contento que pudiera darme ver en su ser a mi señora. En efecto, yo nací para ejemplo de desdichados, y para ser blanco y terrero donde tomen la mira y asiesten las flechas de la mala fortuna. Y has también de advertir, Sancho, que no se contentaron estos traidores de haber vuelto y transformado a mi Dulcinea, sino que la transformaron y volvieron en una figura tan baja y tan fea como la de aquella aldeana, y juntamente le quitaron lo que es tan suyo de las principales señoras, que es el buen olor, por andar siempre entre ámbares y entre flores. Porque te hago saber, Sancho, que cuando llegé a subir a Dulcinea sobre su hacanea, según tú dices, que a mí me pareció borrica, me dio un olor de ajos crudos, que me encalabrinó y atosigó el alma. — ¡Oh canalla! —gritó a esta sazón Sancho— ¡Oh encantadores aciagos y malintencionados, y quién os viera a todos ensartados por las agallas, como sardinas en lercha! Mucho sabéis, mucho podéis y mucho más hacéis. Bastaros debiera, bellacos, haber mudado las perlas de los ojos de mi señora en agallas alcornoqueñas, y sus cabellos de oro purísimo en cerdas de cola de buey bermejo, y, finalmente, todas sus faciones de buenas en malas, sin que le tocárades en el olor; que por él siquiera sacáramos lo que estaba encubierto debajo de aquella fea corteza; aunque, para decir verdad, nunca yo vi su fealdad, sino su hermosura, a la cual subía de punto y quilates un lunar que tenía sobre el labio derecho, a manera de bigote, con siete o ocho cabellos rubios como hebras de oro y largos de más de un palmo. — A ese lunar —dijo don Quijote—, según la correspondencia que tienen entre sí los del rostro con los del cuerpo, ha de tener otro Dulcinea en la tabla del muslo que corresponde al lado donde tiene el del rostro, pero muy luengos para lunares son pelos de la grandeza que has significado. — Pues yo sé decir a vuestra merced —respondió Sancho— que le parecían allí como nacidos. — Yo lo creo, amigo —replicó don Quijote—, porque ninguna cosa puso la naturaleza en Dulcinea que no fuese perfecta y bien acabada; y así, si tuviera cien lunares como el que dices, en ella no fueran lunares, sino lunas y estrellas resplandecientes. Pero dime, Sancho: aquella que a mí me pareció albarda, que tú aderezaste, ¿era silla rasa o sillón? — No era —respondió Sancho— sino silla a la jineta, con una cubierta de campo que vale la mitad de un reino, según es de rica. — ¡Y que no viese yo todo eso, Sancho! —dijo don Quijote—. Ahora torno a decir, y diré mil veces, que soy el más desdichado de los hombres. Harto tenía que hacer el socarrón de Sancho en disimular la risa, oyendo las sandeces de su amo, tan delicadamente engañado. Finalmente, después de otras muchas razones que entre los dos pasaron, volvieron a subir en sus bestias, y siguieron el camino de Zaragoza, adonde pensaban llegar a tiempo que pudiesen hallarse en unas solenes fiestas que en aquella insigne ciudad cada año suelen hacerse. Pero, antes que allá llegasen, les sucedieron cosas que, por muchas, grandes y nuevas, merecen ser escritas y leídas, como se verá adelante. Capítulo XI. De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote con el carro, o carreta, de Las Cortes de la Muerte Pensativo además iba don Quijote por su camino adelante, considerando la mala burla que le habían hecho los encantadores, volviendo a su señora Dulcinea en la mala figura de la aldeana, y no imaginaba qué remedio tendría para volverla a su ser primero; y estos pensamientos le llevaban tan fuera de sí, que, sin sentirlo, soltó las riendas a Rocinante, el cual, sintiendo la libertad que se le daba, a cada paso se detenía a pacer la verde yerba de que aquellos campos abundaban. De su embelesamiento le volvió Sancho Panza, diciéndole: — Señor, las tristezas no se hicieron para las bestias, sino para los hombres; pero si los hombres las sienten demasiado, se vuelven bestias: vuestra merced se reporte, y vuelva en sí, y coja las riendas a Rocinante, y avive y despierte, y muestre aquella gallardía que conviene que tengan los caballeros andantes. ¿Qué diablos es esto? ¿Qué descaecimiento es éste? ¿Estamos aquí, o en Francia? Mas que se lleve Satanás a cuantas Dulcineas hay en el mundo, pues vale más la salud de un solo caballero andante que todos los encantos y transformaciones de la tierra. — Calla, Sancho —respondió don Quijote con voz no muy desmayada—; calla, digo, y no digas blasfemias contra aquella encantada señora, que de su desgracia y desventura yo solo tengo la culpa: de la invidia que me tienen los malos ha nacido su mala andanza. — Así lo digo yo —respondió Sancho—: quien la vido y la vee ahora, ¿cuál es el corazón que no llora? — Eso puedes tú decir bien, Sancho —replicó don Quijote—, pues la viste en la entereza cabal de su hermosura, que el encanto no se estendió a turbarte la vista ni a encubrirte su belleza: contra mí solo y contra mis ojos se endereza la fuerza de su veneno. Mas, con todo esto, he caído, Sancho, en una cosa, y es que me pintaste mal su hermosura, porque, si mal no me acuerdo, dijiste que tenía los ojos de perlas, y los ojos que parecen de perlas antes son de besugo que de dama; y, a lo que yo creo, los de Dulcinea deben ser de verdes esmeraldas, rasgados, con dos celestiales arcos que les sirven de cejas; y esas perlas quítalas de los ojos y pásalas a los dientes, que sin duda te trocaste, Sancho, tomando los ojos por los dientes. — Todo puede ser —respondió Sancho—, porque también me turbó a mí su hermosura como a vuesa merced su fealdad. Pero encomendémoslo todo a Dios, que Él es el sabidor de las cosas que han de suceder en este valle de lágrimas, en este mal mundo que tenemos, donde apenas se halla cosa que esté sin mezcla de maldad, embuste y bellaquería. De una cosa me pesa, señor mío, más que de otras; que es pensar qué medio se ha de tener cuando vuesa merced venza a algún gigante o otro caballero, y le mande que se vaya a presentar ante la hermosura de la señora Dulcinea: ¿adónde la ha de hallar este pobre gigante, o este pobre y mísero caballero vencido? Paréceme que los veo andar por el Toboso hechos unos bausanes, buscando a mi señora Dulcinea, y, aunque la encuentren en mitad de la calle, no la conocerán más que a mi padre. — Quizá, Sancho —respondió don Quijote—, no se estenderá el encantamento a quitar el conocimiento de Dulcinea a los vencidos y presentados gigantes y caballeros; y, en uno o dos de los primeros que yo venza y le envíe, haremos la experiencia si la ven o no, mandándoles que vuelvan a darme relación de lo que acerca desto les hubiere sucedido. — Digo, señor —replicó Sancho—, que me ha parecido bien lo que vuesa merced ha dicho, y que con ese artificio vendremos en conocimiento de lo que deseamos; y si es que ella a solo vuesa merced se encubre, la desgracia más será de vuesa merced que suya; pero, como la señora Dulcinea tenga salud y contento, nosotros por acá nos avendremos y lo pasaremos lo mejor que pudiéremos, buscando nuestras aventuras y dejando al tiempo que haga de las suyas, que él es el mejor médico destas y de otras mayores enfermedades. Responder quería don Quijote a Sancho Panza, pero estorbóselo una carreta que salió al través del camino, cargada de los más diversos y estraños personajes y figuras que pudieron imaginarse. El que guiaba las mulas y servía de carretero era un feo demonio. Venía la carreta descubierta al cielo abierto, sin toldo ni zarzo. La primera figura que se ofreció a los ojos de don Quijote fue la de la misma Muerte, con rostro humano; junto a ella venía un ángel con unas grandes y pintadas alas; al un lado estaba un emperador con una corona, al parecer de oro, en la cabeza; a los pies de la Muerte estaba el dios que llaman Cupido, sin venda en los ojos, pero con su arco, carcaj y saetas. Venía también un caballero armado de punta en blanco, excepto que no traía morrión, ni celada, sino un sombrero lleno de plumas de diversas colores; con éstas venían otras personas de diferentes trajes y rostros. Todo lo cual visto de improviso, en alguna manera alborotó a don Quijote y puso miedo en el corazón de Sancho; mas luego se alegró don Quijote, creyendo que se le ofrecía alguna nueva y peligrosa aventura, y con este pensamiento, y con ánimo dispuesto de acometer cualquier peligro, se puso delante de la carreta, y, con voz alta y amenazadora, dijo: — Carretero, cochero, o diablo, o lo que eres, no tardes en decirme quién eres, a dó vas y quién es la gente que llevas en tu carricoche, que más parece la barca de Carón que carreta de las que se usan. A lo cual, mansamente, deteniendo el Diablo la carreta, respondió: — Señor, nosotros somos recitantes de la compañía de Angulo el Malo; hemos hecho en un lugar que está detrás de aquella loma, esta mañana, que es la octava del Corpus, el auto de Las Cortes de la Muerte, y hémosle de hacer esta tarde en aquel lugar que desde aquí se parece; y, por estar tan cerca y escusar el trabajo de desnudarnos y volvernos a vestir, nos vamos vestidos con los mesmos vestidos que representamos. Aquel mancebo va de Muerte; el otro, de Ángel; aquella mujer, que es la del autor, va de Reina; el otro, de Soldado; aquél, de Emperador, y yo, de Demonio, y soy una de las principales figuras del auto, porque hago en esta compañía los primeros papeles. Si otra cosa vuestra merced desea saber de nosotros, pregúntemelo, que yo le sabré responder con toda puntualidad; que, como soy demonio, todo se me alcanza. — Por la fe de caballero andante —respondió don Quijote—, que, así como vi este carro, imaginé que alguna grande aventura se me ofrecía; y ahora digo que es menester tocar las apariencias con la mano para dar lugar al desengaño. Andad con Dios, buena gente, y haced vuestra fiesta, y mirad si mandáis algo en que pueda seros de provecho, que lo haré con buen ánimo y buen talante, porque desde mochacho fui aficionado a la carátula, y en mi mocedad se me iban los ojos tras la farándula. Estando en estas pláticas, quiso la suerte que llegase uno de la compañía, que venía vestido de bojiganga, con muchos cascabeles, y en la punta de un palo traía tres vejigas de vaca hinchadas; el cual moharracho, llegándose a don Quijote, comenzó a esgrimir el palo y a sacudir el suelo con las vejigas, y a dar grandes saltos, sonando los cascabeles, cuya mala visión así alborotó a Rocinante, que, sin ser poderoso a detenerle don Quijote, tomando el freno entre los dientes, dio a correr por el campo con más ligereza que jamás prometieron los huesos de su notomía. Sancho, que consideró el peligro en que iba su amo de ser derribado, saltó del rucio, y a toda priesa fue a valerle; pero, cuando a él llegó, ya estaba en tierra, y junto a él, Rocinante, que, con su amo, vino al suelo: ordinario fin y paradero de las lozanías de Rocinante y de sus atrevimientos. Mas, apenas hubo dejado su caballería Sancho por acudir a don Quijote, cuando el demonio bailador de las vejigas saltó sobre el rucio, y, sacudiéndole con ellas, el miedo y ruido, más que el dolor de los golpes, le hizo volar por la campaña hacia el lugar donde iban a hacer la fiesta. Miraba Sancho la carrera de su rucio y la caída de su amo, y no sabía a cuál de las dos necesidades acudiría primero; pero, en efecto, como buen escudero y como buen criado, pudo más con él el amor de su señor que el cariño de su jumento, puesto que cada vez que veía levantar las vejigas en el aire y caer sobre las ancas de su rucio eran para él tártagos y sustos de muerte, y antes quisiera que aquellos golpes se los dieran a él en las niñas de los ojos que en el más mínimo pelo de la cola de su asno. Con esta perpleja tribulación llegó donde estaba don Quijote, harto más maltrecho de lo que él quisiera, y, ayudándole a subir sobre Rocinante, le dijo: — Señor, el Diablo se ha llevado al rucio. — ¿Qué diablo? —preguntó don Quijote. — El de las vejigas —respondió Sancho. — Pues yo le cobraré —replicó don Quijote—, si bien se encerrase con él en los más hondos y escuros calabozos del infierno. Sígueme, Sancho, que la carreta va despacio, y con las mulas della satisfaré la pérdida del rucio. — No hay para qué hacer esa diligencia, señor —respondió Sancho—: vuestra merced temple su cólera, que, según me parece, ya el Diablo ha dejado el rucio, y vuelve a la querencia. Y así era la verdad; porque, habiendo caído el Diablo con el rucio, por imitar a don Quijote y a Rocinante, el Diablo se fue a pie al pueblo, y el jumento se volvió a su amo. — Con todo eso —dijo don Quijote—, será bien castigar el descomedimiento de aquel demonio en alguno de los de la carreta, aunque sea el mesmo emperador. — Quítesele a vuestra merced eso de la imaginación —replicó Sancho—, y tome mi consejo, que es que nunca se tome con farsantes, que es gente favorecida. Recitante he visto yo estar preso por dos muertes y salir libre y sin costas. Sepa vuesa merced que, como son gentes alegres y de placer, todos los favorecen, todos los amparan, ayudan y estiman, y más siendo de aquellos de las compañías reales y de título, que todos, o los más, en sus trajes y compostura parecen unos príncipes. — Pues con todo —respondió don Quijote—, no se me ha de ir el demonio farsante alabando, aunque le favorezca todo el género humano. Y, diciendo esto, volvió a la carreta, que ya estaba bien cerca del pueblo. Iba dando voces, diciendo: — Deteneos, esperad, turba alegre y regocijada, que os quiero dar a entender cómo se han de tratar los jumentos y alimañas que sirven de caballería a los escuderos de los caballeros andantes. Tan altos eran los gritos de don Quijote, que los oyeron y entendieron los de la carreta; y, juzgando por las palabras la intención del que las decía, en un instante saltó la Muerte de la carreta, y tras ella, el Emperador, el Diablo carretero y el Ángel, sin quedarse la Reina ni el dios Cupido; y todos se cargaron de piedras y se pusieron en ala, esperando recebir a don Quijote en las puntas de sus guijarros. Don Quijote, que los vio puestos en tan gallardo escuadrón, los brazos levantados con ademán de despedir poderosamente las piedras, detuvo las riendas a Rocinante y púsose a pensar de qué modo los acometería con menos peligro de su persona. En esto que se detuvo, llegó Sancho, y, viéndole en talle de acometer al bien formado escuadrón, le dijo: — Asaz de locura sería intentar tal empresa: considere vuesa merced, señor mío, que para sopa de arroyo y tente bonete, no hay arma defensiva en el mundo, si no es embutirse y encerrarse en una campana de bronce; y también se ha de considerar que es más temeridad que valentía acometer un hombre solo a un ejército donde está la Muerte, y pelean en persona emperadores, y a quien ayudan los buenos y los malos ángeles; y si esta consideración no le mueve a estarse quedo, muévale saber de cierto que, entre todos los que allí están, aunque parecen reyes, príncipes y emperadores, no hay ningún caballero andante. — Ahora sí —dijo don Quijote— has dado, Sancho, en el punto que puede y debe mudarme de mi ya determinado intento. Yo no puedo ni debo sacar la espada, como otras veces muchas te he dicho, contra quien no fuere armado caballero. A ti, Sancho, toca, si quieres tomar la venganza del agravio que a tu rucio se le ha hecho, que yo desde aquí te ayudaré con voces y advertimientos saludables. — No hay para qué, señor —respondió Sancho—, tomar venganza de nadie, pues no es de buenos cristianos tomarla de los agravios; cuanto más, que yo acabaré con mi asno que ponga su ofensa en las manos de mi voluntad, la cual es de vivir pacíficamente los días que los cielos me dieren de vida. — Pues ésa es tu determinación —replicó don Quijote—, Sancho bueno, Sancho discreto, Sancho cristiano y Sancho sincero, dejemos estas fantasmas y volvamos a buscar mejores y más calificadas aventuras; que yo veo esta tierra de talle, que no han de faltar en ella muchas y muy milagrosas. Volvió las riendas luego, Sancho fue a tomar su rucio, la Muerte con todo su escuadrón volante volvieron a su carreta y prosiguieron su viaje, y este felice fin tuvo la temerosa aventura de la carreta de la Muerte, gracias sean dadas al saludable consejo que Sancho Panza dio a su amo; al cual, el día siguiente, le sucedió otra con un enamorado y andante caballero, de no menos suspensión que la pasada. Capítulo XII. De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote con el bravo Caballero de los Espejos La noche que siguió al día del rencuentro de la Muerte la pasaron don Quijote y su escudero debajo de unos altos y sombrosos árboles, habiendo, a persuasión de Sancho, comido don Quijote de lo que venía en el repuesto del rucio, y entre la cena dijo Sancho a su señor: — Señor, ¡qué tonto hubiera andado yo si hubiera escogido en albricias los despojos de la primera aventura que vuestra merced acabara, antes que las crías de las tres yeguas! En efecto, en efecto, más vale pájaro en mano que buitre volando. — Todavía —respondió don Quijote—, si tú, Sancho, me dejaras acometer, como yo quería, te hubieran cabido en despojos, por lo menos, la corona de oro de la Emperatriz y las pintadas alas de Cupido, que yo se las quitara al redropelo y te las pusiera en las manos. — Nunca los cetros y coronas de los emperadores farsantes —respondió Sancho Panza— fueron de oro puro, sino de oropel o hoja de lata. — Así es verdad —replicó don Quijote—, porque no fuera acertado que los atavíos de la comedia fueran finos, sino fingidos y aparentes, como lo es la mesma comedia, con la cual quiero, Sancho, que estés bien, teniéndola en tu gracia, y por el mismo consiguiente a los que las representan y a los que las componen, porque todos son instrumentos de hacer un gran bien a la república, poniéndonos un espejo a cada paso delante, donde se veen al vivo las acciones de la vida humana, y ninguna comparación hay que más al vivo nos represente lo que somos y lo que habemos de ser como la comedia y los comediantes. Si no, dime: ¿no has visto tú representar alguna comedia adonde se introducen reyes, emperadores y pontífices, caballeros, damas y otros diversos personajes? Uno hace el rufián, otro el embustero, éste el mercader, aquél el soldado, otro el simple discreto, otro el enamorado simple; y, acabada la comedia y desnudándose de los vestidos della, quedan todos los recitantes iguales. — Sí he visto —respondió Sancho. — Pues lo mesmo —dijo don Quijote— acontece en la comedia y trato deste mundo, donde unos hacen los emperadores, otros los pontífices, y, finalmente, todas cuantas figuras se pueden introducir en una comedia; pero, en llegando al fin, que es cuando se acaba la vida, a todos les quita la muerte las ropas que los diferenciaban, y quedan iguales en la sepultura. — ¡Brava comparación! —dijo Sancho—, aunque no tan nueva que yo no la haya oído muchas y diversas veces, como aquella del juego del ajedrez, que, mientras dura el juego, cada pieza tiene su particular oficio; y, en acabándose el juego, todas se mezclan, juntan y barajan, y dan con ellas en una bolsa, que es como dar con la vida en la sepultura. — Cada día, Sancho —dijo don Quijote—, te vas haciendo menos simple y más discreto. — Sí, que algo se me ha de pegar de la discreción de vuestra merced — respondió Sancho—; que las tierras que de suyo son estériles y secas, estercolándolas y cultivándolas, vienen a dar buenos frutos: quiero decir que la conversación de vuestra merced ha sido el estiércol que sobre la estéril tierra de mi seco ingenio ha caído; la cultivación, el tiempo que ha que le sirvo y comunico; y con esto espero de dar frutos de mí que sean de bendición, tales, que no desdigan ni deslicen de los senderos de la buena crianza que vuesa merced ha hecho en el agostado entendimiento mío. Rióse don Quijote de las afectadas razones de Sancho, y parecióle ser verdad lo que decía de su emienda, porque de cuando en cuando hablaba de manera que le admiraba; puesto que todas o las más veces que Sancho quería hablar de oposición y a lo cortesano, acababa su razón con despeñarse del monte de su simplicidad al profundo de su ignorancia; y en lo que él se mostraba más elegante y memorioso era en traer refranes, viniesen o no viniesen a pelo de lo que trataba, como se habrá visto y se habrá notado en el discurso desta historia. En estas y en otras pláticas se les pasó gran parte de la noche, y a Sancho le vino en voluntad de dejar caer las compuertas de los ojos, como él decía cuando quería dormir, y, desaliñando al rucio, le dio pasto abundoso y libre. No quitó la silla a Rocinante, por ser expreso mandamiento de su señor que, en el tiempo que anduviesen en campaña, o no durmiesen debajo de techado, no desaliñase a Rocinante: antigua usanza establecida y guardada de los andantes caballeros, quitar el freno y colgarle del arzón de la silla; pero, ¿quitar la silla al caballo?, ¡guarda!; y así lo hizo Sancho, y le dio la misma libertad que al rucio, cuya amistad dél y de Rocinante fue tan única y tan trabada, que hay fama, por tradición de padres a hijos, que el autor desta verdadera historia hizo particulares capítulos della; mas que, por guardar la decencia y decoro que a tan heroica historia se debe, no los puso en ella, puesto que algunas veces se descuida deste su prosupuesto, y escribe que, así como las dos bestias se juntaban, acudían a rascarse el uno al otro, y que, después de cansados y satisfechos, cruzaba Rocinante el pescuezo sobre el cuello del rucio (que le sobraba de la otra parte más de media vara), y, mirando los dos atentamente al suelo, se solían estar de aquella manera tres días; a lo menos, todo el tiempo que les dejaban, o no les compelía la hambre a buscar sustento. Digo que dicen que dejó el autor escrito que los había comparado en la amistad a la que tuvieron Niso y Euríalo, y Pílades y Orestes; y si esto es así, se podía echar de ver, para universal admiración, cuán firme debió ser la amistad destos dos pacíficos animales, y para confusión de los hombres, que tan mal saben guardarse amistad los unos a los otros. Por esto se dijo: No hay amigo para amigo: las cañas se vuelven lanzas; y el otro que cantó: De amigo a amigo la chinche, etc. Y no le parezca a alguno que anduvo el autor algo fuera de camino en haber comparado la amistad destos animales a la de los hombres, que de las bestias han recebido muchos advertimientos los hombres y aprendido muchas cosas de importancia, como son: de las cigüeñas, el cristel; de los perros, el vómito y el agradecimiento; de las grullas, la vigilancia; de las hormigas, la providencia; de los elefantes, la honestidad, y la lealtad, del caballo. Finalmente, Sancho se quedó dormido al pie de un alcornoque, y don Quijote dormitando al de una robusta encina; pero, poco espacio de tiempo había pasado, cuando le despertó un ruido que sintió a sus espaldas, y, levantándose con sobresalto, se puso a mirar y a escuchar de dónde el ruido procedía, y vio que eran dos hombres a caballo, y que el uno, dejándose derribar de la silla, dijo al otro: — Apéate, amigo, y quita los frenos a los caballos, que, a mi parecer, este sitio abunda de yerba para ellos, y del silencio y soledad que han menester mis amorosos pensamientos. El decir esto y el tenderse en el suelo todo fue a un mesmo tiempo; y, al arrojarse, hicieron ruido las armas de que venía armado, manifiesta señal por donde conoció don Quijote que debía de ser caballero andante; y, llegándose a Sancho, que dormía, le trabó del brazo, y con no pequeño trabajo le volvió en su acuerdo, y con voz baja le dijo: — Hermano Sancho, aventura tenemos. — Dios nos la dé buena —respondió Sancho—; y ¿adónde está, señor mío, su merced de esa señora aventura? — ¿Adónde, Sancho? —replicó don Quijote—; vuelve los ojos y mira, y verás allí tendido un andante caballero, que, a lo que a mí se me trasluce, no debe de estar demasiadamente alegre, porque le vi arrojar del caballo y tenderse en el suelo con algunas muestras de despecho, y al caer le crujieron las armas. — Pues ¿en qué halla vuesa merced —dijo Sancho— que ésta sea aventura? — No quiero yo decir —respondió don Quijote— que ésta sea aventura del todo, sino principio della; que por aquí se comienzan las aventuras. Pero escucha, que, a lo que parece, templando está un laúd o vigüela, y, según escupe y se desembaraza el pecho, debe de prepararse para cantar algo. — A buena fe que es así —respondió Sancho—, y que debe de ser caballero enamorado. — No hay ninguno de los andantes que no lo sea —dijo don Quijote—. Y escuchémosle, que por el hilo sacaremos el ovillo de sus pensamientos, si es que canta; que de la abundancia del corazón habla la lengua. Replicar quería Sancho a su amo, pero la voz del Caballero del Bosque, que no era muy mala mi muy buena, lo estorbó; y, estando los dos atónitos, oyeron que lo que cantó fue este soneto: — Dadme, señora, un término que siga, conforme a vuestra voluntad cortado; que será de la mía así estimado, que por jamás un punto dél desdiga. Si gustáis que callando mi fatiga muera, contadme ya por acabado: si queréis que os la cuente en desusado modo, haré que el mesmo amor la diga. A prueba de contrarios estoy hecho, de blanda cera y de diamante duro, y a las leyes de amor el ama ajusto. Blando cual es, o fuerte, ofrezco el pecho: entallad o imprimid lo que os dé gusto, que de guardarlo eternamente juro. Con un ¡ay!, arrancado, al parecer, de lo íntimo de su corazón, dio fin a su canto el Caballero del Bosque, y, de allí a un poco, con voz doliente y lastimada, dijo: — ¡Oh la más hermosa y la más ingrata mujer del orbe! ¿Cómo que será posible, serenísima Casildea de Vandalia, que has de consentir que se consuma y acabe en continuas peregrinaciones y en ásperos y duros trabajos este tu cautivo caballero? ¿No basta ya que he hecho que te confiesen por la más hermosa del mundo todos los caballeros de Navarra, todos los leoneses, todos los tartesios, todos los castellanos, y, finalmente, todos los caballeros de la Mancha? — Eso no —dijo a esta sazón don Quijote—, que yo soy de la Mancha y nunca tal he confesado, ni podía ni debía confesar una cosa tan perjudicial a la belleza de mi señora; y este tal caballero ya vees tú, Sancho, que desvaría. Pero, escuchemos: quizá se declarará más. — Si hará —replicó Sancho—, que término lleva de quejarse un mes arreo. Pero no fue así, porque, habiendo entreoído el Caballero del Bosque que hablaban cerca dél, sin pasar adelante en su lamentación, se puso en pie, y dijo con voz sonora y comedida: — ¿Quién va allá? ¿Qué gente? ¿Es por ventura de la del número de los contentos, o la del de los afligidos? — De los afligidos —respondió don Quijote. — Pues lléguese a mí —respondió el del Bosque—, y hará cuenta que se llega a la mesma tristeza y a la aflición mesma. Don Quijote, que se vio responder tan tierna y comedidamente, se llegó a él, y Sancho ni más ni menos. El caballero lamentador asió a don Quijote del brazo, diciendo: — Sentaos aquí, señor caballero, que para entender que lo sois, y de los que profesan la andante caballería, bástame el haberos hallado en este lugar, donde la soledad y el sereno os hacen compañía, naturales lechos y propias estancias de los caballeros andantes. A lo que respondió don Quijote: — Caballero soy, y de la profesión que decís; y, aunque en mi alma tienen su propio asiento las tristezas, las desgracias y las desventuras, no por eso se ha ahuyentado della la compasión que tengo de las ajenas desdichas. De lo que contaste poco ha, colegí que las vuestras son enamoradas, quiero decir, del amor que tenéis a aquella hermosa ingrata que en vuestras lamentaciones nombrastes. Ya cuando esto pasaban estaban sentados juntos sobre la dura tierra, en buena paz y compañía, como si al romper del día no se hubieran de romper las cabezas. — Por ventura, señor caballero —preguntó el del Bosque a don Quijote—, ¿sois enamorado? — Por desventura lo soy —respondió don Quijote—; aunque los daños que nacen de los bien colocados pensamientos, antes se deben tener por gracias que por desdichas. — Así es la verdad —replicó el del Bosque—, si no nos turbasen la razón y el entendimiento los desdenes, que, siendo muchos, parecen venganzas. — Nunca fui desdeñado de mi señora —respondió don Quijote. — No, por cierto —dijo Sancho, que allí junto estaba—, porque es mi señora como una borrega mansa: es más blanda que una manteca. — ¿Es vuestro escudero éste? —preguntó el del Bosque. — Sí es —respondió don Quijote. — Nunca he visto yo escudero —replicó el del Bosque— que se atreva a hablar donde habla su señor; a lo menos, ahí está ese mío, que es tan grande como su padre, y no se probará que haya desplegado el labio donde yo hablo. — Pues a fe —dijo Sancho—, que he hablado yo, y puedo hablar delante de otro tan..., y aun quédese aquí, que es peor meneallo. El escudero del Bosque asió por el brazo a Sancho, diciéndole: — Vámonos los dos donde podamos hablar escuderilmente todo cuanto quisiéremos, y dejemos a estos señores amos nuestros que se den de las astas, contándose las historias de sus amores; que a buen seguro que les ha de coger el día en ellas y no las han de haber acabado. — Sea en buena hora —dijo Sancho—; y yo le diré a vuestra merced quién soy, para que vea si puedo entrar en docena con los más hablantes escuderos. Con esto se apartaron los dos escuderos, entre los cuales pasó un tan gracioso coloquio como fue grave el que pasó entre sus señores. Capítulo XIII. Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque, con el discreto, nuevo y suave coloquio que pasó entre los dos escuderos Divididos estaban caballeros y escuderos: éstos contándose sus vidas, y aquéllos sus amores; pero la historia cuenta primero el razonamiento de los mozos y luego prosigue el de los amos; y así, dice que, apartándose un poco dellos, el del Bosque dijo a Sancho: — Trabajosa vida es la que pasamos y vivimos, señor mío, estos que somos escuderos de caballeros andantes: en verdad que comemos el pan en el sudor de nuestros rostros, que es una de las maldiciones que echó Dios a nuestros primeros padres. — También se puede decir —añadió Sancho— que lo comemos en el yelo de nuestros cuerpos; porque, ¿quién más calor y más frío que los miserables escuderos de la andante caballería? Y aun menos mal si comiéramos, pues los duelos, con pan son menos; pero tal vez hay que se nos pasa un día y dos sin desayunarnos, si no es del viento que sopla. — Todo eso se puede llevar y conllevar —dijo el del Bosque—, con la esperanza que tenemos del premio; porque si demasiadamente no es desgraciado el caballero andante a quien un escudero sirve, por lo menos, a pocos lances se verá premiado con un hermoso gobierno de cualque ínsula, o con un condado de buen parecer. Yo —replicó Sancho— ya he dicho a mi amo que me contento con el gobierno de alguna ínsula; y él es tan noble y tan liberal, que me le ha prometido muchas y diversas veces. Yo —dijo el del Bosque—, con un canonicato quedaré satisfecho de mis servicios, y ya me le tiene mandado mi amo, y ¡qué tal! — Debe de ser —dijo Sancho— su amo de vuesa merced caballero a lo eclesiástico, y podrá hacer esas mercedes a sus buenos escuderos; pero el mío es meramente lego, aunque yo me acuerdo cuando le querían aconsejar personas discretas, aunque, a mi parecer mal intencionadas, que procurase ser arzobispo; pero él no quiso sino ser emperador, y yo estaba entonces temblando si le venía en voluntad de ser de la Iglesia, por no hallarme suficiente de tener beneficios por ella; porque le hago saber a vuesa merced que, aunque parezco hombre, soy una bestia para ser de la Iglesia. — Pues en verdad que lo yerra vuesa merced —dijo el del Bosque—, a causa que los gobiernos insulanos no son todos de buena data. Algunos hay torcidos, algunos pobres, algunos malencónicos, y finalmente, el más erguido y bien dispuesto trae consigo una pesada carga de pensamientos y de incomodidades, que pone sobre sus hombros el desdichado que le cupo en suerte. Harto mejor sería que los que profesamos esta maldita servidumbre nos retirásemos a nuestras casas, y allí nos entretuviésemos en ejercicios más suaves, como si dijésemos, cazando o pescando; que, ¿qué escudero hay tan pobre en el mundo, a quien le falte un rocín, y un par de galgos, y una caña de pescar, con que entretenerse en su aldea? — A mí no me falta nada deso —respondió Sancho—: verdad es que no tengo rocín, pero tengo un asno que vale dos veces más que el caballo de mi amo. Mala pascua me dé Dios, y sea la primera que viniere, si le trocara por él, aunque me diesen cuatro fanegas de cebada encima. A burla tendrá vuesa merced el valor de mi rucio, que rucio es el color de mi jumento. Pues galgos no me habían de faltar, habiéndolos sobrados en mi pueblo; y más, que entonces es la caza más gustosa cuando se hace a costa ajena. — Real y verdaderamente —respondió el del Bosque—, señor escudero, que tengo propuesto y determinado de dejar estas borracherías destos caballeros, y retirarme a mi aldea, y criar mis hijitos, que tengo tres como tres orientales perlas. — Dos tengo yo —dijo Sancho—, que se pueden presentar al Papa en persona, especialmente una muchacha a quien crío para condesa, si Dios fuere servido, aunque a pesar de su madre. — Y ¿qué edad tiene esa señora que se cría para condesa? —preguntó el del Bosque. — Quince años, dos más a menos —respondió Sancho—, pero es tan grande como una lanza, y tan fresca como una mañana de abril, y tiene una fuerza de un ganapán. — Partes son ésas —respondió el del Bosque— no sólo para ser condesa, sino para ser ninfa del verde bosque. ¡Oh hideputa, puta, y qué rejo debe de tener la bellaca! A lo que respondió Sancho, algo mohíno: — Ni ella es puta, ni lo fue su madre, ni lo será ninguna de las dos, Dios quiriendo, mientras yo viviere. Y háblese más comedidamente, que, para haberse criado vuesa merced entre caballeros andantes, que son la mesma cortesía, no me parecen muy concertadas esas palabras. — ¡Oh, qué mal se le entiende a vuesa merced —replicó el del Bosque— de achaque de alabanzas, señor escudero! ¿Cómo y no sabe que cuando algún caballero da una buena lanzada al toro en la plaza, o cuando alguna persona hace alguna cosa bien hecha, suele decir el vulgo: "¡Oh hideputa, puto, y qué bien que lo ha hecho!?" Y aquello que parece vituperio, en aquel término, es alabanza notable; y renegad vos, señor, de los hijos o hijas que no hacen obras que merezcan se les den a sus padres loores semejantes. — Sí reniego —respondió Sancho—, y dese modo y por esa misma razón podía echar vuestra merced a mí y hijos y a mi mujer toda una putería encima, porque todo cuanto hacen y dicen son estremos dignos de semejantes alabanzas, y para volverlos a ver ruego yo a Dios me saque de pecado mortal, que lo mesmo será si me saca deste peligroso oficio de escudero, en el cual he incurrido segunda vez, cebado y engañado de una bolsa con cien ducados que me hallé un día en el corazón de Sierra Morena, y el diablo me pone ante los ojos aquí, allí, acá no, sino acullá, un talego lleno de doblones, que me parece que a cada paso le toco con la mano, y me abrazo con él, y lo llevo a mi casa, y echo censos, y fundo rentas, y vivo como un príncipe; y el rato que en esto pienso se me hacen fáciles y llevaderos cuantos trabajos padezco con este mentecato de mi amo, de quien sé que tiene más de loco que de caballero. — Por eso —respondió el del Bosque— dicen que la codicia rompe el saco; y si va a tratar dellos, no hay otro mayor en el mundo que mi amo, porque es de aquellos que dicen: "Cuidados ajenos matan al asno"; pues, porque cobre otro caballero el juicio que ha perdido, se hace el loco, y anda buscando lo que no sé si después de hallado le ha de salir a los hocicos. — Y ¿es enamorado, por dicha? — Sí —dijo el del Bosque—: de una tal Casildea de Vandalia, la más cruda y la más asada señora que en todo el orbe puede hallarse; pero no cojea del pie de la crudeza, que otros mayores embustes le gruñen en las entrañas, y ello dirá antes de muchas horas. — No hay camino tan llano —replicó Sancho— que no tenga algún tropezón o barranco; en otras casas cuecen habas, y en la mía, a calderadas; más acompañados y paniaguados debe de tener la locura que la discreción. Mas si es verdad lo que comúnmente se dice, que el tener compañeros en los trabajos suele servir de alivio en ellos, con vuestra merced podré consolarme, pues sirve a otro amo tan tonto como el mío. — Tonto, pero valiente —respondió el del Bosque—, y más bellaco que tonto y que valiente. — Eso no es el mío —respondió Sancho—: digo, que no tiene nada de bellaco; antes tiene una alma como un cántaro: no sabe hacer mal a nadie, sino bien a todos, ni tiene malicia alguna: un niño le hará entender que es de noche en la mitad del día; y por esta sencillez le quiero como a las telas de mi corazón, y no me amaño a dejarle, por más disparates que haga. — Con todo eso, hermano y señor —dijo el del Bosque—, si el ciego guía al ciego, ambos van a peligro de caer en el hoyo. Mejor es retirarnos con buen compás de pies, y volvernos a nuestras querencias; que los que buscan aventuras no siempre las hallan buenas. Escupía Sancho a menudo, al parecer, un cierto género de saliva pegajosa y algo seca; lo cual visto y notado por el caritativo bosqueril escudero, dijo: — Paréceme que de lo que hemos hablado se nos pegan al paladar las lenguas; pero yo traigo un despegador pendiente del arzón de mi caballo, que es tal como bueno. Y, levantándose, volvió desde allí a un poco con una gran bota de vino y una empanada de media vara; y no es encarecimiento, porque era de un conejo albar, tan grande que Sancho, al tocarla, entendió ser de algún cabrón, no que de cabrito; lo cual visto por Sancho, dijo: — Y ¿esto trae vuestra merced consigo, señor? — Pues, ¿qué se pensaba? —respondió el otro—. ¿Soy yo por ventura algún escudero de agua y lana? Mejor repuesto traigo yo en las ancas de mi caballo que lleva consigo cuando va de camino un general. Comió Sancho sin hacerse de rogar, y tragaba a escuras bocados de nudos de suelta. Y dijo: — Vuestra merced sí que es escudero fiel y legal, moliente y corriente, magnífico y grande, como lo muestra este banquete, que si no ha venido aquí por arte de encantamento, parécelo, a lo menos; y no como yo, mezquino y malaventurado, que sólo traigo en mis alforjas un poco de queso, tan duro que pueden descalabrar con ello a un gigante, a quien hacen compañía cuatro docenas de algarrobas y otras tantas de avellanas y nueces, mercedes a la estrecheza de mi dueño, y a la opinión que tiene y orden que guarda de que los caballeros andantes no se han de mantener y sustentar sino con frutas secas y con las yerbas del campo. — Por mi fe, hermano —replicó el del Bosque—, que yo no tengo hecho el estómago a tagarninas, ni a piruétanos, ni a raíces de los montes. Allá se lo hayan con sus opiniones y leyes caballerescas nuestros amos, y coman lo que ellos mandaren. Fiambreras traigo, y esta bota colgando del arzón de la silla, por sí o por no; y es tan devota mía y quiérola tanto, que pocos ratos se pasan sin que la dé mil besos y mil abrazos. Y, diciendo esto, se la puso en las manos a Sancho, el cual, empinándola, puesta a la boca, estuvo mirando las estrellas un cuarto de hora, y, en acabando de beber, dejó caer la cabeza a un lado, y, dando un gran suspiro, dijo: — ¡Oh hideputa bellaco, y cómo es católico! — ¿Veis ahí —dijo el del Bosque, en oyendo el hideputa de Sancho—, cómo habéis alabado este vino llamándole hideputa? — Digo —respondió Sancho—, que confieso que conozco que no es deshonra llamar hijo de puta a nadie, cuando cae debajo del entendimiento de alabarle. Pero dígame, señor, por el siglo de lo que más quiere: ¿este vino es de Ciudad Real? — ¡Bravo mojón! —respondió el del Bosque—. En verdad que no es de otra parte, y que tiene algunos años de ancianidad. — ¡A mí con eso! —dijo Sancho—. No toméis menos, sino que se me fuera a mí por alto dar alcance a su conocimiento. ¿No será bueno, señor escudero, que tenga yo un instinto tan grande y tan natural, en esto de conocer vinos, que, en dándome a oler cualquiera, acierto la patria, el linaje, el sabor, y la dura, y las vueltas que ha de dar, con todas las circunstancias al vino atañederas? Pero no hay de qué maravillarse, si tuve en mi linaje por parte de mi padre los dos más excelentes mojones que en luengos años conoció la Mancha; para prueba de lo cual les sucedió lo que ahora diré: «Diéronles a los dos a probar del vino de una cuba, pidiéndoles su parecer del estado, cualidad, bondad o malicia del vino. El uno lo probó con la punta de la lengua, el otro no hizo más de llegarlo a las narices. El primero dijo que aquel vino sabía a hierro, el segundo dijo que más sabía a cordobán. El dueño dijo que la cuba estaba limpia, y que el tal vino no tenía adobo alguno por donde hubiese tomado sabor de hierro ni de cordobán. Con todo eso, los dos famosos mojones se afirmaron en lo que habían dicho. Anduvo el tiempo, vendióse el vino, y al limpiar de la cuba hallaron en ella una llave pequeña, pendiente de una correa de cordobán.» Porque vea vuestra merced si quien viene desta ralea podrá dar su parecer en semejantes causas. — Por eso digo —dijo el del Bosque— que nos dejemos de andar buscando aventuras; y, pues tenemos hogazas, no busquemos tortas, y volvámonos a nuestras chozas, que allí nos hallará Dios, si Él quiere. — Hasta que mi amo llegue a Zaragoza, le serviré; que después todos nos entenderemos. Finalmente, tanto hablaron y tanto bebieron los dos buenos escuderos, que tuvo necesidad el sueño de atarles las lenguas y templarles la sed, que quitársela fuera imposible; y así, asidos entrambos de la ya casi vacía bota, con los bocados a medio mascar en la boca, se quedaron dormidos, donde los dejaremos por ahora, por contar lo que el Caballero del Bosque pasó con el de la Triste Figura. Capítulo XIV. Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque Entre muchas razones que pasaron don Quijote y el Caballero de la Selva, dice la historia que el del Bosque dijo a don Quijote: — Finalmente, señor caballero, quiero que sepáis que mi destino, o, por mejor decir, mi elección, me trujo a enamorar de la sin par Casildea de Vandalia. Llámola sin par porque no le tiene, así en la grandeza del cuerpo como en el estremo del estado y de la hermosura. Esta tal Casildea, pues, que voy contando, pagó mis buenos pensamientos y comedidos deseos con hacerme ocupar, como su madrina a Hércules, en muchos y diversos peligros, prometiéndome al fin de cada uno que en el fin del otro llegaría el de mi esperanza; pero así se han ido eslabonando mis trabajos, que no tienen cuento, ni yo sé cuál ha de ser el último que dé principio al cumplimiento de mis buenos deseos. Una vez me mandó que fuese a desafiar a aquella famosa giganta de Sevilla llamada la Giralda, que es tan valiente y fuerte como hecha de bronce, y, sin mudarse de un lugar, es la más movible y voltaria mujer del mundo. Llegué, vila, y vencíla, y hícela estar queda y a raya, porque en más de una semana no soplaron sino vientos nortes. Vez también hubo que me mandó fuese a tomar en peso las antiguas piedras de los valientes Toros de Guisando, empresa más para encomendarse a ganapanes que a caballeros. Otra vez me mandó que me precipitase y sumiese en la sima de Cabra, peligro inaudito y temeroso, y que le trujese particular relación de lo que en aquella escura profundidad se encierra. Detuve el movimiento a la Giralda, pesé los Toros de Guisando, despeñéme en la sima y saqué a luz lo escondido de su abismo, y mis esperanzas, muertas que muertas, y sus mandamientos y desdenes, vivos que vivos. En resolución, últimamente me ha mandado que discurra por todas las provincias de España y haga confesar a todos los andantes caballeros que por ellas vagaren que ella sola es la más aventajada en hermosura de cuantas hoy viven, y que yo soy el más valiente y el más bien enamorado caballero del orbe; en cuya demanda he andado ya la mayor parte de España, y en ella he vencido muchos caballeros que se han atrevido a contradecirme. Pero de lo que yo más me precio y ufano es de haber vencido, en singular batalla, a aquel tan famoso caballero don Quijote de la Mancha, y héchole confesar que es más hermosa mi Casildea que su Dulcinea; y en solo este vencimiento hago cuenta que he vencido todos los caballeros del mundo, porque el tal don Quijote que digo los ha vencido a todos; y, habiéndole yo vencido a él, su gloria, su fama y su honra se ha transferido y pasado a mi persona; y tanto el vencedor es más honrado, cuanto más el vencido es reputado; así que, ya corren por mi cuenta y son mías las inumerables hazañas del ya referido don Quijote. Admirado quedó don Quijote de oír al Caballero del Bosque, y estuvo mil veces por decirle que mentía, y ya tuvo el mentís en el pico de la lengua; pero reportóse lo mejor que pudo, por hacerle confesar por su propia boca su mentira; y así, sosegadamente le dijo: — De que vuesa merced, señor caballero, haya vencido a los más caballeros andantes de España, y aun de todo el mundo, no digo nada; pero de que haya vencido a don Quijote de la Mancha, póngolo en duda. Podría ser que fuese otro que le pareciese, aunque hay pocos que le parezcan. — ¿Cómo no? —replicó el del Bosque—. Por el cielo que nos cubre, que peleé con don Quijote, y le vencí y rendí; y es un hombre alto de cuerpo, seco de rostro, estirado y avellanado de miembros, entrecano, la nariz aguileña y algo corva, de bigotes grandes, negros y caídos. Campea debajo del nombre del Caballero de la Triste Figura, y trae por escudero a un labrador llamado Sancho Panza; oprime el lomo y rige el freno de un famoso caballo llamado Rocinante, y, finalmente, tiene por señora de su voluntad a una tal Dulcinea del Toboso, llamada un tiempo Aldonza Lorenzo; como la mía, que, por llamarse Casilda y ser de la Andalucía, yo la llamo Casildea de Vandalia. Si todas estas señas no bastan para acreditar mi verdad, aquí está mi espada, que la hará dar crédito a la mesma incredulidad. — Sosegaos, señor caballero —dijo don Quijote—, y escuchad lo que decir os quiero. Habéis de saber que ese don Quijote que decís es el mayor amigo que en este mundo tengo, y tanto, que podré decir que le tengo en lugar de mi misma persona, y que por las señas que dél me habéis dado, tan puntuales y ciertas, no puedo pensar sino que sea el mismo que habéis vencido. Por otra parte, veo con los ojos y toco con las manos no ser posible ser el mesmo, si ya no fuese que como él tiene muchos enemigos encantadores, especialmente uno que de ordinario le persigue, no haya alguno dellos tomado su figura para dejarse vencer, por defraudarle de la fama que sus altas caballerías le tienen granjeada y adquirida por todo lo descubierto de la tierra. Y, para confirmación desto, quiero también que sepáis que los tales encantadores sus contrarios no ha más de dos días que transformaron la figura y persona de la hermosa Dulcinea del Toboso en una aldeana soez y baja, y desta manera habrán transformado a don Quijote; y si todo esto no basta para enteraros en esta verdad que digo, aquí está el mesmo don Quijote, que la sustentará con sus armas a pie, o a caballo, o de cualquiera suerte que os agradare. Y, diciendo esto, se levantó en pie y se empuñó en la espada, esperando qué resolución tomaría el Caballero del Bosque; el cual, con voz asimismo sosegada, respondió y dijo: — Al buen pagador no le duelen prendas: el que una vez, señor don Quijote, pudo venceros transformado, bien podrá tener esperanza de rendiros en vuestro propio ser. Mas, porque no es bien que los caballeros hagan sus fechos de armas ascuras, como los salteadores y rufianes, esperemos el día, para que el sol vea nuestras obras. Y ha de ser condición de nuestra batalla que el vencido ha de quedar a la voluntad del vencedor, para que haga dél todo lo que quisiere, con tal que sea decente a caballero lo que se le ordenare. — Soy más que contento desa condición y convenencia —respondió don Quijote. Y, en diciendo esto, se fueron donde estaban sus escuderos, y los hallaron roncando y en la misma forma que estaban cuando les salteó el sueño. Despertáronlos y mandáronles que tuviesen a punto los caballos, porque, en saliendo el sol, habían de hacer los dos una sangrienta, singular y desigual batalla; a cuyas nuevas quedó Sancho atónito y pasmado, temeroso de la salud de su amo, por las valentías que había oído decir del suyo al escudero del Bosque; pero, sin hablar palabra, se fueron los dos escuderos a buscar su ganado, que ya todos tres caballos y el rucio se habían olido, y estaban todos juntos. En el camino dijo el del Bosque a Sancho: — Ha de saber, hermano, que tienen por costumbre los peleantes de la Andalucía, cuando son padrinos de alguna pendencia, no estarse ociosos mano sobre mano en tanto que sus ahijados riñen. Dígolo porque esté advertido que mientras nuestros dueños riñeren, nosotros también hemos de pelear y hacernos astillas. — Esa costumbre, señor escudero —respondió Sancho—, allá puede correr y pasar con los rufianes y peleantes que dice, pero con los escuderos de los caballeros andantes, ni por pienso. A lo menos, yo no he oído decir a mi amo semejante costumbre, y sabe de memoria todas las ordenanzas de la andante caballería. Cuanto más, que yo quiero que sea verdad y ordenanza expresa el pelear los escuderos en tanto que sus señores pelean; pero yo no quiero cumplirla, sino pagar la pena que estuviere puesta a los tales pacíficos escuderos, que yo aseguro que no pase de dos libras de cera, y más quiero pagar las tales libras, que sé que me costarán menos que las hilas que podré gastar en curarme la cabeza, que ya me la cuento por partida y dividida en dos partes. Hay más: que me imposibilita el reñir el no tener espada, pues en mi vida me la puse. — Para eso sé yo un buen remedio —dijo el del Bosque—: yo traigo aquí dos talegas de lienzo, de un mesmo tamaño: tomaréis vos la una, y yo la otra, y riñiremos a talegazos, con armas iguales. — Desa manera, sea en buena hora —respondió Sancho—, porque antes servirá la tal pelea de despolvorearnos que de herirnos. — No ha de ser así —replicó el otro—, porque se han de echar dentro de las talegas, porque no se las lleve el aire, media docena de guijarros lindos y pelados, que pesen tanto los unos como los otros, y desta manera nos podremos atalegar sin hacernos mal ni daño. — ¡Mirad, cuerpo de mi padre —respondió Sancho—, qué martas cebollinas, o qué copos de algodón cardado pone en las talegas, para no quedar molidos los cascos y hechos alheña los huesos! Pero, aunque se llenaran de capullos de seda, sepa, señor mío, que no he de pelear: peleen nuestros amos, y allá se lo hayan, y bebamos y vivamos nosotros, que el tiempo tiene cuidado de quitarnos las vidas, sin que andemos buscando apetites para que se acaben antes de llegar su sazón y término y que se cayan de maduras. — Con todo —replicó el del Bosque—, hemos de pelear siquiera media hora. — Eso no —respondió Sancho—: no seré yo tan descortés ni tan desagradecido, que con quien he comido y he bebido trabe cuestión alguna, por mínima que sea; cuanto más que, estando sin cólera y sin enojo, ¿quién diablos se ha de amañar a reñir a secas? — Para eso —dijo el del Bosque— yo daré un suficiente remedio: y es que, antes que comencemos la pelea, yo me llegaré bonitamente a vuestra merced y le daré tres o cuatro bofetadas, que dé con él a mis pies, con las cuales le haré despertar la cólera, aunque esté con más sueño que un lirón. — Contra ese corte sé yo otro —respondió Sancho—, que no le va en zaga: cogeré yo un garrote, y, antes que vuestra merced llegue a despertarme la cólera, haré yo dormir a garrotazos de tal suerte la suya, que no despierte si no fuere en el otro mundo, en el cual se sabe que no soy yo hombre que me dejo manosear el rostro de nadie; y cada uno mire por el virote, aunque lo más acertado sería dejar dormir su cólera a cada uno, que no sabe nadie el alma de nadie, y tal suele venir por lana que vuelve tresquilado; y Dios bendijo la paz y maldijo las riñas, porque si un gato acosado, encerrado y apretado se vuelve en león, yo, que soy hombre, Dios sabe en lo que podré volverme; y así, desde ahora intimo a vuestra merced, señor escudero, que corra por su cuenta todo el mal y daño que de nuestra pendencia resultare. — Está bien —replicó el del Bosque—. Amanecerá Dios y medraremos. En esto, ya comenzaban a gorjear en los árboles mil suertes de pintados pajarillos, y en sus diversos y alegres cantos parecía que daban la norabuena y saludaban a la fresca aurora, que ya por las puertas y balcones del oriente iba descubriendo la hermosura de su rostro, sacudiendo de sus cabellos un número infinito de líquidas perlas, en cuyo suave licor bañándose las yerbas, parecía asimesmo que ellas brotaban y llovían blanco y menudo aljófar; los sauces destilaban maná sabroso, reíanse las fuentes, murmuraban los arroyos, alegrábanse las selvas y enriquecíanse los prados con su venida. Mas, apenas dio lugar la claridad del día para ver y diferenciar las cosas, cuando la primera que se ofreció a los ojos de Sancho Panza fue la nariz del escudero del Bosque, que era tan grande que casi le hacía sombra a todo el cuerpo. Cuéntase, en efecto, que era de demasiada grandeza, corva en la mitad y toda llena de verrugas, de color amoratado, como de berenjena; bajábale dos dedos más abajo de la boca; cuya grandeza, color, verrugas y encorvamiento así le afeaban el rostro, que, en viéndole Sancho, comenzó a herir de pie y de mano, como niño con alferecía, y propuso en su corazón de dejarse dar docientas bofetadas antes que despertar la cólera para reñir con aquel vestiglo. Don Quijote miró a su contendor, y hallóle ya puesta y calada la celada, de modo que no le pudo ver el rostro, pero notó que era hombre membrudo, y no muy alto de cuerpo. Sobre las armas traía una sobrevista o casaca de una tela, al parecer, de oro finísimo, sembradas por ella muchas lunas pequeñas de resplandecientes espejos, que le hacían en grandísima manera galán y vistoso; volábanle sobre la celada grande cantidad de plumas verdes, amarillas y blancas; la lanza, que tenía arrimada a un árbol, era grandísima y gruesa, y de un hierro acerado de más de un palmo. Todo lo miró y todo lo notó don Quijote, y juzgó de lo visto y mirado que el ya dicho caballero debía de ser de grandes fuerzas; pero no por eso temió, como Sancho Panza; antes, con gentil denuedo, dijo al Caballero de los Espejos: — Si la mucha gana de pelear, señor caballero, no os gasta la cortesía, por ella os pido que alcéis la visera un poco, porque yo vea si la gallardía de vuestro rostro responde a la de vuestra disposición. — O vencido o vencedor que salgáis desta empresa, señor caballero —respondió el de los Espejos—, os quedará tiempo y espacio demasiado para verme; y si ahora no satisfago a vuestro deseo, es por parecerme que hago notable agravio a la hermosa Casildea de Vandalia en dilatar el tiempo que tardare en alzarme la visera, sin haceros confesar lo que ya sabéis que pretendo. — Pues, en tanto que subimos a caballo —dijo don Quijote—, bien podéis decirme si soy yo aquel don Quijote que dijistes haber vencido. — A eso vos respondemos —dijo el de los Espejos— que parecéis, como se parece un huevo a otro, al mismo caballero que yo vencí; pero, según vos decís que le persiguen encantadores, no osaré afirmar si sois el contenido o no. — Eso me basta a mí —respondió don Quijote— para que crea vuestro engaño; empero, para sacaros dél de todo punto, vengan nuestros caballos; que, en menos tiempo que el que tardárades en alzaros la visera, si Dios, si mi señora y mi brazo me valen, veré yo vuestro rostro, y vos veréis que no soy yo el vencido don Quijote que pensáis. Con esto, acortando razones, subieron a caballo, y don Quijote volvió las riendas a Rocinante para tomar lo que convenía del campo, para volver a encontrar a su contrario, y lo mesmo hizo el de los Espejos. Pero, no se había apartado don Quijote veinte pasos, cuando se oyó llamar del de los Espejos, y, partiendo los dos el camino, el de los Espejos le dijo: — Advertid, señor caballero, que la condición de nuestra batalla es que el vencido, como otra vez he dicho, ha de quedar a discreción del vencedor. — Ya la sé —respondió don Quijote—; con tal que lo que se le impusiere y mandare al vencido han de ser cosas que no salgan de los límites de la caballería. — Así se entiende —respondió el de los Espejos. Ofreciéronsele en esto a la vista de don Quijote las estrañas narices del escudero, y no se admiró menos de verlas que Sancho; tanto, que le juzgó por algún monstro, o por hombre nuevo y de aquellos que no se usan en el mundo. Sancho, que vio partir a su amo para tomar carrera, no quiso quedar solo con el narigudo, temiendo que con solo un pasagonzalo con aquellas narices en las suyas sería acabada la pendencia suya, quedando del golpe, o del miedo, tendido en el suelo, y fuese tras su amo, asido a una acción de Rocinante; y, cuando le pareció que ya era tiempo que volviese, le dijo: — Suplico a vuesa merced, señor mío, que antes que vuelva a encontrarse me ayude a subir sobre aquel alcornoque, de donde podré ver más a mi sabor, mejor que desde el suelo, el gallardo encuentro que vuesa merced ha de hacer con este caballero. — Antes creo, Sancho —dijo don Quijote—, que te quieres encaramar y subir en andamio por ver sin peligro los toros. — La verdad que diga —respondió Sancho—, las desaforadas narices de aquel escudero me tienen atónito y lleno de espanto, y no me atrevo a estar junto a él. — Ellas son tales —dijo don Quijote—, que, a no ser yo quien soy, también me asombraran; y así, ven: ayudarte he a subir donde dices. En lo que se detuvo don Quijote en que Sancho subiese en el alcornoque, tomó el de los Espejos del campo lo que le pareció necesario; y, creyendo que lo mismo habría hecho don Quijote, sin esperar son de trompeta ni otra señal que los avisase, volvió las riendas a su caballo —que no era más ligero ni de mejor parecer que Rocinante—, y, a todo su correr, que era un mediano trote, iba a encontrar a su enemigo; pero, viéndole ocupado en la subida de Sancho, detuvo las riendas y paróse en la mitad de la carrera, de lo que el caballo quedó agradecidísimo, a causa que ya no podía moverse. Don Quijote, que le pareció que ya su enemigo venía volando, arrimó reciamente las espuelas a las trasijadas ijadas de Rocinante, y le hizo aguijar de manera, que cuenta la historia que esta sola vez se conoció haber corrido algo, porque todas las demás siempre fueron trotes declarados; y con esta no vista furia llegó donde el de los Espejos estaba hincando a su caballo las espuelas hasta los botones, sin que le pudiese mover un solo dedo del lugar donde había hecho estanco de su carrera. En esta buena sazón y coyuntura halló don Quijote a su contrario embarazado con su caballo y ocupado con su lanza, que nunca, o no acertó, o no tuvo lugar de ponerla en ristre. Don Quijote, que no miraba en estos inconvenientes, a salvamano y sin peligro alguno, encontró al de los Espejos con tanta fuerza, que mal de su grado le hizo venir al suelo por las ancas del caballo, dando tal caída, que, sin mover pie ni mano, dio señales de que estaba muerto. Apenas le vio caído Sancho, cuando se deslizó del alcornoque y a toda priesa vino donde su señor estaba, el cual, apeándose de Rocinante, fue sobre el de los Espejos, y, quitándole las lazadas del yelmo para ver si era muerto y para que le diese el aire si acaso estaba vivo; y vio... ¿Quién podrá decir lo que vio, sin causar admiración, maravilla y espanto a los que lo oyeren? Vio, dice la historia, el rostro mesmo, la misma figura, el mesmo aspecto, la misma fisonomía, la mesma efigie, la pespetiva mesma del bachiller Sansón Carrasco; y, así como la vio, en altas voces dijo: — ¡Acude, Sancho, y mira lo que has de ver y no lo has creer! ¡Aguija, hijo, y advierte lo que puede la magia, lo que pueden los hechiceros y los encantadores! Llegó Sancho, y, como vio el rostro del bachiller Carrasco, comenzó a hacerse mil cruces y a santiguarse otras tantas. En todo esto, no daba muestras de estar vivo el derribado caballero, y Sancho dijo a don Quijote: — Soy de parecer, señor mío, que, por sí o por no, vuesa merced hinque y meta la espada por la boca a este que parece el bachiller Sansón Carrasco; quizá matará en él a alguno de sus enemigos los encantadores. — No dices mal —dijo don Quijote—, porque de los enemigos, los menos. Y, sacando la espada para poner en efecto el aviso y consejo de Sancho, llegó el escudero del de los Espejos, ya sin las narices que tan feo le habían hecho, y a grandes voces dijo: — Mire vuesa merced lo que hace, señor don Quijote, que ese que tiene a los pies es el bachiller Sansón Carrasco, su amigo, y yo soy su escudero. Y, viéndole Sancho sin aquella fealdad primera, le dijo: — ¿Y las narices? A lo que él respondió: — Aquí las tengo, en la faldriquera. Y, echando mano a la derecha, sacó unas narices de pasta y barniz, de máscara, de la manifatura que quedan delineadas. Y, mirándole más y más Sancho, con voz admirativa y grande, dijo: — ¡Santa María, y valme! ¿Éste no es Tomé Cecial, mi vecino y mi compadre? — Y ¡cómo si lo soy! —respondió el ya desnarigado escudero—: Tomé Cecial soy, compadre y amigo Sancho Panza, y luego os diré los arcaduces, embustes y enredos por donde soy aquí venido; y en tanto, pedid y suplicad al señor vuestro amo que no toque, maltrate, hiera ni mate al caballero de los Espejos, que a sus pies tiene, porque sin duda alguna es el atrevido y mal aconsejado del bachiller Sansón Carrasco, nuestro compatrioto. En esto, volvió en sí el de los Espejos, lo cual visto por don Quijote, le puso la punta desnuda de su espada encima del rostro, y le dijo: — Muerto sois, caballero, si no confesáis que la sin par Dulcinea del Toboso se aventaja en belleza a vuestra Casildea de Vandalia; y demás de esto habéis de prometer, si de esta contienda y caída quedárades con vida, de ir a la ciudad del Toboso y presentaros en su presencia de mi parte, para que haga de vos lo que más en voluntad le viniere; y si os dejare en la vuestra, asimismo habéis de volver a buscarme, que el rastro de mis hazañas os servirá de guía que os traiga donde yo estuviere, y a decirme lo que con ella hubiéredes pasado; condiciones que, conforme a las que pusimos antes de nuestra batalla, no salen de los términos de la andante caballería. — Confieso —dijo el caído caballero— que vale más el zapato descosido y sucio de la señora Dulcinea del Toboso que las barbas mal peinadas, aunque limpias, de Casildea, y prometo de ir y volver de su presencia a la vuestra, y daros entera y particular cuenta de lo que me pedís. — También habéis de confesar y creer —añadió don Quijote— que aquel caballero que vencistes no fue ni pudo ser don Quijote de la Mancha, sino otro que se le parecía, como yo confieso y creo que vos, aunque parecéis el bachiller Sansón Carrasco, no lo sois, sino otro que le parece, y que en su figura aquí me le han puesto mis enemigos, para que detenga y temple el ímpetu de mi cólera, y para que use blandamente de la gloria del vencimiento. — Todo lo confieso, juzgo y siento como vos lo creéis, juzgáis y sentís — respondió el derrengado caballero—. Dejadme levantar, os ruego, si es que lo permite el golpe de mi caída, que asaz maltrecho me tiene. Ayudóle a levantar don Quijote y Tomé Cecial, su escudero, del cual no apartaba los ojos Sancho, preguntándole cosas cuyas respuestas le daban manifiestas señales de que verdaderamente era el Tomé Cecial que decía; mas la aprehensión que en Sancho había hecho lo que su amo dijo, de que los encantadores habían mudado la figura del Caballero de los Espejos en la del bachiller Carrasco, no le dejaba dar crédito a la verdad que con los ojos estaba mirando. Finalmente, se quedaron con este engaño amo y mozo, y el de los Espejos y su escudero, mohínos y malandantes, se apartaron de don Quijote y Sancho, con intención de buscar algún lugar donde bizmarle y entablarle las costillas. Don Quijote y Sancho volvieron a proseguir su camino de Zaragoza, donde los deja la historia, por dar cuenta de quién era el Caballero de los Espejos y su narigante escudero. Capítulo XV. Donde se cuenta y da noticia de quién era el Caballero de los Espejos y su escudero En estremo contento, ufano y vanaglorioso iba don Quijote por haber alcanzado vitoria de tan valiente caballero como él se imaginaba que era el de los Espejos, de cuya caballeresca palabra esperaba saber si el encantamento de su señora pasaba adelante, pues era forzoso que el tal vencido caballero volviese, so pena de no serlo, a darle razón de lo que con ella le hubiese sucedido. Pero uno pensaba don Quijote y otro el de los Espejos, puesto que por entonces no era otro su pensamiento sino buscar donde bizmarse, como se ha dicho. Dice, pues, la historia que cuando el bachiller Sansón Carrasco aconsejó a don Quijote que volviese a proseguir sus dejadas caballerías, fue por haber entrado primero en bureo con el cura y el barbero sobre qué medio se podría tomar para reducir a don Quijote a que se estuviese en su casa quieto y sosegado, sin que le alborotasen sus mal buscadas aventuras; de cuyo consejo salió, por voto común de todos y parecer particular de Carrasco, que dejasen salir a don Quijote, pues el detenerle parecía imposible, y que Sansón le saliese al camino como caballero andante, y trabase batalla con él, pues no faltaría sobre qué, y le venciese, teniéndolo por cosa fácil, y que fuese pacto y concierto que el vencido quedase a merced del vencedor; y así vencido don Quijote, le había de mandar el bachiller caballero se volviese a su pueblo y casa, y no saliese della en dos años, o hasta tanto que por él le fuese mandado otra cosa; lo cual era claro que don Quijote vencido cumpliría indubitablemente, por no contravenir y faltar a las leyes de la caballería, y podría ser que en el tiempo de su reclusión se le olvidasen sus vanidades, o se diese lugar de buscar a su locura algún conveniente remedio. Aceptólo Carrasco, y ofreciósele por escudero Tomé Cecial, compadre y vecino de Sancho Panza, hombre alegre y de lucios cascos. Armóse Sansón como queda referido y Tomé Cecial acomodó sobre sus naturales narices las falsas y de máscara ya dichas, porque no fuese conocido de su compadre cuando se viesen; y así, siguieron el mismo viaje que llevaba don Quijote, y llegaron casi a hallarse en la aventura del carro de la Muerte. Y, finalmente, dieron con ellos en el bosque, donde les sucedió todo lo que el prudente ha leído; y si no fuera por los pensamientos extraordinarios de don Quijote, que se dio a entender que el bachiller no era el bachiller, el señor bachiller quedara imposibilitado para siempre de graduarse de licenciado, por no haber hallado nidos donde pensó hallar pájaros. Tomé Cecial, que vio cuán mal había logrado sus deseos y el mal paradero que había tenido su camino, dijo al bachiller: — Por cierto, señor Sansón Carrasco, que tenemos nuestro merecido: con facilidad se piensa y se acomete una empresa, pero con dificultad las más veces se sale della. Don Quijote loco, nosotros cuerdos: él se va sano y riendo, vuesa merced queda molido y triste. Sepamos, pues, ahora, cuál es más loco: ¿el que lo es por no poder menos, o el que lo es por su voluntad? A lo que respondió Sansón: — La diferencia que hay entre esos dos locos es que el que lo es por fuerza lo será siempre, y el que lo es de grado lo dejará de ser cuando quisiere. — Pues así es —dijo Tomé Cecial—, yo fui por mi voluntad loco cuando quise hacerme escudero de vuestra merced, y por la misma quiero dejar de serlo y volverme a mi casa. — Eso os cumple —respondió Sansón—, porque pensar que yo he de volver a la mía, hasta haber molido a palos a don Quijote, es pensar en lo escusado; y no me llevará ahora a buscarle el deseo de que cobre su juicio, sino el de la venganza; que el dolor grande de mis costillas no me deja hacer más piadosos discursos. En esto fueron razonando los dos, hasta que llegaron a un pueblo donde fue ventura hallar un algebrista, con quien se curó el Sansón desgraciado. Tomé Cecial se volvió y le dejó, y él quedó imaginando su venganza; y la historia vuelve a hablar dél a su tiempo, por no dejar de regocijarse ahora con don Quijote. Capítulo XVI. De lo que sucedió a don Quijote con un discreto caballero de la Mancha Con la alegría, contento y ufanidad que se ha dicho, seguía don Quijote su jornada, imaginándose por la pasada vitoria ser el caballero andante más valiente que tenía en aquella edad el mundo; daba por acabadas y a felice fin conducidas cuantas aventuras pudiesen sucederle de allí adelante; tenía en poco a los encantos y a los encantadores; no se acordaba de los inumerables palos que en el discurso de sus caballerías le habían dado, ni de la pedrada que le derribó la mitad de los dientes, ni del desagradecimiento de los galeotes, ni del atrevimiento y lluvia de estacas de los yangüeses. Finalmente, decía entre sí que si él hallara arte, modo o manera como desencantar a su señora Dulcinea, no invidiara a la mayor ventura que alcanzó o pudo alcanzar el más venturoso caballero andante de los pasados siglos. En estas imaginaciones iba todo ocupado, cuando Sancho le dijo: — ¿No es bueno, señor, que aun todavía traigo entre los ojos las desaforadas narices, y mayores de marca, de mi compadre Tomé Cecial? — Y ¿crees tú, Sancho, por ventura, que el Caballero de los Espejos era el bachiller Carrasco; y su escudero, Tomé Cecial, tu compadre? — No sé qué me diga a eso —respondió Sancho—; sólo sé que las señas que me dio de mi casa, mujer y hijos no me las podría dar otro que él mesmo; y la cara, quitadas las narices, era la misma de Tomé Cecial, como yo se la he visto muchas veces en mi pueblo y pared en medio de mi misma casa; y el tono de la habla era todo uno. — Estemos a razón, Sancho —replicó don Quijote—. Ven acá: ¿en qué consideración puede caber que el bachiller Sansón Carrasco viniese como caballero andante, armado de armas ofensivas y defensivas, a pelear conmigo? ¿He sido yo su enemigo por ventura? ¿Hele dado yo jamás ocasión para tenerme ojeriza? ¿Soy yo su rival, o hace él profesión de las armas, para tener invidia a la fama que yo por ellas he ganado? — Pues, ¿qué diremos, señor —respondió Sancho—, a esto de parecerse tanto aquel caballero, sea el que se fuere, al bachiller Carrasco, y su escudero a Tomé Cecial, mi compadre? Y si ello es encantamento, como vuestra merced ha dicho, ¿no había en el mundo otros dos a quien se parecieran? — Todo es artificio y traza —respondió don Quijote— de los malignos magos que me persiguen, los cuales, anteviendo que yo había de quedar vencedor en la contienda, se previnieron de que el caballero vencido mostrase el rostro de mi amigo el bachiller, porque la amistad que le tengo se pusiese entre los filos de mi espada y el rigor de mi brazo, y templase la justa ira de mi corazón, y desta manera quedase con vida el que con embelecos y falsías procuraba quitarme la mía. Para prueba de lo cual ya sabes, ¡oh Sancho!, por experiencia que no te dejará mentir ni engañar, cuán fácil sea a los encantadores mudar unos rostros en otros, haciendo de lo hermoso feo y de lo feo hermoso, pues no ha dos días que viste por tus mismos ojos la hermosura y gallardía de la sin par Dulcinea en toda su entereza y natural conformidad, y yo la vi en la fealdad y bajeza de una zafia labradora, con cataratas en los ojos y con mal olor en la boca; y más, que el perverso encantador que se atrevió a hacer una transformación tan mala no es mucho que haya hecho la de Sansón Carrasco y la de tu compadre, por quitarme la gloria del vencimiento de las manos. Pero, con todo esto, me consuelo; porque, en fin, en cualquiera figura que haya sido, he quedado vencedor de mi enemigo. — Dios sabe la verdad de todo —respondió Sancho. Y como él sabía que la transformación de Dulcinea había sido traza y embeleco suyo, no le satisfacían las quimeras de su amo; pero no le quiso replicar, por no decir alguna palabra que descubriese su embuste. En estas razones estaban cuando los alcanzó un hombre que detrás dellos por el mismo camino venía sobre una muy hermosa yegua tordilla, vestido un gabán de paño fino verde, jironado de terciopelo leonado, con una montera del mismo terciopelo; el aderezo de la yegua era de campo y de la jineta, asimismo de morado y verde. Traía un alfanje morisco pendiente de un ancho tahalí de verde y oro, y los borceguíes eran de la labor del tahalí; las espuelas no eran doradas, sino dadas con un barniz verde, tan tersas y bruñidas que, por hacer labor con todo el vestido, parecían mejor que si fuera de oro puro. Cuando llegó a ellos, el caminante los saludó cortésmente, y, picando a la yegua, se pasaba de largo; pero don Quijote le dijo: — Señor galán, si es que vuestra merced lleva el camino que nosotros y no importa el darse priesa, merced recibiría en que nos fuésemos juntos. — En verdad —respondió el de la yegua— que no me pasara tan de largo, si no fuera por temor que con la compañía de mi yegua no se alborotara ese caballo. — Bien puede, señor —respondió a esta sazón Sancho—, bien puede tener las riendas a su yegua, porque nuestro caballo es el más honesto y bien mirado del mundo: jamás en semejantes ocasiones ha hecho vileza alguna, y una vez que se desmandó a hacerla la lastamos mi señor y yo con las setenas. Digo otra vez que puede vuestra merced detenerse, si quisiere; que, aunque se la den entre dos platos, a buen seguro que el caballo no la arrostre. Detuvo la rienda el caminante, admirándose de la apostura y rostro de don Quijote, el cual iba sin celada, que la llevaba Sancho como maleta en el arzón delantero de la albarda del rucio; y si mucho miraba el de lo verde a don Quijote, mucho más miraba don Quijote al de lo verde, pareciéndole hombre de chapa. La edad mostraba ser de cincuenta años; las canas, pocas, y el rostro, aguileño; la vista, entre alegre y grave; finalmente, en el traje y apostura daba a entender ser hombre de buenas prendas. Lo que juzgó de don Quijote de la Mancha el de lo verde fue que semejante manera ni parecer de hombre no le había visto jamás: admiróle la longura de su caballo, la grandeza de su cuerpo, la flaqueza y amarillez de su rostro, sus armas, su ademán y compostura: figura y retrato no visto por luengos tiempos atrás en aquella tierra. Notó bien don Quijote la atención con que el caminante le miraba, y leyóle en la suspensión su deseo; y, como era tan cortés y tan amigo de dar gusto a todos, antes que le preguntase nada, le salió al camino, diciéndole: — Esta figura que vuesa merced en mí ha visto, por ser tan nueva y tan fuera de las que comúnmente se usan, no me maravillaría yo de que le hubiese maravillado; pero dejará vuesa merced de estarlo cuando le diga, como le digo, que soy caballero destos que dicen las gentes que a sus aventuras van. Salí de mi patria, empeñé mi hacienda, dejé mi regalo, y entreguéme en los brazos de la Fortuna, que me llevasen donde más fuese servida. Quise resucitar la ya muerta andante caballería, y ha muchos días que, tropezando aquí, cayendo allí, despeñándome acá y levantándome acullá, he cumplido gran parte de mi deseo, socorriendo viudas, amparando doncellas y favoreciendo casadas, huérfanos y pupilos, propio y natural oficio de caballeros andantes; y así, por mis valerosas, muchas y cristianas hazañas he merecido andar ya en estampa en casi todas o las más naciones del mundo. Treinta mil volúmenes se han impreso de mi historia, y lleva camino de imprimirse treinta mil veces de millares, si el cielo no lo remedia. Finalmente, por encerrarlo todo en breves palabras, o en una sola, digo que yo soy don Quijote de la Mancha, por otro nombre llamado el Caballero de la Triste Figura; y, puesto que las propias alabanzas envilecen, esme forzoso decir yo tal vez las mías, y esto se entiende cuando no se halla presente quien las diga; así que, señor gentilhombre, ni este caballo, esta lanza, ni este escudo, ni escudero, ni todas juntas estas armas, ni la amarillez de mi rostro, ni mi atenuada flaqueza, os podrá admirar de aquí adelante, habiendo ya sabido quién soy y la profesión que hago. Calló en diciendo esto don Quijote, y el de lo verde, según se tardaba en responderle, parecía que no acertaba a hacerlo; pero de allí a buen espacio le dijo: — Acertastes, señor caballero, a conocer por mi suspensión mi deseo; pero no habéis acertado a quitarme la maravilla que en mí causa el haberos visto; que, puesto que, como vos, señor, decís, que el saber ya quién sois me lo podría quitar, no ha sido así; antes, agora que lo sé, quedo más suspenso y maravillado. ¿Cómo y es posible que hay hoy caballeros andantes en el mundo, y que hay historias impresas de verdaderas caballerías? No me puedo persuadir que haya hoy en la tierra quien favorezca viudas, ampare doncellas, ni honre casadas, ni socorra huérfanos, y no lo creyera si en vuesa merced no lo hubiera visto con mis ojos. ¡Bendito sea el cielo!, que con esa historia, que vuesa merced dice que está impresa, de sus altas y verdaderas caballerías, se habrán puesto en olvido las innumerables de los fingidos caballeros andantes, de que estaba lleno el mundo, tan en daño de las buenas costumbres y tan en perjuicio y descrédito de las buenas historias. — Hay mucho que decir —respondió don Quijote— en razón de si son fingidas, o no, las historias de los andantes caballeros. — Pues, ¿hay quien dude —respondió el Verde— que no son falsas las tales historias? — Yo lo dudo —respondió don Quijote—, y quédese esto aquí; que si nuestra jornada dura, espero en Dios de dar a entender a vuesa merced que ha hecho mal en irse con la corriente de los que tienen por cierto que no son verdaderas. Desta última razón de don Quijote tomó barruntos el caminante de que don Quijote debía de ser algún mentecato, y aguardaba que con otras lo confirmase; pero, antes que se divertiesen en otros razonamientos, don Quijote le rogó le dijese quién era, pues él le había dado parte de su condición y de su vida. A lo que respondió el del Verde Gabán: — Yo, señor Caballero de la Triste Figura, soy un hidalgo natural de un lugar donde iremos a comer hoy, si Dios fuere servido. Soy más que medianamente rico y es mi nombre don Diego de Miranda; paso la vida con mi mujer, y con mis hijos, y con mis amigos; mis ejercicios son el de la caza y pesca, pero no mantengo ni halcón ni galgos, sino algún perdigón manso, o algún hurón atrevido. Tengo hasta seis docenas de libros, cuáles de romance y cuáles de latín, de historia algunos y de devoción otros; los de caballerías aún no han entrado por los umbrales de mis puertas. Hojeo más los que son profanos que los devotos, como sean de honesto entretenimiento, que deleiten con el lenguaje y admiren y suspendan con la invención, puesto que déstos hay muy pocos en España. Alguna vez como con mis vecinos y amigos, y muchas veces los convido; son mis convites limpios y aseados, y no nada escasos; ni gusto de murmurar, ni consiento que delante de mí se murmure; no escudriño las vidas ajenas, ni soy lince de los hechos de los otros; oigo misa cada día; reparto de mis bienes con los pobres, sin hacer alarde de las buenas obras, por no dar entrada en mi corazón a la hipocresía y vanagloria, enemigos que blandamente se apoderan del corazón más recatado; procuro poner en paz los que sé que están desavenidos; soy devoto de nuestra Señora, y confío siempre en la misericordia infinita de Dios nuestro Señor. Atentísimo estuvo Sancho a la relación de la vida y entretenimientos del hidalgo; y, pareciéndole buena y santa y que quien la hacía debía de hacer milagros, se arrojó del rucio, y con gran priesa le fue a asir del estribo derecho, y con devoto corazón y casi lágrimas le besó los pies una y muchas veces. Visto lo cual por el hidalgo, le preguntó: — ¿Qué hacéis, hermano? ¿Qué besos son éstos? — Déjenme besar —respondió Sancho—, porque me parece vuesa merced el primer santo a la jineta que he visto en todos los días de mi vida. — No soy santo —respondió el hidalgo—, sino gran pecador; vos sí, hermano, que debéis de ser bueno, como vuestra simplicidad lo muestra. Volvió Sancho a cobrar la albarda, habiendo sacado a plaza la risa de la profunda malencolía de su amo y causado nueva admiración a don Diego. Preguntóle don Quijote que cuántos hijos tenía, y díjole que una de las cosas en que ponían el sumo bien los antiguos filósofos, que carecieron del verdadero conocimiento de Dios, fue en los bienes de la naturaleza, en los de la fortuna, en tener muchos amigos y en tener muchos y buenos hijos. — Yo, señor don Quijote —respondió el hidalgo—, tengo un hijo, que, a no tenerle, quizá me juzgara por más dichoso de lo que soy; y no porque él sea malo, sino porque no es tan bueno como yo quisiera. Será de edad de diez y ocho años: los seis ha estado en Salamanca, aprendiendo las lenguas latina y griega; y, cuando quise que pasase a estudiar otras ciencias, halléle tan embebido en la de la poesía, si es que se puede llamar ciencia, que no es posible hacerle arrostrar la de las leyes, que yo quisiera que estudiara, ni de la reina de todas, la teología. Quisiera yo que fuera corona de su linaje, pues vivimos en siglo donde nuestros reyes premian altamente las virtuosas y buenas letras; porque letras sin virtud son perlas en el muladar. Todo el día se le pasa en averiguar si dijo bien o mal Homero en tal verso de la Ilíada; si Marcial anduvo deshonesto, o no, en tal epigrama; si se han de entender de una manera o otra tales y tales versos de Virgilio. En fin, todas sus conversaciones son con los libros de los referidos poetas, y con los de Horacio, Persio, Juvenal y Tibulo; que de los modernos romancistas no hace mucha cuenta; y, con todo el mal cariño que muestra tener a la poesía de romance, le tiene agora desvanecidos los pensamientos el hacer una glosa a cuatro versos que le han enviado de Salamanca, y pienso que son de justa literaria. A todo lo cual respondió don Quijote: — Los hijos, señor, son pedazos de las entrañas de sus padres, y así, se han de querer, o buenos o malos que sean, como se quieren las almas que nos dan vida; a los padres toca el encaminarlos desde pequeños por los pasos de la virtud, de la buena crianza y de las buenas y cristianas costumbres, para que cuando grandes sean báculo de la vejez de sus padres y gloria de su posteridad; y en lo de forzarles que estudien esta o aquella ciencia no lo tengo por acertado, aunque el persuadirles no será dañoso; y cuando no se ha de estudiar para pane lucrando, siendo tan venturoso el estudiante que le dio el cielo padres que se lo dejen, sería yo de parecer que le dejen seguir aquella ciencia a que más le vieren inclinado; y, aunque la de la poesía es menos útil que deleitable, no es de aquellas que suelen deshonrar a quien las posee. La poesía, señor hidalgo, a mi parecer, es como una doncella tierna y de poca edad, y en todo estremo hermosa, a quien tienen cuidado de enriquecer, pulir y adornar otras muchas doncellas, que son todas las otras ciencias, y ella se ha de servir de todas, y todas se han de autorizar con ella; pero esta tal doncella no quiere ser manoseada, ni traída por las calles, ni publicada por las esquinas de las plazas ni por los rincones de los palacios. Ella es hecha de una alquimia de tal virtud, que quien la sabe tratar la volverá en oro purísimo de inestimable precio; hala de tener, el que la tuviere, a raya, no dejándola correr en torpes sátiras ni en desalmados sonetos; no ha de ser vendible en ninguna manera, si ya no fuere en poemas heroicos, en lamentables tragedias, o en comedias alegres y artificiosas; no se ha de dejar tratar de los truhanes, ni del ignorante vulgo, incapaz de conocer ni estimar los tesoros que en ella se encierran. Y no penséis, señor, que yo llamo aquí vulgo solamente a la gente plebeya y humilde; que todo aquel que no sabe, aunque sea señor y príncipe, puede y debe entrar en número de vulgo. Y así, el que con los requisitos que he dicho tratare y tuviere a la poesía, será famoso y estimado su nombre en todas las naciones políticas del mundo. Y a lo que decís, señor, que vuestro hijo no estima mucho la poesía de romance, doyme a entender que no anda muy acertado en ello, y la razón es ésta: el grande Homero no escribió en latín, porque era griego, ni Virgilio no escribió en griego, porque era latino. En resolución, todos los poetas antiguos escribieron en la lengua que mamaron en la leche, y no fueron a buscar las estranjeras para declarar la alteza de sus conceptos. Y, siendo esto así, razón sería se estendiese esta costumbre por todas las naciones, y que no se desestimase el poeta alemán porque escribe en su lengua, ni el castellano, ni aun el vizcaíno, que escribe en la suya. Pero vuestro hijo, a lo que yo, señor, imagino, no debe de estar mal con la poesía de romance, sino con los poetas que son meros romancistas, sin saber otras lenguas ni otras ciencias que adornen y despierten y ayuden a su natural impulso; y aun en esto puede haber yerro; porque, según es opinión verdadera, el poeta nace: quieren decir que del vientre de su madre el poeta natural sale poeta; y, con aquella inclinación que le dio el cielo, sin más estudio ni artificio, compone cosas, que hace verdadero al que dijo: est Deus in nobis..., etcétera. También digo que el natural poeta que se ayudare del arte será mucho mejor y se aventajará al poeta que sólo por saber el arte quisiere serlo; la razón es porque el arte no se aventaja a la naturaleza, sino perficiónala; así que, mezcladas la naturaleza y el arte, y el arte con la naturaleza, sacarán un perfetísimo poeta. Sea, pues, la conclusión de mi plática, señor hidalgo, que vuesa merced deje caminar a su hijo por donde su estrella le llama; que, siendo él tan buen estudiante como debe de ser, y habiendo ya subido felicemente el primer escalón de las esencias, que es el de las lenguas, con ellas por sí mesmo subirá a la cumbre de las letras humanas, las cuales tan bien parecen en un caballero de capa y espada, y así le adornan, honran y engrandecen, como las mitras a los obispos, o como las garnachas a los peritos jurisconsultos. Riña vuesa merced a su hijo si hiciere sátiras que perjudiquen las honras ajenas, y castíguele, y rómpaselas, pero si hiciere sermones al modo de Horacio, donde reprehenda los vicios en general, como tan elegantemente él lo hizo, alábele: porque lícito es al poeta escribir contra la invidia, y decir en sus versos mal de los invidiosos, y así de los otros vicios, con que no señale persona alguna; pero hay poetas que, a trueco de decir una malicia, se pondrán a peligro que los destierren a las islas de Ponto. Si el poeta fuere casto en sus costumbres, lo será también en sus versos; la pluma es lengua del alma: cuales fueren los conceptos que en ella se engendraren, tales serán sus escritos; y cuando los reyes y príncipes veen la milagrosa ciencia de la poesía en sujetos prudentes, virtuosos y graves, los honran, los estiman y los enriquecen, y aun los coronan con las hojas del árbol a quien no ofende el rayo, como en señal que no han de ser ofendidos de nadie los que con tales coronas veen honrados y adornadas sus sienes. Admirado quedó el del Verde Gabán del razonamiento de don Quijote, y tanto, que fue perdiendo de la opinión que con él tenía, de ser mentecato. Pero, a la mitad desta plática, Sancho, por no ser muy de su gusto, se había desviado del camino a pedir un poco de leche a unos pastores que allí junto estaban ordeñando unas ovejas; y, en esto, ya volvía a renovar la plática el hidalgo, satisfecho en estremo de la discreción y buen discurso de don Quijote, cuando, alzando don Quijote la cabeza, vio que por el camino por donde ellos iban venía un carro lleno de banderas reales; y, creyendo que debía de ser alguna nueva aventura, a grandes voces llamó a Sancho que viniese a darle la celada. El cual Sancho, oyéndose llamar, dejó a los pastores, y a toda priesa picó al rucio, y llegó donde su amo estaba, a quien sucedió una espantosa y desatinada aventura. Capítulo XVII. De donde se declaró el último punto y estremo adonde llegó y pudo llegar el inaudito ánimo de don Quijote, con la felicemente acabada aventura de los leones Cuenta la historia que cuando don Quijote daba voces a Sancho que le trujese el yelmo, estaba él comprando unos requesones que los pastores le vendían; y, acosado de la mucha priesa de su amo, no supo qué hacer dellos, ni en qué traerlos, y, por no perderlos, que ya los tenía pagados, acordó de echarlos en la celada de su señor, y con este buen recado volvió a ver lo que le quería; el cual, en llegando, le dijo: — Dame, amigo, esa celada; que yo sé poco de aventuras, o lo que allí descubro es alguna que me ha de necesitar, y me necesita, a tomar mis armas. El del Verde Gabán, que esto oyó, tendió la vista por todas partes, y no descubrió otra cosa que un carro que hacia ellos venía, con dos o tres banderas pequeñas, que le dieron a entender que el tal carro debía de traer moneda de Su Majestad, y así se lo dijo a don Quijote; pero él no le dio crédito, siempre creyendo y pensando que todo lo que le sucediese habían de ser aventuras y más aventuras, y así, respondió al hidalgo: — Hombre apercebido, medio combatido: no se pierde nada en que yo me aperciba, que sé por experiencia que tengo enemigos visibles e invisibles, y no sé cuándo, ni adónde, ni en qué tiempo, ni en qué figuras me han de acometer. Y, volviéndose a Sancho, le pidió la celada; el cual, como no tuvo lugar de sacar los requesones, le fue forzoso dársela como estaba. Tomóla don Quijote, y, sin que echase de ver lo que dentro venía, con toda priesa se la encajó en la cabeza; y, como los requesones se apretaron y exprimieron, comenzó a correr el suero por todo el rostro y barbas de don Quijote, de lo que recibió tal susto, que dijo a Sancho: — ¿Qué será esto, Sancho, que parece que se me ablandan los cascos, o se me derriten los sesos, o que sudo de los pies a la cabeza? Y si es que sudo, en verdad que no es de miedo; sin duda creo que es terrible la aventura que agora quiere sucederme. Dame, si tienes, con que me limpie, que el copioso sudor me ciega los ojos. Calló Sancho y diole un paño, y dio con él gracias a Dios de que su señor no hubiese caído en el caso. Limpióse don Quijote y quitóse la celada por ver qué cosa era la que, a su parecer, le enfriaba la cabeza, y, viendo aquellas gachas blancas dentro de la celada, las llegó a las narices, y en oliéndolas dijo: — Por vida de mi señora Dulcinea del Toboso, que son requesones los que aquí me has puesto, traidor, bergante y mal mirado escudero. A lo que, con gran flema y disimulación, respondió Sancho: — Si son requesones, démelos vuesa merced, que yo me los comeré... Pero cómalos el diablo, que debió de ser el que ahí los puso. ¿Yo había de tener atrevimiento de ensuciar el yelmo de vuesa merced? ¡Hallado le habéis el atrevido! A la fe, señor, a lo que Dios me da a entender, también debo yo de tener encantadores que me persiguen como a hechura y miembro de vuesa merced, y habrán puesto ahí esa inmundicia para mover a cólera su paciencia y hacer que me muela, como suele, las costillas. Pues en verdad que esta vez han dado salto en vago, que yo confío en el buen discurso de mi señor, que habrá considerado que ni yo tengo requesones, ni leche, ni otra cosa que lo valga, y que si la tuviera, antes la pusiera en mi estómago que en la celada. — Todo puede ser —dijo don Quijote. Y todo lo miraba el hidalgo, y de todo se admiraba, especialmente cuando, después de haberse limpiado don Quijote cabeza, rostro y barbas y celada, se la encajó; y, afirmándose bien en los estribos, requiriendo la espada y asiendo la lanza, dijo: — Ahora, venga lo que veniere, que aquí estoy con ánimo de tomarme con el mesmo Satanás en persona. Llegó en esto el carro de las banderas, en el cual no venía otra gente que el carretero, en las mulas, y un hombre sentado en la delantera. Púsose don Quijote delante y dijo: — ¿Adónde vais, hermanos? ¿Qué carro es éste, qué lleváis en él y qué banderas son aquéstas? A lo que respondió el carretero: — El carro es mío; lo que va en él son dos bravos leones enjaulados, que el general de Orán envía a la corte, presentados a Su Majestad; las banderas son del rey nuestro señor, en señal que aquí va cosa suya. — Y ¿son grandes los leones? —preguntó don Quijote. — Tan grandes —respondió el hombre que iba a la puerta del carro—, que no han pasado mayores, ni tan grandes, de Africa a España jamás; y yo soy el leonero, y he pasado otros, pero como éstos, ninguno. Son hembra y macho; el macho va en esta jaula primera, y la hembra en la de atrás; y ahora van hambrientos porque no han comido hoy; y así, vuesa merced se desvíe, que es menester llegar presto donde les demos de comer. A lo que dijo don Quijote, sonriéndose un poco: — ¿Leoncitos a mí? ¿A mí leoncitos, y a tales horas? Pues, ¡por Dios que han de ver esos señores que acá los envían si soy yo hombre que se espanta de leones! Apeaos, buen hombre, y, pues sois el leonero, abrid esas jaulas y echadme esas bestias fuera, que en mitad desta campaña les daré a conocer quién es don Quijote de la Mancha, a despecho y pesar de los encantadores que a mí los envían. — ¡Ta, ta! —dijo a esta sazón entre sí el hidalgo—, dado ha señal de quién es nuestro buen caballero: los requesones, sin duda, le han ablandado los cascos y madurado los sesos. Llegóse en esto a él Sancho y díjole: — Señor, por quien Dios es, que vuesa merced haga de manera que mi señor don Quijote no se tome con estos leones, que si se toma, aquí nos han de hacer pedazos a todos. — Pues, ¿tan loco es vuestro amo —respondió el hidalgo—, que teméis, y creéis que se ha de tomar con tan fieros animales? — No es loco —respondió Sancho—, sino atrevido. — Yo haré que no lo sea —replicó el hidalgo. Y, llegándose a don Quijote, que estaba dando priesa al leonero que abriese las jaulas, le dijo: — Señor caballero, los caballeros andantes han de acometer las aventuras que prometen esperanza de salir bien dellas, y no aquellas que de en todo la quitan; porque la valentía que se entra en la juridición de la temeridad, más tiene de locura que de fortaleza. Cuanto más, que estos leones no vienen contra vuesa merced, ni lo sueñan: van presentados a Su Majestad, y no será bien detenerlos ni impedirles su viaje. — Váyase vuesa merced, señor hidalgo —respondió don Quijote—, a entender con su perdigón manso y con su hurón atrevido, y deje a cada uno hacer su oficio. Éste es el mío, y yo sé si vienen a mí, o no, estos señores leones. Y, volviéndose al leonero, le dijo: — ¡Voto a tal, don bellaco, que si no abrís luego luego las jaulas, que con esta lanza os he de coser con el carro! El carretero, que vio la determinación de aquella armada fantasía, le dijo: — Señor mío, vuestra merced sea servido, por caridad, dejarme desuncir las mulas y ponerme en salvo con ellas antes que se desenvainen los leones, porque si me las matan, quedaré rematado para toda mi vida; que no tengo otra hacienda sino este carro y estas mulas. — ¡Oh hombre de poca fe! —respondió don Quijote—, apéate y desunce, y haz lo que quisieres, que presto verás que trabajaste en vano y que pudieras ahorrar desta diligencia. Apeóse el carretero y desunció a gran priesa, y el leonero dijo a grandes voces: — Séanme testigos cuantos aquí están cómo contra mi voluntad y forzado abro las jaulas y suelto los leones, y de que protesto a este señor que todo el mal y daño que estas bestias hicieren corra y vaya por su cuenta, con más mis salarios y derechos. Vuestras mercedes, señores, se pongan en cobro antes que abra, que yo seguro estoy que no me han de hacer daño. Otra vez le persuadió el hidalgo que no hiciese locura semejante, que era tentar a Dios acometer tal disparate. A lo que respondió don Quijote que él sabía lo que hacía. Respondióle el hidalgo que lo mirase bien, que él entendía que se engañaba. — Ahora, señor —replicó don Quijote—, si vuesa merced no quiere ser oyente desta que a su parecer ha de ser tragedia, pique la tordilla y póngase en salvo. Oído lo cual por Sancho, con lágrimas en los ojos le suplicó desistiese de tal empresa, en cuya comparación habían sido tortas y pan pintado la de los molinos de viento y la temerosa de los batanes, y, finalmente, todas las hazañas que había acometido en todo el discurso de su vida. — Mire, señor —decía Sancho—, que aquí no hay encanto ni cosa que lo valga; que yo he visto por entre las verjas y resquicios de la jaula una uña de león verdadero, y saco por ella que el tal león, cuya debe de ser la tal uña, es mayor que una montaña. — El miedo, a lo menos —respondió don Quijote—, te le hará parecer mayor que la mitad del mundo. Retírate, Sancho, y déjame; y si aquí muriere, ya sabes nuestro antiguo concierto: acudirás a Dulcinea, y no te digo más. A éstas añadió otras razones, con que quitó las esperanzas de que no había de dejar de proseguir su desvariado intento. Quisiera el del Verde Gabán oponérsele, pero viose desigual en las armas, y no le pareció cordura tomarse con un loco, que ya se lo había parecido de todo punto don Quijote; el cual, volviendo a dar priesa al leonero y a reiterar las amenazas, dio ocasión al hidalgo a que picase la yegua, y Sancho al rucio, y el carretero a sus mulas, procurando todos apartarse del carro lo más que pudiesen, antes que los leones se desembanastasen. Lloraba Sancho la muerte de su señor, que aquella vez sin duda creía que llegaba en las garras de los leones; maldecía su ventura, y llamaba menguada la hora en que le vino al pensamiento volver a servirle; pero no por llorar y lamentarse dejaba de aporrear al rucio para que se alejase del carro. Viendo, pues, el leonero que ya los que iban huyendo estaban bien desviados, tornó a requerir y a intimar a don Quijote lo que ya le había requerido e intimado, el cual respondió que lo oía, y que no se curase de más intimaciones y requirimientos, que todo sería de poco fruto, y que se diese priesa. En el espacio que tardó el leonero en abrir la jaula primera, estuvo considerando don Quijote si sería bien hacer la batalla antes a pie que a caballo; y, en fin, se determinó de hacerla a pie, temiendo que Rocinante se espantaría con la vista de los leones. Por esto saltó del caballo, arrojó la lanza y embrazó el escudo, y, desenvainando la espada, paso ante paso, con maravilloso denuedo y corazón valiente, se fue a poner delante del carro, encomendándose a Dios de todo corazón, y luego a su señora Dulcinea. Y es de saber que, llegando a este paso, el autor de esta verdadera historia exclama y dice: ''¡Oh fuerte y, sobre todo encarecimiento, animoso don Quijote de la Mancha, espejo donde se pueden mirar todos los valientes del mundo, segundo y nuevo don Manuel de León, que fue gloria y honra de los españoles caballeros! ¿Con qué palabras contaré esta tan espantosa hazaña, o con qué razones la haré creíble a los siglos venideros, o qué alabanzas habrá que no te convengan y cuadren, aunque sean hipérboles sobre todos los hipérboles? Tú a pie, tú solo, tú intrépido, tú magnánimo, con sola una espada, y no de las del perrillo cortadoras, con un escudo no de muy luciente y limpio acero, estás aguardando y atendiendo los dos más fieros leones que jamás criaron las africanas selvas. Tus mismos hechos sean los que te alaben, valeroso manchego, que yo los dejo aquí en su punto por faltarme palabras con que encarecerlos''. Aquí cesó la referida exclamación del autor, y pasó adelante, anudando el hilo de la historia, diciendo que, visto el leonero ya puesto en postura a don Quijote, y que no podía dejar de soltar al león macho, so pena de caer en la desgracia del indignado y atrevido caballero, abrió de par en par la primera jaula, donde estaba, como se ha dicho, el león, el cual pareció de grandeza extraordinaria y de espantable y fea catadura. Lo primero que hizo fue revolverse en la jaula, donde venía echado, y tender la garra, y desperezarse todo; abrió luego la boca y bostezó muy despacio, y, con casi dos palmos de lengua que sacó fuera, se despolvoreó los ojos y se lavó el rostro; hecho esto, sacó la cabeza fuera de la jaula y miró a todas partes con los ojos hechos brasas, vista y ademán para poner espanto a la misma temeridad. Sólo don Quijote lo miraba atentamente, deseando que saltase ya del carro y viniese con él a las manos, entre las cuales pensaba hacerle pedazos. Hasta aquí llegó el estremo de su jamás vista locura. Pero el generoso león, más comedido que arrogante, no haciendo caso de niñerías, ni de bravatas, después de haber mirado a una y otra parte, como se ha dicho, volvió las espaldas y enseñó sus traseras partes a don Quijote, y con gran flema y remanso se volvió a echar en la jaula. Viendo lo cual don Quijote, mandó al leonero que le diese de palos y le irritase para echarle fuera. — Eso no haré yo —respondió el leonero—, porque si yo le instigo, el primero a quien hará pedazos será a mí mismo. Vuesa merced, señor caballero, se contente con lo hecho, que es todo lo que puede decirse en género de valentía, y no quiera tentar segunda fortuna. El león tiene abierta la puerta: en su mano está salir, o no salir; pero, pues no ha salido hasta ahora, no saldrá en todo el día. La grandeza del corazón de vuesa merced ya está bien declarada: ningún bravo peleante, según a mí se me alcanza, está obligado a más que a desafiar a su enemigo y esperarle en campaña; y si el contrario no acude, en él se queda la infamia, y el esperante gana la corona del vencimiento. — Así es verdad —respondió don Quijote—: cierra, amigo, la puerta, y dame por testimonio, en la mejor forma que pudieres, lo que aquí me has visto hacer; conviene a saber: cómo tú abriste al león, yo le esperé, él no salió; volvíle a esperar, volvió a no salir y volvióse acostar. No debo más, y encantos afuera, y Dios ayude a la razón y a la verdad, y a la verdadera caballería; y cierra, como he dicho, en tanto que hago señas a los huidos y ausentes, para que sepan de tu boca esta hazaña. Hízolo así el leonero, y don Quijote, poniendo en la punta de la lanza el lienzo con que se había limpiado el rostro de la lluvia de los requesones, comenzó a llamar a los que no dejaban de huir ni de volver la cabeza a cada paso, todos en tropa y antecogidos del hidalgo; pero, alcanzando Sancho a ver la señal del blanco paño, dijo: — Que me maten si mi señor no ha vencido a las fieras bestias, pues nos llama. Detuviéronse todos, y conocieron que el que hacía las señas era don Quijote; y, perdiendo alguna parte del miedo, poco a poco se vinieron acercando hasta donde claramente oyeron las voces de don Quijote, que los llamaba. Finalmente, volvieron al carro, y, en llegando, dijo don Quijote al carretero: — Volved, hermano, a uncir vuestras mulas y a proseguir vuestro viaje; y tú, Sancho, dale dos escudos de oro, para él y para el leonero, en recompensa de lo que por mí se han detenido. — Ésos daré yo de muy buena gana —respondió Sancho—; pero, ¿qué se han hecho los leones? ¿Son muertos, o vivos? Entonces el leonero, menudamente y por sus pausas, contó el fin de la contienda, exagerando, como él mejor pudo y supo, el valor de don Quijote, de cuya vista el león, acobardado, no quiso ni osó salir de la jaula, puesto que había tenido un buen espacio abierta la puerta de la jaula; y que, por haber él dicho a aquel caballero que era tentar a Dios irritar al león para que por fuerza saliese, como él quería que se irritase, mal de su grado y contra toda su voluntad, había permitido que la puerta se cerrase. — ¿Qué te parece desto, Sancho? —dijo don Quijote—. ¿Hay encantos que valgan contra la verdadera valentía? Bien podrán los encantadores quitarme la ventura, pero el esfuerzo y el ánimo, será imposible. Dio los escudos Sancho, unció el carretero, besó las manos el leonero a don Quijote por la merced recebida, y prometióle de contar aquella valerosa hazaña al mismo rey, cuando en la corte se viese. — Pues, si acaso Su Majestad preguntare quién la hizo, diréisle que el Caballero de los Leones, que de aquí adelante quiero que en éste se trueque, cambie, vuelva y mude el que hasta aquí he tenido del Caballero de la Triste Figura; y en esto sigo la antigua usanza de los andantes caballeros, que se mudaban los nombres cuando querían, o cuando les venía a cuento. Siguió su camino el carro, y don Quijote, Sancho y el del Verde Gabán prosiguieron el suyo. En todo este tiempo no había hablado palabra don Diego de Miranda, todo atento a mirar y a notar los hechos y palabras de don Quijote, pareciéndole que era un cuerdo loco y un loco que tiraba a cuerdo. No había aún llegado a su noticia la primera parte de su historia; que si la hubiera leído, cesara la admiración en que lo ponían sus hechos y sus palabras, pues ya supiera el género de su locura; pero, como no la sabía, ya le tenía por cuerdo y ya por loco, porque lo que hablaba era concertado, elegante y bien dicho, y lo que hacía, disparatado, temerario y tonto. Y decía entre sí: — ¿Qué más locura puede ser que ponerse la celada llena de requesones y darse a entender que le ablandaban los cascos los encantadores? Y ¿qué mayor temeridad y disparate que querer pelear por fuerza con leones? Destas imaginaciones y deste soliloquio le sacó don Quijote, diciéndole: — ¿Quién duda, señor don Diego de Miranda, que vuestra merced no me tenga en su opinión por un hombre disparatado y loco? Y no sería mucho que así fuese, porque mis obras no pueden dar testimonio de otra cosa. Pues, con todo esto, quiero que vuestra merced advierta que no soy tan loco ni tan menguado como debo de haberle parecido. Bien parece un gallardo caballero, a los ojos de su rey, en la mitad de una gran plaza, dar una lanzada con felice suceso a un bravo toro; bien parece un caballero, armado de resplandecientes armas, pasar la tela en alegres justas delante de las damas, y bien parecen todos aquellos caballeros que en ejercicios militares, o que lo parezcan, entretienen y alegran, y, si se puede decir, honran las cortes de sus príncipes; pero sobre todos éstos parece mejor un caballero andante, que por los desiertos, por las soledades, por las encrucijadas, por las selvas y por los montes anda buscando peligrosas aventuras, con intención de darles dichosa y bien afortunada cima, sólo por alcanzar gloriosa fama y duradera. Mejor parece, digo, un caballero andante, socorriendo a una viuda en algún despoblado, que un cortesano caballero, requebrando a una doncella en las ciudades. Todos los caballeros tienen sus particulares ejercicios: sirva a las damas el cortesano; autorice la corte de su rey con libreas; sustente los caballeros pobres con el espléndido plato de su mesa; concierte justas, mantenga torneos y muéstrese grande, liberal y magnífico, y buen cristiano, sobre todo, y desta manera cumplirá con sus precisas obligaciones. Pero el andante caballero busque los rincones del mundo; éntrese en los más intricados laberintos; acometa a cada paso lo imposible; resista en los páramos despoblados los ardientes rayos del sol en la mitad del verano, y en el invierno la dura inclemencia de los vientos y de los yelos; no le asombren leones, ni le espanten vestiglos, ni atemoricen endriagos; que buscar éstos, acometer aquéllos y vencerlos a todos son sus principales y verdaderos ejercicios. Yo, pues, como me cupo en suerte ser uno del número de la andante caballería, no puedo dejar de acometer todo aquello que a mí me pareciere que cae debajo de la juridición de mis ejercicios; y así, el acometer los leones que ahora acometí derechamente me tocaba, puesto que conocí ser temeridad esorbitante, porque bien sé lo que es valentía, que es una virtud que está puesta entre dos estremos viciosos, como son la cobardía y la temeridad; pero menos mal será que el que es valiente toque y suba al punto de temerario, que no que baje y toque en el punto de cobarde; que así como es más fácil venir el pródigo a ser liberal que al avaro, así es más fácil dar el temerario en verdadero valiente que no el cobarde subir a la verdadera valentía; y, en esto de acometer aventuras, créame vuesa merced, señor don Diego, que antes se ha de perder por carta de más que de menos, porque mejor suena en las orejas de los que lo oyen "el tal caballero es temerario y atrevido" que no "el tal caballero es tímido y cobarde". — Digo, señor don Quijote —respondió don Diego—, que todo lo que vuesa merced ha dicho y hecho va nivelado con el fiel de la misma razón, y que entiendo que si las ordenanzas y leyes de la caballería andante se perdiesen, se hallarían en el pecho de vuesa merced como en su mismo depósito y archivo. Y démonos priesa, que se hace tarde, y lleguemos a mi aldea y casa, donde descansará vuestra merced del pasado trabajo, que si no ha sido del cuerpo, ha sido del espíritu, que suele tal vez redundar en cansancio del cuerpo. — Tengo el ofrecimiento a gran favor y merced, señor don Diego— respondió don Quijote. Y, picando más de lo que hasta entonces, serían como las dos de la tarde cuando llegaron a la aldea y a la casa de don Diego, a quien don Quijote llamaba el Caballero del Verde Gabán. Capítulo XVIII. De lo que sucedió a don Quijote en el castillo o casa del Caballero del Verde Gabán, con otras cosas extravagantes Halló don Quijote ser la casa de don Diego de Miranda ancha como de aldea; las armas, empero, aunque de piedra tosca, encima de la puerta de la calle; la bodega, en el patio; la cueva, en el portal, y muchas tinajas a la redonda, que, por ser del Toboso, le renovaron las memorias de su encantada y transformada Dulcinea; y sospirando, y sin mirar lo que decía, ni delante de quién estaba, dijo: — ¡Oh dulces prendas, por mi mal halladas, dulces y alegres cuando Dios quería! ¡Oh tobosescas tinajas, que me habéis traído a la memoria la dulce prenda de mi mayor amargura! Oyóle decir esto el estudiante poeta, hijo de don Diego, que con su madre había salido a recebirle, y madre y hijo quedaron suspensos de ver la estraña figura de don Quijote; el cual, apeándose de Rocinante, fue con mucha cortesía a pedirle las manos para besárselas, y don Diego dijo: — Recebid, señora, con vuestro sólito agrado al señor don Quijote de la Mancha, que es el que tenéis delante, andante caballero y el más valiente y el más discreto que tiene el mundo. La señora, que doña Cristina se llamaba, le recibió con muestras de mucho amor y de mucha cortesía, y don Quijote se le ofreció con asaz de discretas y comedidas razones. Casi los mismos comedimientos pasó con el estudiante, que, en oyéndole hablar don Quijote, le tuvo por discreto y agudo. Aquí pinta el autor todas las circunstancias de la casa de don Diego, pintándonos en ellas lo que contiene una casa de un caballero labrador y rico; pero al traductor desta historia le pareció pasar estas y otras semejantes menudencias en silencio, porque no venían bien con el propósito principal de la historia, la cual más tiene su fuerza en la verdad que en las frías digresiones. Entraron a don Quijote en una sala, desarmóle Sancho, quedó en valones y en jubón de camuza, todo bisunto con la mugre de las armas: el cuello era valona a lo estudiantil, sin almidón y sin randas; los borceguíes eran datilados, y encerados los zapatos. Ciñóse su buena espada, que pendía de un tahalí de lobos marinos; que es opinión que muchos años fue enfermo de los riñones; cubrióse un herreruelo de buen paño pardo; pero antes de todo, con cinco calderos, o seis, de agua, que en la cantidad de los calderos hay alguna diferencia, se lavó la cabeza y rostro, y todavía se quedó el agua de color de suero, merced a la golosina de Sancho y a la compra de sus negros requesones, que tan blanco pusieron a su amo. Con los referidos atavíos, y con gentil donaire y gallardía, salió don Quijote a otra sala, donde el estudiante le estaba esperando para entretenerle en tanto que las mesas se ponían; que, por la venida de tan noble huésped, quería la señora doña Cristina mostrar que sabía y podía regalar a los que a su casa llegasen. En tanto que don Quijote se estuvo desarmando, tuvo lugar don Lorenzo, que así se llamaba el hijo de don Diego, de decir a su padre: — ¿Quién diremos, señor, que es este caballero que vuesa merced nos ha traído a casa? Que el nombre, la figura, y el decir que es caballero andante, a mí y a mi madre nos tiene suspensos. — No sé lo que te diga, hijo —respondió don Diego—; sólo te sabré decir que le he visto hacer cosas del mayor loco del mundo, y decir razones tan discretas que borran y deshacen sus hechos: háblale tú, y toma el pulso a lo que sabe, y, pues eres discreto, juzga de su discreción o tontería lo que más puesto en razón estuviere; aunque, para decir verdad, antes le tengo por loco que por cuerdo. Con esto, se fue don Lorenzo a entretener a don Quijote, como queda dicho, y, entre otras pláticas que los dos pasaron, dijo don Quijote a don Lorenzo: — El señor don Diego de Miranda, padre de vuesa merced, me ha dado noticia de la rara habilidad y sutil ingenio que vuestra merced tiene, y, sobre todo, que es vuesa merced un gran poeta. — Poeta, bien podrá ser —respondió don Lorenzo—, pero grande, ni por pensamiento. Verdad es que yo soy algún tanto aficionado a la poesía y a leer los buenos poetas, pero no de manera que se me pueda dar el nombre de grande que mi padre dice. — No me parece mal esa humildad —respondió don Quijote—, porque no hay poeta que no sea arrogante y piense de sí que es el mayor poeta del mundo. — No hay regla sin excepción —respondió don Lorenzo—, y alguno habrá que lo sea y no lo piense. — Pocos —respondió don Quijote—; pero dígame vuesa merced: ¿qué versos son los que agora trae entre manos, que me ha dicho el señor su padre que le traen algo inquieto y pensativo? Y si es alguna glosa, a mí se me entiende algo de achaque de glosas, y holgaría saberlos; y si es que son de justa literaria, procure vuestra merced llevar el segundo premio, que el primero siempre se lleva el favor o la gran calidad de la persona, el segundo se le lleva la mera justicia, y el tercero viene a ser segundo, y el primero, a esta cuenta, será el tercero, al modo de las licencias que se dan en las universidades; pero, con todo esto, gran personaje es el nombre de primero. — Hasta ahora —dijo entre sí don Lorenzo—, no os podré yo juzgar por loco; vamos adelante. Y díjole: — Paréceme que vuesa merced ha cursado las escuelas: ¿qué ciencias ha oído? — La de la caballería andante —respondió don Quijote—, que es tan buena como la de la poesía, y aun dos deditos más. — No sé qué ciencia sea ésa —replicó don Lorenzo—, y hasta ahora no ha llegado a mi noticia. — Es una ciencia —replicó don Quijote— que encierra en sí todas o las más ciencias del mundo, a causa que el que la profesa ha de ser jurisperito, y saber las leyes de la justicia distributiva y comutativa, para dar a cada uno lo que es suyo y lo que le conviene; ha de ser teólogo, para saber dar razón de la cristiana ley que profesa, clara y distintamente, adondequiera que le fuere pedido; ha de ser médico y principalmente herbolario, para conocer en mitad de los despoblados y desiertos las yerbas que tienen virtud de sanar las heridas, que no ha de andar el caballero andante a cada triquete buscando quien se las cure; ha de ser astrólogo, para conocer por las estrellas cuántas horas son pasadas de la noche, y en qué parte y en qué clima del mundo se halla; ha de saber las matemáticas, porque a cada paso se le ofrecerá tener necesidad dellas; y, dejando aparte que ha de estar adornado de todas las virtudes teologales y cardinales, decendiendo a otras menudencias, digo que ha de saber nadar como dicen que nadaba el peje Nicolás o Nicolao; ha de saber herrar un caballo y aderezar la silla y el freno; y, volviendo a lo de arriba, ha de guardar la fe a Dios y a su dama; ha de ser casto en los pensamientos, honesto en las palabras, liberal en las obras, valiente en los hechos, sufrido en los trabajos, caritativo con los menesterosos, y, finalmente, mantenedor de la verdad, aunque le cueste la vida el defenderla. De todas estas grandes y mínimas partes se compone un buen caballero andante; porque vea vuesa merced, señor don Lorenzo, si es ciencia mocosa lo que aprende el caballero que la estudia y la profesa, y si se puede igualar a las más estiradas que en los ginasios y escuelas se enseñan. — Si eso es así —replicó don Lorenzo—, yo digo que se aventaja esa ciencia a todas. — ¿Cómo si es así? —respondió don Quijote. Lo que yo quiero decir —dijo don Lorenzo— es que dudo que haya habido, ni que los hay ahora, caballeros andantes y adornados de virtudes tantas. — Muchas veces he dicho lo que vuelvo a decir ahora —respondió don Quijote—: que la mayor parte de la gente del mundo está de parecer de que no ha habido en él caballeros andantes; y, por parecerme a mí que si el cielo milagrosamente no les da a entender la verdad de que los hubo y de que los hay, cualquier trabajo que se tome ha de ser en vano, como muchas veces me lo ha mostrado la experiencia, no quiero detenerme agora en sacar a vuesa merced del error que con los muchos tiene; lo que pienso hacer es el rogar al cielo le saque dél, y le dé a entender cuán provechosos y cuán necesarios fueron al mundo los caballeros andantes en los pasados siglos, y cuán útiles fueran en el presente si se usaran; pero triunfan ahora, por pecados de las gentes, la pereza, la ociosidad, la gula y el regalo. — Escapado se nos ha nuestro huésped —dijo a esta sazón entre sí don Lorenzo—, pero, con todo eso, él es loco bizarro, y yo sería mentecato flojo si así no lo creyese. Aquí dieron fin a su plática, porque los llamaron a comer. Preguntó don Diego a su hijo qué había sacado en limpio del ingenio del huésped. A lo que él respondió: — No le sacarán del borrador de su locura cuantos médicos y buenos escribanos tiene el mundo: él es un entreverado loco, lleno de lúcidos intervalos. Fuéronse a comer, y la comida fue tal como don Diego había dicho en el camino que la solía dar a sus convidados: limpia, abundante y sabrosa; pero de lo que más se contentó don Quijote fue del maravilloso silencio que en toda la casa había, que semejaba un monasterio de cartujos. Levantados, pues, los manteles, y dadas gracias a Dios y agua a las manos, don Quijote pidió ahincadamente a don Lorenzo dijese los versos de la justa literaria; a lo que él respondió que, por no parecer de aquellos poetas que cuando les ruegan digan sus versos los niegan y cuando no se los piden los vomitan,... — ...yo diré mi glosa, de la cual no espero premio alguno, que sólo por ejercitar el ingenio la he hecho. — Un amigo y discreto —respondió don Quijote— era de parecer que no se había de cansar nadie en glosar versos; y la razón, decía él, era que jamás la glosa podía llegar al texto, y que muchas o las más veces iba la glosa fuera de la intención y propósito de lo que pedía lo que se glosaba; y más, que las leyes de la glosa eran demasiadamente estrechas: que no sufrían interrogantes, ni dijo, ni diré, ni hacer nombres de verbos, ni mudar el sentido, con otras ataduras y estrechezas con que van atados los que glosan, como vuestra merced debe de saber. — Verdaderamente, señor don Quijote —dijo don Lorenzo—, que deseo coger a vuestra merced en un mal latín continuado, y no puedo, porque se me desliza de entre las manos como anguila. — No entiendo —respondió don Quijote— lo que vuestra merced dice ni quiere decir en eso del deslizarme. — Yo me daré a entender —respondió don Lorenzo—; y por ahora esté vuesa merced atento a los versos glosados y a la glosa, que dicen desta manera: ¡Si mi fue tornase a es, sin esperar más será, o viniese el tiempo ya de lo que será después...! Glosa Al fin, como todo pasa, se pasó el bien que me dio Fortuna, un tiempo no escasa, y nunca me le volvió, ni abundante, ni por tasa. Siglos ha ya que me vees, Fortuna, puesto a tus pies; vuélveme a ser venturoso, que será mi ser dichoso si mi fue tornase a es. No quiero otro gusto o gloria, otra palma o vencimiento, otro triunfo, otra vitoria, sino volver al contento que es pesar en mi memoria. Si tú me vuelves allá, Fortuna, templado está todo el rigor de mi fuego, y más si este bien es luego, sin esperar más será. Cosas imposibles pido, pues volver el tiempo a ser después que una vez ha sido, no hay en la tierra poder que a tanto se haya estendido. Corre el tiempo, vuela y va ligero, y no volverá, y erraría el que pidiese, o que el tiempo ya se fuese, o volviese el tiempo ya. Vivo en perpleja vida, ya esperando, ya temiendo: es muerte muy conocida, y es mucho mejor muriendo buscar al dolor salida. A mí me fuera interés acabar, mas no lo es, pues, con discurso mejor, me da la vida el temor de lo que será después. En acabando de decir su glosa don Lorenzo, se levantó en pie don Quijote, y, en voz levantada, que parecía grito, asiendo con su mano la derecha de don Lorenzo, dijo: — ¡Viven los cielos donde más altos están, mancebo generoso, que sois el mejor poeta del orbe, y que merecéis estar laureado, no por Chipre ni por Gaeta, como dijo un poeta, que Dios perdone, sino por las academias de Atenas, si hoy vivieran, y por las que hoy viven de París, Bolonia y Salamanca! Plega al cielo que los jueces que os quitaren el premio primero, Febo los asaetee y las Musas jamás atraviesen los umbrales de sus casas. Decidme, señor, si sois servido, algunos versos mayores, que quiero tomar de todo en todo el pulso a vuestro admirable ingenio. ¿No es bueno que dicen que se holgó don Lorenzo de verse alabar de don Quijote, aunque le tenía por loco? ¡Oh fuerza de la adulación, a cuánto te estiendes, y cuán dilatados límites son los de tu juridición agradable! Esta verdad acreditó don Lorenzo, pues concedió con la demanda y deseo de don Quijote, diciéndole este soneto a la fábula o historia de Píramo y Tisbe: Soneto El muro rompe la doncella hermosa que de Píramo abrió el gallardo pecho: parte el Amor de Chipre, y va derecho a ver la quiebra estrecha y prodigiosa. Habla el silencio allí, porque no osa la voz entrar por tan estrecho estrecho; las almas sí, que amor suele de hecho facilitar la más difícil cosa. Salió el deseo de compás, y el paso de la imprudente virgen solicita por su gusto su muerte; ved qué historia: que a entrambos en un punto, ¡oh estraño caso!, los mata, los encubre y resucita una espada, un sepulcro, una memoria. — ¡Bendito sea Dios! —dijo don Quijote habiendo oído el soneto a don Lorenzo—, que entre los infinitos poetas consumidos que hay, he visto un consumado poeta, como lo es vuesa merced, señor mío; que así me lo da a entender el artificio deste soneto. Cuatro días estuvo don Quijote regaladísimo en la casa de don Diego, al cabo de los cuales le pidió licencia para irse, diciéndole que le agradecía la merced y buen tratamiento que en su casa había recebido; pero que, por no parecer bien que los caballeros andantes se den muchas horas a ocio y al regalo, se quería ir a cumplir con su oficio, buscando las aventuras, de quien tenía noticia que aquella tierra abundaba, donde esperaba entretener el tiempo hasta que llegase el día de las justas de Zaragoza, que era el de su derecha derrota; y que primero había de entrar en la cueva de Montesinos, de quien tantas y tan admirables cosas en aquellos contornos se contaban, sabiendo e inquiriendo asimismo el nacimiento y verdaderos manantiales de las siete lagunas llamadas comúnmente de Ruidera. Don Diego y su hijo le alabaron su honrosa determinación, y le dijeron que tomase de su casa y de su hacienda todo lo que en grado le viniese, que le servirían con la voluntad posible; que a ello les obligaba el valor de su persona y la honrosa profesión suya. Llegóse, en fin, el día de su partida, tan alegre para don Quijote como triste y aciago para Sancho Panza, que se hallaba muy bien con la abundancia de la casa de don Diego, y rehusaba de volver a la hambre que se usa en las florestas, despoblados, y a la estrecheza de sus mal proveídas alforjas. Con todo esto, las llenó y colmó de lo más necesario que le pareció; y al despedirse dijo don Quijote a don Lorenzo: — No sé si he dicho a vuesa merced otra vez, y si lo he dicho lo vuelvo a decir, que cuando vuesa merced quisiere ahorrar caminos y trabajos para llegar a la inacesible cumbre del templo de la Fama, no tiene que hacer otra cosa sino dejar a una parte la senda de la poesía, algo estrecha, y tomar la estrechísima de la andante caballería, bastante para hacerle emperador en daca las pajas. Con estas razones acabó don Quijote de cerrar el proceso de su locura, y más con las que añadió, diciendo: — Sabe Dios si quisiera llevar conmigo al señor don Lorenzo, para enseñarle cómo se han de perdonar los sujetos, y supeditar y acocear los soberbios, virtudes anejas a la profesión que yo profeso; pero, pues no lo pide su poca edad, ni lo querrán consentir sus loables ejercicios, sólo me contento con advertirle a vuesa merced que, siendo poeta, podrá ser famoso si se guía más por el parecer ajeno que por el propio, porque no hay padre ni madre a quien sus hijos le parezcan feos, y en los que lo son del entendimiento corre más este engaño. De nuevo se admiraron padre y hijo de las entremetidas razones de don Quijote, ya discretas y ya disparatadas, y del tema y tesón que llevaba de acudir de todo en todo a la busca de sus desventuradas aventuras, que las tenía por fin y blanco de sus deseos. Reiteráronse los ofrecimientos y comedimientos, y, con la buena licencia de la señora del castillo, don Quijote y Sancho, sobre Rocinante y el rucio, se partieron. Capítulo XIX. Donde se cuenta la aventura del pastor enamorado, con otros en verdad graciosos sucesos Poco trecho se había alongado don Quijote del lugar de don Diego, cuando encontró con dos como clérigos o como estudiantes y con dos labradores que sobre cuatro bestias asnales venían caballeros. El uno de los estudiantes traía, como en portamanteo, en un lienzo de bocací verde envuelto, al parecer, un poco de grana blanca y dos pares de medias de cordellate; el otro no traía otra cosa que dos espadas negras de esgrima, nuevas, y con sus zapatillas. Los labradores traían otras cosas, que daban indicio y señal que venían de alguna villa grande, donde las habían comprado, y las llevaban a su aldea; y así estudiantes como labradores cayeron en la misma admiración en que caían todos aquellos que la vez primera veían a don Quijote, y morían por saber qué hombre fuese aquél tan fuera del uso de los otros hombres. Saludóles don Quijote, y, después de saber el camino que llevaban, que era el mesmo que él hacía, les ofreció su compañía, y les pidió detuviesen el paso, porque caminaban más sus pollinas que su caballo; y, para obligarlos, en breves razones les dijo quién era, y su oficio y profesión, que era de caballero andante que iba a buscar las aventuras por todas las partes del mundo. Díjoles que se llamaba de nombre propio don Quijote de la Mancha, y por el apelativo, el Caballero de los Leones. Todo esto para los labradores era hablarles en griego o en jerigonza, pero no para los estudiantes, que luego entendieron la flaqueza del celebro de don Quijote; pero, con todo eso, le miraban con admiración y con respecto, y uno dellos le dijo: — Si vuestra merced, señor caballero, no lleva camino determinado, como no le suelen llevar los que buscan las aventuras, vuesa merced se venga con nosotros: verá una de las mejores bodas y más ricas que hasta el día de hoy se habrán celebrado en la Mancha, ni en otras muchas leguas a la redonda. Preguntóle don Quijote si eran de algún príncipe, que así las ponderaba. — No son —respondió el estudiante— sino de un labrador y una labradora: él, el más rico de toda esta tierra; y ella, la más hermosa que han visto los hombres. El aparato con que se han de hacer es estraordinario y nuevo, porque se han de celebrar en un prado que está junto al pueblo de la novia, a quien por excelencia llaman Quiteria la hermosa, y el desposado se llama Camacho el rico; ella de edad de diez y ocho años, y él de veinte y dos; ambos para en uno, aunque algunos curiosos que tienen de memoria los linajes de todo el mundo quieren decir que el de la hermosa Quiteria se aventaja al de Camacho; pero ya no se mira en esto, que las riquezas son poderosas de soldar muchas quiebras. En efecto, el tal Camacho es liberal y hásele antojado de enramar y cubrir todo el prado por arriba, de tal suerte que el sol se ha de ver en trabajo si quiere entrar a visitar las yerbas verdes de que está cubierto el suelo. Tiene asimesmo maheridas danzas, así de espadas como de cascabel menudo, que hay en su pueblo quien los repique y sacuda por estremo; de zapateadores no digo nada, que es un juicio los que tiene muñidos; pero ninguna de las cosas referidas ni otras muchas que he dejado de referir ha de hacer más memorables estas bodas, sino las que imagino que hará en ellas el despechado Basilio. Es este Basilio un zagal vecino del mesmo lugar de Quiteria, el cual tenía su casa pared y medio de la de los padres de Quiteria, de donde tomó ocasión el amor de renovar al mundo los ya olvidados amores de Píramo y Tisbe, porque Basilio se enamoró de Quiteria desde sus tiernos y primeros años, y ella fue correspondiendo a su deseo con mil honestos favores, tanto, que se contaban por entretenimiento en el pueblo los amores de los dos niños Basilio y Quiteria. Fue creciendo la edad, y acordó el padre de Quiteria de estorbar a Basilio la ordinaria entrada que en su casa tenía; y, por quitarse de andar receloso y lleno de sospechas, ordenó de casar a su hija con el rico Camacho, no pareciéndole ser bien casarla con Basilio, que no tenía tantos bienes de fortuna como de naturaleza; pues si va a decir las verdades sin invidia, él es el más ágil mancebo que conocemos: gran tirador de barra, luchador estremado y gran jugador de pelota; corre como un gamo, salta más que una cabra y birla a los bolos como por encantamento; canta como una calandria, y toca una guitarra, que la hace hablar, y, sobre todo, juega una espada como el más pintado. — Por esa sola gracia —dijo a esta sazón don Quijote—, merecía ese mancebo no sólo casarse con la hermosa Quiteria, sino con la mesma reina Ginebra, si fuera hoy viva, a pesar de Lanzarote y de todos aquellos que estorbarlo quisieran. — ¡A mi mujer con eso! —dijo Sancho Panza, que hasta entonces había ido callando y escuchando—, la cual no quiere sino que cada uno case con su igual, ateniéndose al refrán que dicen "cada oveja con su pareja". Lo que yo quisiera es que ese buen Basilio, que ya me le voy aficionando, se casara con esa señora Quiteria; que buen siglo hayan y buen poso, iba a decir al revés, los que estorban que se casen los que bien se quieren. — Si todos los que bien se quieren se hubiesen de casar —dijo don Quijote—, quitaríase la eleción y juridición a los padres de casar sus hijos con quien y cuando deben; y si a la voluntad de las hijas quedase escoger los maridos, tal habría que escogiese al criado de su padre, y tal al que vio pasar por la calle, a su parecer, bizarro y entonado, aunque fuese un desbaratado espadachín; que el amor y la afición con facilidad ciegan los ojos del entendimiento, tan necesarios para escoger estado, y el del matrimonio está muy a peligro de errarse, y es menester gran tiento y particular favor del cielo para acertarle. Quiere hacer uno un viaje largo, y si es prudente, antes de ponerse en camino busca alguna compañía segura y apacible con quien acompañarse; pues, ¿por qué no hará lo mesmo el que ha de caminar toda la vida, hasta el paradero de la muerte, y más si la compañía le ha de acompañar en la cama, en la mesa y en todas partes, como es la de la mujer con su marido? La de la propia mujer no es mercaduría que una vez comprada se vuelve, o se trueca o cambia, porque es accidente inseparable, que dura lo que dura la vida: es un lazo que si una vez le echáis al cuello, se vuelve en el nudo gordiano, que si no le corta la guadaña de la muerte, no hay desatarle. Muchas más cosas pudiera decir en esta materia, si no lo estorbara el deseo que tengo de saber si le queda más que decir al señor licenciado acerca de la historia de Basilio. A lo que respondió el estudiante bachiller, o licenciado, como le llamó don Quijote, que: — De todo no me queda más que decir sino que desde el punto que Basilio supo que la hermosa Quiteria se casaba con Camacho el rico, nunca más le han visto reír ni hablar razón concertada, y siempre anda pensativo y triste, hablando entre sí mismo, con que da ciertas y claras señales de que se le ha vuelto el juicio: come poco y duerme poco, y lo que come son frutas, y en lo que duerme, si duerme, es en el campo, sobre la dura tierra, como animal bruto; mira de cuando en cuando al cielo, y otras veces clava los ojos en la tierra, con tal embelesamiento, que no parece sino estatua vestida que el aire le mueve la ropa. En fin, él da tales muestras de tener apasionado el corazón, que tememos todos los que le conocemos que el dar el sí mañana la hermosa Quiteria ha de ser la sentencia de su muerte. — Dios lo hará mejor —dijo Sancho—; que Dios, que da la llaga, da la medicina; nadie sabe lo que está por venir: de aquí a mañana muchas horas hay, y en una, y aun en un momento, se cae la casa; yo he visto llover y hacer sol, todo a un mesmo punto; tal se acuesta sano la noche, que no se puede mover otro día. Y díganme, ¿por ventura habrá quien se alabe que tiene echado un clavo a la rodaja de la Fortuna? No, por cierto; y entre el sí y el no de la mujer no me atrevería yo a poner una punta de alfiler, porque no cabría. Denme a mí que Quiteria quiera de buen corazón y de buena voluntad a Basilio, que yo le daré a él un saco de buena ventura: que el amor, según yo he oído decir, mira con unos antojos que hacen parecer oro al cobre, a la pobreza riqueza, y a las lagañas perlas. — ¿Adónde vas a parar, Sancho, que seas maldito? —dijo don Quijote—; que cuando comienzas a ensartar refranes y cuentos, no te puede esperar sino el mesmo Judas, que te lleve. Dime, animal, ¿qué sabes tú de clavos, ni de rodajas, ni de otra cosa ninguna? — ¡Oh! Pues si no me entienden —respondió Sancho—, no es maravilla que mis sentencias sean tenidas por disparates. Pero no importa: yo me entiendo, y sé que no he dicho muchas necedades en lo que he dicho; sino que vuesa merced, señor mío, siempre es friscal de mis dichos, y aun de mis hechos. — Fiscal has de decir —dijo don Quijote—, que no friscal, prevaricador del buen lenguaje, que Dios te confunda. — No se apunte vuestra merced conmigo —respondió Sancho—, pues sabe que no me he criado en la Corte, ni he estudiado en Salamanca, para saber si añado o quito alguna letra a mis vocablos. Sí, que, ¡válgame Dios!, no hay para qué obligar al sayagués a que hable como el toledano, y toledanos puede haber que no las corten en el aire en esto del hablar polido. — Así es —dijo el licenciado—, porque no pueden hablar tan bien los que se crían en las Tenerías y en Zocodover como los que se pasean casi todo el día por el claustro de la Iglesia Mayor, y todos son toledanos. El lenguaje puro, el propio, el elegante y claro, está en los discretos cortesanos, aunque hayan nacido en Majalahonda: dije discretos porque hay muchos que no lo son, y la discreción es la gramática del buen lenguaje, que se acompaña con el uso. Yo, señores, por mis pecados, he estudiado Cánones en Salamanca, y pícome algún tanto de decir mi razón con palabras claras, llanas y significantes. — Si no os picáredes más de saber más menear las negras que lleváis que la lengua —dijo el otro estudiante—, vos llevárades el primero en licencias, como llevastes cola. — Mirad, bachiller —respondió el licenciado—: vos estáis en la más errada opinión del mundo acerca de la destreza de la espada, teniéndola por vana. — Para mí no es opinión, sino verdad asentada —replicó Corchuelo—; y si queréis que os lo muestre con la experiencia, espadas traéis, comodidad hay, yo pulsos y fuerzas tengo, que acompañadas de mi ánimo, que no es poco, os harán confesar que yo no me engaño. Apeaos, y usad de vuestro compás de pies, de vuestros círculos y vuestros ángulos y ciencia; que yo espero de haceros ver estrellas a mediodía con mi destreza moderna y zafia, en quien espero, después de Dios, que está por nacer hombre que me haga volver las espaldas, y que no le hay en el mundo a quien yo no le haga perder tierra. — En eso de volver, o no, las espaldas no me meto —replico el diestro—; aunque podría ser que en la parte donde la vez primera clavásedes el pie, allí os abriesen la sepultura: quiero decir que allí quedásedes muerto por la despreciada destreza. — Ahora se verá —respondió Corchuelo. Y, apeándose con gran presteza de su jumento, tiró con furia de una de las espadas que llevaba el licenciado en el suyo. — No ha de ser así —dijo a este instante don Quijote—, que yo quiero ser el maestro desta esgrima, y el juez desta muchas veces no averiguada cuestión. Y, apeándose de Rocinante y asiendo de su lanza, se puso en la mitad del camino, a tiempo que ya el licenciado, con gentil donaire de cuerpo y compás de pies, se iba contra Corchuelo, que contra él se vino, lanzando, como decirse suele, fuego por los ojos. Los otros dos labradores del acompañamiento, sin apearse de sus pollinas, sirvieron de aspetatores en la mortal tragedia. Las cuchilladas, estocadas, altibajos, reveses y mandobles que tiraba Corchuelo eran sin número, más espesas que hígado y más menudas que granizo. Arremetía como un león irritado, pero salíale al encuentro un tapaboca de la zapatilla de la espada del licenciado, que en mitad de su furia le detenía, y se la hacía besar como si fuera reliquia, aunque no con tanta devoción como las reliquias deben y suelen besarse. Finalmente, el licenciado le contó a estocadas todos los botones de una media sotanilla que traía vestida, haciéndole tiras los faldamentos, como colas de pulpo; derribóle el sombrero dos veces, y cansóle de manera que de despecho, cólera y rabia asió la espada por la empuñadura, y arrojóla por el aire con tanta fuerza, que uno de los labradores asistentes, que era escribano, que fue por ella, dio después por testimonio que la alongó de sí casi tres cuartos de legua; el cual testimonio sirve y ha servido para que se conozca y vea con toda verdad cómo la fuerza es vencida del arte. Sentóse cansado Corchuelo, y llegándose a él Sancho, le dijo: — Mía fe, señor bachiller, si vuesa merced toma mi consejo, de aquí adelante no ha de desafiar a nadie a esgrimir, sino a luchar o a tirar la barra, pues tiene edad y fuerzas para ello; que destos a quien llaman diestros he oído decir que meten una punta de una espada por el ojo de una aguja. — Yo me contento —respondió Corchuelo— de haber caído de mi burra, y de que me haya mostrado la experiencia la verdad, de quien tan lejos estaba. Y, levantándose, abrazó al licenciado, y quedaron más amigos que de antes, y no queriendo esperar al escribano, que había ido por la espada, por parecerle que tardaría mucho; y así, determinaron seguir, por llegar temprano a la aldea de Quiteria, de donde todos eran. En lo que faltaba del camino, les fue contando el licenciado las excelencias de la espada, con tantas razones demostrativas y con tantas figuras y demostraciones matemáticas, que todos quedaron enterados de la bondad de la ciencia, y Corchuelo reducido de su pertinacia. Era anochecido, pero antes que llegasen les pareció a todos que estaba delante del pueblo un cielo lleno de inumerables y resplandecientes estrellas. Oyeron, asimismo, confusos y suaves sonidos de diversos instrumentos, como de flautas, tamborinos, salterios, albogues, panderos y sonajas; y cuando llegaron cerca vieron que los árboles de una enramada, que a mano habían puesto a la entrada del pueblo, estaban todos llenos de luminarias, a quien no ofendía el viento, que entonces no soplaba sino tan manso que no tenía fuerza para mover las hojas de los árboles. Los músicos eran los regocijadores de la boda, que en diversas cuadrillas por aquel agradable sitio andaban, unos bailando, y otros cantando, y otros tocando la diversidad de los referidos instrumentos. En efecto, no parecía sino que por todo aquel prado andaba corriendo la alegría y saltando el contento. Otros muchos andaban ocupados en levantar andamios, de donde con comodidad pudiesen ver otro día las representaciones y danzas que se habían de hacer en aquel lugar dedicado para solenizar las bodas del rico Camacho y las exequias de Basilio. No quiso entrar en el lugar don Quijote, aunque se lo pidieron así el labrador como el bachiller; pero él dio por disculpa, bastantísima a su parecer, ser costumbre de los caballeros andantes dormir por los campos y florestas antes que en los poblados, aunque fuese debajo de dorados techos; y con esto, se desvió un poco del camino, bien contra la voluntad de Sancho, viniéndosele a la memoria el buen alojamiento que había tenido en el castillo o casa de don Diego. Capítulo XX. Donde se cuentan las bodas de Camacho el rico, con el suceso de Basilio el pobre Apenas la blanca aurora había dado lugar a que el luciente Febo, con el ardor de sus calientes rayos, las líquidas perlas de sus cabellos de oro enjugase, cuando don Quijote, sacudiendo la pereza de sus miembros, se puso en pie y llamó a su escudero Sancho, que aún todavía roncaba; lo cual visto por don Quijote, antes que le despertase, le dijo: — ¡Oh tú, bienaventurado sobre cuantos viven sobre la haz de la tierra, pues sin tener invidia ni ser invidiado, duermes con sosegado espíritu, ni te persiguen encantadores, ni sobresaltan encantamentos! Duerme, digo otra vez, y lo diré otras ciento, sin que te tengan en contina vigilia celos de tu dama, ni te desvelen pensamientos de pagar deudas que debas, ni de lo que has de hacer para comer otro día tú y tu pequeña y angustiada familia. Ni la ambición te inquieta, ni la pompa vana del mundo te fatiga, pues los límites de tus deseos no se estienden a más que a pensar tu jumento; que el de tu persona sobre mis hombros le tienes puesto: contrapeso y carga que puso la naturaleza y la costumbre a los señores. Duerme el criado, y está velando el señor, pensando cómo le ha de sustentar, mejorar y hacer mercedes. La congoja de ver que el cielo se hace de bronce sin acudir a la tierra con el conveniente rocío no aflige al criado, sino al señor, que ha de sustentar en la esterilidad y hambre al que le sirvió en la fertilidad y abundancia. A todo esto no respondió Sancho, porque dormía, ni despertara tan presto si don Quijote con el cuento de la lanza no le hiciere volver en sí. Despertó, en fin, soñoliento y perezoso, y, volviendo el rostro a todas partes, dijo: — De la parte desta enramada, si no me engaño, sale un tufo y olor harto más de torreznos asados que de juncos y tomillos: bodas que por tales olores comienzan, para mi santiguada que deben de ser abundantes y generosas. — Acaba, glotón —dijo don Quijote—; ven, iremos a ver estos desposorios, por ver lo que hace el desdeñado Basilio. — Mas que haga lo que quisiere —respondió Sancho—: no fuera él pobre y casárase con Quiteria. ¿No hay más sino tener un cuarto y querer alzarse por las nubes? A la fe, señor, yo soy de parecer que el pobre debe de contentarse con lo que hallare, y no pedir cotufas en el golfo. Yo apostaré un brazo que puede Camacho envolver en reales a Basilio; y si esto es así, como debe de ser, bien boba fuera Quiteria en desechar las galas y las joyas que le debe de haber dado, y le puede dar Camacho, por escoger el tirar de la barra y el jugar de la negra de Basilio. Sobre un buen tiro de barra o sobre una gentil treta de espada no dan un cuartillo de vino en la taberna. Habilidades y gracias que no son vendibles, mas que las tenga el conde Dirlos; pero, cuando las tales gracias caen sobre quien tiene buen dinero, tal sea mi vida como ellas parecen. Sobre un buen cimiento se puede levantar un buen edificio, y el mejor cimiento y zanja del mundo es el dinero. — Por quien Dios es, Sancho —dijo a esta sazón don Quijote—, que concluyas con tu arenga; que tengo para mí que si te dejasen seguir en las que a cada paso comienzas, no te quedaría tiempo para comer ni para dormir, que todo le gastarías en hablar. — Si vuestra merced tuviera buena memoria —replicó Sancho—, debiérase acordar de los capítulos de nuestro concierto antes que esta última vez saliésemos de casa: uno dellos fue que me había de dejar hablar todo aquello que quisiese, con que no fuese contra el prójimo ni contra la autoridad de vuesa merced; y hasta agora me parece que no he contravenido contra el tal capítulo. — Yo no me acuerdo, Sancho —respondió don Quijote—, del tal capítulo; y, puesto que sea así, quiero que calles y vengas, que ya los instrumentos que anoche oímos vuelven a alegrar los valles, y sin duda los desposorios se celebrarán en el frescor de la mañana, y no en el calor de la tarde. Hizo Sancho lo que su señor le mandaba, y, poniendo la silla a Rocinante y la albarda al rucio, subieron los dos, y paso ante paso se fueron entrando por la enramada. Lo primero que se le ofreció a la vista de Sancho fue, espetado en un asador de un olmo entero, un entero novillo; y en el fuego donde se había de asar ardía un mediano monte de leña, y seis ollas que alrededor de la hoguera estaban no se habían hecho en la común turquesa de las demás ollas, porque eran seis medias tinajas, que cada una cabía un rastro de carne: así embebían y encerraban en sí carneros enteros, sin echarse de ver, como si fueran palominos; las liebres ya sin pellejo y las gallinas sin pluma que estaban colgadas por los árboles para sepultarlas en las ollas no tenían número; los pájaros y caza de diversos géneros eran infinitos, colgados de los árboles para que el aire los enfriase. Contó Sancho más de sesenta zaques de más de a dos arrobas cada uno, y todos llenos, según después pareció, de generosos vinos; así había rimeros de pan blanquísimo, como los suele haber de montones de trigo en las eras; los quesos, puestos como ladrillos enrejados, formaban una muralla, y dos calderas de aceite, mayores que las de un tinte, servían de freír cosas de masa, que con dos valientes palas las sacaban fritas y las zabullían en otra caldera de preparada miel que allí junto estaba. Los cocineros y cocineras pasaban de cincuenta: todos limpios, todos diligentes y todos contentos. En el dilatado vientre del novillo estaban doce tiernos y pequeños lechones, que, cosidos por encima, servían de darle sabor y enternecerle. Las especias de diversas suertes no parecía haberlas comprado por libras, sino por arrobas, y todas estaban de manifiesto en una grande arca. Finalmente, el aparato de la boda era rústico, pero tan abundante que podía sustentar a un ejército. Todo lo miraba Sancho Panza, y todo lo contemplaba, y de todo se aficionaba: primero le cautivaron y rindieron el deseo las ollas, de quién él tomara de bonísima gana un mediano puchero; luego le aficionaron la voluntad los zaques; y, últimamente, las frutas de sartén, si es que se podían llamar sartenes las tan orondas calderas; y así, sin poderlo sufrir ni ser en su mano hacer otra cosa, se llegó a uno de los solícitos cocineros, y, con corteses y hambrientas razones, le rogó le dejase mojar un mendrugo de pan en una de aquellas ollas. A lo que el cocinero respondió: — Hermano, este día no es de aquellos sobre quien tiene juridición la hambre, merced al rico Camacho. Apeaos y mirad si hay por ahí un cucharón, y espumad una gallina o dos, y buen provecho os hagan. — No veo ninguno —respondió Sancho. — Esperad —dijo el cocinero—. ¡Pecador de mí, y qué melindroso y para poco debéis de ser! Y, diciendo esto, asió de un caldero, y, encajándole en una de las medias tinajas, sacó en él tres gallinas y dos gansos, y dijo a Sancho: — Comed, amigo, y desayunaos con esta espuma, en tanto que se llega la hora del yantar. — No tengo en qué echarla —respondió Sancho. — Pues llevaos —dijo el cocinero— la cuchara y todo, que la riqueza y el contento de Camacho todo lo suple. En tanto, pues, que esto pasaba Sancho, estaba don Quijote mirando cómo, por una parte de la enramada, entraban hasta doce labradores sobre doce hermosísimas yeguas, con ricos y vistosos jaeces de campo y con muchos cascabeles en los petrales, y todos vestidos de regocijo y fiestas; los cuales, en concertado tropel, corrieron no una, sino muchas carreras por el prado, con regocijada algazara y grita, diciendo: — ¡Vivan Camacho y Quiteria: él tan rico como ella hermosa, y ella la más hermosa del mundo! Oyendo lo cual don Quijote, dijo entre sí: — Bien parece que éstos no han visto a mi Dulcinea del Toboso, que si la hubieran visto, ellos se fueran a la mano en las alabanzas desta su Quiteria. De allí a poco comenzaron a entrar por diversas partes de la enramada muchas y diferentes danzas, entre las cuales venía una de espadas, de hasta veinte y cuatro zagales de gallardo parecer y brío, todos vestidos de delgado y blanquísimo lienzo, con sus paños de tocar, labrados de varias colores de fina seda; y al que los guiaba, que era un ligero mancebo, preguntó uno de los de las yeguas si se había herido alguno de los danzantes. — Por ahora, bendito sea Dios, no se ha herido nadie: todos vamos sanos. Y luego comenzó a enredarse con los demás compañeros, con tantas vueltas y con tanta destreza que, aunque don Quijote estaba hecho a ver semejantes danzas, ninguna le había parecido tan bien como aquélla. También le pareció bien otra que entró de doncellas hermosísimas, tan mozas que, al parecer, ninguna bajaba de catorce ni llegaba a diez y ocho años, vestidas todas de palmilla verde, los cabellos parte tranzados y parte sueltos, pero todos tan rubios, que con los del sol podían tener competencia, sobre los cuales traían guirnaldas de jazmines, rosas, amaranto y madreselva compuestas. Guiábalas un venerable viejo y una anciana matrona, pero más ligeros y sueltos que sus años prometían. Hacíales el son una gaita zamorana, y ellas, llevando en los rostros y en los ojos a la honestidad y en los pies a la ligereza, se mostraban las mejores bailadoras del mundo. Tras ésta entró otra danza de artificio y de las que llaman habladas. Era de ocho ninfas, repartidas en dos hileras: de la una hilera era guía el dios Cupido, y de la otra, el Interés; aquél, adornado de alas, arco, aljaba y saetas; éste, vestido de ricas y diversas colores de oro y seda. Las ninfas que al Amor seguían traían a las espaldas, en pargamino blanco y letras grandes, escritos sus nombres: poesía era el título de la primera, el de la segunda discreción, el de la tercera buen linaje, el de la cuarta valentía; del modo mesmo venían señaladas las que al Interés seguían: decía liberalidad el título de la primera, dádiva el de la segunda, tesoro el de la tercera y el de la cuarta posesión pacífica. Delante de todos venía un castillo de madera, a quien tiraban cuatro salvajes, todos vestidos de yedra y de cáñamo teñido de verde, tan al natural, que por poco espantaran a Sancho. En la frontera del castillo y en todas cuatro partes de sus cuadros traía escrito: castillo del buen recato. Hacíanles el son cuatro diestros tañedores de tamboril y flauta. Comenzaba la danza Cupido, y, habiendo hecho dos mudanzas, alzaba los ojos y flechaba el arco contra una doncella que se ponía entre las almenas del castillo, a la cual desta suerte dijo: -Yo soy el dios poderoso en el aire y en la tierra y en el ancho mar undoso, y en cuanto el abismo encierra en su báratro espantoso. Nunca conocí qué es miedo; todo cuanto quiero puedo, aunque quiera lo imposible, y en todo lo que es posible mando, quito, pongo y vedo. Acabó la copla, disparó una flecha por lo alto del castillo y retiróse a su puesto. Salió luego el Interés, y hizo otras dos mudanzas; callaron los tamborinos, y él dijo: -Soy quien puede más que Amor, y es Amor el que me guía; soy de la estirpe mejor que el cielo en la tierra cría, más conocida y mayor. Soy el Interés, en quien pocos suelen obrar bien, y obrar sin mí es gran milagro; y cual soy te me consagro, por siempre jamás, amén. Retiróse el Interés, y hízose adelante la Poesía; la cual, después de haber hecho sus mudanzas como los demás, puestos los ojos en la doncella del castillo, dijo: -En dulcísimos conceptos, la dulcísima Poesía, altos, graves y discretos, señora, el alma te envía envuelta entre mil sonetos. Si acaso no te importuna mi porfía, tu fortuna, de otras muchas invidiada, será por mí levantada sobre el cerco de la luna. Desvióse la Poesía, y de la parte del Interés salió la Liberalidad, y, después de hechas sus mudanzas, dijo: -Llaman Liberalidad al dar que el estremo huye de la prodigalidad, y del contrario, que arguye tibia y floja voluntad. Mas yo, por te engrandecer, de hoy más, pródiga he de ser; que, aunque es vicio, es vicio honrado y de pecho enamorado, que en el dar se echa de ver. Deste modo salieron y se retiraron todas las dos figuras de las dos escuadras, y cada uno hizo sus mudanzas y dijo sus versos, algunos elegantes y algunos ridículos, y sólo tomó de memoria don Quijote —que la tenía grande— los ya referidos; y luego se mezclaron todos, haciendo y deshaciendo lazos con gentil donaire y desenvoltura; y cuando pasaba el Amor por delante del castillo, disparaba por alto sus flechas, pero el Interés quebraba en él alcancías doradas. Finalmente, después de haber bailado un buen espacio, el Interés sacó un bolsón, que le formaba el pellejo de un gran gato romano, que parecía estar lleno de dineros, y, arrojándole al castillo, con el golpe se desencajaron las tablas y se cayeron, dejando a la doncella descubierta y sin defensa alguna. Llegó el Interés con las figuras de su valía, y, echándola una gran cadena de oro al cuello, mostraron prenderla, rendirla y cautivarla; lo cual visto por el Amor y sus valedores, hicieron ademán de quitársela; y todas las demostraciones que hacían eran al son de los tamborinos, bailando y danzando concertadamente. Pusiéronlos en paz los salvajes, los cuales con mucha presteza volvieron a armar y a encajar las tablas del castillo, y la doncella se encerró en él como de nuevo, y con esto se acabó la danza con gran contento de los que la miraban. Preguntó don Quijote a una de las ninfas que quién la había compuesto y ordenado. Respondióle que un beneficiado de aquel pueblo, que tenía gentil caletre para semejantes invenciones. — Yo apostaré —dijo don Quijote— que debe de ser más amigo de Camacho que de Basilio el tal bachiller o beneficiado, y que debe de tener más de satírico que de vísperas: ¡bien ha encajado en la danza las habilidades de Basilio y las riquezas de Camacho! Sancho Panza, que lo escuchaba todo, dijo: — El rey es mi gallo: a Camacho me atengo. — En fin —dijo don Quijote—, bien se parece, Sancho, que eres villano y de aquéllos que dicen: "¡Viva quien vence!" — No sé de los que soy —respondió Sancho—, pero bien sé que nunca de ollas de Basilio sacaré yo tan elegante espuma como es esta que he sacado de las de Camacho. Y enseñóle el caldero lleno de gansos y de gallinas, y, asiendo de una, comenzó a comer con mucho donaire y gana, y dijo: — ¡A la barba de las habilidades de Basilio!, que tanto vales cuanto tienes, y tanto tienes cuanto vales. Dos linajes solos hay en el mundo, como decía una agüela mía, que son el tener y el no tener, aunque ella al del tener se atenía; y el día de hoy, mi señor don Quijote, antes se toma el pulso al haber que al saber: un asno cubierto de oro parece mejor que un caballo enalbardado. Así que vuelvo a decir que a Camacho me atengo, de cuyas ollas son abundantes espumas gansos y gallinas, liebres y conejos; y de las de Basilio serán, si viene a mano, y aunque no venga sino al pie, aguachirle. — ¿Has acabado tu arenga, Sancho? —dijo don Quijote. — Habréla acabado —respondió Sancho—, porque veo que vuestra merced recibe pesadumbre con ella; que si esto no se pusiera de por medio, obra había cortada para tres días. — Plega a Dios, Sancho —replicó don Quijote—, que yo te vea mudo antes que me muera. — Al paso que llevamos —respondió Sancho—, antes que vuestra merced se muera estaré yo mascando barro, y entonces podrá ser que esté tan mudo que no hable palabra hasta la fin del mundo, o, por lo menos, hasta el día del Juicio. — Aunque eso así suceda, ¡oh Sancho! —respondió don Quijote—, nunca llegará tu silencio a do ha llegado lo que has hablado, hablas y tienes de hablar en tu vida; y más, que está muy puesto en razón natural que primero llegue el día de mi muerte que el de la tuya; y así, jamás pienso verte mudo, ni aun cuando estés bebiendo o durmiendo, que es lo que puedo encarecer. — A buena fe, señor —respondió Sancho—, que no hay que fiar en la descarnada, digo, en la muerte, la cual también come cordero como carnero; y a nuestro cura he oído decir que con igual pie pisaba las altas torres de los reyes como las humildes chozas de los pobres. Tiene esta señora más de poder que de melindre: no es nada asquerosa, de todo come y a todo hace, y de toda suerte de gentes, edades y preeminencias hinche sus alforjas. No es segador que duerme las siestas, que a todas horas siega, y corta así la seca como la verde yerba; y no parece que masca, sino que engulle y traga cuanto se le pone delante, porque tiene hambre canina, que nunca se harta; y, aunque no tiene barriga, da a entender que está hidrópica y sedienta de beber solas las vidas de cuantos viven, como quien se bebe un jarro de agua fría. — No más, Sancho —dijo a este punto don Quijote—. Tente en buenas, y no te dejes caer; que en verdad que lo que has dicho de la muerte por tus rústicos términos es lo que pudiera decir un buen predicador. Dígote, Sancho que si como tienes buen natural y discreción, pudieras tomar un púlpito en la mano y irte por ese mundo predicando lindezas... — Bien predica quien bien vive —respondió Sancho—, y yo no sé otras tologías. — Ni las has menester —dijo don Quijote—; pero yo no acabo de entender ni alcanzar cómo, siendo el principio de la sabiduría el temor de Dios, tú, que temes más a un lagarto que a Él, sabes tanto. — Juzgue vuesa merced, señor, de sus caballerías —respondió Sancho—, y no se meta en juzgar de los temores o valentías ajenas, que tan gentil temeroso soy yo de Dios como cada hijo de vecino; y déjeme vuestra merced despabilar esta espuma, que lo demás todas son palabras ociosas, de que nos han de pedir cuenta en la otra vida. Y, diciendo esto, comenzó de nuevo a dar asalto a su caldero, con tan buenos alientos que despertó los de don Quijote, y sin duda le ayudara, si no lo impidiera lo que es fuerza se diga adelante. Capítulo XXI. Donde se prosiguen las bodas de Camacho, con otros gustosos sucesos Cuando estaban don Quijote y Sancho en las razones referidas en el capítulo antecedente, se oyeron grandes voces y gran ruido, y dábanlas y causábanle los de las yeguas, que con larga carrera y grita iban a recebir a los novios, que, rodeados de mil géneros de instrumentos y de invenciones, venían acompañados del cura, y de la parentela de entrambos, y de toda la gente más lucida de los lugares circunvecinos, todos vestidos de fiesta. Y como Sancho vio a la novia, dijo: — A buena fe que no viene vestida de labradora, sino de garrida palaciega. ¡Pardiez, que según diviso, que las patenas que había de traer son ricos corales, y la palmilla verde de Cuenca es terciopelo de treinta pelos! ¡Y montas que la guarnición es de tiras de lienzo, blanca!, ¡voto a mí que es de raso!; pues, ¡tomadme las manos, adornadas con sortijas de azabache!: no medre yo si no son anillos de oro, y muy de oro, y empedrados con pelras blancas como una cuajada, que cada una debe de valer un ojo de la cara. ¡Oh hideputa, y qué cabellos; que, si no son postizos, no los he visto mas luengos ni más rubios en toda mi vida! ¡No, sino ponedla tacha en el brío y en el talle, y no la comparéis a una palma que se mueve cargada de racimos de dátiles, que lo mesmo parecen los dijes que trae pendientes de los cabellos y de la garganta! Juro en mi ánima que ella es una chapada moza, y que puede pasar por los bancos de Flandes. Rióse don Quijote de las rústicas alabanzas de Sancho Panza; parecióle que, fuera de su señora Dulcinea del Toboso, no había visto mujer más hermosa jamás. Venía la hermosa Quiteria algo descolorida, y debía de ser de la mala noche que siempre pasan las novias en componerse para el día venidero de sus bodas. Íbanse acercando a un teatro que a un lado del prado estaba, adornado de alfombras y ramos, adonde se habían de hacer los desposorios, y de donde habían de mirar las danzas y las invenciones; y, a la sazón que llegaban al puesto, oyeron a sus espaldas grandes voces, y una que decía: — Esperaos un poco, gente tan inconsiderada como presurosa. A cuyas voces y palabras todos volvieron la cabeza, y vieron que las daba un hombre vestido, al parecer, de un sayo negro, jironado de carmesí a llamas. Venía coronado —como se vio luego— con una corona de funesto ciprés; en las manos traía un bastón grande. En llegando más cerca, fue conocido de todos por el gallardo Basilio, y todos estuvieron suspensos, esperando en qué habían de parar sus voces y sus palabras, temiendo algún mal suceso de su venida en sazón semejante. Llegó, en fin, cansado y sin aliento, y, puesto delante de los desposados, hincando el bastón en el suelo, que tenía el cuento de una punta de acero, mudada la color, puestos los ojos en Quiteria, con voz tremente y ronca, estas razones dijo: — Bien sabes, desconocida Quiteria, que conforme a la santa ley que profesamos, que viviendo yo, tú no puedes tomar esposo; y juntamente no ignoras que, por esperar yo que el tiempo y mi diligencia mejorasen los bienes de mi fortuna, no he querido dejar de guardar el decoro que a tu honra convenía; pero tú, echando a las espaldas todas las obligaciones que debes a mi buen deseo, quieres hacer señor de lo que es mío a otro, cuyas riquezas le sirven no sólo de buena fortuna, sino de bonísima ventura. Y para que la tenga colmada, y no como yo pienso que la merece, sino como se la quieren dar los cielos, yo, por mis manos, desharé el imposible o el inconveniente que puede estorbársela, quitándome a mí de por medio. ¡Viva, viva el rico Camacho con la ingrata Quiteria largos y felices siglos, y muera, muera el pobre Basilio, cuya pobreza cortó las alas de su dicha y le puso en la sepultura! Y, diciendo esto, asió del bastón que tenía hincado en el suelo, y, quedándose la mitad dél en la tierra, mostró que servía de vaina a un mediano estoque que en él se ocultaba; y, puesta la que se podía llamar empuñadura en el suelo, con ligero desenfado y determinado propósito se arrojó sobre él, y en un punto mostró la punta sangrienta a las espaldas, con la mitad del acerada cuchilla, quedando el triste bañado en su sangre y tendido en el suelo, de sus mismas armas traspasado. Acudieron luego sus amigos a favorecerle, condolidos de su miseria y lastimosa desgracia; y, dejando don Quijote a Rocinante, acudió a favorecerle y le tomó en sus brazos, y halló que aún no había espirado. Quisiéronle sacar el estoque, pero el cura, que estaba presente, fue de parecer que no se le sacasen antes de confesarle, porque el sacársele y el espirar sería todo a un tiempo. Pero, volviendo un poco en sí Basilio, con voz doliente y desmayada dijo: — Si quisieses, cruel Quiteria, darme en este último y forzoso trance la mano de esposa, aún pensaría que mi temeridad tendría desculpa, pues en ella alcancé el bien de ser tuyo. El cura, oyendo lo cual, le dijo que atendiese a la salud del alma antes que a los gustos del cuerpo, y que pidiese muy de veras a Dios perdón de sus pecados y de su desesperada determinación. A lo cual replicó Basilio que en ninguna manera se confesaría si primero Quiteria no le daba la mano de ser su esposa: que aquel contento le adobaría la voluntad y le daría aliento para confesarse. En oyendo don Quijote la petición del herido, en altas voces dijo que Basilio pedía una cosa muy justa y puesta en razón, y además, muy hacedera, y que el señor Camacho quedaría tan honrado recibiendo a la señora Quiteria viuda del valeroso Basilio como si la recibiera del lado de su padre: — Aquí no ha de haber más de un sí, que no tenga otro efecto que el pronunciarle, pues el tálamo de estas bodas ha de ser la sepultura. Todo lo oía Camacho, y todo le tenía suspenso y confuso, sin saber qué hacer ni qué decir; pero las voces de los amigos de Basilio fueron tantas, pidiéndole que consintiese que Quiteria le diese la mano de esposa, porque su alma no se perdiese, partiendo desesperado desta vida, que le movieron, y aun forzaron, a decir que si Quiteria quería dársela, que él se contentaba, pues todo era dilatar por un momento el cumplimiento de sus deseos. Luego acudieron todos a Quiteria, y unos con ruegos, y otros con lágrimas, y otros con eficaces razones, la persuadían que diese la mano al pobre Basilio; y ella, más dura que un mármol y más sesga que una estatua, mostraba que ni sabía ni podía, ni quería responder palabra; ni la respondiera si el cura no la dijera que se determinase presto en lo que había de hacer, porque tenía Basilio ya el alma en los dientes, y no daba lugar a esperar inresolutas determinaciones. Entonces la hermosa Quiteria, sin responder palabra alguna, turbada, al parecer triste y pesarosa, llegó donde Basilio estaba, ya los ojos vueltos, el aliento corto y apresurado, murmurando entre los dientes el nombre de Quiteria, dando muestras de morir como gentil, y no como cristiano. Llegó, en fin, Quiteria, y, puesta de rodillas, le pidió la mano por señas, y no por palabras. Desencajó los ojos Basilio, y, mirándola atentamente, le dijo: — ¡Oh Quiteria, que has venido a ser piadosa a tiempo cuando tu piedad ha de servir de cuchillo que me acabe de quitar la vida, pues ya no tengo fuerzas para llevar la gloria que me das en escogerme por tuyo, ni para suspender el dolor que tan apriesa me va cubriendo los ojos con la espantosa sombra de la muerte! Lo que te suplico es, ¡oh fatal estrella mía!, que la mano que me pides y quieres darme no sea por cumplimiento, ni para engañarme de nuevo, sino que confieses y digas que, sin hacer fuerza a tu voluntad, me la entregas y me la das como a tu legítimo esposo; pues no es razón que en un trance como éste me engañes, ni uses de fingimientos con quien tantas verdades ha tratado contigo. Entre estas razones, se desmayaba, de modo que todos los presentes pensaban que cada desmayo se había de llevar el alma consigo. Quiteria, toda honesta y toda vergonzosa, asiendo con su derecha mano la de Basilio, le dijo: — Ninguna fuerza fuera bastante a torcer mi voluntad; y así, con la más libre que tengo te doy la mano de legítima esposa, y recibo la tuya, si es que me la das de tu libre albedrío, sin que la turbe ni contraste la calamidad en que tu discurso acelerado te ha puesto. — Sí doy —respondió Basilio—, no turbado ni confuso, sino con el claro entendimiento que el cielo quiso darme; y así, me doy y me entrego por tu esposo. — Y yo por tu esposa —respondió Quiteria—, ahora vivas largos años, ahora te lleven de mis brazos a la sepultura. — Para estar tan herido este mancebo —dijo a este punto Sancho Panza—, mucho habla; háganle que se deje de requiebros y que atienda a su alma, que, a mi parecer, más la tiene en la lengua que en los dientes. Estando, pues, asidos de las manos Basilio y Quiteria, el cura, tierno y lloroso, los echó la bendición y pidió al cielo diese buen poso al alma del nuevo desposado; el cual, así como recibió la bendición, con presta ligereza se levantó en pie, y con no vista desenvoltura se sacó el estoque, a quien servía de vaina su cuerpo. Quedaron todos los circunstantes admirados, y algunos dellos, más simples que curiosos, en altas voces, comenzaron a decir: — ¡Milagro, milagro! Pero Basilio replicó: — ¡No "milagro, milagro", sino industria, industria! El cura, desatentado y atónito, acudió con ambas manos a tentar la herida, y halló que la cuchilla había pasado, no por la carne y costillas de Basilio, sino por un cañón hueco de hierro que, lleno de sangre, en aquel lugar bien acomodado tenía; preparada la sangre, según después se supo, de modo que no se helase. Finalmente, el cura y Camacho, con todos los más circunstantes, se tuvieron por burlados y escarnidos. La esposa no dio muestras de pesarle de la burla; antes, oyendo decir que aquel casamiento, por haber sido engañoso, no había de ser valedero, dijo que ella le confirmaba de nuevo; de lo cual coligieron todos que de consentimiento y sabiduría de los dos se había trazado aquel caso, de lo que quedó Camacho y sus valedores tan corridos que remitieron su venganza a las manos, y, desenvainando muchas espadas, arremetieron a Basilio, en cuyo favor en un instante se desenvainaron casi otras tantas. Y, tomando la delantera a caballo don Quijote, con la lanza sobre el brazo y bien cubierto de su escudo, se hacía dar lugar de todos. Sancho, a quien jamás pluguieron ni solazaron semejantes fechurías, se acogió a las tinajas, donde había sacado su agradable espuma, pareciéndole aquel lugar como sagrado, que había de ser tenido en respeto. Don Quijote, a grandes voces, decía: — Teneos, señores, teneos, que no es razón toméis venganza de los agravios que el amor nos hace; y advertid que el amor y la guerra son una misma cosa, y así como en la guerra es cosa lícita y acostumbrada usar de ardides y estratagemas para vencer al enemigo, así en las contiendas y competencias amorosas se tienen por buenos los embustes y marañas que se hacen para conseguir el fin que se desea, como no sean en menoscabo y deshonra de la cosa amada. Quiteria era de Basilio, y Basilio de Quiteria, por justa y favorable disposición de los cielos. Camacho es rico, y podrá comprar su gusto cuando, donde y como quisiere. Basilio no tiene más desta oveja, y no se la ha de quitar alguno, por poderoso que sea; que a los dos que Dios junta no podrá separar el hombre; y el que lo intentare, primero ha de pasar por la punta desta lanza. Y, en esto, la blandió tan fuerte y tan diestramente, que puso pavor en todos los que no le conocían, y tan intensamente se fijó en la imaginación de Camacho el desdén de Quiteria, que se la borró de la memoria en un instante; y así, tuvieron lugar con él las persuasiones del cura, que era varón prudente y bien intencionado, con las cuales quedó Camacho y los de su parcialidad pacíficos y sosegados; en señal de lo cual volvieron las espadas a sus lugares, culpando más a la facilidad de Quiteria que a la industria de Basilio; haciendo discurso Camacho que si Quiteria quería bien a Basilio doncella, también le quisiera casada, y que debía de dar gracias al cielo, más por habérsela quitado que por habérsela dado. Consolado, pues, y pacífico Camacho y los de su mesnada, todos los de la de Basilio se sosegaron, y el rico Camacho, por mostrar que no sentía la burla, ni la estimaba en nada, quiso que las fiestas pasasen adelante como si realmente se desposara; pero no quisieron asistir a ellas Basilio ni su esposa ni secuaces; y así, se fueron a la aldea de Basilio, que también los pobres virtuosos y discretos tienen quien los siga, honre y ampare, como los ricos tienen quien los lisonjee y acompañe. Llevarónse consigo a don Quijote, estimándole por hombre de valor y de pelo en pecho. A sólo Sancho se le escureció el alma, por verse imposibilitado de aguardar la espléndida comida y fiestas de Camacho, que duraron hasta la noche; y así, asenderado y triste, siguió a su señor, que con la cuadrilla de Basilio iba, y así se dejó atrás las ollas de Egipto, aunque las llevaba en el alma, cuya ya casi consumida y acabada espuma, que en el caldero llevaba, le representaba la gloria y la abundancia del bien que perdía; y así, congojado y pensativo, aunque sin hambre, sin apearse del rucio, siguió las huellas de Rocinante. Capítulo XXII. Donde se da cuenta de la grande aventura de la cueva de Montesinos, que está en el corazón de la Mancha, a quien dio felice cima el valeroso don Quijote de la Mancha Grandes fueron y muchos los regalos que los desposados hicieron a don Quijote, obligados de las muestras que había dado defendiendo su causa, y al par de la valentía le graduaron la discreción, teniéndole por un Cid en las armas y por un Cicerón en la elocuencia. El buen Sancho se refociló tres días a costa de los novios, de los cuales se supo que no fue traza comunicada con la hermosa Quiteria el herirse fingidamente, sino industria de Basilio, esperando della el mesmo suceso que se había visto; bien es verdad que confesó que había dado parte de su pensamiento a algunos de sus amigos, para que al tiempo necesario favoreciesen su intención y abonasen su engaño. — No se pueden ni deben llamar engaños —dijo don Quijote— los que ponen la mira en virtuosos fines. Y que el de casarse los enamorados era el fin de más excelencia, advirtiendo que el mayor contrario que el amor tiene es la hambre y la continua necesidad, porque el amor es todo alegría, regocijo y contento, y más cuando el amante está en posesión de la cosa amada, contra quien son enemigos opuestos y declarados la necesidad y la pobreza; y que todo esto decía con intención de que se dejase el señor Basilio de ejercitar las habilidades que sabe, que, aunque le daban fama, no le daban dineros, y que atendiese a granjear hacienda por medios lícitos e industriosos, que nunca faltan a los prudentes y aplicados. — El pobre honrado, si es que puede ser honrado el pobre, tiene prenda en tener mujer hermosa, que, cuando se la quitan, le quitan la honra y se la matan. La mujer hermosa y honrada, cuyo marido es pobre, merece ser coronada con laureles y palmas de vencimiento y triunfo. La hermosura, por sí sola, atrae las voluntades de cuantos la miran y conocen, y como a señuelo gustoso se le abaten las águilas reales y los pájaros altaneros; pero si a la tal hermosura se le junta la necesidad y la estrecheza, también la embisten los cuervos, los milanos y las otras aves de rapiña; y la que está a tantos encuentros firme bien merece llamarse corona de su marido. Mirad, discreto Basilio —añadió don Quijote—: opinión fue de no sé qué sabio que no había en todo el mundo sino una sola mujer buena, y daba por consejo que cada uno pensase y creyese que aquella sola buena era la suya, y así viviría contento. Yo no soy casado, ni hasta agora me ha venido en pensamiento serlo; y, con todo esto, me atrevería a dar consejo al que me lo pidiese del modo que había de buscar la mujer con quien se quisiese casar. Lo primero, le aconsejaría que mirase más a la fama que a la hacienda, porque la buena mujer no alcanza la buena fama solamente con ser buena, sino con parecerlo; que mucho más dañan a las honras de las mujeres las desenvolturas y libertades públicas que las maldades secretas. Si traes buena mujer a tu casa, fácil cosa sería conservarla, y aun mejorarla, en aquella bondad; pero si la traes mala, en trabajo te pondrá el enmendarla: que no es muy hacedero pasar de un estremo a otro. Yo no digo que sea imposible, pero téngolo por dificultoso. Oía todo esto Sancho, y dijo entre sí: — Este mi amo, cuando yo hablo cosas de meollo y de sustancia suele decir que podría yo tomar un púlpito en las manos y irme por ese mundo adelante predicando lindezas; y yo digo dél que cuando comienza a enhilar sentencias y a dar consejos, no sólo puede tomar púlpito en las manos, sino dos en cada dedo, y andarse por esas plazas a ¿qué quieres boca? ¡Válate el diablo por caballero andante, que tantas cosas sabes! Yo pensaba en mi ánima que sólo podía saber aquello que tocaba a sus caballerías, pero no hay cosa donde no pique y deje de meter su cucharada. Murmuraba esto algo Sancho, y entreoyóle su señor, y preguntóle: — ¿Qué murmuras, Sancho? — No digo nada, ni murmuro de nada —respondió Sancho—; sólo estaba diciendo entre mí que quisiera haber oído lo que vuesa merced aquí ha dicho antes que me casara, que quizá dijera yo agora: "El buey suelto bien se lame". — ¿Tan mala es tu Teresa, Sancho? —dijo don Quijote. — No es muy mala —respondió Sancho—, pero no es muy buena; a lo menos, no es tan buena como yo quisiera. — Mal haces, Sancho —dijo don Quijote—, en decir mal de tu mujer, que, en efecto, es madre de tus hijos. — No nos debemos nada —respondió Sancho—, que también ella dice mal de mí cuando se le antoja, especialmente cuando está celosa, que entonces súfrala el mesmo Satanás. Finalmente, tres días estuvieron con los novios, donde fueron regalados y servidos como cuerpos de rey. Pidió don Quijote al diestro licenciado le diese una guía que le encaminase a la cueva de Montesinos, porque tenía gran deseo de entrar en ella y ver a ojos vistas si eran verdaderas las maravillas que de ella se decían por todos aquellos contornos. El licenciado le dijo que le daría a un primo suyo, famoso estudiante y muy aficionado a leer libros de caballerías, el cual con mucha voluntad le pondría a la boca de la mesma cueva, y le enseñaría las lagunas de Ruidera, famosas ansimismo en toda la Mancha, y aun en toda España; y díjole que llevaría con él gustoso entretenimiento, a causa que era mozo que sabía hacer libros para imprimir y para dirigirlos a príncipes. Finalmente, el primo vino con una pollina preñada, cuya albarda cubría un gayado tapete o arpillera. Ensilló Sancho a Rocinante y aderezó al rucio, proveyó sus alforjas, a las cuales acompañaron las del primo, asimismo bien proveídas, y, encomendándose a Dios y despediéndose de todos, se pusieron en camino, tomando la derrota de la famosa cueva de Montesinos. En el camino preguntó don Quijote al primo de qué género y calidad eran sus ejercicios, su profesión y estudios; a lo que él respondió que su profesión era ser humanista; sus ejercicios y estudios, componer libros para dar a la estampa, todos de gran provecho y no menos entretenimiento para la república; que el uno se intitulaba el de las libreas, donde pinta setecientas y tres libreas, con sus colores, motes y cifras, de donde podían sacar y tomar las que quisiesen en tiempo de fiestas y regocijos los caballeros cortesanos, sin andarlas mendigando de nadie, ni lambicando, como dicen, el cerbelo, por sacarlas conformes a sus deseos e intenciones. — Porque doy al celoso, al desdeñado, al olvidado y al ausente las que les convienen, que les vendrán más justas que pecadoras. Otro libro tengo también, a quien he de llamar Metamorfóseos, o Ovidio español, de invención nueva y rara; porque en él, imitando a Ovidio a lo burlesco, pinto quién fue la Giralda de Sevilla y el Ángel de la Madalena, quién el Caño de Vecinguerra, de Córdoba, quiénes los Toros de Guisando, la Sierra Morena, las fuentes de Leganitos y Lavapiés, en Madrid, no olvidándome de la del Piojo, de la del Caño Dorado y de la Priora; y esto, con sus alegorías, metáforas y translaciones, de modo que alegran, suspenden y enseñan a un mismo punto. Otro libro tengo, que le llamo Suplemento a Virgilio Polidoro, que trata de la invención de las cosas, que es de grande erudición y estudio, a causa que las cosas que se dejó de decir Polidoro de gran sustancia, las averiguo yo, y las declaro por gentil estilo. Olvidósele a Virgilio de declararnos quién fue el primero que tuvo catarro en el mundo, y el primero que tomó las unciones para curarse del morbo gálico, y yo lo declaro al pie de la letra, y lo autorizo con más de veinte y cinco autores: porque vea vuesa merced si he trabajado bien y si ha de ser útil el tal libro a todo el mundo. Sancho, que había estado muy atento a la narración del primo, le dijo: — Dígame, señor, así Dios le dé buena manderecha en la impresión de sus libros: ¿sabríame decir, que sí sabrá, pues todo lo sabe, quién fue el primero que se rascó en la cabeza, que yo para mí tengo que debió de ser nuestro padre Adán? — Sí sería —respondió el primo—, porque Adán no hay duda sino que tuvo cabeza y cabellos; y, siendo esto así, y siendo el primer hombre del mundo, alguna vez se rascaría. — Así lo creo yo —respondió Sancho—; pero dígame ahora: ¿quién fue el primer volteador del mundo? — En verdad, hermano —respondió el primo—, que no me sabré determinar por ahora, hasta que lo estudie. Yo lo estudiaré, en volviendo adonde tengo mis libros, y yo os satisfaré cuando otra vez nos veamos, que no ha de ser ésta la postrera. — Pues mire, señor —replicó Sancho—, no tome trabajo en esto, que ahora he caído en la cuenta de lo que le he preguntado. Sepa que el primer volteador del mundo fue Lucifer, cuando le echaron o arrojaron del cielo, que vino volteando hasta los abismos. — Tienes razón, amigo —dijo el primo. Y dijo don Quijote: — Esa pregunta y respuesta no es tuya, Sancho: a alguno las has oído decir. — Calle, señor —replicó Sancho—, que a buena fe que si me doy a preguntar y a responder, que no acabe de aquí a mañana. Sí, que para preguntar necedades y responder disparates no he menester yo andar buscando ayuda de vecinos. — Más has dicho, Sancho, de lo que sabes —dijo don Quijote—; que hay algunos que se cansan en saber y averiguar cosas que, después de sabidas y averiguadas, no importan un ardite al entendimiento ni a la memoria. En estas y otras gustosas pláticas se les pasó aquel día, y a la noche se albergaron en una pequeña aldea, adonde el primo dijo a don Quijote que desde allí a la cueva de Montesinos no había más de dos leguas, y que si llevaba determinado de entrar en ella, era menester proverse de sogas, para atarse y descolgarse en su profundidad. Don Quijote dijo que, aunque llegase al abismo, había de ver dónde paraba; y así, compraron casi cien brazas de soga, y otro día, a las dos de la tarde, llegaron a la cueva, cuya boca es espaciosa y ancha, pero llena de cambroneras y cabrahígos, de zarzas y malezas, tan espesas y intricadas, que de todo en todo la ciegan y encubren. En viéndola, se apearon el primo, Sancho y don Quijote, al cual los dos le ataron luego fortísimamente con las sogas; y, en tanto que le fajaban y ceñían, le dijo Sancho: — Mire vuestra merced, señor mío, lo que hace: no se quiera sepultar en vida, ni se ponga adonde parezca frasco que le ponen a enfriar en algún pozo. Sí, que a vuestra merced no le toca ni atañe ser el escudriñador desta que debe de ser peor que mazmorra. — Ata y calla —respondió don Quijote—, que tal empresa como aquésta, Sancho amigo, para mí estaba guardada. Y entonces dijo la guía: — Suplico a vuesa merced, señor don Quijote, que mire bien y especule con cien ojos lo que hay allá dentro: quizá habrá cosas que las ponga yo en el libro de mis Transformaciones. — En manos está el pandero que le sabrá bien tañer —respondió Sancho Panza. Dicho esto y acabada la ligadura de don Quijote —que no fue sobre el arnés, sino sobre el jubón de armar—, dijo don Quijote: — Inadvertidos hemos andado en no habernos proveído de algún esquilón pequeño, que fuera atado junto a mí en esta mesma soga, con cuyo sonido se entendiera que todavía bajaba y estaba vivo; pero, pues ya no es posible, a la mano de Dios, que me guíe. Y luego se hincó de rodillas y hizo una oración en voz baja al cielo, pidiendo a Dios le ayudase y le diese buen suceso en aquella, al parecer, peligrosa y nueva aventura, y en voz alta dijo luego: — ¡Oh señora de mis acciones y movimientos, clarísima y sin par Dulcinea del Toboso! Si es posible que lleguen a tus oídos las plegarias y rogaciones deste tu venturoso amante, por tu inaudita belleza te ruego las escuches, que no son otras que rogarte no me niegues tu favor y amparo, ahora que tanto le he menester. Yo voy a despeñarme, a empozarme y a hundirme en el abismo que aquí se me representa, sólo porque conozca el mundo que si tú me favoreces, no habrá imposible a quien yo no acometa y acabe. Y, en diciendo esto, se acercó a la sima; vio no ser posible descolgarse, ni hacer lugar a la entrada, si no era a fuerza de brazos, o a cuchilladas, y así, poniendo mano a la espada, comenzó a derribar y a cortar de aquellas malezas que a la boca de la cueva estaban, por cuyo ruido y estruendo salieron por ella una infinidad de grandísimos cuervos y grajos, tan espesos y con tanta priesa, que dieron con don Quijote en el suelo; y si él fuera tan agorero como católico cristiano, lo tuviera a mala señal y escusara de encerrarse en lugar semejante. Finalmente se levantó, y, viendo que no salían más cuervos ni otras aves noturnas, como fueron murciélagos, que asimismo entre los cuervos salieron, dándole soga el primo y Sancho, se dejó calar al fondo de la caverna espantosa; y, al entrar, echándole Sancho su bendición y haciendo sobre él mil cruces, dijo: — ¡Dios te guíe y la Peña de Francia, junto con la Trinidad de Gaeta, flor, nata y espuma de los caballeros andantes! ¡Allá vas, valentón del mundo, corazón de acero, brazos de bronce! ¡Dios te guíe, otra vez, y te vuelva libre, sano y sin cautela a la luz desta vida, que dejas por enterrarte en esta escuridad que buscas! Casi las mismas plegarias y deprecaciones hizo el primo. Iba don Quijote dando voces que le diesen soga y más soga, y ellos se la daban poco a poco; y cuando las voces, que acanaladas por la cueva salían, dejaron de oírse, ya ellos tenían descolgadas las cien brazas de soga, y fueron de parecer de volver a subir a don Quijote, pues no le podían dar más cuerda. Con todo eso, se detuvieron como media hora, al cabo del cual espacio volvieron a recoger la soga con mucha facilidad y sin peso alguno, señal que les hizo imaginar que don Quijote se quedaba dentro; y, creyéndolo así, Sancho lloraba amargamente y tiraba con mucha priesa por desengañarse, pero, llegando, a su parecer, a poco más de las ochenta brazas, sintieron peso, de que en estremo se alegraron. Finalmente, a las diez vieron distintamente a don Quijote, a quien dio voces Sancho, diciéndole: — Sea vuestra merced muy bien vuelto, señor mío, que ya pensábamos que se quedaba allá para casta. Pero no respondía palabra don Quijote; y, sacándole del todo, vieron que traía cerrados los ojos, con muestras de estar dormido. Tendiéronle en el suelo y desliáronle, y con todo esto no despertaba; pero tanto le volvieron y revolvieron, sacudieron y menearon, que al cabo de un buen espacio volvió en sí, desperezándose, bien como si de algún grave y profundo sueño despertara; y, mirando a una y otra parte, como espantado, dijo: — Dios os lo perdone, amigos; que me habéis quitado de la más sabrosa y agradable vida y vista que ningún humano ha visto ni pasado. En efecto, ahora acabo de conocer que todos los contentos desta vida pasan como sombra y sueño, o se marchitan como la flor del campo. ¡Oh desdichado Montesinos! ¡Oh mal ferido Durandarte! ¡Oh sin ventura Belerma! ¡Oh lloroso Guadiana, y vosotras sin dicha ijas de Ruidera, que mostráis en vuestras aguas las que lloraron vuestros hermosos ojos! Escuchaban el primo y Sancho las palabras de don Quijote, que las decía como si con dolor inmenso las sacara de las entrañas. Suplicáronle les diese a entender lo que decía, y les dijese lo que en aquel infierno había visto. — ¿Infierno le llamáis? —dijo don Quijote—; pues no le llaméis ansí, porque no lo merece, como luego veréis. Pidió que le diesen algo de comer, que traía grandísima hambre. Tendieron la arpillera del primo sobre la verde yerba, acudieron a la despensa de sus alforjas, y, sentados todos tres en buen amor y compaña, merendaron y cenaron, todo junto. Levantada la arpillera, dijo don Quijote de la Mancha: — No se levante nadie, y estadme, hijos, todos atentos. Capítulo XXIII. De las admirables cosas que el estremado don Quijote contó que había visto en la profunda cueva de Montesinos, cuya imposibilidad y grandeza hace que se tenga esta aventura por apócrifa Las cuatro de la tarde serían cuando el sol, entre nubes cubierto, con luz escasa y templados rayos, dio lugar a don Quijote para que, sin calor y pesadumbre, contase a sus dos clarísimos oyentes lo que en la cueva de Montesinos había visto. Y comenzó en el modo siguiente: — A obra de doce o catorce estados de la profundidad desta mazmorra, a la derecha mano, se hace una concavidad y espacio capaz de poder caber en ella un gran carro con sus mulas. Éntrale una pequeña luz por unos resquicios o agujeros, que lejos le responden, abiertos en la superficie de la tierra. Esta concavidad y espacio vi yo a tiempo cuando ya iba cansado y mohíno de verme, pendiente y colgado de la soga, caminar por aquella escura región abajo, sin llevar cierto ni determinado camino; y así, determiné entrarme en ella y descansar un poco. Di voces, pidiéndoos que no descolgásedes más soga hasta que yo os lo dijese, pero no debistes de oírme. Fui recogiendo la soga que enviábades, y, haciendo della una rosca o rimero, me senté sobre él, pensativo además, considerando lo que hacer debía para calar al fondo, no teniendo quién me sustentase; y, estando en este pensamiento y confusión, de repente y sin procurarlo, me salteó un sueño profundísimo; y, cuando menos lo pensaba, sin saber cómo ni cómo no, desperté dél y me hallé en la mitad del más bello, ameno y deleitoso prado que puede criar la naturaleza ni imaginar la más discreta imaginación humana. Despabilé los ojos, limpiémelos, y vi que no dormía, sino que realmente estaba despierto; con todo esto, me tenté la cabeza y los pechos, por certificarme si era yo mismo el que allí estaba, o alguna fantasma vana y contrahecha; pero el tacto, el sentimiento, los discursos concertados que entre mí hacía, me certificaron que yo era allí entonces el que soy aquí ahora. Ofrecióseme luego a la vista un real y suntuoso palacio o alcázar, cuyos muros y paredes parecían de transparente y claro cristal fabricados; del cual abriéndose dos grandes puertas, vi que por ellas salía y hacía mí se venía un venerable anciano, vestido con un capuz de bayeta morada, que por el suelo le arrastraba: ceñíale los hombros y los pechos una beca de colegial, de raso verde; cubríale la cabeza una gorra milanesa negra, y la barba, canísima, le pasaba de la cintura; no traía arma ninguna, sino un rosario de cuentas en la mano, mayores que medianas nueces, y los dieces asimismo como huevos medianos de avestruz; el continente, el paso, la gravedad y la anchísima presencia, cada cosa de por sí y todas juntas, me suspendieron y admiraron. Llegóse a mí, y lo primero que hizo fue abrazarme estrechamente, y luego decirme: ''Luengos tiempos ha, valeroso caballero don Quijote de la Mancha, que los que estamos en estas soledades encantados esperamos verte, para que des noticia al mundo de lo que encierra y cubre la profunda cueva por donde has entrado, llamada la cueva de Montesinos: hazaña sólo guardada para ser acometida de tu invencible corazón y de tu ánimo stupendo. Ven conmigo, señor clarísimo, que te quiero mostrar las maravillas que este transparente alcázar solapa, de quien yo soy alcaide y guarda mayor perpetua, porque soy el mismo Montesinos, de quien la cueva toma nombre''. Apenas me dijo que era Montesinos, cuando le pregunté si fue verdad lo que en el mundo de acá arriba se contaba: que él había sacado de la mitad del pecho, con una pequeña daga, el corazón de su grande amigo Durandarte y llevádole a la Señora Belerma, como él se lo mandó al punto de su muerte. Respondióme que en todo decían verdad, sino en la daga, porque no fue daga, ni pequeña, sino un puñal buido, más agudo que una lezna. — Debía de ser —dijo a este punto Sancho— el tal puñal de Ramón de Hoces, el sevillano. — No sé —prosiguió don Quijote—, pero no sería dese puñalero, porque Ramón de Hoces fue ayer, y lo de Roncesvalles, donde aconteció esta desgracia, ha muchos años; y esta averiguación no es de importancia, ni turba ni altera la verdad y contesto de la historia. — Así es —respondió el primo—; prosiga vuestra merced, señor don Quijote, que le escucho con el mayor gusto del mundo. — No con menor lo cuento yo —respondió don Quijote—; y así, digo que el venerable Montesinos me metió en el cristalino palacio, donde en una sala baja, fresquísima sobremodo y toda de alabastro, estaba un sepulcro de mármol, con gran maestría fabricado, sobre el cual vi a un caballero tendido de largo a largo, no de bronce, ni de mármol, ni de jaspe hecho, como los suele haber en otros sepulcros, sino de pura carne y de puros huesos. Tenía la mano derecha (que, a mi parecer, es algo peluda y nervosa, señal de tener muchas fuerzas su dueño) puesta sobre el lado del corazón, y, antes que preguntase nada a Montesinos, viéndome suspenso mirando al del sepulcro, me dijo: ''Éste es mi amigo Durandarte, flor y espejo de los caballeros enamorados y valientes de su tiempo; tiénele aquí encantado, como me tiene a mí y a otros muchos y muchas, Merlín, aquel francés encantador que dicen que fue hijo del diablo; y lo que yo creo es que no fue hijo del diablo, sino que supo, como dicen, un punto más que el diablo. El cómo o para qué nos encantó nadie lo sabe, y ello dirá andando los tiempos, que no están muy lejos, según imagino. Lo que a mí me admira es que sé, tan cierto como ahora es de día, que Durandarte acabó los de su vida en mis brazos, y que después de muerto le saqué el corazón con mis propias manos; y en verdad que debía de pesar dos libras, porque, según los naturales, el que tiene mayor corazón es dotado de mayor valentía del que le tiene pequeño. Pues siendo esto así, y que realmente murió este caballero, ¿cómo ahora se queja y sospira de cuando en cuando, como si estuviese vivo?'' Esto dicho, el mísero Durandarte, dando una gran voz, dijo: ''¡Oh, mi primo Montesinos! Lo postrero que os rogaba, que cuando yo fuere muerto, y mi ánima arrancada, que llevéis mi corazón adonde Belerma estaba, sacándomele del pecho, ya con puñal, ya con daga.'' Oyendo lo cual el venerable Montesinos, se puso de rodillas ante el lastimado caballero, y, con lágrimas en los ojos, le dijo: ''Ya, señor Durandarte, carísimo primo mío, ya hice lo que me mandastes en el aciago día de nuestra pérdida: yo os saqué el corazón lo mejor que pude, sin que os dejase una mínima parte en el pecho; yo le limpié con un pañizuelo de puntas; yo partí con él de carrera para Francia, habiéndoos primero puesto en el seno de la tierra, con tantas lágrimas, que fueron bastantes a lavarme las manos y limpiarme con ellas la sangre que tenían, de haberos andado en las entrañas; y, por más señas, primo de mi alma, en el primero lugar que topé, saliendo de Roncesvalles, eché un poco de sal en vuestro corazón, porque no oliese mal, y fuese, si no fresco, a lo menos amojamado, a la presencia de la señora Belerma; la cual, con vos, y conmigo, y con Guadiana, vuestro escudero, y con la dueña Ruidera y sus siete hijas y dos sobrinas, y con otros muchos de vuestros conocidos y amigos, nos tiene aquí encantados el sabio Merlín ha muchos años; y, aunque pasan de quinientos, no se ha muerto ninguno de nosotros: solamente faltan Ruidera y sus hijas y sobrinas, las cuales llorando, por compasión que debió de tener Merlín dellas, las convirtió en otras tantas lagunas, que ahora, en el mundo de los vivos y en la provincia de la Mancha, las llaman las lagunas de Ruidera; las siete son de los reyes de España, y las dos sobrinas, de los caballeros de una orden santísima, que llaman de San Juan. Guadiana, vuestro escudero, plañendo asimesmo vuestra desgracia, fue convertido en un río llamado de su mesmo nombre; el cual, cuando llegó a la superficie de la tierra y vio el sol del otro cielo, fue tanto el pesar que sintió de ver que os dejaba, que se sumergió en las entrañas de la tierra; pero, como no es posible dejar de acudir a su natural corriente, de cuando en cuando sale y se muestra donde el sol y las gentes le vean. Vanle administrando de sus aguas las referidas lagunas, con las cuales y con otras muchas que se llegan, entra pomposo y grande en Portugal. Pero, con todo esto, por dondequiera que va muestra su tristeza y melancolía, y no se precia de criar en sus aguas peces regalados y de estima, sino burdos y desabridos, bien diferentes de los del Tajo dorado; y esto que agora os digo, ¡oh primo mío!, os lo he dicho muchas veces; y, como no me respondéis, imagino que no me dais crédito, o no me oís, de lo que yo recibo tanta pena cual Dios lo sabe. Unas nuevas os quiero dar ahora, las cuales, ya que no sirvan de alivio a vuestro dolor, no os le aumentarán en ninguna manera. Sabed que tenéis aquí en vuestra presencia, y abrid los ojos y veréislo, aquel gran caballero de quien tantas cosas tiene profetizadas el sabio Merlín, aquel don Quijote de la Mancha, digo, que de nuevo y con mayores ventajas que en los pasados siglos ha resucitado en los presentes la ya olvidada andante caballería, por cuyo medio y favor podría ser que nosotros fuésemos desencantados; que las grandes hazañas para los grandes hombres están guardadas''. ''Y cuando así no sea —respondió el lastimado Durandarte con voz desmayada y baja—, cuando así no sea, ¡oh primo!, digo, paciencia y barajar''. Y, volviéndose de lado, tornó a su acostumbrado silencio, sin hablar más palabra. Oyéronse en esto grandes alaridos y llantos, acompañados de profundos gemidos y angustiados sollozos; volví la cabeza, y vi por las paredes de cristal que por otra sala pasaba una procesión de dos hileras de hermosísimas doncellas, todas vestidas de luto, con turbantes blancos sobre las cabezas, al modo turquesco. Al cabo y fin de las hileras venía una señora, que en la gravedad lo parecía, asimismo vestida de negro, con tocas blancas tan tendidas y largas, que besaban la tierra. Su turbante era mayor dos veces que el mayor de alguna de las otras; era cejijunta y la nariz algo chata; la boca grande, pero colorados los labios; los dientes, que tal vez los descubría, mostraban ser ralos y no bien puestos, aunque eran blancos como unas peladas almendras; traía en las manos un lienzo delgado, y entre él, a lo que pude divisar, un corazón de carne momia, según venía seco y amojamado. Díjome Montesinos como toda aquella gente de la procesión eran sirvientes de Durandarte y de Belerma, que allí con sus dos señores estaban encantados, y que la última, que traía el corazón entre el lienzo y en las manos, era la señora Belerma, la cual con sus doncellas cuatro días en la semana hacían aquella procesión y cantaban, o, por mejor decir, lloraban endechas sobre el cuerpo y sobre el lastimado corazón de su primo; y que si me había parecido algo fea, o no tan hermosa como tenía la fama, era la causa las malas noches y peores días que en aquel encantamento pasaba, como lo podía ver en sus grandes ojeras y en su color quebradiza. ''Y no toma ocasión su amarillez y sus ojeras de estar con el mal mensil, ordinario en las mujeres, porque ha muchos meses, y aun años, que no le tiene ni asoma por sus puertas, sino del dolor que siente su corazón por el que de contino tiene en las manos, que le renueva y trae a la memoria la desgracia de su mal logrado amante; que si esto no fuera, apenas la igualara en hermosura, donaire y brío la gran Dulcinea del Toboso, tan celebrada en todos estos contornos, y aun en todo el mundo''. ''¡Cepos quedos! —dije yo entonces—, señor don Montesinos: cuente vuesa merced su historia como debe, que ya sabe que toda comparación es odiosa, y así, no hay para qué comparar a nadie con nadie. La sin par Dulcinea del Toboso es quien es, y la señora doña Belerma es quien es, y quien ha sido, y quédese aquí''. A lo que él me respondió: ''Señor don Quijote, perdóneme vuesa merced, que yo confieso que anduve mal, y no dije bien en decir que apenas igualara la señora Dulcinea a la señora Belerma, pues me bastaba a mí haber entendido, por no sé qué barruntos, que vuesa merced es su caballero, para que me mordiera la lengua antes de compararla sino con el mismo cielo''. Con esta satisfación que me dio el gran Montesinos se quietó mi corazón del sobresalto que recebí en oír que a mi señora la comparaban con Belerma. — Y aun me maravillo yo —dijo Sancho— de cómo vuestra merced no se subió sobre el vejote, y le molió a coces todos los huesos, y le peló las barbas, sin dejarle pelo en ellas. — No, Sancho amigo —respondió don Quijote—, no me estaba a mí bien hacer eso, porque estamos todos obligados a tener respeto a los ancianos, aunque no sean caballeros, y principalmente a los que lo son y están encantados; yo sé bien que no nos quedamos a deber nada en otras muchas demandas y respuestas que entre los dos pasamos. A esta sazón dijo el primo: — Yo no sé, señor don Quijote, cómo vuestra merced en tan poco espacio de tiempo como ha que está allá bajo, haya visto tantas cosas y hablado y respondido tanto. — ¿Cuánto ha que bajé? —preguntó don Quijote. — Poco más de una hora —respondió Sancho. — Eso no puede ser —replicó don Quijote—, porque allá me anocheció y amaneció, y tornó a anochecer y amanecer tres veces; de modo que, a mi cuenta, tres días he estado en aquellas partes remotas y escondidas a la vista nuestra. — Verdad debe de decir mi señor —dijo Sancho—, que, como todas las cosas que le han sucedido son por encantamento, quizá lo que a nosotros nos parece un hora, debe de parecer allá tres días con sus noches. — Así será —respondió don Quijote. — Y ¿ha comido vuestra merced en todo este tiempo, señor mío? —preguntó el primo. — No me he desayunado de bocado —respondió don Quijote—, ni aun he tenido hambre, ni por pensamiento. — Y los encantados, ¿comen? —dijo el primo. — No comen —respondió don Quijote—, ni tienen escrementos mayores; aunque es opinión que les crecen las uñas, las barbas y los cabellos. — ¿Y duermen, por ventura, los encantados, señor? —preguntó Sancho. — No, por cierto —respondió don Quijote—; a lo menos, en estos tres días que yo he estado con ellos, ninguno ha pegado el ojo, ni yo tampoco. — Aquí encaja bien el refrán —dijo Sancho— de dime con quién andas, decirte he quién eres: ándase vuestra merced con encantados ayunos y vigilantes, mirad si es mucho que ni coma ni duerma mientras con ellos anduviere. Pero perdóneme vuestra merced, señor mío, si le digo que de todo cuanto aquí ha dicho, lléveme Dios, que iba a decir el diablo, si le creo cosa alguna. — ¿Cómo no? —dijo el primo—, pues ¿había de mentir el señor don Quijote, que, aunque quisiera, no ha tenido lugar para componer e imaginar tanto millón de mentiras? — Yo no creo que mi señor miente —respondió Sancho. — Si no, ¿qué crees? —le preguntó don Quijote. — Creo —respondió Sancho— que aquel Merlín, o aquellos encantadores que encantaron a toda la chusma que vuestra merced dice que ha visto y comunicado allá bajo, le encajaron en el magín o la memoria toda esa máquina que nos ha contado, y todo aquello que por contar le queda. — Todo eso pudiera ser, Sancho —replicó don Quijote—, pero no es así, porque lo que he contado lo vi por mis propios ojos y lo toqué con mis mismas manos. Pero, ¿qué dirás cuando te diga yo ahora cómo, entre otras infinitas cosas y maravillas que me mostró Montesinos, las cuales despacio y a sus tiempos te las iré contando en el discurso de nuestro viaje, por no ser todas deste lugar, me mostró tres labradoras que por aquellos amenísimos campos iban saltando y brincando como cabras; y, apenas las hube visto, cuando conocí ser la una la sin par Dulcinea del Toboso, y las otras dos aquellas mismas labradoras que venían con ella, que hablamos a la salida del Toboso? Pregunté a Montesinos si las conocía, respondióme que no, pero que él imaginaba que debían de ser algunas señoras principales encantadas, que pocos días había que en aquellos prados habían parecido; y que no me maravillase desto, porque allí estaban otras muchas señoras de los pasados y presentes siglos, encantadas en diferentes y estrañas figuras, entre las cuales conocía él a la reina Ginebra y su dueña Quintañona, escanciando el vino a Lanzarote, cuando de Bretaña vino. Cuando Sancho Panza oyó decir esto a su amo, pensó perder el juicio, o morirse de risa; que, como él sabía la verdad del fingido encanto de Dulcinea, de quien él había sido el encantador y el levantador de tal testimonio, acabó de conocer indubitablemente que su señor estaba fuera de juicio y loco de todo punto; y así, le dijo: — En mala coyuntura y en peor sazón y en aciago día bajó vuestra merced, caro patrón mío, al otro mundo, y en mal punto se encontró con el señor Montesinos, que tal nos le ha vuelto. Bien se estaba vuestra merced acá arriba con su entero juicio, tal cual Dios se le había dado, hablando sentencias y dando consejos a cada paso, y no agora, contando los mayores disparates que pueden imaginarse. — Como te conozco, Sancho —respondió don Quijote—, no hago caso de tus palabras. — Ni yo tampoco de las de vuestra merced —replicó Sancho—, siquiera me hiera, siquiera me mate por las que le he dicho, o por las que le pienso decir si en las suyas no se corrige y enmienda. Pero dígame vuestra merced, ahora que estamos en paz: ¿cómo o en qué conoció a la señora nuestra ama? Y si la habló, ¿qué dijo, y qué le respondió? — Conocíla —respondió don Quijote— en que trae los mesmos vestidos que traía cuando tú me le mostraste. Habléla, pero no me respondió palabra; antes, me volvió las espaldas, y se fue huyendo con tanta priesa, que no la alcanzara una jara. Quise seguirla, y lo hiciera, si no me aconsejara Montesinos que no me cansase en ello, porque sería en balde, y más porque se llegaba la hora donde me convenía volver a salir de la sima. Díjome asimesmo que, andando el tiempo, se me daría aviso cómo habían de ser desencantados él, y Belerma y Durandarte, con todos los que allí estaban; pero lo que más pena me dio, de las que allí vi y noté, fue que, estándome diciendo Montesinos estas razones, se llegó a mí por un lado, sin que yo la viese venir, una de las dos compañeras de la sin ventura Dulcinea, y, llenos los ojos de lágrimas, con turbada y baja voz, me dijo: ''Mi señora Dulcinea del Toboso besa a vuestra merced las manos, y suplica a vuestra merced se la haga de hacerla saber cómo está; y que, por estar en una gran necesidad, asimismo suplica a vuestra merced, cuan encarecidamente puede, sea servido de prestarle sobre este faldellín que aquí traigo, de cotonía, nuevo, media docena de reales, o los que vuestra merced tuviere, que ella da su palabra de volvérselos con mucha brevedad''. Suspendióme y admiróme el tal recado, y, volviéndome al señor Montesinos, le pregunté: ''¿Es posible, señor Montesinos, que los encantados principales padecen necesidad?'' A lo que él me respondió: ''Créame vuestra merced, señor don Quijote de la Mancha, que ésta que llaman necesidad adondequiera se usa, y por todo se estiende, y a todos alcanza, y aun hasta los encantados no perdona; y, pues la señora Dulcinea del Toboso envía a pedir esos seis reales, y la prenda es buena, según parece, no hay sino dárselos; que, sin duda, debe de estar puesta en algún grande aprieto''. ''Prenda, no la tomaré yo —le respondí—, ni menos le daré lo que pide, porque no tengo sino solos cuatro reales''; los cuales le di (que fueron los que tú, Sancho, me diste el otro día para dar limosna a los pobres que topase por los caminos), y le dije: ''Decid, amiga mía, a vuesa señora que a mí me pesa en el alma de sus trabajos, y que quisiera ser un Fúcar para remediarlos; y que le hago saber que yo no puedo ni debo tener salud careciendo de su agradable vista y discreta conversación, y que le suplico, cuan encarecidamente puedo, sea servida su merced de dejarse ver y tratar deste su cautivo servidor y asendereado caballero. Diréisle también que, cuando menos se lo piense, oirá decir como yo he hecho un juramento y voto, a modo de aquel que hizo el marqués de Mantua, de vengar a su sobrino Baldovinos, cuando le halló para espirar en mitad de la montiña, que fue de no comer pan a manteles, con las otras zarandajas que allí añadió, hasta vengarle; y así le haré yo de no sosegar, y de andar las siete partidas del mundo, con más puntualidad que las anduvo el infante don Pedro de Portugal, hasta desencantarla''. ''Todo eso, y más, debe vuestra merced a mi señora'', me respondió la doncella. Y, tomando los cuatro reales, en lugar de hacerme una reverencia, hizo una cabriola, que se levantó dos varas de medir en el aire. — ¡Oh santo Dios! —dijo a este tiempo dando una gran voz Sancho—. ¿Es posible que tal hay en el mundo, y que tengan en él tanta fuerza los encantadores y encantamentos, que hayan trocado el buen juicio de mi señor en una tan disparatada locura? ¡Oh señor, señor, por quien Dios es, que vuestra merced mire por sí y vuelva por su honra, y no dé crédito a esas vaciedades que le tienen menguado y descabalado el sentido! — Como me quieres bien, Sancho, hablas desa manera —dijo don Quijote—; y, como no estás experimentado en las cosas del mundo, todas las cosas que tienen algo de dificultad te parecen imposibles; pero andará el tiempo, como otra vez he dicho, y yo te contaré algunas de las que allá abajo he visto, que te harán creer las que aquí he contado, cuya verdad ni admite réplica ni disputa. Capítulo XXIV. Donde se cuentan mil zarandajas tan impertinentes como necesarias al verdadero entendimiento desta grande historia Dice el que tradujo esta grande historia del original, de la que escribió su primer autor Cide Hamete Benengeli, que, llegando al capítulo de la aventura de la cueva de Montesinos, en el margen dél estaban escritas, de mano del mesmo Hamete, estas mismas razones: ''No me puedo dar a entender, ni me puedo persuadir, que al valeroso don Quijote le pasase puntualmente todo lo que en el antecedente capítulo queda escrito: la razón es que todas las aventuras hasta aquí sucedidas han sido contingibles y verisímiles, pero ésta desta cueva no le hallo entrada alguna para tenerla por verdadera, por ir tan fuera de los términos razonables. Pues pensar yo que don Quijote mintiese, siendo el más verdadero hidalgo y el más noble caballero de sus tiempos, no es posible; que no dijera él una mentira si le asaetearan. Por otra parte, considero que él la contó y la dijo con todas las circunstancias dichas, y que no pudo fabricar en tan breve espacio tan gran máquina de disparates; y si esta aventura parece apócrifa, yo no tengo la culpa; y así, sin afirmarla por falsa o verdadera, la escribo. Tú, letor, pues eres prudente, juzga lo que te pareciere, que yo no debo ni puedo más; puesto que se tiene por cierto que al tiempo de su fin y muerte dicen que se retrató della, y dijo que él la había inventado, por parecerle que convenía y cuadraba bien con las aventuras que había leído en sus historias''. Y luego prosigue, diciendo: Espantóse el primo, así del atrevimiento de Sancho Panza como de la paciencia de su amo, y juzgó que del contento que tenía de haber visto a su señora Dulcinea del Toboso, aunque encantada, le nacía aquella condición blanda que entonces mostraba; porque, si así no fuera, palabras y razones le dijo Sancho, que merecían molerle a palos; porque realmente le pareció que había andado atrevidillo con su señor, a quien le dijo: — Yo, señor don Quijote de la Mancha, doy por bien empleadísima la jornada que con vuestra merced he hecho, porque en ella he granjeado cuatro cosas. La primera, haber conocido a vuestra merced, que lo tengo a gran felicidad. La segunda, haber sabido lo que se encierra en esta cueva de Montesinos, con las mutaciones de Guadiana y de las lagunas de Ruidera, que me servirán para el Ovidio español que traigo entre manos. La tercera, entender la antigüedad de los naipes, que, por lo menos, ya se usaban en tiempo del emperador Carlomagno, según puede colegirse de las palabras que vuesa merced dice que dijo Durandarte, cuando, al cabo de aquel grande espacio que estuvo hablando con él Montesinos, él despertó diciendo: ''Paciencia y barajar''; y esta razón y modo de hablar no la pudo aprender encantado, sino cuando no lo estaba, en Francia y en tiempo del referido emperador Carlomagno. Y esta averiguación me viene pintiparada para el otro libro que voy componiendo , que es Suplemento de Virgilio Polidoro, en la invención de las antigüedades; y creo que en el suyo no se acordó de poner la de los naipes, como la pondré yo ahora, que será de mucha importancia, y más alegando autor tan grave y tan verdadero como es el señor Durandarte. La cuarta es haber sabido con certidumbre el nacimiento del río Guadiana, hasta ahora ignorado de las gentes. — Vuestra merced tiene razón —dijo don Quijote—, pero querría yo saber, ya que Dios le haga merced de que se le dé licencia para imprimir esos sus libros, que lo dudo, a quién piensa dirigirlos. — Señores y grandes hay en España a quien puedan dirigirse —dijo el primo. — No muchos —respondió don Quijote—; y no porque no lo merezcan, sino que no quieren admitirlos, por no obligarse a la satisfación que parece se debe al trabajo y cortesía de sus autores. Un príncipe conozco yo que puede suplir la falta de los demás, con tantas ventajas que, si me atreviere a decirlas, quizá despertara la invidia en más de cuatro generosos pechos; pero quédese esto aquí para otro tiempo más cómodo, y vamos a buscar adonde recogernos esta noche. — No lejos de aquí —respondió el primo— está una ermita, donde hace su habitación un ermitaño, que dicen ha sido soldado, y está en opinión de ser un buen cristiano, y muy discreto y caritativo además. Junto con la ermita tiene una pequeña casa, que él ha labrado a su costa; pero, con todo, aunque chica, es capaz de recibir huéspedes. — ¿Tiene por ventura gallinas el tal ermitaño? —preguntó Sancho. — Pocos ermitaños están sin ellas —respondió don Quijote—, porque no son los que agora se usan como aquellos de los desiertos de Egipto, que se vestían de hojas de palma y comían raíces de la tierra. Y no se entienda que por decir bien de aquéllos no lo digo de aquéstos, sino que quiero decir que al rigor y estrecheza de entonces no llegan las penitencias de los de agora; pero no por esto dejan de ser todos buenos; a lo menos, yo por buenos los juzgo; y, cuando todo corra turbio, menos mal hace el hipócrita que se finge bueno que el público pecador. Estando en esto, vieron que hacia donde ellos estaban venía un hombre a pie, caminando apriesa, y dando varazos a un macho que venía cargado de lanzas y de alabardas. Cuando llegó a ellos, los saludó y pasó de largo. Don Quijote le dijo: — Buen hombre, deteneos, que parece que vais con más diligencia que ese macho ha menester. — No me puedo detener, señor —respondió el hombre—, porque las armas que veis que aquí llevo han de servir mañana; y así, me es forzoso el no detenerme, y a Dios. Pero si quisiéredes saber para qué las llevo, en la venta que está más arriba de la ermita pienso alojar esta noche; y si es que hacéis este mesmo camino, allí me hallaréis, donde os contaré maravillas. Y a Dios otra vez. Y de tal manera aguijó el macho, que no tuvo lugar don Quijote de preguntarle qué maravillas eran las que pensaba decirles; y, como él era algo curioso y siempre le fatigaban deseos de saber cosas nuevas, ordenó que al momento se partiesen y fuesen a pasar la noche en la venta, sin tocar en la ermita, donde quisiera el primo que se quedaran. Hízose así, subieron a caballo, y siguieron todos tres el derecho camino de la venta, a la cual llegaron un poco antes de anochecer. Dijo el primo a don Quijote que llegasen a ella a beber un trago. Apenas oyó esto Sancho Panza, cuando encaminó el rucio a la ermita, y lo mismo hicieron don Quijote y el primo; pero la mala suerte de Sancho parece que ordenó que el ermitaño no estuviese en casa; que así se lo dijo una sotaermitaño que en la ermita hallaron. Pidiéronle de lo caro; respondió que su señor no lo tenía, pero que si querían agua barata, que se la daría de muy buena gana. — Si yo la tuviera de agua —respondió Sancho—, pozos hay en el camino, donde la hubiera satisfecho. ¡Ah bodas de Camacho y abundancia de la casa de don Diego, y cuántas veces os tengo de echar menos! Con esto, dejaron la ermita y picaron hacia la venta; y a poco trecho toparon un mancebito, que delante dellos iba caminando no con mucha priesa; y así, le alcanzaron. Llevaba la espada sobre el hombro, y en ella puesto un bulto o envoltorio, al parecer de sus vestidos; que, al parecer, debían de ser los calzones o greguescos, y herreruelo, y alguna camisa, porque traía puesta una ropilla de terciopelo con algunas vislumbres de raso, y la camisa, de fuera; las medias eran de seda, y los zapatos cuadrados, a uso de corte; la edad llegaría a diez y ocho o diez y nueve años; alegre de rostro, y, al parecer, ágil de su persona. Iba cantando seguidillas, para entretener el trabajo del camino. Cuando llegaron a él, acababa de cantar una, que el primo tomó de memoria, que dicen que decía: A la guerra me lleva mi necesidad; si tuviera dineros, no fuera, en verdad. El primero que le habló fue don Quijote, diciéndole: — Muy a la ligera camina vuesa merced, señor galán. Y ¿adónde bueno? Sepamos, si es que gusta decirlo. A lo que el mozo respondió: — El caminar tan a la ligera lo causa el calor y la pobreza, y el adónde voy es a la guerra. — ¿Cómo la pobreza? —preguntó don Quijote—; que por el calor bien puede ser. — Señor —replicó el mancebo—, yo llevo en este envoltorio unos greguescos de terciopelo, compañeros desta ropilla; si los gasto en el camino, no me podré honrar con ellos en la ciudad, y no tengo con qué comprar otros; y, así por esto como por orearme, voy desta manera, hasta alcanzar unas compañías de infantería que no están doce leguas de aquí, donde asentaré mi plaza, y no faltarán bagajes en que caminar de allí adelante hasta el embarcadero, que dicen ha de ser en Cartagena. Y más quiero tener por amo y por señor al rey, y servirle en la guerra, que no a un pelón en la corte. — Y ¿lleva vuesa merced alguna ventaja por ventura? —preguntó el primo. — Si yo hubiera servido a algún grande de España, o algún principal personaje —respondió el mozo—, a buen seguro que yo la llevara, que eso tiene el servir a los buenos: que del tinelo suelen salir a ser alférez o capitanes, o con algún buen entretenimiento; pero yo, desventurado, serví siempre a catarriberas y a gente advenediza, de ración y quitación tan mísera y atenuada, que en pagar el almidonar un cuello se consumía la mitad della; y sería tenido a milagro que un paje aventurero alcanzase alguna siquiera razonable ventura. — Y dígame, por su vida, amigo —preguntó don Quijote—: ¿es posible que en los años que sirvió no ha podido alcanzar alguna librea? — Dos me han dado —respondió el paje—; pero, así como el que se sale de alguna religión antes de profesar le quitan el hábito y le vuelven sus vestidos, así me volvían a mí los míos mis amos, que, acabados los negocios a que venían a la corte, se volvían a sus casas y recogían las libreas que por sola ostentación habían dado. — Notable espilorchería, como dice el italiano —dijo don Quijote—; pero, con todo eso, tenga a felice ventura el haber salido de la corte con tan buena intención como lleva; porque no hay otra cosa en la tierra más honrada ni de más provecho que servir a Dios, primeramente, y luego, a su rey y señor natural, especialmente en el ejercicio de las armas, por las cuales se alcanzan, si no más riquezas, a lo menos, más honra que por las letras, como yo tengo dicho muchas veces; que, puesto que han fundado más mayorazgos las letras que las armas, todavía llevan un no sé qué los de las armas a los de las letras, con un sí sé qué de esplendor que se halla en ellos, que los aventaja a todos. Y esto que ahora le quiero decir llévelo en la memoria, que le será de mucho provecho y alivio en sus trabajos; y es que, aparte la imaginación de los sucesos adversos que le podrán venir, que el peor de todos es la muerte, y como ésta sea buena, el mejor de todos es el morir. Preguntáronle a Julio César, aquel valeroso emperador romano, cuál era la mejor muerte; respondió que la impensada, la de repente y no prevista; y, aunque respondió como gentil y ajeno del conocimiento del verdadero Dios, con todo eso, dijo bien, para ahorrarse del sentimiento humano; que, puesto caso que os maten en la primera facción y refriega, o ya de un tiro de artillería, o volado de una mina, ¿qué importa? Todo es morir, y acabóse la obra; y, según Terencio, más bien parece el soldado muerto en la batalla que vivo y salvo en la huida; y tanto alcanza de fama el buen soldado cuanto tiene de obediencia a sus capitanes y a los que mandarle pueden. Y advertid, hijo, que al soldado mejor le está el oler a pólvora que algalia, y que si la vejez os coge en este honroso ejercicio, aunque sea lleno de heridas y estropeado o cojo, a lo menos no os podrá coger sin honra, y tal, que no os la podrá menoscabar la pobreza; cuanto más, que ya se va dando orden cómo se entretengan y remedien los soldados viejos y estropeados, porque no es bien que se haga con ellos lo que suelen hacer los que ahorran y dan libertad a sus negros cuando ya son viejos y no pueden servir, y, echándolos de casa con título de libres, los hacen esclavos de la hambre, de quien no piensan ahorrarse sino con la muerte. Y por ahora no os quiero decir más, sino que subáis a las ancas deste mi caballo hasta la venta, y allí cenaréis conmigo, y por la mañana seguiréis el camino, que os le dé Dios tan bueno como vuestros deseos merecen. El paje no aceptó el convite de las ancas, aunque sí el de cenar con él en la venta; y, a esta sazón, dicen que dijo Sancho entre sí: — ¡Válate Dios por señor! Y ¿es posible que hombre que sabe decir tales, tantas y tan buenas cosas como aquí ha dicho, diga que ha visto los disparates imposibles que cuenta de la cueva de Montesinos? Ahora bien, ello dirá. Y en esto, llegaron a la venta, a tiempo que anochecía, y no sin gusto de Sancho, por ver que su señor la juzgó por verdadera venta, y no por castillo, como solía. No hubieron bien entrado, cuando don Quijote preguntó al ventero por el hombre de las lanzas y alabardas; el cual le respondió que en la caballeriza estaba acomodando el macho. Lo mismo hicieron de sus jumentos el primo y Sancho, dando a Rocinante el mejor pesebre y el mejor lugar de la caballeriza. Capítulo XXV. Donde se apunta la aventura del rebuzno y la graciosa del titerero, con las memorables adivinanzas del mono adivino No se le cocía el pan a don Quijote, como suele decirse, hasta oír y saber las maravillas prometidas del hombre condutor de las armas. Fuele a buscar donde el ventero le había dicho que estaba, y hallóle, y díjole que en todo caso le dijese luego lo que le había de decir después, acerca de lo que le había preguntado en el camino. El hombre le respondió: — Más despacio, y no en pie, se ha de tomar el cuento de mis maravillas: déjeme vuestra merced, señor bueno, acabar de dar recado a mi bestia, que yo le diré cosas que le admiren. — No quede por eso —respondió don Quijote—, que yo os ayudaré a todo. Y así lo hizo, ahechándole la cebada y limpiando el pesebre, humildad que obligó al hombre a contarle con buena voluntad lo que le pedía; y, sentándose en un poyo y don Quijote junto a él, teniendo por senado y auditorio al primo, al paje, a Sancho Panza y al ventero, comenzó a decir desta manera: — «Sabrán vuesas mercedes que en un lugar que está cuatro leguas y media desta venta sucedió que a un regidor dél, por industria y engaño de una muchacha criada suya, y esto es largo de contar, le faltó un asno, y, aunque el tal regidor hizo las diligencias posibles por hallarle, no fue posible. Quince días serían pasados, según es pública voz y fama,— que el asno faltaba, cuando, estando en la plaza el regidor perdidoso, otro regidor del mismo pueblo le dijo: ''Dadme albricias, compadre, que vuestro jumento ha parecido''. ''Yo os las mando y buenas, compadre —respondió el otro—, pero sepamos dónde ha parecido''. ''En el monte —respondió el hallador—, le vi esta mañana, sin albarda y sin aparejo alguno, y tan flaco que era una compasión miralle. Quísele antecoger delante de mí y traérosle, pero está ya tan montaraz y tan huraño, que, cuando llegé a él, se fue huyendo y se entró en lo más escondido del monte. Si queréis que volvamos los dos a buscarle, dejadme poner esta borrica en mi casa, que luego vuelvo''. ''Mucho placer me haréis —dijo el del jumento—, e yo procuraré pagároslo en la mesma moneda''. Con estas circunstancias todas, y de la mesma manera que yo lo voy contando, lo cuentan todos aquellos que están enterados en la verdad deste caso. En resolución, los dos regidores, a pie y mano a mano, se fueron al monte, y, llegando al lugar y sitio donde pensaron hallar el asno, no le hallaron, ni pareció por todos aquellos contornos, aunque más le buscaron. Viendo, pues, que no parecía, dijo el regidor que le había visto al otro: ''Mirad, compadre: una traza me ha venido al pensamiento, con la cual sin duda alguna podremos descubrir este animal, aunque esté metido en las entrañas de la tierra, no que del monte; y es que yo sé rebuznar maravillosamente; y si vos sabéis algún tanto, dad el hecho por concluido''. ''¿Algún tanto decís, compadre? —dijo el otro—; por Dios, que no dé la ventaja a nadie, ni aun a los mesmos asnos''. ''Ahora lo veremos —respondió el regidor segundo—, porque tengo determinado que os vais vos por una parte del monte y yo por otra, de modo que le rodeemos y andemos todo, y de trecho en trecho rebuznaréis vos y rebuznaré yo, y no podrá ser menos sino que el asno nos oya y nos responda, si es que está en el monte''. A lo que respondió el dueño del jumento: ''Digo, compadre, que la traza es excelente y digna de vuestro gran ingenio''. Y, dividiéndose los dos según el acuerdo, sucedió que casi a un mesmo tiempo rebuznaron, y cada uno engañado del rebuzno del otro, acudieron a buscarse, pensando que ya el jumento había parecido; y, en viéndose, dijo el perdidoso: ''¿Es posible, compadre, que no fue mi asno el que rebuznó?'' ''No fue, sino yo'', respondió el otro. ''Ahora digo —dijo el dueño—, que de vos a un asno, compadre, no hay alguna diferencia, en cuanto toca al rebuznar, porque en mi vida he visto ni oído cosa más propia''. ''Esas alabanzas y encarecimiento —respondió el de la traza—, mejor os atañen y tocan a vos que a mí, compadre; que por el Dios que me crió que podéis dar dos rebuznos de ventaja al mayor y más perito rebuznador del mundo; porque el sonido que tenéis es alto; lo sostenido de la voz, a su tiempo y compás; los dejos, muchos y apresurados, y, en resolución, yo me doy por vencido y os rindo la palma y doy la bandera desta rara habilidad''. ''Ahora digo — respondió el dueño—, que me tendré y estimaré en más de aquí adelante, y pensaré que sé alguna cosa, pues tengo alguna gracia; que, puesto que pensara que rebuznaba bien, nunca entendí que llegaba el estremo que decís''. ''También diré yo ahora —respondió el segundo— que hay raras habilidades perdidas en el mundo, y que son mal empleadas en aquellos que no saben aprovecharse dellas''. ''Las nuestras —respondió el dueño—, si no es en casos semejantes como el que traemos entre manos, no nos pueden servir en otros, y aun en éste plega a Dios que nos sean de provecho''. Esto dicho, se tornaron a dividir y a volver a sus rebuznos, y a cada paso se engañaban y volvían a juntarse, hasta que se dieron por contraseño que, para entender que eran ellos, y no el asno, rebuznasen dos veces, una tras otra. Con esto, doblando a cada paso los rebuznos, rodearon todo el monte sin que el perdido jumento respondiese, ni aun por señas. Mas, ¿cómo había de responder el pobre y mal logrado, si le hallaron en lo más escondido del bosque, comido de lobos? Y, en viéndole, dijo su dueño: ''Ya me maravillaba yo de que él no respondía, pues a no estar muerto, él rebuznara si nos oyera, o no fuera asno; pero, a trueco de haberos oído rebuznar con tanta gracia, compadre, doy por bien empleado el trabajo que he tenido en buscarle, aunque le he hallado muerto''. ''En buena mano está, compadre — respondió el otro—, pues si bien canta el abad, no le va en zaga el monacillo''. Con esto, desconsolados y roncos, se volvieron a su aldea, adonde contaron a sus amigos, vecinos y conocidos cuanto les había acontecido en la busca del asno, exagerando el uno la gracia del otro en el rebuznar; todo lo cual se supo y se estendió por los lugares circunvecinos. Y el diablo, que no duerme, como es amigo de sembrar y derramar rencillas y discordia por doquiera, levantando caramillos en el viento y grandes quimeras de nonada, ordenó e hizo que las gentes de los otros pueblos, en viendo a alguno de nuestra aldea, rebuznase, como dándoles en rostro con el rebuzno de nuestros regidores. Dieron en ello los muchachos, que fue dar en manos y en bocas de todos los demonios del infierno, y fue cundiendo el rebuzno de en uno en otro pueblo, de manera que son conocidos los naturales del pueblo del rebuzno, como son conocidos y diferenciados los negros de los blancos; y ha llegado a tanto la desgracia desta burla, que muchas veces con mano armada y formado escuadrón han salido contra los burladores los burlados a darse la batalla, sin poderlo remediar rey ni roque, ni temor ni vergüenza. Yo creo que mañana o esotro día han de salir en campaña los de mi pueblo, que son los del rebuzno, contra otro lugar que está a dos leguas del nuestro, que es uno de los que más nos persiguen: y, por salir bien apercebidos, llevo compradas estas lanzas y alabardas que habéis visto.» Y éstas son las maravillas que dije que os había de contar, y si no os lo han parecido, no sé otras. Y con esto dio fin a su plática el buen hombre; y, en esto, entró por la puerta de la venta un hombre todo vestido de camuza, medias, greguescos y jubón, y con voz levantada dijo: — Señor huésped, ¿hay posada? Que viene aquí el mono adivino y el retablo de la libertad de Melisendra. — ¡Cuerpo de tal —dijo el ventero—, que aquí está el señor mase Pedro! Buena noche se nos apareja. Olvidábaseme de decir como el tal mase Pedro traía cubierto el ojo izquierdo, y casi medio carrillo, con un parche de tafetán verde, señal que todo aquel lado debía de estar enfermo; y el ventero prosiguió, diciendo: — Sea bien venido vuestra merced, señor mase Pedro. ¿Adónde está el mono y el retablo, que no los veo? — Ya llegan cerca —respondió el todo camuza—, sino que yo me he adelantado, a saber si hay posada. — Al mismo duque de Alba se la quitara para dársela al señor mase Pedro — respondió el ventero—; llegue el mono y el retablo, que gente hay esta noche en la venta que pagará el verle y las habilidades del mono. — Sea en buen hora —respondió el del parche—, que yo moderaré el precio, y con sola la costa me daré por bien pagado; y yo vuelvo a hacer que camine la carreta donde viene el mono y el retablo. Y luego se volvió a salir de la venta. Preguntó luego don Quijote al ventero qué mase Pedro era aquél, y qué retablo y qué mono traía. A lo que respondió el ventero: — Éste es un famoso titerero, que ha muchos días que anda por esta Mancha de Aragón enseñando un retablo de Melisendra, libertada por el famoso don Gaiferos, que es una de las mejores y más bien representadas historias que de muchos años a esta parte en este reino se han visto. Trae asimismo consigo un mono de la más rara habilidad que se vio entre monos, ni se imaginó entre hombres, porque si le preguntan algo, está atento a lo que le preguntan y luego salta sobre los hombros de su amo, y, llegándosele al oído, le dice la respuesta de lo que le preguntan, y maese Pedro la declara luego; y de las cosas pasadas dice mucho más que de las que están por venir; y, aunque no todas veces acierta en todas, en las más no yerra, de modo que nos hace creer que tiene el diablo en el cuerpo. Dos reales lleva por cada pregunta, si es que el mono responde; quiero decir, si responde el amo por él, después de haberle hablado al oído; y así, se cree que el tal maese Pedro esta riquísimo; y es hombre galante, como dicen en Italia y bon compaño, y dase la mejor vida del mundo; habla más que seis y bebe más que doce, todo a costa de su lengua y de su mono y de su retablo. En esto, volvió maese Pedro, y en una carreta venía el retablo, y el mono, grande y sin cola, con las posaderas de fieltro, pero no de mala cara; y, apenas le vio don Quijote, cuando le preguntó: — Dígame vuestra merced, señor adivino: ¿qué peje pillamo? ¿Qué ha de ser de nosotros?. Y vea aquí mis dos reales. Y mandó a Sancho que se los diese a maese Pedro, el cual respondió por el mono, y dijo: — Señor, este animal no responde ni da noticia de las cosas que están por venir; de las pasadas sabe algo, y de las presentes, algún tanto. — ¡Voto a Rus —dijo Sancho—, no dé yo un ardite porque me digan lo que por mí ha pasado!; porque, ¿quién lo puede saber mejor que yo mesmo? Y pagar yo porque me digan lo que sé, sería una gran necedad; pero, pues sabe las cosas presentes, he aquí mis dos reales, y dígame el señor monísimo qué hace ahora mi mujer Teresa Panza, y en qué se entretiene. No quiso tomar maese Pedro el dinero, diciendo: — No quiero recebir adelantados los premios, sin que hayan precedido los servicios. Y, dando con la mano derecha dos golpes sobre el hombro izquierdo, en un brinco se le puso el mono en él, y, llegando la boca al oído, daba diente con diente muy apriesa; y, habiendo hecho este ademán por espacio de un credo, de otro brinco se puso en el suelo, y al punto, con grandísima priesa, se fue maese Pedro a poner de rodillas ante don Quijote, y, abrazándole las piernas, dijo: — Estas piernas abrazo, bien así como si abrazara las dos colunas de Hércules, ¡oh resucitador insigne de la ya puesta en olvido andante caballería!; ¡oh no jamás como se debe alabado caballero don Quijote de la Mancha, ánimo de los desmayados, arrimo de los que van a caer, brazo de los caídos, báculo y consuelo de todos los desdichados! Quedó pasmado don Quijote, absorto Sancho, suspenso el primo, atónito el paje, abobado el del rebuzno, confuso el ventero, y, finalmente, espantados todos los que oyeron las razones del titerero, el cual prosiguió diciendo: — Y tú, ¡oh buen Sancho Panza!, el mejor escudero y del mejor caballero del mundo, alégrate, que tu buena mujer Teresa está buena, y ésta es la hora en que ella está rastrillando una libra de lino, y, por más señas, tiene a su lado izquierdo un jarro desbocado que cabe un buen porqué de vino, con que se entretiene en su trabajo. — Eso creo yo muy bien —respondió Sancho—, porque es ella una bienaventurada, y, a no ser celosa, no la trocara yo por la giganta Andandona, que, según mi señor, fue una mujer muy cabal y muy de pro; y es mi Teresa de aquellas que no se dejan mal pasar, aunque sea a costa de sus herederos. — Ahora digo —dijo a esta sazón don Quijote—, que el que lee mucho y anda mucho, vee mucho y sabe mucho. Digo esto porque, ¿qué persuasión fuera bastante para persuadirme que hay monos en el mundo que adivinen, como lo he visto ahora por mis propios ojos? Porque yo soy el mesmo don Quijote de la Mancha que este buen animal ha dicho, puesto que se ha estendido algún tanto en mis alabanzas; pero comoquiera que yo me sea, doy gracias al cielo, que me dotó de un ánimo blando y compasivo, inclinado siempre a hacer bien a todos, y mal a ninguno. — Si yo tuviera dineros —dijo el paje—, preguntara al señor mono qué me ha de suceder en la peregrinación que llevo. A lo que respondió maese Pedro, que ya se había levantado de los pies de don Quijote: — Ya he dicho que esta bestezuela no responde a lo por venir; que si respondiera, no importara no haber dineros; que, por servicio del señor don Quijote, que está presente, dejara yo todos los intereses del mundo. Y agora, porque se lo debo, y por darle gusto, quiero armar mi retablo y dar placer a cuantos están en la venta, sin paga alguna. Oyendo lo cual el ventero, alegre sobremanera, señaló el lugar donde se podía poner el retablo, que en un punto fue hecho. Don Quijote no estaba muy contento con las adivinanzas del mono, por parecerle no ser a propósito que un mono adivinase, ni las de por venir, ni las pasadas cosas; y así, en tanto que maese Pedro acomodaba el retablo, se retiró don Quijote con Sancho a un rincón de la caballeriza, donde, sin ser oídos de nadie, le dijo: — Mira, Sancho, yo he considerado bien la estraña habilidad deste mono, y hallo por mi cuenta que sin duda este maese Pedro, su amo, debe de tener hecho pacto, tácito o espreso, con el demonio. — Si el patio es espeso y del demonio —dijo Sancho—, sin duda debe de ser muy sucio patio; pero, ¿de qué provecho le es al tal maese Pedro tener esos patios? — No me entiendes, Sancho: no quiero decir sino que debe de tener hecho algún concierto con el demonio de que infunda esa habilidad en el mono, con que gane de comer, y después que esté rico le dará su alma, que es lo que este universal enemigo pretende. Y háceme creer esto el ver que el mono no responde sino a las cosas pasadas o presentes, y la sabiduría del diablo no se puede estender a más, que las por venir no las sabe si no es por conjeturas, y no todas veces; que a solo Dios está reservado conocer los tiempos y los momentos, y para Él no hay pasado ni porvenir, que todo es presente. Y, siendo esto así, como lo es, está claro que este mono habla con el estilo del diablo; y estoy maravillado cómo no le han acusado al Santo Oficio, y examinádole y sacádole de cuajo en virtud de quién adivina; porque cierto está que este mono no es astrólogo, ni su amo ni él alzan, ni saben alzar, estas figuras que llaman judiciarias, que tanto ahora se usan en España, que no hay mujercilla, ni paje, ni zapatero de viejo que no presuma de alzar una figura, como si fuera una sota de naipes del suelo, echando a perder con sus mentiras e ignorancias la verdad maravillosa de la ciencia. De una señora sé yo que preguntó a uno destos figureros que si una perrilla de falda pequeña, que tenía, si se empreñaría y pariría, y cuántos y de qué color serían los perros que pariese. A lo que el señor judiciario, después de haber alzado la figura, respondió que la perrica se empreñaría, y pariría tres perricos, el uno verde, el otro encarnado y el otro de mezcla, con tal condición que la tal perra se cubriese entre las once y doce del día, o de la noche, y que fuese en lunes o en sábado; y lo que sucedió fue que de allí a dos días se moría la perra de ahíta, y el señor levantador quedó acreditado en el lugar por acertadísimo judiciario, como lo quedan todos o los más levantadores. — Con todo eso, querría —dijo Sancho— que vuestra merced dijese a maese Pedro preguntase a su mono si es verdad lo que a vuestra merced le pasó en la cueva de Montesinos; que yo para mí tengo, con perdón de vuestra merced, que todo fue embeleco y mentira, o por lo menos, cosas soñadas. — Todo podría ser —respondió don Quijote—, pero yo haré lo que me aconsejas, puesto que me ha de quedar un no sé qué de escrúpulo. Estando en esto, llegó maese Pedro a buscar a don Quijote y decirle que ya estaba en orden el retablo; que su merced viniese a verle, porque lo merecía. Don Quijote le comunicó su pensamiento, y le rogó preguntase luego a su mono le dijese si ciertas cosas que había pasado en la cueva de Montesinos habían sido soñadas o verdaderas; porque a él le parecía que tenían de todo. A lo que maese Pedro, sin responder palabra, volvió a traer el mono, y, puesto delante de don Quijote y de Sancho, dijo: — Mirad, señor mono, que este caballero quiere saber si ciertas cosas que le pasaron en una cueva llamada de Montesinos, si fueron falsas o verdaderas. Y, haciéndole la acostumbrada señal, el mono se le subió en el hombro izquierdo, y, hablándole, al parecer, en el oído, dijo luego maese Pedro: — El mono dice que parte de las cosas que vuesa merced vio, o pasó, en la dicha cueva son falsas, y parte verisímiles; y que esto es lo que sabe, y no otra cosa, en cuanto a esta pregunta; y que si vuesa merced quisiere saber más, que el viernes venidero responderá a todo lo que se le preguntare, que por ahora se le ha acabado la virtud, que no le vendrá hasta el viernes, como dicho tiene. — ¿No lo decía yo —dijo Sancho—, que no se me podía asentar que todo lo que vuesa merced, señor mío, ha dicho de los acontecimientos de la cueva era verdad, ni aun la mitad? — Los sucesos lo dirán, Sancho —respondió don Quijote—; que el tiempo, descubridor de todas las cosas, no se deja ninguna que no las saque a la luz del sol, aunque esté escondida en los senos de la tierra. Y, por hora, baste esto, y vámonos a ver el retablo del buen maese Pedro, que para mí tengo que debe de tener alguna novedad. — ¿Cómo alguna? —respondió maese Pedro—: sesenta mil encierra en sí este mi retablo; dígole a vuesa merced, mi señor don Quijote, que es una de las cosas más de ver que hoy tiene el mundo, y operibus credite, et non verbis; y manos a labor, que se hace tarde y tenemos mucho que hacer y que decir y que mostrar. Obedeciéronle don Quijote y Sancho, y vinieron donde ya estaba el retablo puesto y descubierto, lleno por todas partes de candelillas de cera encendidas, que le hacían vistoso y resplandeciente. En llegando, se metió maese Pedro dentro dél, que era el que había de manejar las figuras del artificio, y fuera se puso un muchacho, criado del maese Pedro, para servir de intérprete y declarador de los misterios del tal retablo: tenía una varilla en la mano, con que señalaba las figuras que salían. Puestos, pues, todos cuantos había en la venta, y algunos en pie, frontero del retablo, y acomodados don Quijote, Sancho, el paje y el primo en los mejores lugares, el trujamán comenzó a decir lo que oirá y verá el que le oyere o viere el capítulo siguiente. Capítulo XXVI. Donde se prosigue la graciosa aventura del titerero, con otras cosas en verdad harto buenas Callaron todos, tirios y troyanos; quiero decir, pendientes estaban todos los que el retablo miraban de la boca del declarador de sus maravillas, cuando se oyeron sonar en el retablo cantidad de atabales y trompetas, y dispararse mucha artillería, cuyo rumor pasó en tiempo breve, y luego alzó la voz el muchacho, y dijo: — Esta verdadera historia que aquí a vuesas mercedes se representa es sacada al pie de la letra de las corónicas francesas y de los romances españoles que andan en boca de las gentes, y de los muchachos, por esas calles. Trata de la libertad que dio el señor don Gaiferos a su esposa Melisendra, que estaba cautiva en España, en poder de moros, en la ciudad de Sansueña, que así se llamaba entonces la que hoy se llama Zaragoza; y vean vuesas mercedes allí cómo está jugando a las tablas don Gaiferos, según aquello que se canta: Jugando está a las tablas don Gaiferos, que ya de Melisendra está olvidado. Y aquel personaje que allí asoma, con corona en la cabeza y ceptro en las manos, es el emperador Carlomagno, padre putativo de la tal Melisendra, el cual, mohíno de ver el ocio y descuido de su yerno, le sale a reñir; y adviertan con la vehemencia y ahínco que le riñe, que no parece sino que le quiere dar con el ceptro media docena de coscorrones, y aun hay autores que dicen que se los dio, y muy bien dados; y, después de haberle dicho muchas cosas acerca del peligro que corría su honra en no procurar la libertad de su esposa, dicen que le dijo: "Harto os he dicho: miradlo". Miren vuestras mercedes también cómo el emperador vuelve las espaldas y deja despechado a don Gaiferos, el cual ya ven como arroja, impaciente de la cólera, lejos de sí el tablero y las tablas, y pide apriesa las armas, y a don Roldán, su primo, pide prestada su espada Durindana, y cómo don Roldán no se la quiere prestar, ofreciéndole su compañía en la difícil empresa en que se pone; pero el valeroso enojado no lo quiere aceptar; antes, dice que él solo es bastante para sacar a su esposa, si bien estuviese metida en el más hondo centro de la tierra; y, con esto, se entra a armar, para ponerse luego en camino. Vuelvan vuestras mercedes los ojos a aquella torre que allí parece, que se presupone que es una de las torres del alcázar de Zaragoza, que ahora llaman la Aljafería; y aquella dama que en aquel balcón parece, vestida a lo moro, es la sin par Melisendra, que desde allí muchas veces se ponía a mirar el camino de Francia, y, puesta la imaginación en París y en su esposo, se consolaba en su cautiverio. Miren también un nuevo caso que ahora sucede, quizá no visto jamás. ¿No veen aquel moro que callandico y pasito a paso, puesto el dedo en la boca, se llega por las espaldas de Melisendra? Pues miren cómo la da un beso en mitad de los labios, y la priesa que ella se da a escupir, y a limpiárselos con la blanca manga de su camisa, y cómo se lamenta, y se arranca de pesar sus hermosos cabellos, como si ellos tuvieran la culpa del maleficio. Miren también cómo aquel grave moro que está en aquellos corredores es el rey Marsilio de Sansueña; el cual, por haber visto la insolencia del moro, puesto que era un pariente y gran privado suyo, le mandó luego prender, y que le den docientos azotes, llevándole por las calles acostumbradas de la ciudad, con chilladores delante y envaramiento detrás; y veis aquí donde salen a ejecutar la sentencia, aun bien apenas no habiendo sido puesta en ejecución la culpa; porque entre moros no hay "traslado a la parte", ni "a prueba y estése", como entre nosotros. — Niño, niño —dijo con voz alta a esta sazón don Quijote—, seguid vuestra historia línea recta, y no os metáis en las curvas o transversales; que, para sacar una verdad en limpio, menester son muchas pruebas y repruebas. También dijo maese Pedro desde dentro: — Muchacho, no te metas en dibujos, sino haz lo que ese señor te manda, que será lo más acertado; sigue tu canto llano, y no te metas en contrapuntos, que se suelen quebrar de sotiles. — Yo lo haré así —respondió el muchacho; y prosiguió, diciendo—: Esta figura que aquí parece a caballo, cubierta con una capa gascona, es la mesma de don Gaiferos, a quien su esposa, ya vengada del atrevimiento del enamorado moro, con mejor y más sosegado semblante, se ha puesto a los miradores de la torre, y habla con su esposo, creyendo que es algún pasajero, con quien pasó todas aquellas razones y coloquios de aquel romance que dicen: Caballero, si a Francia ides, por Gaiferos preguntad; las cuales no digo yo ahora, porque de la prolijidad se suele engendrar el fastidio; basta ver cómo don Gaiferos se descubre, y que por los ademanes alegres que Melisendra hace se nos da a entender que ella le ha conocido, y más ahora que veemos se descuelga del balcón, para ponerse en las ancas del caballo de su buen esposo. Mas, ¡ay, sin ventura!, que se le ha asido una punta del faldellín de uno de los hierros del balcón, y está pendiente en el aire, sin poder llegar al suelo. Pero veis cómo el piadoso cielo socorre en las mayores necesidades, pues llega don Gaiferos, y, sin mirar si se rasgará o no el rico faldellín, ase della, y mal su grado la hace bajar al suelo, y luego, de un brinco, la pone sobre las ancas de su caballo, a horcajadas como hombre, y la manda que se tenga fuertemente y le eche los brazos por las espaldas, de modo que los cruce en el pecho, porque no se caiga, a causa que no estaba la señora Melisendra acostumbrada a semejantes caballerías. Veis también cómo los relinchos del caballo dan señales que va contento con la valiente y hermosa carga que lleva en su señor y en su señora. Veis cómo vuelven las espaldas y salen de la ciudad, y alegres y regocijados toman de París la vía. ¡Vais en paz, oh par sin par de verdaderos amantes! ¡Lleguéis a salvamento a vuestra deseada patria, sin que la fortuna ponga estorbo en vuestro felice viaje! ¡Los ojos de vuestros amigos y parientes os vean gozar en paz tranquila los días, que los de Néstor sean, que os quedan de la vida! Aquí alzó otra vez la voz maese Pedro, y dijo: — Llaneza, muchacho; no te encumbres, que toda afectación es mala. No respondió nada el intérprete; antes, prosiguió, diciendo: — No faltaron algunos ociosos ojos, que lo suelen ver todo, que no viesen la bajada y la subida de Melisendra, de quien dieron noticia al rey Marsilio, el cual mandó luego tocar al arma; y miren con qué priesa, que ya la ciudad se hunde con el son de las campanas que en todas las torres de las mezquitas suenan. — ¡Eso no! —dijo a esta sazón don Quijote—: en esto de las campanas anda muy impropio maese Pedro, porque entre moros no se usan campanas, sino atabales, y un género de dulzainas que parecen nuestras chirimías; y esto de sonar campanas en Sansueña sin duda que es un gran disparate. Lo cual oído por maese Pedro, cesó el tocar y dijo: — No mire vuesa merced en niñerías, señor don Quijote, ni quiera llevar las cosas tan por el cabo que no se le halle. ¿No se representan por ahí, casi de ordinario, mil comedias llenas de mil impropiedades y disparates, y, con todo eso, corren felicísimamente su carrera, y se escuchan no sólo con aplauso, sino con admiración y todo? Prosigue, muchacho, y deja decir; que, como yo llene mi talego, si quiere represente más impropiedades que tiene átomos el sol. — Así es la verdad —replicó don Quijote. Y el muchacho dijo: — Miren cuánta y cuán lucida caballería sale de la ciudad en siguimiento de los dos católicos amantes, cuántas trompetas que suenan, cuántas dulzainas que tocan y cuántos atabales y atambores que retumban. Témome que los han de alcanzar, y los han de volver atados a la cola de su mismo caballo, que sería un horrendo espetáculo. Viendo y oyendo, pues, tanta morisma y tanto estruendo don Quijote, parecióle ser bien dar ayuda a los que huían; y, levantándose en pie, en voz alta, dijo: — No consentiré yo en mis días y en mi presencia se le haga superchería a tan famoso caballero y a tan atrevido enamorado como don Gaiferos. ¡Deteneos, mal nacida canalla; no le sigáis ni persigáis; si no, conmigo sois en la batalla! Y, diciendo y haciendo, desenvainó la espada, y de un brinco se puso junto al retablo, y, con acelerada y nunca vista furia, comenzó a llover cuchilladas sobre la titerera morisma, derribando a unos, descabezando a otros, estropeando a éste, destrozando a aquél, y, entre otros muchos, tiró un altibajo tal, que si maese Pedro no se abaja, se encoge y agazapa, le cercenara la cabeza con más facilidad que si fuera hecha de masa de mazapán. Daba voces maese Pedro, diciendo: — Deténgase vuesa merced, señor don Quijote, y advierta que estos que derriba, destroza y mata no son verdaderos moros, sino unas figurillas de pasta. ¡Mire, pecador de mí, que me destruye y echa a perder toda mi hacienda! Mas no por esto dejaba de menudear don Quijote cuchilladas, mandobles, tajos y reveses como llovidos. Finalmente, en menos de dos credos dio con todo el retablo en el suelo, hechas pedazos y desmenuzadas todas sus jarcias y figuras: el rey Marsilio, mal herido, y el emperador Carlomagno, partida la corona y la cabeza en dos partes. Alborotóse el senado de los oyentes, huyóse el mono por los tejados de la ventana, temió el primo, acobardóse el paje, y hasta el mesmo Sancho Panza tuvo pavor grandísimo, porque, como él juró después de pasada la borrasca, jamás había visto a su señor con tan desatinada cólera. Hecho, pues, el general destrozo del retablo, sosegóse un poco don Quijote y dijo: — Quisiera yo tener aquí delante en este punto todos aquellos que no creen, ni quieren creer, de cuánto provecho sean en el mundo los caballeros andantes: miren, si no me hallara yo aquí presente, qué fuera del buen don Gaiferos y de la hermosa Melisendra; a buen seguro que ésta fuera ya la hora que los hubieran alcanzado estos canes, y les hubieran hecho algún desaguisado. En resolución, ¡viva la andante caballería sobre cuantas cosas hoy viven en la tierra! — ¡Vivan en hora buena —dijo a esta sazón con voz enfermiza maese Pedro—, y muera yo, pues soy tan desdichado que puedo decir con el rey don Rodrigo: Ayer fui señor de España... y hoy no tengo una almena que pueda decir que es mía! No ha media hora, ni aun un mediano momento, que me vi señor de reyes y de emperadores, llenas mis caballerizas y mis cofres y sacos de infinitos caballos y de innumerables galas, y agora me veo desolado y abatido, pobre y mendigo, y, sobre todo, sin mi mono, que a fe que primero que le vuelva a mi poder me han de sudar los dientes; y todo por la furia mal considerada deste señor caballero, de quien se dice que ampara pupilos, y endereza tuertos, y hace otras obras caritativas; y en mí solo ha venido a faltar su intención generosa, que sean benditos y alabados los cielos, allá donde tienen más levantados sus asientos. En fin, el Caballero de la Triste Figura había de ser aquel que había de desfigurar las mías. Enternecióse Sancho Panza con las razones de maese Pedro, y díjole: — No llores, maese Pedro, ni te lamentes, que me quiebras el corazón; porque te hago saber que es mi señor don Quijote tan católico y escrupuloso cristiano, que si él cae en la cuenta de que te ha hecho algún agravio, te lo sabrá y te lo querrá pagar y satisfacer con muchas ventajas. — Con que me pagase el señor don Quijote alguna parte de las hechuras que me ha deshecho, quedaría contento, y su merced aseguraría su conciencia, porque no se puede salvar quien tiene lo ajeno contra la voluntad de su dueño y no lo restituye. — Así es —dijo don Quijote—, pero hasta ahora yo no sé que tenga nada vuestro, maese Pedro. — ¿Cómo no? —respondió maese Pedro—; y estas reliquias que están por este duro y estéril suelo, ¿quién las esparció y aniquiló, sino la fuerza invencible dese poderoso brazo?, y ¿cúyos eran sus cuerpos sino míos?, y ¿con quién me sustentaba yo sino con ellos? — Ahora acabo de creer —dijo a este punto don Quijote— lo que otras muchas veces he creído: que estos encantadores que me persiguen no hacen sino ponerme las figuras como ellas son delante de los ojos, y luego me las mudan y truecan en las que ellos quieren. Real y verdaderamente os digo, señores que me oís, que a mí me pareció todo lo que aquí ha pasado que pasaba al pie de la letra: que Melisendra era Melisendra, don Gaiferos don Gaiferos, Marsilio Marsilio, y Carlomagno Carlomagno: por eso se me alteró la cólera, y, por cumplir con mi profesión de caballero andante, quise dar ayuda y favor a los que huían, y con este buen propósito hice lo que habéis visto; si me ha salido al revés, no es culpa mía, sino de los malos que me persiguen; y, con todo esto, deste mi yerro, aunque no ha procedido de malicia, quiero yo mismo condenarme en costas: vea maese Pedro lo que quiere por las figuras deshechas, que yo me ofrezco a pagárselo luego, en buena y corriente moneda castellana. Inclinósele maese Pedro, diciéndole: — No esperaba yo menos de la inaudita cristiandad del valeroso don Quijote de la Mancha, verdadero socorredor y amparo de todos los necesitados y menesterosos vagamundos; y aquí el señor ventero y el gran Sancho serán medianeros y apreciadores, entre vuesa merced y mí, de lo que valen o podían valer las ya deshechas figuras. El ventero y Sancho dijeron que así lo harían, y luego maese Pedro alzó del suelo, con la cabeza menos, al rey Marsilio de Zaragoza, y dijo: — Ya se vee cuán imposible es volver a este rey a su ser primero; y así, me parece, salvo mejor juicio, que se me dé por su muerte, fin y acabamiento cuatro reales y medio. — ¡Adelante! —dijo don Quijote. — Pues por esta abertura de arriba abajo —prosiguió maese Pedro, tomando en las manos al partido emperador Carlomagno—, no sería mucho que pidiese yo cinco reales y un cuartillo. — No es poco —dijo Sancho. — Ni mucho —replicó el ventero—; médiese la partida y señálensele cinco reales. — Dénsele todos cinco y cuartillo —dijo don Quijote—, que no está en un cuartillo más a menos la monta desta notable desgracia; y acabe presto maese Pedro, que se hace hora de cenar, y yo tengo ciertos barruntos de hambre. — Por esta figura —dijo maese Pedro— que está sin narices y un ojo menos, que es de la hermosa Melisendra, quiero, y me pongo en lo justo, dos reales y doce maravedís. — Aun ahí sería el diablo —dijo don Quijote—, si ya no estuviese Melisendra con su esposo, por lo menos, en la raya de Francia; porque el caballo en que iban, a mí me pareció que antes volaba que corría; y así, no hay para qué venderme a mí el gato por liebre, presentándome aquí a Melisendra desnarigada, estando la otra, si viene a mano, ahora holgándose en Francia con su esposo a pierna tendida. Ayude Dios con lo suyo a cada uno, señor maese Pedro, y caminemos todos con pie llano y con intención sana. Y prosiga. Maese Pedro, que vio que don Quijote izquierdeaba y que volvía a su primer tema, no quiso que se le escapase; y así, le dijo: — Ésta no debe de ser Melisendra, sino alguna de las doncellas que la servían; y así, con sesenta maravedís que me den por ella quedaré contento y bien pagado. Desta manera fue poniendo precio a otras muchas destrozadas figuras, que después los moderaron los dos jueces árbitros, con satisfación de las partes, que llegaron a cuarenta reales y tres cuartillos; y, además desto, que luego lo desembolsó Sancho, pidió maese Pedro dos reales por el trabajo de tomar el mono. — Dáselos, Sancho —dijo don Quijote—, no para tomar el mono, sino la mona; y docientos diera yo ahora en albricias a quien me dijera con certidumbre que la señora doña Melisendra y el señor don Gaiferos estaban ya en Francia y entre los suyos. — Ninguno nos lo podrá decir mejor que mi mono —dijo maese Pedro—, pero no habrá diablo que ahora le tome; aunque imagino que el cariño y la hambre le han de forzar a que me busque esta noche, y amanecerá Dios y verémonos. En resolución, la borrasca del retablo se acabó y todos cenaron en paz y en buena compañía, a costa de don Quijote, que era liberal en todo estremo. Antes que amaneciese, se fue el que llevaba las lanzas y las alabardas, y ya después de amanecido, se vinieron a despedir de don Quijote el primo y el paje: el uno, para volverse a su tierra; y el otro, a proseguir su camino, para ayuda del cual le dio don Quijote una docena de reales. Maese Pedro no quiso volver a entrar en más dimes ni diretes con don Quijote, a quien él conocía muy bien, y así, madrugó antes que el sol, y, cogiendo las reliquias de su retablo y a su mono, se fue también a buscar sus aventuras. El ventero, que no conocía a don Quijote, tan admirado le tenían sus locuras como su liberalidad. Finalmente, Sancho le pagó muy bien, por orden de su señor, y, despidiéndose dél, casi a las ocho del día dejaron la venta y se pusieron en camino, donde los dejaremos ir; que así conviene para dar lugar a contar otras cosas pertenecientes a la declaración desta famosa historia. Capítulo XXVII. Donde se da cuenta quiénes eran maese Pedro y su mono, con el mal suceso que don Quijote tuvo en la aventura del rebuzno, que no la acabó como él quisiera y como lo tenía pensado Entra Cide Hamete, coronista desta grande historia, con estas palabras en este capítulo: ''Juro como católico cristiano...''; a lo que su traductor dice que el jurar Cide Hamete como católico cristiano, siendo él moro, como sin duda lo era, no quiso decir otra cosa sino que, así como el católico cristiano cuando jura, jura, o debe jurar, verdad, y decirla en lo que dijere, así él la decía, como si jurara como cristiano católico, en lo que quería escribir de don Quijote, especialmente en decir quién era maese Pedro, y quién el mono adivino que traía admirados todos aquellos pueblos con sus adivinanzas. Dice, pues, que bien se acordará, el que hubiere leído la primera parte desta historia, de aquel Ginés de Pasamonte, a quien, entre otros galeotes, dio libertad don Quijote en Sierra Morena, beneficio que después le fue mal agradecido y peor pagado de aquella gente maligna y mal acostumbrada. Este Ginés de Pasamonte, a quien don Quijote llamaba Ginesillo de Parapilla, fue el que hurtó a Sancho Panza el rucio; que, por no haberse puesto el cómo ni el cuándo en la primera parte, por culpa de los impresores, ha dado en qué entender a muchos, que atribuían a poca memoria del autor la falta de emprenta. Pero, en resolución, Ginés le hurtó, estando sobre él durmiendo Sancho Panza, usando de la traza y modo que usó Brunelo cuando, estando Sacripante sobre Albraca, le sacó el caballo de entre las piernas, y después le cobró Sancho, como se ha contado. Este Ginés, pues, temeroso de no ser hallado de la justicia, que le buscaba para castigarle de sus infinitas bellaquerías y delitos, que fueron tantos y tales, que él mismo compuso un gran volumen contándolos, determinó pasarse al reino de Aragón y cubrirse el ojo izquierdo, acomodándose al oficio de titerero; que esto y el jugar de manos lo sabía hacer por estremo. Sucedió, pues, que de unos cristianos ya libres que venían de Berbería compró aquel mono, a quien enseñó que, en haciéndole cierta señal, se le subiese en el hombro y le murmurase, o lo pareciese, al oído. Hecho esto, antes que entrase en el lugar donde entraba con su retablo y mono, se informaba en el lugar más cercano, o de quien él mejor podía, qué cosas particulares hubiesen sucedido en el tal lugar, y a qué personas; y, llevándolas bien en la memoria, lo primero que hacía era mostrar su retablo, el cual unas veces era de una historia, y otras de otra; pero todas alegres y regocijadas y conocidas. Acabada la muestra, proponía las habilidades de su mono, diciendo al pueblo que adivinaba todo lo pasado y lo presente; pero que en lo de por venir no se daba maña. Por la respuesta de cada pregunta pedía dos reales, y de algunas hacía barato, según tomaba el pulso a los preguntantes; y como tal vez llegaba a las casas de quien él sabía los sucesos de los que en ella moraban, aunque no le preguntasen nada por no pagarle, él hacía la seña al mono, y luego decía que le había dicho tal y tal cosa, que venía de molde con lo sucedido. Con esto cobraba crédito inefable, y andábanse todos tras él. Otras veces, como era tan discreto, respondía de manera que las respuestas venían bien con las preguntas; y, como nadie le apuraba ni apretaba a que dijese cómo adevinaba su mono, a todos hacía monas, y llenaba sus esqueros. Así como entró en la venta, conoció a don Quijote y a Sancho, por cuyo conocimiento le fue fácil poner en admiración a don Quijote y a Sancho Panza, y a todos los que en ella estaban; pero hubiérale de costar caro si don Quijote bajara un poco más la mano cuando cortó la cabeza al rey Marsilio y destruyó toda su caballería, como queda dicho en el antecedente capítulo. Esto es lo que hay que decir de maese Pedro y de su mono. Y, volviendo a don Quijote de la Mancha, digo que, después de haber salido de la venta, determinó de ver primero las riberas del río Ebro y todos aquellos contornos, antes de entrar en la ciudad de Zaragoza, pues le daba tiempo para todo el mucho que faltaba desde allí a las justas. Con esta intención siguió su camino, por el cual anduvo dos días sin acontecerle cosa digna de ponerse en escritura, hasta que al tercero, al subir de una loma, oyó un gran rumor de atambores, de trompetas y arcabuces. Al principio pensó que algún tercio de soldados pasaba por aquella parte, y por verlos picó a Rocinante y subió la loma arriba; y cuando estuvo en la cumbre, vio al pie della, a su parecer, más de docientos hombres armados de diferentes suertes de armas, como si dijésemos lanzones, ballestas, partesanas, alabardas y picas, y algunos arcabuces, y muchas rodelas. Bajó del recuesto y acercóse al escuadrón, tanto, que distintamente vio las banderas, juzgó de las colores y notó las empresas que en ellas traían, especialmente una que en un estandarte o jirón de raso blanco venía, en el cual estaba pintado muy al vivo un asno como un pequeño sardesco, la cabeza levantada, la boca abierta y la lengua de fuera, en acto y postura como si estuviera rebuznando; alrededor dél estaban escritos de letras grandes estos dos versos: No rebuznaron en balde el uno y el otro alcalde. Por esta insignia sacó don Quijote que aquella gente debía de ser del pueblo del rebuzno, y así se lo dijo a Sancho, declarándole lo que en el estandarte venía escrito. Díjole también que el que les había dado noticia de aquel caso se había errado en decir que dos regidores habían sido los que rebuznaron; pero que, según los versos del estandarte, no habían sido sino alcaldes. A lo que respondió Sancho Panza: — Señor, en eso no hay que reparar, que bien puede ser que los regidores que entonces rebuznaron viniesen con el tiempo a ser alcaldes de su pueblo, y así, se pueden llamar con entrambos títulos; cuanto más, que no hace al caso a la verdad de la historia ser los rebuznadores alcaldes o regidores, como ellos una por una hayan rebuznado; porque tan a pique está de rebuznar un alcalde como un regidor. Finalmente, conocieron y supieron como el pueblo corrido salía a pelear con otro que le corría más de lo justo y de lo que se debía a la buena vecindad. Fuese llegando a ellos don Quijote, no con poca pesadumbre de Sancho, que nunca fue amigo de hallarse en semejantes jornadas. Los del escuadrón le recogieron en medio, creyendo que era alguno de los de su parcialidad. Don Quijote, alzando la visera, con gentil brío y continente, llegó hasta el estandarte del asno, y allí se le pusieron alrededor todos los más principales del ejército, por verle, admirados con la admiración acostumbrada en que caían todos aquellos que la vez primera le miraban. Don Quijote, que los vio tan atentos a mirarle, sin que ninguno le hablase ni le preguntase nada, quiso aprovecharse de aquel silencio, y, rompiendo el suyo, alzó la voz y dijo: — Buenos señores, cuan encarecidamente puedo, os suplico que no interrumpáis un razonamiento que quiero haceros, hasta que veáis que os disgusta y enfada; que si esto sucede, con la más mínima señal que me hagáis pondré un sello en mi boca y echaré una mordaza a mi lengua. Todos le dijeron que dijese lo que quisiese, que de buena gana le escucharían. Don Quijote, con esta licencia, prosiguió diciendo: Yo, señores míos, soy caballero andante, cuyo ejercicio es el de las armas, y cuya profesión la de favorecer a los necesitados de favor y acudir a los menesterosos. Días ha que he sabido vuestra desgracia y la causa que os mueve a tomar las armas a cada paso, para vengaros de vuestros enemigos; y, habiendo discurrido una y muchas veces en mi entendimiento sobre vuestro negocio, hallo, según las leyes del duelo, que estáis engañados en teneros por afrentados, porque ningún particular puede afrentar a un pueblo entero, si no es retándole de traidor por junto, porque no sabe en particular quién cometió la traición por que le reta. Ejemplo desto tenemos en don Diego Ordóñez de Lara, que retó a todo el pueblo zamorano, porque ignoraba que solo Vellido Dolfos había cometido la traición de matar a su rey; y así, retó a todos, y a todos tocaba la venganza y la respuesta; aunque bien es verdad que el señor don Diego anduvo algo demasiado, y aun pasó muy adelante de los límites del reto, porque no tenía para qué retar a los muertos, a las aguas, ni a los panes, ni a los que estaban por nacer, ni a las otras menudencias que allí se declaran; pero, ¡vaya!, pues cuando la cólera sale de madre, no tiene la lengua padre, ayo ni freno que la corrija. Siendo, pues, esto así, que uno solo no puede afrentar a reino, provincia, ciudad, república ni pueblo entero, queda en limpio que no hay para qué salir a la venganza del reto de la tal afrenta, pues no lo es; porque, ¡bueno sería que se matasen a cada paso los del pueblo de la Reloja con quien se lo llama, ni los cazoleros, berenjeneros, ballenatos, jaboneros, ni los de otros nombres y apellidos que andan por ahí en boca de los muchachos y de gente de poco más a menos! ¡Bueno sería, por cierto, que todos estos insignes pueblos se corriesen y vengasen, y anduviesen contino hechas las espadas sacabuches a cualquier pendencia, por pequeña que fuese! No, no, ni Dios lo permita o quiera. Los varones prudentes, las repúblicas bien concertadas, por cuatro cosas han de tomar las armas y desenvainar las espadas, y poner a riesgo sus personas, vidas y haciendas: la primera, por defender la fe católica; la segunda, por defender su vida, que es de ley natural y divina; la tercera, en defensa de su honra, de su familia y hacienda; la cuarta, en servicio de su rey, en la guerra justa; y si le quisiéremos añadir la quinta, que se puede contar por segunda, es en defensa de su patria. A estas cinco causas, como capitales, se pueden agregar algunas otras que sean justas y razonables, y que obliguen a tomar las armas; pero tomarlas por niñerías y por cosas que antes son de risa y pasatiempo que de afrenta, parece que quien las toma carece de todo razonable discurso; cuanto más, que el tomar venganza injusta, que justa no puede haber alguna que lo sea, va derechamente contra la santa ley que profesamos, en la cual se nos manda que hagamos bien a nuestros enemigos y que amemos a los que nos aborrecen; mandamiento que, aunque parece algo dificultoso de cumplir, no lo es sino para aquellos que tienen menos de Dios que del mundo, y más de carne que de espíritu; porque Jesucristo, Dios y hombre verdadero, que nunca mintió, ni pudo ni puede mentir, siendo legislador nuestro, dijo que su yugo era suave y su carga liviana; y así, no nos había de mandar cosa que fuese imposible el cumplirla. Así que, mis señores, vuesas mercedes están obligados por leyes divinas y humanas a sosegarse. — El diablo me lleve —dijo a esta sazón Sancho entre sí— si este mi amo no es tólogo; y si no lo es, que lo parece como un güevo a otro. Tomó un poco de aliento don Quijote, y, viendo que todavía le prestaban silencio, quiso pasar adelante en su plática, como pasara ni no se pusiere en medio la agudeza de Sancho, el cual, viendo que su amo se detenía, tomó la mano por él, diciendo: — Mi señor don Quijote de la Mancha, que un tiempo se llamó el Caballero de la Triste Figura y ahora se llama el Caballero de los Leones, es un hidalgo muy atentado, que sabe latín y romance como un bachiller, y en todo cuanto trata y aconseja procede como muy buen soldado, y tiene todas las leyes y ordenanzas de lo que llaman el duelo en la uña; y así, no hay más que hacer sino dejarse llevar por lo que él dijere, y sobre mí si lo erraren; cuanto más, que ello se está dicho que es necedad correrse por sólo oír un rebuzno, que yo me acuerdo, cuando muchacho, que rebuznaba cada y cuando que se me antojaba, sin que nadie me fuese a la mano, y con tanta gracia y propiedad que, en rebuznando yo, rebuznaban todos los asnos del pueblo, y no por eso dejaba de ser hijo de mis padres, que eran honradísimos; y, aunque por esta habilidad era invidiado de más de cuatro de los estirados de mi pueblo, no se me daba dos ardites. Y, porque se vea que digo verdad, esperen y escuchen, que esta ciencia es como la del nadar: que, una vez aprendida, nunca se olvida. Y luego, puesta la mano en las narices, comenzó a rebuznar tan reciamente, que todos los cercanos valles retumbaron. Pero uno de los que estaban junto a él, creyendo que hacía burla dellos, alzó un varapalo que en la mano tenía, y diole tal golpe con él, que, sin ser poderoso a otra cosa, dio con Sancho Panza en el suelo. Don Quijote, que vio tan malparado a Sancho, arremetió al que le había dado, con la lanza sobre mano, pero fueron tantos los que se pusieron en medio, que no fue posible vengarle; antes, viendo que llovía sobre él un nublado de piedras, y que le amenazaban mil encaradas ballestas y no menos cantidad de arcabuces, volvió las riendas a Rocinante, y a todo lo que su galope pudo, se salió de entre ellos, encomendándose de todo corazón a Dios, que de aquel peligro le librase, temiendo a cada paso no le entrase alguna bala por las espaldas y le saliese al pecho; y a cada punto recogía el aliento, por ver si le faltaba. Pero los del escuadrón se contentaron con verle huir, sin tirarle. A Sancho le pusieron sobre su jumento, apenas vuelto en sí, y le dejaron ir tras su amo, no porque él tuviese sentido para regirle; pero el rucio siguió las huellas de Rocinante, sin el cual no se hallaba un punto. Alongado, pues, don Quijote buen trecho, volvió la cabeza y vio que Sancho venía, y atendióle, viendo que ninguno le seguía. Los del escuadrón se estuvieron allí hasta la noche, y, por no haber salido a la batalla sus contrarios, se volvieron a su pueblo, regocijados y alegres; y si ellos supieran la costumbre antigua de los griegos, levantaran en aquel lugar y sitio un trofeo. Capítulo XXVIII. De cosas que dice Benengeli que las sabrá quien le leyere, si las lee con atención Cuando el valiente huye, la superchería está descubierta, y es de varones prudentes guardarse para mejor ocasión. Esta verdad se verificó en don Quijote, el cual, dando lugar a la furia del pueblo y a las malas intenciones de aquel indignado escuadrón, puso pies en polvorosa, y, sin acordarse de Sancho ni del peligro en que le dejaba, se apartó tanto cuanto le pareció que bastaba para estar seguro. Seguíale Sancho, atravesado en su jumento, como queda referido. Llegó, en fin, ya vuelto en su acuerdo, y al llegar, se dejó caer del rucio a los pies de Rocinante, todo ansioso, todo molido y todo apaleado. Apeóse don Quijote para catarle las feridas; pero, como le hallase sano de los pies a la cabeza, con asaz cólera le dijo: — ¡Tan en hora mala supistes vos rebuznar, Sancho! Y ¿dónde hallastes vos ser bueno el nombrar la soga en casa del ahorcado? A música de rebuznos, ¿qué contrapunto se había de llevar sino de varapalos? Y dad gracias a Dios, Sancho, que ya que os santiguaron con un palo, no os hicieron el per signum crucis con un alfanje. — No estoy para responder —respondió Sancho—, porque me parece que hablo por las espaldas. Subamos y apartémonos de aquí, que yo pondré silencio en mis rebuznos, pero no en dejar de decir que los caballeros andantes huyen, y dejan a sus buenos escuderos molidos como alheña, o como cibera, en poder de sus enemigos. — No huye el que se retira —respondió don Quijote—, porque has de saber, Sancho, que la valentía que no se funda sobre la basa de la prudencia se llama temeridad, y las hazañas del temerario más se atribuyen a la buena fortuna que a su ánimo. Y así, yo confieso que me he retirado, pero no huido; y en esto he imitado a muchos valientes, que se han guardado para tiempos mejores, y desto están las historias llenas, las cuales, por no serte a ti de provecho ni a mí de gusto, no te las refiero ahora. En esto, ya estaba a caballo Sancho, ayudado de don Quijote, el cual asimismo subió en Rocinante, y poco a poco se fueron a emboscar en una alameda que hasta un cuarto de legua de allí se parecía. De cuando en cuando daba Sancho unos ayes profundísimos y unos gemidos dolorosos; y, preguntándole don Quijote la causa de tan amargo sentimiento, respondió que, desde la punta del espinazo hasta la nuca del celebro, le dolía de manera que le sacaba de sentido. — La causa dese dolor debe de ser, sin duda —dijo don Quijote—, que, como era el palo con que te dieron largo y tendido, te cogió todas las espaldas, donde entran todas esas partes que te duelen; y si más te cogiera, más te doliera. — ¡Por Dios —dijo Sancho—, que vuesa merced me ha sacado de una gran duda, y que me la ha declarado por lindos términos! ¡Cuerpo de mí! ¿Tan encubierta estaba la causa de mi dolor que ha sido menester decirme que me duele todo todo aquello que alcanzó el palo? Si me dolieran los tobillos, aún pudiera ser que se anduviera adivinando el porqué me dolían, pero dolerme lo que me molieron no es mucho adivinar. A la fe, señor nuestro amo, el mal ajeno de pelo cuelga, y cada día voy descubriendo tierra de lo poco que puedo esperar de la compañía que con vuestra merced tengo; porque si esta vez me ha dejado apalear, otra y otras ciento volveremos a los manteamientos de marras y a otras muchacherías, que si ahora me han salido a las espaldas, después me saldrán a los ojos. Harto mejor haría yo, sino que soy un bárbaro, y no haré nada que bueno sea en toda mi vida; harto mejor haría yo, vuelvo a decir, en volverme a mi casa, y a mi mujer, y a mis hijos, y sustentarla y criarlos con lo que Dios fue servido de darme, y no andarme tras vuesa merced por caminos sin camino y por sendas y carreras que no las tienen, bebiendo mal y comiendo peor. Pues, ¡tomadme el dormir! Contad, hermano escudero, siete pies de tierra, y si quisiéredes más, tomad otros tantos, que en vuestra mano está escudillar, y tendeos a todo vuestro buen talante; que quemado vea yo y hecho polvos al primero que dio puntada en la andante caballería, o, a lo menos, al primero que quiso ser escudero de tales tontos como debieron ser todos los caballeros andantes pasados. De los presentes no digo nada, que, por ser vuestra merced uno dellos, los tengo respeto, y porque sé que sabe vuesa merced un punto más que el diablo en cuanto habla y en cuanto piensa. — Haría yo una buena apuesta con vos, Sancho —dijo don Quijote—: que ahora que vais hablando sin que nadie os vaya a la mano, que no os duele nada en todo vuestro cuerpo. Hablad, hijo mío, todo aquello que os viniere al pensamiento y a la boca; que, a trueco de que a vos no os duela nada, tendré yo por gusto el enfado que me dan vuestras impertinencias. Y si tanto deseáis volveros a vuestra casa con vuestra mujer y hijos, no permita Dios que yo os lo impida; dineros tenéis míos: mirad cuánto ha que esta tercera vez salimos de nuestro pueblo, y mirad lo que podéis y debéis ganar cada mes, y pagaos de vuestra mano. — Cuando yo servía —respondió Sancho— a Tomé Carrasco, el padre del bachiller Sansón Carrasco, que vuestra merced bien conoce, dos ducados ganaba cada mes, amén de la comida; con vuestra merced no sé lo que puedo ganar, puesto que sé que tiene más trabajo el escudero del caballero andante que el que sirve a un labrador; que, en resolución, los que servimos a labradores, por mucho que trabajemos de día, por mal que suceda, a la noche cenamos olla y dormimos en cama, en la cual no he dormido después que ha que sirvo a vuestra merced. Si no ha sido el tiempo breve que estuvimos en casa de don Diego de Miranda, y la jira que tuve con la espuma que saqué de las ollas de Camacho, y lo que comí y bebí y dormí en casa de Basilio, todo el otro tiempo he dormido en la dura tierra, al cielo abierto, sujeto a lo que dicen inclemencias del cielo, sustentándome con rajas de queso y mendrugos de pan, y bebiendo aguas, ya de arroyos, ya de fuentes, de las que encontramos por esos andurriales donde andamos. — Confieso —dijo don Quijote— que todo lo que dices, Sancho, sea verdad. ¿Cuánto parece que os debo dar más de lo que os daba Tomé Carrasco? — A mi parecer —dijo Sancho—, con dos reales más que vuestra merced añadiese cada mes me tendría por bien pagado. Esto es cuanto al salario de mi trabajo; pero, en cuanto a satisfacerme a la palabra y promesa que vuestra merced me tiene hecha de darme el gobierno de una ínsula, sería justo que se me añadiesen otros seis reales, que por todos serían treinta. — Está muy bien —replicó don Quijote—; y, conforme al salario que vos os habéis señalado, 23 días ha que salimos de nuestro pueblo: contad, Sancho, rata por cantidad, y mirad lo que os debo, y pagaos, como os tengo dicho, de vuestra mano. — ¡Oh, cuerpo de mí! —dijo Sancho—, que va vuestra merced muy errado en esta cuenta, porque en lo de la promesa de la ínsula se ha de contar desde el día que vuestra merced me la prometió hasta la presente hora en que estamos. — Pues, ¿qué tanto ha, Sancho, que os la prometí? —dijo don Quijote. — Si yo mal no me acuerdo —respondió Sancho—, debe de haber más de veinte años, tres días más a menos. Diose don Quijote una gran palmada en la frente, y comenzó a reír muy de gana, y dijo: — Pues no anduve yo en Sierra Morena, ni en todo el discurso de nuestras salidas, sino dos meses apenas, y ¿dices, Sancho, que ha veinte años que te prometí la ínsula? Ahora digo que quieres que se consuman en tus salarios el dinero que tienes mío; y si esto es así, y tú gustas dello, desde aquí te lo doy, y buen provecho te haga; que, a trueco de verme sin tan mal escudero, holgaréme de quedarme pobre y sin blanca. Pero dime, prevaricador de las ordenanzas escuderiles de la andante caballería, ¿dónde has visto tú, o leído, que ningún escudero de caballero andante se haya puesto con su señor en tanto más cuánto me habéis de dar cada mes porque os sirva? Éntrate, éntrate, malandrín, follón y vestiglo, que todo lo pareces; éntrate, digo, por el mare magnum de sus historias, y si hallares que algún escudero haya dicho, ni pensado, lo que aquí has dicho, quiero que me le claves en la frente, y, por añadidura, me hagas cuatro mamonas selladas en mi rostro. Vuelve las riendas, o el cabestro, al rucio, y vuélvete a tu casa, porque un solo paso desde aquí no has de pasar más adelante conmigo. ¡Oh pan mal conocido! ¡Oh promesas mal colocadas! ¡Oh hombre que tiene más de bestia que de persona! ¿Ahora, cuando yo pensaba ponerte en estado, y tal, que a pesar de tu mujer te llamaran señoría, te despides? ¿Ahora te vas, cuando yo venía con intención firme y valedera de hacerte señor de la mejor ínsula del mundo? En fin, como tú has dicho otras veces, no es la miel... etc. Asno eres, y asno has de ser, y en asno has de parar cuando se te acabe el curso de la vida; que para mí tengo que antes llegará ella a su último término que tú caigas y des en la cuenta de que eres bestia. Miraba Sancho a don Quijote de en hito en hito, en tanto que los tales vituperios le decía, y compungióse de manera que le vinieron las lágrimas a los ojos, y con voz dolorida y enferma le dijo: — Señor mío, yo confieso que para ser del todo asno no me falta más de la cola; si vuestra merced quiere ponérmela, yo la daré por bien puesta, y le serviré como jumento todos los días que me quedan de mi vida. Vuestra merced me perdone y se duela de mi mocedad, y advierta que sé poco, y que si hablo mucho, más procede de enfermedad que de malicia; mas, quien yerra y se enmienda, a Dios se encomienda. — Maravillárame yo, Sancho, si no mezclaras algún refrancico en tu coloquio. Ahora bien, yo te perdono, con que te emiendes, y con que no te muestres de aquí adelante tan amigo de tu interés, sino que procures ensanchar el corazón, y te alientes y animes a esperar el cumplimiento de mis promesas, que, aunque se tarda, no se imposibilita. Sancho respondió que sí haría, aunque sacase fuerzas de flaqueza. Con esto, se metieron en la alameda, y don Quijote se acomodó al pie de un olmo, y Sancho al de una haya; que estos tales árboles y otros sus semejantes siempre tienen pies, y no manos. Sancho pasó la noche penosamente, porque el varapalo se hacía más sentir con el sereno. Don Quijote la pasó en sus continuas memorias; pero, con todo eso, dieron los ojos al sueño, y al salir del alba siguieron su camino buscando las riberas del famoso Ebro, donde les sucedió lo que se contará en el capítulo venidero. Capítulo XXIX. De la famosa aventura del barco encantado Por sus pasos contados y por contar, dos días después que salieron de la alameda, llegaron don Quijote y Sancho al río Ebro, y el verle fue de gran gusto a don Quijote, porque contempló y miró en él la amenidad de sus riberas, la claridad de sus aguas, el sosiego de su curso y la abundancia de sus líquidos cristales, cuya alegre vista renovó en su memoria mil amorosos pensamientos. Especialmente fue y vino en lo que había visto en la cueva de Montesinos; que, puesto que el mono de maese Pedro le había dicho que parte de aquellas cosas eran verdad y parte mentira, él se atenía más a las verdaderas que a las mentirosas, bien al revés de Sancho, que todas las tenía por la mesma mentira. Yendo, pues, desta manera, se le ofreció a la vista un pequeño barco sin remos ni otras jarcias algunas, que estaba atado en la orilla a un tronco de un árbol que en la ribera estaba. Miró don Quijote a todas partes, y no vio persona alguna; y luego, sin más ni más, se apeó de Rocinante y mandó a Sancho que lo mesmo hiciese del rucio, y que a entrambas bestias las atase muy bien, juntas, al tronco de un álamo o sauce que allí estaba. Preguntóle Sancho la causa de aquel súbito apeamiento y de aquel ligamiento. Respondió don Quijote: — Has de saber, Sancho, que este barco que aquí está, derechamente y sin poder ser otra cosa en contrario, me está llamando y convidando a que entre en él, y vaya en él a dar socorro a algún caballero, o a otra necesitada y principal persona, que debe de estar puesta en alguna grande cuita, porque éste es estilo de los libros de las historias caballerescas y de los encantadores que en ellas se entremeten y platican: cuando algún caballero está puesto en algún trabajo, que no puede ser librado dél sino por la mano de otro caballero, puesto que estén distantes el uno del otro dos o tres mil leguas, y aun más, o le arrebatan en una nube o le deparan un barco donde se entre, y en menos de un abrir y cerrar de ojos le llevan, o por los aires, o por la mar, donde quieren y adonde es menester su ayuda; así que, ¡oh Sancho!, este barco está puesto aquí para el mesmo efecto; y esto es tan verdad como es ahora de día; y antes que éste se pase, ata juntos al rucio y a Rocinante, y a la mano de Dios, que nos guíe, que no dejaré de embarcarme si me lo pidiesen frailes descalzos. — Pues así es —respondió Sancho—, y vuestra merced quiere dar a cada paso en estos que no sé si los llame disparates, no hay sino obedecer y bajar la cabeza, atendiendo al refrán "haz lo que tu amo te manda, y siéntate con él a la mesa"; pero, con todo esto, por lo que toca al descargo de mi conciencia, quiero advertir a vuestra merced que a mí me parece que este tal barco no es de los encantados, sino de algunos pescadores deste río, porque en él se pescan las mejores sabogas del mundo. Esto decía, mientras ataba las bestias, Sancho, dejándolas a la proteción y amparo de los encantadores, con harto dolor de su ánima. Don Quijote le dijo que no tuviese pena del desamparo de aquellos animales, que el que los llevaría a ellos por tan longincuos caminos y regiones tendría cuenta de sustentarlos. — No entiendo eso de logicuos —dijo Sancho—, ni he oído tal vocablo en todos los días de mi vida. — Longincuos —respondió don Quijote— quiere decir apartados; y no es maravilla que no lo entiendas, que no estás tú obligado a saber latín, como algunos que presumen que lo saben, y lo ignoran. — Ya están atados —replicó Sancho—. ¿Qué hemos de hacer ahora? — ¿Qué? —respondió don Quijote—. Santiguarnos y levar ferro; quiero decir, embarcarnos y cortar la amarra con que este barco está atado. Y, dando un salto en él, siguiéndole Sancho, cortó el cordel, y el barco se fue apartando poco a poco de la ribera; y cuando Sancho se vio obra de dos varas dentro del río, comenzó a temblar, temiendo su perdición; pero ninguna cosa le dio más pena que el oír roznar al rucio y el ver que Rocinante pugnaba por desatarse, y díjole a su señor: — El rucio rebuzna, condolido de nuestra ausencia, y Rocinante procura ponerse en libertad para arrojarse tras nosotros. ¡Oh carísimos amigos, quedaos en paz, y la locura que nos aparta de vosotros, convertida en desengaño, nos vuelva a vuestra presencia! Y, en esto, comenzó a llorar tan amargamente que don Quijote, mohíno y colérico, le dijo: — ¿De qué temes, cobarde criatura? ¿De qué lloras, corazón de mantequillas? ¿Quién te persigue, o quién te acosa, ánimo de ratón casero, o qué te falta, menesteroso en la mitad de las entrañas de la abundancia? ¿Por dicha vas caminando a pie y descalzo por las montañas rifeas, sino sentado en una tabla, como un archiduque, por el sesgo curso deste agradable río, de donde en breve espacio saldremos al mar dilatado? Pero ya habemos de haber salido, y caminado, por lo menos, setecientas o ochocientas leguas; y si yo tuviera aquí un astrolabio con que tomar la altura del polo, yo te dijera las que hemos caminado; aunque, o yo sé poco, o ya hemos pasado, o pasaremos presto, por la línea equinocial, que divide y corta los dos contrapuestos polos en igual distancia. — Y cuando lleguemos a esa leña que vuestra merced dice —preguntó Sancho—, ¿cuánto habremos caminado? — Mucho —replicó don Quijote—, porque de trecientos y sesenta grados que contiene el globo, del agua y de la tierra, según el cómputo de Ptolomeo, que fue el mayor cosmógrafo que se sabe, la mitad habremos caminado, llegando a la línea que he dicho. — Por Dios —dijo Sancho—, que vuesa merced me trae por testigo de lo que dice a una gentil persona, puto y gafo, con la añadidura de meón, o meo, o no sé cómo. Rióse don Quijote de la interpretación que Sancho había dado al nombre y al cómputo y cuenta del cosmógrafo Ptolomeo, y díjole: — Sabrás, Sancho, que los españoles y los que se embarcan en Cádiz para ir a las Indias Orientales, una de las señales que tienen para entender que han pasado la línea equinocial que te he dicho es que a todos los que van en el navío se les mueren los piojos, sin que les quede ninguno, ni en todo el bajel le hallarán, si le pesan a oro; y así, puedes, Sancho, pasear una mano por un muslo, y si topares cosa viva, saldremos desta duda; y si no, pasado habemos. — Yo no creo nada deso —respondió Sancho—, pero, con todo, haré lo que vuesa merced me manda, aunque no sé para qué hay necesidad de hacer esas experiencias, pues yo veo con mis mismos ojos que no nos habemos apartado de la ribera cinco varas, ni hemos decantado de donde están las alemañas dos varas, porque allí están Rocinante y el rucio en el propio lugar do los dejamos; y tomada la mira, como yo la tomo ahora, voto a tal que no nos movemos ni andamos al paso de una hormiga. — Haz, Sancho, la averiguación que te he dicho, y no te cures de otra, que tú no sabes qué cosa sean coluros, líneas, paralelos, zodíacos, clíticas, polos, solsticios, equinocios, planetas, signos, puntos, medidas, de que se compone la esfera celeste y terrestre; que si todas estas cosas supieras, o parte dellas, vieras claramente qué de paralelos hemos cortado, qué de signos visto y qué de imágines hemos dejado atrás y vamos dejando ahora. Y tórnote a decir que te tientes y pesques, que yo para mí tengo que estás más limpio que un pliego de papel liso y blanco. Tentóse Sancho, y, llegando con la mano bonitamente y con tiento hacia la corva izquierda, alzó la cabeza y miró a su amo, y dijo: — O la experiencia es falsa, o no hemos llegado adonde vuesa merced dice, ni con muchas leguas. — Pues ¿qué? —preguntó don Quijote—, ¿has topado algo? — ¡Y aun algos! —respondió Sancho. Y, sacudiéndose los dedos, se lavó toda la mano en el río, por el cual sosegadamente se deslizaba el barco por mitad de la corriente, sin que le moviese alguna inteligencia secreta, ni algún encantador escondido, sino el mismo curso del agua, blando entonces y suave. En esto, descubrieron unas grandes aceñas que en la mitad del río estaban; y apenas las hubo visto don Quijote, cuando con voz alta dijo a Sancho: — ¿Vees? Allí, ¡oh amigo!, se descubre la ciudad, castillo o fortaleza donde debe de estar algún caballero oprimido, o alguna reina, infanta o princesa malparada, para cuyo socorro soy aquí traído. — ¿Qué diablos de ciudad, fortaleza o castillo dice vuesa merced, señor? — dijo Sancho—. ¿No echa de ver que aquéllas son aceñas que están en el río, donde se muele el trigo? — Calla, Sancho —dijo don Quijote—; que, aunque parecen aceñas, no lo son; y ya te he dicho que todas las cosas trastruecan y mudan de su ser natural los encantos. No quiero decir que las mudan de en uno en otro ser realmente, sino que lo parece, como lo mostró la experiencia en la transformación de Dulcinea, único refugio de mis esperanzas. En esto, el barco, entrado en la mitad de la corriente del río, comenzó a caminar no tan lentamente como hasta allí. Los molineros de las aceñas, que vieron venir aquel barco por el río, y que se iba a embocar por el raudal de las ruedas, salieron con presteza muchos dellos con varas largas a detenerle, y, como salían enharinados, y cubiertos los rostros y los vestidos del polvo de la harina, representaban una mala vista. Daban voces grandes, diciendo: — ¡Demonios de hombres! ¿Dónde vais? ¿Venís desesperados? ¿Qué queréis, ahogaros y haceros pedazos en estas ruedas? — ¿No te dije yo, Sancho —dijo a esta sazón don Quijote—, que habíamos llegado donde he de mostrar a dó llega el valor de mi brazo? Mira qué de malandrines y follones me salen al encuentro, mira cuántos vestiglos se me oponen, mira cuántas feas cataduras nos hacen cocos... Pues ¡ahora lo veréis, bellacos! Y, puesto en pie en el barco, con grandes voces comenzó a amenazar a los molineros, diciéndoles: — Canalla malvada y peor aconsejada, dejad en su libertad y libre albedrío a la persona que en esa vuestra fortaleza o prisión tenéis oprimida, alta o baja, de cualquiera suerte o calidad que sea, que yo soy don Quijote de la Mancha, llamado el Caballero de los Leones por otro nombre, a quien está reservada por orden de los altos cielos el dar fin felice a esta aventura. Y, diciendo esto, echó mano a su espada y comenzó a esgrimirla en el aire contra los molineros; los cuales, oyendo y no entendiendo aquellas sandeces, se pusieron con sus varas a detener el barco, que ya iba entrando en el raudal y canal de las ruedas. Púsose Sancho de rodillas, pidiendo devotamente al cielo le librase de tan manifiesto peligro, como lo hizo, por la industria y presteza de los molineros, que, oponiéndose con sus palos al barco, le detuvieron, pero no de manera que dejasen de trastornar el barco y dar con don Quijote y con Sancho al través en el agua; pero vínole bien a don Quijote, que sabía nadar como un ganso, aunque el peso de las armas le llevó al fondo dos veces; y si no fuera por los molineros, que se arrojaron al agua y los sacaron como en peso a entrambos, allí había sido Troya para los dos. Puestos, pues, en tierra, más mojados que muertos de sed, Sancho, puesto de rodillas, las manos juntas y los ojos clavados al cielo, pidió a Dios con una larga y devota plegaria le librase de allí adelante de los atrevidos deseos y acometimientos de su señor. Llegaron en esto los pescadores dueños del barco, a quien habían hecho pedazos las ruedas de las aceñas; y, viéndole roto, acometieron a desnudar a Sancho, y a pedir a don Quijote se lo pagase; el cual, con gran sosiego, como si no hubiera pasado nada por él, dijo a los molineros y pescadores que él pagaría el barco de bonísima gana, con condición que le diesen libre y sin cautela a la persona o personas que en aquel su castillo estaban oprimidas. — ¿Qué personas o qué castillo dice —respondió uno de los molineros—, hombre sin juicio? ¿Quiéreste llevar por ventura las que vienen a moler trigo a estas aceñas? — ¡Basta! —dijo entre sí don Quijote—. Aquí será predicar en desierto querer reducir a esta canalla a que por ruegos haga virtud alguna. Y en esta aventura se deben de haber encontrado dos valientes encantadores, y el uno estorba lo que el otro intenta: el uno me deparó el barco, y el otro dio conmigo al través. Dios lo remedie, que todo este mundo es máquinas y trazas, contrarias unas de otras. Yo no puedo más. Y, alzando la voz, prosiguió diciendo, y mirando a las aceñas: — Amigos, cualesquiera que seáis, que en esa prisión quedáis encerrados, perdonadme; que, por mi desgracia y por la vuestra, yo no os puedo sacar de vuestra cuita. Para otro caballero debe de estar guardada y reservada esta aventura. En diciendo esto, se concertó con los pescadores, y pagó por el barco cincuenta reales, que los dio Sancho de muy mala gana, diciendo: — A dos barcadas como éstas, daremos con todo el caudal al fondo. Los pescadores y molineros estaban admirados, mirando aquellas dos figuras tan fuera del uso, al parecer, de los otros hombres, y no acababan de entender a dó se encaminaban las razones y preguntas que don Quijote les decía; y, teniéndolos por locos, les dejaron y se recogieron a sus aceñas, y los pescadores a sus ranchos. Volvieron a sus bestias, y a ser bestias, don Quijote y Sancho, y este fin tuvo la aventura del encantado barco. Capítulo XXX. De lo que le avino a don Quijote con una bella cazadora Asaz melancólicos y de mal talante llegaron a sus animales caballero y escudero, especialmente Sancho, a quien llegaba al alma llegar al caudal del dinero, pareciéndole que todo lo que dél se quitaba era quitárselo a él de las niñas de sus ojos. Finalmente, sin hablarse palabra, se pusieron a caballo y se apartaron del famoso río, don Quijote sepultado en los pensamientos de sus amores, y Sancho en los de su acrecentamiento, que por entonces le parecía que estaba bien lejos de tenerle; porque, maguer era tonto, bien se le alcanzaba que las acciones de su amo, todas o las más, eran disparates, y buscaba ocasión de que, sin entrar en cuentas ni en despedimientos con su señor, un día se desgarrase y se fuese a su casa. Pero la fortuna ordenó las cosas muy al revés de lo que él temía. Sucedió, pues, que otro día, al poner del sol y al salir de una selva, tendió don Quijote la vista por un verde prado, y en lo último dél vio gente, y, llegándose cerca, conoció que eran cazadores de altanería. Llegóse más, y entre ellos vio una gallarda señora sobre un palafrén o hacanea blanquísima, adornada de guarniciones verdes y con un sillón de plata. Venía la señora asimismo vestida de verde, tan bizarra y ricamente que la misma bizarría venía transformada en ella. En la mano izquierda traía un azor, señal que dio a entender a don Quijote ser aquélla alguna gran señora, que debía serlo de todos aquellos cazadores, como era la verdad; y así, dijo a Sancho: — Corre, hijo Sancho, y di a aquella señora del palafrén y del azor que yo, el Caballero de los Leones, besa las manos a su gran fermosura, y que si su grandeza me da licencia, se las iré a besar, y a servirla en cuanto mis fuerzas pudieren y su alteza me mandare. Y mira, Sancho, cómo hablas, y ten cuenta de no encajar algún refrán de los tuyos en tu embajada. — ¡Hallado os le habéis el encajador! —respondió Sancho—. ¡A mí con eso! ¡Sí, que no es ésta la vez primera que he llevado embajadas a altas y crecidas señoras en esta vida! — Si no fue la que llevaste a la señora Dulcinea —replicó don Quijote—, yo no sé que hayas llevado otra, a lo menos en mi poder. — Así es verdad —respondió Sancho—, pero al buen pagador no le duelen prendas, y en casa llena presto se guisa la cena; quiero decir que a mí no hay que decirme ni advertirme de nada, que para todo tengo y de todo se me alcanza un poco. — Yo lo creo, Sancho —dijo don Quijote—; ve en buena hora, y Dios te guíe. Partió Sancho de carrera, sacando de su paso al rucio, y llegó donde la bella cazadora estaba, y, apeándose, puesto ante ella de hinojos, le dijo: — Hermosa señora, aquel caballero que allí se parece, llamado el Caballero de los Leones, es mi amo, y yo soy un escudero suyo, a quien llaman en su casa Sancho Panza. Este tal Caballero de los Leones, que no ha mucho que se llamaba el de la Triste Figura, envía por mí a decir a vuestra grandeza sea servida de darle licencia para que, con su propósito y beneplácito y consentimiento, él venga a poner en obra su deseo, que no es otro, según él dice y yo pienso, que de servir a vuestra encumbrada altanería y fermosura; que en dársela vuestra señoría hará cosa que redunde en su pro, y él recibirá señaladísima merced y contento. — Por cierto, buen escudero —respondió la señora—, vos habéis dado la embajada vuestra con todas aquellas circunstancias que las tales embajadas piden. Levantaos del suelo, que escudero de tan gran caballero como es el de la Triste Figura, de quien ya tenemos acá mucha noticia, no es justo que esté de hinojos; levantaos, amigo, y decid a vuestro señor que venga mucho en hora buena a servirse de mí y del duque mi marido, en una casa de placer que aquí tenemos. Levantóse Sancho admirado, así de la hermosura de la buena señora como de su mucha crianza y cortesía, y más de lo que le había dicho que tenía noticia de su señor el Caballero de la Triste Figura, y que si no le había llamado el de los Leones, debía de ser por habérsele puesto tan nuevamente. Preguntóle la duquesa, cuyo título aún no se sabe: — Decidme, hermano escudero: este vuestro señor, ¿no es uno de quien anda impresa una historia que se llama del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha, que tiene por señora de su alma a una tal Dulcinea del Toboso? — El mesmo es, señora —respondió Sancho—; y aquel escudero suyo que anda, o debe de andar, en la tal historia, a quien llaman Sancho Panza, soy yo, si no es que me trocaron en la cuna; quiero decir, que me trocaron en la estampa. — De todo eso me huelgo yo mucho —dijo la duquesa—. Id, hermano Panza, y decid a vuestro señor que él sea el bien llegado y el bien venido a mis estados, y que ninguna cosa me pudiera venir que más contento me diera. Sancho, con esta tan agradable respuesta, con grandísimo gusto volvió a su amo, a quien contó todo lo que la gran señora le había dicho, levantando con sus rústicos términos a los cielos su mucha fermosura, su gran donaire y cortesía. Don Quijote se gallardeó en la silla, púsose bien en los estribos, acomodóse la visera, arremetió a Rocinante, y con gentil denuedo fue a besar las manos a la duquesa; la cual, haciendo llamar al duque, su marido, le contó, en tanto que don Quijote llegaba, toda la embajada suya; y los dos, por haber leído la primera parte desta historia y haber entendido por ella el disparatado humor de don Quijote, con grandísimo gusto y con deseo de conocerle le atendían, con prosupuesto de seguirle el humor y conceder con él en cuanto les dijese, tratándole como a caballero andante los días que con ellos se detuviese, con todas las ceremonias acostumbradas en los libros de caballerías, que ellos habían leído, y aun les eran muy aficionados. En esto, llegó don Quijote, alzada la visera; y, dando muestras de apearse, acudió Sancho a tenerle el estribo; pero fue tan desgraciado que, al apearse del rucio, se le asió un pie en una soga del albarda, de tal modo que no fue posible desenredarle, antes quedó colgado dél, con la boca y los pechos en el suelo. Don Quijote, que no tenía en costumbre apearse sin que le tuviesen el estribo, pensando que ya Sancho había llegado a tenérsele, descargó de golpe el cuerpo, y llevóse tras sí la silla de Rocinante, que debía de estar mal cinchado, y la silla y él vinieron al suelo, no sin vergüenza suya y de muchas maldiciones que entre dientes echó al desdichado de Sancho, que aún todavía tenía el pie en la corma. El duque mandó a sus cazadores que acudiesen al caballero y al escudero, los cuales levantaron a don Quijote maltrecho de la caída, y, renqueando y como pudo, fue a hincar las rodillas ante los dos señores; pero el duque no lo consintió en ninguna manera, antes, apeándose de su caballo, fue a abrazar a don Quijote, diciéndole: — A mí me pesa, señor Caballero de la Triste Figura, que la primera que vuesa merced ha hecho en mi tierra haya sido tan mala como se ha visto; pero descuidos de escuderos suelen ser causa de otros peores sucesos. — El que yo he tenido en veros, valeroso príncipe —respondió don Quijote—, es imposible ser malo, aunque mi caída no parara hasta el profundo de los abismos, pues de allí me levantara y me sacara la gloria de haberos visto. Mi escudero, que Dios maldiga, mejor desata la lengua para decir malicias que ata y cincha una silla para que esté firme; pero, comoquiera que yo me halle, caído o levantado, a pie o a caballo, siempre estaré al servicio vuestro y al de mi señora la duquesa, digna consorte vuestra, y digna señora de la hermosura y universal princesa de la cortesía. — ¡Pasito, mi señor don Quijote de la Mancha! —dijo el duque—, que adonde está mi señora doña Dulcinea del Toboso no es razón que se alaben otras fermosuras. Ya estaba a esta sazón libre Sancho Panza del lazo, y, hallándose allí cerca, antes que su amo respondiese, dijo: — No se puede negar, sino afirmar, que es muy hermosa mi señora Dulcinea del Toboso, pero donde menos se piensa se levanta la liebre; que yo he oído decir que esto que llaman naturaleza es como un alcaller que hace vasos de barro, y el que hace un vaso hermoso también puede hacer dos, y tres y ciento; dígolo porque mi señora la duquesa a fee que no va en zaga a mi ama la señora Dulcinea del Toboso. Volvióse don Quijote a la duquesa y dijo: — Vuestra grandeza imagine que no tuvo caballero andante en el mundo escudero más hablador ni más gracioso del que yo tengo, y él me sacará verdadero si algunos días quisiere vuestra gran celsitud servirse de mí. A lo que respondió la duquesa: — De que Sancho el bueno sea gracioso lo estimo yo en mucho, porque es señal que es discreto; que las gracias y los donaires, señor don Quijote, como vuesa merced bien sabe, no asientan sobre ingenios torpes; y, pues el buen Sancho es gracioso y donairoso, desde aquí le confirmo por discreto. — Y hablador —añadió don Quijote. — Tanto que mejor —dijo el duque—, porque muchas gracias no se pueden decir con pocas palabras. Y, porque no se nos vaya el tiempo en ellas, venga el gran Caballero de la Triste Figura... — De los Leones ha de decir vuestra alteza —dijo Sancho—, que ya no hay Triste Figura, ni figuro. — Sea el de los Leones —prosiguió el duque—. Digo que venga el señor Caballero de los Leones a un castillo mío que está aquí cerca, donde se le hará el acogimiento que a tan alta persona se debe justamente, y el que yo y la duquesa solemos hacer a todos los caballeros andantes que a él llegan. Ya en esto, Sancho había aderezado y cinchado bien la silla a Rocinante; y, subiendo en él don Quijote, y el duque en un hermoso caballo, pusieron a la duquesa en medio y encaminaron al castillo. Mandó la duquesa a Sancho que fuese junto a ella, porque gustaba infinito de oír sus discreciones. No se hizo de rogar Sancho, y entretejióse entre los tres, y hizo cuarto en la conversación, con gran gusto de la duquesa y del duque, que tuvieron a gran ventura acoger en su castillo tal caballero andante y tal escudero andado. Capítulo XXXI. Que trata de muchas y grandes cosas Suma era la alegría que llevaba consigo Sancho, viéndose, a su parecer, en privanza con la duquesa, porque se le figuraba que había de hallar en su castillo lo que en la casa de don Diego y en la de Basilio, siempre aficionado a la buena vida; y así, tomaba la ocasión por la melena en esto del regalarse cada y cuando que se le ofrecía. Cuenta, pues, la historia, que antes que a la casa de placer o castillo llegasen, se adelantó el duque y dio orden a todos sus criados del modo que habían de tratar a don Quijote; el cual, como llegó con la duquesa a las puertas del castillo, al instante salieron dél dos lacayos o palafreneros, vestidos hasta en pies de unas ropas que llaman de levantar, de finísimo raso carmesí, y, cogiendo a don Quijote en brazos, sin ser oído ni visto, le dijeron: — Vaya la vuestra grandeza a apear a mi señora la duquesa. Don Quijote lo hizo, y hubo grandes comedimientos entre los dos sobre el caso; pero, en efecto, venció la porfía de la duquesa, y no quiso decender o bajar del palafrén sino en los brazos del duque, diciendo que no se hallaba digna de dar a tan gran caballero tan inútil carga. En fin, salió el duque a apearla; y al entrar en un gran patio, llegaron dos hermosas doncellas y echaron sobre los hombros a don Quijote un gran manto de finísima escarlata, y en un instante se coronaron todos los corredores del patio de criados y criadas de aquellos señores, diciendo a grandes voces: — ¡Bien sea venido la flor y la nata de los caballeros andantes! Y todos, o los más, derramaban pomos de aguas olorosas sobre don Quijote y sobre los duques, de todo lo cual se admiraba don Quijote; y aquél fue el primer día que de todo en todo conoció y creyó ser caballero andante verdadero, y no fantástico, viéndose tratar del mesmo modo que él había leído se trataban los tales caballeros en los pasados siglos. Sancho, desamparando al rucio, se cosió con la duquesa y se entró en el castillo; y, remordiéndole la conciencia de que dejaba al jumento solo, se llegó a una reverenda dueña, que con otras a recebir a la duquesa había salido, y con voz baja le dijo: — Señora González, o como es su gracia de vuesa merced... — Doña Rodríguez de Grijalba me llamo —respondió la dueña—. ¿Qué es lo que mandáis, hermano? A lo que respondió Sancho: — Querría que vuesa merced me la hiciese de salir a la puerta del castillo, donde hallará un asno rucio mío; vuesa merced sea servida de mandarle poner, o ponerle, en la caballeriza, porque el pobrecito es un poco medroso, y no se hallará a estar solo en ninguna de las maneras. — Si tan discreto es el amo como el mozo —respondió la dueña—, ¡medradas estamos! Andad, hermano, mucho de enhoramala para vos y para quien acá os trujo, y tened cuenta con vuestro jumento, que las dueñas desta casa no estamos acostumbradas a semejantes haciendas. — Pues en verdad —respondió Sancho— que he oído yo decir a mi señor, que es zahorí de las historias, contando aquella de Lanzarote, cuando de Bretaña vino, que damas curaban dél, y dueñas del su rocino; y que en el particular de mi asno, que no le trocara yo con el rocín del señor Lanzarote. — Hermano, si sois juglar —replicó la dueña—, guardad vuestras gracias para donde lo parezcan y se os paguen, que de mi no podréis llevar sino una higa. — ¡Aun bien —respondió Sancho— que será bien madura, pues no perderá vuesa merced la quínola de sus años por punto menos! — Hijo de puta —dijo la dueña, toda ya encendida en cólera—, si soy vieja o no, a Dios daré la cuenta, que no a vos, bellaco, harto de ajos. Y esto dijo en voz tan alta, que lo oyó la duquesa; y, volviendo y viendo a la dueña tan alborotada y tan encarnizados los ojos, le preguntó con quién las había. — Aquí las he —respondió la dueña— con este buen hombre, que me ha pedido encarecidamente que vaya a poner en la caballeriza a un asno suyo que está a la puerta del castillo, trayéndome por ejemplo que así lo hicieron no sé dónde, que unas damas curaron a un tal Lanzarote, y unas dueñas a su rocino, y, sobre todo, por buen término me ha llamado vieja. — Eso tuviera yo por afrenta —respondió la duquesa—, más que cuantas pudieran decirme. Y, hablando con Sancho, le dijo: — Advertid, Sancho amigo, que doña Rodríguez es muy moza, y que aquellas tocas más las trae por autoridad y por la usanza que por los años. — Malos sean los que me quedan por vivir —respondió Sancho—, si lo dije por tanto; sólo lo dije porque es tan grande el cariño que tengo a mi jumento, que me pareció que no podía encomendarle a persona más caritativa que a la señora doña Rodríguez. Don Quijote, que todo lo oía, le dijo: — ¿Pláticas son éstas, Sancho, para este lugar? — Señor —respondió Sancho—, cada uno ha de hablar de su menester dondequiera que estuviere; aquí se me acordó del rucio, y aquí hablé dél; y si en la caballeriza se me acordara, allí hablara. A lo que dijo el duque: — Sancho está muy en lo cierto, y no hay que culparle en nada; al rucio se le dará recado a pedir de boca, y descuide Sancho, que se le tratará como a su mesma persona. Con estos razonamientos, gustosos a todos sino a don Quijote, llegaron a lo alto y entraron a don Quijote en una sala adornada de telas riquísimas de oro y de brocado; seis doncellas le desarmaron y sirvieron de pajes, todas industriadas y advertidas del duque y de la duquesa de lo que habían de hacer, y de cómo habían de tratar a don Quijote, para que imaginase y viese que le trataban como caballero andante. Quedó don Quijote, después de desarmado, en sus estrechos greguescos y en su jubón de camuza, seco, alto, tendido, con las quijadas, que por de dentro se besaba la una con la otra; figura que, a no tener cuenta las doncellas que le servían con disimular la risa —que fue una de las precisas órdenes que sus señores les habían dado—, reventaran riendo. Pidiéronle que se dejase desnudar para una camisa, pero nunca lo consintió, diciendo que la honestidad parecía tan bien en los caballeros andantes como la valentía. Con todo, dijo que diesen la camisa a Sancho, y, encerrándose con él en una cuadra donde estaba un rico lecho, se desnudó y vistió la camisa; y, viéndose solo con Sancho, le dijo: — Dime, truhán moderno y majadero antiguo: ¿parécete bien deshonrar y afrentar a una dueña tan veneranda y tan digna de respeto como aquélla? ¿Tiempos eran aquéllos para acordarte del rucio, o señores son éstos para dejar mal pasar a las bestias, tratando tan elegantemente a sus dueños? Por quien Dios es, Sancho, que te reportes, y que no descubras la hilaza de manera que caigan en la cuenta de que eres de villana y grosera tela tejido. Mira, pecador de ti, que en tanto más es tenido el señor cuanto tiene más honrados y bien nacidos criados, y que una de las ventajas mayores que llevan los príncipes a los demás hombres es que se sirven de criados tan buenos como ellos. ¿No adviertes, angustiado de ti, y malaventurado de mí, que si veen que tú eres un grosero villano, o un mentecato gracioso, pensarán que yo soy algún echacuervos, o algún caballero de mohatra? No, no, Sancho amigo, huye, huye destos inconvinientes, que quien tropieza en hablador y en gracioso, al primer puntapié cae y da en truhán desgraciado. Enfrena la lengua, considera y rumia las palabras antes que te salgan de la boca, y advierte que hemos llegado a parte donde, con el favor de Dios y valor de mi brazo, hemos de salir mejorados en tercio y quinto en fama y en hacienda. Sancho le prometió con muchas veras de coserse la boca, o morderse la lengua, antes de hablar palabra que no fuese muy a propósito y bien considerada, como él se lo mandaba, y que descuidase acerca de lo tal, que nunca por él se descubriría quién ellos eran. Vistióse don Quijote, púsose su tahalí con su espada, echóse el mantón de escarlata a cuestas, púsose una montera de raso verde que las doncellas le dieron, y con este adorno salió a la gran sala, adonde halló a las doncellas puestas en ala, tantas a una parte como a otra, y todas con aderezo de darle aguamanos, la cual le dieron con muchas reverencias y ceremonias. Luego llegaron doce pajes con el maestresala, para llevarle a comer, que ya los señores le aguardaban. Cogiéronle en medio, y, lleno de pompa y majestad, le llevaron a otra sala, donde estaba puesta una rica mesa con solos cuatro servicios. La duquesa y el duque salieron a la puerta de la sala a recebirle, y con ellos un grave eclesiástico, destos que gobiernan las casas de los príncipes; destos que, como no nacen príncipes, no aciertan a enseñar cómo lo han de ser los que lo son; destos que quieren que la grandeza de los grandes se mida con la estrecheza de sus ánimos; destos que, queriendo mostrar a los que ellos gobiernan a ser limitados, les hacen ser miserables; destos tales, digo que debía de ser el grave religioso que con los duques salió a recebir a don Quijote. Hiciéronse mil corteses comedimientos, y, finalmente, cogiendo a don Quijote en medio, se fueron a sentar a la mesa. Convidó el duque a don Quijote con la cabecera de la mesa, y aunque él lo rehusó, las importunaciones del duque fueron tantas que la hubo de tomar. El eclesiástico se sentó frontero, y el duque y la duquesa a los dos lados. A todo estaba presente Sancho, embobado y atónito de ver la honra que a su señor aquellos príncipes le hacían; y, viendo las muchas ceremonias y ruegos que pasaron entre el duque y don Quijote para hacerle sentar a la cabecera de la mesa, dijo: — Si sus mercedes me dan licencia, les contaré un cuento que pasó en mi pueblo acerca desto de los asientos. Apenas hubo dicho esto Sancho, cuando don Quijote tembló, creyendo sin duda alguna que había de decir alguna necedad. Miróle Sancho y entendióle, y dijo: — No tema vuesa merced, señor mío, que yo me desmande, ni que diga cosa que no venga muy a pelo, que no se me han olvidado los consejos que poco ha vuesa merced me dio sobre el hablar mucho o poco, o bien o mal. — Yo no me acuerdo de nada, Sancho —respondió don Quijote—; di lo que quisieres, como lo digas presto. — Pues lo que quiero decir —dijo Sancho— es tan verdad, que mi señor don Quijote, que está presente, no me dejará mentir. — Por mí —replicó don Quijote—, miente tú, Sancho, cuanto quisieres, que yo no te iré a la mano, pero mira lo que vas a decir. — Tan mirado y remirado lo tengo, que a buen salvo está el que repica, como se verá por la obra. — Bien será —dijo don Quijote— que vuestras grandezas manden echar de aquí a este tonto, que dirá mil patochadas. — Por vida del duque —dijo la duquesa—, que no se ha de apartar de mí Sancho un punto: quiérole yo mucho, porque sé que es muy discreto. — Discretos días —dijo Sancho— viva vuestra santidad por el buen crédito que de mí tiene, aunque en mí no lo haya. Y el cuento que quiero decir es éste: «Convidó un hidalgo de mi pueblo, muy rico y principal, porque venía de los Álamos de Medina del Campo, que casó con doña Mencía de Quiñones, que fue hija de don Alonso de Marañón, caballero del hábito de Santiago, que se ahogó en la Herradura, por quien hubo aquella pendencia años ha en nuestro lugar, que, a lo que entiendo, mi señor don Quijote se halló en ella, de donde salió herido Tomasillo el Travieso, el hijo de Balbastro el herrero...» ¿No es verdad todo esto, señor nuestro amo? Dígalo, por su vida, porque estos señores no me tengan por algún hablador mentiroso. — Hasta ahora —dijo el eclesiástico—, más os tengo por hablador que por mentiroso, pero de aquí adelante no sé por lo que os tendré. — Tú das tantos testigos, Sancho, y tantas señas, que no puedo dejar de decir que debes de decir verdad. Pasa adelante y acorta el cuento, porque llevas camino de no acabar en dos días. — No ha de acortar tal —dijo la duquesa—, por hacerme a mí placer; antes, le ha de contar de la manera que le sabe, aunque no le acabe en seis días; que si tantos fuesen, serían para mí los mejores que hubiese llevado en mi vida. — «Digo, pues, señores míos —prosiguió Sancho—, que este tal hidalgo, que yo conozco como a mis manos, porque no hay de mi casa a la suya un tiro de ballesta, convidó un labrador pobre, pero honrado.» — Adelante, hermano —dijo a esta sazón el religioso—, que camino lleváis de no parar con vuestro cuento hasta el otro mundo. — A menos de la mitad pararé, si Dios fuere servido —respondió Sancho—. «Y así, digo que, llegando el tal labrador a casa del dicho hidalgo convidador, que buen poso haya su ánima, que ya es muerto, y por más señas dicen que hizo una muerte de un ángel, que yo no me hallé presente, que había ido por aquel tiempo a segar a Tembleque...» — Por vida vuestra, hijo, que volváis presto de Tembleque, y que, sin enterrar al hidalgo, si no queréis hacer más exequias, acabéis vuestro cuento. — «Es, pues, el caso —replicó Sancho— que, estando los dos para asentarse a la mesa, que parece que ahora los veo más que nunca...» Gran gusto recebían los duques del disgusto que mostraba tomar el buen religioso de la dilación y pausas con que Sancho contaba su cuento, y don Quijote se estaba consumiendo en cólera y en rabia. — «Digo, así —dijo Sancho—, que, estando, como he dicho, los dos para sentarse a la mesa, el labrador porfiaba con el hidalgo que tomase la cabecera de la mesa, y el hidalgo porfiaba también que el labrador la tomase, porque en su casa se había de hacer lo que él mandase; pero el labrador, que presumía de cortés y bien criado, jamás quiso, hasta que el hidalgo, mohíno, poniéndole ambas manos sobre los hombros, le hizo sentar por fuerza, diciéndole: ''Sentaos, majagranzas, que adondequiera que yo me siente será vuestra cabecera''.» Y éste es el cuento, y en verdad que creo que no ha sido aquí traído fuera de propósito. Púsose don Quijote de mil colores, que sobre lo moreno le jaspeaban y se le parecían; los señores disimularon la risa, porque don Quijote no acabase de correrse, habiendo entendido la malicia de Sancho; y, por mudar de plática y hacer que Sancho no prosiguiese con otros disparates, preguntó la duquesa a don Quijote que qué nuevas tenía de la señora Dulcinea, y que si le había enviado aquellos días algunos presentes de gigantes o malandrines, pues no podía dejar de haber vencido muchos. A lo que don Quijote respondió: — Señora mía, mis desgracias, aunque tuvieron principio, nunca tendrán fin. Gigantes he vencido, y follones y malandrines le he enviado, pero ¿adónde la habían de hallar, si está encantada y vuelta en la más fea labradora que imaginar se puede? — No sé —dijo Sancho Panza—, a mí me parece la más hermosa criatura del mundo; a lo menos, en la ligereza y en el brincar bien sé yo que no dará ella la ventaja a un volteador; a buena fe, señora duquesa, así salta desde el suelo sobre una borrica como si fuera un gato. — ¿Habéisla visto vos encantada, Sancho? —preguntó el duque. — Y ¡cómo si la he visto! —respondió Sancho—. Pues, ¿quién diablos sino yo fue el primero que cayó en el achaque del encantorio? ¡Tan encantada está como mi padre! El eclesiástico, que oyó decir de gigantes, de follones y de encantos, cayó en la cuenta de que aquél debía de ser don Quijote de la Mancha, cuya historia leía el duque de ordinario, y él se lo había reprehendido muchas veces, diciéndole que era disparate leer tales disparates; y, enterándose ser verdad lo que sospechaba, con mucha cólera, hablando con el duque, le dijo: — Vuestra Excelencia, señor mío, tiene que dar cuenta a Nuestro Señor de lo que hace este buen hombre. Este don Quijote, o don Tonto, o como se llama, imagino yo que no debe de ser tan mentecato como Vuestra Excelencia quiere que sea, dándole ocasiones a la mano para que lleve adelante sus sandeces y vaciedades. Y, volviendo la plática a don Quijote, le dijo: — Y a vos, alma de cántaro, ¿quién os ha encajado en el celebro que sois caballero andante y que vencéis gigantes y prendéis malandrines? Andad en hora buena, y en tal se os diga: volveos a vuestra casa, y criad vuestros hijos, si los tenéis, y curad de vuestra hacienda, y dejad de andar vagando por el mundo, papando viento y dando que reír a cuantos os conocen y no conocen. ¿En dónde, nora tal, habéis vos hallado que hubo ni hay ahora caballeros andantes? ¿Dónde hay gigantes en España, o malandrines en la Mancha, ni Dulcineas encantadas, ni toda la caterva de las simplicidades que de vos se cuentan? Atento estuvo don Quijote a las razones de aquel venerable varón, y, viendo que ya callaba, sin guardar respeto a los duques, con semblante airado y alborotado rostro, se puso en pie y dijo... Pero esta respuesta capítulo por sí merece. Capítulo XXXII. De la respuesta que dio don Quijote a su reprehensor, con otros graves y graciosos sucesos Levantado, pues, en pie don Quijote, temblando de los pies a la cabeza como azogado, con presurosa y turbada lengua, dijo: — El lugar donde estoy, y la presencia ante quien me hallo y el respeto que siempre tuve y tengo al estado que vuesa merced profesa tienen y atan las manos de mi justo enojo; y, así por lo que he dicho como por saber que saben todos que las armas de los togados son las mesmas que las de la mujer, que son la lengua, entraré con la mía en igual batalla con vuesa merced, de quien se debía esperar antes buenos consejos que infames vituperios. Las reprehensiones santas y bien intencionadas otras circunstancias requieren y otros puntos piden: a lo menos, el haberme reprehendido en público y tan ásperamente ha pasado todos los límites de la buena reprehensión, pues las primeras mejor asientan sobre la blandura que sobre la aspereza, y no es bien que, sin tener conocimiento del pecado que se reprehende, llamar al pecador, sin más ni más, mentecato y tonto. Si no, dígame vuesa merced: ¿por cuál de las mentecaterías que en mí ha visto me condena y vitupera, y me manda que me vaya a mi casa a tener cuenta en el gobierno della y de mi mujer y de mis hijos, sin saber si la tengo o los tengo? ¿No hay más sino a troche moche entrarse por las casas ajenas a gobernar sus dueños, y, habiéndose criado algunos en la estrecheza de algún pupilaje, sin haber visto más mundo que el que puede contenerse en veinte o treinta leguas de distrito, meterse de rondón a dar leyes a la caballería y a juzgar de los caballeros andantes? ¿Por ventura es asumpto vano o es tiempo mal gastado el que se gasta en vagar por el mundo, no buscando los regalos dél, sino las asperezas por donde los buenos suben al asiento de la inmortalidad? Si me tuvieran por tonto los caballeros, los magníficos, los generosos, los altamente nacidos, tuviéralo por afrenta inreparable; pero de que me tengan por sandio los estudiantes, que nunca entraron ni pisaron las sendas de la caballería, no se me da un ardite: caballero soy y caballero he de morir si place al Altísimo. Unos van por el ancho campo de la ambición soberbia; otros, por el de la adulación servil y baja; otros, por el de la hipocresía engañosa, y algunos, por el de la verdadera religión; pero yo, inclinado de mi estrella, voy por la angosta senda de la caballería andante, por cuyo ejercicio desprecio la hacienda, pero no la honra. Yo he satisfecho agravios, enderezado tuertos, castigado insolencias, vencido gigantes y atropellado vestiglos; yo soy enamorado, no más de porque es forzoso que los caballeros andantes lo sean; y, siéndolo, no soy de los enamorados viciosos, sino de los platónicos continentes. Mis intenciones siempre las enderezo a buenos fines, que son de hacer bien a todos y mal a ninguno; si el que esto entiende, si el que esto obra, si el que desto trata merece ser llamado bobo, díganlo vuestras grandezas, duque y duquesa excelentes. — ¡Bien, por Dios! —dijo Sancho—. No diga más vuestra merced, señor y amo mío, en su abono, porque no hay más que decir, ni más que pensar, ni más que perseverar en el mundo. Y más, que, negando este señor, como ha negado, que no ha habido en el mundo, ni los hay, caballeros andantes, ¿qué mucho que no sepa ninguna de las cosas que ha dicho? — ¿Por ventura —dijo el eclesiástico— sois vos, hermano, aquel Sancho Panza que dicen, a quien vuestro amo tiene prometida una ínsula? — Sí soy —respondió Sancho—; y soy quien la merece tan bien como otro cualquiera; soy quien "júntate a los buenos y serás uno dellos", y soy yo de aquellos "no con quien naces, sino con quien paces", y de los "quien a buen árbol se arrima, buena sombra le cobija". Yo me he arrimado a buen señor, y ha muchos meses que ando en su compañía, y he de ser otro como él, Dios queriendo; y viva él y viva yo: que ni a él le faltarán imperios que mandar ni a mí ínsulas que gobernar. — No, por cierto, Sancho amigo —dijo a esta sazón el duque—, que yo, en nombre del señor don Quijote, os mando el gobierno de una que tengo de nones, de no pequeña calidad. — Híncate de rodillas, Sancho —dijo don Quijote—, y besa los pies a Su Excelencia por la merced que te ha hecho. Hízolo así Sancho; lo cual visto por el eclesiástico, se levantó de la mesa, mohíno además, diciendo: — Por el hábito que tengo, que estoy por decir que es tan sandio Vuestra Excelencia como estos pecadores. ¡Mirad si no han de ser ellos locos, pues los cuerdos canonizan sus locuras! Quédese Vuestra Excelencia con ellos; que, en tanto que estuvieren en casa, me estaré yo en la mía, y me escusaré de reprehender lo que no puedo remediar. Y, sin decir más ni comer más, se fue, sin que fuesen parte a detenerle los ruegos de los duques; aunque el duque no le dijo mucho, impedido de la risa que su impertinente cólera le había causado. Acabó de reír y dijo a don Quijote: — Vuesa merced, señor Caballero de los Leones, ha respondido por sí tan altamente que no le queda cosa por satisfacer deste que, aunque parece agravio, no lo es en ninguna manera; porque, así como no agravian las mujeres, no agravian los eclesiásticos, como vuesa merced mejor sabe. — Así es —respondió don Quijote—, y la causa es que el que no puede ser agraviado no puede agraviar a nadie. Las mujeres, los niños y los eclesiásticos, como no pueden defenderse, aunque sean ofendidos, no pueden ser afrentados; porque entre el agravio y la afrenta hay esta diferencia, como mejor Vuestra Excelencia sabe: la afrenta viene de parte de quien la puede hacer, y la hace y la sustenta; el agravio puede venir de cualquier parte, sin que afrente. Sea ejemplo: está uno en la calle descuidado, llegan diez con mano armada, y, dándole de palos, pone mano a la espada y hace su deber, pero la muchedumbre de los contrarios se le opone, y no le deja salir con su intención, que es de vengarse; este tal queda agraviado, pero no afrentado. Y lo mesmo confirmará otro ejemplo: está uno vuelto de espaldas, llega otro y dale de palos, y en dándoselos huye y no espera, y el otro le sigue y no alcanza; este que recibió los palos, recibió agravio, mas no afrenta, porque la afrenta ha de ser sustentada. Si el que le dio los palos, aunque se los dio a hurtacordel, pusiera mano a su espada y se estuviera quedo, haciendo rostro a su enemigo, quedara el apaleado agraviado y afrentado juntamente: agraviado, porque le dieron a traición; afrentado, porque el que le dio sustentó lo que había hecho, sin volver las espaldas y a pie quedo. Y así, según las leyes del maldito duelo, yo puedo estar agraviado, mas no afrentado; porque los niños no sienten, ni las mujeres, ni pueden huir, ni tienen para qué esperar, y lo mesmo los constituidos en la sacra religión, porque estos tres géneros de gente carecen de armas ofensivas y defensivas; y así, aunque naturalmente estén obligados a defenderse, no lo están para ofender a nadie. Y, aunque poco ha dije que yo podía estar agraviado, agora digo que no, en ninguna manera, porque quien no puede recebir afrenta, menos la puede dar; por las cuales razones yo no debo sentir, ni siento, las que aquel buen hombre me ha dicho; sólo quisiera que esperara algún poco, para darle a entender en el error en que está en pensar y decir que no ha habido, ni los hay, caballeros andantes en el mundo; que si lo tal oyera Amadís, o uno de los infinitos de su linaje, yo sé que no le fuera bien a su merced. — Eso juro yo bien —dijo Sancho—: cuchillada le hubieran dado que le abrieran de arriba abajo como una granada, o como a un melón muy maduro. ¡Bonitos eran ellos para sufrir semejantes cosquillas! Para mi santiguada, que tengo por cierto que si Reinaldos de Montalbán hubiera oído estas razones al hombrecito, tapaboca le hubiera dado que no hablara más en tres años. ¡No, sino tomárase con ellos y viera cómo escapaba de sus manos! Perecía de risa la duquesa en oyendo hablar a Sancho, y en su opinión le tenía por más gracioso y por más loco que a su amo; y muchos hubo en aquel tiempo que fueron deste mismo parecer. Finalmente, don Quijote se sosegó, y la comida se acabó, y, en levantando los manteles, llegaron cuatro doncellas, la una con una fuente de plata, y la otra con un aguamanil, asimismo de plata, y la otra con dos blanquísimas y riquísimas toallas al hombro, y la cuarta descubiertos los brazos hasta la mitad, y en sus blancas manos —que sin duda eran blancas— una redonda pella de jabón napolitano. Llegó la de la fuente, y con gentil donaire y desenvoltura encajó la fuente debajo de la barba de don Quijote; el cual, sin hablar palabra, admirado de semejante ceremonia, creyendo que debía ser usanza de aquella tierra en lugar de las manos lavar las barbas, y así tendió la suya todo cuanto pudo, y al mismo punto comenzó a llover el aguamanil, y la doncella del jabón le manoseó las barbas con mucha priesa, levantando copos de nieve, que no eran menos blancas las jabonaduras, no sólo por las barbas, mas por todo el rostro y por los ojos del obediente caballero, tanto, que se los hicieron cerrar por fuerza. El duque y la duquesa, que de nada desto eran sabidores, estaban esperando en qué había de parar tan extraordinario lavatorio. La doncella barbera, cuando le tuvo con un palmo de jabonadura, fingió que se le había acabado el agua, y mandó a la del aguamanil fuese por ella, que el señor don Quijote esperaría. Hízolo así, y quedó don Quijote con la más estraña figura y más para hacer reír que se pudiera imaginar. Mirábanle todos los que presentes estaban, que eran muchos, y como le veían con media vara de cuello, más que medianamente moreno, los ojos cerrados y las barbas llenas de jabón, fue gran maravilla y mucha discreción poder disimular la risa; las doncellas de la burla tenían los ojos bajos, sin osar mirar a sus señores; a ellos les retozaba la cólera y la risa en el cuerpo, y no sabían a qué acudir: o a castigar el atrevimiento de las muchachas, o darles premio por el gusto que recibían de ver a don Quijote de aquella suerte. Finalmente, la doncella del aguamanil vino, y acabaron de lavar a don Quijote, y luego la que traía las toallas le limpió y le enjugó muy reposadamente; y, haciéndole todas cuatro a la par una grande y profunda inclinación y reverencia, se querían ir; pero el duque, porque don Quijote no cayese en la burla, llamó a la doncella de la fuente, diciéndole: — Venid y lavadme a mí, y mirad que no se os acabe el agua. La muchacha, aguda y diligente, llegó y puso la fuente al duque como a don Quijote, y, dándose prisa, le lavaron y jabonaron muy bien, y, dejándole enjuto y limpio, haciendo reverencias se fueron. Después se supo que había jurado el duque que si a él no le lavaran como a don Quijote, había de castigar su desenvoltura, lo cual habían enmendado discretamente con haberle a él jabonado. Estaba atento Sancho a las ceremonias de aquel lavatorio, y dijo entre sí: — ¡Válame Dios! ¿Si será también usanza en esta tierra lavar las barbas a los escuderos como a los caballeros? Porque, en Dios y en mi ánima que lo he bien menester, y aun que si me las rapasen a navaja, lo tendría a más beneficio. — ¿Qué decís entre vos, Sancho? —preguntó la duquesa. — Digo, señora —respondió él—, que en las cortes de los otros príncipes siempre he oído decir que en levantando los manteles dan agua a las manos, pero no lejía a las barbas; y que por eso es bueno vivir mucho, por ver mucho; aunque también dicen que el que larga vida vive mucho mal ha de pasar, puesto que pasar por un lavatorio de éstos antes es gusto que trabajo. — No tengáis pena, amigo Sancho —dijo la duquesa—, que yo haré que mis doncellas os laven, y aun os metan en colada, si fuere menester. — Con las barbas me contento —respondió Sancho—, por ahora a lo menos, que andando el tiempo, Dios dijo lo que será. — Mirad, maestresala —dijo la duquesa—, lo que el buen Sancho pide, y cumplidle su voluntad al pie de la letra. El maestresala respondió que en todo sería servido el señor Sancho, y con esto se fue a comer, y llevó consigo a Sancho, quedándose a la mesa los duques y don Quijote, hablando en muchas y diversas cosas; pero todas tocantes al ejercicio de las armas y de la andante caballería. La duquesa rogó a don Quijote que le delinease y describiese, pues parecía tener felice memoria, la hermosura y facciones de la señora Dulcinea del Toboso; que, según lo que la fama pregonaba de su belleza, tenía por entendido que debía de ser la más bella criatura del orbe, y aun de toda la Mancha. Sospiró don Quijote, oyendo lo que la duquesa le mandaba, y dijo: — Si yo pudiera sacar mi corazón y ponerle ante los ojos de vuestra grandeza, aquí, sobre esta mesa y en un plato, quitara el trabajo a mi lengua de decir lo que apenas se puede pensar, porque Vuestra Excelencia la viera en él toda retratada; pero, ¿para qué es ponerme yo ahora a delinear y describir punto por punto y parte por parte la hermosura de la sin par Dulcinea, siendo carga digna de otros hombros que de los míos, empresa en quien se debían ocupar los pinceles de Parrasio, de Timantes y de Apeles, y los buriles de Lisipo, para pintarla y grabarla en tablas, en mármoles y en bronces, y la retórica ciceroniana y demostina para alabarla? — ¿Qué quiere decir demostina, señor don Quijote —preguntó la duquesa—, que es vocablo que no le he oído en todos los días de mi vida? — Retórica demostina —respondió don Quijote— es lo mismo que decir retórica de Demóstenes, como ciceroniana, de Cicerón, que fueron los dos mayores retóricos del mundo. — Así es —dijo el duque—, y habéis andado deslumbrada en la tal pregunta. Pero, con todo eso, nos daría gran gusto el señor don Quijote si nos la pintase; que a buen seguro que, aunque sea en rasguño y bosquejo, que ella salga tal, que la tengan invidia las más hermosas. — Sí hiciera, por cierto —respondió don Quijote—, si no me la hubiera borrado de la idea la desgracia que poco ha que le sucedió, que es tal, que más estoy para llorarla que para describirla; porque habrán de saber vuestras grandezas que, yendo los días pasados a besarle las manos, y a recebir su bendición, beneplácito y licencia para esta tercera salida, hallé otra de la que buscaba: halléla encantada y convertida de princesa en labradora, de hermosa en fea, de ángel en diablo, de olorosa en pestífera, de bien hablada en rústica, de reposada en brincadora, de luz en tinieblas, y, finalmente, de Dulcinea del Toboso en una villana de Sayago. — ¡Válame Dios! —dando una gran voz, dijo a este instante el duque—. ¿Quién ha sido el que tanto mal ha hecho al mundo? ¿Quién ha quitado dél la belleza que le alegraba, el donaire que le entretenía y la honestidad que le acreditaba? — ¿Quién? —respondió don Quijote—. ¿Quién puede ser sino algún maligno encantador de los muchos invidiosos que me persiguen? Esta raza maldita, nacida en el mundo para escurecer y aniquilar las hazañas de los buenos, y para dar luz y levantar los fechos de los malos. Perseguido me han encantadores, encantadores me persiguen y encantadores me persiguirán hasta dar conmigo y con mis altas caballerías en el profundo abismo del olvido; y en aquella parte me dañan y hieren donde veen que más lo siento, porque quitarle a un caballero andante su dama es quitarle los ojos con que mira, y el sol con que se alumbra, y el sustento con que se mantiene. Otras muchas veces lo he dicho, y ahora lo vuelvo a decir: que el caballero andante sin dama es como el árbol sin hojas, el edificio sin cimiento y la sombra sin cuerpo de quien se cause. — No hay más que decir —dijo la duquesa—; pero si, con todo eso, hemos de dar crédito a la historia que del señor don Quijote de pocos días a esta parte ha salido a la luz del mundo, con general aplauso de las gentes, della se colige, si mal no me acuerdo, que nunca vuesa merced ha visto a la señora Dulcinea, y que esta tal señora no es en el mundo, sino que es dama fantástica, que vuesa merced la engendró y parió en su entendimiento, y la pintó con todas aquellas gracias y perfeciones que quiso. — En eso hay mucho que decir —respondió don Quijote—. Dios sabe si hay Dulcinea o no en el mundo, o si es fantástica o no es fantástica; y éstas no son de las cosas cuya averiguación se ha de llevar hasta el cabo. Ni yo engendré ni parí a mi señora, puesto que la contemplo como conviene que sea una dama que contenga en sí las partes que puedan hacerla famosa en todas las del mundo, como son: hermosa, sin tacha, grave sin soberbia, amorosa con honestidad, agradecida por cortés, cortés por bien criada, y, finalmente, alta por linaje, a causa que sobre la buena sangre resplandece y campea la hermosura con más grados de perfeción que en las hermosas humildemente nacidas. — Así es —dijo el duque—; pero hame de dar licencia el señor don Quijote para que diga lo que me fuerza a decir la historia que de sus hazañas he leído, de donde se infiere que, puesto que se conceda que hay Dulcinea, en el Toboso o fuera dél, y que sea hermosa en el sumo grado que vuesa merced nos la pinta, en lo de la alteza del linaje no corre parejas con las Orianas, con las Alastrajareas, con las Madásimas, ni con otras deste jaez, de quien están llenas las historias que vuesa merced bien sabe. — A eso puedo decir —respondió don Quijote— que Dulcinea es hija de sus obras, y que las virtudes adoban la sangre, y que en más se ha de estimar y tener un humilde virtuoso que un vicioso levantado; cuanto más, que Dulcinea tiene un jirón que la puede llevar a ser reina de corona y ceptro; que el merecimiento de una mujer hermosa y virtuosa a hacer mayores milagros se estiende, y, aunque no formalmente, virtualmente tiene en sí encerradas mayores venturas. — Digo, señor don Quijote —dijo la duquesa—, que en todo cuanto vuestra merced dice va con pie de plomo, y, como suele decirse, con la sonda en la mano; y que yo desde aquí adelante creeré y haré creer a todos los de mi casa, y aun al duque mi señor, si fuere menester, que hay Dulcinea en el Toboso, y que vive hoy día, y es hermosa, y principalmente nacida y merecedora que un tal caballero como es el señor don Quijote la sirva; que es lo más que puedo ni sé encarecer. Pero no puedo dejar de formar un escrúpulo, y tener algún no sé qué de ojeriza contra Sancho Panza: el escrúpulo es que dice la historia referida que el tal Sancho Panza halló a la tal señora Dulcinea, cuando de parte de vuestra merced le llevó una epístola, ahechando un costal de trigo, y, por más señas, dice que era rubión: cosa que me hace dudar en la alteza de su linaje. A lo que respondió don Quijote: — Señora mía, sabrá la vuestra grandeza que todas o las más cosas que a mí me suceden van fuera de los términos ordinarios de las que a los otros caballeros andantes acontecen, o ya sean encaminadas por el querer inescrutable de los hados, o ya vengan encaminadas por la malicia de algún encantador invidioso; y, como es cosa ya averiguada que todos o los más caballeros andantes y famosos, uno tenga gracia de no poder ser encantado, otro de ser de tan impenetrables carnes que no pueda ser herido, como lo fue el famoso Roldán, uno de los doce Pares de Francia, de quien se cuenta que no podía ser ferido sino por la planta del pie izquierdo, y que esto había de ser con la punta de un alfiler gordo, y no con otra suerte de arma alguna; y así, cuando Bernardo del Carpio le mató en Roncesvalles, viendo que no le podía llagar con fierro, le levantó del suelo entre los brazos y le ahogó, acordándose entonces de la muerte que dio Hércules a Anteón, aquel feroz gigante que decían ser hijo de la Tierra. Quiero inferir de lo dicho, que podría ser que yo tuviese alguna gracia déstas, no del no poder ser ferido, porque muchas veces la experiencia me ha mostrado que soy de carnes blandas y no nada impenetrables, ni la de no poder ser encantado, que ya me he visto metido en una jaula, donde todo el mundo no fuera poderoso a encerrarme, si no fuera a fuerzas de encantamentos; pero, pues de aquél me libré, quiero creer que no ha de haber otro alguno que me empezca; y así, viendo estos encantadores que con mi persona no pueden usar de sus malas mañas, vénganse en las cosas que más quiero, y quieren quitarme la vida maltratando la de Dulcinea, por quien yo vivo; y así, creo que, cuando mi escudero le llevó mi embajada, se la convirtieron en villana y ocupada en tan bajo ejercicio como es el de ahechar trigo; pero ya tengo yo dicho que aquel trigo ni era rubión ni trigo, sino granos de perlas orientales; y para prueba desta verdad quiero decir a vuestras magnitudes cómo, viniendo poco ha por el Toboso, jamás pude hallar los palacios de Dulcinea; y que otro día, habiéndola visto Sancho, mi escudero, en su mesma figura, que es la más bella del orbe, a mí me pareció una labradora tosca y fea, y no nada bien razonada, siendo la discreción del mundo; y, pues yo no estoy encantado, ni lo puedo estar, según buen discurso, ella es la encantada, la ofendida y la mudada, trocada y trastrocada, y en ella se han vengado de mí mis enemigos, y por ella viviré yo en perpetuas lágrimas, hasta verla en su prístino estado. Todo esto he dicho para que nadie repare en lo que Sancho dijo del cernido ni del ahecho de Dulcinea; que, pues a mí me la mudaron, no es maravilla que a él se la cambiasen. Dulcinea es principal y bien nacida, y de los hidalgos linajes que hay en el Toboso, que son muchos, antiguos y muy buenos, a buen seguro que no le cabe poca parte a la sin par Dulcinea, por quien su lugar será famoso y nombrado en los venideros siglos, como lo ha sido Troya por Elena, y España por la Cava, aunque con mejor título y fama. Por otra parte, quiero que entiendan vuestras señorías que Sancho Panza es uno de los más graciosos escuderos que jamás sirvió a caballero andante; tiene a veces unas simplicidades tan agudas, que el pensar si es simple o agudo causa no pequeño contento; tiene malicias que le condenan por bellaco, y descuidos que le confirman por bobo; duda de todo y créelo todo; cuando pienso que se va a despeñar de tonto, sale con unas discreciones, que le levantan al cielo. Finalmente, yo no le trocaría con otro escudero, aunque me diesen de añadidura una ciudad; y así, estoy en duda si será bien enviarle al gobierno de quien vuestra grandeza le ha hecho merced; aunque veo en él una cierta aptitud para esto de gobernar, que atusándole tantico el entendimiento, se saldría con cualquiera gobierno, como el rey con sus alcabalas; y más, que ya por muchas experiencias sabemos que no es menester ni mucha habilidad ni muchas letras para ser uno gobernador, pues hay por ahí ciento que apenas saber leer, y gobiernan como unos girifaltes; el toque está en que tengan buena intención y deseen acertar en todo; que nunca les faltará quien les aconseje y encamine en lo que han de hacer, como los gobernadores caballeros y no letrados, que sentencian con asesor. Aconsejaríale yo que ni tome cohecho, ni pierda derecho, y otras cosillas que me quedan en el estómago, que saldrán a su tiempo, para utilidad de Sancho y provecho de la ínsula que gobernare. A este punto llegaban de su coloquio el duque, la duquesa y don Quijote, cuando oyeron muchas voces y gran rumor de gente en el palacio; y a deshora entró Sancho en la sala, todo asustado, con un cernadero por babador, y tras él muchos mozos, o, por mejor decir, pícaros de cocina y otra gente menuda, y uno venía con un artesoncillo de agua, que en la color y poca limpieza mostraba ser de fregar; seguíale y perseguíale el de la artesa, y procuraba con toda solicitud ponérsela y encajársela debajo de las barbas, y otro pícaro mostraba querérselas lavar. — ¿Qué es esto, hermanos? —preguntó la duquesa—. ¿Qué es esto? ¿Qué queréis a ese buen hombre? ¿Cómo y no consideráis que está electo gobernador? A lo que respondió el pícaro barbero: — No quiere este señor dejarse lavar, como es usanza, y como se la lavó el duque mi señor y el señor su amo. — Sí quiero —respondió Sancho con mucha cólera—, pero querría que fuese con toallas más limpias, con lejía mas clara y con manos no tan sucias; que no hay tanta diferencia de mí a mi amo, que a él le laven con agua de ángeles y a mí con lejía de diablos. Las usanzas de las tierras y de los palacios de los príncipes tanto son buenas cuanto no dan pesadumbre, pero la costumbre del lavatorio que aquí se usa peor es que de diciplinantes. Yo estoy limpio de barbas y no tengo necesidad de semejantes refrigerios; y el que se llegare a lavarme ni a tocarme a un pelo de la cabeza, digo, de mi barba, hablando con el debido acatamiento, le daré tal puñada que le deje el puño engastado en los cascos; que estas tales ceremonias y jabonaduras más parecen burlas que gasajos de huéspedes. Perecida de risa estaba la duquesa, viendo la cólera y oyendo las razones de Sancho, pero no dio mucho gusto a don Quijote verle tan mal adeliñado con la jaspeada toalla, y tan rodeado de tantos entretenidos de cocina; y así, haciendo una profunda reverencia a los duques, como que les pedía licencia para hablar, con voz reposada dijo a la canalla: — ¡Hola, señores caballeros! Vuesas mercedes dejen al mancebo, y vuélvanse por donde vinieron, o por otra parte si se les antojare, que mi escudero es limpio tanto como otro, y esas artesillas son para él estrechas y penantes búcaros. Tomen mi consejo y déjenle, porque ni él ni yo sabemos de achaque de burlas. Cogióle la razón de la boca Sancho, y prosiguió diciendo: — ¡No, sino lléguense a hacer burla del mostrenco, que así lo sufriré como ahora es de noche! Traigan aquí un peine, o lo que quisieren, y almohácenme estas barbas, y si sacaren dellas cosa que ofenda a la limpieza, que me trasquilen a cruces. A esta sazón, sin dejar la risa, dijo la duquesa: — Sancho Panza tiene razón en todo cuanto ha dicho, y la tendrá en todo cuanto dijere: él es limpio, y, como él dice, no tiene necesidad de lavarse; y si nuestra usanza no le contenta, su alma en su palma, cuanto más, que vosotros, ministros de la limpieza, habéis andado demasiadamente de remisos y descuidados, y no sé si diga atrevidos, a traer a tal personaje y a tales barbas, en lugar de fuentes y aguamaniles de oro puro y de alemanas toallas, artesillas y dornajos de palo y rodillas de aparadores. Pero, en fin, sois malos y mal nacidos, y no podéis dejar, como malandrines que sois, de mostrar la ojeriza que tenéis con los escuderos de los andantes caballeros. Creyeron los apicarados ministros, y aun el maestresala, que venía con ellos, que la duquesa hablaba de veras; y así, quitaron el cernadero del pecho de Sancho, y todos confusos y casi corridos se fueron y le dejaron; el cual, viéndose fuera de aquel, a su parecer, sumo peligro, se fue a hincar de rodillas ante la duquesa y dijo: — De grandes señoras, grandes mercedes se esperan; esta que la vuestra merced hoy me ha fecho no puede pagarse con menos, si no es con desear verme armado caballero andante, para ocuparme todos los días de mi vida en servir a tan alta señora. Labrador soy, Sancho Panza me llamo, casado soy, hijos tengo y de escudero sirvo: si con alguna destas cosas puedo servir a vuestra grandeza, menos tardaré yo en obedecer que vuestra señoría en mandar. — Bien parece, Sancho —respondió la duquesa—, que habéis aprendido a ser cortés en la escuela de la misma cortesía; bien parece, quiero decir, que os habéis criado a los pechos del señor don Quijote, que debe de ser la nata de los comedimientos y la flor de las ceremonias, o cirimonias, como vos decís. Bien haya tal señor y tal criado: el uno, por norte de la andante caballería; y el otro, por estrella de la escuderil fidelidad. Levantaos, Sancho amigo, que yo satisfaré vuestras cortesías con hacer que el duque mi señor, lo más presto que pudiere, os cumpla la merced prometida del gobierno. Con esto cesó la plática, y don Quijote se fue a reposar la siesta, y la duquesa pidió a Sancho que, si no tenía mucha gana de dormir, viniese a pasar la tarde con ella y con sus doncellas en una muy fresca sala. Sancho respondió que, aunque era verdad que tenía por costumbre dormir cuatro o cinco horas las siestas del verano, que, por servir a su bondad, él procuraría con todas sus fuerzas no dormir aquel día ninguna, y vendría obediente a su mandado, y fuese. El duque dio nuevas órdenes como se tratase a don Quijote como a caballero andante, sin salir un punto del estilo como cuentan que se trataban los antiguos caballeros. Capítulo XXXIII. De la sabrosa plática que la duquesa y sus doncellas pasaron con Sancho Panza, digna de que se lea y de que se note Cuenta, pues, la historia, que Sancho no durmió aquella siesta, sino que, por cumplir su palabra, vino en comiendo a ver a la duquesa; la cual, con el gusto que tenía de oírle, le hizo sentar junto a sí en una silla baja, aunque Sancho, de puro bien criado, no quería sentarse; pero la duquesa le dijo que se sentase como gobernador y hablase como escudero, puesto que por entrambas cosas merecía el mismo escaño del Cid Ruy Díaz Campeador. Encogió Sancho los hombros, obedeció y sentóse, y todas las doncellas y dueñas de la duquesa la rodearon, atentas, con grandísimo silencio, a escuchar lo que diría; pero la duquesa fue la que habló primero, diciendo: — Ahora que estamos solos, y que aquí no nos oye nadie, querría yo que el señor gobernador me asolviese ciertas dudas que tengo, nacidas de la historia que del gran don Quijote anda ya impresa; una de las cuales dudas es que, pues el buen Sancho nunca vio a Dulcinea, digo, a la señora Dulcinea del Toboso, ni le llevó la carta del señor don Quijote, porque se quedó en el libro de memoria en Sierra Morena, cómo se atrevió a fingir la respuesta, y aquello de que la halló ahechando trigo, siendo todo burla y mentira, y tan en daño de la buena opinión de la sin par Dulcinea, y todas que no vienen bien con la calidad y fidelidad de los buenos escuderos. A estas razones, sin responder con alguna, se levantó Sancho de la silla, y, con pasos quedos, el cuerpo agobiado y el dedo puesto sobre los labios, anduvo por toda la sala levantando los doseles; y luego, esto hecho, se volvió a sentar y dijo: — Ahora, señora mía, que he visto que no nos escucha nadie de solapa, fuera de los circunstantes, sin temor ni sobresalto responderé a lo que se me ha preguntado, y a todo aquello que se me preguntare; y lo primero que digo es que yo tengo a mi señor don Quijote por loco rematado, puesto que algunas veces dice cosas que, a mi parecer, y aun de todos aquellos que le escuchan, son tan discretas y por tan buen carril encaminadas, que el mesmo Satanás no las podría decir mejores; pero, con todo esto, verdaderamente y sin escrúpulo, a mí se me ha asentado que es un mentecato. Pues, como yo tengo esto en el magín, me atrevo a hacerle creer lo que no lleva pies ni cabeza, como fue aquello de la respuesta de la carta, y lo de habrá seis o ocho días, que aún no está en historia; conviene a saber: lo del encanto de mi señora doña Dulcinea, que le he dado a entender que está encantada, no siendo más verdad que por los cerros de Úbeda. Rogóle la duquesa que le contase aquel encantamento o burla, y Sancho se lo contó todo del mesmo modo que había pasado, de que no poco gusto recibieron los oyentes; y, prosiguiendo en su plática, dijo la duquesa: — De lo que el buen Sancho me ha contado me anda brincando un escrúpulo en el alma y un cierto susurro llega a mis oídos, que me dice: ''Pues don Quijote de la Mancha es loco, menguado y mentecato, y Sancho Panza su escudero lo conoce, y, con todo eso, le sirve y le sigue y va atenido a las vanas promesas suyas, sin duda alguna debe de ser él más loco y tonto que su amo; y, siendo esto así, como lo es, mal contado te será, señora duquesa, si al tal Sancho Panza le das ínsula que gobierne, porque el que no sabe gobernarse a sí, ¿cómo sabrá gobernar a otros?'' — Par Dios, señora —dijo Sancho—, que ese escrúpulo viene con parto derecho; pero dígale vuesa merced que hable claro, o como quisiere, que yo conozco que dice verdad: que si yo fuera discreto, días ha que había de haber dejado a mi amo. Pero ésta fue mi suerte, y ésta mi malandanza; no puedo más, seguirle tengo: somos de un mismo lugar, he comido su pan, quiérole bien, es agradecido, diome sus pollinos, y, sobre todo, yo soy fiel; y así, es imposible que nos pueda apartar otro suceso que el de la pala y azadón. Y si vuestra altanería no quisiere que se me dé el prometido gobierno, de menos me hizo Dios, y podría ser que el no dármele redundase en pro de mi conciencia; que, maguera tonto, se me entiende aquel refrán de ''por su mal le nacieron alas a la hormiga''; y aun podría ser que se fuese más aína Sancho escudero al cielo, que no Sancho gobernador. Tan buen pan hacen aquí como en Francia; y de noche todos los gatos son pardos, y asaz de desdichada es la persona que a las dos de la tarde no se ha desayunado; y no hay estómago que sea un palmo mayor que otro, el cual se puede llenar, como suele decirse, de paja y de heno; y las avecitas del campo tienen a Dios por su proveedor y despensero; y más calientan cuatro varas de paño de Cuenca que otras cuatro de límiste de Segovia; y al dejar este mundo y meternos la tierra adentro, por tan estrecha senda va el príncipe como el jornalero, y no ocupa más pies de tierra el cuerpo del Papa que el del sacristán, aunque sea más alto el uno que el otro; que al entrar en el hoyo todos nos ajustamos y encogemos, o nos hacen ajustar y encoger, mal que nos pese y a buenas noches. Y torno a decir que si vuestra señoría no me quisiere dar la ínsula por tonto, yo sabré no dárseme nada por discreto; y yo he oído decir que detrás de la cruz está el diablo, y que no es oro todo lo que reluce, y que de entre los bueyes, arados y coyundas sacaron al labrador Wamba para ser rey de España, y de entre los brocados, pasatiempos y riquezas sacaron a Rodrigo para ser comido de culebras, si es que las trovas de los romances antiguos no mienten. — Y ¡cómo que no mienten! —dijo a esta sazón doña Rodríguez la dueña, que era una de las escuchantes—: que un romance hay que dice que metieron al rey Rodrigo, vivo vivo, en una tumba llena de sapos, culebras y lagartos, y que de allí a dos días dijo el rey desde dentro de la tumba, con voz doliente y baja: Ya me comen, ya me comen por do más pecado había; y, según esto, mucha razón tiene este señor en decir que quiere más ser más labrador que rey, si le han de comer sabandijas. No pudo la duquesa tener la risa, oyendo la simplicidad de su dueña, ni dejó de admirarse en oír las razones y refranes de Sancho, a quien dijo: — Ya sabe el buen Sancho que lo que una vez promete un caballero procura cumplirlo, aunque le cueste la vida. El duque, mi señor y marido, aunque no es de los andantes, no por eso deja de ser caballero, y así, cumplirá la palabra de la prometida ínsula, a pesar de la invidia y de la malicia del mundo. Esté Sancho de buen ánimo, que cuando menos lo piense se verá sentado en la silla de su ínsula y en la de su estado, y empuñará su gobierno, que con otro de brocado de tres altos lo deseche. Lo que yo le encargo es que mire cómo gobierna sus vasallos, advirtiendo que todos son leales y bien nacidos. — Eso de gobernarlos bien —respondió Sancho— no hay para qué encargármelo, porque yo soy caritativo de mío y tengo compasión de los pobres; y a quien cuece y amasa, no le hurtes hogaza; y para mi santiguada que no me han de echar dado falso; soy perro viejo, y entiendo todo tus, tus, y sé despabilarme a sus tiempos, y no consiento que me anden musarañas ante los ojos, porque sé dónde me aprieta el zapato: dígolo porque los buenos tendrán conmigo mano y concavidad, y los malos, ni pie ni entrada. Y paréceme a mí que en esto de los gobiernos todo es comenzar, y podría ser que a quince días de gobernador me comiese las manos tras el oficio y supiese más dél que de la labor del campo, en que me he criado. — Vos tenéis razón razón, Sancho —dijo la duquesa—, que nadie nace enseñado, y de los hombres se hacen los obispos, que no de las piedras. Pero, volviendo a la plática que poco ha tratábamos del encanto de la señora Dulcinea, tengo por cosa cierta y más que averiguada que aquella imaginación que Sancho tuvo de burlar a su señor y darle a entender que la labradora era Dulcinea, y que si su señor no la conocía debía de ser por estar encantada, toda fue invención de alguno de los encantadores que al señor don Quijote persiguen; porque real y verdaderamente yo sé de buena parte que la villana que dio el brinco sobre la pollina era y es Dulcinea del Toboso, y que el buen Sancho, pensando ser el engañador, es el engañado; y no hay poner más duda en esta verdad que en las cosas que nunca vimos; y sepa el señor Sancho Panza que también tenemos acá encantadores que nos quieren bien, y nos dicen lo que pasa por el mundo, pura y sencillamente, sin enredos ni máquinas; y créame Sancho que la villana brincadora era y es Dulcinea del Toboso, que está encantada como la madre que la parió; y cuando menos nos pensemos, la habemos de ver en su propia figura, y entonces saldrá Sancho del engaño en que vive. — Bien puede ser todo eso —dijo Sancho Panza—; y agora quiero creer lo que mi amo cuenta de lo que vio en la cueva de Montesinos, donde dice que vio a la señora Dulcinea del Toboso en el mesmo traje y hábito que yo dije que la había visto cuando la encanté por solo mi gusto; y todo debió de ser al revés, como vuesa merced, señora mía, dice, porque de mi ruin ingenio no se puede ni debe presumir que fabricase en un instante tan agudo embuste, ni creo yo que mi amo es tan loco que con tan flaca y magra persuasión como la mía creyese una cosa tan fuera de todo término. Pero, señora, no por esto será bien que vuestra bondad me tenga por malévolo, pues no está obligado un porro como yo a taladrar los pensamientos y malicias de los pésimos encantadores: yo fingí aquello por escaparme de las riñas de mi señor don Quijote, y no con intención de ofenderle; y si ha salido al revés, Dios está en el cielo, que juzga los corazones. — Así es la verdad —dijo la duquesa—; pero dígame agora, Sancho, qué es esto que dice de la cueva de Montesinos, que gustaría saberlo. Entonces Sancho Panza le contó punto por punto lo que queda dicho acerca de la tal aventura. Oyendo lo cual la duquesa, dijo: — Deste suceso se puede inferir que, pues el gran don Quijote dice que vio allí a la mesma labradora que Sancho vio a la salida del Toboso, sin duda es Dulcinea, y que andan por aquí los encantadores muy listos y demasiadamente curiosos. — Eso digo yo —dijo Sancho Panza—, que si mi señora Dulcinea del Toboso está encantada, su daño; que yo no me tengo de tomar, yo, con los enemigos de mi amo, que deben de ser muchos y malos. Verdad sea que la que yo vi fue una labradora, y por labradora la tuve, y por tal labradora la juzgué; y si aquélla era Dulcinea, no ha de estar a mi cuenta, ni ha de correr por mí, o sobre ello, morena. No, sino ándense a cada triquete conmigo a dime y direte, "Sancho lo dijo, Sancho lo hizo, Sancho tornó y Sancho volvió", como si Sancho fuese algún quienquiera, y no fuese el mismo Sancho Panza, el que anda ya en libros por ese mundo adelante, según me dijo Sansón Carrasco, que, por lo menos, es persona bachillerada por Salamanca, y los tales no pueden mentir si no es cuando se les antoja o les viene muy a cuento; así que, no hay para qué nadie se tome conmigo, y pues que tengo buena fama, y, según oí decir a mi señor, que más vale el buen nombre que las muchas riquezas, encájenme ese gobierno y verán maravillas; que quien ha sido buen escudero será buen gobernador. — Todo cuanto aquí ha dicho el buen Sancho —dijo la duquesa— son sentencias catonianas, o, por lo menos, sacadas de las mesmas entrañas del mismo Micael Verino, florentibus occidit annis. En fin, en fin, hablando a su modo, debajo de mala capa suele haber buen bebedor. — En verdad, señora —respondió Sancho—, que en mi vida he bebido de malicia; con sed bien podría ser, porque no tengo nada de hipócrita: bebo cuando tengo gana, y cuando no la tengo y cuando me lo dan, por no parecer o melindroso o malcriado; que a un brindis de un amigo, ¿qué corazón ha de haber tan de mármol que no haga la razón? Pero, aunque las calzo, no las ensucio; cuanto más, que los escuderos de los caballeros andantes, casi de ordinario beben agua, porque siempre andan por florestas, selvas y prados, montañas y riscos, sin hallar una misericordia de vino, si dan por ella un ojo. — Yo lo creo así —respondió la duquesa—. Y por ahora, váyase Sancho a reposar, que después hablaremos más largo y daremos orden como vaya presto a encajarse, como él dice, aquel gobierno. De nuevo le besó las manos Sancho a la duquesa, y le suplicó le hiciese merced de que se tuviese buena cuenta con su rucio, porque era la lumbre de sus ojos. — ¿Qué rucio es éste? —preguntó la duquesa. — Mi asno —respondió Sancho—, que por no nombrarle con este nombre, le suelo llamar el rucio; y a esta señora dueña le rogué, cuando entré en este castillo, tuviese cuenta con él, y azoróse de manera como si la hubiera dicho que era fea o vieja, debiendo ser más propio y natural de las dueñas pensar jumentos que autorizar las salas. ¡Oh, válame Dios, y cuán mal estaba con estas señoras un hidalgo de mi lugar! — Sería algún villano —dijo doña Rodríguez, la dueña—, que si él fuera hidalgo y bien nacido, él las pusiera sobre el cuerno de la luna. — Agora bien —dijo la duquesa—, no haya más: calle doña Rodríguez y sosiéguese el señor Panza, y quédese a mi cargo el regalo del rucio; que, por ser alhaja de Sancho, le pondré yo sobre las niñas de mis ojos. — En la caballeriza basta que esté —respondió Sancho—, que sobre las niñas de los ojos de vuestra grandeza ni él ni yo somos dignos de estar sólo un momento, y así lo consintiría yo como darme de puñaladas; que, aunque dice mi señor que en las cortesías antes se ha de perder por carta de más que de menos, en las jumentiles y así niñas se ha de ir con el compás en la mano y con medido término. — Llévele —dijo la duquesa— Sancho al gobierno, y allá le podrá regalar como quisiere, y aun jubilarle del trabajo. — No piense vuesa merced, señora duquesa, que ha dicho mucho —dijo Sancho—; que yo he visto ir más de dos asnos a los gobiernos, y que llevase yo el mío no sería cosa nueva. Las razones de Sancho renovaron en la duquesa la risa y el contento; y, enviándole a reposar, ella fue a dar cuenta al duque de lo que con él había pasado, y entre los dos dieron traza y orden de hacer una burla a don Quijote que fuese famosa y viniese bien con el estilo caballeresco, en el cual le hicieron muchas, tan propias y discretas, que son las mejores aventuras que en esta grande historia se contienen. Capítulo XXXIV. Que cuenta de la noticia que se tuvo de cómo se había de desencantar la sin par Dulcinea del Toboso, que es una de las aventuras más famosas deste libro Grande era el gusto que recebían el duque y la duquesa de la conversación de don Quijote y de la de Sancho Panza; y, confirmándose en la intención que tenían de hacerles algunas burlas que llevasen vislumbres y apariencias de aventuras, tomaron motivo de la que don Quijote ya les había contado de la cueva de Montesinos, para hacerle una que fuese famosa (pero de lo que más la duquesa se admiraba era que la simplicidad de Sancho fuese tanta que hubiese venido a creer ser verdad infalible que Dulcinea del Toboso estuviese encantada, habiendo sido él mesmo el encantador y el embustero de aquel negocio); y así, habiendo dado orden a sus criados de todo lo que habían de hacer, de allí a seis días le llevaron a caza de montería, con tanto aparato de monteros y cazadores como pudiera llevar un rey coronado. Diéronle a don Quijote un vestido de monte y a Sancho otro verde, de finísimo paño; pero don Quijote no se le quiso poner, diciendo que otro día había de volver al duro ejercicio de las armas y que no podía llevar consigo guardarropas ni reposterías. Sancho sí tomó el que le dieron, con intención de venderle en la primera ocasión que pudiese. Llegado, pues, el esperado día, armóse don Quijote, vistióse Sancho, y, encima de su rucio, que no le quiso dejar aunque le daban un caballo, se metió entre la tropa de los monteros. La duquesa salió bizarramente aderezada, y don Quijote, de puro cortés y comedido, tomó la rienda de su palafrén, aunque el duque no quería consentirlo, y, finalmente, llegaron a un bosque que entre dos altísimas montañas estaba, donde, tomados los puestos, paranzas y veredas, y repartida la gente por diferentes puestos, se comenzó la caza con grande estruendo, grita y vocería, de manera que unos a otros no podían oírse, así por el ladrido de los perros como por el son de las bocinas. Apeóse la duquesa, y, con un agudo venablo en las manos, se puso en un puesto por donde ella sabía que solían venir algunos jabalíes. Apeóse asimismo el duque y don Quijote, y pusiéronse a sus lados; Sancho se puso detrás de todos, sin apearse del rucio, a quien no osara desamparar, porque no le sucediese algún desmán. Y, apenas habían sentado el pie y puesto en ala con otros muchos criados suyos, cuando, acosado de los perros y seguido de los cazadores, vieron que hacia ellos venía un desmesurado jabalí, crujiendo dientes y colmillos y arrojando espuma por la boca; y en viéndole, embrazando su escudo y puesta mano a su espada, se adelantó a recebirle don Quijote. Lo mesmo hizo el duque con su venablo; pero a todos se adelantara la duquesa, si el duque no se lo estorbara. Sólo Sancho, en viendo al valiente animal, desamparó al rucio y dio a correr cuanto pudo, y, procurando subirse sobre una alta encina, no fue posible; antes, estando ya a la mitad dél, asido de una rama, pugnando subir a la cima, fue tan corto de ventura y tan desgraciado, que se desgajó la rama, y, al venir al suelo, se quedó en el aire, asido de un gancho de la encina, sin poder llegar al suelo. Y, viéndose así, y que el sayo verde se le rasgaba, y pareciéndole que si aquel fiero animal allí allegaba le podía alcanzar, comenzó a dar tantos gritos y a pedir socorro con tanto ahínco, que todos los que le oían y no le veían creyeron que estaba entre los dientes de alguna fiera. Finalmente, el colmilludo jabalí quedó atravesado de las cuchillas de muchos venablos que se le pusieron delante; y, volviendo la cabeza don Quijote a los gritos de Sancho, que ya por ellos le había conocido, viole pendiente de la encina y la cabeza abajo, y al rucio junto a él, que no le desamparó en su calamidad; y dice Cide Hamete que pocas veces vio a Sancho Panza sin ver al rucio, ni al rucio sin ver a Sancho: tal era la amistad y buena fe que entre los dos se guardaban. Llegó don Quijote y descolgó a Sancho; el cual, viéndose libre y en el suelo, miró lo desgarrado del sayo de monte, y pesóle en el alma; que pensó que tenía en el vestido un mayorazgo. En esto, atravesaron al jabalí poderoso sobre una acémila, y, cubriéndole con matas de romero y con ramas de mirto, le llevaron, como en señal de vitoriosos despojos, a unas grandes tiendas de campaña que en la mitad del bosque estaban puestas, donde hallaron las mesas en orden y la comida aderezada, tan sumptuosa y grande, que se echaba bien de ver en ella la grandeza y magnificencia de quien la daba. Sancho, mostrando las llagas a la duquesa de su roto vestido, dijo: — Si esta caza fuera de liebres o de pajarillos, seguro estuviera mi sayo de verse en este estremo. Yo no sé qué gusto se recibe de esperar a un animal que, si os alcanza con un colmillo, os puede quitar la vida; yo me acuerdo haber oído cantar un romance antiguo que dice: De los osos seas comido, como Favila el nombrado. — Ése fue un rey godo —dijo don Quijote—, que, yendo a caza de montería, le comió un oso. — Eso es lo que yo digo —respondió Sancho—: que no querría yo que los príncipes y los reyes se pusiesen en semejantes peligros, a trueco de un gusto que parece que no le había de ser, pues consiste en matar a un animal que no ha cometido delito alguno. — Antes os engañáis, Sancho —respondió el duque—, porque el ejercicio de la caza de monte es el más conveniente y necesario para los reyes y príncipes que otro alguno. La caza es una imagen de la guerra: hay en ella estratagemas, astucias, insidias para vencer a su salvo al enemigo; padécense en ella fríos grandísimos y calores intolerables; menoscábase el ocio y el sueño, corrobóranse las fuerzas, agilítanse los miembros del que la usa, y, en resolución, es ejercicio que se puede hacer sin perjuicio de nadie y con gusto de muchos; y lo mejor que él tiene es que no es para todos, como lo es el de los otros géneros de caza, excepto el de la volatería, que también es sólo para reyes y grandes señores. Así que, ¡oh Sancho!, mudad de opinión, y, cuando seáis gobernador, ocupaos en la caza y veréis como os vale un pan por ciento. — Eso no —respondió Sancho—: el buen gobernador, la pierna quebrada y en casa. ¡Bueno sería que viniesen los negociantes a buscarle fatigados y él estuviese en el monte holgándose! ¡Así enhoramala andaría el gobierno! Mía fe, señor, la caza y los pasatiempos más han de ser para los holgazanes que para los gobernadores. En lo que yo pienso entretenerme es en jugar al triunfo envidado las pascuas, y a los bolos los domingos y fiestas; que esas cazas ni cazos no dicen con mi condición ni hacen con mi conciencia. — Plega a Dios, Sancho, que así sea, porque del dicho al hecho hay gran trecho. — Haya lo que hubiere —replicó Sancho—, que al buen pagador no le duelen prendas, y más vale al que Dios ayuda que al que mucho madruga, y tripas llevan pies, que no pies a tripas; quiero decir que si Dios me ayuda, y yo hago lo que debo con buena intención, sin duda que gobernaré mejor que un gerifalte. ¡No, sino pónganme el dedo en la boca y verán si aprieto o no! — ¡Maldito seas de Dios y de todos sus santos, Sancho maldito —dijo don Quijote—, y cuándo será el día, como otras muchas veces he dicho, donde yo te vea hablar sin refranes una razón corriente y concertada! Vuestras grandezas dejen a este tonto, señores míos, que les molerá las almas, no sólo puestas entre dos, sino entre dos mil refranes, traídos tan a sazón y tan a tiempo cuanto le dé Dios a él la salud, o a mí si los querría escuchar. — Los refranes de Sancho Panza —dijo la duquesa—, puesto que son más que los del Comendador Griego, no por eso son en menos de estimar, por la brevedad de las sentencias. De mí sé decir que me dan más gusto que otros, aunque sean mejor traídos y con más sazón acomodados. Con estos y otros entretenidos razonamientos, salieron de la tienda al bosque, y en requerir algunas paranzas, y presto, se les pasó el día y se les vino la noche, y no tan clara ni tan sesga como la sazón del tiempo pedía, que era en la mitad del verano; pero un cierto claroescuro que trujo consigo ayudó mucho a la intención de los duques; y, así como comenzó a anochecer, un poco más adelante del crepúsculo, a deshora pareció que todo el bosque por todas cuatro partes se ardía, y luego se oyeron por aquí y por allí, y por acá y por acullá, infinitas cornetas y otros instrumentos de guerra, como de muchas tropas de caballería que por el bosque pasaba. La luz del fuego, el son de los bélicos instrumentos, casi cegaron y atronaron los ojos y los oídos de los circunstantes, y aun de todos los que en el bosque estaban. Luego se oyeron infinitos lelilíes, al uso de moros cuando entran en las batallas, sonaron trompetas y clarines, retumbaron tambores, resonaron pífaros, casi todos a un tiempo, tan contino y tan apriesa, que no tuviera sentido el que no quedara sin él al son confuso de tantos intrumentos. Pasmóse el duque, suspendióse la duquesa, admiróse don Quijote, tembló Sancho Panza, y, finalmente, aun hasta los mesmos sabidores de la causa se espantaron. Con el temor les cogió el silencio, y un postillón que en traje de demonio les pasó por delante, tocando en voz de corneta un hueco y desmesurado cuerno, que un ronco y espantoso son despedía. — ¡Hola, hermano correo! —dijo el duque—, ¿quién sois, adónde vais, y qué gente de guerra es la que por este bosque parece que atraviesa? A lo que respondió el correo con voz horrísona y desenfadada: — Yo soy el Diablo; voy a buscar a don Quijote de la Mancha; la gente que por aquí viene son seis tropas de encantadores, que sobre un carro triunfante traen a la sin par Dulcinea del Toboso. Encantada viene con el gallardo francés Montesinos, a dar orden a don Quijote de cómo ha de ser desencantada la tal señora. — Si vos fuérades diablo, como decís y como vuestra figura muestra, ya hubiérades conocido al tal caballero don Quijote de la Mancha, pues le tenéis delante. — En Dios y en mi conciencia —respondió el Diablo— que no miraba en ello, porque traigo en tantas cosas divertidos los pensamientos, que de la principal a que venía se me olvidaba. — Sin duda —dijo Sancho— que este demonio debe de ser hombre de bien y buen cristiano, porque, a no serlo, no jurara en Dios y en mi conciencia. Ahora yo tengo para mí que aun en el mesmo infierno debe de haber buena gente. Luego el Demonio, sin apearse, encaminando la vista a don Quijote, dijo: — A ti, el Caballero de los Leones (que entre las garras dellos te vea yo), me envía el desgraciado pero valiente caballero Montesinos, mandándome que de su parte te diga que le esperes en el mismo lugar que te topare, a causa que trae consigo a la que llaman Dulcinea del Toboso, con orden de darte la que es menester para desencantarla. Y, por no ser para más mi venida, no ha de ser más mi estada: los demonios como yo queden contigo, y los ángeles buenos con estos señores. Y, en diciendo esto, tocó el desaforado cuerno, y volvió las espaldas y fuese, sin esperar respuesta de ninguno. Renovóse la admiración en todos, especialmente en Sancho y don Quijote: en Sancho, en ver que, a despecho de la verdad, querían que estuviese encantada Dulcinea; en don Quijote, por no poder asegurarse si era verdad o no lo que le había pasado en la cueva de Montesinos. Y, estando elevado en estos pensamientos, el duque le dijo: — ¿Piensa vuestra merced esperar, señor don Quijote? — Pues ¿no? —respondió él—. Aquí esperaré intrépido y fuerte, si me viniese a embestir todo el infierno. — Pues si yo veo otro diablo y oigo otro cuerno como el pasado, así esperaré yo aquí como en Flandes —dijo Sancho. En esto, se cerró más la noche, y comenzaron a discurrir muchas luces por el bosque, bien así como discurren por el cielo las exhalaciones secas de la tierra, que parecen a nuestra vista estrellas que corren. Oyóse asimismo un espantoso ruido, al modo de aquel que se causa de las ruedas macizas que suelen traer los carros de bueyes, de cuyo chirrío áspero y continuado se dice que huyen los lobos y los osos, si los hay por donde pasan. Añadióse a toda esta tempestad otra que las aumentó todas, que fue que parecía verdaderamente que a las cuatro partes del bosque se estaban dando a un mismo tiempo cuatro rencuentros o batallas, porque allí sonaba el duro estruendo de espantosa artillería, acullá se disparaban infinitas escopetas, cerca casi sonaban las voces de los combatientes, lejos se reiteraban los lililíes agarenos. Finalmente, las cornetas, los cuernos, las bocinas, los clarines, las trompetas, los tambores, la artillería, los arcabuces, y, sobre todo, el temeroso ruido de los carros, formaban todos juntos un son tan confuso y tan horrendo, que fue menester que don Quijote se valiese de todo su corazón para sufrirle; pero el de Sancho vino a tierra, y dio con él desmayado en las faldas de la duquesa, la cual le recibió en ellas, y a gran priesa mandó que le echasen agua en el rostro. Hízose así, y él volvió en su acuerdo, a tiempo que ya un carro de las rechinantes ruedas llegaba a aquel puesto. Tirábanle cuatro perezosos bueyes, todos cubiertos de paramentos negros; en cada cuerno traían atada y encendida una grande hacha de cera, y encima del carro venía hecho un asiento alto, sobre el cual venía sentado un venerable viejo, con una barba más blanca que la mesma nieve, y tan luenga que le pasaba de la cintura; su vestidura era una ropa larga de negro bocací, que, por venir el carro lleno de infinitas luces, se podía bien divisar y discernir todo lo que en él venía. Guiábanle dos feos demonios vestidos del mesmo bocací, con tan feos rostros, que Sancho, habiéndolos visto una vez, cerró los ojos por no verlos otra. Llegando, pues, el carro a igualar al puesto, se levantó de su alto asiento el viejo venerable, y, puesto en pie, dando una gran voz, dijo: — Yo soy el sabio Lirgandeo. Y pasó el carro adelante, sin hablar más palabra. Tras éste pasó otro carro de la misma manera, con otro viejo entronizado; el cual, haciendo que el carro se detuviese, con voz no menos grave que el otro, dijo: — Yo soy el sabio Alquife, el grande amigo de Urganda la Desconocida. Y pasó adelante. Luego, por el mismo continente, llegó otro carro; pero el que venía sentado en el trono no era viejo como los demás, sino hombrón robusto y de mala catadura, el cual, al llegar, levantándose en pie, como los otros, dijo con voz más ronca y más endiablada: — Yo soy Arcaláus el encantador, enemigo mortal de Amadís de Gaula y de toda su parentela. Y pasó adelante. Poco desviados de allí hicieron alto estos tres carros, y cesó el enfadoso ruido de sus ruedas, y luego se oyó otro, no ruido, sino un son de una suave y concertada música formado, con que Sancho se alegró, y lo tuvo a buena señal; y así, dijo a la duquesa, de quien un punto ni un paso se apartaba: — Señora, donde hay música no puede haber cosa mala. — Tampoco donde hay luces y claridad —respondió la duquesa. A lo que replicó Sancho: — Luz da el fuego y claridad las hogueras, como lo vemos en las que nos cercan, y bien podría ser que nos abrasasen, pero la música siempre es indicio de regocijos y de fiestas. — Ello dirá —dijo don Quijote, que todo lo escuchaba. Y dijo bien, como se muestra en el capítulo siguiente. Capítulo XXXV. Donde se prosigue la noticia que tuvo don Quijote del desencanto de Dulcinea, con otros admirables sucesos Al compás de la agradable música vieron que hacia ellos venía un carro de los que llaman triunfales tirado de seis mulas pardas, encubertadas, empero, de lienzo blanco, y sobre cada una venía un diciplinante de luz, asimesmo vestido de blanco, con una hacha de cera grande encendida en la mano. Era el carro dos veces, y aun tres, mayor que los pasados, y los lados, y encima dél, ocupaban doce otros diciplinantes albos como la nieve, todos con sus hachas encendidas, vista que admiraba y espantaba juntamente; y en un levantado trono venía sentada una ninfa, vestida de mil velos de tela de plata, brillando por todos ellos infinitas hojas de argentería de oro, que la hacían, si no rica, a lo menos vistosamente vestida. Traía el rostro cubierto con un transparente y delicado cendal, de modo que, sin impedirlo sus lizos, por entre ellos se descubría un hermosísimo rostro de doncella, y las muchas luces daban lugar para distinguir la belleza y los años, que, al parecer, no llegaban a veinte ni bajaban de diez y siete. Junto a ella venía una figura vestida de una ropa de las que llaman rozagantes, hasta los pies, cubierta la cabeza con un velo negro; pero, al punto que llegó el carro a estar frente a frente de los duques y de don Quijote, cesó la música de las chirimías, y luego la de las arpas y laúdes que en el carro sonaban; y, levantándose en pie la figura de la ropa, la apartó a entrambos lados, y, quitándose el velo del rostro, descubrió patentemente ser la mesma figura de la muerte, descarnada y fea, de que don Quijote recibió pesadumbre y Sancho miedo, y los duques hicieron algún sentimiento temeroso. Alzada y puesta en pie esta muerte viva, con voz algo dormida y con lengua no muy despierta, comenzó a decir desta manera: -Yo soy Merlín, aquel que las historias dicen que tuve por mi padre al diablo (mentira autorizada de los tiempos), príncipe de la Mágica y monarca y archivo de la ciencia zoroástrica, émulo a las edades y a los siglos que solapar pretenden las hazañas de los andantes bravos caballeros a quien yo tuve y tengo gran cariño. Y, puesto que es de los encantadores, de los magos o mágicos contino dura la condición, áspera y fuerte, la mía es tierna, blanda y amorosa, y amiga de hacer bien a todas gentes. En las cavernas lóbregas de Dite, donde estaba mi alma entretenida en formar ciertos rombos y caráteres, llegó la voz doliente de la bella y sin par Dulcinea del Toboso. Supe su encantamento y su desgracia, y su trasformación de gentil dama en rústica aldeana; condolíme, y, encerrando mi espíritu en el hueco desta espantosa y fiera notomía, después de haber revuelto cien mil libros desta mi ciencia endemoniada y torpe, vengo a dar el remedio que conviene a tamaño dolor, a mal tamaño. ¡Oh tú, gloria y honor de cuantos visten las túnicas de acero y de diamante, luz y farol, sendero, norte y guía de aquellos que, dejando el torpe sueño y las ociosas plumas, se acomodan a usar el ejercicio intolerable de las sangrientas y pesadas armas! A ti digo ¡oh varón, como se debe por jamás alabado!, a ti, valiente juntamente y discreto don Quijote, de la Mancha esplendor, de España estrella, que para recobrar su estado primo la sin par Dulcinea del Toboso, es menester que Sancho, tu escudero, se dé tres mil azotes y trecientos en ambas sus valientes posaderas, al aire descubiertas, y de modo que le escuezan, le amarguen y le enfaden. Y en esto se resuelven todos cuantos de su desgracia han sido los autores, y a esto es mi venida, mis señores. — ¡Voto a tal! —dijo a esta sazón Sancho—. No digo yo tres mil azotes, pero así me daré yo tres como tres puñaladas. ¡Válate el diablo por modo de desencantar! ¡Yo no sé qué tienen que ver mis posas con los encantos! ¡Par Dios que si el señor Merlín no ha hallado otra manera como desencantar a la señora Dulcinea del Toboso, encantada se podrá ir a la sepultura! — Tomaros he yo —dijo don Quijote—, don villano, harto de ajos, y amarraros he a un árbol, desnudo como vuestra madre os parió; y no digo yo tres mil y trecientos, sino seis mil y seiscientos azotes os daré, tan bien pegados que no se os caigan a tres mil y trecientos tirones. Y no me repliquéis palabra, que os arrancaré el alma. Oyendo lo cual Merlín, dijo: — No ha de ser así, porque los azotes que ha de recebir el buen Sancho han de ser por su voluntad, y no por fuerza, y en el tiempo que él quisiere; que no se le pone término señalado; pero permítesele que si él quisiere redemir su vejación por la mitad de este vapulamiento, puede dejar que se los dé ajena mano, aunque sea algo pesada. — Ni ajena, ni propia, ni pesada, ni por pesar —replicó Sancho—: a mí no me ha de tocar alguna mano. ¿Parí yo, por ventura, a la señora Dulcinea del Toboso, para que paguen mis posas lo que pecaron sus ojos? El señor mi amo sí, que es parte suya, pues la llama a cada paso mi vida, mi alma, sustento y arrimo suyo, se puede y debe azotar por ella y hacer todas las diligencias necesarias para su desencanto; pero, ¿azotarme yo...? ¡Abernuncio! Apenas acabó de decir esto Sancho, cuando, levantándose en pie la argentada ninfa que junto al espíritu de Merlín venía, quitándose el sutil velo del rostro, le descubrió tal, que a todos pareció mas que demasiadamente hermoso, y, con un desenfado varonil y con una voz no muy adamada, hablando derechamente con Sancho Panza, dijo: — ¡Oh malaventurado escudero, alma de cántaro, corazón de alcornoque, de entrañas guijeñas y apedernaladas! Si te mandaran, ladrón desuellacaras, que te arrojaras de una alta torre al suelo; si te pidieran, enemigo del género humano, que te comieras una docena de sapos, dos de lagartos y tres de culebras; si te persuadieran a que mataras a tu mujer y a tus hijos con algún truculento y agudo alfanje, no fuera maravilla que te mostraras melindroso y esquivo; pero hacer caso de tres mil y trecientos azotes, que no hay niño de la doctrina, por ruin que sea, que no se los lleve cada mes, admira, adarva, espanta a todas las entrañas piadosas de los que lo escuchan, y aun las de todos aquellos que lo vinieren a saber con el discurso del tiempo. Pon, ¡oh miserable y endurecido animal!, pon, digo, esos tus ojos de machuelo espantadizo en las niñas destos míos, comparados a rutilantes estrellas, y veráslos llorar hilo a hilo y madeja a madeja, haciendo surcos, carreras y sendas por los hermosos campos de mis mejillas. Muévate, socarrón y malintencionado monstro, que la edad tan florida mía, que aún se está todavía en el diez y... de los años, pues tengo diez y nueve y no llego a veinte, se consume y marchita debajo de la corteza de una rústica labradora; y si ahora no lo parezco, es merced particular que me ha hecho el señor Merlín, que está presente, sólo porque te enternezca mi belleza; que las lágrimas de una afligida hermosura vuelven en algodón los riscos, y los tigres en ovejas. Date, date en esas carnazas, bestión indómito, y saca de harón ese brío, que a sólo comer y más comer te inclina, y pon en libertad la lisura de mis carnes, la mansedumbre de mi condición y la belleza de mi faz; y si por mí no quieres ablandarte ni reducirte a algún razonable término, hazlo por ese pobre caballero que a tu lado tienes; por tu amo, digo, de quien estoy viendo el alma, que la tiene atravesada en la garganta, no diez dedos de los labios, que no espera sino tu rígida o blanda repuesta, o para salirse por la boca, o para volverse al estómago. Tentóse, oyendo esto, la garganta don Quijote y dijo, volviéndose al duque: — Por Dios, señor, que Dulcinea ha dicho la verdad, que aquí tengo el alma atravesada en la garganta, como una nuez de ballesta. — ¿Qué decís vos a esto, Sancho? —preguntó la duquesa. — Digo, señora —respondió Sancho—, lo que tengo dicho: que de los azotes, abernuncio. — Abrenuncio habéis de decir, Sancho, y no como decís —dijo el duque. — Déjeme vuestra grandeza —respondió Sancho—, que no estoy agora para mirar en sotilezas ni en letras más a menos; porque me tienen tan turbado estos azotes que me han de dar, o me tengo de dar, que no sé lo que me digo, ni lo que me hago. Pero querría yo saber de la señora mi señora doña Dulcina del Toboso adónde aprendió el modo de rogar que tiene: viene a pedirme que me abra las carnes a azotes, y llámame alma de cántaro y bestión indómito, con una tiramira de malos nombres, que el diablo los sufra. ¿Por ventura son mis carnes de bronce, o vame a mí algo en que se desencante o no? ¿Qué canasta de ropa blanca, de camisas, de tocadores y de escarpines, anque no los gasto, trae delante de sí para ablandarme, sino un vituperio y otro, sabiendo aquel refrán que dicen por ahí, que un asno cargado de oro sube ligero por una montaña, y que dádivas quebrantan peñas, y a Dios rogando y con el mazo dando, y que más vale un "toma" que dos "te daré"? Pues el señor mi amo, que había de traerme la mano por el cerro y halagarme para que yo me hiciese de lana y de algodón cardado, dice que si me coge me amarrará desnudo a un árbol y me doblará la parada de los azotes; y habían de considerar estos lastimados señores que no solamente piden que se azote un escudero, sino un gobernador; como quien dice: "bebe con guindas". Aprendan, aprendan mucho de enhoramala a saber rogar, y a saber pedir, y a tener crianza, que no son todos los tiempos unos, ni están los hombres siempre de un buen humor. Estoy yo ahora reventando de pena por ver mi sayo verde roto, y vienen a pedirme que me azote de mi voluntad, estando ella tan ajena dello como de volverme cacique. — Pues en verdad, amigo Sancho —dijo el duque—, que si no os ablandáis más que una breva madura, que no habéis de empuñar el gobierno. ¡Bueno sería que yo enviase a mis insulanos un gobernador cruel, de entrañas pedernalinas, que no se doblega a las lágrimas de las afligidas doncellas, ni a los ruegos de discretos, imperiosos y antiguos encantadores y sabios! En resolución, Sancho, o vos habéis de ser azotado, o os han de azotar, o no habéis de ser gobernador. — Señor —respondió Sancho—, ¿no se me darían dos días de término para pensar lo que me está mejor? — No, en ninguna manera —dijo Merlín—; aquí, en este instante y en este lugar, ha de quedar asentado lo que ha de ser deste negocio, o Dulcinea volverá a la cueva de Montesinos y a su prístino estado de labradora, o ya, en el ser que está, será llevada a los Elíseos Campos, donde estará esperando se cumpla el número del vápulo. — Ea, buen Sancho —dijo la duquesa—, buen ánimo y buena correspondencia al pan que habéis comido del señor don Quijote, a quien todos debemos servir y agradar, por su buena condición y por sus altas caballerías. Dad el sí, hijo, desta azotaina, y váyase el diablo para diablo y el temor para mezquino; que un buen corazón quebranta mala ventura, como vos bien sabéis. A estas razones respondió con éstas disparatadas Sancho, que, hablando con Merlín, le preguntó: — Dígame vuesa merced, señor Merlín: cuando llegó aquí el diablo correo y dio a mi amo un recado del señor Montesinos, mandándole de su parte que le esperase aquí, porque venía a dar orden de que la señora doña Dulcinea del Toboso se desencantase, y hasta agora no hemos visto a Montesinos, ni a sus semejas. A lo cual respondió Merlín: — El Diablo, amigo Sancho, es un ignorante y un grandísimo bellaco: yo le envié en busca de vuestro amo, pero no con recado de Montesinos, sino mío, porque Montesinos se está en su cueva entendiendo, o, por mejor decir, esperando su desencanto, que aún le falta la cola por desollar. Si os debe algo, o tenéis alguna cosa que negociar con él, yo os lo traeré y pondré donde vos más quisiéredes. Y, por agora, acabad de dar el sí desta diciplina, y creedme que os será de mucho provecho, así para el alma como para el cuerpo: para el alma, por la caridad con que la haréis; para el cuerpo, porque yo sé que sois de complexión sanguínea, y no os podrá hacer daño sacaros un poco de sangre. — Muchos médicos hay en el mundo: hasta los encantadores son médicos — replicó Sancho—; pero, pues todos me lo dicen, aunque yo no me lo veo, digo que soy contento de darme los tres mil y trecientos azotes, con condición que me los tengo de dar cada y cuando que yo quisiere, sin que se me ponga tasa en los días ni en el tiempo; y yo procuraré salir de la deuda lo más presto que sea posible, porque goce el mundo de la hermosura de la señora doña Dulcinea del Toboso, pues, según parece, al revés de lo que yo pensaba, en efecto es hermosa. Ha de ser también condición que no he de estar obligado a sacarme sangre con la diciplina, y que si algunos azotes fueren de mosqueo, se me han de tomar en cuenta. Iten, que si me errare en el número, el señor Merlín, pues lo sabe todo, ha de tener cuidado de contarlos y de avisarme los que me faltan o los que me sobran. — De las sobras no habrá que avisar —respondió Merlín—, porque, llegando al cabal número, luego quedará de improviso desencantada la señora Dulcinea, y vendrá a buscar, como agradecida, al buen Sancho, y a darle gracias, y aun premios, por la buena obra. Así que no hay de qué tener escrúpulo de las sobras ni de las faltas, ni el cielo permita que yo engañe a nadie, aunque sea en un pelo de la cabeza. — ¡Ea, pues, a la mano de Dios! —dijo Sancho—. Yo consiento en mi mala ventura; digo que yo acepto la penitencia con las condiciones apuntadas. Apenas dijo estas últimas palabras Sancho, cuando volvió a sonar la música de las chirimías y se volvieron a disparar infinitos arcabuces, y don Quijote se colgó del cuello de Sancho, dándole mil besos en la frente y en las mejillas. La duquesa y el duque y todos los circunstantes dieron muestras de haber recebido grandísimo contento, y el carro comenzó a caminar; y, al pasar, la hermosa Dulcinea inclinó la cabeza a los duques y hizo una gran reverencia a Sancho. Y ya, en esto, se venía a más andar el alba, alegre y risueña: las florecillas de los campos se descollaban y erguían, y los líquidos cristales de los arroyuelos, murmurando por entre blancas y pardas guijas, iban a dar tributo a los ríos que los esperaban. La tierra alegre, el cielo claro, el aire limpio, la luz serena, cada uno por sí y todos juntos, daban manifiestas señales que el día, que al aurora venía pisando las faldas, había de ser sereno y claro. Y, satisfechos los duques de la caza y de haber conseguido su intención tan discreta y felicemente, se volvieron a su castillo, con prosupuesto de segundar en sus burlas, que para ellos no había veras que más gusto les diesen. Capítulo XXXVI. Donde se cuenta la estraña y jamás imaginada aventura de la dueña Dolorida, alias de la condesa Trifaldi, con una carta que Sancho Panza escribió a su mujer Teresa Panza Tenía un mayordomo el duque de muy burlesco y desenfadado ingenio, el cual hizo la figura de Merlín y acomodó todo el aparato de la aventura pasada, compuso los versos y hizo que un paje hiciese a Dulcinea. Finalmente, con intervención de sus señores, ordenó otra del más gracioso y estraño artificio que puede imaginarse. Preguntó la duquesa a Sancho otro día si había comenzado la tarea de la penitencia que había de hacer por el desencanto de Dulcinea. Dijo que sí, y que aquella noche se había dado cinco azotes. Preguntóle la duquesa que con qué se los había dado. Respondió que con la mano. — Eso —replicó la duquesa— más es darse de palmadas que de azotes. Yo tengo para mí que el sabio Merlín no estará contento con tanta blandura; menester será que el buen Sancho haga alguna diciplina de abrojos, o de las de canelones, que se dejen sentir; porque la letra con sangre entra, y no se ha de dar tan barata la libertad de una tan gran señora como lo es Dulcinea por tan poco precio; y advierta Sancho que las obras de caridad que se hacen tibia y flojamente no tienen mérito ni valen nada. A lo que respondió Sancho: — Déme vuestra señoría alguna diciplina o ramal conveniente, que yo me daré con él como no me duela demasiado, porque hago saber a vuesa merced que, aunque soy rústico, mis carnes tienen más de algodón que de esparto, y no será bien que yo me descríe por el provecho ajeno. — Sea en buena hora —respondió la duquesa—: yo os daré mañana una diciplina que os venga muy al justo y se acomode con la ternura de vuestras carnes, como si fueran sus hermanas propias. A lo que dijo Sancho: — Sepa vuestra alteza, señora mía de mi ánima, que yo tengo escrita una carta a mi mujer Teresa Panza, dándole cuenta de todo lo que me ha sucedido después que me aparté della; aquí la tengo en el seno, que no le falta más de ponerle el sobreescrito; querría que vuestra discreción la leyese, porque me parece que va conforme a lo de gobernador, digo, al modo que deben de escribir los gobernadores. — ¿Y quién la notó? —preguntó la duquesa. — ¿Quién la había de notar sino yo, pecador de mí? —respondió Sancho. — ¿Y escribístesla vos? —dijo la duquesa. — Ni por pienso —respondió Sancho—, porque yo no sé leer ni escribir, puesto que sé firmar. — Veámosla —dijo la duquesa—, que a buen seguro que vos mostréis en ella la calidad y suficiencia de vuestro ingenio. Sacó Sancho una carta abierta del seno, y, tomándola la duquesa, vio que decía desta manera: Carta de Sancho Panza a Teresa Panza, su mujer Si buenos azotes me daban, bien caballero me iba; si buen gobierno me tengo, buenos azotes me cuesta. Esto no lo entenderás tú, Teresa mía, por ahora; otra vez lo sabrás. Has de saber, Teresa, que tengo determinado que andes en coche, que es lo que hace al caso, porque todo otro andar es andar a gatas. Mujer de un gobernador eres, ¡mira si te roerá nadie los zancajos! Ahí te envío un vestido verde de cazador, que me dio mi señora la duquesa; acomódale en modo que sirva de saya y cuerpos a nuestra hija. Don Quijote, mi amo, según he oído decir en esta tierra, es un loco cuerdo y un mentecato gracioso, y que yo no le voy en zaga. Hemos estado en la cueva de Montesinos, y el sabio Merlín ha echado mano de mí para el desencanto de Dulcinea del Toboso, que por allá se llama Aldonza Lorenzo: con tres mil y trecientos azotes, menos cinco, que me he de dar, quedará desencantada como la madre que la parió. No dirás desto nada a nadie, porque pon lo tuyo en concejo, y unos dirán que es blanco y otros que es negro. De aquí a pocos días me partiré al gobierno, adonde voy con grandísimo deseo de hacer dineros, porque me han dicho que todos los gobernadores nuevos van con este mesmo deseo; tomaréle el pulso, y avisaréte si has de venir a estar conmigo o no. El rucio está bueno, y se te encomienda mucho; y no le pienso dejar, aunque me llevaran a ser Gran Turco. La duquesa mi señora te besa mil veces las manos; vuélvele el retorno con dos mil, que no hay cosa que menos cueste ni valga más barata, según dice mi amo, que los buenos comedimientos. No ha sido Dios servido de depararme otra maleta con otros cien escudos, como la de marras, pero no te dé pena, Teresa mía, que en salvo está el que repica, y todo saldrá en la colada del gobierno; sino que me ha dado gran pena que me dicen que si una vez le pruebo, que me tengo de comer las manos tras él; y si así fuese, no me costaría muy barato, aunque los estropeados y mancos ya se tienen su calonjía en la limosna que piden; así que, por una vía o por otra, tú has de ser rica, de buena ventura. Dios te la dé, como puede, y a mí me guarde para servirte. Deste castillo, a veinte de julio de 1614. Tu marido el gobernador, Sancho Panza. En acabando la duquesa de leer la carta, dijo a Sancho: — En dos cosas anda un poco descaminado el buen gobernador: la una, en decir o dar a entender que este gobierno se le han dado por los azotes que se ha de dar, sabiendo él, que no lo puede negar, que cuando el duque, mi señor, se le prometió, no se soñaba haber azotes en el mundo; la otra es que se muestra en ella muy codicioso, y no querría que orégano fuese, porque la codicia rompe el saco, y el gobernador codicioso hace la justicia desgobernada. — Yo no lo digo por tanto, señora —respondió Sancho—; y si a vuesa merced le parece que la tal carta no va como ha de ir, no hay sino rasgarla y hacer otra nueva, y podría ser que fuese peor si me lo dejan a mi caletre. — No, no —replicó la duquesa—, buena está ésta, y quiero que el duque la vea. Con esto se fueron a un jardín, donde habían de comer aquel día. Mostró la duquesa la carta de Sancho al duque, de que recibió grandísimo contento. Comieron, y después de alzado los manteles, y después de haberse entretenido un buen espacio con la sabrosa conversación de Sancho, a deshora se oyó el son tristísimo de un pífaro y el de un ronco y destemplado tambor. Todos mostraron alborotarse con la confusa, marcial y triste armonía, especialmente don Quijote, que no cabía en su asiento de puro alborotado; de Sancho no hay que decir sino que el miedo le llevó a su acostumbrado refugio, que era el lado o faldas de la duquesa, porque real y verdaderamente el son que se escuchaba era tristísimo y malencólico. Y, estando todos así suspensos, vieron entrar por el jardín adelante dos hombres vestidos de luto, tan luego y tendido que les arrastraba por el suelo; éstos venían tocando dos grandes tambores, asimismo cubiertos de negro. A su lado venía el pífaro, negro y pizmiento como los demás. Seguía a los tres un personaje de cuerpo agigantado, amantado, no que vestido, con una negrísima loba, cuya falda era asimismo desaforada de grande. Por encima de la loba le ceñía y atravesaba un ancho tahelí, también negro, de quien pendía un desmesurado alfanje de guarniciones y vaina negra. Venía cubierto el rostro con un trasparente velo negro, por quien se entreparecía una longísima barba, blanca como la nieve. Movía el paso al son de los tambores con mucha gravedad y reposo. En fin, su grandeza, su contoneo, su negrura y su acompañamiento pudiera y pudo suspender a todos aquellos que sin conocerle le miraron. Llegó, pues, con el espacio y prosopopeya referida a hincarse de rodillas ante el duque, que en pie, con los demás que allí estaban, le atendía; pero el duque en ninguna manera le consintió hablar hasta que se levantase. Hízolo así el espantajo prodigioso, y, puesto en pie, alzó el antifaz del rostro y hizo patente la más horrenda, la más larga, la más blanca y más poblada barba que hasta entonces humanos ojos habían visto, y luego desencajó y arrancó del ancho y dilatado pecho una voz grave y sonora, y, poniendo los ojos en el duque, dijo: — Altísimo y poderoso señor, a mí me llaman Trifaldín el de la Barba Blanca; soy escudero de la condesa Trifaldi, por otro nombre llamada la Dueña Dolorida, de parte de la cual traigo a vuestra grandeza una embajada, y es que la vuestra magnificencia sea servida de darla facultad y licencia para entrar a decirle su cuita, que es una de las más nuevas y más admirables que el más cuitado pensamiento del orbe pueda haber pensado. Y primero quiere saber si está en este vuestro castillo el valeroso y jamás vencido caballero don Quijote de la Mancha, en cuya busca viene a pie y sin desayunarse desde el reino de Candaya hasta este vuestro estado, cosa que se puede y debe tener a milagro o a fuerza de encantamento. Ella queda a la puerta desta fortaleza o casa de campo, y no aguarda para entrar sino vuestro beneplácito. Dije. Y tosió luego y manoseóse la barba de arriba abajo con entrambas manos, y con mucho sosiego estuvo atendiendo la respuesta del duque, que fue: — Ya, buen escudero Trifaldín de la Blanca Barba, ha muchos días que tenemos noticia de la desgracia de mi señora la condesa Trifaldi, a quien los encantadores la hacen llamar la Dueña Dolorida; bien podéis, estupendo escudero, decirle que entre y que aquí está el valiente caballero don Quijote de la Mancha, de cuya condición generosa puede prometerse con seguridad todo amparo y toda ayuda; y asimismo le podréis decir de mi parte que si mi favor le fuere necesario, no le ha de faltar, pues ya me tiene obligado a dársele el ser caballero, a quien es anejo y concerniente favorecer a toda suerte de mujeres, en especial a las dueñas viudas, menoscabadas y doloridas, cual lo debe estar su señoría. Oyendo lo cual Trifaldín, inclinó la rodilla hasta el suelo, y, haciendo al pífaro y tambores señal que tocasen, al mismo son y al mismo paso que había entrado, se volvió a salir del jardín, dejando a todos admirados de su presencia y compostura. Y, volviéndose el duque a don Quijote, le dijo: — En fin, famoso caballero, no pueden las tinieblas de malicia ni de la ignorancia encubrir y escurecer la luz del valor y de la virtud. Digo esto porque apenas ha seis días que la vuestra bondad está en este castillo, cuando ya os vienen a buscar de lueñas y apartadas tierras, y no en carrozas ni en dromedarios, sino a pie y en ayunas; los tristes, los afligidos, confiados que han de hallar en ese fortísimo brazo el remedio de sus cuitas y trabajos, merced a vuestras grandes hazañas, que corren y rodean todo lo descubierto de la tierra. — Quisiera yo, señor duque —respondió don Quijote—, que estuviera aquí presente aquel bendito religioso que a la mesa el otro día mostró tener tan mal talante y tan mala ojeriza contra los caballeros andantes, para que viera por vista de ojos si los tales caballeros son necesarios en el mundo: tocara, por lo menos, con la mano que los extraordinariamente afligidos y desconsolados, en casos grandes y en desdichas inormes no van a buscar su remedio a las casas de los letrados, ni a la de los sacristanes de las aldeas, ni al caballero que nunca ha acertado a salir de los términos de su lugar, ni al perezoso cortesano que antes busca nuevas para referirlas y contarlas, que procura hacer obras y hazañas para que otros las cuenten y las escriban; el remedio de las cuitas, el socorro de las necesidades, el amparo de las doncellas, el consuelo de las viudas, en ninguna suerte de personas se halla mejor que en los caballeros andantes, y de serlo yo doy infinitas gracias al cielo, y doy por muy bien empleado cualquier desmán y trabajo que en este tan honroso ejercicio pueda sucederme. Venga esta dueña y pida lo que quisiere, que yo le libraré su remedio en la fuerza de mi brazo y en la intrépida resolución de mi animoso espíritu. Capítulo XXXVII. Donde se prosigue la famosa aventura de la dueña Dolorida En estremo se holgaron el duque y la duquesa de ver cuán bien iba respondiendo a su intención don Quijote, y a esta sazón dijo Sancho: — No querría yo que esta señora dueña pusiese algún tropiezo a la promesa de mi gobierno, porque yo he oído decir a un boticario toledano que hablaba como un silguero que donde interviniesen dueñas no podía suceder cosa buena. ¡Válame Dios, y qué mal estaba con ellas el tal boticario! De lo que yo saco que, pues todas las dueñas son enfadosas e impertinentes, de cualquiera calidad y condición que sean, ¿qué serán las que son doloridas, como han dicho que es esta condesa Tres Faldas, o Tres Colas?; que en mi tierra faldas y colas, colas y faldas, todo es uno. — Calla, Sancho amigo —dijo don Quijote—, que, pues esta señora dueña de tan lueñes tierras viene a buscarme, no debe ser de aquellas que el boticario tenía en su número, cuanto más que ésta es condesa, y cuando las condesas sirven de dueñas, será sirviendo a reinas y a emperatrices, que en sus casas son señorísimas que se sirven de otras dueñas. A esto respondió doña Rodríguez, que se halló presente: — Dueñas tiene mi señora la duquesa en su servicio, que pudieran ser condesas si la fortuna quisiera, pero allá van leyes do quieren reyes; y nadie diga mal de las dueñas, y más de las antiguas y doncellas; que, aunque yo no lo soy, bien se me alcanza y se me trasluce la ventaja que hace una dueña doncella a una dueña viuda; y quien a nosotras trasquiló, las tijeras le quedaron en la mano. — Con todo eso —replicó Sancho—, hay tanto que trasquilar en las dueñas, según mi barbero, cuanto será mejor no menear el arroz, aunque se pegue. — Siempre los escuderos —respondió doña Rodríguez— son enemigos nuestros; que, como son duendes de las antesalas y nos veen a cada paso, los ratos que no rezan, que son muchos, los gastan en murmurar de nosotras, desenterrándonos los huesos y enterrándonos la fama. Pues mándoles yo a los leños movibles, que, mal que les pese, hemos de vivir en el mundo, y en las casas principales, aunque muramos de hambre y cubramos con un negro monjil nuestras delicadas o no delicadas carnes, como quien cubre o tapa un muladar con un tapiz en día de procesión. A fe que si me fuera dado, y el tiempo lo pidiera, que yo diera a entender, no sólo a los presentes, sino a todo el mundo, cómo no hay virtud que no se encierre en una dueña. — Yo creo —dijo la duquesa— que mi buena doña Rodríguez tiene razón, y muy grande; pero conviene que aguarde tiempo para volver por sí y por las demás dueñas, para confundir la mala opinión de aquel mal boticario, y desarraigar la que tiene en su pecho el gran Sancho Panza. A lo que Sancho respondió: — Después que tengo humos de gobernador se me han quitado los váguidos de escudero, y no se me da por cuantas dueñas hay un cabrahígo. Adelante pasaran con el coloquio dueñesco, si no oyeran que el pífaro y los tambores volvían a sonar, por donde entendieron que la dueña Dolorida entraba. Preguntó la duquesa al duque si sería bien ir a recebirla, pues era condesa y persona principal. — Por lo que tiene de condesa —respondió Sancho, antes que el duque respondiese—, bien estoy en que vuestras grandezas salgan a recebirla; pero por lo de dueña, soy de parecer que no se muevan un paso. — ¿Quién te mete a ti en esto, Sancho? —dijo don Quijote. — ¿Quién, señor? —respondió Sancho—. Yo me meto, que puedo meterme, como escudero que ha aprendido los términos de la cortesía en la escuela de vuesa merced, que es el más cortés y bien criado caballero que hay en toda la cortesanía; y en estas cosas, según he oído decir a vuesa merced, tanto se pierde por carta de más como por carta de menos; y al buen entendedor, pocas palabras. — Así es, como Sancho dice —dijo el duque—: veremos el talle de la condesa, y por él tantearemos la cortesía que se le debe. En esto, entraron los tambores y el pífaro, como la vez primera. Y aquí, con este breve capítulo, dio fin el autor, y comenzó el otro, siguiendo la mesma aventura, que es una de las más notables de la historia. Capítulo XXXVIII. Donde se cuenta la que dio de su mala andanza la dueña Dolorida Detrás de los tristes músicos comenzaron a entrar por el jardín adelante hasta cantidad de doce dueñas, repartidas en dos hileras, todas vestidas de unos monjiles anchos, al parecer, de anascote batanado, con unas tocas blancas de delgado canequí, tan luengas que sólo el ribete del monjil descubrían. Tras ellas venía la condesa Trifaldi, a quien traía de la mano el escudero Trifaldín de la Blanca Barba, vestida de finísima y negra bayeta por frisar, que, a venir frisada, descubriera cada grano del grandor de un garbanzo de los buenos de Martos. La cola, o falda, o como llamarla quisieren, era de tres puntas, las cuales se sustentaban en las manos de tres pajes, asimesmo vestidos de luto, haciendo una vistosa y matemática figura con aquellos tres ángulos acutos que las tres puntas formaban, por lo cual cayeron todos los que la falda puntiaguda miraron que por ella se debía llamar la condesa Trifaldi, como si dijésemos la condesa de las Tres Faldas; y así dice Benengeli que fue verdad, y que de su propio apellido se llama la condesa Lobuna, a causa que se criaban en su condado muchos lobos, y que si como eran lobos fueran zorras, la llamaran la condesa Zorruna, por ser costumbre en aquellas partes tomar los señores la denominación de sus nombres de la cosa o cosas en que más sus estados abundan; empero esta condesa, por favorecer la novedad de su falda, dejó el Lobuna y tomó el Trifaldi. Venían las doce dueñas y la señora a paso de procesión, cubiertos los rostros con unos velos negros y no trasparentes como el de Trifaldín, sino tan apretados que ninguna cosa se traslucían. Así como acabó de parecer el dueñesco escuadrón, el duque, la duquesa y don Quijote se pusieron en pie, y todos aquellos que la espaciosa procesión miraban. Pararon las doce dueñas y hicieron calle, por medio de la cual la Dolorida se adelantó, sin dejarla de la mano Trifaldín, viendo lo cual el duque, la duquesa y don Quijote, se adelantaron obra de doce pasos a recebirla. Ella, puesta las rodillas en el suelo, con voz antes basta y ronca que sutil y dilicada, dijo: — Vuestras grandezas sean servidas de no hacer tanta cortesía a este su criado; digo, a esta su criada, porque, según soy de dolorida, no acertaré a responder a lo que debo, a causa que mi estraña y jamás vista desdicha me ha llevado el entendimiento no sé adónde, y debe de ser muy lejos, pues cuanto más le busco menos le hallo. — Sin él estaría —respondió el duque—, señora condesa, el que no descubriese por vuestra persona vuestro valor, el cual, sin más ver, es merecedor de toda la nata de la cortesía y de toda la flor de las bien criadas ceremonias. Y, levantándola de la mano, la llevó a asentar en una silla junto a la duquesa, la cual la recibió asimismo con mucho comedimiento. Don Quijote callaba, y Sancho andaba muerto por ver el rostro de la Trifaldi y de alguna de sus muchas dueñas, pero no fue posible hasta que ellas de su grado y voluntad se descubrieron. Sosegados todos y puestos en silencio, estaban esperando quién le había de romper, y fue la dueña Dolorida con estas palabras: — Confiada estoy, señor poderosísimo, hermosísima señora y discretísimos circunstantes, que ha de hallar mi cuitísima en vuestros valerosísimos pechos acogimiento no menos plácido que generoso y doloroso, porque ella es tal, que es bastante a enternecer los mármoles, y a ablandar los diamantes, y a molificar los aceros de los más endurecidos corazones del mundo; pero, antes que salga a la plaza de vuestros oídos, por no decir orejas, quisiera que me hicieran sabidora si está en este gremio, corro y compañía el acendradísimo caballero don Quijote de la Manchísima y su escuderísimo Panza. — El Panza —antes que otro respondiese, dijo Sancho— aquí esta, y el don Quijotísimo asimismo; y así, podréis, dolorosísima dueñísima, decir lo que quisieridísimis, que todos estamos prontos y aparejadísimos a ser vuestros servidorísimos. En esto se levantó don Quijote, y, encaminando sus razones a la Dolorida dueña, dijo: — Si vuestras cuitas, angustiada señora, se pueden prometer alguna esperanza de remedio por algún valor o fuerzas de algún andante caballero, aquí están las mías, que, aunque flacas y breves, todas se emplearán en vuestro servicio. Yo soy don Quijote de la Mancha, cuyo asumpto es acudir a toda suerte de menesterosos, y, siendo esto así, como lo es, no habéis menester, señora, captar benevolencias ni buscar preámbulos, sino, a la llana y sin rodeos, decir vuestros males, que oídos os escuchan que sabrán, si no remediarlos, dolerse dellos. Oyendo lo cual, la Dolorida dueña hizo señal de querer arrojarse a los pies de don Quijote, y aun se arrojó, y, pugnando por abrazárselos, decía: — Ante estos pies y piernas me arrojo, ¡oh caballero invicto!, por ser los que son basas y colunas de la andante caballería; estos pies quiero besar, de cuyos pasos pende y cuelga todo el remedio de mi desgracia, ¡oh valeroso andante, cuyas verdaderas fazañas dejan atrás y escurecen las fabulosas de los Amadises, Esplandianes y Belianises! Y, dejando a don Quijote, se volvió a Sancho Panza, y, asiéndole de las manos, le dijo: — ¡Oh tú, el más leal escudero que jamás sirvió a caballero andante en los presentes ni en los pasados siglos, más luengo en bondad que la barba de Trifaldín, mi acompañador, que está presente!, bien puedes preciarte que en servir al gran don Quijote sirves en cifra a toda la caterva de caballeros que han tratado las armas en el mundo. Conjúrote, por lo que debes a tu bondad fidelísima, me seas buen intercesor con tu dueño, para que luego favorezca a esta humilísima y desdichadísima condesa. A lo que respondió Sancho: — De que sea mi bondad, señoría mía, tan larga y grande como la barba de vuestro escudero, a mí me hace muy poco al caso; barbada y con bigotes tenga yo mi alma cuando desta vida vaya, que es lo que importa, que de las barbas de acá poco o nada me curo; pero, sin esas socaliñas ni plegarias, yo rogaré a mi amo, que sé que me quiere bien, y más agora que me ha menester para cierto negocio, que favorezca y ayude a vuesa merced en todo lo que pudiere. Vuesa merced desembaúle su cuita y cuéntenosla, y deje hacer, que todos nos entenderemos. Reventaban de risa con estas cosas los duques, como aquellos que habían tomado el pulso a la tal aventura, y alababan entre sí la agudeza y disimulación de la Trifaldi, la cual, volviéndose a sentar, dijo: — «Del famoso reino de Candaya, que cae entre la gran Trapobana y el mar del Sur, dos leguas más allá del cabo Comorín, fue señora la reina doña Maguncia, viuda del rey Archipiela, su señor y marido, de cuyo matrimonio tuvieron y procrearon a la infanta Antonomasia, heredera del reino, la cual dicha infanta Antonomasia se crió y creció debajo de mi tutela y doctrina, por ser yo la más antigua y la más principal dueña de su madre. Sucedió, pues, que, yendo días y viniendo días, la niña Antonomasia llegó a edad de catorce años, con tan gran perfeción de hermosura, que no la pudo subir más de punto la naturaleza. ¡Pues digamos agora que la discreción era mocosa! Así era discreta como bella, y era la más bella del mundo, y lo es, si ya los hados invidiosos y las parcas endurecidas no la han cortado la estambre de la vida. Pero no habrán, que no han de permitir los cielos que se haga tanto mal a la tierra como sería llevarse en agraz el racimo del más hermoso veduño del suelo. De esta hermosura, y no como se debe encarecida de mi torpe lengua, se enamoró un número infinito de príncipes, así naturales como estranjeros, entre los cuales osó levantar los pensamientos al cielo de tanta belleza un caballero particular que en la corte estaba, confiado en su mocedad y en su bizarría, y en sus muchas habilidades y gracias, y facilidad y felicidad de ingenio; porque hago saber a vuestras grandezas, si no lo tienen por enojo, que tocaba una guitarra que la hacía hablar, y más que era poeta y gran bailarín, y sabía hacer una jaula de pájaros, que solamente a hacerlas pudiera ganar la vida cuando se viera en estrema necesidad, que todas estas partes y gracias son bastantes a derribar una montaña, no que una delicada doncella. Pero toda su gentileza y buen donaire y todas sus gracias y habilidades fueran poca o ninguna parte para rendir la fortaleza de mi niña, si el ladrón desuellacaras no usara del remedio de rendirme a mí primero. Primero quiso el malandrín y desalmado vagamundo granjearme la voluntad y cohecharme el gusto, para que yo, mal alcaide, le entregase las llaves de la fortaleza que guardaba. En resolución: él me aduló el entendimiento y me rindió la voluntad con no sé qué dijes y brincos que me dio, pero lo que más me hizo postrar y dar conmigo por el suelo fueron unas coplas que le oí cantar una noche desde una reja que caía a una callejuela donde él estaba, que, si mal no me acuerdo, decían: De la dulce mi enemiga nace un mal que al alma hiere, y, por más tormento, quiere que se sienta y no se diga. Parecióme la trova de perlas, y su voz de almíbar, y después acá, digo, desde entonces, viendo el mal en que caí por estos y otros semejantes versos, he considerado que de las buenas y concertadas repúblicas se habían de desterrar los poetas, como aconsejaba Platón, a lo menos, los lascivos, porque escriben unas coplas, no como las del marqués de Mantua, que entretienen y hacen llorar los niños y a las mujeres, sino unas agudezas que, a modo de blandas espinas, os atraviesan el alma, y como rayos os hieren en ella, dejando sano el vestido. Y otra vez cantó: Ven, muerte, tan escondida que no te sienta venir, porque el placer del morir no me torne a dar la vida. Y deste jaez otras coplitas y estrambotes, que cantados encantan y escritos suspenden. Pues, ¿qué cuando se humillan a componer un género de verso que en Candaya se usaba entonces, a quien ellos llamaban seguidillas? Allí era el brincar de las almas, el retozar de la risa, el desasosiego de los cuerpos y, finalmente, el azogue de todos los sentidos. Y así, digo, señores míos, que los tales trovadores con justo título los debían desterrar a las islas de los Lagartos. Pero no tienen ellos la culpa, sino los simples que los alaban y las bobas que los creen; y si yo fuera la buena dueña que debía, no me habían de mover sus trasnochados conceptos, ni había de creer ser verdad aquel decir: "Vivo muriendo, ardo en el yelo, tiemblo en el fuego, espero sin esperanza, pártome y quédome", con otros imposibles desta ralea, de que están sus escritos llenos. Pues, ¿qué cuando prometen el fénix de Arabia, la corona de Aridiana, los caballos del Sol, del Sur las perlas, de Tíbar el oro y de Pancaya el bálsamo? Aquí es donde ellos alargan más la pluma, como les cuesta poco prometer lo que jamás piensan ni pueden cumplir. Pero, ¿dónde me divierto? ¡Ay de mí, desdichada! ¿Qué locura o qué desatino me lleva a contar las ajenas faltas, teniendo tanto que decir de las mías? ¡Ay de mí, otra vez, sin ventura!, que no me rindieron los versos, sino mi simplicidad; no me ablandaron las músicas, sino mi liviandad: mi mucha ignorancia y mi poco advertimiento abrieron el camino y desembarazaron la senda a los pasos de don Clavijo, que éste es el nombre del referido caballero; y así, siendo yo la medianera, él se halló una y muy muchas veces en la estancia de la por mí, y no por él, engañada Antonomasia, debajo del título de verdadero esposo; que, aunque pecadora, no consintiera que sin ser su marido la llegara a la vira de la suela de sus zapatillas. ¡No, no, eso no: el matrimonio ha de ir adelante en cualquier negocio destos que por mí se tratare! Solamente hubo un daño en este negocio, que fue el de la desigualdad, por ser don Clavijo un caballero particular, y la infanta Antonomasia heredera, como ya he dicho, del reino. Algunos días estuvo encubierta y solapada en la sagacidad de mi recato esta maraña, hasta que me pareció que la iba descubriendo a más andar no sé qué hinchazón del vientre de Antonomasia, cuyo temor nos hizo entrar en bureo a los tres, y salió dél que, antes que se saliese a luz el mal recado, don Clavijo pidiese ante el vicario por su mujer a Antonomasia, en fe de una cédula que de ser su esposa la infanta le había hecho, notada por mi ingenio, con tanta fuerza, que las de Sansón no pudieran romperla. Hiciéronse las diligencias, vio el vicario la cédula, tomó el tal vicario la confesión a la señora, confesó de plano, mandóla depositar en casa de un alguacil de corte muy honrado...» A esta sazón, dijo Sancho: — También en Candaya hay alguaciles de corte, poetas y seguidillas, por lo que puedo jurar que imagino que todo el mundo es uno. Pero dése vuesa merced priesa, señora Trifaldi, que es tarde y ya me muero por saber el fin desta tan larga historia. — Sí haré —respondió la condesa. Capítulo XXXIX. Donde la Trifaldi prosigue su estupenda y memorable historia De cualquiera palabra que Sancho decía, la duquesa gustaba tanto como se desesperaba don Quijote; y, mandándole que callase, la Dolorida prosiguió diciendo: — «En fin, al cabo de muchas demandas y respuestas, como la infanta se estaba siempre en sus trece, sin salir ni variar de la primera declaración, el vicario sentenció en favor de don Clavijo, y se la entregó por su legítima esposa, de lo que recibió tanto enojo la reina doña Maguncia, madre de la infanta Antonomasia, que dentro de tres días la enterramos.» — Debió de morir, sin duda —dijo Sancho. — ¡Claro está! —respondió Trifaldín—, que en Candaya no se entierran las personas vivas, sino las muertas. — Ya se ha visto, señor escudero —replicó Sancho—, enterrar un desmayado creyendo ser muerto, y parecíame a mí que estaba la reina Maguncia obligada a desmayarse antes que a morirse; que con la vida muchas cosas se remedian, y no fue tan grande el disparate de la infanta que obligase a sentirle tanto. Cuando se hubiera casado esa señora con algún paje suyo, o con otro criado de su casa, como han hecho otras muchas, según he oído decir, fuera el daño sin remedio; pero el haberse casado con un caballero tan gentilhombre y tan entendido como aquí nos le han pintado, en verdad en verdad que, aunque fue necedad, no fue tan grande como se piensa; porque, según las reglas de mi señor, que está presente y no me dejará mentir, así como se hacen de los hombres letrados los obispos, se pueden hacer de los caballeros, y más si son andantes, los reyes y los emperadores. — Razón tienes, Sancho —dijo don Quijote—, porque un caballero andante, como tenga dos dedos de ventura, está en potencia propincua de ser el mayor señor del mundo. Pero, pase adelante la señora Dolorida, que a mí se me trasluce que le falta por contar lo amargo desta hasta aquí dulce historia. — Y ¡cómo si queda lo amargo! —respondió la condesa—, y tan amargo que en su comparación son dulces las tueras y sabrosas las adelfas. «Muerta, pues, la reina, y no desmayada, la enterramos; y, apenas la cubrimos con la tierra y apenas le dimos el último vale, cuando, quis talia fando temperet a lachrymis?, puesto sobre un caballo de madera, pareció encima de la sepultura de la reina el gigante Malambruno, primo cormano de Maguncia, que junto con ser cruel era encantador, el cual con sus artes, en venganza de la muerte de su cormana, y por castigo del atrevimiento de don Clavijo, y por despecho de la demasía de Antonomasia, los dejó encantados sobre la mesma sepultura: a ella, convertida en una jimia de bronce, y a él, en un espantoso cocodrilo de un metal no conocido, y entre los dos está un padrón, asimismo de metal, y en él escritas en lengua siríaca unas letras que, habiéndose declarado en la candayesca, y ahora en la castellana, encierran esta sentencia: "No cobrarán su primera forma estos dos atrevidos amantes hasta que el valeroso manchego venga conmigo a las manos en singular batalla, que para solo su gran valor guardan los hados esta nunca vista aventura". Hecho esto, sacó de la vaina un ancho y desmesurado alfanje, y, asiéndome a mí por los cabellos, hizo finta de querer segarme la gola y cortarme cercen la cabeza. Turbéme, pegóseme la voz a la garganta, quedé mohína en todo estremo, pero, con todo, me esforcé lo más que pude, y, con voz tembladora y doliente, le dije tantas y tales cosas, que le hicieron suspender la ejecución de tan riguroso castigo. Finalmente, hizo traer ante sí todas las dueñas de palacio, que fueron estas que están presentes, y, después de haber exagerado nuestra culpa y vituperado las condiciones de las dueñas, sus malas mañas y peores trazas, y cargando a todas la culpa que yo sola tenía, dijo que no quería con pena capital castigarnos, sino con otras penas dilatadas, que nos diesen una muerte civil y continua; y, en aquel mismo momento y punto que acabó de decir esto, sentimos todas que se nos abrían los poros de la cara, y que por toda ella nos punzaban como con puntas de agujas. Acudimos luego con las manos a los rostros, y hallámonos de la manera que ahora veréis.» Y luego la Dolorida y las demás dueñas alzaron los antifaces con que cubiertas venían, y descubrieron los rostros, todos poblados de barbas, cuáles rubias, cuáles negras, cuáles blancas y cuáles albarrazadas, de cuya vista mostraron quedar admirados el duque y la duquesa, pasmados don Quijote y Sancho, y atónitos todos los presentes. Y la Trifaldi prosiguió: — «Desta manera nos castigó aquel follón y malintencionado de Malambruno, cubriendo la blandura y morbidez de nuestros rostros con la aspereza destas cerdas, que pluguiera al cielo que antes con su desmesurado alfanje nos hubiera derribado las testas, que no que nos asombrara la luz de nuestras caras con esta borra que nos cubre; porque si entramos en cuenta, señores míos (y esto que voy a decir agora lo quisiera decir hechos mis ojos fuentes, pero la consideración de nuestra desgracia, y los mares que hasta aquí han llovido, los tienen sin humor y secos como aristas, y así, lo diré sin lágrimas), digo, pues, que ¿adónde podrá ir una dueña con barbas? ¿Qué padre o qué madre se dolerá della? ¿Quién la dará ayuda? Pues, aun cuando tiene la tez lisa y el rostro martirizado con mil suertes de menjurjes y mudas, apenas halla quien bien la quiera, ¿qué hará cuando descubra hecho un bosque su rostro? ¡Oh dueñas y compañeras mías, en desdichado punto nacimos, en hora menguada nuestros padres nos engendraron!» Y, diciendo esto, dio muestras de desmayarse. Capítulo XL. De cosas que atañen y tocan a esta aventura y a esta memorable historia Real y verdaderamente, todos los que gustan de semejantes historias como ésta deben de mostrarse agradecidos a Cide Hamete, su autor primero, por la curiosidad que tuvo en contarnos las semínimas della, sin dejar cosa, por menuda que fuese, que no la sacase a luz distintamente: pinta los pensamientos, descubre las imaginaciones, responde a las tácitas, aclara las dudas, resuelve los argumentos; finalmente, los átomos del más curioso deseo manifiesta. ¡Oh autor celebérrimo! ¡Oh don Quijote dichoso! ¡Oh Dulcinea famosa! ¡Oh Sancho Panza gracioso! Todos juntos y cada uno de por sí viváis siglos infinitos, para gusto y general pasatiempo de los vivientes. Dice, pues, la historia que, así como Sancho vio desmayada a la Dolorida, dijo: — Por la fe de hombre de bien, juro, y por el siglo de todos mis pasados los Panzas, que jamás he oído ni visto, ni mi amo me ha contado, ni en su pensamiento ha cabido, semejante aventura como ésta. Válgate mil satanases, por no maldecirte por encantador y gigante, Malambruno; y ¿no hallaste otro género de castigo que dar a estas pecadoras sino el de barbarlas? ¿Cómo y no fuera mejor, y a ellas les estuviera más a cuento, quitarles la mitad de las narices de medio arriba, aunque hablaran gangoso, que no ponerles barbas? Apostaré yo que no tienen hacienda para pagar a quien las rape. — Así es la verdad, señor —respondió una de las doce—, que no tenemos hacienda para mondarnos; y así, hemos tomado algunas de nosotras por remedio ahorrativo de usar de unos pegotes o parches pegajosos, y aplicándolos a los rostros, y tirando de golpe, quedamos rasas y lisas como fondo de mortero de piedra; que, puesto que hay en Candaya mujeres que andan de casa en casa a quitar el vello y a pulir las cejas y hacer otros menjurjes tocantes a mujeres, nosotras las dueñas de mi señora por jamás quisimos admitirlas, porque las más oliscan a terceras, habiendo dejado de ser primas; y si por el señor don Quijote no somos remediadas, con barbas nos llevarán a la sepultura. — Yo me pelaría las mías —dijo don Quijote— en tierra de moros, si no remediase las vuestras. A este punto, volvió de su desmayo la Trifaldi y dijo: — El retintín desa promesa, valeroso caballero, en medio de mi desmayo llegó a mis oídos, y ha sido parte para que yo dél vuelva y cobre todos mis sentidos; y así, de nuevo os suplico, andante ínclito y señor indomable, vuestra graciosa promesa se convierta en obra. — Por mí no quedará —respondió don Quijote—: ved, señora, qué es lo que tengo de hacer, que el ánimo está muy pronto para serviros. — Es el caso —respondió la Dolorida —que desde aquí al reino de Candaya, si se va por tierra, hay cinco mil leguas, dos más a menos; pero si se va por el aire y por la línea recta, hay tres mil y docientas y veinte y siete. Es también de saber que Malambruno me dijo que cuando la suerte me deparase al caballero nuestro libertador, que él le enviaría una cabalgadura harto mejor y con menos malicias que las que son de retorno, porque ha de ser aquel mesmo caballo de madera sobre quien llevó el valeroso Pierres robada a la linda Magalona, el cual caballo se rige por una clavija que tiene en la frente, que le sirve de freno, y vuela por el aire con tanta ligereza que parece que los mesmos diablos le llevan. Este tal caballo, según es tradición antigua, fue compuesto por aquel sabio Merlín; prestósele a Pierres, que era su amigo, con el cual hizo grandes viajes, y robó, como se ha dicho, a la linda Magalona, llevándola a las ancas por el aire, dejando embobados a cuantos desde la tierra los miraban; y no le prestaba sino a quien él quería, o mejor se lo pagaba; y desde el gran Pierres hasta ahora no sabemos que haya subido alguno en él. De allí le ha sacado Malambruno con sus artes, y le tiene en su poder, y se sirve dél en sus viajes, que los hace por momentos, por diversas partes del mundo, y hoy está aquí y mañana en Francia y otro día en Potosí; y es lo bueno que el tal caballo ni come, ni duerme ni gasta herraduras, y lleva un portante por los aires, sin tener alas, que el que lleva encima puede llevar una taza llena de agua en la mano sin que se le derrame gota, según camina llano y reposado; por lo cual la linda Magalona se holgaba mucho de andar caballera en él. A esto dijo Sancho: — Para andar reposado y llano, mi rucio, puesto que no anda por los aires; pero por la tierra, yo le cutiré con cuantos portantes hay en el mundo. Riéronse todos, y la Dolorida prosiguió: — Y este tal caballo, si es que Malambruno quiere dar fin a nuestra desgracia, antes que sea media hora entrada la noche, estará en nuestra presencia, porque él me significó que la señal que me daría por donde yo entendiese que había hallado el caballero que buscaba, sería enviarme el caballo, donde fuese con comodidad y presteza. — Y ¿cuántos caben en ese caballo? —preguntó Sancho. La Dolorida respondió: — Dos personas: la una en la silla y la otra en las ancas; y, por la mayor parte, estas tales dos personas son caballero y escudero, cuando falta alguna robada doncella. — Querría yo saber, señora Dolorida —dijo Sancho—, qué nombre tiene ese caballo. — El nombre —respondió la Dolorida— no es como el caballo de Belorofonte, que se llamaba Pegaso, ni como el del Magno Alejandro, llamado Bucéfalo, ni como el del furioso Orlando, cuyo nombre fue Brilladoro, ni menos Bayarte, que fue el de Reinaldos de Montalbán, ni Frontino, como el de Rugero, ni Bootes ni Peritoa, como dicen que se llaman los del Sol, ni tampoco se llama Orelia, como el caballo en que el desdichado Rodrigo, último rey de los godos, entró en la batalla donde perdió la vida y el reino. — Yo apostaré —dijo Sancho— que, pues no le han dado ninguno desos famosos nombres de caballos tan conocidos, que tampoco le habrán dado el de mi amo, Rocinante, que en ser propio excede a todos los que se han nombrado. — Así es —respondió la barbada condesa—, pero todavía le cuadra mucho, porque se llama Clavileño el Alígero, cuyo nombre conviene con el ser de leño, y con la clavija que trae en la frente, y con la ligereza con que camina; y así, en cuanto al nombre, bien puede competir con el famoso Rocinante. — No me descontenta el nombre —replicó Sancho—, pero ¿con qué freno o con qué jáquima se gobierna? — Ya he dicho —respondió la Trifaldi— que con la clavija, que, volviéndola a una parte o a otra, el caballero que va encima le hace caminar como quiere, o ya por los aires, o ya rastreando y casi barriendo la tierra, o por el medio, que es el que se busca y se ha de tener en todas las acciones bien ordenadas. — Ya lo querría ver —respondió Sancho—, pero pensar que tengo de subir en él, ni en la silla ni en las ancas, es pedir peras al olmo. ¡Bueno es que apenas puedo tenerme en mi rucio, y sobre un albarda más blanda que la mesma seda, y querrían ahora que me tuviese en unas ancas de tabla, sin cojín ni almohada alguna! Pardiez, yo no me pienso moler por quitar las barbas a nadie: cada cual se rape como más le viniere a cuento, que yo no pienso acompañar a mi señor en tan largo viaje. Cuanto más, que yo no debo de hacer al caso para el rapamiento destas barbas como lo soy para el desencanto de mi señora Dulcinea. — Sí sois, amigo —respondió la Trifaldi—, y tanto, que, sin vuestra presencia, entiendo que no haremos nada. — ¡Aquí del rey! —dijo Sancho—: ¿qué tienen que ver los escuderos con las aventuras de sus señores? ¿Hanse de llevar ellos la fama de las que acaban, y hemos de llevar nosotros el trabajo? ¡Cuerpo de mí! Aun si dijesen los historiadores: "El tal caballero acabó la tal y tal aventura, pero con ayuda de fulano, su escudero, sin el cual fuera imposible el acabarla". Pero, ¡que escriban a secas: "Don Paralipomenón de las Tres Estrellas acabó la aventura de los seis vestiglos", sin nombrar la persona de su escudero, que se halló presente a todo, como si no fuera en el mundo! Ahora, señores, vuelvo a decir que mi señor se puede ir solo, y buen provecho le haga, que yo me quedaré aquí, en compañía de la duquesa mi señora, y podría ser que cuando volviese hallase mejorada la causa de la señora Dulcinea en tercio y quinto; porque pienso, en los ratos ociosos y desocupados, darme una tanda de azotes que no me la cubra pelo. — Con todo eso, le habéis de acompañar si fuere necesario, buen Sancho, porque os lo rogarán buenos; que no han de quedar por vuestro inútil temor tan poblados los rostros destas señoras; que, cierto, sería mal caso. — ¡Aquí del rey otra vez! —replicó Sancho—. Cuando esta caridad se hiciera por algunas doncellas recogidas, o por algunas niñas de la doctrina, pudiera el hombre aventurarse a cualquier trabajo, pero que lo sufra por quitar las barbas a dueñas, ¡mal año! Mas que las viese yo a todas con barbas, desde la mayor hasta la menor, y de la más melindrosa hasta la más repulgada. — Mal estáis con las dueñas, Sancho amigo —dijo la duquesa—: mucho os vais tras la opinión del boticario toledano. Pues a fe que no tenéis razón; que dueñas hay en mi casa que pueden ser ejemplo de dueñas, que aquí está mi doña Rodríguez, que no me dejará decir otra cosa. — Mas que la diga vuestra excelencia —dijo Rodríguez—, que Dios sabe la verdad de todo, y buenas o malas, barbadas o lampiñas que seamos las dueñas, también nos parió nuestra madre como a las otras mujeres; y, pues Dios nos echó en el mundo, Él sabe para qué, y a su misericordia me atengo, y no a las barbas de nadie. — Ahora bien, señora Rodríguez —dijo don Quijote—, y señora Trifaldi y compañía, yo espero en el cielo que mirará con buenos ojos vuestras cuitas, que Sancho hará lo que yo le mandare, ya viniese Clavileño y ya me viese con Malambruno; que yo sé que no habría navaja que con más facilidad rapase a vuestras mercedes como mi espada raparía de los hombros la cabeza de Malambruno; que Dios sufre a los malos, pero no para siempre. — ¡Ay! —dijo a esta sazón la Dolorida—, con benignos ojos miren a vuestra grandeza, valeroso caballero, todas las estrellas de las regiones celestes, e infundan en vuestro ánimo toda prosperidad y valentía para ser escudo y amparo del vituperoso y abatido género dueñesco, abominado de boticarios, murmurado de escuderos y socaliñado de pajes; que mal haya la bellaca que en la flor de su edad no se metió primero a ser monja que a dueña. ¡Desdichadas de nosotras las dueñas, que, aunque vengamos por línea recta, de varón en varón, del mismo Héctor el troyano, no dejaran de echaros un vos nuestras señoras, si pensasen por ello ser reinas! ¡Oh gigante Malambruno, que, aunque eres encantador, eres certísimo en tus promesas!, envíanos ya al sin par Clavileño, para que nuestra desdicha se acabe, que si entra el calor y estas nuestras barbas duran, ¡guay de nuestra ventura! Dijo esto con tanto sentimiento la Trifaldi, que sacó las lágrimas de los ojos de todos los circunstantes, y aun arrasó los de Sancho, y propuso en su corazón de acompañar a su señor hasta las últimas partes del mundo, si es que en ello consistiese quitar la lana de aquellos venerables rostros. Capítulo XLI. De la venida de Clavileño, con el fin desta dilatada aventura Llegó en esto la noche, y con ella el punto determinado en que el famoso caballo Clavileño viniese, cuya tardanza fatigaba ya a don Quijote, pareciéndole que, pues Malambruno se detenía en enviarle, o que él no era el caballero para quien estaba guardada aquella aventura, o que Malambruno no osaba venir con él a singular batalla. Pero veis aquí cuando a deshora entraron por el jardín cuatro salvajes, vestidos todos de verde yedra, que sobre sus hombros traían un gran caballo de madera. Pusiéronle de pies en el suelo, y uno de los salvajes dijo: — Suba sobre esta máquina el que tuviere ánimo para ello. — Aquí —dijo Sancho— yo no subo, porque ni tengo ánimo ni soy caballero. Y el salvaje prosiguió diciendo: — Y ocupe las ancas el escudero, si es que lo tiene, y fíese del valeroso Malambruno, que si no fuere de su espada, de ninguna otra, ni de otra malicia, será ofendido; y no hay más que torcer esta clavija que sobre el cuello trae puesta, que él los llevará por los aires adonde los atiende Malambruno; pero, porque la alteza y sublimidad del camino no les cause váguidos, se han de cubrir los ojos hasta que el caballo relinche, que será señal de haber dado fin a su viaje. Esto dicho, dejando a Clavileño, con gentil continente se volvieron por donde habían venido. La Dolorida, así como vio al caballo, casi con lágrimas dijo a don Quijote: — Valeroso caballero, las promesas de Malambruno han sido ciertas: el caballo está en casa, nuestras barbas crecen, y cada una de nosotras y con cada pelo dellas te suplicamos nos rapes y tundas, pues no está en más sino en que subas en él con tu escudero y des felice principio a vuestro nuevo viaje. — Eso haré yo, señora condesa Trifaldi, de muy buen grado y de mejor talante, sin ponerme a tomar cojín, ni calzarme espuelas, por no detenerme: tanta es la gana que tengo de veros a vos, señora, y a todas estas dueñas rasas y mondas. — Eso no haré yo —dijo Sancho—, ni de malo ni de buen talante, en ninguna manera; y si es que este rapamiento no se puede hacer sin que yo suba a las ancas, bien puede buscar mi señor otro escudero que le acompañe, y estas señoras otro modo de alisarse los rostros; que yo no soy brujo, para gustar de andar por los aires. Y ¿qué dirán mis insulanos cuando sepan que su gobernador se anda paseando por los vientos? Y otra cosa más: que habiendo tres mil y tantas leguas de aquí a Candaya, si el caballo se cansa o el gigante se enoja, tardaremos en dar la vuelta media docena de años, y ya ni habrá ínsula ni ínsulos en el mundo que me conozan; y, pues se dice comúnmente que en la tardanza va el peligro, y que cuando te dieren la vaquilla acudas con la soguilla, perdónenme las barbas destas señoras, que bien se está San Pedro en Roma; quiero decir que bien me estoy en esta casa, donde tanta merced se me hace y de cuyo dueño tan gran bien espero como es verme gobernador. A lo que el duque dijo: — Sancho amigo, la ínsula que yo os he prometido no es movible ni fugitiva: raíces tiene tan hondas, echadas en los abismos de la tierra, que no la arrancarán ni mudarán de donde está a tres tirones; y, pues vos sabéis que sé yo que no hay ninguno género de oficio destos de mayor cantía que no se granjee con alguna suerte de cohecho, cuál más, cuál menos, el que yo quiero llevar por este gobierno es que vais con vuestro señor don Quijote a dar cima y cabo a esta memorable aventura; que ahora volváis sobre Clavileño con la brevedad que su ligereza promete, ora la contraria fortuna os traiga y vuelva a pie, hecho romero, de mesón en mesón y de venta en venta, siempre que volviéredes hallaréis vuestra ínsula donde la dejáis, y a vuestros insulanos con el mesmo deseo de recebiros por su gobernador que siempre han tenido, y mi voluntad será la mesma; y no pongáis duda en esta verdad, señor Sancho, que sería hacer notorio agravio al deseo que de serviros tengo. — No más, señor —dijo Sancho—: yo soy un pobre escudero y no puedo llevar a cuestas tantas cortesías; suba mi amo, tápenme estos ojos y encomiéndenme a Dios, y avísenme si cuando vamos por esas altanerías podré encomendarme a Nuestro Señor o invocar los ángeles que me favorezcan. A lo que respondió Trifaldi: — Sancho, bien podéis encomendaros a Dios o a quien quisiéredes, que Malambruno, aunque es encantador, es cristiano, y hace sus encantamentos con mucha sagacidad y con mucho tiento, sin meterse con nadie. — ¡Ea, pues —dijo Sancho—, Dios me ayude y la Santísima Trinidad de Gaeta! — Desde la memorable aventura de los batanes —dijo don Quijote—, nunca he visto a Sancho con tanto temor como ahora, y si yo fuera tan agorero como otros, su pusilanimidad me hiciera algunas cosquillas en el ánimo. Pero llegaos aquí, Sancho, que con licencia destos señores os quiero hablar aparte dos palabras. Y, apartando a Sancho entre unos árboles del jardín y asiéndole ambas las manos, le dijo: — Ya vees, Sancho hermano, el largo viaje que nos espera, y que sabe Dios cuándo volveremos dél, ni la comodidad y espacio que nos darán los negocios; así, querría que ahora te retirases en tu aposento, como que vas a buscar alguna cosa necesaria para el camino, y, en un daca las pajas, te dieses, a buena cuenta de los tres mil y trecientos azotes a que estás obligado, siquiera quinientos, que dados te los tendrás, que el comenzar las cosas es tenerlas medio acabadas. — ¡Par Dios —dijo Sancho—, que vuestra merced debe de ser menguado! Esto es como aquello que dicen: "¡en priesa me vees y doncellez me demandas!" ¿Ahora que tengo de ir sentado en una tabla rasa, quiere vuestra merced que me lastime las posas? En verdad en verdad que no tiene vuestra merced razón. Vamos ahora a rapar estas dueñas, que a la vuelta yo le prometo a vuestra merced, como quien soy, de darme tanta priesa a salir de mi obligación, que vuestra merced se contente, y no le digo más. Y don Quijote respondió: — Pues con esa promesa, buen Sancho, voy consolado, y creo que la cumplirás, porque, en efecto, aunque tonto, eres hombre verídico. — No soy verde, sino moreno —dijo Sancho—, pero aunque fuera de mezcla, cumpliera mi palabra. Y con esto se volvieron a subir en Clavileño, y al subir dijo don Quijote: — Tapaos, Sancho, y subid, Sancho, que quien de tan lueñes tierras envía por nosotros no será para engañarnos, por la poca gloria que le puede redundar de engañar a quien dél se fía; y, puesto que todo sucediese al revés de lo que imagino, la gloria de haber emprendido esta hazaña no la podrá escurecer malicia alguna. — Vamos, señor —dijo Sancho—, que las barbas y lágrimas destas señoras las tengo clavadas en el corazón, y no comeré bocado que bien me sepa hasta verlas en su primera lisura. Suba vuesa merced y tápese primero, que si yo tengo de ir a las ancas, claro está que primero sube el de la silla. — Así es la verdad —replicó don Quijote. Y, sacando un pañuelo de la faldriquera, pidió a la Dolorida que le cubriese muy bien los ojos, y, habiéndoselos cubierto, se volvió a descubrir y dijo: — Si mal no me acuerdo, yo he leído en Virgilio aquello del Paladión de Troya, que fue un caballo de madera que los griegos presentaron a la diosa Palas, el cual iba preñado de caballeros armados, que después fueron la total ruina de Troya; y así, será bien ver primero lo que Clavileño trae en su estómago. — No hay para qué —dijo la Dolorida—, que yo le fío y sé que Malambruno no tiene nada de malicioso ni de traidor; vuesa merced, señor don Quijote, suba sin pavor alguno, y a mi daño si alguno le sucediere. Parecióle a don Quijote que cualquiera cosa que replicase acerca de su seguridad sería poner en detrimento su valentía; y así, sin más altercar, subió sobre Clavileño y le tentó la clavija, que fácilmente se rodeaba; y, como no tenía estribos y le colgaban las piernas, no parecía sino figura de tapiz flamenco pintada o tejida en algún romano triunfo. De mal talante y poco a poco llegó a subir Sancho, y, acomodándose lo mejor que pudo en las ancas, las halló algo duras y no nada blandas, y pidió al duque que, si fuese posible, le acomodasen de algún cojín o de alguna almohada, aunque fuese del estrado de su señora la duquesa, o del lecho de algún paje, porque las ancas de aquel caballo más parecían de mármol que de leño. A esto dijo la Trifaldi que ningún jaez ni ningún género de adorno sufría sobre sí Clavileño; que lo que podía hacer era ponerse a mujeriegas, y que así no sentiría tanto la dureza. Hízolo así Sancho, y, diciendo ''a Dios'', se dejó vendar los ojos, y, ya después de vendados, se volvió a descubrir, y, mirando a todos los del jardín tiernamente y con lágrimas, dijo que le ayudasen en aquel trance con sendos paternostres y sendas avemarías, porque Dios deparase quien por ellos los dijese cuando en semejantes trances se viesen. A lo que dijo don Quijote: — Ladrón, ¿estás puesto en la horca por ventura, o en el último término de la vida, para usar de semejantes plegarias? ¿No estás, desalmada y cobarde criatura, en el mismo lugar que ocupó la linda Magalona, del cual decendió, no a la sepultura, sino a ser reina de Francia, si no mienten las historias? Y yo, que voy a tu lado, ¿no puedo ponerme al del valeroso Pierres, que oprimió este mismo lugar que yo ahora oprimo? Cúbrete, cúbrete, animal descorazonado, y no te salga a la boca el temor que tienes, a lo menos en presencia mía. — Tápenme —respondió Sancho—; y, pues no quieren que me encomiende a Dios ni que sea encomendado, ¿qué mucho que tema no ande por aquí alguna región de diablos que den con nosotros en Peralvillo? Cubriéronse, y, sintiendo don Quijote que estaba como había de estar, tentó la clavija, y, apenas hubo puesto los dedos en ella, cuando todas las dueñas y cuantos estaban presentes levantaron las voces, diciendo: — ¡Dios te guíe, valeroso caballero! — ¡Dios sea contigo, escudero intrépido! — ¡Ya, ya vais por esos aires, rompiéndolos con más velocidad que una saeta! — ¡Ya comenzáis a suspender y admirar a cuantos desde la tierra os están mirando! — ¡Tente, valeroso Sancho, que te bamboleas! ¡Mira no cayas, que será peor tu caída que la del atrevido mozo que quiso regir el carro del Sol, su padre! Oyó Sancho las voces, y, apretándose con su amo y ciñiéndole con los brazos, le dijo: — Señor, ¿cómo dicen éstos que vamos tan altos, si alcanzan acá sus voces, y no parecen sino que están aquí hablando junto a nosotros? — No repares en eso, Sancho, que, como estas cosas y estas volaterías van fuera de los cursos ordinarios, de mil leguas verás y oirás lo que quisieres. Y no me aprietes tanto, que me derribas; y en verdad que no sé de qué te turbas ni te espantas, que osaré jurar que en todos los días de mi vida he subido en cabalgadura de paso más llano: no parece sino que no nos movemos de un lugar. Destierra, amigo, el miedo, que, en efecto, la cosa va como ha de ir y el viento llevamos en popa. — Así es la verdad —respondió Sancho—, que por este lado me da un viento tan recio, que parece que con mil fuelles me están soplando. Y así era ello, que unos grandes fuelles le estaban haciendo aire: tan bien trazada estaba la tal aventura por el duque y la duquesa y su mayordomo, que no le faltó requisito que la dejase de hacer perfecta. Sintiéndose, pues, soplar don Quijote, dijo: — Sin duda alguna, Sancho, que ya debemos de llegar a la segunda región del aire, adonde se engendra el granizo, las nieves; los truenos, los relámpagos y los rayos se engendran en la tercera región, y si es que desta manera vamos subiendo, presto daremos en la región del fuego, y no sé yo cómo templar esta clavija para que no subamos donde nos abrasemos. En esto, con unas estopas ligeras de encenderse y apagarse, desde lejos, pendientes de una caña, les calentaban los rostros. Sancho, que sintió el calor, dijo: — Que me maten si no estamos ya en el lugar del fuego, o bien cerca, porque una gran parte de mi barba se me ha chamuscado, y estoy, señor, por descubrirme y ver en qué parte estamos. — No hagas tal —respondió don Quijote—, y acuérdate del verdadero cuento del licenciado Torralba, a quien llevaron los diablos en volandas por el aire, caballero en una caña, cerrados los ojos, y en doce horas llegó a Roma, y se apeó en Torre de Nona, que es una calle de la ciudad, y vio todo el fracaso y asalto y muerte de Borbón, y por la mañana ya estaba de vuelta en Madrid, donde dio cuenta de todo lo que había visto; el cual asimismo dijo que cuando iba por el aire le mandó el diablo que abriese los ojos, y los abrió, y se vio tan cerca, a su parecer, del cuerpo de la luna, que la pudiera asir con la mano, y que no osó mirar a la tierra por no desvanecerse. Así que, Sancho, no hay para qué descubrirnos; que, el que nos lleva a cargo, él dará cuenta de nosotros, y quizá vamos tomando puntas y subiendo en alto para dejarnos caer de una sobre el reino de Candaya, como hace el sacre o neblí sobre la garza para cogerla, por más que se remonte; y, aunque nos parece que no ha media hora que nos partimos del jardín, creéme que debemos de haber hecho gran camino. — No sé lo que es —respondió Sancho Panza—, sólo sé decir que si la señora Magallanes o Magalona se contentó destas ancas, que no debía de ser muy tierna de carnes. Todas estas pláticas de los dos valientes oían el duque y la duquesa y los del jardín, de que recibían estraordinario contento; y, queriendo dar remate a la estraña y bien fabricada aventura, por la cola de Clavileño le pegaron fuego con unas estopas, y al punto, por estar el caballo lleno de cohetes tronadores, voló por los aires, con estraño ruido, y dio con don Quijote y con Sancho Panza en el suelo, medio chamuscados. En este tiempo ya se habían desparecido del jardín todo el barbado escuadrón de las dueñas y la Trifaldi y todo, y los del jardín quedaron como desmayados, tendidos por el suelo. Don Quijote y Sancho se levantaron maltrechos, y, mirando a todas partes, quedaron atónitos de verse en el mesmo jardín de donde habían partido y de ver tendido por tierra tanto número de gente; y creció más su admiración cuando a un lado del jardín vieron hincada una gran lanza en el suelo y pendiente della y de dos cordones de seda verde un pergamino liso y blanco, en el cual, con grandes letras de oro, estaba escrito lo siguiente: El ínclito caballero don Quijote de la Mancha feneció y acabó la aventura de la condesa Trifaldi, por otro nombre llamada la dueña Dolorida, y compañía, con sólo intentarla. Malambruno se da por contento y satisfecho a toda su voluntad, y las barbas de las dueñas ya quedan lisas y mondas, y los reyes don Clavijo y Antonomasia en su prístino estado. Y, cuando se cumpliere el escuderil vápulo, la blanca paloma se verá libre de los pestíferos girifaltes que la persiguen, y en brazos de su querido arrullador; que así está ordenado por el sabio Merlín, protoencantador de los encantadores. Habiendo, pues, don Quijote leído las letras del pergamino, claro entendió que del desencanto de Dulcinea hablaban; y, dando muchas gracias al cielo de que con tan poco peligro hubiese acabado tan gran fecho, reduciendo a su pasada tez los rostros de las venerables dueñas, que ya no parecían, se fue adonde el duque y la duquesa aún no habían vuelto en sí, y, trabando de la mano al duque, le dijo: — ¡Ea, buen señor, buen ánimo; buen ánimo, que todo es nada! La aventura es ya acabada sin daño de barras, como lo muestra claro el escrito que en aquel padrón está puesto. El duque, poco a poco, y como quien de un pesado sueño recuerda, fue volviendo en sí, y por el mismo tenor la duquesa y todos los que por el jardín estaban caídos, con tales muestras de maravilla y espanto, que casi se podían dar a entender haberles acontecido de veras lo que tan bien sabían fingir de burlas. Leyó el duque el cartel con los ojos medio cerrados, y luego, con los brazos abiertos, fue a abrazar a don Quijote, diciéndole ser el más buen caballero que en ningún siglo se hubiese visto. Sancho andaba mirando por la Dolorida, por ver qué rostro tenía sin las barbas, y si era tan hermosa sin ellas como su gallarda disposición prometía, pero dijéronle que, así como Clavileño bajó ardiendo por los aires y dio en el suelo, todo el escuadrón de las dueñas, con la Trifaldi, había desaparecido, y que ya iban rapadas y sin cañones. Preguntó la duquesa a Sancho que cómo le había ido en aquel largo viaje. A lo cual Sancho respondió: — Yo, señora, sentí que íbamos, según mi señor me dijo, volando por la región del fuego, y quise descubrirme un poco los ojos, pero mi amo, a quien pedí licencia para descubrirme, no la consintió; mas yo, que tengo no sé qué briznas de curioso y de desear saber lo que se me estorba y impide, bonitamente y sin que nadie lo viese, por junto a las narices aparté tanto cuanto el pañizuelo que me tapaba los ojos, y por allí miré hacia la tierra, y parecióme que toda ella no era mayor que un grano de mostaza, y los hombres que andaban sobre ella, poco mayores que avellanas; porque se vea cuán altos debíamos de ir entonces. A esto dijo la duquesa: — Sancho amigo, mirad lo que decís, que, a lo que parece, vos no vistes la tierra, sino los hombres que andaban sobre ella; y está claro que si la tierra os pareció como un grano de mostaza, y cada hombre como una avellana, un hombre solo había de cubrir toda la tierra. — Así es verdad —respondió Sancho—, pero, con todo eso, la descubrí por un ladito, y la vi toda. — Mirad, Sancho —dijo la duquesa—, que por un ladito no se vee el todo de lo que se mira. — Yo no sé esas miradas —replicó Sancho—: sólo sé que será bien que vuestra señoría entienda que, pues volábamos por encantamento, por encantamento podía yo ver toda la tierra y todos los hombres por doquiera que los mirara; y si esto no se me cree, tampoco creerá vuestra merced cómo, descubriéndome por junto a las cejas, me vi tan junto al cielo que no había de mí a él palmo y medio, y por lo que puedo jurar, señora mía, que es muy grande además. Y sucedió que íbamos por parte donde están las siete cabrillas; y en Dios y en mi ánima que, como yo en mi niñez fui en mi tierra cabrerizo, que así como las vi, ¡me dio una gana de entretenerme con ellas un rato...! Y si no le cumpliera me parece que reventara. Vengo, pues, y tomo, y ¿qué hago? Sin decir nada a nadie, ni a mi señor tampoco, bonita y pasitamente me apeé de Clavileño, y me entretuve con las cabrillas, que son como unos alhelíes y como unas flores, casi tres cuartos de hora, y Clavileño no se movió de un lugar, ni pasó adelante. — Y, en tanto que el buen Sancho se entretenía con las cabras —preguntó el duque—, ¿en qué se entretenía el señor don Quijote? A lo que don Quijote respondió: — Como todas estas cosas y estos tales sucesos van fuera del orden natural, no es mucho que Sancho diga lo que dice. De mí sé decir que ni me descubrí por alto ni por bajo, ni vi el cielo ni la tierra, ni la mar ni las arenas. Bien es verdad que sentí que pasaba por la región del aire, y aun que tocaba a la del fuego; pero que pasásemos de allí no lo puedo creer, pues, estando la región del fuego entre el cielo de la luna y la última región del aire, no podíamos llegar al cielo donde están las siete cabrillas que Sancho dice, sin abrasarnos; y, pues no nos asuramos, o Sancho miente o Sancho sueña. — Ni miento ni sueño —respondió Sancho—: si no, pregúntenme las señas de las tales cabras, y por ellas verán si digo verdad o no. — Dígalas, pues, Sancho —dijo la duquesa. — Son —respondió Sancho— las dos verdes, las dos encarnadas, las dos azules, y la una de mezcla. — Nueva manera de cabras es ésa —dijo el duque—, y por esta nuestra región del suelo no se usan tales colores; digo, cabras de tales colores. — Bien claro está eso —dijo Sancho—; sí, que diferencia ha de haber de las cabras del cielo a las del suelo. — Decidme, Sancho —preguntó el duque—: ¿vistes allá en entre esas cabras algún cabrón? — No, señor —respondió Sancho—, pero oí decir que ninguno pasaba de los cuernos de la luna. No quisieron preguntarle más de su viaje, porque les pareció que llevaba Sancho hilo de pasearse por todos los cielos, y dar nuevas de cuanto allá pasaba, sin haberse movido del jardín. En resolución, éste fue el fin de la aventura de la dueña Dolorida, que dio que reír a los duques, no sólo aquel tiempo, sino el de toda su vida, y que contar a Sancho siglos, si los viviera; y, llegándose don Quijote a Sancho, al oído le dijo: — Sancho, pues vos queréis que se os crea lo que habéis visto en el cielo, yo quiero que vos me creáis a mí lo que vi en la cueva de Montesinos; y no os digo más. Capítulo XLII. De los consejos que dio don Quijote a Sancho Panza antes que fuese a gobernar la ínsula, con otras cosas bien consideradas Con el felice y gracioso suceso de la aventura de la Dolorida, quedaron tan contentos los duques, que determinaron pasar con las burlas adelante, viendo el acomodado sujeto que tenían para que se tuviesen por veras; y así, habiendo dado la traza y órdenes que sus criados y sus vasallos habían de guardar con Sancho en el gobierno de la ínsula prometida, otro día, que fue el que sucedió al vuelo de Clavileño, dijo el duque a Sancho que se adeliñase y compusiese para ir a ser gobernador, que ya sus insulanos le estaban esperando como el agua de mayo. Sancho se le humilló y le dijo: — Después que bajé del cielo, y después que desde su alta cumbre miré la tierra y la vi tan pequeña, se templó en parte en mí la gana que tenía tan grande de ser gobernador; porque, ¿qué grandeza es mandar en un grano de mostaza, o qué dignidad o imperio el gobernar a media docena de hombres tamaños como avellanas, que, a mi parecer, no había más en toda la tierra? Si vuestra señoría fuese servido de darme una tantica parte del cielo, aunque no fuese más de media legua, la tomaría de mejor gana que la mayor ínsula del mundo. — Mirad, amigo Sancho —respondió el duque—: yo no puedo dar parte del cielo a nadie, aunque no sea mayor que una uña, que a solo Dios están reservadas esas mercedes y gracias. Lo que puedo dar os doy, que es una ínsula hecha y derecha, redonda y bien proporcionada, y sobremanera fértil y abundosa, donde si vos os sabéis dar maña, podéis con las riquezas de la tierra granjear las del cielo. — Ahora bien —respondió Sancho—, venga esa ínsula, que yo pugnaré por ser tal gobernador que, a pesar de bellacos, me vaya al cielo; y esto no es por codicia que yo tenga de salir de mis casillas ni de levantarme a mayores, sino por el deseo que tengo de probar a qué sabe el ser gobernador. — Si una vez lo probáis, Sancho —dijo el duque—, comeros heis las manos tras el gobierno, por ser dulcísima cosa el mandar y ser obedecido. A buen seguro que cuando vuestro dueño llegue a ser emperador, que lo será sin duda, según van encaminadas sus cosas, que no se lo arranquen comoquiera, y que le duela y le pese en la mitad del alma del tiempo que hubiere dejado de serlo. — Señor —replicó Sancho—, yo imagino que es bueno mandar, aunque sea a un hato de ganado. — Con vos me entierren, Sancho, que sabéis de todo —respondió el duque—, y yo espero que seréis tal gobernador como vuestro juicio promete, y quédese esto aquí y advertid que mañana en ese mesmo día habéis de ir al gobierno de la ínsula, y esta tarde os acomodarán del traje conveniente que habéis de llevar y de todas las cosas necesarias a vuestra partida. — Vístanme —dijo Sancho— como quisieren, que de cualquier manera que vaya vestido seré Sancho Panza. — Así es verdad —dijo el duque—, pero los trajes se han de acomodar con el oficio o dignidad que se profesa, que no sería bien que un jurisperito se vistiese como soldado, ni un soldado como un sacerdote. Vos, Sancho, iréis vestido parte de letrado y parte de capitán, porque en la ínsula que os doy tanto son menester las armas como las letras, y las letras como las armas. — Letras —respondió Sancho—, pocas tengo, porque aún no sé el A, B, C; pero bástame tener el Christus en la memoria para ser buen gobernador. De las armas manejaré las que me dieren, hasta caer, y Dios delante. — Con tan buena memoria —dijo el duque—, no podrá Sancho errar en nada. En esto llegó don Quijote, y, sabiendo lo que pasaba y la celeridad con que Sancho se había de partir a su gobierno, con licencia del duque le tomó por la mano y se fue con él a su estancia, con intención de aconsejarle cómo se había de haber en su oficio. Entrados, pues, en su aposento, cerró tras sí la puerta, y hizo casi por fuerza que Sancho se sentase junto a él, y con reposada voz le dijo: — Infinitas gracias doy al cielo, Sancho amigo, de que, antes y primero que yo haya encontrado con alguna buena dicha, te haya salido a ti a recebir y a encontrar la buena ventura. Yo, que en mi buena suerte te tenía librada la paga de tus servicios, me veo en los principios de aventajarme, y tú, antes de tiempo, contra la ley del razonable discurso, te vees premiado de tus deseos. Otros cohechan, importunan, solicitan, madrugan, ruegan, porfían, y no alcanzan lo que pretenden; y llega otro, y sin saber cómo ni cómo no, se halla con el cargo y oficio que otros muchos pretendieron; y aquí entra y encaja bien el decir que hay buena y mala fortuna en las pretensiones. Tú, que para mí, sin duda alguna, eres un porro, sin madrugar ni trasnochar y sin hacer diligencia alguna, con solo el aliento que te ha tocado de la andante caballería, sin más ni más te vees gobernador de una ínsula, como quien no dice nada. Todo esto digo, ¡oh Sancho!, para que no atribuyas a tus merecimientos la merced recebida, sino que des gracias al cielo, que dispone suavemente las cosas, y después las darás a la grandeza que en sí encierra la profesión de la caballería andante. Dispuesto, pues, el corazón a creer lo que te he dicho, está, ¡oh hijo!, atento a este tu Catón, que quiere aconsejarte y ser norte y guía que te encamine y saque a seguro puerto deste mar proceloso donde vas a engolfarte; que los oficios y grandes cargos no son otra cosa sino un golfo profundo de confusiones. Primeramente, ¡oh hijo!, has de temer a Dios, porque en el temerle está la sabiduría, y siendo sabio no podrás errar en nada. Lo segundo, has de poner los ojos en quien eres, procurando conocerte a ti mismo, que es el más difícil conocimiento que puede imaginarse. Del conocerte saldrá el no hincharte como la rana que quiso igualarse con el buey, que si esto haces, vendrá a ser feos pies de la rueda de tu locura la consideración de haber guardado puercos en tu tierra. — Así es la verdad —respondió Sancho—, pero fue cuando muchacho; pero después, algo hombrecillo, gansos fueron los que guardé, que no puercos; pero esto paréceme a mí que no hace al caso, que no todos los que gobiernan vienen de casta de reyes. — Así es verdad —replicó don Quijote—, por lo cual los no de principios nobles deben acompañar la gravedad del cargo que ejercitan con una blanda suavidad que, guiada por la prudencia, los libre de la murmuración maliciosa, de quien no hay estado que se escape. Haz gala, Sancho, de la humildad de tu linaje, y no te desprecies de decir que vienes de labradores; porque, viendo que no te corres, ninguno se pondrá a correrte; y préciate más de ser humilde virtuoso que pecador soberbio. Inumerables son aquellos que, de baja estirpe nacidos, han subido a la suma dignidad pontificia e imperatoria; y desta verdad te pudiera traer tantos ejemplos, que te cansaran. Mira, Sancho: si tomas por medio a la virtud, y te precias de hacer hechos virtuosos, no hay para qué tener envidia a los que los tienen de príncipes y señores, porque la sangre se hereda y la virtud se aquista, y la virtud vale por sí sola lo que la sangre no vale. Siendo esto así, como lo es, que si acaso viniere a verte cuando estés en tu ínsula alguno de tus parientes, no le deseches ni le afrentes; antes le has de acoger, agasajar y regalar, que con esto satisfarás al cielo, que gusta que nadie se desprecie de lo que él hizo, y corresponderás a lo que debes a la naturaleza bien concertada. Si trujeres a tu mujer contigo (porque no es bien que los que asisten a gobiernos de mucho tiempo estén sin las propias), enséñala, doctrínala y desbástala de su natural rudeza, porque todo lo que suele adquirir un gobernador discreto suele perder y derramar una mujer rústica y tonta. Si acaso enviudares, cosa que puede suceder, y con el cargo mejorares de consorte, no la tomes tal, que te sirva de anzuelo y de caña de pescar, y del no quiero de tu capilla, porque en verdad te digo que de todo aquello que la mujer del juez recibiere ha de dar cuenta el marido en la residencia universal, donde pagará con el cuatro tanto en la muerte las partidas de que no se hubiere hecho cargo en la vida. Nunca te guíes por la ley del encaje, que suele tener mucha cabida con los ignorantes que presumen de agudos. Hallen en ti más compasión las lágrimas del pobre, pero no más justicia, que las informaciones del rico. Procura descubrir la verdad por entre las promesas y dádivas del rico, como por entre los sollozos e importunidades del pobre. Cuando pudiere y debiere tener lugar la equidad, no cargues todo el rigor de la ley al delincuente, que no es mejor la fama del juez riguroso que la del compasivo. Si acaso doblares la vara de la justicia, no sea con el peso de la dádiva, sino con el de la misericordia. Cuando te sucediere juzgar algún pleito de algún tu enemigo, aparta las mientes de tu injuria y ponlas en la verdad del caso. No te ciegue la pasión propia en la causa ajena, que los yerros que en ella hicieres, las más veces, serán sin remedio; y si le tuvieren, será a costa de tu crédito, y aun de tu hacienda. Si alguna mujer hermosa veniere a pedirte justicia, quita los ojos de sus lágrimas y tus oídos de sus gemidos, y considera de espacio la sustancia de lo que pide, si no quieres que se anegue tu razón en su llanto y tu bondad en sus suspiros. Al que has de castigar con obras no trates mal con palabras, pues le basta al desdichado la pena del suplicio, sin la añadidura de las malas razones. Al culpado que cayere debajo de tu juridición considérale hombre miserable, sujeto a las condiciones de la depravada naturaleza nuestra, y en todo cuanto fuere de tu parte, sin hacer agravio a la contraria, muéstratele piadoso y clemente, porque, aunque los atributos de Dios todos son iguales, más resplandece y campea a nuestro ver el de la misericordia que el de la justicia. Si estos preceptos y estas reglas sigues, Sancho, serán luengos tus días, tu fama será eterna, tus premios colmados, tu felicidad indecible, casarás tus hijos como quisieres, títulos tendrán ellos y tus nietos, vivirás en paz y beneplácito de las gentes, y en los últimos pasos de la vida te alcanzará el de la muerte, en vejez suave y madura, y cerrarán tus ojos las tiernas y delicadas manos de tus terceros netezuelos. Esto que hasta aquí te he dicho son documentos que han de adornar tu alma; escucha ahora los que han de servir para adorno del cuerpo. Capítulo XLIII. De los consejos segundos que dio don Quijote a Sancho Panza ¿Quién oyera el pasado razonamiento de don Quijote que no le tuviera por persona muy cuerda y mejor intencionada? Pero, como muchas veces en el progreso desta grande historia queda dicho, solamente disparaba en tocándole en la caballería, y en los demás discursos mostraba tener claro y desenfadado entendimiento, de manera que a cada paso desacreditaban sus obras su juicio, y su juicio sus obras; pero en ésta destos segundos documentos que dio a Sancho, mostró tener gran donaire, y puso su discreción y su locura en un levantado punto. Atentísimamente le escuchaba Sancho, y procuraba conservar en la memoria sus consejos, como quien pensaba guardarlos y salir por ellos a buen parto de la preñez de su gobierno. Prosiguió, pues, don Quijote, y dijo: — En lo que toca a cómo has de gobernar tu persona y casa, Sancho, lo primero que te encargo es que seas limpio, y que te cortes las uñas, sin dejarlas crecer, como algunos hacen, a quien su ignorancia les ha dado a entender que las uñas largas les hermosean las manos, como si aquel escremento y añadidura que se dejan de cortar fuese uña, siendo antes garras de cernícalo lagartijero: puerco y extraordinario abuso. No andes, Sancho, desceñido y flojo, que el vestido descompuesto da indicios de ánimo desmazalado, si ya la descompostura y flojedad no cae debajo de socarronería, como se juzgó en la de Julio César. Toma con discreción el pulso a lo que pudiere valer tu oficio, y si sufriere que des librea a tus criados, dásela honesta y provechosa más que vistosa y bizarra, y repártela entre tus criados y los pobres: quiero decir que si has de vestir seis pajes, viste tres y otros tres pobres, y así tendrás pajes para el cielo y para el suelo; y este nuevo modo de dar librea no la alcanzan los vanagloriosos. No comas ajos ni cebollas, porque no saquen por el olor tu villanería. Anda despacio; habla con reposo, pero no de manera que parezca que te escuchas a ti mismo, que toda afectación es mala. Come poco y cena más poco, que la salud de todo el cuerpo se fragua en la oficina del estómago. Sé templado en el beber, considerando que el vino demasiado ni guarda secreto ni cumple palabra. Ten cuenta, Sancho, de no mascar a dos carrillos, ni de erutar delante de nadie. — Eso de erutar no entiendo —dijo Sancho. Y don Quijote le dijo: — Erutar, Sancho, quiere decir regoldar, y éste es uno de los más torpes vocablos que tiene la lengua castellana, aunque es muy sinificativo; y así, la gente curiosa se ha acogido al latín, y al regoldar dice erutar, y a los regüeldos, erutaciones; y, cuando algunos no entienden estos términos, importa poco, que el uso los irá introduciendo con el tiempo, que con facilidad se entiendan; y esto es enriquecer la lengua, sobre quien tiene poder el vulgo y el uso. — En verdad, señor —dijo Sancho—, que uno de los consejos y avisos que pienso llevar en la memoria ha de ser el de no regoldar, porque lo suelo hacer muy a menudo. — Erutar, Sancho, que no regoldar —dijo don Quijote. — Erutar diré de aquí adelante —respondió Sancho—, y a fee que no se me olvide. — También, Sancho, no has de mezclar en tus pláticas la muchedumbre de refranes que sueles; que, puesto que los refranes son sentencias breves, muchas veces los traes tan por los cabellos, que más parecen disparates que sentencias. — Eso Dios lo puede remediar —respondió Sancho—, porque sé más refranes que un libro, y viénenseme tantos juntos a la boca cuando hablo, que riñen por salir unos con otros, pero la lengua va arrojando los primeros que encuentra, aunque no vengan a pelo. Mas yo tendré cuenta de aquí adelante de decir los que convengan a la gravedad de mi cargo, que en casa llena presto se guisa la cena, y quien destaja no baraja, y a buen salvo está el que repica, y el dar y el tener seso ha menester. — ¡Eso sí, Sancho! —dijo don Quijote—: ¡encaja, ensarta, enhila refranes, que nadie te va a la mano! ¡Castígame mi madre, y yo trómpogelas! Estoyte diciendo que escuses refranes, y en un instante has echado aquí una letanía dellos, que así cuadran con lo que vamos tratando como por los cerros de Úbeda. Mira, Sancho, no te digo yo que parece mal un refrán traído a propósito, pero cargar y ensartar refranes a troche moche hace la plática desmayada y baja. Cuando subieres a caballo, no vayas echando el cuerpo sobre el arzón postrero, ni lleves las piernas tiesas y tiradas y desviadas de la barriga del caballo, ni tampoco vayas tan flojo que parezca que vas sobre el rucio: que el andar a caballo a unos hace caballeros; a otros, caballerizos. Sea moderado tu sueño, que el que no madruga con el sol, no goza del día; y advierte, ¡oh Sancho!, que la diligencia es madre de la buena ventura, y la pereza, su contraria, jamás llegó al término que pide un buen deseo. Este último consejo que ahora darte quiero, puesto que no sirva para adorno del cuerpo, quiero que le lleves muy en la memoria, que creo que no te será de menos provecho que los que hasta aquí te he dado; y es que jamás te pongas a disputar de linajes, a lo menos, comparándolos entre sí, pues, por fuerza, en los que se comparan uno ha de ser el mejor, y del que abatieres serás aborrecido, y del que levantares en ninguna manera premiado. Tu vestido será calza entera, ropilla larga, herreruelo un poco más largo; greguescos, ni por pienso, que no les están bien ni a los caballeros ni a los gobernadores. Por ahora, esto se me ha ofrecido, Sancho, que aconsejarte; andará el tiempo, y, según las ocasiones, así serán mis documentos, como tú tengas cuidado de avisarme el estado en que te hallares. — Señor —respondió Sancho—, bien veo que todo cuanto vuestra merced me ha dicho son cosas buenas, santas y provechosas, pero ¿de qué han de servir, si de ninguna me acuerdo? Verdad sea que aquello de no dejarme crecer las uñas y de casarme otra vez, si se ofreciere, no se me pasará del magín, pero esotros badulaques y enredos y revoltillos, no se me acuerda ni acordará más dellos que de las nubes de antaño, y así, será menester que se me den por escrito, que, puesto que no sé leer ni escribir, yo se los daré a mi confesor para que me los encaje y recapacite cuando fuere menester. — ¡Ah, pecador de mí —respondió don Quijote—, y qué mal parece en los gobernadores el no saber leer ni escribir!; porque has de saber, ¡oh Sancho!, que no saber un hombre leer, o ser zurdo, arguye una de dos cosas: o que fue hijo de padres demasiado de humildes y bajos, o él tan travieso y malo que no pudo entrar en el buen uso ni la buena doctrina. Gran falta es la que llevas contigo, y así, querría que aprendieses a firmar siquiera. — Bien sé firmar mi nombre —respondió Sancho—, que cuando fui prioste en mi lugar, aprendí a hacer unas letras como de marca de fardo, que decían que decía mi nombre; cuanto más, que fingiré que tengo tullida la mano derecha, y haré que firme otro por mí; que para todo hay remedio, si no es para la muerte; y, teniendo yo el mando y el palo, haré lo que quisiere; cuanto más, que el que tiene el padre alcalde... Y, siendo yo gobernador, que es más que ser alcalde, ¡llegaos, que la dejan ver! No, sino popen y calóñenme, que vendrán por lana y volverán trasquilados; y a quien Dios quiere bien, la casa le sabe; y las necedades del rico por sentencias pasan en el mundo; y, siéndolo yo, siendo gobernador y juntamente liberal, como lo pienso ser, no habrá falta que se me parezca. No, sino haceos miel, y paparos han moscas; tanto vales cuanto tienes, decía una mi agüela, y del hombre arraigado no te verás vengado. — ¡Oh, maldito seas de Dios, Sancho! —dijo a esta sazón don Quijote—. ¡Sesenta mil satanases te lleven a ti y a tus refranes! Una hora ha que los estás ensartando y dándome con cada uno tragos de tormento. Yo te aseguro que estos refranes te han de llevar un día a la horca; por ellos te han de quitar el gobierno tus vasallos, o ha de haber entre ellos comunidades. Dime, ¿dónde los hallas, ignorante, o cómo los aplicas, mentecato, que para decir yo uno y aplicarle bien, sudo y trabajo como si cavase? — Por Dios, señor nuestro amo —replicó Sancho—, que vuesa merced se queja de bien pocas cosas. ¿A qué diablos se pudre de que yo me sirva de mi hacienda, que ninguna otra tengo, ni otro caudal alguno, sino refranes y más refranes? Y ahora se me ofrecen cuatro que venían aquí pintiparados, o como peras en tabaque, pero no los diré, porque al buen callar llaman Sancho. — Ese Sancho no eres tú —dijo don Quijote—, porque no sólo no eres buen callar, sino mal hablar y mal porfiar; y, con todo eso, querría saber qué cuatro refranes te ocurrían ahora a la memoria que venían aquí a propósito, que yo ando recorriendo la mía, que la tengo buena, y ninguno se me ofrece. — ¿Qué mejores —dijo Sancho— que "entre dos muelas cordales nunca pongas tus pulgares", y "a idos de mi casa y qué queréis con mi mujer, no hay responder", y "si da el cántaro en la piedra o la piedra en el cántaro, mal para el cántaro", todos los cuales vienen a pelo? Que nadie se tome con su gobernador ni con el que le manda, porque saldrá lastimado, como el que pone el dedo entre dos muelas cordales, y aunque no sean cordales, como sean muelas, no importa; y a lo que dijere el gobernador no hay que replicar, como al "salíos de mi casa y qué queréis con mi mujer". Pues lo de la piedra en el cántaro un ciego lo verá. Así que, es menester que el que vee la mota en el ojo ajeno, vea la viga en el suyo, porque no se diga por él: "espantóse la muerta de la degollada", y vuestra merced sabe bien que más sabe el necio en su casa que el cuerdo en la ajena. — Eso no, Sancho —respondió don Quijote—, que el necio en su casa ni en la ajena sabe nada, a causa que sobre el aumento de la necedad no asienta ningún discreto edificio. Y dejemos esto aquí, Sancho, que si mal gobernares, tuya será la culpa, y mía la vergüenza; mas consuélome que he hecho lo que debía en aconsejarte con las veras y con la discreción a mí posible: con esto salgo de mi obligación y de mi promesa. Dios te guíe, Sancho, y te gobierne en tu gobierno, y a mí me saque del escrúpulo que me queda que has de dar con toda la ínsula patas arriba, cosa que pudiera yo escusar con descubrir al duque quién eres, diciéndole que toda esa gordura y esa personilla que tienes no es otra cosa que un costal lleno de refranes y de malicias. — Señor —replicó Sancho—, si a vuestra merced le parece que no soy de pro para este gobierno, desde aquí le suelto, que más quiero un solo negro de la uña de mi alma que a todo mi cuerpo; y así me sustentaré Sancho a secas con pan y cebolla, como gobernador con perdices y capones; y más que, mientras se duerme, todos son iguales, los grandes y los menores, los pobres y los ricos; y si vuestra merced mira en ello, verá que sólo vuestra merced me ha puesto en esto de gobernar: que yo no sé más de gobiernos de ínsulas que un buitre; y si se imagina que por ser gobernador me ha de llevar el diablo, más me quiero ir Sancho al cielo que gobernador al infierno. — Por Dios, Sancho —dijo don Quijote—, que, por solas estas últimas razones que has dicho, juzgo que mereces ser gobernador de mil ínsulas: buen natural tienes, sin el cual no hay ciencia que valga; encomiéndate a Dios, y procura no errar en la primera intención; quiero decir que siempre tengas intento y firme propósito de acertar en cuantos negocios te ocurrieren, porque siempre favorece el cielo los buenos deseos. Y vámonos a comer, que creo que ya estos señores nos aguardan. Capítulo XLIV. Cómo Sancho Panza fue llevado al gobierno, y de la estraña aventura que en el castillo sucedió a don Quijote Dicen que en el propio original desta historia se lee que, llegando Cide Hamete a escribir este capítulo, no le tradujo su intérprete como él le había escrito, que fue un modo de queja que tuvo el moro de sí mismo, por haber tomado entre manos una historia tan seca y tan limitada como esta de don Quijote, por parecerle que siempre había de hablar dél y de Sancho, sin osar estenderse a otras digresiones y episodios más graves y más entretenidos; y decía que el ir siempre atenido el entendimiento, la mano y la pluma a escribir de un solo sujeto y hablar por las bocas de pocas personas era un trabajo incomportable, cuyo fruto no redundaba en el de su autor, y que, por huir deste inconveniente, había usado en la primera parte del artificio de algunas novelas, como fueron la del Curioso impertinente y la del Capitán cautivo, que están como separadas de la historia, puesto que las demás que allí se cuentan son casos sucedidos al mismo don Quijote, que no podían dejar de escribirse. También pensó, como él dice, que muchos, llevados de la atención que piden las hazañas de don Quijote, no la darían a las novelas, y pasarían por ellas, o con priesa o con enfado, sin advertir la gala y artificio que en sí contienen, el cual se mostrara bien al descubierto cuando, por sí solas, sin arrimarse a las locuras de don Quijote ni a las sandeces de Sancho, salieran a luz. Y así, en esta segunda parte no quiso ingerir novelas sueltas ni pegadizas, sino algunos episodios que lo pareciesen, nacidos de los mesmos sucesos que la verdad ofrece; y aun éstos, limitadamente y con solas las palabras que bastan a declararlos; y, pues se contiene y cierra en los estrechos límites de la narración, teniendo habilidad, suficiencia y entendimiento para tratar del universo todo, pide no se desprecie su trabajo, y se le den alabanzas, no por lo que escribe, sino por lo que ha dejado de escribir. Y luego prosigue la historia diciendo que, en acabando de comer don Quijote, el día que dio los consejos a Sancho, aquella tarde se los dio escritos, para que él buscase quien se los leyese; pero, apenas se los hubo dado, cuando se le cayeron y vinieron a manos del duque, que los comunicó con la duquesa, y los dos se admiraron de nuevo de la locura y del ingenio de don Quijote; y así, llevando adelante sus burlas, aquella tarde enviaron a Sancho con mucho acompañamiento al lugar que para él había de ser ínsula. Acaeció, pues, que el que le llevaba a cargo era un mayordomo del duque, muy discreto y muy gracioso —que no puede haber gracia donde no hay discreción—, el cual había hecho la persona de la condesa Trifaldi, con el donaire que queda referido; y con esto, y con ir industriado de sus señores de cómo se había de haber con Sancho, salió con su intento maravillosamente. Digo, pues, que acaeció que, así como Sancho vio al tal mayordomo, se le figuró en su rostro el mesmo de la Trifaldi, y, volviéndose a su señor, le dijo: — Señor, o a mí me ha de llevar el diablo de aquí de donde estoy, en justo y en creyente, o vuestra merced me ha de confesar que el rostro deste mayordomo del duque, que aquí está, es el mesmo de la Dolorida. Miró don Quijote atentamente al mayordomo, y, habiéndole mirado, dijo a Sancho: — No hay para qué te lleve el diablo, Sancho, ni en justo ni en creyente, que no sé lo que quieres decir; que el rostro de la Dolorida es el del mayordomo, pero no por eso el mayordomo es la Dolorida; que, a serlo, implicaría contradición muy grande, y no es tiempo ahora de hacer estas averiguaciones, que sería entrarnos en intricados laberintos. Créeme, amigo, que es menester rogar a Nuestro Señor muy de veras que nos libre a los dos de malos hechiceros y de malos encantadores. — No es burla, señor —replicó Sancho—, sino que denantes le oí hablar, y no pareció sino que la voz de la Trifaldi me sonaba en los oídos. Ahora bien, yo callaré, pero no dejaré de andar advertido de aquí adelante, a ver si descubre otra señal que confirme o desfaga mi sospecha. — Así lo has de hacer, Sancho —dijo don Quijote—, y darásme aviso de todo lo que en este caso descubrieres y de todo aquello que en el gobierno te sucediere. Salió, en fin, Sancho, acompañado de mucha gente, vestido a lo letrado, y encima un gabán muy ancho de chamelote de aguas leonado, con una montera de lo mesmo, sobre un macho a la jineta, y detrás dél, por orden del duque, iba el rucio con jaeces y ornamentos jumentiles de seda y flamantes. Volvía Sancho la cabeza de cuando en cuando a mirar a su asno, con cuya compañía iba tan contento que no se trocara con el emperador de Alemaña. Al despedirse de los duques, les besó las manos, y tomó la bendición de su señor, que se la dio con lágrimas, y Sancho la recibió con pucheritos. Deja, lector amable, ir en paz y en hora buena al buen Sancho, y espera dos fanegas de risa, que te ha de causar el saber cómo se portó en su cargo, y, en tanto, atiende a saber lo que le pasó a su amo aquella noche; que si con ello no rieres, por lo menos desplegarás los labios con risa de jimia, porque los sucesos de don Quijote, o se han de celebrar con admiración, o con risa. Cuéntase, pues, que, apenas se hubo partido Sancho, cuando don Quijote sintió su soledad; y si le fuera posible revocarle la comisión y quitarle el gobierno, lo hiciera. Conoció la duquesa su melancolía, y preguntóle que de qué estaba triste; que si era por la ausencia de Sancho, que escuderos, dueñas y doncellas había en su casa que le servirían muy a satisfación de su deseo. — Verdad es, señora mía —respondió don Quijote—, que siento la ausencia de Sancho, pero no es ésa la causa principal que me hace parecer que estoy triste, y, de los muchos ofrecimientos que vuestra excelencia me hace, solamente acepto y escojo el de la voluntad con que se me hacen, y, en lo demás, suplico a Vuestra Excelencia que dentro de mi aposento consienta y permita que yo solo sea el que me sirva. — En verdad —dijo la duquesa—, señor don Quijote, que no ha de ser así: que le han de servir cuatro doncellas de las mías, hermosas como unas flores. — Para mí —respondió don Quijote— no serán ellas como flores, sino como espinas que me puncen el alma. Así entrarán ellas en mi aposento, ni cosa que lo parezca, como volar. Si es que vuestra grandeza quiere llevar adelante el hacerme merced sin yo merecerla, déjeme que yo me las haya conmigo, y que yo me sirva de mis puertas adentro, que yo ponga una muralla en medio de mis deseos y de mi honestidad; y no quiero perder esta costumbre por la liberalidad que vuestra alteza quiere mostrar conmigo. Y, en resolución, antes dormiré vestido que consentir que nadie me desnude. — No más, no más, señor don Quijote —replicó la duquesa—. Por mí digo que daré orden que ni aun una mosca entre en su estancia, no que una doncella; no soy yo persona, que por mí se ha de descabalar la decencia del señor don Quijote; que, según se me ha traslucido, la que más campea entre sus muchas virtudes es la de la honestidad. Desnúdese vuesa merced y vístase a sus solas y a su modo, como y cuando quisiere, que no habrá quien lo impida, pues dentro de su aposento hallará los vasos necesarios al menester del que duerme a puerta cerrada, porque ninguna natural necesidad le obligue a que la abra. Viva mil siglos la gran Dulcinea del Toboso, y sea su nombre estendido por toda la redondez de la tierra, pues mereció ser amada de tan valiente y tan honesto caballero, y los benignos cielos infundan en el corazón de Sancho Panza, nuestro gobernador, un deseo de acabar presto sus diciplinas, para que vuelva a gozar el mundo de la belleza de tan gran señora. A lo cual dijo don Quijote: — Vuestra altitud ha hablado como quien es, que en la boca de las buenas señoras no ha de haber ninguna que sea mala; y más venturosa y más conocida será en el mundo Dulcinea por haberla alabado vuestra grandeza, que por todas las alabanzas que puedan darle los más elocuentes de la tierra. — Agora bien, señor don Quijote —replicó la duquesa—, la hora de cenar se llega, y el duque debe de esperar: venga vuesa merced y cenemos, y acostaráse temprano, que el viaje que ayer hizo de Candaya no fue tan corto que no haya causado algún molimiento. — No siento ninguno, señora —respondió don Quijote—, porque osaré jurar a Vuestra Excelencia que en mi vida he subido sobre bestia más reposada ni de mejor paso que Clavileño; y no sé yo qué le pudo mover a Malambruno para deshacerse de tan ligera y tan gentil cabalgadura, y abrasarla así, sin más ni más. — A eso se puede imaginar —respondió la duquesa— que, arrepentido del mal que había hecho a la Trifaldi y compañía, y a otras personas, y de las maldades que como hechicero y encantador debía de haber cometido, quiso concluir con todos los instrumentos de su oficio, y, como a principal y que más le traía desasosegado, vagando de tierra en tierra, abrasó a Clavileño; que con sus abrasadas cenizas y con el trofeo del cartel queda eterno el valor del gran don Quijote de la Mancha. De nuevo nuevas gracias dio don Quijote a la duquesa, y, en cenando, don Quijote se retiró en su aposento solo, sin consentir que nadie entrase con él a servirle: tanto se temía de encontrar ocasiones que le moviesen o forzasen a perder el honesto decoro que a su señora Dulcinea guardaba, siempre puesta en la imaginación la bondad de Amadís, flor y espejo de los andantes caballeros. Cerró tras sí la puerta, y a la luz de dos velas de cera se desnudó, y al descalzarse —¡oh desgracia indigna de tal persona!— se le soltaron, no suspiros, ni otra cosa, que desacreditasen la limpieza de su policía, sino hasta dos docenas de puntos de una media, que quedó hecha celosía. Afligióse en estremo el buen señor, y diera él por tener allí un adarme de seda verde una onza de plata; digo seda verde porque las medias eran verdes. Aquí exclamó Benengeli, y, escribiendo, dijo ''¡Oh pobreza, pobreza! ¡No sé yo con qué razón se movió aquel gran poeta cordobés a llamarte dádiva santa desagradecida! Yo, aunque moro, bien sé, por la comunicación que he tenido con cristianos, que la santidad consiste en la caridad, humildad, fee, obediencia y pobreza; pero, con todo eso, digo que ha de tener mucho de Dios el que se viniere a contentar con ser pobre, si no es de aquel modo de pobreza de quien dice uno de sus mayores santos: "Tened todas las cosas como si no las tuviésedes"; y a esto llaman pobreza de espíritu; pero tú, segunda pobreza, que eres de la que yo hablo, ¿por qué quieres estrellarte con los hidalgos y bien nacidos más que con la otra gente? ¿Por qué los obligas a dar pantalia a los zapatos, y a que los botones de sus ropillas unos sean de seda, otros de cerdas, y otros de vidro? ¿Por qué sus cuellos, por la mayor parte, han de ser siempre escarolados, y no abiertos con molde?'' Y en esto se echará de ver que es antiguo el uso del almidón y de los cuellos abiertos. Y prosiguió: ''¡Miserable del bien nacido que va dando pistos a su honra, comiendo mal y a puerta cerrada, haciendo hipócrita al palillo de dientes con que sale a la calle después de no haber comido cosa que le obligue a limpiárselos! ¡Miserable de aquel, digo, que tiene la honra espantadiza, y piensa que desde una legua se le descubre el remiendo del zapato, el trasudor del sombrero, la hilaza del herreruelo y la hambre de su estómago!'' Todo esto se le renovó a don Quijote en la soltura de sus puntos, pero consolóse con ver que Sancho le había dejado unas botas de camino, que pensó ponerse otro día. Finalmente, él se recostó pensativo y pesaroso, así de la falta que Sancho le hacía como de la inreparable desgracia de sus medias, a quien tomara los puntos, aunque fuera con seda de otra color, que es una de las mayores señales de miseria que un hidalgo puede dar en el discurso de su prolija estrecheza. Mató las velas; hacía calor y no podía dormir; levantóse del lecho y abrió un poco la ventana de una reja que daba sobre un hermoso jardín, y, al abrirla, sintió y oyó que andaba y hablaba gente en el jardín. Púsose a escuchar atentamente. Levantaron la voz los de abajo, tanto, que pudo oír estas razones: — No me porfíes, ¡oh Emerencia!, que cante, pues sabes que, desde el punto que este forastero entró en este castillo y mis ojos le miraron, yo no sé cantar, sino llorar; cuanto más, que el sueño de mi señora tiene más de ligero que de pesado, y no querría que nos hallase aquí por todo el tesoro del mundo. Y, puesto caso que durmiese y no despertase, en vano sería mi canto si duerme y no despierta para oírle este nuevo Eneas, que ha llegado a mis regiones para dejarme escarnida. — No des en eso, Altisidora amiga —respondieron—, que sin duda la duquesa y cuantos hay en esa casa duermen, si no es el señor de tu corazón y el despertador de tu alma, porque ahora sentí que abría la ventana de la reja de su estancia, y sin duda debe de estar despierto; canta, lastimada mía, en tono bajo y suave al son de tu arpa, y, cuando la duquesa nos sienta, le echaremos la culpa al calor que hace. — No está en eso el punto, ¡oh Emerencia! —respondió la Altisidora—, sino en que no querría que mi canto descubriese mi corazón y fuese juzgada de los que no tienen noticia de las fuerzas poderosas de amor por doncella antojadiza y liviana. Pero venga lo que viniere, que más vale vergüenza en cara que mancilla en corazón. Y, en esto, sintió tocar una arpa suavísimamente. Oyendo lo cual, quedó don Quijote pasmado, porque en aquel instante se le vinieron a la memoria las infinitas aventuras semejantes a aquélla, de ventanas, rejas y jardines, músicas, requiebros y desvanecimientos que en los sus desvanecidos libros de caballerías había leído. Luego imaginó que alguna doncella de la duquesa estaba dél enamorada, y que la honestidad la forzaba a tener secreta su voluntad; temió no le rindiese, y propuso en su pensamiento el no dejarse vencer; y, encomendándose de todo buen ánimo y buen talante a su señora Dulcinea del Toboso, determinó de escuchar la música; y, para dar a entender que allí estaba, dio un fingido estornudo, de que no poco se alegraron las doncellas, que otra cosa no deseaban sino que don Quijote las oyese. Recorrida, pues, y afinada la arpa, Altisidora dio principio a este romance: -¡Oh, tú, que estás en tu lecho, entre sábanas de holanda, durmiendo a pierna tendida de la noche a la mañana, caballero el más valiente que ha producido la Mancha, más honesto y más bendito que el oro fino de Arabia! Oye a una triste doncella, bien crecida y mal lograda, que en la luz de tus dos soles se siente abrasar el alma. Tú buscas tus aventuras, y ajenas desdichas hallas; das las feridas, y niegas el remedio de sanarlas. Dime, valeroso joven, que Dios prospere tus ansias, si te criaste en la Libia, o en las montañas de Jaca; si sierpes te dieron leche; si, a dicha, fueron tus amas la aspereza de las selvas y el horror de las montañas. Muy bien puede Dulcinea, doncella rolliza y sana, preciarse de que ha rendido a una tigre y fiera brava. Por esto será famosa desde Henares a Jarama, desde el Tajo a Manzanares, desde Pisuerga hasta Arlanza. Trocáreme yo por ella, y diera encima una saya de las más gayadas mías, que de oro le adornan franjas. ¡Oh, quién se viera en tus brazos, o si no, junto a tu cama, rascándote la cabeza y matándote la caspa! Mucho pido, y no soy digna de merced tan señalada: los pies quisiera traerte, que a una humilde esto le basta. ¡Oh, qué de cofias te diera, qué de escarpines de plata, qué de calzas de damasco, qué de herreruelos de holanda! ¡Qué de finísimas perlas, cada cual como una agalla, que, a no tener compañeras, Las solas fueran llamadas! No mires de tu Tarpeya este incendio que me abrasa, Nerón manchego del mundo, ni le avives con tu saña. Niña soy, pulcela tierna, mi edad de quince no pasa: catorce tengo y tres meses, te juro en Dios y en mi ánima. No soy renca, ni soy coja, ni tengo nada de manca; los cabellos, como lirios, que, en pie, por el suelo arrastran. Y, aunque es mi boca aguileña y la nariz algo chata, ser mis dientes de topacios mi belleza al cielo ensalza. Mi voz, ya ves, si me escuchas, que a la que es más dulce iguala, y soy de disposición algo menos que mediana. Estas y otras gracias mías, son despojos de tu aljaba; desta casa soy doncella, y Altisidora me llaman. Aquí dio fin el canto de la malferida Altisidora, y comenzó el asombro del requirido don Quijote, el cual, dando un gran suspiro, dijo entre sí: — ¡Que tengo de ser tan desdichado andante, que no ha de haber doncella que me mire que de mí no se enamore...! ¡Que tenga de ser tan corta de ventura la sin par Dulcinea del Toboso, que no la han de dejar a solas gozar de la incomparable firmeza mía...! ¿Qué la queréis, reinas? ¿A qué la perseguís, emperatrices? ¿Para qué la acosáis, doncellas de a catorce a quince años? Dejad, dejad a la miserable que triunfe, se goce y ufane con la suerte que Amor quiso darle en rendirle mi corazón y entregarle mi alma. Mirad, caterva enamorada, que para sola Dulcinea soy de masa y de alfenique, y para todas las demás soy de pedernal; para ella soy miel, y para vosotras acíbar; para mí sola Dulcinea es la hermosa, la discreta, la honesta, la gallarda y la bien nacida, y las demás, las feas, las necias, las livianas y las de peor linaje; para ser yo suyo, y no de otra alguna, me arrojó la naturaleza al mundo. Llore o cante Altisidora; desespérese Madama, por quien me aporrearon en el castillo del moro encantado, que yo tengo de ser de Dulcinea, cocido o asado, limpio, bien criado y honesto, a pesar de todas las potestades hechiceras de la tierra. Y, con esto, cerró de golpe la ventana, y, despechado y pesaroso, como si le hubiera acontecido alguna gran desgracia, se acostó en su lecho, donde le dejaremos por ahora, porque nos está llamando el gran Sancho Panza, que quiere dar principio a su famoso gobierno. Capítulo XLV. De cómo el gran Sancho Panza tomó la posesión de su ínsula, y del modo que comenzó a gobernar ¡Oh perpetuo descubridor de los antípodas, hacha del mundo, ojo del cielo, meneo dulce de las cantimploras, Timbrio aquí, Febo allí, tirador acá, médico acullá, padre de la Poesía, inventor de la Música: tú que siempre sales, y, aunque lo parece, nunca te pones! A ti digo, ¡oh sol, con cuya ayuda el hombre engendra al hombre!; a ti digo que me favorezcas, y alumbres la escuridad de mi ingenio, para que pueda discurrir por sus puntos en la narración del gobierno del gran Sancho Panza; que sin ti, yo me siento tibio, desmazalado y confuso. Digo, pues, que con todo su acompañamiento llegó Sancho a un lugar de hasta mil vecinos, que era de los mejores que el duque tenía. Diéronle a entender que se llamaba la ínsula Barataria, o ya porque el lugar se llamaba Baratario, o ya por el barato con que se le había dado el gobierno. Al llegar a las puertas de la villa, que era cercada, salió el regimiento del pueblo a recebirle; tocaron las campanas, y todos los vecinos dieron muestras de general alegría, y con mucha pompa le llevaron a la iglesia mayor a dar gracias a Dios, y luego, con algunas ridículas ceremonias, le entregaron las llaves del pueblo, y le admitieron por perpetuo gobernador de la ínsula Barataria. El traje, las barbas, la gordura y pequeñez del nuevo gobernador tenía admirada a toda la gente que el busilis del cuento no sabía, y aun a todos los que lo sabían, que eran muchos. Finalmente, en sacándole de la iglesia, le llevaron a la silla del juzgado y le sentaron en ella; y el mayordomo del duque le dijo: — Es costumbre antigua en esta ínsula, señor gobernador, que el que viene a tomar posesión desta famosa ínsula está obligado a responder a una pregunta que se le hiciere, que sea algo intricada y dificultosa, de cuya respuesta el pueblo toma y toca el pulso del ingenio de su nuevo gobernador; y así, o se alegra o se entristece con su venida. En tanto que el mayordomo decía esto a Sancho, estaba él mirando unas grandes y muchas letras que en la pared frontera de su silla estaban escritas; y, como él no sabía leer, preguntó que qué eran aquellas pinturas que en aquella pared estaban. Fuele respondido: — Señor, allí esta escrito y notado el día en que Vuestra Señoría tomó posesión desta ínsula, y dice el epitafio: Hoy día, a tantos de tal mes y de tal año, tomó la posesión desta ínsula el señor don Sancho Panza, que muchos años la goce. — Y ¿a quién llaman don Sancho Panza? —preguntó Sancho. — A vuestra señoría —respondió el mayordomo—, que en esta ínsula no ha entrado otro Panza sino el que está sentado en esa silla. — Pues advertid, hermano —dijo Sancho—, que yo no tengo don, ni en todo mi linaje le ha habido: Sancho Panza me llaman a secas, y Sancho se llamó mi padre, y Sancho mi agüelo, y todos fueron Panzas, sin añadiduras de dones ni donas; y yo imagino que en esta ínsula debe de haber más dones que piedras; pero basta: Dios me entiende, y podrá ser que, si el gobierno me dura cuatro días, yo escardaré estos dones, que, por la muchedumbre, deben de enfadar como los mosquitos. Pase adelante con su pregunta el señor mayordomo, que yo responderé lo mejor que supiere, ora se entristezca o no se entristezca el pueblo. A este instante entraron en el juzgado dos hombres, el uno vestido de labrador y el otro de sastre, porque traía unas tijeras en la mano, y el sastre dijo: — Señor gobernador, yo y este hombre labrador venimos ante vuestra merced en razón que este buen hombre llegó a mi tienda ayer (que yo, con perdón de los presentes, soy sastre examinado, que Dios sea bendito), y, poniéndome un pedazo de paño en las manos, me preguntó: ''Señor, ¿habría en esto paño harto para hacerme una caperuza?'' Yo, tanteando el paño, le respondí que sí; él debióse de imaginar, a lo que yo imagino, e imaginé bien, que sin duda yo le quería hurtar alguna parte del paño, fundándose en su malicia y en la mala opinión de los sastres, y replicóme que mirase si habría para dos; adivinéle el pensamiento y díjele que sí; y él, caballero en su dañada y primera intención, fue añadiendo caperuzas, y yo añadiendo síes, hasta que llegamos a cinco caperuzas, y ahora en este punto acaba de venir por ellas: yo se las doy, y no me quiere pagar la hechura, antes me pide que le pague o vuelva su paño. — ¿Es todo esto así, hermano? —preguntó Sancho. — Sí, señor —respondió el hombre—, pero hágale vuestra merced que muestre las cinco caperuzas que me ha hecho. — De buena gana —respondió el sastre. Y, sacando encontinente la mano debajo del herreruelo, mostró en ella cinco caperuzas puestas en las cinco cabezas de los dedos de la mano, y dijo: — He aquí las cinco caperuzas que este buen hombre me pide, y en Dios y en mi conciencia que no me ha quedado nada del paño, y yo daré la obra a vista de veedores del oficio. Todos los presentes se rieron de la multitud de las caperuzas y del nuevo pleito. Sancho se puso a considerar un poco, y dijo: — Paréceme que en este pleito no ha de haber largas dilaciones, sino juzgar luego a juicio de buen varón; y así, yo doy por sentencia que el sastre pierda las hechuras, y el labrador el paño, y las caperuzas se lleven a los presos de la cárcel, y no haya más. Si la sentencia pasada de la bolsa del ganadero movió a admiración a los circunstantes, ésta les provocó a risa; pero, en fin, se hizo lo que mandó el gobernador; ante el cual se presentaron dos hombres ancianos; el uno traía una cañaheja por báculo, y el sin báculo dijo: — Señor, a este buen hombre le presté días ha diez escudos de oro en oro, por hacerle placer y buena obra, con condición que me los volviese cuando se los pidiese; pasáronse muchos días sin pedírselos, por no ponerle en mayor necesidad de volvérmelos que la que él tenía cuando yo se los presté; pero, por parecerme que se descuidaba en la paga, se los he pedido una y muchas veces, y no solamente no me los vuelve, pero me los niega y dice que nunca tales diez escudos le presté, y que si se los presté, que ya me los ha vuelto. Yo no tengo testigos ni del prestado ni de la vuelta, porque no me los ha vuelto; querría que vuestra merced le tomase juramento, y si jurare que me los ha vuelto, yo se los perdono para aquí y para delante de Dios. — ¿Qué decís vos a esto, buen viejo del báculo? —dijo Sancho. A lo que dijo el viejo: — Yo, señor, confieso que me los prestó, y baje vuestra merced esa vara; y, pues él lo deja en mi juramento, yo juraré como se los he vuelto y pagado real y verdaderamente. Bajó el gobernador la vara, y, en tanto, el viejo del báculo dio el báculo al otro viejo, que se le tuviese en tanto que juraba, como si le embarazara mucho, y luego puso la mano en la cruz de la vara, diciendo que era verdad que se le habían prestado aquellos diez escudos que se le pedían; pero que él se los había vuelto de su mano a la suya, y que por no caer en ello se los volvía a pedir por momentos. Viendo lo cual el gran gobernador, preguntó al acreedor qué respondía a lo que decía su contrario; y dijo que sin duda alguna su deudor debía de decir verdad, porque le tenía por hombre de bien y buen cristiano, y que a él se le debía de haber olvidado el cómo y cuándo se los había vuelto, y que desde allí en adelante jamás le pidiría nada. Tornó a tomar su báculo el deudor, y, bajando la cabeza, se salió del juzgado. Visto lo cual Sancho, y que sin más ni más se iba, y viendo también la paciencia del demandante, inclinó la cabeza sobre el pecho, y, poniéndose el índice de la mano derecha sobre las cejas y las narices, estuvo como pensativo un pequeño espacio, y luego alzó la cabeza y mandó que le llamasen al viejo del báculo, que ya se había ido. Trujéronsele, y, en viéndole Sancho, le dijo: — Dadme, buen hombre, ese báculo, que le he menester. — De muy buena gana —respondió el viejo—: hele aquí, señor. Y púsosele en la mano. Tomóle Sancho, y, dándosele al otro viejo, le dijo: — Andad con Dios, que ya vais pagado. — ¿Yo, señor? —respondió el viejo—. Pues, ¿vale esta cañaheja diez escudos de oro? — Sí —dijo el gobernador—; o si no, yo soy el mayor porro del mundo. Y ahora se verá si tengo yo caletre para gobernar todo un reino. Y mandó que allí, delante de todos, se rompiese y abriese la caña. Hízose así, y en el corazón della hallaron diez escudos en oro. Quedaron todos admirados, y tuvieron a su gobernador por un nuevo Salomón. Preguntáronle de dónde había colegido que en aquella cañaheja estaban aquellos diez escudos, y respondió que de haberle visto dar el viejo que juraba, a su contrario, aquel báculo, en tanto que hacía el juramento, y jurar que se los había dado real y verdaderamente, y que, en acabando de jurar, le tornó a pedir el báculo, le vino a la imaginación que dentro dél estaba la paga de lo que pedían. De donde se podía colegir que los que gobiernan, aunque sean unos tontos, tal vez los encamina Dios en sus juicios; y más, que él había oído contar otro caso como aquél al cura de su lugar, y que él tenía tan gran memoria, que, a no olvidársele todo aquello de que quería acordarse, no hubiera tal memoria en toda la ínsula. Finalmente, el un viejo corrido y el otro pagado, se fueron, y los presentes quedaron admirados, y el que escribía las palabras, hechos y movimientos de Sancho no acababa de determinarse si le tendría y pondría por tonto o por discreto. Luego, acabado este pleito, entró en el juzgado una mujer asida fuertemente de un hombre vestido de ganadero rico, la cual venía dando grandes voces, diciendo: — ¡Justicia, señor gobernador, justicia, y si no la hallo en la tierra, la iré a buscar al cielo! Señor gobernador de mi ánima, este mal hombre me ha cogido en la mitad dese campo, y se ha aprovechado de mi cuerpo como si fuera trapo mal lavado, y, ¡desdichada de mí!, me ha llevado lo que yo tenía guardado más de veinte y tres años ha, defendiéndolo de moros y cristianos, de naturales y estranjeros; y yo, siempre dura como un alcornoque, conservándome entera como la salamanquesa en el fuego, o como la lana entre las zarzas, para que este buen hombre llegase ahora con sus manos limpias a manosearme. — Aun eso está por averiguar: si tiene limpias o no las manos este galán — dijo Sancho. Y, volviéndose al hombre, le dijo qué decía y respondía a la querella de aquella mujer. El cual, todo turbado, respondió: — Señores, yo soy un pobre ganadero de ganado de cerda, y esta mañana salía deste lugar de vender, con perdón sea dicho, cuatro puercos, que me llevaron de alcabalas y socaliñas poco menos de lo que ellos valían; volvíame a mi aldea, topé en el camino a esta buena dueña, y el diablo, que todo lo añasca y todo lo cuece, hizo que yogásemos juntos; paguéle lo soficiente, y ella, mal contenta, asió de mí, y no me ha dejado hasta traerme a este puesto. Dice que la forcé, y miente, para el juramento que hago o pienso hacer; y ésta es toda la verdad, sin faltar meaja. Entonces el gobernador le preguntó si traía consigo algún dinero en plata; él dijo que hasta veinte ducados tenía en el seno, en una bolsa de cuero. Mandó que la sacase y se la entregase, así como estaba, a la querellante; él lo hizo temblando; tomóla la mujer, y, haciendo mil zalemas a todos y rogando a Dios por la vida y salud del señor gobernador, que así miraba por las huérfanas menesterosas y doncellas; y con esto se salió del juzgado, llevando la bolsa asida con entrambas manos, aunque primero miró si era de plata la moneda que llevaba dentro. Apenas salió, cuando Sancho dijo al ganadero, que ya se le saltaban las lágrimas, y los ojos y el corazón se iban tras su bolsa: — Buen hombre, id tras aquella mujer y quitadle la bolsa, aunque no quiera, y volved aquí con ella. Y no lo dijo a tonto ni a sordo, porque luego partió como un rayo y fue a lo que se le mandaba. Todos los presentes estaban suspensos, esperando el fin de aquel pleito, y de allí a poco volvieron el hombre y la mujer más asidos y aferrados que la vez primera: ella la saya levantada y en el regazo puesta la bolsa, y el hombre pugnando por quitársela; mas no era posible, según la mujer la defendía, la cual daba voces diciendo: — ¡Justicia de Dios y del mundo! Mire vuestra merced, señor gobernador, la poca vergüenza y el poco temor deste desalmado, que, en mitad de poblado y en mitad de la calle, me ha querido quitar la bolsa que vuestra merced mandó darme. — Y ¿háosla quitado? —preguntó el gobernador. — ¿Cómo quitar? —respondió la mujer—. Antes me dejara yo quitar la vida que me quiten la bolsa. ¡Bonita es la niña! ¡Otros gatos me han de echar a las barbas, que no este desventurado y asqueroso! ¡Tenazas y martillos, mazos y escoplos no serán bastantes a sacármela de las uñas, ni aun garras de leones: antes el ánima de en mitad en mitad de las carnes! — Ella tiene razón —dijo el hombre—, y yo me doy por rendido y sin fuerzas, y confieso que las mías no son bastantes para quitársela, y déjola. Entonces el gobernador dijo a la mujer: — Mostrad, honrada y valiente, esa bolsa. Ella se la dio luego, y el gobernador se la volvió al hombre, y dijo a la esforzada y no forzada: — Hermana mía, si el mismo aliento y valor que habéis mostrado para defender esta bolsa le mostrárades, y aun la mitad menos, para defender vuestro cuerpo, las fuerzas de Hércules no os hicieran fuerza. Andad con Dios, y mucho de enhoramala, y no paréis en toda esta ínsula ni en seis leguas a la redonda, so pena de docientos azotes. ¡Andad luego digo, churrillera, desvergonzada y embaidora! Espantóse la mujer y fuese cabizbaja y mal contenta, y el gobernador dijo al hombre: — Buen hombre, andad con Dios a vuestro lugar con vuestro dinero, y de aquí adelante, si no le queréis perder, procurad que no os venga en voluntad de yogar con nadie. El hombre le dio las gracias lo peor que supo, y fuese, y los circunstantes quedaron admirados de nuevo de los juicios y sentencias de su nuevo gobernador. Todo lo cual, notado de su coronista, fue luego escrito al duque, que con gran deseo lo estaba esperando. Y quédese aquí el buen Sancho, que es mucha la priesa que nos da su amo, alborozado con la música de Altisidora. Capítulo XLVI. Del temeroso espanto cencerril y gatuno que recibió don Quijote en el discurso de los amores de la enamorada Altisidora Dejamos al gran don Quijote envuelto en los pensamientos que le habían causado la música de la enamorada doncella Altisidora. Acostóse con ellos, y, como si fueran pulgas, no le dejaron dormir ni sosegar un punto, y juntábansele los que le faltaban de sus medias; pero, como es ligero el tiempo, y no hay barranco que le detenga, corrió caballero en las horas, y con mucha presteza llegó la de la mañana. Lo cual visto por don Quijote, dejó las blandas plumas, y, no nada perezoso, se vistió su acamuzado vestido y se calzó sus botas de camino, por encubrir la desgracia de sus medias; arrojóse encima su mantón de escarlata y púsose en la cabeza una montera de terciopelo verde, guarnecida de pasamanos de plata; colgó el tahelí de sus hombros con su buena y tajadora espada, asió un gran rosario que consigo contino traía, y con gran prosopopeya y contoneo salió a la antesala, donde el duque y la duquesa estaban ya vestidos y como esperándole; y, al pasar por una galería, estaban aposta esperándole Altisidora y la otra doncella su amiga, y, así como Altisidora vio a don Quijote, fingió desmayarse, y su amiga la recogió en sus faldas, y con gran presteza la iba a desabrochar el pecho. Don Quijote, que lo vio, llegándose a ellas, dijo: — Ya sé yo de qué proceden estos accidentes. — No sé yo de qué —respondió la amiga—, porque Altisidora es la doncella más sana de toda esta casa, y yo nunca la he sentido un ¡ay! en cuanto ha que la conozco, que mal hayan cuantos caballeros andantes hay en el mundo, si es que todos son desagradecidos. Váyase vuesa merced, señor don Quijote, que no volverá en sí esta pobre niña en tanto que vuesa merced aquí estuviere. A lo que respondió don Quijote: — Haga vuesa merced, señora, que se me ponga un laúd esta noche en mi aposento, que yo consolaré lo mejor que pudiere a esta lastimada doncella; que en los principios amorosos los desengaños prestos suelen ser remedios calificados. Y con esto se fue, porque no fuese notado de los que allí le viesen. No se hubo bien apartado, cuando, volviendo en sí la desmayada Altisidora, dijo a su compañera: — Menester será que se le ponga el laúd, que sin duda don Quijote quiere darnos música, y no será mala, siendo suya. Fueron luego a dar cuenta a la duquesa de lo que pasaba y del laúd que pedía don Quijote, y ella, alegre sobremodo, concertó con el duque y con sus doncellas de hacerle una burla que fuese más risueña que dañosa, y con mucho contento esperaban la noche, que se vino tan apriesa como se había venido el día, el cual pasaron los duques en sabrosas pláticas con don Quijote. Y la duquesa aquel día real y verdaderamente despachó a un paje suyo, que había hecho en la selva la figura encantada de Dulcinea, a Teresa Panza, con la carta de su marido Sancho Panza, y con el lío de ropa que había dejado para que se le enviase, encargándole le trujese buena relación de todo lo que con ella pasase. Hecho esto, y llegadas las once horas de la noche, halló don Quijote una vihuela en su aposento; templóla, abrió la reja, y sintió que andaba gente en el jardín; y, habiendo recorrido los trastes de la vihuela y afinándola lo mejor que supo, escupió y remondóse el pecho, y luego, con una voz ronquilla, aunque entonada, cantó el siguiente romance, que él mismo aquel día había compuesto: -Suelen las fuerzas de amor sacar de quicio a las almas, tomando por instrumento la ociosidad descuidada. Suele el coser y el labrar, y el estar siempre ocupada, ser antídoto al veneno de las amorosas ansias. Las doncellas recogidas que aspiran a ser casadas, la honestidad es la dote y voz de sus alabanzas. Los andantes caballeros, y los que en la corte andan, requiébranse con las libres, con las honestas se casan. Hay amores de levante, que entre huéspedes se tratan, que llegan presto al poniente, porque en el partirse acaban. El amor recién venido, que hoy llegó y se va mañana, las imágines no deja bien impresas en el alma. Pintura sobre pintura ni se muestra ni señala; y do hay primera belleza, la segunda no hace baza. Dulcinea del Toboso del alma en la tabla rasa tengo pintada de modo que es imposible borrarla. La firmeza en los amantes es la parte más preciada, por quien hace amor milagros, y asimesmo los levanta. Aquí llegaba don Quijote de su canto, a quien estaban escuchando el duque y la duquesa, Altisidora y casi toda la gente del castillo, cuando de improviso, desde encima de un corredor que sobre la reja de don Quijote a plomo caía, descolgaron un cordel donde venían más de cien cencerros asidos, y luego, tras ellos, derramaron un gran saco de gatos, que asimismo traían cencerros menores atados a las colas. Fue tan grande el ruido de los cencerros y el mayar de los gatos, que, aunque los duques habían sido inventores de la burla, todavía les sobresaltó; y, temeroso, don Quijote quedó pasmado. Y quiso la suerte que dos o tres gatos se entraron por la reja de su estancia, y, dando de una parte a otra, parecía que una región de diablos andaba en ella. Apagaron las velas que en el aposento ardían, y andaban buscando por do escaparse. El descolgar y subir del cordel de los grandes cencerros no cesaba; la mayor parte de la gente del castillo, que no sabía la verdad del caso, estaba suspensa y admirada. Levantóse don Quijote en pie, y, poniendo mano a la espada, comenzó a tirar estocadas por la reja y a decir a grandes voces: — ¡Afuera, malignos encantadores! ¡Afuera, canalla hechiceresca, que yo soy don Quijote de la Mancha, contra quien no valen ni tienen fuerza vuestras malas intenciones! Y, volviéndose a los gatos que andaban por el aposento, les tiró muchas cuchilladas; ellos acudieron a la reja, y por allí se salieron, aunque uno, viéndose tan acosado de las cuchilladas de don Quijote, le saltó al rostro y le asió de las narices con las uñas y los dientes, por cuyo dolor don Quijote comenzó a dar los mayores gritos que pudo. Oyendo lo cual el duque y la duquesa, y considerando lo que podía ser, con mucha presteza acudieron a su estancia, y, abriendo con llave maestra, vieron al pobre caballero pugnando con todas sus fuerzas por arrancar el gato de su rostro. Entraron con luces y vieron la desigual pelea; acudió el duque a despartirla, y don Quijote dijo a voces: — ¡No me le quite nadie! ¡Déjenme mano a mano con este demonio, con este hechicero, con este encantador, que yo le daré a entender de mí a él quién es don Quijote de la Mancha! Pero el gato, no curándose destas amenazas, gruñía y apretaba. Mas, en fin, el duque se le desarraigó y le echó por la reja. Quedó don Quijote acribado el rostro y no muy sanas las narices, aunque muy despechado porque no le habían dejado fenecer la batalla que tan trabada tenía con aquel malandrín encantador. Hicieron traer aceite de Aparicio, y la misma Altisidora, con sus blanquísimas manos, le puso unas vendas por todo lo herido; y, al ponérselas, con voz baja le dijo: — Todas estas malandanzas te suceden, empedernido caballero, por el pecado de tu dureza y pertinacia; y plega a Dios que se le olvide a Sancho tu escudero el azotarse, porque nunca salga de su encanto esta tan amada tuya Dulcinea, ni tú lo goces, ni llegues a tálamo con ella, a lo menos viviendo yo, que te adoro. A todo esto no respondió don Quijote otra palabra si no fue dar un profundo suspiro, y luego se tendió en su lecho, agradeciendo a los duques la merced, no porque él tenía temor de aquella canalla gatesca, encantadora y cencerruna, sino porque había conocido la buena intención con que habían venido a socorrerle. Los duques le dejaron sosegar, y se fueron, pesarosos del mal suceso de la burla; que no creyeron que tan pesada y costosa le saliera a don Quijote aquella aventura, que le costó cinco días de encerramiento y de cama, donde le sucedió otra aventura más gustosa que la pasada, la cual no quiere su historiador contar ahora, por acudir a Sancho Panza, que andaba muy solícito y muy gracioso en su gobierno. Capítulo XLVII. Donde se prosigue cómo se portaba Sancho Panza en su gobierno Cuenta la historia que desde el juzgado llevaron a Sancho Panza a un suntuoso palacio, adonde en una gran sala estaba puesta una real y limpísima mesa; y, así como Sancho entró en la sala, sonaron chirimías, y salieron cuatro pajes a darle aguamanos, que Sancho recibió con mucha gravedad. Cesó la música, sentóse Sancho a la cabecera de la mesa, porque no había más de aquel asiento, y no otro servicio en toda ella. Púsose a su lado en pie un personaje, que después mostró ser médico, con una varilla de ballena en la mano. Levantaron una riquísima y blanca toalla con que estaban cubiertas las frutas y mucha diversidad de platos de diversos manjares; uno que parecía estudiante echó la bendición, y un paje puso un babador randado a Sancho; otro que hacía el oficio de maestresala, llegó un plato de fruta delante; pero, apenas hubo comido un bocado, cuando el de la varilla tocando con ella en el plato, se le quitaron de delante con grandísima celeridad; pero el maestresala le llegó otro de otro manjar. Iba a probarle Sancho; pero, antes que llegase a él ni le gustase, ya la varilla había tocado en él, y un paje alzádole con tanta presteza como el de la fruta. Visto lo cual por Sancho, quedó suspenso, y, mirando a todos, preguntó si se había de comer aquella comida como juego de maesecoral. A lo cual respondió el de la vara: — No se ha de comer, señor gobernador, sino como es uso y costumbre en las otras ínsulas donde hay gobernadores. Yo, señor, soy médico, y estoy asalariado en esta ínsula para serlo de los gobernadores della, y miro por su salud mucho más que por la mía, estudiando de noche y de día, y tanteando la complexión del gobernador, para acertar a curarle cuando cayere enfermo; y lo principal que hago es asistir a sus comidas y cenas, y a dejarle comer de lo que me parece que le conviene, y a quitarle lo que imagino que le ha de hacer daño y ser nocivo al estómago; y así, mandé quitar el plato de la fruta, por ser demasiadamente húmeda, y el plato del otro manjar también le mandé quitar, por ser demasiadamente caliente y tener muchas especies, que acrecientan la sed; y el que mucho bebe mata y consume el húmedo radical, donde consiste la vida. — Desa manera, aquel plato de perdices que están allí asadas, y, a mi parecer, bien sazonadas, no me harán algún daño. A lo que el médico respondió: — Ésas no comerá el señor gobernador en tanto que yo tuviere vida. — Pues, ¿por qué? —dijo Sancho. Y el médico respondió: — Porque nuestro maestro Hipócrates, norte y luz de la medicina, en un aforismo suyo, dice: Omnis saturatio mala, perdices autem pessima. Quiere decir: "Toda hartazga es mala; pero la de las perdices, malísima". — Si eso es así —dijo Sancho—, vea el señor doctor de cuantos manjares hay en esta mesa cuál me hará más provecho y cuál menos daño, y déjeme comer dél sin que me le apalee; porque, por vida del gobernador, y así Dios me le deje gozar, que me muero de hambre, y el negarme la comida, aunque le pese al señor doctor y él más me diga, antes será quitarme la vida que aumentármela. — Vuestra merced tiene razón, señor gobernador —respondió el médico—; y así, es mi parecer que vuestra merced no coma de aquellos conejos guisados que allí están, porque es manjar peliagudo. De aquella ternera, si no fuera asada y en adobo, aún se pudiera probar, pero no hay para qué. Y Sancho dijo: — Aquel platonazo que está más adelante vahando me parece que es olla podrida, que por la diversidad de cosas que en las tales ollas podridas hay, no podré dejar de topar con alguna que me sea de gusto y de provecho. — Absit! —dijo el médico—. Vaya lejos de nosotros tan mal pensamiento: no hay cosa en el mundo de peor mantenimiento que una olla podrida. Allá las ollas podridas para los canónigos, o para los retores de colegios, o para las bodas labradorescas, y déjennos libres las mesas de los gobernadores, donde ha de asistir todo primor y toda atildadura; y la razón es porque siempre y a doquiera y de quienquiera son más estimadas las medicinas simples que las compuestas, porque en las simples no se puede errar y en las compuestas sí, alterando la cantidad de las cosas de que son compuestas; mas lo que yo sé que ha de comer el señor gobernador ahora, para conservar su salud y corroborarla, es un ciento de cañutillos de suplicaciones y unas tajadicas subtiles de carne de membrillo, que le asienten el estómago y le ayuden a la digestión. Oyendo esto Sancho, se arrimó sobre el espaldar de la silla y miró de hito en hito al tal médico, y con voz grave le preguntó cómo se llamaba y dónde había estudiado. A lo que él respondió: — Yo, señor gobernador, me llamo el doctor Pedro Recio de Agüero, y soy natural de un lugar llamado Tirteafuera, que está entre Caracuel y Almodóvar del Campo, a la mano derecha, y tengo el grado de doctor por la universidad de Osuna. A lo que respondió Sancho, todo encendido en cólera: — Pues, señor doctor Pedro Recio de Mal Agüero, natural de Tirteafuera, lugar que está a la derecha mano como vamos de Caracuel a Almodóvar del Campo, graduado en Osuna, quíteseme luego delante, si no, voto al sol que tome un garrote y que a garrotazos, comenzando por él, no me ha de quedar médico en toda la ínsula, a lo menos de aquellos que yo entienda que son ignorantes; que a los médicos sabios, prudentes y discretos los pondré sobre mi cabeza y los honraré como a personas divinas. Y vuelvo a decir que se me vaya, Pedro Recio, de aquí; si no, tomaré esta silla donde estoy sentado y se la estrellaré en la cabeza; y pídanmelo en residencia, que yo me descargaré con decir que hice servicio a Dios en matar a un mal médico, verdugo de la república. Y denme de comer, o si no, tómense su gobierno, que oficio que no da de comer a su dueño no vale dos habas. Alborotóse el doctor, viendo tan colérico al gobernador, y quiso hacer tirteafuera de la sala, sino que en aquel instante sonó una corneta de posta en la calle, y, asomándose el maestresala a la ventana, volvió diciendo: — Correo viene del duque mi señor; algún despacho debe de traer de importancia. Entró el correo sudando y asustado, y, sacando un pliego del seno, le puso en las manos del gobernador, y Sancho le puso en las del mayordomo, a quien mandó leyese el sobreescrito, que decía así: A don Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria, en su propia mano o en las de su secretario. Oyendo lo cual, Sancho dijo: — ¿Quién es aquí mi secretario? Y uno de los que presentes estaban respondió: — Yo, señor, porque sé leer y escribir, y soy vizcaíno. — Con esa añadidura —dijo Sancho—, bien podéis ser secretario del mismo emperador. Abrid ese pliego, y mirad lo que dice. Hízolo así el recién nacido secretario, y, habiendo leído lo que decía, dijo que era negocio para tratarle a solas. Mandó Sancho despejar la sala, y que no quedasen en ella sino el mayordomo y el maestresala, y los demás y el médico se fueron; y luego el secretario leyó la carta, que así decía: A mi noticia ha llegado, señor don Sancho Panza, que unos enemigos míos y desa ínsula la han de dar un asalto furioso, no sé qué noche; conviene velar y estar alerta, porque no le tomen desapercebido. Sé también, por espías verdaderas, que han entrado en ese lugar cuatro personas disfrazadas para quitaros la vida, porque se temen de vuestro ingenio; abrid el ojo, y mirad quién llega a hablaros, y no comáis de cosa que os presentaren. Yo tendré cuidado de socorreros si os viéredes en trabajo, y en todo haréis como se espera de vuestro entendimiento. Deste lugar, a 16 de agosto, a las cuatro de la mañana. Vuestro amigo, El Duque. Quedó atónito Sancho, y mostraron quedarlo asimismo los circunstantes; y, volviéndose al mayordomo, le dijo: — Lo que agora se ha de hacer, y ha de ser luego, es meter en un calabozo al doctor Recio; porque si alguno me ha de matar, ha de ser él, y de muerte adminícula y pésima, como es la de la hambre. — También —dijo el maestresala— me parece a mí que vuesa merced no coma de todo lo que está en esta mesa, porque lo han presentado unas monjas, y, como suele decirse, detrás de la cruz está el diablo. — No lo niego —respondió Sancho—, y por ahora denme un pedazo de pan y obra de cuatro libras de uvas, que en ellas no podrá venir veneno; porque, en efecto, no puedo pasar sin comer, y si es que hemos de estar prontos para estas batallas que nos amenazan, menester será estar bien mantenidos, porque tripas llevan corazón, que no corazón tripas. Y vos, secretario, responded al duque mi señor y decidle que se cumplirá lo que manda como lo manda, sin faltar punto; y daréis de mi parte un besamanos a mi señora la duquesa, y que le suplico no se le olvide de enviar con un propio mi carta y mi lío a mi mujer Teresa Panza, que en ello recibiré mucha merced, y tendré cuidado de servirla con todo lo que mis fuerzas alcanzaren; y de camino podéis encajar un besamanos a mi señor don Quijote de la Mancha, porque vea que soy pan agradecido; y vos, como buen secretario y como buen vizcaíno, podéis añadir todo lo que quisiéredes y más viniere a cuento. Y álcense estos manteles, y denme a mí de comer, que yo me avendré con cuantas espías y matadores y encantadores vinieren sobre mí y sobre mi ínsula. En esto entró un paje, y dijo: — Aquí está un labrador negociante que quiere hablar a Vuestra Señoría en un negocio, según él dice, de mucha importancia. — Estraño caso es éste —dijo Sancho— destos negociantes. ¿Es posible que sean tan necios, que no echen de ver que semejantes horas como éstas no son en las que han de venir a negociar? ¿Por ventura los que gobernamos, los que somos jueces, no somos hombres de carne y de hueso, y que es menester que nos dejen descansar el tiempo que la necesidad pide, sino que quieren que seamos hechos de piedra marmol? Por Dios y en mi conciencia que si me dura el gobierno (que no durará, según se me trasluce), que yo ponga en pretina a más de un negociante. Agora decid a ese buen hombre que entre; pero adviértase primero no sea alguno de los espías, o matador mío. — No, señor —respondió el paje—, porque parece una alma de cántaro, y yo sé poco, o él es tan bueno como el buen pan. — No hay que temer —dijo el mayordomo—, que aquí estamos todos. — ¿Sería posible —dijo Sancho—, maestresala, que agora que no está aquí el doctor Pedro Recio, que comiese yo alguna cosa de peso y de sustancia, aunque fuese un pedazo de pan y una cebolla? — Esta noche, a la cena, se satisfará la falta de la comida, y quedará Vuestra Señoría satisfecho y pagado —dijo el maestresala. — Dios lo haga —respondió Sancho. Y, en esto, entró el labrador, que era de muy buena presencia, y de mil leguas se le echaba de ver que era bueno y buena alma. Lo primero que dijo fue: — ¿Quién es aquí el señor gobernador? — ¿Quién ha de ser —respondió el secretario—, sino el que está sentado en la silla? — Humíllome, pues, a su presencia —dijo el labrador. Y, poniéndose de rodillas, le pidió la mano para besársela. Negósela Sancho, y mandó que se levantase y dijese lo que quisiese. Hízolo así el labrador, y luego dijo: — Yo, señor, soy labrador, natural de Miguel Turra, un lugar que está dos leguas de Ciudad Real. — ¡Otro Tirteafuera tenemos! —dijo Sancho—. Decid, hermano, que lo que yo os sé decir es que sé muy bien a Miguel Turra, y que no está muy lejos de mi pueblo. — Es, pues, el caso, señor —prosiguió el labrador—, que yo, por la misericordia de Dios, soy casado en paz y en haz de la Santa Iglesia Católica Romana; tengo dos hijos estudiantes que el menor estudia para bachiller y el mayor para licenciado; soy viudo, porque se murió mi mujer, o, por mejor decir, me la mató un mal médico, que la purgó estando preñada, y si Dios fuera servido que saliera a luz el parto, y fuera hijo, yo le pusiere a estudiar para doctor, porque no tuviera invidia a sus hermanos el bachiller y el licenciado. — De modo —dijo Sancho— que si vuestra mujer no se hubiera muerto, o la hubieran muerto, vos no fuérades agora viudo. — No, señor, en ninguna manera —respondió el labrador. — ¡Medrados estamos! —replicó Sancho—. Adelante, hermano, que es hora de dormir más que de negociar. — Digo, pues —dijo el labrador—, que este mi hijo que ha de ser bachiller se enamoró en el mesmo pueblo de una doncella llamada Clara Perlerina, hija de Andrés Perlerino, labrador riquísimo; y este nombre de Perlerines no les viene de abolengo ni otra alcurnia, sino porque todos los deste linaje son perláticos, y por mejorar el nombre los llaman Perlerines; aunque, si va decir la verdad, la doncella es como una perla oriental, y, mirada por el lado derecho, parece una flor del campo; por el izquierdo no tanto, porque le falta aquel ojo, que se le saltó de viruelas; y, aunque los hoyos del rostro son muchos y grandes, dicen los que la quieren bien que aquéllos no son hoyos, sino sepulturas donde se sepultan las almas de sus amantes. Es tan limpia que, por no ensuciar la cara, trae las narices, como dicen, arremangadas, que no parece sino que van huyendo de la boca; y, con todo esto, parece bien por estremo, porque tiene la boca grande, y, a no faltarle diez o doce dientes y muelas, pudiera pasar y echar raya entre las más bien formadas. De los labios no tengo qué decir, porque son tan sutiles y delicados que, si se usaran aspar labios, pudieran hacer dellos una madeja; pero, como tienen diferente color de la que en los labios se usa comúnmente, parecen milagrosos, porque son jaspeados de azul y verde y aberenjenado; y perdóneme el señor gobernador si por tan menudo voy pintando las partes de la que al fin al fin ha de ser mi hija, que la quiero bien y no me parece mal. — Pintad lo que quisiéredes —dijo Sancho—, que yo me voy recreando en la pintura, y si hubiera comido, no hubiera mejor postre para mí que vuestro retrato. — Eso tengo yo por servir —respondió el labrador—, pero tiempo vendrá en que seamos, si ahora no somos. Y digo, señor, que si pudiera pintar su gentileza y la altura de su cuerpo, fuera cosa de admiración; pero no puede ser, a causa de que ella está agobiada y encogida, y tiene las rodillas con la boca, y, con todo eso, se echa bien de ver que si se pudiera levantar, diera con la cabeza en el techo; y ya ella hubiera dado la mano de esposa a mi bachiller, sino que no la puede estender, que está añudada; y, con todo, en las uñas largas y acanaladas se muestra su bondad y buena hechura. — Está bien —dijo Sancho—, y haced cuenta, hermano, que ya la habéis pintado de los pies a la cabeza. ¿Qué es lo que queréis ahora? Y venid al punto sin rodeos ni callejuelas, ni retazos ni añadiduras. — Querría, señor —respondió el labrador—, que vuestra merced me hiciese merced de darme una carta de favor para mi consuegro, suplicándole sea servido de que este casamiento se haga, pues no somos desiguales en los bienes de fortuna, ni en los de la naturaleza; porque, para decir la verdad, señor gobernador, mi hijo es endemoniado, y no hay día que tres o cuatro veces no le atormenten los malignos espíritus; y de haber caído una vez en el fuego, tiene el rostro arrugado como pergamino, y los ojos algo llorosos y manantiales; pero tiene una condición de un ángel, y si no es que se aporrea y se da de puñadas él mesmo a sí mesmo, fuera un bendito. — ¿Queréis otra cosa, buen hombre? —replicó Sancho. — Otra cosa querría —dijo el labrador—, sino que no me atrevo a decirlo; pero vaya, que, en fin, no se me ha de podrir en el pecho, pegue o no pegue. Digo, señor, que querría que vuesa merced me diese trecientos o seiscientos ducados para ayuda a la dote de mi bachiller; digo para ayuda de poner su casa, porque, en fin, han de vivir por sí, sin estar sujetos a las impertinencias de los suegros. — Mirad si queréis otra cosa —dijo Sancho—, y no la dejéis de decir por empacho ni por vergüenza. — No, por cierto —respondió el labrador. Y, apenas dijo esto, cuando, levantándose en pie el gobernador, asió de la silla en que estaba sentado y dijo: — ¡Voto a tal, don patán rústico y mal mirado, que si no os apartáis y ascondéis luego de mi presencia, que con esta silla os rompa y abra la cabeza! Hideputa bellaco, pintor del mesmo demonio, ¿y a estas horas te vienes a pedirme seiscientos ducados?; y ¿dónde los tengo yo, hediondo?; y ¿por qué te los había de dar, aunque los tuviera, socarrón y mentecato?; y ¿qué se me da a mí de Miguel Turra, ni de todo el linaje de los Perlerines? ¡Va de mí, digo; si no, por vida del duque mi señor, que haga lo que tengo dicho! Tú no debes de ser de Miguel Turra, sino algún socarrón que, para tentarme, te ha enviado aquí el infierno. Dime, desalmado, aún no ha día y medio que tengo el gobierno, y ¿ya quieres que tenga seiscientos ducados? Hizo de señas el maestresala al labrador que se saliese de la sala, el cual lo hizo cabizbajo y, al parecer, temeroso de que el gobernador no ejecutase su cólera, que el bellacón supo hacer muy bien su oficio. Pero dejemos con su cólera a Sancho, y ándese la paz en el corro, y volvamos a don Quijote, que le dejamos vendado el rostro y curado de las gatescas heridas, de las cuales no sanó en ocho días, en uno de los cuales le sucedió lo que Cide Hamete promete de contar con la puntualidad y verdad que suele contar las cosas desta historia, por mínimas que sean. Capítulo XLVIII. De lo que le sucedió a don Quijote con doña Rodríguez, la dueña de la duquesa, con otros acontecimientos dignos de escritura y de memoria eterna Además estaba mohíno y malencólico el mal ferido don Quijote, vendado el rostro y señalado, no por la mano de Dios, sino por las uñas de un gato, desdichas anejas a la andante caballería. Seis días estuvo sin salir en público, en una noche de las cuales, estando despierto y desvelado, pensando en sus desgracias y en el perseguimiento de Altisidora, sintió que con una llave abrían la puerta de su aposento, y luego imaginó que la enamorada doncella venía para sobresaltar su honestidad y ponerle en condición de faltar a la fee que guardar debía a su señora Dulcinea del Toboso. — No —dijo creyendo a su imaginación, y esto, con voz que pudiera ser oída—; no ha de ser parte la mayor hermosura de la tierra para que yo deje de adorar la que tengo grabada y estampada en la mitad de mi corazón y en lo más escondido de mis entrañas, ora estés, señora mía, transformada en cebolluda labradora, ora en ninfa del dorado Tajo, tejiendo telas de oro y sirgo compuestas, ora te tenga Merlín, o Montesinos, donde ellos quisieren; que, adondequiera eres mía, y adoquiera he sido yo, y he de ser, tuyo. El acabar estas razones y el abrir de la puerta fue todo uno. Púsose en pie sobre la cama, envuelto de arriba abajo en una colcha de raso amarillo, una galocha en la cabeza, y el rostro y los bigotes vendados: el rostro, por los aruños; los bigotes, porque no se le desmayasen y cayesen; en el cual traje parecía la más extraordinaria fantasma que se pudiera pensar. Clavó los ojos en la puerta, y, cuando esperaba ver entrar por ella a la rendida y lastimada Altisidora, vio entrar a una reverendísima dueña con unas tocas blancas repulgadas y luengas, tanto, que la cubrían y enmantaban desde los pies a la cabeza. Entre los dedos de la mano izquierda traía una media vela encendida, y con la derecha se hacía sombra, porque no le diese la luz en los ojos, a quien cubrían unos muy grandes antojos. Venía pisando quedito, y movía los pies blandamente. Miróla don Quijote desde su atalaya, y cuando vio su adeliño y notó su silencio, pensó que alguna bruja o maga venía en aquel traje a hacer en él alguna mala fechuría, y comenzó a santiguarse con mucha priesa. Fuese llegando la visión, y, cuando llegó a la mitad del aposento, alzó los ojos y vio la priesa con que se estaba haciendo cruces don Quijote; y si él quedó medroso en ver tal figura, ella quedó espantada en ver la suya, porque, así como le vio tan alto y tan amarillo, con la colcha y con las vendas, que le desfiguraban, dio una gran voz, diciendo: — ¡Jesús! ¿Qué es lo que veo? Y con el sobresalto se le cayó la vela de las manos; y, viéndose a escuras, volvió las espaldas para irse, y con el miedo tropezó en sus faldas y dio consigo una gran caída. Don Quijote, temeroso, comenzó a decir: — Conjúrote, fantasma, o lo que eres, que me digas quién eres, y que me digas qué es lo que de mí quieres. Si eres alma en pena, dímelo, que yo haré por ti todo cuanto mis fuerzas alcanzaren, porque soy católico cristiano y amigo de hacer bien a todo el mundo; que para esto tomé la orden de la caballería andante que profeso, cuyo ejercicio aun hasta hacer bien a las ánimas de purgatorio se estiende. La brumada dueña, que oyó conjurarse, por su temor coligió el de don Quijote, y con voz afligida y baja le respondió: — Señor don Quijote, si es que acaso vuestra merced es don Quijote, yo no soy fantasma, ni visión, ni alma de purgatorio, como vuestra merced debe de haber pensado, sino doña Rodríguez, la dueña de honor de mi señora la duquesa, que, con una necesidad de aquellas que vuestra merced suele remediar, a vuestra merced vengo. — Dígame, señora doña Rodríguez —dijo don Quijote—: ¿por ventura viene vuestra merced a hacer alguna tercería? Porque le hago saber que no soy de provecho para nadie, merced a la sin par belleza de mi señora Dulcinea del Toboso. Digo, en fin, señora doña Rodríguez, que, como vuestra merced salve y deje a una parte todo recado amoroso, puede volver a encender su vela, y vuelva, y departiremos de todo lo que más mandare y más en gusto le viniere, salvando, como digo, todo incitativo melindre. — ¿Yo recado de nadie, señor mío? —respondió la dueña—. Mal me conoce vuestra merced; sí, que aún no estoy en edad tan prolongada que me acoja a semejantes niñerías, pues, Dios loado, mi alma me tengo en las carnes, y todos mis dientes y muelas en la boca, amén de unos pocos que me han usurpado unos catarros, que en esta tierra de Aragón son tan ordinarios. Pero espéreme vuestra merced un poco; saldré a encender mi vela, y volveré en un instante a contar mis cuitas, como a remediador de todas las del mundo. Y, sin esperar respuesta, se salió del aposento, donde quedó don Quijote sosegado y pensativo esperándola; pero luego le sobrevinieron mil pensamientos acerca de aquella nueva aventura, y parecíale ser mal hecho y peor pensado ponerse en peligro de romper a su señora la fee prometida, y decíase a sí mismo: — ¿Quién sabe si el diablo, que es sutil y mañoso, querrá engañarme agora con una dueña, lo que no ha podido con emperatrices, reinas, duquesas, marquesas ni condesas? Que yo he oído decir muchas veces y a muchos discretos que, si él puede, antes os la dará roma que aguileña. Y ¿quién sabe si esta soledad, esta ocasión y este silencio despertará mis deseos que duermen, y harán que al cabo de mis años venga a caer donde nunca he tropezado? Y, en casos semejantes, mejor es huir que esperar la batalla. Pero yo no debo de estar en mi juicio, pues tales disparates digo y pienso; que no es posible que una dueña toquiblanca, larga y antojuna pueda mover ni levantar pensamiento lascivo en el más desalmado pecho del mundo. ¿Por ventura hay dueña en la tierra que tenga buenas carnes? ¿Por ventura hay dueña en el orbe que deje de ser impertinente, fruncida y melindrosa? ¡Afuera, pues, caterva dueñesca, inútil para ningún humano regalo! ¡Oh, cuán bien hacía aquella señora de quien se dice que tenía dos dueñas de bulto con sus antojos y almohadillas al cabo de su estrado, como que estaban labrando, y tanto le servían para la autoridad de la sala aquellas estatuas como las dueñas verdaderas! Y, diciendo esto, se arrojó del lecho, con intención de cerrar la puerta y no dejar entrar a la señora Rodríguez; mas, cuando la llegó a cerrar, ya la señora Rodríguez volvía, encendida una vela de cera blanca, y cuando ella vio a don Quijote de más cerca, envuelto en la colcha, con las vendas, galocha o becoquín, temió de nuevo, y, retirándose atrás como dos pasos, dijo: — ¿Estamos seguras, señor caballero? Porque no tengo a muy honesta señal haberse vuesa merced levantado de su lecho. — Eso mesmo es bien que yo pregunte, señora —respondió don Quijote—; y así, pregunto si estaré yo seguro de ser acometido y forzado. — ¿De quién o a quién pedís, señor caballero, esa seguridad? —respondió la dueña. — A vos y de vos la pido —replicó don Quijote—, porque ni yo soy de mármol ni vos de bronce, ni ahora son las diez del día, sino media noche, y aun un poco más, según imagino, y en una estancia más cerrada y secreta que lo debió de ser la cueva donde el traidor y atrevido Eneas gozó a la hermosa y piadosa Dido. Pero dadme, señora, la mano, que yo no quiero otra seguridad mayor que la de mi continencia y recato, y la que ofrecen esas reverendísimas tocas. Y, diciendo esto, besó su derecha mano, y le asió de la suya, que ella le dio con las mesmas ceremonias. Aquí hace Cide Hamete un paréntesis, y dice que por Mahoma que diera, por ver ir a los dos así asidos y trabados desde la puerta al lecho, la mejor almalafa de dos que tenía. Entróse, en fin, don Quijote en su lecho, y quedóse doña Rodríguez sentada en una silla, algo desviada de la cama, no quitándose los antojos ni la vela. Don Quijote se acorrucó y se cubrió todo, no dejando más de el rostro descubierto; y, habiéndose los dos sosegado, el primero que rompió el silencio fue don Quijote, diciendo: — Puede vuesa merced ahora, mi señora doña Rodríguez, descoserse y desbuchar todo aquello que tiene dentro de su cuitado corazón y lastimadas entrañas, que será de mí escuchada con castos oídos, y socorrida con piadosas obras. — Así lo creo yo —respondió la dueña—, que de la gentil y agradable presencia de vuesa merced no se podía esperar sino tan cristiana respuesta. «Es, pues, el caso, señor don Quijote, que, aunque vuesa merced me vee sentada en esta silla y en la mitad del reino de Aragón, y en hábito de dueña aniquilada y asendereada, soy natural de las Asturias de Oviedo, y de linaje que atraviesan por él muchos de los mejores de aquella provincia; pero mi corta suerte y el descuido de mis padres, que empobrecieron antes de tiempo, sin saber cómo ni cómo no, me trujeron a la corte, a Madrid, donde por bien de paz y por escusar mayores desventuras, mis padres me acomodaron a servir de doncella de labor a una principal señora; y quiero hacer sabidor a vuesa merced que en hacer vainillas y labor blanca ninguna me ha echado el pie adelante en toda la vida. Mis padres me dejaron sirviendo y se volvieron a su tierra, y de allí a pocos años se debieron de ir al cielo, porque eran además buenos y católicos cristianos. Quedé huérfana, y atenida al miserable salario y a las angustiadas mercedes que a las tales criadas se suele dar en palacio; y, en este tiempo, sin que diese yo ocasión a ello, se enamoró de mi un escudero de casa, hombre ya en días, barbudo y apersonado, y, sobre todo, hidalgo como el rey, porque era montañés. No tratamos tan secretamente nuestros amores que no viniesen a noticia de mi señora, la cual, por escusar dimes y diretes, nos casó en paz y en haz de la Santa Madre Iglesia Católica Romana, de cuyo matrimonio nació una hija para rematar con mi ventura, si alguna tenía; no porque yo muriese del parto, que le tuve derecho y en sazón, sino porque desde allí a poco murió mi esposo de un cierto espanto que tuvo, que, a tener ahora lugar para contarle, yo sé que vuestra merced se admirara.» Y, en esto, comenzó a llorar tiernamente, y dijo: — Perdóneme vuestra merced, señor don Quijote, que no va más en mi mano, porque todas las veces que me acuerdo de mi mal logrado se me arrasan los ojos de lágrimas. ¡Válame Dios, y con qué autoridad llevaba a mi señora a las ancas de una poderosa mula, negra como el mismo azabache! Que entonces no se usaban coches ni sillas, como agora dicen que se usan, y las señoras iban a las ancas de sus escuderos. Esto, a lo menos, no puedo dejar de contarlo, porque se note la crianza y puntualidad de mi buen marido. «Al entrar de la calle de Santiago, en Madrid, que es algo estrecha, venía a salir por ella un alcalde de corte con dos alguaciles delante, y, así como mi buen escudero le vio, volvió las riendas a la mula, dando señal de volver a acompañarle. Mi señora, que iba a las ancas, con voz baja le decía: ''—¿Qué hacéis, desventurado? ¿No veis que voy aquí?'' El alcalde, de comedido, detuvo la rienda al caballo y díjole: ''—Seguid, señor, vuestro camino, que yo soy el que debo acompañar a mi señora doña Casilda'', que así era el nombre de mi ama. Todavía porfiaba mi marido, con la gorra en la mano, a querer ir acompañando al alcalde, viendo lo cual mi señora, llena de cólera y enojo, sacó un alfiler gordo, o creo que un punzón, del estuche, y clavósele por los lomos, de manera que mi marido dio una gran voz y torció el cuerpo, de suerte que dio con su señora en el suelo. Acudieron dos lacayos suyos a levantarla, y lo mismo hizo el alcalde y los alguaciles; alborotóse la Puerta de Guadalajara, digo, la gente baldía que en ella estaba; vínose a pie mi ama, y mi marido acudió en casa de un barbero diciendo que llevaba pasadas de parte a parte las entrañas. Divulgóse la cortesía de mi esposo, tanto, que los muchachos le corrían por las calles, y por esto y porque él era algún tanto corto de vista, mi señora la duquesa le despidió, de cuyo pesar, sin duda alguna, tengo para mí que se le causó el mal de la muerte. Quedé yo viuda y desamparada, y con hija a cuestas, que iba creciendo en hermosura como la espuma de la mar. Finalmente, como yo tuviese fama de gran labrandera, mi señora la duquesa, que estaba recién casada con el duque mi señor, quiso traerme consigo a este reino de Aragón y a mi hija ni más ni menos, adonde, yendo días y viniendo días, creció mi hija, y con ella todo el donaire del mundo: canta como una calandria, danza como el pensamiento, baila como una perdida, lee y escribe como un maestro de escuela, y cuenta como un avariento. De su limpieza no digo nada: que el agua que corre no es más limpia, y debe de tener agora, si mal no me acuerdo, diez y seis años, cinco meses y tres días, uno más a menos. En resolución: de esta mi muchacha se enamoró un hijo de un labrador riquísimo que está en una aldea del duque mi señor, no muy lejos de aquí. En efecto, no sé cómo ni cómo no, ellos se juntaron, y, debajo de la palabra de ser su esposo, burló a mi hija, y no se la quiere cumplir; y, aunque el duque mi señor lo sabe, porque yo me he quejado a él, no una, sino muchas veces, y pedídole mande que el tal labrador se case con mi hija, hace orejas de mercader y apenas quiere oírme; y es la causa que, como el padre del burlador es tan rico y le presta dineros, y le sale por fiador de sus trampas por momentos, no le quiere descontentar ni dar pesadumbre en ningún modo.» Querría, pues, señor mío, que vuesa merced tomase a cargo el deshacer este agravio, o ya por ruegos, o ya por armas, pues, según todo el mundo dice, vuesa merced nació en él para deshacerlos y para enderezar los tuertos y amparar los miserables; y póngasele a vuesa merced por delante la orfandad de mi hija, su gentileza, su mocedad, con todas las buenas partes que he dicho que tiene; que en Dios y en mi conciencia que de cuantas doncellas tiene mi señora, que no hay ninguna que llegue a la suela de su zapato, y que una que llaman Altisidora, que es la que tienen por más desenvuelta y gallarda, puesta en comparación de mi hija, no la llega con dos leguas. Porque quiero que sepa vuesa merced, señor mío, que no es todo oro lo que reluce; porque esta Altisidorilla tiene más de presunción que de hermosura, y más de desenvuelta que de recogida, además que no está muy sana: que tiene un cierto allento cansado, que no hay sufrir el estar junto a ella un momento. Y aun mi señora la duquesa... Quiero callar, que se suele decir que las paredes tienen oídos. — ¿Qué tiene mi señora la duquesa, por vida mía, señora doña Rodríguez? — preguntó don Quijote. — Con ese conjuro —respondió la dueña—, no puedo dejar de responder a lo que se me pregunta con toda verdad. ¿Vee vuesa merced, señor don Quijote, la hermosura de mi señora la duquesa, aquella tez de rostro, que no parece sino de una espada acicalada y tersa, aquellas dos mejillas de leche y de carmín, que en la una tiene el sol y en la otra la luna, y aquella gallardía con que va pisando y aun despreciando el suelo, que no parece sino que va derramando salud donde pasa? Pues sepa vuesa merced que lo puede agradecer, primero, a Dios, y luego, a dos fuentes que tiene en las dos piernas, por donde se desagua todo el mal humor de quien dicen los médicos que está llena. — ¡Santa María! —dijo don Quijote—. Y ¿es posible que mi señora la duquesa tenga tales desaguaderos? No lo creyera si me lo dijeran frailes descalzos; pero, pues la señora doña Rodríguez lo dice, debe de ser así. Pero tales fuentes, y en tales lugares, no deben de manar humor, sino ámbar líquido. Verdaderamente que ahora acabo de creer que esto de hacerse fuentes debe de ser cosa importante para salud. Apenas acabó don Quijote de decir esta razón, cuando con un gran golpe abrieron las puertas del aposento, y del sobresalto del golpe se le cayó a doña Rodríguez la vela de la mano, y quedó la estancia como boca de lobo, como suele decirse. Luego sintió la pobre dueña que la asían de la garganta con dos manos, tan fuertemente que no la dejaban gañir, y que otra persona, con mucha presteza, sin hablar palabra, le alzaba las faldas, y con una, al parecer, chinela, le comenzó a dar tantos azotes, que era una compasión; y, aunque don Quijote se la tenía, no se meneaba del lecho, y no sabía qué podía ser aquello, y estábase quedo y callando, y aun temiendo no viniese por él la tanda y tunda azotesca. Y no fue vano su temor, porque, en dejando molida a la dueña los callados verdugos (la cual no osaba quejarse), acudieron a don Quijote, y, desenvolviéndole de la sábana y de la colcha, le pellizcaron tan a menudo y tan reciamente, que no pudo dejar de defenderse a puñadas, y todo esto en silencio admirable. Duró la batalla casi media hora; saliéronse las fantasmas, recogió doña Rodríguez sus faldas, y, gimiendo su desgracia, se salió por la puerta afuera, sin decir palabra a don Quijote, el cual, doloroso y pellizcado, confuso y pensativo, se quedó solo, donde le dejaremos deseoso de saber quién había sido el perverso encantador que tal le había puesto. Pero ello se dirá a su tiempo, que Sancho Panza nos llama, y el buen concierto de la historia lo pide. Capítulo XLIX. De lo que le sucedió a Sancho Panza rondando su ínsula Dejamos al gran gobernador enojado y mohíno con el labrador pintor y socarrón, el cual, industriado del mayordomo, y el mayordomo del duque, se burlaban de Sancho; pero él se las tenía tiesas a todos, maguera tonto, bronco y rollizo, y dijo a los que con él estaban, y al doctor Pedro Recio, que, como se acabó el secreto de la carta del duque, había vuelto a entrar en la sala: — Ahora verdaderamente que entiendo que los jueces y gobernadores deben de ser, o han de ser, de bronce, para no sentir las importunidades de los negociantes, que a todas horas y a todos tiempos quieren que los escuchen y despachen, atendiendo sólo a su negocio, venga lo que viniere; y si el pobre del juez no los escucha y despacha, o porque no puede o porque no es aquél el tiempo diputado para darles audiencia, luego les maldicen y murmuran, y les roen los huesos, y aun les deslindan los linajes. Negociante necio, negociante mentecato, no te apresures; espera sazón y coyuntura para negociar: no vengas a la hora del comer ni a la del dormir, que los jueces son de carne y de hueso y han de dar a la naturaleza lo que naturalmente les pide, si no es yo, que no le doy de comer a la mía, merced al señor doctor Pedro Recio Tirteafuera, que está delante, que quiere que muera de hambre, y afirma que esta muerte es vida, que así se la dé Dios a él y a todos los de su ralea: digo, a la de los malos médicos, que la de los buenos, palmas y lauros merecen. Todos los que conocían a Sancho Panza se admiraban, oyéndole hablar tan elegantemente, y no sabían a qué atribuirlo, sino a que los oficios y cargos graves, o adoban o entorpecen los entendimientos. Finalmente, el doctor Pedro Recio Agüero de Tirteafuera prometió de darle de cenar aquella noche, aunque excediese de todos los aforismos de Hipócrates. Con esto quedó contento el gobernador, y esperaba con grande ansia llegase la noche y la hora de cenar; y, aunque el tiempo, al parecer suyo, se estaba quedo, sin moverse de un lugar, todavía se llegó por él el tanto deseado, donde le dieron de cenar un salpicón de vaca con cebolla, y unas manos cocidas de ternera algo entrada en días. Entregóse en todo con más gusto que si le hubieran dado francolines de Milán, faisanes de Roma, ternera de Sorrento, perdices de Morón, o gansos de Lavajos; y, entre la cena, volviéndose al doctor, le dijo: — Mirad, señor doctor: de aquí adelante no os curéis de darme a comer cosas regaladas ni manjares esquisitos, porque será sacar a mi estómago de sus quicios, el cual está acostumbrado a cabra, a vaca, a tocino, a cecina, a nabos y a cebollas; y, si acaso le dan otros manjares de palacio, los recibe con melindre, y algunas veces con asco. Lo que el maestresala puede hacer es traerme estas que llaman ollas podridas, que mientras más podridas son, mejor huelen, y en ellas puede embaular y encerrar todo lo que él quisiere, como sea de comer, que yo se lo agradeceré y se lo pagaré algún día; y no se burle nadie conmigo, porque o somos o no somos: vivamos todos y comamos en buena paz compaña, pues, cuando Dios amanece, para todos amanece. Yo gobernaré esta ínsula sin perdonar derecho ni llevar cohecho, y todo el mundo traiga el ojo alerta y mire por el virote, porque les hago saber que el diablo está en Cantillana, y que, si me dan ocasión, han de ver maravillas. No, sino haceos miel, y comeros han moscas. — Por cierto, señor gobernador —dijo el maestresala—, que vuesa merced tiene mucha razón en cuanto ha dicho, y que yo ofrezco en nombre de todos los insulanos desta ínsula que han de servir a vuestra merced con toda puntualidad, amor y benevolencia, porque el suave modo de gobernar que en estos principios vuesa merced ha dado no les da lugar de hacer ni de pensar cosa que en deservicio de vuesa merced redunde. — Yo lo creo —respondió Sancho—, y serían ellos unos necios si otra cosa hiciesen o pensasen. Y vuelvo a decir que se tenga cuenta con mi sustento y con el de mi rucio, que es lo que en este negocio importa y hace más al caso; y, en siendo hora, vamos a rondar, que es mi intención limpiar esta ínsula de todo género de inmundicia y de gente vagamunda, holgazanes, y mal entretenida; porque quiero que sepáis, amigos, que la gente baldía y perezosa es en la república lo mesmo que los zánganos en las colmenas, que se comen la miel que las trabajadoras abejas hacen. Pienso favorecer a los labradores, guardar sus preeminencias a los hidalgos, premiar los virtuosos y, sobre todo, tener respeto a la religión y a la honra de los religiosos. ¿Qué os parece desto, amigos? ¿Digo algo, o quiébrome la cabeza? — Dice tanto vuesa merced, señor gobernador —dijo el mayordomo—, que estoy admirado de ver que un hombre tan sin letras como vuesa merced, que, a lo que creo, no tiene ninguna, diga tales y tantas cosas llenas de sentencias y de avisos, tan fuera de todo aquello que del ingenio de vuesa merced esperaban los que nos enviaron y los que aquí venimos. Cada día se veen cosas nuevas en el mundo: las burlas se vuelven en veras y los burladores se hallan burlados. Llegó la noche, y cenó el gobernador, con licencia del señor doctor Recio. Aderezáronse de ronda; salió con el mayordomo, secretario y maestresala, y el coronista que tenía cuidado de poner en memoria sus hechos, y alguaciles y escribanos, tantos que podían formar un mediano escuadrón. Iba Sancho en medio, con su vara, que no había más que ver, y pocas calles andadas del lugar, sintieron ruido de cuchilladas; acudieron allá, y hallaron que eran dos solos hombres los que reñían, los cuales, viendo venir a la justicia, se estuvieron quedos; y el uno dellos dijo: — ¡Aquí de Dios y del rey! ¿Cómo y que se ha de sufrir que roben en poblado en este pueblo, y que salga a saltear en él en la mitad de las calles? — Sosegaos, hombre de bien —dijo Sancho—, y contadme qué es la causa desta pendencia, que yo soy el gobernador. El otro contrario dijo: — Señor gobernador, yo la diré con toda brevedad. Vuestra merced sabrá que este gentilhombre acaba de ganar ahora en esta casa de juego que está aquí frontero más de mil reales, y sabe Dios cómo; y, hallándome yo presente, juzgué más de una suerte dudosa en su favor, contra todo aquello que me dictaba la conciencia; alzóse con la ganancia, y, cuando esperaba que me había de dar algún escudo, por lo menos, de barato, como es uso y costumbre darle a los hombres principales como yo, que estamos asistentes para bien y mal pasar, y para apoyar sinrazones y evitar pendencias, él embolsó su dinero y se salió de la casa. Yo vine despechado tras él, y con buenas y corteses palabras le he pedido que me diese siquiera ocho reales, pues sabe que yo soy hombre honrado y que no tengo oficio ni beneficio, porque mis padres no me le enseñaron ni me le dejaron, y el socarrón, que no es más ladrón que Caco, ni más fullero que Andradilla, no quería darme más de cuatro reales; ¡porque vea vuestra merced, señor gobernador, qué poca vergüenza y qué poca conciencia! Pero a fee que, si vuesa merced no llegara, que yo le hiciera vomitar la ganancia, y que había de saber con cuántas entraba la romana. — ¿Qué decís vos a esto? —preguntó Sancho. Y el otro respondió que era verdad cuanto su contrario decía, y no había querido darle más de cuatro reales porque se los daba muchas veces; y los que esperan barato han de ser comedidos y tomar con rostro alegre lo que les dieren, sin ponerse en cuentas con los gananciosos, si ya no supiesen de cierto que son fulleros y que lo que ganan es mal ganado; y que, para señal que él era hombre de bien y no ladrón, como decía, ninguna había mayor que el no haberle querido dar nada; que siempre los fulleros son tributarios de los mirones que los conocen. — Así es —dijo el mayordomo—. Vea vuestra merced, señor gobernador, qué es lo que se ha de hacer destos hombres. — Lo que se ha de hacer es esto —respondió Sancho—: vos, ganancioso, bueno, o malo, o indiferente, dad luego a este vuestro acuchillador cien reales, y más, habéis de desembolsar treinta para los pobres de la cárcel; y vos, que no tenéis oficio ni beneficio y andáis de nones en esta ínsula, tomad luego esos cien reales, y mañana en todo el día salid desta ínsula desterrado por diez años, so pena, si lo quebrantáredes, los cumpláis en la otra vida, colgándoos yo de una picota, o, a lo menos, el verdugo por mi mandado; y ninguno me replique, que le asentaré la mano. Desembolsó el uno, recibió el otro, éste se salió de la ínsula, y aquél se fue a su casa, y el gobernador quedó diciendo: — Ahora, yo podré poco, o quitaré estas casas de juego, que a mí se me trasluce que son muy perjudiciales. — Ésta, a lo menos —dijo un escribano—, no la podrá vuesa merced quitar, porque la tiene un gran personaje, y más es sin comparación lo que él pierde al año que lo que saca de los naipes. Contra otros garitos de menor cantía podrá vuestra merced mostrar su poder, que son los que más daño hacen y más insolencias encubren; que en las casas de los caballeros principales y de los señores no se atreven los famosos fulleros a usar de sus tretas; y, pues el vicio del juego se ha vuelto en ejercicio común, mejor es que se juegue en casas principales que no en la de algún oficial, donde cogen a un desdichado de media noche abajo y le desuellan vivo. — Agora, escribano —dijo Sancho—, yo sé que hay mucho que decir en eso. Y, en esto, llegó un corchete que traía asido a un mozo, y dijo: — Señor gobernador, este mancebo venía hacia nosotros, y, así como columbró la justicia, volvió las espaldas y comenzó a correr como un gamo, señal que debe de ser algún delincuente. Yo partí tras él, y, si no fuera porque tropezó y cayó, no le alcanzara jamás. — ¿Por qué huías, hombre? —preguntó Sancho. A lo que el mozo respondió: — Señor, por escusar de responder a las muchas preguntas que las justicias hacen. — ¿Qué oficio tienes? — Tejedor. — ¿Y qué tejes? — Hierros de lanzas, con licencia buena de vuestra merced. — ¿Graciosico me sois? ¿De chocarrero os picáis? ¡Está bien! Y ¿adónde íbades ahora? — Señor, a tomar el aire. — Y ¿adónde se toma el aire en esta ínsula? — Adonde sopla. — ¡Bueno: respondéis muy a propósito! Discreto sois, mancebo; pero haced cuenta que yo soy el aire, y que os soplo en popa, y os encamino a la cárcel. ¡Asilde, hola, y llevadle, que yo haré que duerma allí sin aire esta noche! — ¡Par Dios —dijo el mozo—, así me haga vuestra merced dormir en la cárcel como hacerme rey! — Pues, ¿por qué no te haré yo dormir en la cárcel? —respondió Sancho—. ¿No tengo yo poder para prenderte y soltarte cada y cuando que quisiere? — Por más poder que vuestra merced tenga —dijo el mozo—, no será bastante para hacerme dormir en la cárcel. — ¿Cómo que no? —replicó Sancho—. Llevalde luego donde verá por sus ojos el desengaño, aunque más el alcaide quiera usar con él de su interesal liberalidad; que yo le pondré pena de dos mil ducados si te deja salir un paso de la cárcel. — Todo eso es cosa de risa —respondió el mozo—. El caso es que no me harán dormir en la cárcel cuantos hoy viven. — Dime, demonio —dijo Sancho—, ¿tienes algún ángel que te saque y que te quite los grillos que te pienso mandar echar? — Ahora, señor gobernador —respondió el mozo con muy buen donaire—, estemos a razón y vengamos al punto. Prosuponga vuestra merced que me manda llevar a la cárcel, y que en ella me echan grillos y cadenas, y que me meten en un calabozo, y se le ponen al alcaide graves penas si me deja salir, y que él lo cumple como se le manda; con todo esto, si yo no quiero dormir, y estarme despierto toda la noche, sin pegar pestaña, ¿será vuestra merced bastante con todo su poder para hacerme dormir, si yo no quiero? — No, por cierto —dijo el secretario—, y el hombre ha salido con su intención. — De modo —dijo Sancho— que no dejaréis de dormir por otra cosa que por vuestra voluntad, y no por contravenir a la mía. — No, señor —dijo el mozo—, ni por pienso. — Pues andad con Dios —dijo Sancho—; idos a dormir a vuestra casa, y Dios os dé buen sueño, que yo no quiero quitárosle; pero aconséjoos que de aquí adelante no os burléis con la justicia, porque toparéis con alguna que os dé con la burla en los cascos. Fuese el mozo, y el gobernador prosiguió con su ronda, y de allí a poco vinieron dos corchetes que traían a un hombre asido, y dijeron: — Señor gobernador, este que parece hombre no lo es, sino mujer, y no fea, que viene vestida en hábito de hombre. Llegáronle a los ojos dos o tres lanternas, a cuyas luces descubrieron un rostro de una mujer, al parecer, de diez y seis o pocos más años, recogidos los cabellos con una redecilla de oro y seda verde, hermosa como mil perlas. Miráronla de arriba abajo, y vieron que venía con unas medias de seda encarnada, con ligas de tafetán blanco y rapacejos de oro y aljófar; los greguescos eran verdes, de tela de oro, y una saltaembarca o ropilla de lo mesmo, suelta, debajo de la cual traía un jubón de tela finísima de oro y blanco, y los zapatos eran blancos y de hombre. No traía espada ceñida, sino una riquísima daga, y en los dedos, muchos y muy buenos anillos. Finalmente, la moza parecía bien a todos, y ninguno la conoció de cuantos la vieron, y los naturales del lugar dijeron que no podían pensar quién fuese, y los consabidores de las burlas que se habían de hacer a Sancho fueron los que más se admiraron, porque aquel suceso y hallazgo no venía ordenado por ellos; y así, estaban dudosos, esperando en qué pararía el caso. Sancho quedó pasmado de la hermosura de la moza, y preguntóle quién era, adónde iba y qué ocasión le había movido para vestirse en aquel hábito. Ella, puestos los ojos en tierra con honestísima vergüenza, respondió: — No puedo, señor, decir tan en público lo que tanto me importaba fuera secreto; una cosa quiero que se entienda: que no soy ladrón ni persona facinorosa, sino una doncella desdichada a quien la fuerza de unos celos ha hecho romper el decoro que a la honestidad se debe. Oyendo esto el mayordomo, dijo a Sancho: — Haga, señor gobernador, apartar la gente, porque esta señora con menos empacho pueda decir lo que quisiere. Mandólo así el gobernador; apartáronse todos, si no fueron el mayordomo, maestresala y el secretario. Viéndose, pues, solos, la doncella prosiguió diciendo: — «Yo, señores, soy hija de Pedro Pérez Mazorca, arrendador de las lanas deste lugar, el cual suele muchas veces ir en casa de mi padre.» — Eso no lleva camino —dijo el mayordomo—, señora, porque yo conozco muy bien a Pedro Pérez y sé que no tiene hijo ninguno, ni varón ni hembra; y más, que decís que es vuestro padre, y luego añadís que suele ir muchas veces en casa de vuestro padre. — Ya yo había dado en ello —dijo Sancho. — Ahora, señores, yo estoy turbada, y no sé lo que me digo —respondió la doncella—; pero la verdad es que yo soy hija de Diego de la Llana, que todos vuesas mercedes deben de conocer. — Aún eso lleva camino —respondió el mayordomo—, que yo conozco a Diego de la Llana, y sé que es un hidalgo principal y rico, y que tiene un hijo y una hija, y que después que enviudó no ha habido nadie en todo este lugar que pueda decir que ha visto el rostro de su hija; que la tiene tan encerrada que no da lugar al sol que la vea; y, con todo esto, la fama dice que es en estremo hermosa. — Así es la verdad —respondió la doncella—, y esa hija soy yo; si la fama miente o no en mi hermosura ya os habréis, señores, desengañado, pues me habéis visto. Y, en esto, comenzó a llorar tiernamente; viendo lo cual el secretario, se llegó al oído del maestresala y le dijo muy paso: — Sin duda alguna que a esta pobre doncella le debe de haber sucedido algo de importancia, pues en tal traje, y a tales horas, y siendo tan principal, anda fuera de su casa. — No hay dudar en eso —respondió el maestresala—; y más, que esa sospecha la confirman sus lágrimas. Sancho la consoló con las mejores razones que él supo, y le pidió que sin temor alguno les dijese lo que le había sucedido; que todos procurarían remediarlo con muchas veras y por todas las vías posibles. — «Es el caso, señores —respondió ella—, que mi padre me ha tenido encerrada diez años ha, que son los mismos que a mi madre come la tierra. En casa dicen misa en un rico oratorio, y yo en todo este tiempo no he visto que el sol del cielo de día, y la luna y las estrellas de noche, ni sé qué son calles, plazas, ni templos, ni aun hombres, fuera de mi padre y de un hermano mío, y de Pedro Pérez el arrendador, que, por entrar de ordinario en mi casa, se me antojó decir que era mi padre, por no declarar el mío. Este encerramiento y este negarme el salir de casa, siquiera a la iglesia, ha muchos días y meses que me trae muy desconsolada; quisiera yo ver el mundo, o, a lo menos, el pueblo donde nací, pareciéndome que este deseo no iba contra el buen decoro que las doncellas principales deben guardar a sí mesmas. Cuando oía decir que corrían toros y jugaban cañas, y se representaban comedias, preguntaba a mi hermano, que es un año menor que yo, que me dijese qué cosas eran aquéllas y otras muchas que yo no he visto; él me lo declaraba por los mejores modos que sabía, pero todo era encenderme más el deseo de verlo. Finalmente, por abreviar el cuento de mi perdición, digo que yo rogué y pedí a mi hermano, que nunca tal pidiera ni tal rogara...» Y tornó a renovar el llanto. El mayordomo le dijo: — Prosiga vuestra merced, señora, y acabe de decirnos lo que le ha sucedido, que nos tienen a todos suspensos sus palabras y sus lágrimas. — Pocas me quedan por decir —respondió la doncella—, aunque muchas lágrimas sí que llorar, porque los mal colocados deseos no pueden traer consigo otros descuentos que los semejantes. Habíase sentado en el alma del maestresala la belleza de la doncella, y llegó otra vez su lanterna para verla de nuevo; y parecióle que no eran lágrimas las que lloraba, sino aljófar o rocío de los prados, y aun las subía de punto y las llegaba a perlas orientales, y estaba deseando que su desgracia no fuese tanta como daban a entender los indicios de su llanto y de sus suspiros. Desesperábase el gobernador de la tardanza que tenía la moza en dilatar su historia, y díjole que acabase de tenerlos más suspensos, que era tarde y faltaba mucho que andar del pueblo. Ella, entre interrotos sollozos y mal formados suspiros, dijo: — «No es otra mi desgracia, ni mi infortunio es otro sino que yo rogué a mi hermano que me vistiese en hábitos de hombre con uno de sus vestidos y que me sacase una noche a ver todo el pueblo, cuando nuestro padre durmiese; él, importunado de mis ruegos, condecendió con mi deseo, y, poniéndome este vestido y él vestiéndose de otro mío, que le está como nacido, porque él no tiene pelo de barba y no parece sino una doncella hermosísima, esta noche, debe de haber una hora, poco más o menos, nos salimos de casa; y, guiados de nuestro mozo y desbaratado discurso, hemos rodeado todo el pueblo, y cuando queríamos volver a casa, vimos venir un gran tropel de gente, y mi hermano me dijo: ''Hermana, ésta debe de ser la ronda: aligera los pies y pon alas en ellos, y vente tras mí corriendo, porque no nos conozcan, que nos será mal contado''. Y, diciendo esto, volvió las espaldas y comenzó, no digo a correr, sino a volar; yo, a menos de seis pasos, caí, con el sobresalto, y entonces llegó el ministro de la justicia que me trujo ante vuestras mercedes, adonde, por mala y antojadiza, me veo avergonzada ante tanta gente.» — ¿En efecto, señora —dijo Sancho—, no os ha sucedido otro desmán alguno, ni celos, como vos al principio de vuestro cuento dijistes, no os sacaron de vuestra casa? — No me ha sucedido nada, ni me sacaron celos, sino sólo el deseo de ver mundo, que no se estendía a más que a ver las calles de este lugar. Y acabó de confirmar ser verdad lo que la doncella decía llegar los corchetes con su hermano preso, a quien alcanzó uno dellos cuando se huyó de su hermana. No traía sino un faldellín rico y una mantellina de damasco azul con pasamanos de oro fino, la cabeza sin toca ni con otra cosa adornada que con sus mesmos cabellos, que eran sortijas de oro, según eran rubios y enrizados. Apartáronse con el gobernador, mayordomo y maestresala, y, sin que lo oyese su hermana, le preguntaron cómo venía en aquel traje, y él, con no menos vergüenza y empacho, contó lo mesmo que su hermana había contado, de que recibió gran gusto el enamorado maestresala. Pero el gobernador les dijo: — Por cierto, señores, que ésta ha sido una gran rapacería, y para contar esta necedad y atrevimiento no eran menester tantas largas, ni tantas lágrimas y suspiros; que con decir: ''Somos fulano y fulana, que nos salimos a espaciar de casa de nuestros padres con esta invención, sólo por curiosidad, sin otro designio alguno'', se acabara el cuento, y no gemidicos, y lloramicos, y darle. — Así es la verdad —respondió la doncella—, pero sepan vuesas mercedes que la turbación que he tenido ha sido tanta, que no me ha dejado guardar el término que debía. — No se ha perdido nada —respondió Sancho—. Vamos, y dejaremos a vuesas mercedes en casa de su padre; quizá no los habrá echado menos. Y, de aquí adelante, no se muestren tan niños, ni tan deseosos de ver mundo, que la doncella honrada, la pierna quebrada, y en casa; y la mujer y la gallina, por andar se pierden aína; y la que es deseosa de ver, también tiene deseo de ser vista. No digo más. El mancebo agradeció al gobernador la merced que quería hacerles de volverlos a su casa, y así, se encaminaron hacia ella, que no estaba muy lejos de allí. Llegaron, pues, y, tirando el hermano una china a una reja, al momento bajó una criada, que los estaba esperando, y les abrió la puerta, y ellos se entraron, dejando a todos admirados, así de su gentileza y hermosura como del deseo que tenían de ver mundo, de noche y sin salir del lugar; pero todo lo atribuyeron a su poca edad. Quedó el maestresala traspasado su corazón, y propuso de luego otro día pedírsela por mujer a su padre, teniendo por cierto que no se la negaría, por ser él criado del duque; y aun a Sancho le vinieron deseos y barruntos de casar al mozo con Sanchica, su hija, y determinó de ponerlo en plática a su tiempo, dándose a entender que a una hija de un gobernador ningún marido se le podía negar. Con esto, se acabó la ronda de aquella noche, y de allí a dos días el gobierno, con que se destroncaron y borraron todos sus designios, como se verá adelante. Capítulo L. Donde se declara quién fueron los encantadores y verdugos que azotaron a la dueña y pellizcaron y arañaron a don Quijote, con el suceso que tuvo el paje que llevó la carta a Teresa Sancha, mujer de Sancho Panza Dice Cide Hamete, puntualísimo escudriñador de los átomos desta verdadera historia, que al tiempo que doña Rodríguez salió de su aposento para ir a la estancia de don Quijote, otra dueña que con ella dormía lo sintió, y que, como todas las dueñas son amigas de saber, entender y oler, se fue tras ella, con tanto silencio, que la buena Rodríguez no lo echó de ver; y, así como la dueña la vio entrar en la estancia de don Quijote, porque no faltase en ella la general costumbre que todas las dueñas tienen de ser chismosas, al momento lo fue a poner en pico a su señora la duquesa, de cómo doña Rodríguez quedaba en el aposento de don Quijote. La duquesa se lo dijo al duque, y le pidió licencia para que ella y Altisidora viniesen a ver lo que aquella dueña quería con don Quijote; el duque se la dio, y las dos, con gran tiento y sosiego, paso ante paso, llegaron a ponerse junto a la puerta del aposento, y tan cerca, que oían todo lo que dentro hablaban; y, cuando oyó la duquesa que Rodríguez había echado en la calle el Aranjuez de sus fuentes, no lo pudo sufrir, ni menos Altisidora; y así, llenas de cólera y deseosas de venganza, entraron de golpe en el aposento, y acrebillaron a don Quijote y vapularon a la dueña del modo que queda contado; porque las afrentas que van derechas contra la hermosura y presunción de las mujeres, despierta en ellas en gran manera la ira y enciende el deseo de vengarse. Contó la duquesa al duque lo que le había pasado, de lo que se holgó mucho, y la duquesa, prosiguiendo con su intención de burlarse y recibir pasatiempo con don Quijote, despachó al paje que había hecho la figura de Dulcinea en el concierto de su desencanto —que tenía bien olvidado Sancho Panza con la ocupación de su gobierno— a Teresa Panza, su mujer, con la carta de su marido, y con otra suya, y con una gran sarta de corales ricos presentados. Dice, pues, la historia, que el paje era muy discreto y agudo, y, con deseo de servir a sus señores, partió de muy buena gana al lugar de Sancho; y, antes de entrar en él, vio en un arroyo estar lavando cantidad de mujeres, a quien preguntó si le sabrían decir si en aquel lugar vivía una mujer llamada Teresa Panza, mujer de un cierto Sancho Panza, escudero de un caballero llamado don Quijote de la Mancha, a cuya pregunta se levantó en pie una mozuela que estaba lavando, y dijo: — Esa Teresa Panza es mi madre, y ese tal Sancho, mi señor padre, y el tal caballero, nuestro amo. — Pues venid, doncella —dijo el paje—, y mostradme a vuestra madre, porque le traigo una carta y un presente del tal vuestro padre. — Eso haré yo de muy buena gana, señor mío —respondió la moza, que mostraba ser de edad de catorce años, poco más a menos. Y, dejando la ropa que lavaba a otra compañera, sin tocarse ni calzarse, que estaba en piernas y desgreñada, saltó delante de la cabalgadura del paje, y dijo: — Venga vuesa merced, que a la entrada del pueblo está nuestra casa, y mi madre en ella, con harta pena por no haber sabido muchos días ha de mi señor padre. — Pues yo se las llevo tan buenas —dijo el paje— que tiene que dar bien gracias a Dios por ellas. Finalmente, saltando, corriendo y brincando, llegó al pueblo la muchacha, y, antes de entrar en su casa, dijo a voces desde la puerta: — Salga, madre Teresa, salga, salga, que viene aquí un señor que trae cartas y otras cosas de mi buen padre. A cuyas voces salió Teresa Panza, su madre, hilando un copo de estopa, con una saya parda. Parecía, según era de corta, que se la habían cortado por vergonzoso lugar, con un corpezuelo asimismo pardo y una camisa de pechos. No era muy vieja, aunque mostraba pasar de los cuarenta, pero fuerte, tiesa, nervuda y avellanada; la cual, viendo a su hija, y al paje a caballo, le dijo: — ¿Qué es esto, niña? ¿Qué señor es éste? — Es un servidor de mi señora doña Teresa Panza —respondió el paje. Y, diciendo y haciendo, se arrojó del caballo y se fue con mucha humildad a poner de hinojos ante la señora Teresa, diciendo: — Déme vuestra merced sus manos, mi señora doña Teresa, bien así como mujer legítima y particular del señor don Sancho Panza, gobernador propio de la ínsula Barataria. — ¡Ay, señor mío, quítese de ahí; no haga eso —respondió Teresa—, que yo no soy nada palaciega, sino una pobre labradora, hija de un estripaterrones y mujer de un escudero andante, y no de gobernador alguno! — Vuesa merced —respondió el paje— es mujer dignísima de un gobernador archidignísimo; y, para prueba desta verdad, reciba vuesa merced esta carta y este presente. Y sacó al instante de la faldriquera una sarta de corales con estremos de oro, y se la echó al cuello y dijo: — Esta carta es del señor gobernador, y otra que traigo y estos corales son de mi señora la duquesa, que a vuestra merced me envía. Quedó pasmada Teresa, y su hija ni más ni menos, y la muchacha dijo: — Que me maten si no anda por aquí nuestro señor amo don Quijote, que debe de haber dado a padre el gobierno o condado que tantas veces le había prometido. — Así es la verdad —respondió el paje—: que, por respeto del señor don Quijote, es ahora el señor Sancho gobernador de la ínsula Barataria, como se verá por esta carta. — Léamela vuesa merced, señor gentilhombre —dijo Teresa—, porque, aunque yo sé hilar, no sé leer migaja. — Ni yo tampoco —añadió Sanchica—; pero espérenme aquí, que yo iré a llamar quien la lea, ora sea el cura mesmo, o el bachiller Sansón Carrasco, que vendrán de muy buena gana, por saber nuevas de mi padre. — No hay para qué se llame a nadie, que yo no sé hilar, pero sé leer, y la leeré. Y así, se la leyó toda, que, por quedar ya referida, no se pone aquí; y luego sacó otra de la duquesa, que decía desta manera: Amiga Teresa: Las buenas partes de la bondad y del ingenio de vuestro marido Sancho me movieron y obligaron a pedir a mi marido el duque le diese un gobierno de una ínsula, de muchas que tiene. Tengo noticia que gobierna como un girifalte, de lo que yo estoy muy contenta, y el duque mi señor, por el consiguiente; por lo que doy muchas gracias al cielo de no haberme engañado en haberle escogido para el tal gobierno; porque quiero que sepa la señora Teresa que con dificultad se halla un buen gobernador en el mundo, y tal me haga a mí Dios como Sancho gobierna. Ahí le envío, querida mía, una sarta de corales con estremos de oro; yo me holgara que fuera de perlas orientales, pero quien te da el hueso, no te querría ver muerta: tiempo vendrá en que nos conozcamos y nos comuniquemos, y Dios sabe lo que será. Encomiéndeme a Sanchica, su hija, y dígale de mi parte que se apareje, que la tengo de casar altamente cuando menos lo piense. Dícenme que en ese lugar hay bellotas gordas: envíeme hasta dos docenas, que las estimaré en mucho, por ser de su mano, y escríbame largo, avisándome de su salud y de su bienestar; y si hubiere menester alguna cosa, no tiene que hacer más que boquear: que su boca será medida, y Dios me la guarde. Deste lugar. Su amiga, que bien la quiere, La Duquesa. — ¡Ay —dijo Teresa en oyendo la carta—, y qué buena y qué llana y qué humilde señora! Con estas tales señoras me entierren a mí, y no las hidalgas que en este pueblo se usan, que piensan que por ser hidalgas no las ha de tocar el viento, y van a la iglesia con tanta fantasía como si fuesen las mesmas reinas, que no parece sino que tienen a deshonra el mirar a una labradora; y veis aquí donde esta buena señora, con ser duquesa, me llama amiga, y me trata como si fuera su igual, que igual la vea yo con el más alto campanario que hay en la Mancha. Y, en lo que toca a las bellotas, señor mío, yo le enviaré a su señoría un celemín, que por gordas las pueden venir a ver a la mira y a la maravilla. Y por ahora, Sanchica, atiende a que se regale este señor: pon en orden este caballo, y saca de la caballeriza güevos, y corta tocino adunia, y démosle de comer como a un príncipe, que las buenas nuevas que nos ha traído y la buena cara que él tiene lo merece todo; y, en tanto, saldré yo a dar a mis vecinas las nuevas de nuestro contento, y al padre cura y a maese Nicolás el barbero, que tan amigos son y han sido de tu padre. — Sí haré, madre —respondió Sanchica—; pero mire que me ha de dar la mitad desa sarta; que no tengo yo por tan boba a mi señora la duquesa, que se la había de enviar a ella toda. — Todo es para ti, hija —respondió Teresa—, pero déjamela traer algunos días al cuello, que verdaderamente parece que me alegra el corazón. — También se alegrarán —dijo el paje— cuando vean el lío que viene en este portamanteo, que es un vestido de paño finísimo que el gobernador sólo un día llevó a caza, el cual todo le envía para la señora Sanchica. — Que me viva él mil años —respondió Sanchica—, y el que lo trae, ni más ni menos, y aun dos mil, si fuere necesidad. Salióse en esto Teresa fuera de casa, con las cartas, y con la sarta al cuello, y iba tañendo en las cartas como si fuera en un pandero; y, encontrándose acaso con el cura y Sansón Carrasco, comenzó a bailar y a decir: — ¡A fee que agora que no hay pariente pobre! ¡Gobiernito tenemos! ¡No, sino tómese conmigo la más pintada hidalga, que yo la pondré como nueva! — ¿Qué es esto, Teresa Panza? ¿Qué locuras son éstas, y qué papeles son ésos? — No es otra la locura sino que éstas son cartas de duquesas y de gobernadores, y estos que traigo al cuello son corales finos; las avemarías y los padres nuestros son de oro de martillo, y yo soy gobernadora. — De Dios en ayuso, no os entendemos, Teresa, ni sabemos lo que os decís. — Ahí lo podrán ver ellos —respondió Teresa. Y dioles las cartas. Leyólas el cura de modo que las oyó Sansón Carrasco, y Sansón y el cura se miraron el uno al otro, como admirados de lo que habían leído; y preguntó el bachiller quién había traído aquellas cartas. Respondió Teresa que se viniesen con ella a su casa y verían el mensajero, que era un mancebo como un pino de oro, y que le traía otro presente que valía más de tanto. Quitóle el cura los corales del cuello, y mirólos y remirólos, y, certificándose que eran finos, tornó a admirarse de nuevo, y dijo: — Por el hábito que tengo, que no sé qué me diga ni qué me piense de estas cartas y destos presentes: por una parte, veo y toco la fineza de estos corales, y por otra, leo que una duquesa envía a pedir dos docenas de bellotas. — ¡Aderézame esas medidas! —dijo entonces Carrasco—. Agora bien, vamos a ver al portador deste pliego, que dél nos informaremos de las dificultades que se nos ofrecen. Hiciéronlo así, y volvióse Teresa con ellos. Hallaron al paje cribando un poco de cebada para su cabalgadura, y a Sanchica cortando un torrezno para empedrarle con güevos y dar de comer al paje, cuya presencia y buen adorno contentó mucho a los dos; y, después de haberle saludado cortésmente, y él a ellos, le preguntó Sansón les dijese nuevas así de don Quijote como de Sancho Panza; que, puesto que habían leído las cartas de Sancho y de la señora duquesa, todavía estaban confusos y no acababan de atinar qué sería aquello del gobierno de Sancho, y más de una ínsula, siendo todas o las más que hay en el mar Mediterráneo de Su Majestad. A lo que el paje respondió: — De que el señor Sancho Panza sea gobernador, no hay que dudar en ello; de que sea ínsula o no la que gobierna, en eso no me entremeto, pero basta que sea un lugar de más de mil vecinos; y, en cuanto a lo de las bellotas, digo que mi señora la duquesa es tan llana y tan humilde, que no —decía él— enviar a pedir bellotas a una labradora, pero que le acontecía enviar a pedir un peine prestado a una vecina suya. Porque quiero que sepan vuestras mercedes que las señoras de Aragón, aunque son tan principales, no son tan puntuosas y levantadas como las señoras castellanas; con más llaneza tratan con las gentes. Estando en la mitad destas pláticas, saltó Sanchica con un halda de güevos, y preguntó al paje: — Dígame, señor: ¿mi señor padre trae por ventura calzas atacadas después que es gobernador? — No he mirado en ello —respondió el paje—, pero sí debe de traer. — ¡Ay Dios mío —replicó Sanchica—, y que será de ver a mi padre con pedorreras! ¿No es bueno sino que desde que nací tengo deseo de ver a mi padre con calzas atacadas? — Como con esas cosas le verá vuestra merced si vive —respondió el paje—. Par Dios, términos lleva de caminar con papahígo, con solos dos meses que le dure el gobierno. Bien echaron de ver el cura y el bachiller que el paje hablaba socarronamente, pero la fineza de los corales y el vestido de caza que Sancho enviaba lo deshacía todo; que ya Teresa les había mostrado el vestido. Y no dejaron de reírse del deseo de Sanchica, y más cuando Teresa dijo: — Señor cura, eche cata por ahí si hay alguien que vaya a Madrid, o a Toledo, para que me compre un verdugado redondo, hecho y derecho, y sea al uso y de los mejores que hubiere; que en verdad en verdad que tengo de honrar el gobierno de mi marido en cuanto yo pudiere, y aun que si me enojo, me tengo de ir a esa corte, y echar un coche, como todas; que la que tiene marido gobernador muy bien le puede traer y sustentar. — Y ¡cómo, madre! —dijo Sanchica—. Pluguiese a Dios que fuese antes hoy que mañana, aunque dijesen los que me viesen ir sentada con mi señora madre en aquel coche: ''¡Mirad la tal por cual, hija del harto de ajos, y cómo va sentada y tendida en el coche, como si fuera una papesa!'' Pero pisen ellos los lodos, y ándeme yo en mi coche, levantados los pies del suelo. ¡Mal año y mal mes para cuantos murmuradores hay en el mundo, y ándeme yo caliente, y ríase la gente! ¿Digo bien, madre mía? — Y ¡cómo que dices bien, hija! —respondió Teresa—. Y todas estas venturas, y aun mayores, me las tiene profetizadas mi buen Sancho, y verás tú, hija, cómo no para hasta hacerme condesa: que todo es comenzar a ser venturosas; y, como yo he oído decir muchas veces a tu buen padre, que así como lo es tuyo lo es de los refranes, cuando te dieren la vaquilla, corre con soguilla: cuando te dieren un gobierno, cógele; cuando te dieren un condado, agárrale, y cuando te hicieren tus, tus, con alguna buena dádiva, envásala. ¡No, sino dormíos, y no respondáis a las venturas y buenas dichas que están llamando a la puerta de vuestra casa! — Y ¿qué se me da a mí —añadió Sanchica— que diga el que quisiere cuando me vea entonada y fantasiosa: "Viose el perro en bragas de cerro...", y lo demás? Oyendo lo cual el cura, dijo: — Yo no puedo creer sino que todos los deste linaje de los Panzas nacieron cada uno con un costal de refranes en el cuerpo: ninguno dellos he visto que no los derrame a todas horas y en todas las pláticas que tienen. — Así es la verdad —dijo el paje—, que el señor gobernador Sancho a cada paso los dice, y, aunque muchos no vienen a propósito, todavía dan gusto, y mi señora la duquesa y el duque los celebran mucho. — ¿Que todavía se afirma vuestra merced, señor mío —dijo el bachiller—, ser verdad esto del gobierno de Sancho, y de que hay duquesa en el mundo que le envíe presentes y le escriba? Porque nosotros, aunque tocamos los presentes y hemos leído las cartas, no lo creemos, y pensamos que ésta es una de las cosas de don Quijote, nuestro compatrioto, que todas piensa que son hechas por encantamento; y así, estoy por decir que quiero tocar y palpar a vuestra merced, por ver si es embajador fantástico o hombre de carne y hueso. — Señores, yo no sé más de mí —respondió el paje— sino que soy embajador verdadero, y que el señor Sancho Panza es gobernador efectivo, y que mis señores duque y duquesa pueden dar, y han dado, el tal gobierno; y que he oído decir que en él se porta valentísimamente el tal Sancho Panza; si en esto hay encantamento o no, vuestras mercedes lo disputen allá entre ellos, que yo no sé otra cosa, para el juramento que hago, que es por vida de mis padres, que los tengo vivos y los amo y los quiero mucho. — Bien podrá ello ser así —replicó el bachiller—, pero dubitat Augustinus. — Dude quien dudare —respondió el paje—, la verdad es la que he dicho, y esta que ha de andar siempre sobre la mentira,como el aceite sobre el agua; y si no, operibus credite, et non verbis: véngase alguno de vuesas mercedes conmigo, y verán con los ojos lo que no creen por los oídos. — Esa ida a mí toca —dijo Sanchica—: lléveme vuestra merced, señor, a las ancas de su rocín, que yo iré de muy buena gana a ver a mi señor padre. — Las hijas de los gobernadores no han de ir solas por los caminos, sino acompañadas de carrozas y literas y de gran número de sirvientes. — Par Dios —respondió Sancha—, tan bién me vaya yo sobre una pollina como sobre un coche. ¡Hallado la habéis la melindrosa! — Calla, mochacha —dijo Teresa—, que no sabes lo que te dices, y este señor está en lo cierto: que tal el tiempo, tal el tiento; cuando Sancho, Sancha, y cuando gobernador, señora, y no sé si diga algo. — Más dice la señora Teresa de lo que piensa —dijo el paje—; y denme de comer y despáchenme luego, porque pienso volverme esta tarde. A lo que dijo el cura: — Vuestra merced se vendrá a hacer penitencia conmigo, que la señora Teresa más tiene voluntad que alhajas para servir a tan buen huésped. Rehusólo el paje; pero, en efecto, lo hubo de conceder por su mejora, y el cura le llevó consigo de buena gana, por tener lugar de preguntarle de espacio por don Quijote y sus hazañas. El bachiller se ofreció de escribir las cartas a Teresa de la respuesta, pero ella no quiso que el bachiller se metiese en sus cosas, que le tenía por algo burlón; y así, dio un bollo y dos huevos a un monacillo que sabía escribir, el cual le escribió dos cartas, una para su marido y otra para la duquesa, notadas de su mismo caletre, que no son las peores que en esta grande historia se ponen, como se verá adelante. Capítulo LI. Del progreso del gobierno de Sancho Panza, con otros sucesos tales como buenos Amaneció el día que se siguió a la noche de la ronda del gobernador, la cual el maestresala pasó sin dormir, ocupado el pensamiento en el rostro, brío y belleza de la disfrazada doncella; y el mayordomo ocupó lo que della faltaba en escribir a sus señores lo que Sancho Panza hacía y decía, tan admirado de sus hechos como de sus dichos: porque andaban mezcladas sus palabras y sus acciones, con asomos discretos y tontos. Levantóse, en fin, el señor gobernador, y, por orden del doctor Pedro Recio, le hicieron desayunar con un poco de conserva y cuatro tragos de agua fría, cosa que la trocara Sancho con un pedazo de pan y un racimo de uvas; pero, viendo que aquello era más fuerza que voluntad, pasó por ello, con harto dolor de su alma y fatiga de su estómago, haciéndole creer Pedro Recio que los manjares pocos y delicados avivaban el ingenio, que era lo que más convenía a las personas constituidas en mandos y en oficios graves, donde se han de aprovechar no tanto de las fuerzas corporales como de las del entendimiento. Con esta sofistería padecía hambre Sancho, y tal, que en su secreto maldecía el gobierno y aun a quien se le había dado; pero, con su hambre y con su conserva, se puso a juzgar aquel día, y lo primero que se le ofreció fue una pregunta que un forastero le hizo, estando presentes a todo el mayordomo y los demás acólitos, que fue: — Señor, un caudaloso río dividía dos términos de un mismo señorío (y esté vuestra merced atento, porque el caso es de importancia y algo dificultoso). Digo, pues, que sobre este río estaba una puente, y al cabo della, una horca y una como casa de audiencia, en la cual de ordinario había cuatro jueces que juzgaban la ley que puso el dueño del río, de la puente y del señorío, que era en esta forma: "Si alguno pasare por esta puente de una parte a otra, ha de jurar primero adónde y a qué va; y si jurare verdad, déjenle pasar; y si dijere mentira, muera por ello ahorcado en la horca que allí se muestra, sin remisión alguna". Sabida esta ley y la rigurosa condición della, pasaban muchos, y luego en lo que juraban se echaba de ver que decían verdad, y los jueces los dejaban pasar libremente. Sucedió, pues, que, tomando juramento a un hombre, juró y dijo que para el juramento que hacía, que iba a morir en aquella horca que allí estaba, y no a otra cosa. Repararon los jueces en el juramento y dijeron: ''Si a este hombre le dejamos pasar libremente, mintió en su juramento, y, conforme a la ley, debe morir; y si le ahorcamos, él juró que iba a morir en aquella horca, y, habiendo jurado verdad, por la misma ley debe ser libre''. Pídese a vuesa merced, señor gobernador, qué harán los jueces del tal hombre; que aun hasta agora están dudosos y suspensos. Y, habiendo tenido noticia del agudo y elevado entendimiento de vuestra merced, me enviaron a mí a que suplicase a vuestra merced de su parte diese su parecer en tan intricado y dudoso caso. A lo que respondió Sancho: — Por cierto que esos señores jueces que a mí os envían lo pudieran haber escusado, porque yo soy un hombre que tengo más de mostrenco que de agudo; pero, con todo eso, repetidme otra vez el negocio de modo que yo le entienda: quizá podría ser que diese en el hito. Volvió otra y otra vez el preguntante a referir lo que primero había dicho, y Sancho dijo: — A mi parecer, este negocio en dos paletas le declararé yo, y es así: el tal hombre jura que va a morir en la horca, y si muere en ella, juró verdad, y por la ley puesta merece ser libre y que pase la puente; y si no le ahorcan, juró mentira, y por la misma ley merece que le ahorquen. — Así es como el señor gobernador dice —dijo el mensajero—; y cuanto a la entereza y entendimiento del caso, no hay más que pedir ni que dudar. — Digo yo, pues, agora —replicó Sancho— que deste hombre aquella parte que juró verdad la dejen pasar, y la que dijo mentira la ahorquen, y desta manera se cumplirá al pie de la letra la condición del pasaje. — Pues, señor gobernador —replicó el preguntador—, será necesario que el tal hombre se divida en partes, en mentirosa y verdadera; y si se divide, por fuerza ha de morir, y así no se consigue cosa alguna de lo que la ley pide, y es de necesidad espresa que se cumpla con ella. — Venid acá, señor buen hombre —respondió Sancho—; este pasajero que decís, o yo soy un porro, o él tiene la misma razón para morir que para vivir y pasar la puente; porque si la verdad le salva, la mentira le condena igualmente; y, siendo esto así, como lo es, soy de parecer que digáis a esos señores que a mí os enviaron que, pues están en un fil las razones de condenarle o asolverle, que le dejen pasar libremente, pues siempre es alabado más el hacer bien que mal, y esto lo diera firmado de mi nombre, si supiera firmar; y yo en este caso no he hablado de mío, sino que se me vino a la memoria un precepto, entre otros muchos que me dio mi amo don Quijote la noche antes que viniese a ser gobernador desta ínsula: que fue que, cuando la justicia estuviese en duda, me decantase y acogiese a la misericordia; y ha querido Dios que agora se me acordase, por venir en este caso como de molde. Así es —respondió el mayordomo—, y tengo para mí que el mismo Licurgo, que dio leyes a los lacedemonios, no pudiera dar mejor sentencia que la que el gran Panza ha dado. Y acábese con esto la audiencia desta mañana, y yo daré orden como el señor gobernador coma muy a su gusto. — Eso pido, y barras derechas —dijo Sancho—: denme de comer, y lluevan casos y dudas sobre mí, que yo las despabilaré en el aire. Cumplió su palabra el mayordomo, pareciéndole ser cargo de conciencia matar de hambre a tan discreto gobernador; y más, que pensaba concluir con él aquella misma noche haciéndole la burla última que traía en comisión de hacerle. Sucedió, pues, que, habiendo comido aquel día contra las reglas y aforismos del doctor Tirteafuera, al levantar de los manteles, entró un correo con una carta de don Quijote para el gobernador. Mandó Sancho al secretario que la leyese para sí, y que si no viniese en ella alguna cosa digna de secreto, la leyese en voz alta. Hízolo así el secretario, y, repasándola primero, dijo: — Bien se puede leer en voz alta, que lo que el señor don Quijote escribe a vuestra merced merece estar estampado y escrito con letras de oro, y dice así: Carta de don Quijote de la Mancha a Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria Cuando esperaba oír nuevas de tus descuidos e impertinencias, Sancho amigo, las oí de tus discreciones, de que di por ello gracias particulares al cielo, el cual del estiércol sabe levantar los pobres, y de los tontos hacer discretos. Dícenme que gobiernas como si fueses hombre, y que eres hombre como si fueses bestia, según es la humildad con que te tratas; y quiero que adviertas, Sancho, que muchas veces conviene y es necesario, por la autoridad del oficio, ir contra la humildad del corazón; porque el buen adorno de la persona que está puesta en graves cargos ha de ser conforme a lo que ellos piden, y no a la medida de lo que su humilde condición le inclina. Vístete bien, que un palo compuesto no parece palo. No digo que traigas dijes ni galas, ni que siendo juez te vistas como soldado, sino que te adornes con el hábito que tu oficio requiere, con tal que sea limpio y bien compuesto. Para ganar la voluntad del pueblo que gobiernas, entre otras has de hacer dos cosas: la una, ser bien criado con todos, aunque esto ya otra vez te lo he dicho; y la otra, procurar la abundancia de los mantenimientos; que no hay cosa que más fatigue el corazón de los pobres que la hambre y la carestía. No hagas muchas pragmáticas; y si las hicieres, procura que sean buenas, y, sobre todo, que se guarden y cumplan; que las pragmáticas que no se guardan, lo mismo es que si no lo fuesen; antes dan a entender que el príncipe que tuvo discreción y autoridad para hacerlas, no tuvo valor para hacer que se guardasen; y las leyes que atemorizan y no se ejecutan, vienen a ser como la viga, rey de las ranas: que al principio las espantó, y con el tiempo la menospreciaron y se subieron sobre ella. Sé padre de las virtudes y padrastro de los vicios. No seas siempre riguroso, ni siempre blando, y escoge el medio entre estos dos estremos, que en esto está el punto de la discreción. Visita las cárceles, las carnicerías y las plazas, que la presencia del gobernador en lugares tales es de mucha importancia: consuela a los presos, que esperan la brevedad de su despacho; es coco a los carniceros, que por entonces igualan los pesos, y es espantajo a las placeras, por la misma razón. No te muestres, aunque por ventura lo seas —lo cual yo no creo—, codicioso, mujeriego ni glotón; porque, en sabiendo el pueblo y los que te tratan tu inclinación determinada, por allí te darán batería, hasta derribarte en el profundo de la perdición. Mira y remira, pasa y repasa los consejos y documentos que te di por escrito antes que de aquí partieses a tu gobierno, y verás como hallas en ellos, si los guardas, una ayuda de costa que te sobrelleve los trabajos y dificultades que a cada paso a los gobernadores se les ofrecen. Escribe a tus señores y muéstrateles agradecido, que la ingratitud es hija de la soberbia, y uno de los mayores pecados que se sabe, y la persona que es agradecida a los que bien le han hecho, da indicio que también lo será a Dios, que tantos bienes le hizo y de contino le hace. La señora duquesa despachó un propio con tu vestido y otro presente a tu mujer Teresa Panza; por momentos esperamos respuesta. Yo he estado un poco mal dispuesto de un cierto gateamiento que me sucedió no muy a cuento de mis narices; pero no fue nada, que si hay encantadores que me maltraten, también los hay que me defiendan. Avísame si el mayordomo que está contigo tuvo que ver en las acciones de la Trifaldi, como tú sospechaste, y de todo lo que te sucediere me irás dando aviso, pues es tan corto el camino; cuanto más, que yo pienso dejar presto esta vida ociosa en que estoy, pues no nací para ella. Un negocio se me ha ofrecido, que creo que me ha de poner en desgracia destos señores; pero, aunque se me da mucho, no se me da nada, pues, en fin en fin, tengo de cumplir antes con mi profesión que con su gusto, conforme a lo que suele decirse: amicus Plato, sed magis amica veritas. Dígote este latín porque me doy a entender que, después que eres gobernador, lo habrás aprendido. Y a Dios, el cual te guarde de que ninguno te tenga lástima. Tu amigo, Don Quijote de la Mancha. Oyó Sancho la carta con mucha atención, y fue celebrada y tenida por discreta de los que la oyeron; y luego Sancho se levantó de la mesa, y, llamando al secretario, se encerró con él en su estancia, y, sin dilatarlo más, quiso responder luego a su señor don Quijote, y dijo al secretario que, sin añadir ni quitar cosa alguna, fuese escribiendo lo que él le dijese, y así lo hizo; y la carta de la respuesta fue del tenor siguiente: Carta de Sancho Panza a don Quijote de la Mancha La ocupación de mis negocios es tan grande que no tengo lugar para rascarme la cabeza, ni aun para cortarme las uñas; y así, las traigo tan crecidas cual Dios lo remedie. Digo esto, señor mío de mi alma, porque vuesa merced no se espante si hasta agora no he dado aviso de mi bien o mal estar en este gobierno, en el cual tengo más hambre que cuando andábamos los dos por las selvas y por los despoblados. Escribióme el duque, mi señor, el otro día, dándome aviso que habían entrado en esta ínsula ciertas espías para matarme, y hasta agora yo no he descubierto otra que un cierto doctor que está en este lugar asalariado para matar a cuantos gobernadores aquí vinieren: llámase el doctor Pedro Recio, y es natural de Tirteafuera: ¡porque vea vuesa merced qué nombre para no temer que he de morir a sus manos! Este tal doctor dice él mismo de sí mismo que él no cura las enfermedades cuando las hay, sino que las previene, para que no vengan; y las medecinas que usa son dieta y más dieta, hasta poner la persona en los huesos mondos, como si no fuese mayor mal la flaqueza que la calentura. Finalmente, él me va matando de hambre, y yo me voy muriendo de despecho, pues cuando pensé venir a este gobierno a comer caliente y a beber frío, y a recrear el cuerpo entre sábanas de holanda, sobre colchones de pluma, he venido a hacer penitencia, como si fuera ermitaño; y, como no la hago de mi voluntad, pienso que, al cabo al cabo, me ha de llevar el diablo. Hasta agora no he tocado derecho ni llevado cohecho, y no puedo pensar en qué va esto; porque aquí me han dicho que los gobernadores que a esta ínsula suelen venir, antes de entrar en ella, o les han dado o les han prestado los del pueblo muchos dineros, y que ésta es ordinaria usanza en los demás que van a gobiernos, no solamente en éste. Anoche, andando de ronda, topé una muy hermosa doncella en traje de varón y un hermano suyo en hábito de mujer; de la moza se enamoró mi maestresala, y la escogió en su imaginación para su mujer, según él ha dicho, y yo escogí al mozo para mi yerno; hoy los dos pondremos en plática nuestros pensamientos con el padre de entrambos, que es un tal Diego de la Llana, hidalgo y cristiano viejo cuanto se quiere. Yo visito las plazas, como vuestra merced me lo aconseja, y ayer hallé una tendera que vendía avellanas nuevas, y averigüéle que había mezclado con una hanega de avellanas nuevas otra de viejas, vanas y podridas; apliquélas todas para los niños de la doctrina, que las sabrían bien distinguir, y sentenciéla que por quince días no entrase en la plaza. Hanme dicho que lo hice valerosamente; lo que sé decir a vuestra merced es que es fama en este pueblo que no hay gente más mala que las placeras, porque todas son desvergonzadas, desalmadas y atrevidas, y yo así lo creo, por las que he visto en otros pueblos. De que mi señora la duquesa haya escrito a mi mujer Teresa Panza y enviádole el presente que vuestra merced dice, estoy muy satisfecho, y procuraré de mostrarme agradecido a su tiempo: bésele vuestra merced las manos de mi parte, diciendo que digo yo que no lo ha echado en saco roto, como lo verá por la obra. No querría que vuestra merced tuviese trabacuentas de disgusto con esos mis señores, porque si vuestra merced se enoja con ellos, claro está que ha de redundar en mi daño, y no será bien que, pues se me da a mí por consejo que sea agradecido, que vuestra merced no lo sea con quien tantas mercedes le tiene hechas y con tanto regalo ha sido tratado en su castillo. Aquello del gateado no entiendo, pero imagino que debe de ser alguna de las malas fechorías que con vuestra merced suelen usar los malos encantadores; yo lo sabré cuando nos veamos. Quisiera enviarle a vuestra merced alguna cosa, pero no sé qué envíe, si no es algunos cañutos de jeringas, que para con vejigas los hacen en esta ínsula muy curiosos; aunque si me dura el oficio, yo buscaré qué enviar de haldas o de mangas. Si me escribiere mi mujer Teresa Panza, pague vuestra merced el porte y envíeme la carta,que tengo grandísimo deseo de saber del estado de mi casa, de mi mujer y de mis hijos. Y con esto, Dios libre a vuestra merced de mal intencionados encantadores, y a mí me saque con bien y en paz deste gobierno, que lo dudo, porque le pienso dejar con la vida, según me trata el doctor Pedro Recio. Criado de vuestra merced, Sancho Panza, el Gobernador. Cerró la carta el secretario y despachó luego al correo; y, juntándose los burladores de Sancho, dieron orden entre sí cómo despacharle del gobierno; y aquella tarde la pasó Sancho en hacer algunas ordenanzas tocantes al buen gobierno de la que él imaginaba ser ínsula, y ordenó que no hubiese regatones de los bastimentos en la república, y que pudiesen meter en ella vino de las partes que quisiesen, con aditamento que declarasen el lugar de donde era, para ponerle el precio según su estimación, bondad y fama, y el que lo aguase o le mudase el nombre, perdiese la vida por ello. Moderó el precio de todo calzado, principalmente el de los zapatos, por parecerle que corría con exorbitancia; puso tasa en los salarios de los criados, que caminaban a rienda suelta por el camino del interese; puso gravísimas penas a los que cantasen cantares lascivos y descompuestos, ni de noche ni de día. Ordenó que ningún ciego cantase milagro en coplas si no trujese testimonio auténtico de ser verdadero, por parecerle que los más que los ciegos cantan son fingidos, en perjuicio de los verdaderos. Hizo y creó un alguacil de pobres, no para que los persiguiese, sino para que los examinase si lo eran, porque a la sombra de la manquedad fingida y de la llaga falsa andan los brazos ladrones y la salud borracha. En resolución: él ordenó cosas tan buenas que hasta hoy se guardan en aquel lugar, y se nombran Las constituciones del gran gobernador Sancho Panza. Capítulo LII. Donde se cuenta la aventura de la segunda dueña Dolorida, o Angustiada, llamada por otro nombre doña Rodríguez Cuenta Cide Hamete que estando ya don Quijote sano de sus aruños, le pareció que la vida que en aquel castillo tenía era contra toda la orden de caballería que profesaba, y así, determinó de pedir licencia a los duques para partirse a Zaragoza, cuyas fiestas llegaban cerca, adonde pensaba ganar el arnés que en las tales fiestas se conquista. Y, estando un día a la mesa con los duques, y comenzando a poner en obra su intención y pedir la licencia, veis aquí a deshora entrar por la puerta de la gran sala dos mujeres, como después pareció, cubiertas de luto de los pies a la cabeza, y la una dellas, llegándose a don Quijote, se le echó a los pies tendida de largo a largo, la boca cosida con los pies de don Quijote, y daba unos gemidos tan tristes, tan profundos y tan dolorosos, que puso en confusión a todos los que la oían y miraban; y, aunque los duques pensaron que sería alguna burla que sus criados querían hacer a don Quijote, todavía, viendo con el ahínco que la mujer suspiraba, gemía y lloraba, los tuvo dudosos y suspensos, hasta que don Quijote, compasivo, la levantó del suelo y hizo que se descubriese y quitase el manto de sobre la faz llorosa. Ella lo hizo así, y mostró ser lo que jamás se pudiera pensar, porque descubrió el rostro de doña Rodríguez, la dueña de casa, y la otra enlutada era su hija, la burlada del hijo del labrador rico. Admiráronse todos aquellos que la conocían, y más los duques que ninguno; que, puesto que la tenían por boba y de buena pasta, no por tanto que viniese a hacer locuras. Finalmente, doña Rodríguez, volviéndose a los señores, les dijo: — Vuesas excelencias sean servidos de darme licencia que yo departa un poco con este caballero, porque así conviene para salir con bien del negocio en que me ha puesto el atrevimiento de un mal intencionado villano. El duque dijo que él se la daba, y que departiese con el señor don Quijote cuanto le viniese en deseo. Ella, enderezando la voz y el rostro a don Quijote, dijo: — Días ha, valeroso caballero, que os tengo dada cuenta de la sinrazón y alevosía que un mal labrador tiene fecha a mi muy querida y amada fija, que es esta desdichada que aquí está presente, y vos me habedes prometido de volver por ella, enderezándole el tuerto que le tienen fecho, y agora ha llegado a mi noticia que os queredes partir deste castillo, en busca de las buenas venturas que Dios os depare; y así, querría que, antes que os escurriésedes por esos caminos, desafiásedes a este rústico indómito, y le hiciésedes que se casase con mi hija, en cumplimiento de la palabra que le dio de ser su esposo, antes y primero que yogase con ella; porque pensar que el duque mi señor me ha de hacer justicia es pedir peras al olmo, por la ocasión que ya a vuesa merced en puridad tengo declarada. Y con esto, Nuestro Señor dé a vuesa merced mucha salud, y a nosotras no nos desampare. A cuyas razones respondió don Quijote, con mucha gravedad y prosopopeya: — Buena dueña, templad vuestras lágrimas, o, por mejor decir, enjugadlas y ahorrad de vuestros suspiros, que yo tomo a mi cargo el remedio de vuestra hija, a la cual le hubiera estado mejor no haber sido tan fácil en creer promesas de enamorados, las cuales, por la mayor parte, son ligeras de prometer y muy pesadas de cumplir; y así, con licencia del duque mi señor, yo me partiré luego en busca dese desalmado mancebo, y le hallaré, y le desafiaré, y le mataré cada y cuando que se escusare de cumplir la prometida palabra; que el principal asumpto de mi profesión es perdonar a los humildes y castigar a los soberbios; quiero decir: acorrer a los miserables y destruir a los rigurosos. — No es menester —respondió el duque— que vuesa merced se ponga en trabajo de buscar al rústico de quien esta buena dueña se queja, ni es menester tampoco que vuesa merced me pida a mí licencia para desafiarle; que yo le doy por desafiado, y tomo a mi cargo de hacerle saber este desafío, y que le acete, y venga a responder por sí a este mi castillo, donde a entrambos daré campo seguro, guardando todas las condiciones que en tales actos suelen y deben guardarse, guardando igualmente su justicia a cada uno, como están obligados a guardarla todos aquellos príncipes que dan campo franco a los que se combaten en los términos de sus señoríos. — Pues con ese seguro y con buena licencia de vuestra grandeza —replicó don Quijote—, desde aquí digo que por esta vez renuncio a mi hidalguía, y me allano y ajusto con la llaneza del dañador, y me hago igual con él, habilitándole para poder combatir conmigo; y así, aunque ausente, le desafío y repto, en razón de que hizo mal en defraudar a esta pobre, que fue doncella y ya por su culpa no lo es, y que le ha de cumplir la palabra que le dio de ser su legítimo esposo, o morir en la demanda. Y luego, descalzándose un guante, le arrojó en mitad de la sala, y el duque le alzó, diciendo que, como ya había dicho, él acetaba el tal desafío en nombre de su vasallo, y señalaba el plazo de allí a seis días; y el campo, en la plaza de aquel castillo; y las armas, las acostumbradas de los caballeros: lanza y escudo, y arnés tranzado, con todas las demás piezas, sin engaño, superchería o superstición alguna, examinadas y vistas por los jueces del campo. — Pero, ante todas cosas, es menester que esta buena dueña y esta mala doncella pongan el derecho de su justicia en manos del señor don Quijote; que de otra manera no se hará nada, ni llegará a debida ejecución el tal desafío. — Yo sí pongo —respondió la dueña. — Y yo también —añadió la hija, toda llorosa y toda vergonzosa y de mal talante. Tomado, pues, este apuntamiento, y habiendo imaginado el duque lo que había de hacer en el caso, las enlutadas se fueron, y ordenó la duquesa que de allí adelante no las tratasen como a sus criadas, sino como a señoras aventureras que venían a pedir justicia a su casa; y así, les dieron cuarto aparte y las sirvieron como a forasteras, no sin espanto de las demás criadas, que no sabían en qué había de parar la sandez y desenvoltura de doña Rodríguez y de su malandante hija. Estando en esto, para acabar de regocijar la fiesta y dar buen fin a la comida, veis aquí donde entró por la sala el paje que llevó las cartas y presentes a Teresa Panza, mujer del gobernador Sancho Panza, de cuya llegada recibieron gran contento los duques, deseosos de saber lo que le había sucedido en su viaje; y, preguntándoselo, respondió el paje que no lo podía decir tan en público ni con breves palabras: que sus excelencias fuesen servidos de dejarlo para a solas, y que entretanto se entretuviesen con aquellas cartas. Y, sacando dos cartas, las puso en manos de la duquesa. La una decía en el sobreescrito: Carta para mi señora la duquesa tal, de no sé dónde, y la otra: A mi marido Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria, que Dios prospere más años que a mí. No se le cocía el pan, como suele decirse, a la duquesa hasta leer su carta, y abriéndola y leído para sí, y viendo que la podía leer en voz alta para que el duque y los circunstantes la oyesen, leyó desta manera: Carta de Teresa Panza a la Duquesa Mucho contento me dio, señora mía, la carta que vuesa grandeza me escribió, que en verdad que la tenía bien deseada. La sarta de corales es muy buena, y el vestido de caza de mi marido no le va en zaga. De que vuestra señoría haya hecho gobernador a Sancho, mi consorte, ha recebido mucho gusto todo este lugar, puesto que no hay quien lo crea, principalmente el cura, y mase Nicolás el barbero, y Sansón Carrasco el bachiller; pero a mí no se me da nada; que, como ello sea así, como lo es, diga cada uno lo que quisiere; aunque, si va a decir verdad, a no venir los corales y el vestido, tampoco yo lo creyera, porque en este pueblo todos tienen a mi marido por un porro, y que, sacado de gobernar un hato de cabras, no pueden imaginar para qué gobierno pueda ser bueno. Dios lo haga, y lo encamine como vee que lo han menester sus hijos. Yo, señora de mi alma, estoy determinada, con licencia de vuesa merced, de meter este buen día en mi casa, yéndome a la corte a tenderme en un coche, para quebrar los ojos a mil envidiosos que ya tengo; y así, suplico a vuesa excelencia mande a mi marido me envíe algún dinerillo, y que sea algo qué, porque en la corte son los gastos grandes: que el pan vale a real, y la carne, la libra, a treinta maravedís, que es un juicio; y si quisiere que no vaya, que me lo avise con tiempo, porque me están bullendo los pies por ponerme en camino; que me dicen mis amigas y mis vecinas que, si yo y mi hija andamos orondas y pomposas en la corte, vendrá a ser conocido mi marido por mí más que yo por él, siendo forzoso que pregunten muchos: ''—¿Quién son estas señoras deste coche?'' Y un criado mío responder: ''—La mujer y la hija de Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria''; y desta manera será conocido Sancho, y yo seré estimada, y a Roma por todo. Pésame, cuanto pesarme puede, que este año no se han cogido bellotas en este pueblo; con todo eso, envío a vuesa alteza hasta medio celemín, que una a una las fui yo a coger y a escoger al monte, y no las hallé más mayores; yo quisiera que fueran como huevos de avestruz. No se le olvide a vuestra pomposidad de escribirme, que yo tendré cuidado de la respuesta, avisando de mi salud y de todo lo que hubiere que avisar deste lugar, donde quedo rogando a Nuestro Señor guarde a vuestra grandeza, y a mí no olvide. Sancha, mi hija, y mi hijo besan a vuestra merced las manos. La que tiene más deseo de ver a vuestra señoría que de escribirla, su criada, Teresa Panza. Grande fue el gusto que todos recibieron de oír la carta de Teresa Panza, principalmente los duques, y la duquesa pidió parecer a don Quijote si sería bien abrir la carta que venía para el gobernador, que imaginaba debía de ser bonísima. Don Quijote dijo que él la abriría por darles gusto, y así lo hizo, y vio que decía desta manera: Carta de Teresa Panza a Sancho Panza su marido Tu carta recibí, Sancho mío de mi alma, y yo te prometo y juro como católica cristiana que no faltaron dos dedos para volverme loca de contento. Mira, hermano: cuando yo llegué a oír que eres gobernador, me pensé allí caer muerta de puro gozo, que ya sabes tú que dicen que así mata la alegría súbita como el dolor grande. A Sanchica, tu hija, se le fueron las aguas sin sentirlo, de puro contento. El vestido que me enviaste tenía delante, y los corales que me envió mi señora la duquesa al cuello, y las cartas en las manos, y el portador dellas allí presente, y, con todo eso, creía y pensaba que era todo sueño lo que veía y lo que tocaba; porque, ¿quién podía pensar que un pastor de cabras había de venir a ser gobernador de ínsulas? Ya sabes tú, amigo, que decía mi madre que era menester vivir mucho para ver mucho: dígolo porque pienso ver más si vivo más; porque no pienso parar hasta verte arrendador o alcabalero, que son oficios que, aunque lleva el diablo a quien mal los usa, en fin en fin, siempre tienen y manejan dineros. Mi señora la duquesa te dirá el deseo que tengo de ir a la corte; mírate en ello, y avísame de tu gusto, que yo procuraré honrarte en ella andando en coche. El cura, el barbero, el bachiller y aun el sacristán no pueden creer que eres gobernador, y dicen que todo es embeleco, o cosas de encantamento, como son todas las de don Quijote tu amo; y dice Sansón que ha de ir a buscarte y a sacarte el gobierno de la cabeza, y a don Quijote la locura de los cascos; yo no hago sino reírme, y mirar mi sarta, y dar traza del vestido que tengo de hacer del tuyo a nuestra hija. Unas bellotas envié a mi señora la duquesa; yo quisiera que fueran de oro. Envíame tú algunas sartas de perlas, si se usan en esa ínsula. Las nuevas deste lugar son que la Berrueca casó a su hija con un pintor de mala mano, que llegó a este pueblo a pintar lo que saliese; mandóle el Concejo pintar las armas de Su Majestad sobre las puertas del Ayuntamiento, pidió dos ducados, diéronselos adelantados, trabajó ocho días, al cabo de los cuales no pintó nada, y dijo que no acertaba a pintar tantas baratijas; volvió el dinero, y, con todo eso, se casó a título de buen oficial; verdad es que ya ha dejado el pincel y tomado el azada, y va al campo como gentilhombre. El hijo de Pedro de Lobo se ha ordenado de grados y corona, con intención de hacerse clérigo; súpolo Minguilla, la nieta de Mingo Silvato, y hale puesto demanda de que la tiene dada palabra de casamiento; malas lenguas quieren decir que ha estado encinta dél, pero él lo niega a pies juntillas. Hogaño no hay aceitunas, ni se halla una gota de vinagre en todo este pueblo. Por aquí pasó una compañía de soldados; lleváronse de camino tres mozas deste pueblo; no te quiero decir quién son: quizá volverán, y no faltará quien las tome por mujeres, con sus tachas buenas o malas. Sanchica hace puntas de randas; gana cada día ocho maravedís horros, que los va echando en una alcancía para ayuda a su ajuar; pero ahora que es hija de un gobernador, tú le darás la dote sin que ella lo trabaje. La fuente de la plaza se secó; un rayo cayó en la picota, y allí me las den todas. Espero respuesta désta y la resolución de mi ida a la corte; y, con esto, Dios te me guarde más años que a mí o tantos, porque no querría dejarte sin mí en este mundo. Tu mujer, Teresa Panza. Las cartas fueron solenizadas, reídas, estimadas y admiradas; y, para acabar de echar el sello, llegó el correo, el que traía la que Sancho enviaba a don Quijote, que asimesmo se leyó públicamente, la cual puso en duda la sandez del gobernador. Retiróse la duquesa, para saber del paje lo que le había sucedido en el lugar de Sancho, el cual se lo contó muy por estenso, sin dejar circunstancia que no refiriese; diole las bellotas, y más un queso que Teresa le dio, por ser muy bueno, que se aventajaba a los de Tronchón Recibiólo la duquesa con grandísimo gusto, con el cual la dejaremos, por contar el fin que tuvo el gobierno del gran Sancho Panza, flor y espejo de todos los insulanos gobernadores. Capítulo LIII. Del fatigado fin y remate que tuvo el gobierno de Sancho Panza ''Pensar que en esta vida las cosas della han de durar siempre en un estado es pensar en lo escusado; antes parece que ella anda todo en redondo, digo, a la redonda: la primavera sigue al verano, el verano al estío, el estío al otoño, y el otoño al invierno, y el invierno a la primavera, y así torna a andarse el tiempo con esta rueda continua; sola la vida humana corre a su fin ligera más que el tiempo, sin esperar renovarse si no es en la otra, que no tiene términos que la limiten''. Esto dice Cide Hamete, filósofo mahomético; porque esto de entender la ligereza e instabilidad de la vida presente, y de la duración de la eterna que se espera, muchos sin lumbre de fe, sino con la luz natural, lo han entendido; pero aquí, nuestro autor lo dice por la presteza con que se acabó, se consumió, se deshizo, se fue como en sombra y humo el gobierno de Sancho. El cual, estando la séptima noche de los días de su gobierno en su cama, no harto de pan ni de vino, sino de juzgar y dar pareceres y de hacer estatutos y pragmáticas, cuando el sueño, a despecho y pesar de la hambre, le comenzaba a cerrar los párpados, oyó tan gran ruido de campanas y de voces, que no parecía sino que toda la ínsula se hundía. Sentóse en la cama, y estuvo atento y escuchando, por ver si daba en la cuenta de lo que podía ser la causa de tan grande alboroto; pero no sólo no lo supo, pero, añadiéndose al ruido de voces y campanas el de infinitas trompetas y atambores, quedó más confuso y lleno de temor y espanto; y, levantándose en pie, se puso unas chinelas, por la humedad del suelo, y, sin ponerse sobrerropa de levantar, ni cosa que se pareciese, salió a la puerta de su aposento, a tiempo cuando vio venir por unos corredores más de veinte personas con hachas encendidas en las manos y con las espadas desenvainadas, gritando todos a grandes voces: — ¡Arma, arma, señor gobernador, arma!; que han entrado infinitos enemigos en la ínsula, y somos perdidos si vuestra industria y valor no nos socorre. Con este ruido, furia y alboroto llegaron donde Sancho estaba, atónito y embelesado de lo que oía y veía; y, cuando llegaron a él, uno le dijo: — ¡Ármese luego vuestra señoría, si no quiere perderse y que toda esta ínsula se pierda! — ¿Qué me tengo de armar —respondió Sancho—, ni qué sé yo de armas ni de socorros? Estas cosas mejor será dejarlas para mi amo don Quijote, que en dos paletas las despachará y pondrá en cobro; que yo, pecador fui a Dios, no se me entiende nada destas priesas. — ¡Ah, señor gobernador! —dijo otro—. ¿Qué relente es ése? Ármese vuesa merced, que aquí le traemos armas ofensivas y defensivas, y salga a esa plaza, y sea nuestra guía y nuestro capitán, pues de derecho le toca el serlo, siendo nuestro gobernador. — Ármenme norabuena —replicó Sancho. Y al momento le trujeron dos paveses, que venían proveídos dellos, y le pusieron encima de la camisa, sin dejarle tomar otro vestido, un pavés delante y otro detrás, y, por unas concavidades que traían hechas, le sacaron los brazos, y le liaron muy bien con unos cordeles, de modo que quedó emparedado y entablado, derecho como un huso, sin poder doblar las rodillas ni menearse un solo paso. Pusiéronle en las manos una lanza, a la cual se arrimó para poder tenerse en pie. Cuando así le tuvieron, le dijeron que caminase, y los guiase y animase a todos; que, siendo él su norte, su lanterna y su lucero, tendrían buen fin sus negocios. — ¿Cómo tengo de caminar, desventurado yo —respondió Sancho—, que no puedo jugar las choquezuelas de las rodillas, porque me lo impiden estas tablas que tan cosidas tengo con mis carnes? Lo que han de hacer es llevarme en brazos y ponerme, atravesado o en pie, en algún postigo, que yo le guardaré, o con esta lanza o con mi cuerpo. — Ande, señor gobernador —dijo otro—, que más el miedo que las tablas le impiden el paso; acabe y menéese, que es tarde, y los enemigos crecen, y las voces se aumentan y el peligro carga. Por cuyas persuasiones y vituperios probó el pobre gobernador a moverse, y fue dar consigo en el suelo tan gran golpe, que pensó que se había hecho pedazos. Quedó como galápago encerrado y cubierto con sus conchas, o como medio tocino metido entre dos artesas, o bien así como barca que da al través en la arena; y no por verle caído aquella gente burladora le tuvieron compasión alguna; antes, apagando las antorchas, tornaron a reforzar las voces, y a reiterar el ¡arma! con tan gran priesa, pasando por encima del pobre Sancho, dándole infinitas cuchilladas sobre los paveses, que si él no se recogiera y encogiera, metiendo la cabeza entre los paveses, lo pasara muy mal el pobre gobernador, el cual, en aquella estrecheza recogido, sudaba y trasudaba, y de todo corazón se encomendaba a Dios que de aquel peligro le sacase. Unos tropezaban en él, otros caían, y tal hubo que se puso encima un buen espacio, y desde allí, como desde atalaya, gobernaba los ejércitos, y a grandes voces decía: — ¡Aquí de los nuestros, que por esta parte cargan más los enemigos! ¡Aquel portillo se guarde, aquella puerta se cierre, aquellas escalas se tranquen! ¡Vengan alcancías, pez y resina en calderas de aceite ardiendo! ¡Trinchéense las calles con colchones! En fin, él nombraba con todo ahínco todas las baratijas e instrumentos y pertrechos de guerra con que suele defenderse el asalto de una ciudad, y el molido Sancho, que lo escuchaba y sufría todo, decía entre sí: — ¡Oh, si mi Señor fuese servido que se acabase ya de perder esta ínsula, y me viese yo o muerto o fuera desta grande angustia! Oyó el cielo su petición, y, cuando menos lo esperaba, oyó voces que decían: — ¡Vitoria, vitoria! ¡Los enemigos van de vencida! ¡Ea, señor gobernador, levántese vuesa merced y venga a gozar del vencimiento y a repartir los despojos que se han tomado a los enemigos, por el valor dese invencible brazo! — Levántenme —dijo con voz doliente el dolorido Sancho. Ayudáronle a levantar, y, puesto en pie, dijo: — El enemigo que yo hubiere vencido quiero que me le claven en la frente. Yo no quiero repartir despojos de enemigos, sino pedir y suplicar a algún amigo, si es que le tengo, que me dé un trago de vino, que me seco, y me enjugue este sudor, que me hago agua. Limpiáronle, trujéronle el vino, desliáronle los paveses, sentóse sobre su lecho y desmayóse del temor, del sobresalto y del trabajo. Ya les pesaba a los de la burla de habérsela hecho tan pesada; pero el haber vuelto en sí Sancho les templó la pena que les había dado su desmayo. Preguntó qué hora era, respondiéronle que ya amanecía. Calló, y, sin decir otra cosa, comenzó a vestirse, todo sepultado en silencio, y todos le miraban y esperaban en qué había de parar la priesa con que se vestía. Vistióse, en fin, y poco a poco, porque estaba molido y no podía ir mucho a mucho, se fue a la caballeriza, siguiéndole todos los que allí se hallaban, y, llegándose al rucio, le abrazó y le dio un beso de paz en la frente, y, no sin lágrimas en los ojos, le dijo: — Venid vos acá, compañero mío y amigo mío, y conllevador de mis trabajos y miserias: cuando yo me avenía con vos y no tenía otros pensamientos que los que me daban los cuidados de remendar vuestros aparejos y de sustentar vuestro corpezuelo, dichosas eran mis horas, mis días y mis años; pero, después que os dejé y me subí sobre las torres de la ambición y de la soberbia, se me han entrado por el alma adentro mil miserias, mil trabajos y cuatro mil desasosiegos. Y, en tanto que estas razones iba diciendo, iba asimesmo enalbardando el asno, sin que nadie nada le dijese. Enalbardado, pues, el rucio, con gran pena y pesar subió sobre él, y, encaminando sus palabras y razones al mayordomo, al secretario, al maestresala y a Pedro Recio el doctor, y a otros muchos que allí presentes estaban, dijo: — Abrid camino, señores míos, y dejadme volver a mi antigua libertad; dejadme que vaya a buscar la vida pasada, para que me resucite de esta muerte presente. Yo no nací para ser gobernador, ni para defender ínsulas ni ciudades de los enemigos que quisieren acometerlas. Mejor se me entiende a mí de arar y cavar, podar y ensarmentar las viñas, que de dar leyes ni de defender provincias ni reinos. Bien se está San Pedro en Roma: quiero decir, que bien se está cada uno usando el oficio para que fue nacido. Mejor me está a mí una hoz en la mano que un cetro de gobernador; más quiero hartarme de gazpachos que estar sujeto a la miseria de un médico impertinente que me mate de hambre; y más quiero recostarme a la sombra de una encina en el verano y arroparme con un zamarro de dos pelos en el invierno, en mi libertad, que acostarme con la sujeción del gobierno entre sábanas de holanda y vestirme de martas cebollinas. Vuestras mercedes se queden con Dios, y digan al duque mi señor que, desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; quiero decir, que sin blanca entré en este gobierno y sin ella salgo, bien al revés de como suelen salir los gobernadores de otras ínsulas. Y apártense: déjenme ir, que me voy a bizmar; que creo que tengo brumadas todas las costillas, merced a los enemigos que esta noche se han paseado sobre mí. — No ha de ser así, señor gobernador —dijo el doctor Recio—, que yo le daré a vuesa merced una bebida contra caídas y molimientos, que luego le vuelva en su prístina entereza y vigor; y, en lo de la comida, yo prometo a vuesa merced de enmendarme, dejándole comer abundantemente de todo aquello que quisiere. — ¡Tarde piache! —respondió Sancho—. Así dejaré de irme como volverme turco. No son estas burlas para dos veces. Por Dios que así me quede en éste, ni admita otro gobierno, aunque me le diesen entre dos platos, como volar al cielo sin alas. Yo soy del linaje de los Panzas, que todos son testarudos, y si una vez dicen nones, nones han de ser, aunque sean pares, a pesar de todo el mundo. Quédense en esta caballeriza las alas de la hormiga, que me levantaron en el aire para que me comiesen vencejos y otros pájaros, y volvámonos a andar por el suelo con pie llano, que, si no le adornaren zapatos picados de cordobán, no le faltarán alpargatas toscas de cuerda. Cada oveja con su pareja, y nadie tienda más la pierna de cuanto fuere larga la sábana; y déjenme pasar, que se me hace tarde. A lo que el mayordomo dijo: — Señor gobernador, de muy buena gana dejáramos ir a vuesa merced, puesto que nos pesará mucho de perderle, que su ingenio y su cristiano proceder obligan a desearle; pero ya se sabe que todo gobernador está obligado, antes que se ausente de la parte donde ha gobernado, dar primero residencia: déla vuesa merced de los diez días que ha que tiene el gobierno, y váyase a la paz de Dios. — Nadie me la puede pedir —respondió Sancho—, si no es quien ordenare el duque mi señor; yo voy a verme con él, y a él se la daré de molde; cuanto más que, saliendo yo desnudo, como salgo, no es menester otra señal para dar a entender que he gobernado como un ángel. — Par Dios que tiene razón el gran Sancho —dijo el doctor Recio—, y que soy de parecer que le dejemos ir, porque el duque ha de gustar infinito de verle. Todos vinieron en ello, y le dejaron ir, ofreciéndole primero compañía y todo aquello que quisiese para el regalo de su persona y para la comodidad de su viaje. Sancho dijo que no quería más de un poco de cebada para el rucio y medio queso y medio pan para él; que, pues el camino era tan corto, no había menester mayor ni mejor repostería. Abrazáronle todos, y él, llorando, abrazó a todos, y los dejó admirados, así de sus razones como de su determinación tan resoluta y tan discreta. Capítulo LIV. Que trata de cosas tocantes a esta historia, y no a otra alguna Resolviéronse el duque y la duquesa de que el desafío que don Quijote hizo a su vasallo, por la causa ya referida, pasase adelante; y, puesto que el mozo estaba en Flandes, adonde se había ido huyendo, por no tener por suegra a doña Rodríguez, ordenaron de poner en su lugar a un lacayo gascón, que se llamaba Tosilos, industriándole primero muy bien de todo lo que había de hacer. De allí a dos días dijo el duque a don Quijote como desde allí a cuatro vendría su contrario, y se presentaría en el campo, armado como caballero, y sustentaría como la doncella mentía por mitad de la barba, y aun por toda la barba entera, si se afirmaba que él le hubiese dado palabra de casamiento. Don Quijote recibió mucho gusto con las tales nuevas, y se prometió a sí mismo de hacer maravillas en el caso, y tuvo a gran ventura habérsele ofrecido ocasión donde aquellos señores pudiesen ver hasta dónde se estendía el valor de su poderoso brazo; y así, con alborozo y contento, esperaba los cuatro días, que se le iban haciendo, a la cuenta de su deseo, cuatrocientos siglos. Dejémoslos pasar nosotros, como dejamos pasar otras cosas, y vamos a acompañar a Sancho, que entre alegre y triste venía caminando sobre el rucio a buscar a su amo, cuya compañía le agradaba más que ser gobernador de todas las ínsulas del mundo. Sucedió, pues, que, no habiéndose alongado mucho de la ínsula del su gobierno —que él nunca se puso a averiguar si era ínsula, ciudad, villa o lugar la que gobernaba—, vio que por el camino por donde él iba venían seis peregrinos con sus bordones, de estos estranjeros que piden la limosna cantando, los cuales, en llegando a él, se pusieron en ala, y, levantando las voces todos juntos, comenzaron a cantar en su lengua lo que Sancho no pudo entender, si no fue una palabra que claramente pronunciaba limosna, por donde entendió que era limosna la que en su canto pedían; y como él, según dice Cide Hamete, era caritativo además, sacó de sus alforjas medio pan y medio queso, de que venía proveído, y dióselo, diciéndoles por señas que no tenía otra cosa que darles. Ellos lo recibieron de muy buena gana, y dijeron: — ¡Guelte! ¡Guelte! — No entiendo —respondió Sancho— qué es lo que me pedís, buena gente. Entonces uno de ellos sacó una bolsa del seno y mostrósela a Sancho, por donde entendió que le pedían dineros; y él, poniéndose el dedo pulgar en la garganta y estendiendo la mano arriba, les dio a entender que no tenía ostugo de moneda, y, picando al rucio, rompió por ellos; y, al pasar, habiéndole estado mirando uno dellos con mucha atención, arremetió a él, echándole los brazos por la cintura; en voz alta y muy castellana, dijo: — ¡Válame Dios! ¿Qué es lo que veo? ¿Es posible que tengo en mis brazos al mi caro amigo, al mi buen vecino Sancho Panza? Sí tengo, sin duda, porque yo ni duermo, ni estoy ahora borracho. Admiróse Sancho de verse nombrar por su nombre y de verse abrazar del estranjero peregrino, y, después de haberle estado mirando sin hablar palabra, con mucha atención, nunca pudo conocerle; pero, viendo su suspensión el peregrino, le dijo: — ¿Cómo, y es posible, Sancho Panza hermano, que no conoces a tu vecino Ricote el morisco, tendero de tu lugar? Entonces Sancho le miró con más atención y comenzó a rafigurarle, y , finalmente, le vino a conocer de todo punto, y, sin apearse del jumento, le echó los brazos al cuello, y le dijo: — ¿Quién diablos te había de conocer, Ricote, en ese traje de moharracho que traes? Dime: ¿quién te ha hecho franchote, y cómo tienes atrevimiento de volver a España, donde si te cogen y conocen tendrás harta mala ventura? — Si tú no me descubres, Sancho —respondió el peregrino—, seguro estoy que en este traje no habrá nadie que me conozca; y apartémonos del camino a aquella alameda que allí parece, donde quieren comer y reposar mis compañeros, y allí comerás con ellos, que son muy apacible gente. Yo tendré lugar de contarte lo que me ha sucedido después que me partí de nuestro lugar, por obedecer el bando de Su Majestad, que con tanto rigor a los desdichados de mi nación amenazaba, según oíste. Hízolo así Sancho, y, hablando Ricote a los demás peregrinos, se apartaron a la alameda que se parecía, bien desviados del camino real. Arrojaron los bordones, quitáronse las mucetas o esclavinas y quedaron en pelota, y todos ellos eran mozos y muy gentileshombres, excepto Ricote, que ya era hombre entrado en años. Todos traían alforjas, y todas, según pareció, venían bien proveídas, a lo menos, de cosas incitativas y que llaman a la sed de dos leguas. Tendiéronse en el suelo, y, haciendo manteles de las yerbas, pusieron sobre ellas pan, sal, cuchillos, nueces, rajas de queso, huesos mondos de jamón, que si no se dejaban mascar, no defendían el ser chupados. Pusieron asimismo un manjar negro que dicen que se llama cavial, y es hecho de huevos de pescados, gran despertador de la colambre. No faltaron aceitunas, aunque secas y sin adobo alguno, pero sabrosas y entretenidas. Pero lo que más campeó en el campo de aquel banquete fueron seis botas de vino, que cada uno sacó la suya de su alforja; hasta el buen Ricote, que se había transformado de morisco en alemán o en tudesco, sacó la suya, que en grandeza podía competir con las cinco. Comenzaron a comer con grandísimo gusto y muy de espacio, saboreándose con cada bocado, que le tomaban con la punta del cuchillo, y muy poquito de cada cosa, y luego, al punto, todos a una, levantaron los brazos y las botas en el aire; puestas las bocas en su boca, clavados los ojos en el cielo, no parecía sino que ponían en él la puntería; y desta manera, meneando las cabezas a un lado y a otro, señales que acreditaban el gusto que recebían, se estuvieron un buen espacio, trasegando en sus estómagos las entrañas de las vasijas. Todo lo miraba Sancho, y de ninguna cosa se dolía; antes, por cumplir con el refrán, que él muy bien sabía, de "cuando a Roma fueres, haz como vieres", pidió a Ricote la bota, y tomó su puntería como los demás, y no con menos gusto que ellos. Cuatro veces dieron lugar las botas para ser empinadas; pero la quinta no fue posible, porque ya estaban más enjutas y secas que un esparto, cosa que puso mustia la alegría que hasta allí habían mostrado. De cuando en cuando, juntaba alguno su mano derecha con la de Sancho, y decía: — Español y tudesqui, tuto uno: bon compaño. Y Sancho respondía: Bon compaño, jura Di! Y disparaba con una risa que le duraba un hora, sin acordarse entonces de nada de lo que le había sucedido en su gobierno; porque sobre el rato y tiempo cuando se come y bebe, poca jurisdición suelen tener los cuidados. Finalmente, el acabársele el vino fue principio de un sueño que dio a todos, quedándose dormidos sobre las mismas mesas y manteles; solos Ricote y Sancho quedaron alerta, porque habían comido más y bebido menos; y, apartando Ricote a Sancho, se sentaron al pie de una haya, dejando a los peregrinos sepultados en dulce sueño; y Ricote, sin tropezar nada en su lengua morisca, en la pura castellana le dijo las siguientes razones: — «Bien sabes, ¡oh Sancho Panza, vecino y amigo mío!, como el pregón y bando que Su Majestad mandó publicar contra los de mi nación puso terror y espanto en todos nosotros; a lo menos, en mí le puso de suerte que me parece que antes del tiempo que se nos concedía para que hiciésemos ausencia de España, ya tenía el rigor de la pena ejecutado en mi persona y en la de mis hijos. Ordené, pues, a mi parecer como prudente, bien así como el que sabe que para tal tiempo le han de quitar la casa donde vive y se provee de otra donde mudarse; ordené, digo, de salir yo solo, sin mi familia, de mi pueblo, y ir a buscar donde llevarla con comodidad y sin la priesa con que los demás salieron; porque bien vi, y vieron todos nuestros ancianos, que aquellos pregones no eran sólo amenazas, como algunos decían, sino verdaderas leyes, que se habían de poner en ejecución a su determinado tiempo; y forzábame a creer esta verdad saber yo los ruines y disparatados intentos que los nuestros tenían, y tales, que me parece que fue inspiración divina la que movió a Su Majestad a poner en efecto tan gallarda resolución, no porque todos fuésemos culpados, que algunos había cristianos firmes y verdaderos; pero eran tan pocos que no se podían oponer a los que no lo eran, y no era bien criar la sierpe en el seno, teniendo los enemigos dentro de casa. Finalmente, con justa razón fuimos castigados con la pena del destierro, blanda y suave al parecer de algunos, pero al nuestro, la más terrible que se nos podía dar. Doquiera que estamos lloramos por España, que, en fin, nacimos en ella y es nuestra patria natural; en ninguna parte hallamos el acogimiento que nuestra desventura desea, y en Berbería, y en todas las partes de África, donde esperábamos ser recebidos, acogidos y regalados, allí es donde más nos ofenden y maltratan. No hemos conocido el bien hasta que le hemos perdido; y es el deseo tan grande, que casi todos tenemos de volver a España, que los más de aquellos, y son muchos, que saben la lengua como yo, se vuelven a ella, y dejan allá sus mujeres y sus hijos desamparados: tanto es el amor que la tienen; y agora conozco y experimento lo que suele decirse: que es dulce el amor de la patria. Salí, como digo, de nuestro pueblo, entré en Francia, y, aunque allí nos hacían buen acogimiento, quise verlo todo. Pasé a Italia y llegué a Alemania, y allí me pareció que se podía vivir con más libertad, porque sus habitadores no miran en muchas delicadezas: cada uno vive como quiere, porque en la mayor parte della se vive con libertad de conciencia. Dejé tomada casa en un pueblo junto a Augusta; juntéme con estos peregrinos, que tienen por costumbre de venir a España muchos dellos, cada año, a visitar los santuarios della, que los tienen por sus Indias, y por certísima granjería y conocida ganancia. Ándanla casi toda, y no hay pueblo ninguno de donde no salgan comidos y bebidos, como suele decirse, y con un real, por lo menos, en dineros, y al cabo de su viaje salen con más de cien escudos de sobra que, trocados en oro, o ya en el hueco de los bordones, o entre los remiendos de las esclavinas, o con la industria que ellos pueden, los sacan del reino y los pasan a sus tierras, a pesar de las guardas de los puestos y puertos donde se registran. Ahora es mi intención, Sancho, sacar el tesoro que dejé enterrado, que por estar fuera del pueblo lo podré hacer sin peligro y escribir o pasar desde Valencia a mi hija y a mi mujer, que sé que está en Argel, y dar traza como traerlas a algún puerto de Francia, y desde allí llevarlas a Alemania, donde esperaremos lo que Dios quisiere hacer de nosotros; que, en resolución, Sancho, yo sé cierto que la Ricota mi hija y Francisca Ricota, mi mujer, son católicas cristianas, y, aunque yo no lo soy tanto, todavía tengo más de cristiano que de moro, y ruego siempre a Dios me abra los ojos del entendimiento y me dé a conocer cómo le tengo de servir. Y lo que me tiene admirado es no saber por qué se fue mi mujer y mi hija antes a Berbería que a Francia, adonde podía vivir como cristiana.» A lo que respondió Sancho: — Mira, Ricote, eso no debió estar en su mano, porque las llevó Juan Tiopieyo, el hermano de tu mujer; y, como debe de ser fino moro, fuese a lo más bien parado, y séte decir otra cosa: que creo que vas en balde a buscar lo que dejaste encerrado; porque tuvimos nuevas que habían quitado a tu cuñado y tu mujer muchas perlas y mucho dinero en oro que llevaban por registrar. — Bien puede ser eso —replicó Ricote—, pero yo sé, Sancho, que no tocaron a mi encierro, porque yo no les descubrí dónde estaba, temeroso de algún desmán; y así, si tú, Sancho, quieres venir conmigo y ayudarme a sacarlo y a encubrirlo, yo te daré docientos escudos, con que podrás remediar tus necesidades, que ya sabes que sé yo que las tienes muchas. — Yo lo hiciera —respondió Sancho—, pero no soy nada codicioso; que, a serlo, un oficio dejé yo esta mañana de las manos, donde pudiera hacer las paredes de mi casa de oro, y comer antes de seis meses en platos de plata; y, así por esto como por parecerme haría traición a mi rey en dar favor a sus enemigos, no fuera contigo, si como me prometes docientos escudos, me dieras aquí de contado cuatrocientos. — Y ¿qué oficio es el que has dejado, Sancho? —preguntó Ricote. — He dejado de ser gobernador de una ínsula —respondió Sancho—, y tal, que a buena fee que no hallen otra como ella a tres tirones. — ¿Y dónde está esa ínsula? —preguntó Ricote. — ¿Adónde? —respondió Sancho—. Dos leguas de aquí, y se llama la ínsula Barataria. — Calla, Sancho —dijo Ricote—, que las ínsulas están allá dentro de la mar; que no hay ínsulas en la tierra firme. — ¿Cómo no? —replicó Sancho—. Dígote, Ricote amigo, que esta mañana me partí della, y ayer estuve en ella gobernando a mi placer, como un sagitario; pero, con todo eso, la he dejado, por parecerme oficio peligroso el de los gobernadores. — Y ¿qué has ganado en el gobierno? —preguntó Ricote. — He ganado —respondió Sancho— el haber conocido que no soy bueno para gobernar, si no es un hato de ganado, y que las riquezas que se ganan en los tales gobiernos son a costa de perder el descanso y el sueño, y aun el sustento; porque en las ínsulas deben de comer poco los gobernadores, especialmente si tienen médicos que miren por su salud. — Yo no te entiendo, Sancho —dijo Ricote—, pero paréceme que todo lo que dices es disparate; que, ¿quién te había de dar a ti ínsulas que gobernases? ¿Faltaban hombres en el mundo más hábiles para gobernadores que tú eres? Calla, Sancho, y vuelve en ti, y mira si quieres venir conmigo, como te he dicho, a ayudarme a sacar el tesoro que dejé escondido; que en verdad que es tanto, que se puede llamar tesoro, y te daré con que vivas, como te he dicho. — Ya te he dicho, Ricote —replicó Sancho—, que no quiero; conténtate que por mí no serás descubierto, y prosigue en buena hora tu camino, y déjame seguir el mío; que yo sé que lo bien ganado se pierde, y lo malo, ello y su dueño. — No quiero porfiar, Sancho —dijo Ricote—, pero dime: ¿hallástete en nuestro lugar, cuando se partió dél mi mujer, mi hija y mi cuñado? — Sí hallé —respondió Sancho—, y séte decir que salió tu hija tan hermosa que salieron a verla cuantos había en el pueblo, y todos decían que era la más bella criatura del mundo. Iba llorando y abrazaba a todas sus amigas y conocidas, y a cuantos llegaban a verla, y a todos pedía la encomendasen a Dios y a Nuestra Señora su madre; y esto, con tanto sentimiento, que a mí me hizo llorar, que no suelo ser muy llorón. Y a fee que muchos tuvieron deseo de esconderla y salir a quitársela en el camino; pero el miedo de ir contra el mandado del rey los detuvo. Principalmente se mostró más apasionado don Pedro Gregorio, aquel mancebo mayorazgo rico que tú conoces, que dicen que la quería mucho, y después que ella se partió, nunca más él ha parecido en nuestro lugar, y todos pensamos que iba tras ella para robarla; pero hasta ahora no se ha sabido nada. — Siempre tuve yo mala sospecha —dijo Ricote— de que ese caballero adamaba a mi hija; pero, fiado en el valor de mi Ricota, nunca me dio pesadumbre el saber que la quería bien; que ya habrás oído decir, Sancho, que las moriscas pocas o ninguna vez se mezclaron por amores con cristianos viejos, y mi hija, que, a lo que yo creo, atendía a ser más cristiana que enamorada, no se curaría de las solicitudes de ese señor mayorazgo. — Dios lo haga —replicó Sancho—, que a entrambos les estaría mal. Y déjame partir de aquí, Ricote amigo, que quiero llegar esta noche adonde está mi señor don Quijote. — Dios vaya contigo, Sancho hermano, que ya mis compañeros se rebullen, y también es hora que prosigamos nuestro camino. Y luego se abrazaron los dos, y Sancho subió en su rucio, y Ricote se arrimó a su bordón, y se apartaron. Capítulo LV. De cosas sucedidas a Sancho en el camino, y otras que no hay más que ver El haberse detenido Sancho con Ricote no le dio lugar a que aquel día llegase al castillo del duque, puesto que llegó media legua dél, donde le tomó la noche, algo escura y cerrada; pero, como era verano, no le dio mucha pesadumbre; y así, se apartó del camino con intención de esperar la mañana; y quiso su corta y desventurada suerte que, buscando lugar donde mejor acomodarse, cayeron él y el rucio en una honda y escurísima sima que entre unos edificios muy antiguos estaba, y al tiempo del caer, se encomendó a Dios de todo corazón, pensando que no había de parar hasta el profundo de los abismos. Y no fue así, porque a poco más de tres estados dio fondo el rucio, y él se halló encima dél, sin haber recebido lisión ni daño alguno. Tentóse todo el cuerpo, y recogió el aliento, por ver si estaba sano o agujereado por alguna parte; y, viéndose bueno, entero y católico de salud, no se hartaba de dar gracias a Dios Nuestro Señor de la merced que le había hecho, porque sin duda pensó que estaba hecho mil pedazos. Tentó asimismo con las manos por las paredes de la sima, por ver si sería posible salir della sin ayuda de nadie; pero todas las halló rasas y sin asidero alguno, de lo que Sancho se congojó mucho, especialmente cuando oyó que el rucio se quejaba tierna y dolorosamente; y no era mucho, ni se lamentaba de vicio, que, a la verdad, no estaba muy bien parado. — ¡Ay —dijo entonces Sancho Panza—, y cuán no pensados sucesos suelen suceder a cada paso a los que viven en este miserable mundo! ¿Quién dijera que el que ayer se vio entronizado gobernador de una ínsula, mandando a sus sirvientes y a sus vasallos, hoy se había de ver sepultado en una sima, sin haber persona alguna que le remedie, ni criado ni vasallo que acuda a su socorro? Aquí habremos de perecer de hambre yo y mi jumento, si ya no nos morimos antes, él de molido y quebrantado, y yo de pesaroso. A lo menos, no seré yo tan venturoso como lo fue mi señor don Quijote de la Mancha cuando decendió y bajó a la cueva de aquel encantado Montesinos, donde halló quien le regalase mejor que en su casa, que no parece sino que se fue a mesa puesta y a cama hecha. Allí vio él visiones hermosas y apacibles, y yo veré aquí, a lo que creo, sapos y culebras. ¡Desdichado de mí, y en qué han parado mis locuras y fantasías! De aquí sacarán mis huesos, cuando el cielo sea servido que me descubran, mondos, blancos y raídos, y los de mi buen rucio con ellos, por donde quizá se echará de ver quién somos, a lo menos de los que tuvieren noticia que nunca Sancho Panza se apartó de su asno, ni su asno de Sancho Panza. Otra vez digo: ¡miserables de nosotros, que no ha querido nuestra corta suerte que muriésemos en nuestra patria y entre los nuestros, donde ya que no hallara remedio nuestra desgracia, no faltara quien dello se doliera, y en la hora última de nuestro pasamiento nos cerrara los ojos! ¡Oh compañero y amigo mío, qué mal pago te he dado de tus buenos servicios! Perdóname y pide a la fortuna, en el mejor modo que supieres, que nos saque deste miserable trabajo en que estamos puestos los dos; que yo prometo de ponerte una corona de laurel en la cabeza, que no parezcas sino un laureado poeta, y de darte los piensos doblados. Desta manera se lamentaba Sancho Panza, y su jumento le escuchaba sin responderle palabra alguna: tal era el aprieto y angustia en que el pobre se hallaba. Finalmente, habiendo pasado toda aquella noche en miserables quejas y lamentaciones, vino el día, con cuya claridad y resplandor vio Sancho que era imposible de toda imposibilidad salir de aquel pozo sin ser ayudado, y comenzó a lamentarse y dar voces, por ver si alguno le oía; pero todas sus voces eran dadas en desierto, pues por todos aquellos contornos no había persona que pudiese escucharle, y entonces se acabó de dar por muerto. Estaba el rucio boca arriba, y Sancho Panza le acomodó de modo que le puso en pie, que apenas se podía tener; y, sacando de las alforjas, que también habían corrido la mesma fortuna de la caída, un pedazo de pan, lo dio a su jumento, que no le supo mal, y díjole Sancho, como si lo entendiera: — Todos los duelos con pan son buenos. En esto, descubrió a un lado de la sima un agujero, capaz de caber por él una persona, si se agobiaba y encogía. Acudió a él Sancho Panza, y, agazapándose, se entró por él y vio que por de dentro era espacioso y largo, y púdolo ver, porque por lo que se podía llamar techo entraba un rayo de sol que lo descubría todo. Vio también que se dilataba y alargaba por otra concavidad espaciosa; viendo lo cual, volvió a salir adonde estaba el jumento, y con una piedra comenzó a desmoronar la tierra del agujero, de modo que en poco espacio hizo lugar donde con facilidad pudiese entrar el asno, como lo hizo; y, cogiéndole del cabestro, comenzó a caminar por aquella gruta adelante, por ver si hallaba alguna salida por otra parte. A veces iba a escuras, y a veces sin luz, pero ninguna vez sin miedo. — ¡Válame Dios todopoderoso! —decía entre sí—. Esta que para mí es desventura, mejor fuera para aventura de mi amo don Quijote. Él sí que tuviera estas profundidades y mazmorras por jardines floridos y por palacios de Galiana, y esperara salir de esta escuridad y estrecheza a algún florido prado; pero yo, sin ventura, falto de consejo y menoscabado de ánimo, a cada paso pienso que debajo de los pies de improviso se ha de abrir otra sima más profunda que la otra, que acabe de tragarme. ¡Bien vengas mal, si vienes solo! Desta manera y con estos pensamientos le pareció que habría caminado poco más de media legua, al cabo de la cual descubrió una confusa claridad, que pareció ser ya de día, y que por alguna parte entraba, que daba indicio de tener fin abierto aquel, para él, camino de la otra vida. Aquí le deja Cide Hamete Benengeli, y vuelve a tratar de don Quijote, que, alborozado y contento, esperaba el plazo de la batalla que había de hacer con el robador de la honra de la hija de doña Rodríguez, a quien pensaba enderezar el tuerto y desaguisado que malamente le tenían fecho. Sucedió, pues, que, saliéndose una mañana a imponerse y ensayarse en lo que había de hacer en el trance en que otro día pensaba verse, dando un repelón o arremetida a Rocinante, llegó a poner los pies tan junto a una cueva, que, a no tirarle fuertemente las riendas, fuera imposible no caer en ella. En fin, le detuvo y no cayó, y, llegándose algo más cerca, sin apearse, miró aquella hondura; y, estándola mirando, oyó grandes voces dentro; y, escuchando atentamente, pudo percebir y entender que el que las daba decía: — ¡Ah de arriba! ¿Hay algún cristiano que me escuche, o algún caballero caritativo que se duela de un pecador enterrado en vida, o un desdichado desgobernado gobernador? Parecióle a don Quijote que oía la voz de Sancho Panza, de que quedó suspenso y asombrado, y, levantando la voz todo lo que pudo, dijo: — ¿Quién está allá bajo? ¿Quién se queja? — ¿Quién puede estar aquí, o quién se ha de quejar —respondieron—, sino el asendereado de Sancho Panza, gobernador, por sus pecados y por su mala andanza, de la ínsula Barataria, escudero que fue del famoso caballero don Quijote de la Mancha? Oyendo lo cual don Quijote, se le dobló la admiración y se le acrecentó el pasmo, viniéndosele al pensamiento que Sancho Panza debía de ser muerto, y que estaba allí penando su alma, y llevado desta imaginación dijo: — Conjúrote por todo aquello que puedo conjurarte como católico cristiano, que me digas quién eres; y si eres alma en pena, dime qué quieres que haga por ti; que, pues es mi profesión favorecer y acorrer a los necesitados deste mundo, también lo seré para acorrer y ayudar a los menesterosos del otro mundo, que no pueden ayudarse por sí propios. — Desa manera —respondieron—, vuestra merced que me habla debe de ser mi señor don Quijote de la Mancha, y aun en el órgano de la voz no es otro, sin duda. — Don Quijote soy —replicó don Quijote—, el que profeso socorrer y ayudar en sus necesidades a los vivos y a los muertos. Por eso dime quién eres, que me tienes atónito; porque si eres mi escudero Sancho Panza, y te has muerto, como no te hayan llevado los diablos, y, por la misericordia de Dios, estés en el purgatorio, sufragios tiene nuestra Santa Madre la Iglesia Católica Romana bastantes a sacarte de las penas en que estás, y yo, que lo solicitaré con ella, por mi parte, con cuanto mi hacienda alcanzare; por eso, acaba de declararte y dime quién eres. — ¡Voto a tal! —respondieron—, y por el nacimiento de quien vuesa merced quisiere, juro, señor don Quijote de la Mancha, que yo soy su escudero Sancho Panza, y que nunca me he muerto en todos los días de mi vida; sino que, habiendo dejado mi gobierno por cosas y causas que es menester más espacio para decirlas, anoche caí en esta sima donde yago, el rucio conmigo, que no me dejará mentir, pues, por más señas, está aquí conmigo. Y hay más: que no parece sino que el jumento entendió lo que Sancho dijo, porque al momento comenzó a rebuznar, tan recio, que toda la cueva retumbaba. — ¡Famoso testigo! —dijo don Quijote—. El rebuzno conozco como si le pariera, y tu voz oigo, Sancho mío. Espérame; iré al castillo del duque, que está aquí cerca, y traeré quien te saque desta sima, donde tus pecados te deben de haber puesto. — Vaya vuesa merced —dijo Sancho—, y vuelva presto, por un solo Dios, que ya no lo puedo llevar el estar aquí sepultado en vida, y me estoy muriendo de miedo. Dejóle don Quijote, y fue al castillo a contar a los duques el suceso de Sancho Panza, de que no poco se maravillaron, aunque bien entendieron que debía de haber caído por la correspondencia de aquella gruta que de tiempos inmemoriales estaba allí hecha; pero no podían pensar cómo había dejado el gobierno sin tener ellos aviso de su venida. Finalmente, como dicen, llevaron sogas y maromas; y, a costa de mucha gente y de mucho trabajo, sacaron al rucio y a Sancho Panza de aquellas tinieblas a la luz del sol. Viole un estudiante, y dijo: — Desta manera habían de salir de sus gobiernos todos los malos gobernadores, como sale este pecador del profundo del abismo: muerto de hambre, descolorido, y sin blanca, a lo que yo creo. Oyólo Sancho, y dijo: — Ocho días o diez ha, hermano murmurador, que entré a gobernar la ínsula que me dieron, en los cuales no me vi harto de pan siquiera un hora; en ellos me han perseguido médicos, y enemigos me han brumado los güesos; ni he tenido lugar de hacer cohechos, ni de cobrar derechos; y, siendo esto así, como lo es, no merecía yo, a mi parecer, salir de esta manera; pero el hombre pone y Dios dispone, y Dios sabe lo mejor y lo que le está bien a cada uno; y cual el tiempo, tal el tiento; y nadie diga "desta agua no beberé", que adonde se piensa que hay tocinos, no hay estacas; y Dios me entiende, y basta, y no digo más, aunque pudiera. — No te enojes, Sancho, ni recibas pesadumbre de lo que oyeres, que será nunca acabar: ven tú con segura conciencia, y digan lo que dijeren; y es querer atar las lenguas de los maldicientes lo mesmo que querer poner puertas al campo. Si el gobernador sale rico de su gobierno, dicen dél que ha sido un ladrón, y si sale pobre, que ha sido un para poco y un mentecato. — A buen seguro —respondió Sancho— que por esta vez antes me han de tener por tonto que por ladrón. En estas pláticas llegaron, rodeados de muchachos y de otra mucha gente, al castillo, adonde en unos corredores estaban ya el duque y la duquesa esperando a don Quijote y a Sancho, el cual no quiso subir a ver al duque sin que primero no hubiese acomodado al rucio en la caballeriza, porque decía que había pasado muy mala noche en la posada; y luego subió a ver a sus señores, ante los cuales, puesto de rodillas, dijo: — Yo, señores, porque lo quiso así vuestra grandeza, sin ningún merecimiento mío, fui a gobernar vuestra ínsula Barataria, en la cual entré desnudo, y desnudo me hallo: ni pierdo, ni gano. Si he gobernado bien o mal, testigos he tenido delante, que dirán lo que quisieren. He declarado dudas, sentenciado pleitos, siempre muerto de hambre, por haberlo querido así el doctor Pedro Recio, natural de Tirteafuera, médico insulano y gobernadoresco. Acometiéronnos enemigos de noche, y, habiéndonos puesto en grande aprieto, dicen los de la ínsula que salieron libres y con vitoria por el valor de mi brazo, que tal salud les dé Dios como ellos dicen verdad. En resolución, en este tiempo yo he tanteado las cargas que trae consigo, y las obligaciones, el gobernar, y he hallado por mi cuenta que no las podrán llevar mis hombros, ni son peso de mis costillas, ni flechas de mi aljaba; y así, antes que diese conmigo al través el gobierno, he querido yo dar con el gobierno al través, y ayer de mañana dejé la ínsula como la hallé: con las mismas calles, casas y tejados que tenía cuando entré en ella. No he pedido prestado a nadie, ni metídome en granjerías; y, aunque pensaba hacer algunas ordenanzas provechosas, no hice ninguna, temeroso que no se habían de guardar: que es lo mesmo hacerlas que no hacerlas. Salí, como digo, de la ínsula sin otro acompañamiento que el de mi rucio; caí en una sima, víneme por ella adelante, hasta que, esta mañana, con la luz del sol, vi la salida, pero no tan fácil que, a no depararme el cielo a mi señor don Quijote, allí me quedara hasta la fin del mundo. Así que, mis señores duque y duquesa, aquí está vuestro gobernador Sancho Panza, que ha granjeado en solos diez días que ha tenido el gobierno a conocer que no se le ha de dar nada por ser gobernador, no que de una ínsula, sino de todo el mundo; y, con este presupuesto, besando a vuestras mercedes los pies, imitando al juego de los muchachos, que dicen "Salta tú, y dámela tú", doy un salto del gobierno, y me paso al servicio de mi señor don Quijote; que, en fin, en él, aunque como el pan con sobresalto, hártome, a lo menos, y para mí, como yo esté harto, eso me hace que sea de zanahorias que de perdices. Con esto dio fin a su larga plática Sancho, temiendo siempre don Quijote que había de decir en ella millares de disparates; y, cuando le vio acabar con tan pocos, dio en su corazón gracias al cielo, y el duque abrazó a Sancho, y le dijo que le pesaba en el alma de que hubiese dejado tan presto el gobierno; pero que él haría de suerte que se le diese en su estado otro oficio de menos carga y de más provecho. Abrazóle la duquesa asimismo, y mandó que le regalasen, porque daba señales de venir mal molido y peor parado. Capítulo LVI. De la descomunal y nunca vista batalla que pasó entre don Quijote de la Mancha y el lacayo Tosilos, en la defensa de la hija de la dueña doña Rodríguez No quedaron arrepentidos los duques de la burla hecha a Sancho Panza del gobierno que le dieron; y más, que aquel mismo día vino su mayordomo, y les contó punto por punto, todas casi, las palabras y acciones que Sancho había dicho y hecho en aquellos días, y finalmente les encareció el asalto de la ínsula, y el miedo de Sancho, y su salida, de que no pequeño gusto recibieron. Después desto, cuenta la historia que se llegó el día de la batalla aplazada, y, habiendo el duque una y muy muchas veces advertido a su lacayo Tosilos cómo se había de avenir con don Quijote para vencerle sin matarle ni herirle, ordenó que se quitasen los hierros a las lanzas, diciendo a don Quijote que no permitía la cristiandad, de que él se preciaba, que aquella batalla fuese con tanto riesgo y peligro de las vidas, y que se contentase con que le daba campo franco en su tierra, puesto que iba contra el decreto del Santo Concilio, que prohíbe los tales desafíos, y no quisiese llevar por todo rigor aquel trance tan fuerte. Don Quijote dijo que Su Excelencia dispusiese las cosas de aquel negocio como más fuese servido; que él le obedecería en todo. Llegado, pues, el temeroso día, y habiendo mandado el duque que delante de la plaza del castillo se hiciese un espacioso cadahalso, donde estuviesen los jueces del campo y las dueñas, madre y hija, demandantes, había acudido de todos los lugares y aldeas circunvecinas infinita gente, a ver la novedad de aquella batalla; que nunca otra tal no habían visto, ni oído decir en aquella tierra los que vivían ni los que habían muerto. El primero que entró en el campo y estacada fue el maestro de las ceremonias, que tanteó el campo, y le paseó todo, porque en él no hubiese algún engaño, ni cosa encubierta donde se tropezase y cayese; luego entraron las dueñas y se sentaron en sus asientos, cubiertas con los mantos hasta los ojos y aun hasta los pechos, con muestras de no pequeño sentimiento. Presente don Quijote en la estacada, de allí a poco, acompañado de muchas trompetas, asomó por una parte de la plaza, sobre un poderoso caballo, hundiéndola toda, el grande lacayo Tosilos, calada la visera y todo encambronado, con unas fuertes y lucientes armas. El caballo mostraba ser frisón, ancho y de color tordillo; de cada mano y pie le pendía una arroba de lana. Venía el valeroso combatiente bien informado del duque su señor de cómo se había de portar con el valeroso don Quijote de la Mancha, advertido que en ninguna manera le matase, sino que procurase huir el primer encuentro por escusar el peligro de su muerte, que estaba cierto si de lleno en lleno le encontrase. Paseó la plaza, y, llegando donde las dueñas estaban, se puso algún tanto a mirar a la que por esposo le pedía. Llamó el maese de campo a don Quijote, que ya se había presentado en la plaza, y junto con Tosilos habló a las dueñas, preguntándoles si consentían que volviese por su derecho don Quijote de la Mancha. Ellas dijeron que sí, y que todo lo que en aquel caso hiciese lo daban por bien hecho, por firme y por valedero. Ya en este tiempo estaban el duque y la duquesa puestos en una galería que caía sobre la estacada, toda la cual estaba coronada de infinita gente, que esperaba ver el riguroso trance nunca visto. Fue condición de los combatientes que si don Quijote vencía, su contrario se había de casar con la hija de doña Rodríguez; y si él fuese vencido, quedaba libre su contendor de la palabra que se le pedía, sin dar otra satisfación alguna. Partióles el maestro de las ceremonias el sol, y puso a los dos cada uno en el puesto donde habían de estar. Sonaron los atambores, llenó el aire el son de las trompetas, temblaba debajo de los pies la tierra; estaban suspensos los corazones de la mirante turba, temiendo unos y esperando otros el bueno o el mal suceso de aquel caso. Finalmente, don Quijote, encomendándose de todo su corazón a Dios Nuestro Señor y a la señora Dulcinea del Toboso, estaba aguardando que se le diese señal precisa de la arremetida; empero, nuestro lacayo tenía diferentes pensamientos: no pensaba él sino en lo que agora diré: Parece ser que, cuando estuvo mirando a su enemiga, le pareció la más hermosa mujer que había visto en toda su vida, y el niño ceguezuelo, a quien suelen llamar de ordinario Amor por esas calles, no quiso perder la ocasión que se le ofreció de triunfar de una alma lacayuna y ponerla en la lista de sus trofeos; y así, llegándose a él bonitamente, sin que nadie le viese, le envasó al pobre lacayo una flecha de dos varas por el lado izquierdo, y le pasó el corazón de parte a parte; y púdolo hacer bien al seguro, porque el Amor es invisible, y entra y sale por do quiere, sin que nadie le pida cuenta de sus hechos. Digo, pues, que, cuando dieron la señal de la arremetida, estaba nuestro lacayo transportado, pensando en la hermosura de la que ya había hecho señora de su libertad, y así, no atendió al son de la trompeta, como hizo don Quijote, que, apenas la hubo oído, cuando arremetió, y, a todo el correr que permitía Rocinante, partió contra su enemigo; y, viéndole partir su buen escudero Sancho, dijo a grandes voces: — ¡Dios te guíe, nata y flor de los andantes caballeros! ¡Dios te dé la vitoria, pues llevas la razón de tu parte! Y, aunque Tosilos vio venir contra sí a don Quijote, no se movió un paso de su puesto; antes, con grandes voces, llamó al maese de campo, el cual venido a ver lo que quería, le dijo: — Señor, ¿esta batalla no se hace porque yo me case, o no me case, con aquella señora? — Así es —le fue respondido. — Pues yo —dijo el lacayo— soy temeroso de mi conciencia, y pondríala en gran cargo si pasase adelante en esta batalla; y así, digo que yo me doy por vencido y que quiero casarme luego con aquella señora. Quedó admirado el maese de campo de las razones de Tosilos; y, como era uno de los sabidores de la máquina de aquel caso, no le supo responder palabra. Detúvose don Quijote en la mitad de su carrera, viendo que su enemigo no le acometía. El duque no sabía la ocasión porque no se pasaba adelante en la batalla, pero el maese de campo le fue a declarar lo que Tosilos decía, de lo que quedó suspenso y colérico en estremo. En tanto que esto pasaba, Tosilos se llegó adonde doña Rodríguez estaba, y dijo a grandes voces: — Yo, señora, quiero casarme con vuestra hija, y no quiero alcanzar por pleitos ni contiendas lo que puedo alcanzar por paz y sin peligro de la muerte. Oyó esto el valeroso don Quijote, y dijo: — Pues esto así es, yo quedo libre y suelto de mi promesa: cásense en hora buena, y, pues Dios Nuestro Señor se la dio, San Pedro se la bendiga. El duque había bajado a la plaza del castillo, y, llegándose a Tosilos, le dijo: — ¿Es verdad, caballero, que os dais por vencido, y que, instigado de vuestra temerosa conciencia, os queréis casar con esta doncella? — Sí, señor —respondió Tosilos. — Él hace muy bien —dijo a esta sazón Sancho Panza—, porque lo que has de dar al mur, dalo al gato, y sacarte ha de cuidado. Íbase Tosilos desenlazando la celada, y rogaba que apriesa le ayudasen, porque le iban faltando los espíritus del aliento, y no podía verse encerrado tanto tiempo en la estrecheza de aquel aposento. Quitáronsela apriesa, y quedó descubierto y patente su rostro de lacayo. Viendo lo cual doña Rodríguez y su hija, dando grandes voces, dijeron: — ¡Éste es engaño, engaño es éste! ¡A Tosilos, el lacayo del duque mi señor, nos han puesto en lugar de mi verdadero esposo! ¡Justicia de Dios y del Rey, de tanta malicia, por no decir bellaquería! — No vos acuitéis, señoras —dijo don Quijote—, que ni ésta es malicia ni es bellaquería; y si la es, y no ha sido la causa el duque, sino los malos encantadores que me persiguen, los cuales, invidiosos de que yo alcanzase la gloria deste vencimiento, han convertido el rostro de vuestro esposo en el de este que decís que es lacayo del duque. Tomad mi consejo, y, a pesar de la malicia de mis enemigos, casaos con él, que sin duda es el mismo que vos deseáis alcanzar por esposo. El duque, que esto oyó, estuvo por romper en risa toda su cólera, y dijo: — Son tan extraordinarias las cosas que suceden al señor don Quijote que estoy por creer que este mi lacayo no lo es; pero usemos deste ardid y maña: dilatemos el casamiento quince días, si quieren, y tengamos encerrado a este personaje que nos tiene dudosos, en los cuales podría ser que volviese a su prístina figura; que no ha de durar tanto el rancor que los encantadores tienen al señor don Quijote, y más, yéndoles tan poco en usar estos embelecos y transformaciones. — ¡Oh señor! —dijo Sancho—, que ya tienen estos malandrines por uso y costumbre de mudar las cosas, de unas en otras, que tocan a mi amo. Un caballero que venció los días pasados, llamado el de los Espejos, le volvieron en la figura del bachiller Sansón Carrasco, natural de nuestro pueblo y grande amigo nuestro, y a mi señora Dulcinea del Toboso la han vuelto en una rústica labradora; y así, imagino que este lacayo ha de morir y vivir lacayo todos los días de su vida. A lo que dijo la hija de Rodríguez: — Séase quien fuere este que me pide por esposa, que yo se lo agradezco; que más quiero ser mujer legítima de un lacayo que no amiga y burlada de un caballero, puesto que el que a mí me burló no lo es. En resolución, todos estos cuentos y sucesos pararon en que Tosilos se recogiese, hasta ver en qué paraba su transformación; aclamaron todos la vitoria por don Quijote, y los más quedaron tristes y melancólicos de ver que no se habían hecho pedazos los tan esperados combatientes, bien así como los mochachos quedan tristes cuando no sale el ahorcado que esperan, porque le ha perdonado, o la parte, o la justicia. Fuese la gente, volviéronse el duque y don Quijote al castillo, encerraron a Tosilos, quedaron doña Rodríguez y su hija contentísimas de ver que, por una vía o por otra, aquel caso había de parar en casamiento, y Tosilos no esperaba menos. Capítulo LVII. Que trata de cómo don Quijote se despidió del duque, y de lo que le sucedió con la discreta y desenvuelta Altisidora, doncella de la duquesa Ya le pareció a don Quijote que era bien salir de tanta ociosidad como la que en aquel castillo tenía; que se imaginaba ser grande la falta que su persona hacía en dejarse estar encerrado y perezoso entre los infinitos regalos y deleites que como a caballero andante aquellos señores le hacían, y parecíale que había de dar cuenta estrecha al cielo de aquella ociosidad y encerramiento; y así, pidió un día licencia a los duques para partirse. Diéronsela, con muestras de que en gran manera les pesaba de que los dejase. Dio la duquesa las cartas de su mujer a Sancho Panza, el cual lloró con ellas, y dijo: — ¿Quién pensara que esperanzas tan grandes como las que en el pecho de mi mujer Teresa Panza engendraron las nuevas de mi gobierno habían de parar en volverme yo agora a las arrastradas aventuras de mi amo don Quijote de la Mancha? Con todo esto, me contento de ver que mi Teresa correspondió a ser quien es, enviando las bellotas a la duquesa; que, a no habérselas enviado, quedando yo pesaroso, me mostrara ella desagradecida. Lo que me consuela es que esta dádiva no se le puede dar nombre de cohecho, porque ya tenía yo el gobierno cuando ella las envió, y está puesto en razón que los que reciben algún beneficio, aunque sea con niñerías, se muestren agradecidos. En efecto, yo entré desnudo en el gobierno y salgo desnudo dél; y así, podré decir con segura conciencia, que no es poco: "Desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano". Esto pasaba entre sí Sancho el día de la partida; y, saliendo don Quijote, habiéndose despedido la noche antes de los duques, una mañana se presentó armado en la plaza del castillo. Mirábanle de los corredores toda la gente del castillo, y asimismo los duques salieron a verle. Estaba Sancho sobre su rucio, con sus alforjas, maleta y repuesto, contentísimo, porque el mayordomo del duque, el que fue la Trifaldi, le había dado un bolsico con docientos escudos de oro, para suplir los menesteres del camino, y esto aún no lo sabía don Quijote. Estando, como queda dicho, mirándole todos, a deshora, entre las otras dueñas y doncellas de la duquesa, que le miraban, alzó la voz la desenvuelta y discreta Altisidora, y en son lastimero dijo: -Escucha, mal caballero; detén un poco las riendas; no fatigues las ijadas de tu mal regida bestia. Mira, falso, que no huyas de alguna serpiente fiera, sino de una corderilla que está muy lejos de oveja. Tú has burlado, monstruo horrendo, la más hermosa doncella que Dïana vio en sus montes, que Venus miró en sus selvas. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. Tú llevas, ¡llevar impío!, en las garras de tus cerras las entrañas de una humilde, como enamorada, tierna. Llévaste tres tocadores, y unas ligas, de unas piernas que al mármol puro se igualan en lisas, blancas y negras. Llévaste dos mil suspiros, que, a ser de fuego, pudieran abrasar a dos mil Troyas, si dos mil Troyas hubiera. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. De ese Sancho, tu escudero, las entrañas sean tan tercas y tan duras, que no salga de su encanto Dulcinea. De la culpa que tú tienes lleve la triste la pena; que justos por pecadores tal vez pagan en mi tierra. Tus más finas aventuras en desventuras se vuelvan, en sueños tus pasatiempos, en olvidos tus firmezas. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. Seas tenido por falso desde Sevilla a Marchena, desde Granada hasta Loja, de Londres a Inglaterra. Si jugares al reinado, los cientos, o la primera, los reyes huyan de ti; ases ni sietes no veas. Si te cortares los callos, sangre las heridas viertan, y quédente los raigones si te sacares las muelas. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. En tanto que, de la suerte que se ha dicho, se quejaba la lastimada Altisidora, la estuvo mirando don Quijote, y, sin responderla palabra, volviendo el rostro a Sancho, le dijo: — Por el siglo de tus pasados, Sancho mío, te conjuro que me digas una verdad. Dime, ¿llevas por ventura los tres tocadores y las ligas que esta enamorada doncella dice? A lo que Sancho respondió: — Los tres tocadores sí llevo; pero las ligas, como por los cerros de Úbeda. Quedó la duquesa admirada de la desenvoltura de Altisidora, que, aunque la tenía por atrevida, graciosa y desenvuelta, no en grado que se atreviera a semejantes desenvolturas; y, como no estaba advertida desta burla, creció más su admiración. El duque quiso reforzar el donaire, y dijo: — No me parece bien, señor caballero, que, habiendo recebido en este mi castillo el buen acogimiento que en él se os ha hecho, os hayáis atrevido a llevaros tres tocadores, por lo menos, si por lo más las ligas de mi doncella; indicios son de mal pecho y muestras que no corresponden a vuestra fama. Volvedle las ligas; si no, yo os desafío a mortal batalla, sin tener temor que malandrines encantadores me vuelvan ni muden el rostro, como han hecho en el de Tosilos mi lacayo, el que entró con vos en batalla. — No quiera Dios —respondió don Quijote— que yo desenvaine mi espada contra vuestra ilustrísima persona, de quien tantas mercedes he recebido; los tocadores volveré, porque dice Sancho que los tiene; las ligas es imposible, porque ni yo las he recebido ni él tampoco; y si esta vuestra doncella quisiere mirar sus escondrijos, a buen seguro que las halle. Yo, señor duque, jamás he sido ladrón, ni lo pienso ser en toda mi vida, como Dios no me deje de su mano. Esta doncella habla, como ella dice, como enamorada, de lo que yo no le tengo culpa; y así, no tengo de qué pedirle perdón ni a ella ni a Vuestra Excelencia, a quien suplico me tenga en mejor opinión, y me dé de nuevo licencia para seguir mi camino. — Déosle Dios tan bueno —dijo la duquesa—, señor don Quijote, que siempre oigamos buenas nuevas de vuestras fechurías. Y andad con Dios; que, mientras más os detenéis, más aumentáis el fuego en los pechos de las doncellas que os miran; y a la mía yo la castigaré de modo, que de aquí adelante no se desmande con la vista ni con las palabras. — Una no más quiero que me escuches, ¡oh valeroso don Quijote! —dijo entonces Altisidora—; y es que te pido perdón del latrocinio de las ligas, porque, en Dios y en mi ánima que las tengo puestas, y he caído en el descuido del que yendo sobre el asno, le buscaba. — ¿No lo dije yo? —dijo Sancho—. ¡Bonico soy yo para encubrir hurtos! Pues, a quererlos hacer, de paleta me había venido la ocasión en mi gobierno. Abajó la cabeza don Quijote y hizo reverencia a los duques y a todos los circunstantes, y, volviendo las riendas a Rocinante, siguiéndole Sancho sobre el rucio, se salió del castillo, enderezando su camino a Zaragoza. Capítulo LVIII. Que trata de cómo menudearon sobre don Quijote aventuras tantas, que no se daban vagar unas a otras Cuando don Quijote se vio en la campaña rasa, libre y desembarazado de los requiebros de Altisidora, le pareció que estaba en su centro, y que los espíritus se le renovaban para proseguir de nuevo el asumpto de sus caballerías, y, volviéndose a Sancho, le dijo: — La libertad, Sancho, es uno de los más preciosos dones que a los hombres dieron los cielos; con ella no pueden igualarse los tesoros que encierra la tierra ni el mar encubre; por la libertad, así como por la honra, se puede y debe aventurar la vida, y, por el contrario, el cautiverio es el mayor mal que puede venir a los hombres. Digo esto, Sancho, porque bien has visto el regalo, la abundancia que en este castillo que dejamos hemos tenido; pues en metad de aquellos banquetes sazonados y de aquellas bebidas de nieve, me parecía a mí que estaba metido entre las estrechezas de la hambre, porque no lo gozaba con la libertad que lo gozara si fueran míos; que las obligaciones de las recompensas de los beneficios y mercedes recebidas son ataduras que no dejan campear al ánimo libre. ¡Venturoso aquél a quien el cielo dio un pedazo de pan, sin que le quede obligación de agradecerlo a otro que al mismo cielo! — Con todo eso —dijo Sancho— que vuesa merced me ha dicho, no es bien que se quede sin agradecimiento de nuestra parte docientos escudos de oro que en una bolsilla me dio el mayordomo del duque, que como píctima y confortativo la llevo puesta sobre el corazón, para lo que se ofreciere; que no siempre hemos de hallar castillos donde nos regalen, que tal vez toparemos con algunas ventas donde nos apaleen. En estos y otros razonamientos iban los andantes, caballero y escudero, cuando vieron, habiendo andado poco más de una legua, que encima de la yerba de un pradillo verde, encima de sus capas, estaban comiendo hasta una docena de hombres, vestidos de labradores. Junto a sí tenían unas como sábanas blancas, con que cubrían alguna cosa que debajo estaba; estaban empinadas y tendidas, y de trecho a trecho puestas. Llegó don Quijote a los que comían, y, saludándolos primero cortésmente, les preguntó que qué era lo que aquellos lienzos cubrían. Uno dellos le respondió: — Señor, debajo destos lienzos están unas imágines de relieve y entabladura que han de servir en un retablo que hacemos en nuestra aldea; llevámoslas cubiertas, porque no se desfloren, y en hombros, porque no se quiebren. — Si sois servidos —respondió don Quijote—, holgaría de verlas, pues imágines que con tanto recato se llevan, sin duda deben de ser buenas. — Y ¡cómo si lo son! —dijo otro—. Si no, dígalo lo que cuesta: que en verdad que no hay ninguna que no esté en más de cincuenta ducados; y, porque vea vuestra merced esta verdad, espere vuestra merced, y verla ha por vista de ojos. Y, levantándose, dejó de comer y fue a quitar la cubierta de la primera imagen, que mostró ser la de San Jorge puesto a caballo, con una serpiente enroscada a los pies y la lanza atravesada por la boca, con la fiereza que suele pintarse. Toda la imagen parecía una ascua de oro, como suele decirse. Viéndola don Quijote, dijo: — Este caballero fue uno de los mejores andantes que tuvo la milicia divina: llamóse don San Jorge, y fue además defendedor de doncellas. Veamos esta otra. Descubrióla el hombre, y pareció ser la de San Martín puesto a caballo, que partía la capa con el pobre; y, apenas la hubo visto don Quijote, cuando dijo: — Este caballero también fue de los aventureros cristianos, y creo que fue más liberal que valiente, como lo puedes echar de ver, Sancho, en que está partiendo la capa con el pobre y le da la mitad; y sin duda debía de ser entonces invierno, que, si no, él se la diera toda, según era de caritativo. — No debió de ser eso —dijo Sancho—, sino que se debió de atener al refrán que dicen: que para dar y tener, seso es menester. Rióse don Quijote y pidió que quitasen otro lienzo, debajo del cual se descubrió la imagen del Patrón de las Españas a caballo, la espada ensangrentada, atropellando moros y pisando cabezas; y, en viéndola, dijo don Quijote: — Éste sí que es caballero, y de las escuadras de Cristo; éste se llama don San Diego Matamoros, uno de los más valientes santos y caballeros que tuvo el mundo y tiene agora el cielo. Luego descubrieron otro lienzo, y pareció que encubría la caída de San Pablo del caballo abajo, con todas las circunstancias que en el retablo de su conversión suelen pintarse. Cuando le vido tan al vivo, que dijeran que Cristo le hablaba y Pablo respondía. — Éste —dijo don Quijote— fue el mayor enemigo que tuvo la Iglesia de Dios Nuestro Señor en su tiempo, y el mayor defensor suyo que tendrá jamás: caballero andante por la vida, y santo a pie quedo por la muerte, trabajador incansable en la viña del Señor, doctor de las gentes, a quien sirvieron de escuelas los cielos y de catedrático y maestro que le enseñase el mismo Jesucristo. No había más imágines, y así, mandó don Quijote que las volviesen a cubrir, y dijo a los que las llevaban: — Por buen agüero he tenido, hermanos, haber visto lo que he visto, porque estos santos y caballeros profesaron lo que yo profeso, que es el ejercicio de las armas; sino que la diferencia que hay entre mí y ellos es que ellos fueron santos y pelearon a lo divino, y yo soy pecador y peleo a lo humano. Ellos conquistaron el cielo a fuerza de brazos, porque el cielo padece fuerza, y yo hasta agora no sé lo que conquisto a fuerza de mis trabajos; pero si mi Dulcinea del Toboso saliese de los que padece, mejorándose mi ventura y adobándoseme el juicio, podría ser que encaminase mis pasos por mejor camino del que llevo. — Dios lo oiga y el pecado sea sordo —dijo Sancho a esta ocasión. Admiráronse los hombres, así de la figura como de las razones de don Quijote, sin entender la mitad de lo que en ellas decir quería. Acabaron de comer, cargaron con sus imágines, y, despidiéndose de don Quijote, siguieron su viaje. Quedó Sancho de nuevo como si jamás hubiera conocido a su señor, admirado de lo que sabía, pareciéndole que no debía de haber historia en el mundo ni suceso que no lo tuviese cifrado en la uña y clavado en la memoria, y díjole: — En verdad, señor nuestramo, que si esto que nos ha sucedido hoy se puede llamar aventura, ella ha sido de las más suaves y dulces que en todo el discurso de nuestra peregrinación nos ha sucedido: della habemos salido sin palos y sobresalto alguno, ni hemos echado mano a las espadas, ni hemos batido la tierra con los cuerpos, ni quedamos hambrientos. Bendito sea Dios, que tal me ha dejado ver con mis propios ojos. — Tú dices bien, Sancho —dijo don Quijote—, pero has de advertir que no todos los tiempos son unos, ni corren de una misma suerte, y esto que el vulgo suele llamar comúnmente agüeros, que no se fundan sobre natural razón alguna, del que es discreto han de ser tenidos y juzgar por buenos acontecimientos. Levántase uno destos agoreros por la mañana, sale de su casa, encuéntrase con un fraile de la orden del bienaventurado San Francisco, y, como si hubiera encontrado con un grifo, vuelve las espaldas y vuélvese a su casa. Derrámasele al otro Mendoza la sal encima de la mesa, y derrámasele a él la melancolía por el corazón, como si estuviese obligada la naturaleza a dar señales de las venideras desgracias con cosas tan de poco momento como las referidas. El discreto y cristiano no ha de andar en puntillos con lo que quiere hacer el cielo. Llega Cipión a África, tropieza en saltando en tierra, tiénenlo por mal agüero sus soldados; pero él, abrazándose con el suelo, dijo: ''No te me podrás huir, África, porque te tengo asida y entre mis brazos''. Así que, Sancho, el haber encontrado con estas imágines ha sido para mí felicísimo acontecimiento. — Yo así lo creo —respondió Sancho—, y querría que vuestra merced me dijese qué es la causa por que dicen los españoles cuando quieren dar alguna batalla, invocando aquel San Diego Matamoros: "¡Santiago, y cierra, España!" ¿Está por ventura España abierta, y de modo que es menester cerrarla, o qué ceremonia es ésta? — Simplicísimo eres, Sancho —respondió don Quijote—; y mira que este gran caballero de la cruz bermeja háselo dado Dios a España por patrón y amparo suyo, especialmente en los rigurosos trances que con los moros los españoles han tenido; y así, le invocan y llaman como a defensor suyo en todas las batallas que acometen, y muchas veces le han visto visiblemente en ellas, derribando, atropellando, destruyendo y matando los agarenos escuadrones; y desta verdad te pudiera traer muchos ejemplos que en las verdaderas historias españolas se cuentan. Mudó Sancho plática, y dijo a su amo: — Maravillado estoy, señor, de la desenvoltura de Altisidora, la doncella de la duquesa: bravamente la debe de tener herida y traspasada aquel que llaman Amor, que dicen que es un rapaz ceguezuelo que, con estar lagañoso, o, por mejor decir, sin vista, si toma por blanco un corazón, por pequeño que sea, le acierta y traspasa de parte a parte con sus flechas. He oído decir también que en la vergüenza y recato de las doncellas se despuntan y embotan las amorosas saetas, pero en esta Altisidora más parece que se aguzan que despuntan. — Advierte, Sancho —dijo don Quijote—, que el amor ni mira respetos ni guarda términos de razón en sus discursos, y tiene la misma condición que la muerte: que así acomete los altos alcázares de los reyes como las humildes chozas de los pastores, y cuando toma entera posesión de una alma, lo primero que hace es quitarle el temor y la vergüenza; y así, sin ella declaró Altisidora sus deseos, que engendraron en mi pecho antes confusión que lástima. — ¡Crueldad notoria! —dijo Sancho—. ¡Desagradecimiento inaudito! Yo de mí sé decir que me rindiera y avasallara la más mínima razón amorosa suya. ¡Hideputa, y qué corazón de mármol, qué entrañas de bronce y qué alma de argamasa! Pero no puedo pensar qué es lo que vio esta doncella en vuestra merced que así la rindiese y avasallase: qué gala, qué brío, qué donaire, qué rostro, que cada cosa por sí déstas, o todas juntas, le enamoraron; que en verdad en verdad que muchas veces me paro a mirar a vuestra merced desde la punta del pie hasta el último cabello de la cabeza, y que veo más cosas para espantar que para enamorar; y, habiendo yo también oído decir que la hermosura es la primera y principal parte que enamora, no teniendo vuestra merced ninguna, no sé yo de qué se enamoró la pobre. — Advierte, Sancho —respondió don Quijote—, que hay dos maneras de hermosura: una del alma y otra del cuerpo; la del alma campea y se muestra en el entendimiento, en la honestidad, en el buen proceder, en la liberalidad y en la buena crianza, y todas estas partes caben y pueden estar en un hombre feo; y cuando se pone la mira en esta hermosura, y no en la del cuerpo, suele nacer el amor con ímpetu y con ventajas. Yo, Sancho, bien veo que no soy hermoso, pero también conozco que no soy disforme; y bástale a un hombre de bien no ser monstruo para ser bien querido, como tenga los dotes del alma que te he dicho. En estas razones y pláticas se iban entrando por una selva que fuera del camino estaba, y a deshora, sin pensar en ello, se halló don Quijote enredado entre unas redes de hilo verde, que desde unos árboles a otros estaban tendidas; y, sin poder imaginar qué pudiese ser aquello, dijo a Sancho: — Paréceme, Sancho, que esto destas redes debe de ser una de las más nuevas aventuras que pueda imaginar. Que me maten si los encantadores que me persiguen no quieren enredarme en ellas y detener mi camino, como en venganza de la riguridad que con Altisidora he tenido. Pues mándoles yo que, aunque estas redes, si como son hechas de hilo verde fueran de durísimos diamantes, o más fuertes que aquélla con que el celoso dios de los herreros enredó a Venus y a Marte, así la rompiera como si fuera de juncos marinos o de hilachas de algodón. Y, queriendo pasar adelante y romperlo todo, al improviso se le ofrecieron delante, saliendo de entre unos árboles, dos hermosísimas pastoras; a lo menos, vestidas como pastoras, sino que los pellicos y sayas eran de fino brocado, digo, que las sayas eran riquísimos faldellines de tabí de oro. Traían los cabellos sueltos por las espaldas, que en rubios podían competir con los rayos del mismo sol; los cuales se coronaban con dos guirnaldas de verde laurel y de rojo amaranto tejidas. La edad, al parecer, ni bajaba de los quince ni pasaba de los diez y ocho. Vista fue ésta que admiró a Sancho, suspendió a don Quijote, hizo parar al sol en su carrera para verlas, y tuvo en maravilloso silencio a todos cuatro. En fin, quien primero habló fue una de las dos zagalas, que dijo a don Quijote: — Detened, señor caballero, el paso, y no rompáis las redes, que no para daño vuestro, sino para nuestro pasatiempo, ahí están tendidas; y, porque sé que nos habéis de preguntar para qué se han puesto y quién somos, os lo quiero decir en breves palabras. En una aldea que está hasta dos leguas de aquí, donde hay mucha gente principal y muchos hidalgos y ricos, entre muchos amigos y parientes se concertó que con sus hijos, mujeres y hijas, vecinos, amigos y parientes, nos viniésemos a holgar a este sitio, que es uno de los más agradables de todos estos contornos, formando entre todos una nueva y pastoril Arcadia, vistiéndonos las doncellas de zagalas y los mancebos de pastores. Traemos estudiadas dos églogas, una del famoso poeta Garcilaso, y otra del excelentísimo Camoes, en su misma lengua portuguesa, las cuales hasta agora no hemos representado. Ayer fue el primero día que aquí llegamos; tenemos entre estos ramos plantadas algunas tiendas, que dicen se llaman de campaña, en el margen de un abundoso arroyo que todos estos prados fertiliza; tendimos la noche pasada estas redes de estos árboles para engañar los simples pajarillos, que, ojeados con nuestro ruido, vinieren a dar en ellas. Si gustáis, señor, de ser nuestro huésped, seréis agasajado liberal y cortésmente; porque por agora en este sitio no ha de entrar la pesadumbre ni la melancolía. Calló y no dijo más. A lo que respondió don Quijote: — Por cierto, hermosísima señora, que no debió de quedar más suspenso ni admirado Anteón cuando vio al improviso bañarse en las aguas a Diana, como yo he quedado atónito en ver vuestra belleza. Alabo el asumpto de vuestros entretenimientos, y el de vuestros ofrecimientos agradezco; y, si os puedo servir, con seguridad de ser obedecidas me lo podéis mandar; porque no es ésta la profesión mía, sino de mostrarme agradecido y bienhechor con todo género de gente, en especial con la principal que vuestras personas representa; y, si como estas redes, que deben de ocupar algún pequeño espacio, ocuparan toda la redondez de la tierra, buscara yo nuevos mundos por do pasar sin romperlas; y porque deis algún crédito a esta mi exageración, ved que os lo promete, por lo menos, don Quijote de la Mancha, si es que ha llegado a vuestros oídos este nombre. — ¡Ay, amiga de mi alma —dijo entonces la otra zagala—, y qué ventura tan grande nos ha sucedido! ¿Ves este señor que tenemos delante? Pues hágote saber que es el más valiente, y el más enamorado, y el más comedido que tiene el mundo, si no es que nos miente y nos engaña una historia que de sus hazañas anda impresa y yo he leído. Yo apostaré que este buen hombre que viene consigo es un tal Sancho Panza, su escudero, a cuyas gracias no hay ningunas que se le igualen. — Así es la verdad —dijo Sancho—: que yo soy ese gracioso y ese escudero que vuestra merced dice, y este señor es mi amo, el mismo don Quijote de la Mancha historiado y referido. — ¡Ay! —dijo la otra—. Supliquémosle, amiga, que se quede; que nuestros padres y nuestros hermanos gustarán infinito dello, que también he oído yo decir de su valor y de sus gracias lo mismo que tú me has dicho, y, sobre todo, dicen dél que es el más firme y más leal enamorado que se sabe, y que su dama es una tal Dulcinea del Toboso, a quien en toda España la dan la palma de la hermosura. — Con razón se la dan —dijo don Quijote—, si ya no lo pone en duda vuestra sin igual belleza. No os canséis, señoras, en detenerme, porque las precisas obligaciones de mi profesión no me dejan reposar en ningún cabo. Llegó, en esto, adonde los cuatro estaban un hermano de una de las dos pastoras, vestido asimismo de pastor, con la riqueza y galas que a las de las zagalas correspondía; contáronle ellas que el que con ellas estaba era el valeroso don Quijote de la Mancha, y el otro, su escudero Sancho, de quien tenía él ya noticia, por haber leído su historia. Ofreciósele el gallardo pastor, pidióle que se viniese con él a sus tiendas; húbolo de conceder don Quijote, y así lo hizo. Llegó, en esto, el ojeo, llenáronse las redes de pajarillos diferentes que, engañados de la color de las redes, caían en el peligro de que iban huyendo. Juntáronse en aquel sitio más de treinta personas, todas bizarramente de pastores y pastoras vestidas, y en un instante quedaron enteradas de quiénes eran don Quijote y su escudero, de que no poco contento recibieron, porque ya tenían dél noticia por su historia. Acudieron a las tiendas, hallaron las mesas puestas, ricas, abundantes y limpias; honraron a don Quijote dándole el primer lugar en ellas; mirábanle todos, y admirábanse de verle. Finalmente, alzados los manteles, con gran reposo alzó don Quijote la voz, y dijo: — Entre los pecados mayores que los hombres cometen, aunque algunos dicen que es la soberbia, yo digo que es el desagradecimiento, ateniéndome a lo que suele decirse: que de los desagradecidos está lleno el infierno. Este pecado, en cuanto me ha sido posible, he procurado yo huir desde el instante que tuve uso de razón; y si no puedo pagar las buenas obras que me hacen con otras obras, pongo en su lugar los deseos de hacerlas, y cuando éstos no bastan, las publico; porque quien dice y publica las buenas obras que recibe, también las recompensara con otras, si pudiera; porque, por la mayor parte, los que reciben son inferiores a los que dan; y así, es Dios sobre todos, porque es dador sobre todos y no pueden corresponder las dádivas del hombre a las de Dios con igualdad, por infinita distancia; y esta estrecheza y cortedad, en cierto modo, la suple el agradecimiento. Yo, pues, agradecido a la merced que aquí se me ha hecho, no pudiendo corresponder a la misma medida, conteniéndome en los estrechos límites de mi poderío, ofrezco lo que puedo y lo que tengo de mi cosecha; y así, digo que sustentaré dos días naturales en metad de ese camino real que va a Zaragoza, que estas señoras zagalas contrahechas que aquí están son las más hermosas doncellas y más corteses que hay en el mundo, excetado sólo a la sin par Dulcinea del Toboso, única señora de mis pensamientos, con paz sea dicho de cuantos y cuantas me escuchan. Oyendo lo cual, Sancho, que con grande atención le había estado escuchando, dando una gran voz, dijo: — ¿Es posible que haya en el mundo personas que se atrevan a decir y a jurar que este mi señor es loco? Digan vuestras mercedes, señores pastores: ¿hay cura de aldea, por discreto y por estudiante que sea, que pueda decir lo que mi amo ha dicho, ni hay caballero andante, por más fama que tenga de valiente, que pueda ofrecer lo que mi amo aquí ha ofrecido? Volvióse don Quijote a Sancho, y, encendido el rostro y colérico, le dijo: — ¿Es posible, ¡oh Sancho!, que haya en todo el orbe alguna persona que diga que no eres tonto, aforrado de lo mismo, con no sé qué ribetes de malicioso y de bellaco? ¿Quién te mete a ti en mis cosas, y en averiguar si soy discreto o majadero? Calla y no me repliques, sino ensilla, si está desensillado Rocinante: vamos a poner en efecto mi ofrecimiento, que, con la razón que va de mi parte, puedes dar por vencidos a todos cuantos quisieren contradecirla. Y, con gran furia y muestras de enojo, se levantó de la silla, dejando admirados a los circunstantes, haciéndoles dudar si le podían tener por loco o por cuerdo. Finalmente, habiéndole persuadido que no se pusiese en tal demanda, que ellos daban por bien conocida su agradecida voluntad y que no eran menester nuevas demostraciones para conocer su ánimo valeroso, pues bastaban las que en la historia de sus hechos se referían, con todo esto, salió don Quijote con su intención; y, puesto sobre Rocinante, embrazando su escudo y tomando su lanza, se puso en la mitad de un real camino que no lejos del verde prado estaba. Siguióle Sancho sobre su rucio, con toda la gente del pastoral rebaño, deseosos de ver en qué paraba su arrogante y nunca visto ofrecimiento. Puesto, pues, don Quijote en mitad del camino —como os he dicho—, hirió el aire con semejantes palabras: — ¡Oh vosotros, pasajeros y viandantes, caballeros, escuderos, gente de a pie y de a caballo que por este camino pasáis, o habéis de pasar en estos dos días siguientes! Sabed que don Quijote de la Mancha, caballero andante, está aquí puesto para defender que a todas las hermosuras y cortesías del mundo exceden las que se encierran en las ninfas habitadoras destos prados y bosques, dejando a un lado a la señora de mi alma Dulcinea del Toboso. Por eso, el que fuere de parecer contrario, acuda, que aquí le espero. Dos veces repitió estas mismas razones, y dos veces no fueron oídas de ningún aventurero; pero la suerte, que sus cosas iba encaminando de mejor en mejor, ordenó que de allí a poco se descubriese por el camino muchedumbre de hombres de a caballo, y muchos dellos con lanzas en las manos, caminando todos apiñados, de tropel y a gran priesa. No los hubieron bien visto los que con don Quijote estaban, cuando, volviendo las espaldas, se apartaron bien lejos del camino, porque conocieron que si esperaban les podía suceder algún peligro; sólo don Quijote, con intrépido corazón, se estuvo quedo, y Sancho Panza se escudó con las ancas de Rocinante. Llegó el tropel de los lanceros, y uno dellos, que venía más delante, a grandes voces comenzó a decir a don Quijote: — ¡Apártate, hombre del diablo, del camino, que te harán pedazos estos toros! — ¡Ea, canalla —respondió don Quijote—, para mí no hay toros que valgan, aunque sean de los más bravos que cría Jarama en sus riberas! Confesad, malandrines, así a carga cerrada, que es verdad lo que yo aquí he publicado; si no, conmigo sois en batalla. No tuvo lugar de responder el vaquero, ni don Quijote le tuvo de desviarse, aunque quisiera; y así, el tropel de los toros bravos y el de los mansos cabestros, con la multitud de los vaqueros y otras gentes que a encerrar los llevaban a un lugar donde otro día habían de correrse, pasaron sobre don Quijote, y sobre Sancho, Rocinante y el rucio, dando con todos ellos en tierra, echándole a rodar por el suelo. Quedó molido Sancho, espantado don Quijote, aporreado el rucio y no muy católico Rocinante; pero, en fin, se levantaron todos, y don Quijote, a gran priesa, tropezando aquí y cayendo allí, comenzó a correr tras la vacada, diciendo a voces: — ¡Deteneos y esperad, canalla malandrina, que un solo caballero os espera, el cual no tiene condición ni es de parecer de los que dicen que al enemigo que huye, hacerle la puente de plata! Pero no por eso se detuvieron los apresurados corredores, ni hicieron más caso de sus amenazas que de las nubes de antaño. Detúvole el cansancio a don Quijote, y, más enojado que vengado, se sentó en el camino, esperando a que Sancho, Rocinante y el rucio llegasen. Llegaron, volvieron a subir amo y mozo, y, sin volver a despedirse de la Arcadia fingida o contrahecha, y con más vergüenza que gusto, siguieron su camino. Capítulo LIX. Donde se cuenta del extraordinario suceso, que se puede tener por aventura, que le sucedió a don Quijote Al polvo y al cansancio que don Quijote y Sancho sacaron del descomedimiento de los toros, socorrió una fuente clara y limpia que entre una fresca arboleda hallaron, en el margen de la cual, dejando libres, sin jáquima y freno, al rucio y a Rocinante, los dos asendereados amo y mozo se sentaron. Acudió Sancho a la repostería de su alforjas, y dellas sacó de lo que él solía llamar condumio; enjuagóse la boca, lavóse don Quijote el rostro, con cuyo refrigerio cobraron aliento los espíritus desalentados. No comía don Quijote, de puro pesaroso, ni Sancho no osaba tocar a los manjares que delante tenía, de puro comedido, y esperaba a que su señor hiciese la salva; pero, viendo que, llevado de sus imaginaciones, no se acordaba de llevar el pan a la boca, no abrió la suya, y, atropellando por todo género de crianza, comenzó a embaular en el estómago el pan y queso que se le ofrecía. — Come, Sancho amigo —dijo don Quijote—, sustenta la vida, que más que a mí te importa, y déjame morir a mí a manos de mis pensamientos y a fuerzas de mis desgracias. Yo, Sancho, nací para vivir muriendo, y tú para morir comiendo; y, porque veas que te digo verdad en esto, considérame impreso en historias, famoso en las armas, comedido en mis acciones, respetado de príncipes, solicitado de doncellas; al cabo al cabo, cuando esperaba palmas, triunfos y coronas, granjeadas y merecidas por mis valerosas hazañas, me he visto esta mañana pisado y acoceado y molido de los pies de animales inmundos y soeces. Esta consideración me embota los dientes, entorpece las muelas, y entomece las manos, y quita de todo en todo la gana del comer, de manera que pienso dejarme morir de hambre: muerte la más cruel de las muertes. — Desa manera —dijo Sancho, sin dejar de mascar apriesa— no aprobará vuestra merced aquel refrán que dicen: "muera Marta, y muera harta". Yo, a lo menos, no pienso matarme a mí mismo; antes pienso hacer como el zapatero, que tira el cuero con los dientes hasta que le hace llegar donde él quiere; yo tiraré mi vida comiendo hasta que llegue al fin que le tiene determinado el cielo; y sepa, señor, que no hay mayor locura que la que toca en querer desesperarse como vuestra merced, y créame, y después de comido, échese a dormir un poco sobre los colchones verdes destas yerbas, y verá como cuando despierte se halla algo más aliviado. Hízolo así don Quijote, pareciéndole que las razones de Sancho más eran de filósofo que de mentecato, y díjole: — Si tú, ¡oh Sancho!, quisieses hacer por mí lo que yo ahora te diré, serían mis alivios más ciertos y mis pesadumbres no tan grandes; y es que, mientras yo duermo, obedeciendo tus consejos, tú te desviases un poco lejos de aquí, y con las riendas de Rocinante, echando al aire tus carnes, te dieses trecientos o cuatrocientos azotes a buena cuenta de los tres mil y tantos que te has de dar por el desencanto de Dulcinea; que es lástima no pequeña que aquella pobre señora esté encantada por tu descuido y negligencia. — Hay mucho que decir en eso —dijo Sancho—. Durmamos, por ahora, entrambos, y después, Dios dijo lo que será. Sepa vuestra merced que esto de azotarse un hombre a sangre fría es cosa recia, y más si caen los azotes sobre un cuerpo mal sustentado y peor comido: tenga paciencia mi señora Dulcinea, que, cuando menos se cate, me verá hecho una criba, de azotes; y hasta la muerte, todo es vida; quiero decir que aún yo la tengo, junto con el deseo de cumplir con lo que he prometido. Agradeciéndoselo don Quijote, comió algo, y Sancho mucho, y echáronse a dormir entrambos, dejando a su albedrío y sin orden alguna pacer del abundosa yerba de que aquel prado estaba lleno a los dos continuos compañeros y amigos Rocinante y el rucio. Despertaron algo tarde, volvieron a subir y a seguir su camino, dándose priesa para llegar a una venta que, al parecer, una legua de allí se descubría. Digo que era venta porque don Quijote la llamó así, fuera del uso que tenía de llamar a todas las ventas castillos. Llegaron, pues, a ella; preguntaron al huésped si había posada. Fueles respondido que sí, con toda la comodidad y regalo que pudiera hallar en Zaragoza. Apeáronse y recogió Sancho su repostería en un aposento, de quien el huésped le dio la llave; llevó las bestias a la caballeriza, echóles sus piensos, salió a ver lo que don Quijote, que estaba sentado sobre un poyo, le mandaba, dando particulares gracias al cielo de que a su amo no le hubiese parecido castillo aquella venta. Llegóse la hora del cenar; recogiéronse a su estancia; preguntó Sancho al huésped que qué tenía para darles de cenar. A lo que el huésped respondió que su boca sería medida; y así, que pidiese lo que quisiese: que de las pajaricas del aire, de las aves de la tierra y de los pescados del mar estaba proveída aquella venta. — No es menester tanto —respondió Sancho—, que con un par de pollos que nos asen tendremos lo suficiente, porque mi señor es delicado y come poco, y yo no soy tragantón en demasía. Respondióle el huésped que no tenía pollos, porque los milanos los tenían asolados. — Pues mande el señor huésped —dijo Sancho— asar una polla que sea tierna. — ¿Polla? ¡Mi padre! —respondió el huésped—. En verdad en verdad que envié ayer a la ciudad a vender más de cincuenta; pero, fuera de pollas, pida vuestra merced lo que quisiere. — Desa manera —dijo Sancho—, no faltará ternera o cabrito. — En casa, por ahora —respondió el huésped—, no lo hay, porque se ha acabado; pero la semana que viene lo habrá de sobra. — ¡Medrados estamos con eso! —respondió Sancho—. Yo pondré que se vienen a resumirse todas estas faltas en las sobras que debe de haber de tocino y huevos. — ¡Por Dios —respondió el huésped—, que es gentil relente el que mi huésped tiene!, pues hele dicho que ni tengo pollas ni gallinas, y ¿quiere que tenga huevos? Discurra, si quisiere, por otras delicadezas, y déjese de pedir gallinas. — Resolvámonos, cuerpo de mí —dijo Sancho—, y dígame finalmente lo que tiene, y déjese de discurrimientos, señor huésped. Dijo el ventero: — Lo que real y verdaderamente tengo son dos uñas de vaca que parecen manos de ternera, o dos manos de ternera que parecen uñas de vaca; están cocidas con sus garbanzos, cebollas y tocino, y la hora de ahora están diciendo: ''¡Coméme! ¡Coméme!'' — Por mías las marco desde aquí —dijo Sancho—; y nadie las toque, que yo las pagaré mejor que otro, porque para mí ninguna otra cosa pudiera esperar de más gusto, y no se me daría nada que fuesen manos, como fuesen uñas. — Nadie las tocará —dijo el ventero—, porque otros huéspedes que tengo, de puro principales, traen consigo cocinero, despensero y repostería. — Si por principales va —dijo Sancho—, ninguno más que mi amo; pero el oficio que él trae no permite despensas ni botillerías: ahí nos tendemos en mitad de un prado y nos hartamos de bellotas o de nísperos. Esta fue la plática que Sancho tuvo con el ventero, sin querer Sancho pasar adelante en responderle; que ya le había preguntado qué oficio o qué ejercicio era el de su amo. Llegóse, pues, la hora del cenar, recogióse a su estancia don Quijote, trujo el huésped la olla, así como estaba, y sentóse a cenar muy de propósito. Parece ser que en otro aposento que junto al de don Quijote estaba, que no le dividía más que un sutil tabique, oyó decir don Quijote: — Por vida de vuestra merced, señor don Jerónimo, que en tanto que trae la cena leamos otro capítulo de la segunda parte de Don Quijote de la Mancha. Apenas oyó su nombre don Quijote, cuando se puso en pie, y con oído alerto escuchó lo que dél trataban, y oyó que el tal don Jerónimo referido respondió: — ¿Para qué quiere vuestra merced, señor don Juan, que leamos estos disparates? Y el que hubiere leído la primera parte de la historia de don Quijote de la Mancha no es posible que pueda tener gusto en leer esta segunda. — Con todo eso —dijo el don Juan—, será bien leerla, pues no hay libro tan malo que no tenga alguna cosa buena. Lo que a mí en éste más desplace es que pinta a don Quijote ya desenamorado de Dulcinea del Toboso. Oyendo lo cual don Quijote, lleno de ira y de despecho, alzó la voz y dijo: — Quienquiera que dijere que don Quijote de la Mancha ha olvidado, ni puede olvidar, a Dulcinea del Toboso, yo le haré entender con armas iguales que va muy lejos de la verdad; porque la sin par Dulcinea del Toboso ni puede ser olvidada, ni en don Quijote puede caber olvido: su blasón es la firmeza, y su profesión, el guardarla con suavidad y sin hacerse fuerza alguna. — ¿Quién es el que nos responde? —respondieron del otro aposento. — ¿Quién ha de ser —respondió Sancho— sino el mismo don Quijote de la Mancha, que hará bueno cuanto ha dicho, y aun cuanto dijere?; que al buen pagador no le duelen prendas. Apenas hubo dicho esto Sancho, cuando entraron por la puerta de su aposento dos caballeros, que tales lo parecían, y uno dellos echando los brazos al cuello de don Quijote, le dijo: — Ni vuestra presencia puede desmentir vuestro nombre, ni vuestro nombre puede no acreditar vuestra presencia: sin duda, vos, señor, sois el verdadero don Quijote de la Mancha, norte y lucero de la andante caballería, a despecho y pesar del que ha querido usurpar vuestro nombre y aniquilar vuestras hazañas, como lo ha hecho el autor deste libro que aquí os entrego. Y, poniéndole un libro en las manos, que traía su compañero, le tomó don Quijote, y, sin responder palabra, comenzó a hojearle, y de allí a un poco se le volvió, diciendo: — En esto poco que he visto he hallado tres cosas en este autor dignas de reprehensión. La primera es algunas palabras que he leído en el prólogo; la otra, que el lenguaje es aragonés, porque tal vez escribe sin artículos, y la tercera, que más le confirma por ignorante, es que yerra y se desvía de la verdad en lo más principal de la historia; porque aquí dice que la mujer de Sancho Panza mi escudero se llama Mari Gutiérrez, y no llama tal, sino Teresa Panza; y quien en esta parte tan principal yerra, bien se podrá temer que yerra en todas las demás de la historia. A esto dijo Sancho: — ¡Donosa cosa de historiador! ¡Por cierto, bien debe de estar en el cuento de nuestros sucesos, pues llama a Teresa Panza, mi mujer, Mari Gutiérrez! Torne a tomar el libro, señor, y mire si ando yo por ahí y si me ha mudado el nombre. — Por lo que he oído hablar, amigo —dijo don Jerónimo—, sin duda debéis de ser Sancho Panza, el escudero del señor don Quijote. — Sí soy —respondió Sancho—, y me precio dello. — Pues a fe —dijo el caballero— que no os trata este autor moderno con la limpieza que en vuestra persona se muestra: píntaos comedor, y simple, y no nada gracioso, y muy otro del Sancho que en la primera parte de la historia de vuestro amo se describe. — Dios se lo perdone —dijo Sancho—. Dejárame en mi rincón, sin acordarse de mí, porque quien las sabe las tañe, y bien se está San Pedro en Roma. Los dos caballeros pidieron a don Quijote se pasase a su estancia a cenar con ellos, que bien sabían que en aquella venta no había cosas pertenecientes para su persona. Don Quijote, que siempre fue comedido, condecenció con su demanda y cenó con ellos; quedóse Sancho con la olla con mero mixto imperio; sentóse en cabecera de mesa, y con él el ventero, que no menos que Sancho estaba de sus manos y de sus uñas aficionado. En el discurso de la cena preguntó don Juan a don Quijote qué nuevas tenía de la señora Dulcinea del Toboso: si se había casado, si estaba parida o preñada, o si, estando en su entereza, se acordaba —guardando su honestidad y buen decoro— de los amorosos pensamientos del señor don Quijote. A lo que él respondió: — Dulcinea se está entera, y mis pensamientos, más firmes que nunca; las correspondencias, en su sequedad antigua; su hermosura, en la de una soez labradora transformada. Y luego les fue contando punto por punto el encanto de la señora Dulcinea, y lo que le había sucedido en la cueva de Montesinos, con la orden que el sabio Merlín le había dado para desencantarla, que fue la de los azotes de Sancho. Sumo fue el contento que los dos caballeros recibieron de oír contar a don Quijote los estraños sucesos de su historia, y así quedaron admirados de sus disparates como del elegante modo con que los contaba. Aquí le tenían por discreto, y allí se les deslizaba por mentecato, sin saber determinarse qué grado le darían entre la discreción y la locura. Acabó de cenar Sancho, y, dejando hecho equis al ventero, se pasó a la estancia de su amo; y, en entrando, dijo: — Que me maten, señores, si el autor deste libro que vuesas mercedes tienen quiere que no comamos buenas migas juntos; yo querría que, ya que me llama comilón, como vuesas mercedes dicen, no me llamase también borracho. — Sí llama —dijo don Jerónimo—, pero no me acuerdo en qué manera, aunque sé que son malsonantes las razones, y además, mentirosas, según yo echo de ver en la fisonomía del buen Sancho que está presente. — Créanme vuesas mercedes —dijo Sancho— que el Sancho y el don Quijote desa historia deben de ser otros que los que andan en aquella que compuso Cide Hamete Benengeli, que somos nosotros: mi amo, valiente, discreto y enamorado; y yo, simple gracioso, y no comedor ni borracho. — Yo así lo creo —dijo don Juan—; y si fuera posible, se había de mandar que ninguno fuera osado a tratar de las cosas del gran don Quijote, si no fuese Cide Hamete, su primer autor, bien así como mandó Alejandro que ninguno fuese osado a retratarle sino Apeles. — Retráteme el que quisiere —dijo don Quijote—, pero no me maltrate; que muchas veces suele caerse la paciencia cuando la cargan de injurias. — Ninguna —dijo don Juan— se le puede hacer al señor don Quijote de quien él no se pueda vengar, si no la repara en el escudo de su paciencia, que, a mi parecer, es fuerte y grande. En estas y otras pláticas se pasó gran parte de la noche; y, aunque don Juan quisiera que don Quijote leyera más del libro, por ver lo que discantaba, no lo pudieron acabar con él, diciendo que él lo daba por leído y lo confirmaba por todo necio, y que no quería, si acaso llegase a noticia de su autor que le había tenido en sus manos, se alegrase con pensar que le había leído; pues de las cosas obscenas y torpes, los pensamientos se han de apartar, cuanto más los ojos. Preguntáronle que adónde llevaba determinado su viaje. Respondió que a Zaragoza, a hallarse en las justas del arnés, que en aquella ciudad suelen hacerse todos los años. Díjole don Juan que aquella nueva historia contaba como don Quijote, sea quien se quisiere, se había hallado en ella en una sortija, falta de invención, pobre de letras, pobrísima de libreas, aunque rica de simplicidades. — Por el mismo caso —respondió don Quijote—, no pondré los pies en Zaragoza, y así sacaré a la plaza del mundo la mentira dese historiador moderno, y echarán de ver las gentes como yo no soy el don Quijote que él dice. — Hará muy bien —dijo don Jerónimo—; y otras justas hay en Barcelona, donde podrá el señor don Quijote mostrar su valor. — Así lo pienso hacer —dijo don Quijote—; y vuesas mercedes me den licencia, pues ya es hora para irme al lecho, y me tengan y pongan en el número de sus mayores amigos y servidores. — Y a mí también —dijo Sancho—: quizá seré bueno para algo. Con esto se despidieron, y don Quijote y Sancho se retiraron a su aposento, dejando a don Juan y a don Jerónimo admirados de ver la mezcla que había hecho de su discreción y de su locura; y verdaderamente creyeron que éstos eran los verdaderos don Quijote y Sancho, y no los que describía su autor aragonés. Madrugó don Quijote, y, dando golpes al tabique del otro aposento, se despidió de sus huéspedes. Pagó Sancho al ventero magníficamente, y aconsejóle que alabase menos la provisión de su venta, o la tuviese más proveída. Capítulo LX. De lo que sucedió a don Quijote yendo a Barcelona Era fresca la mañana, y daba muestras de serlo asimesmo el día en que don Quijote salió de la venta, informándose primero cuál era el más derecho camino para ir a Barcelona sin tocar en Zaragoza: tal era el deseo que tenía de sacar mentiroso aquel nuevo historiador que tanto decían que le vituperaba. Sucedió, pues, que en más de seis días no le sucedió cosa digna de ponerse en escritura, al cabo de los cuales, yendo fuera de camino, le tomó la noche entre unas espesas encinas o alcornoques; que en esto no guarda la puntualidad Cide Hamete que en otras cosas suele. Apeáronse de sus bestias amo y mozo, y, acomodándose a los troncos de los árboles, Sancho, que había merendado aquel día, se dejó entrar de rondón por las puertas del sueño; pero don Quijote, a quien desvelaban sus imaginaciones mucho más que la hambre, no podía pegar sus ojos; antes iba y venía con el pensamiento por mil géneros de lugares. Ya le parecía hallarse en la cueva de Montesinos; ya ver brincar y subir sobre su pollina a la convertida en labradora Dulcinea; ya que le sonaban en los oídos las palabras del sabio Merlín que le referían las condiciones y diligencias que se habían de hacer y tener en el desencanto de Dulcinea. Desesperábase de ver la flojedad y caridad poca de Sancho su escudero, pues, a lo que creía, solos cinco azotes se había dado, número desigual y pequeño para los infinitos que le faltaban; y desto recibió tanta pesadumbre y enojo, que hizo este discurso: — Si nudo gordiano cortó el Magno Alejandro, diciendo: ''Tanto monta cortar como desatar'', y no por eso dejó de ser universal señor de toda la Asia, ni más ni menos podría suceder ahora en el desencanto de Dulcinea, si yo azotase a Sancho a pesar suyo; que si la condición deste remedio está en que Sancho reciba los tres mil y tantos azotes, ¿qué se me da a mí que se los dé él, o que se los dé otro, pues la sustancia está en que él los reciba, lleguen por do llegaren? Con esta imaginación se llegó a Sancho, habiendo primero tomado las riendas de Rocinante, y acomodádolas en modo que pudiese azotarle con ellas, comenzóle a quitar las cintas, que es opinión que no tenía más que la delantera, en que se sustentaban los greguescos; pero, apenas hubo llegado, cuando Sancho despertó en todo su acuerdo, y dijo: — ¿Qué es esto? ¿Quién me toca y desencinta? — Yo soy —respondió don Quijote—, que vengo a suplir tus faltas y a remediar mis trabajos: véngote a azotar, Sancho, y a descargar, en parte, la deuda a que te obligaste. Dulcinea perece; tú vives en descuido; yo muero deseando; y así, desatácate por tu voluntad, que la mía es de darte en esta soledad, por lo menos, dos mil azotes. — Eso no —dijo Sancho—; vuesa merced se esté quedo; si no, por Dios verdadero que nos han de oír los sordos. Los azotes a que yo me obligué han de ser voluntarios, y no por fuerza, y ahora no tengo gana de azotarme; basta que doy a vuesa merced mi palabra de vapularme y mosquearme cuando en voluntad me viniere. — No hay dejarlo a tu cortesía, Sancho —dijo don Quijote—, porque eres duro de corazón, y, aunque villano, blando de carnes. Y así, procuraba y pugnaba por desenlazarle. Viendo lo cual Sancho Panza, se puso en pie, y, arremetiendo a su amo, se abrazó con él a brazo partido, y, echándole una zancadilla, dio con él en el suelo boca arriba; púsole la rodilla derecha sobre el pecho, y con las manos le tenía las manos, de modo que ni le dejaba rodear ni alentar. Don Quijote le decía: — ¿Cómo, traidor? ¿Contra tu amo y señor natural te desmandas? ¿Con quien te da su pan te atreves? — Ni quito rey, ni pongo rey —respondió Sancho—, sino ayúdome a mí, que soy mi señor. Vuesa merced me prometa que se estará quedo, y no tratará de azotarme por agora, que yo le dejaré libre y desembarazado; donde no, Aquí morirás, traidor, enemigo de doña Sancha. Prometióselo don Quijote, y juró por vida de sus pensamientos no tocarle en el pelo de la ropa, y que dejaría en toda su voluntad y albedrío el azotarse cuando quisiese. Levantóse Sancho, y desvióse de aquel lugar un buen espacio; y, yendo a arrimarse a otro árbol, sintió que le tocaban en la cabeza, y, alzando las manos, topó con dos pies de persona, con zapatos y calzas. Tembló de miedo; acudió a otro árbol, y sucedióle lo mesmo. Dio voces llamando a don Quijote que le favoreciese. Hízolo así don Quijote, y, preguntándole qué le había sucedido y de qué tenía miedo, le respondió Sancho que todos aquellos árboles estaban llenos de pies y de piernas humanas. Tentólos don Quijote, y cayó luego en la cuenta de lo que podía ser, y díjole a Sancho: — No tienes de qué tener miedo, porque estos pies y piernas que tientas y no vees, sin duda son de algunos forajidos y bandoleros que en estos árboles están ahorcados; que por aquí los suele ahorcar la justicia cuando los coge, de veinte en veinte y de treinta en treinta; por donde me doy a entender que debo de estar cerca de Barcelona. Y así era la verdad como él lo había imaginado. Al parecer alzaron los ojos, y vieron los racimos de aquellos árboles, que eran cuerpos de bandoleros. Ya, en esto, amanecía, y si los muertos los habían espantado, no menos los atribularon más de cuarenta bandoleros vivos que de improviso les rodearon, diciéndoles en lengua catalana que estuviesen quedos, y se detuviesen, hasta que llegase su capitán. Hallóse don Quijote a pie, su caballo sin freno, su lanza arrimada a un árbol, y, finalmente, sin defensa alguna; y así, tuvo por bien de cruzar las manos e inclinar la cabeza, guardándose para mejor sazón y coyuntura. Acudieron los bandoleros a espulgar al rucio, y a no dejarle ninguna cosa de cuantas en las alforjas y la maleta traía; y avínole bien a Sancho que en una ventrera que tenía ceñida venían los escudos del duque y los que habían sacado de su tierra, y, con todo eso, aquella buena gente le escardara y le mirara hasta lo que entre el cuero y la carne tuviera escondido, si no llegara en aquella sazón su capitán, el cual mostró ser de hasta edad de treinta y cuatro años, robusto, más que de mediana proporción, de mirar grave y color morena. Venía sobre un poderoso caballo, vestida la acerada cota, y con cuatro pistoletes —que en aquella tierra se llaman pedreñales— a los lados. Vio que sus escuderos, que así llaman a los que andan en aquel ejercicio, iban a despojar a Sancho Panza; mandóles que no lo hiciesen, y fue luego obedecido; y así se escapó la ventrera. Admiróle ver lanza arrimada al árbol, escudo en el suelo, y a don Quijote armado y pensativo, con la más triste y melancólica figura que pudiera formar la misma tristeza. Llegóse a él diciéndole: — No estéis tan triste, buen hombre, porque no habéis caído en las manos de algún cruel Osiris, sino en las de Roque Guinart, que tienen más de compasivas que de rigurosas. — No es mi tristeza —respondió don Quijote— haber caído en tu poder, ¡oh valeroso Roque, cuya fama no hay límites en la tierra que la encierren!, sino por haber sido tal mi descuido, que me hayan cogido tus soldados sin el freno, estando yo obligado, según la orden de la andante caballería, que profeso, a vivir contino alerta, siendo a todas horas centinela de mí mismo; porque te hago saber, ¡oh gran Roque!, que si me hallaran sobre mi caballo, con mi lanza y con mi escudo, no les fuera muy fácil rendirme, porque yo soy don Quijote de la Mancha, aquel que de sus hazañas tiene lleno todo el orbe. Luego Roque Guinart conoció que la enfermedad de don Quijote tocaba más en locura que en valentía, y, aunque algunas veces le había oído nombrar, nunca tuvo por verdad sus hechos, ni se pudo persuadir a que semejante humor reinase en corazón de hombre; y holgóse en estremo de haberle encontrado, para tocar de cerca lo que de lejos dél había oído; y así, le dijo: — Valeroso caballero, no os despechéis ni tengáis a siniestra fortuna ésta en que os halláis, que podía ser que en estos tropiezos vuestra torcida suerte se enderezase; que el cielo, por estraños y nunca vistos rodeos, de los hombres no imaginados, suele levantar los caídos y enriquecer los pobres. Ya le iba a dar las gracias don Quijote, cuando sintieron a sus espaldas un ruido como de tropel de caballos, y no era sino un solo, sobre el cual venía a toda furia un mancebo, al parecer de hasta veinte años, vestido de damasco verde, con pasamanos de oro, greguescos y saltaembarca, con sombrero terciado, a la valona, botas enceradas y justas, espuelas, daga y espada doradas, una escopeta pequeña en las manos y dos pistolas a los lados. Al ruido volvió Roque la cabeza y vio esta hermosa figura, la cual, en llegando a él, dijo: — En tu busca venía, ¡oh valeroso Roque!, para hallar en ti, si no remedio, a lo menos alivio en mi desdicha; y, por no tenerte suspenso, porque sé que no me has conocido, quiero decirte quién soy: y soy Claudia Jerónima, hija de Simón Forte, tu singular amigo y enemigo particular de Clauquel Torrellas, que asimismo lo es tuyo, por ser uno de los de tu contrario bando; y ya sabes que este Torrellas tiene un hijo que don Vicente Torrellas se llama, o, a lo menos, se llamaba no ha dos horas. Éste, pues, por abreviar el cuento de mi desventura, te diré en breves palabras la que me ha causado. Viome, requebróme, escuchéle, enamoréme, a hurto de mi padre; porque no hay mujer, por retirada que esté y recatada que sea, a quien no le sobre tiempo para poner en ejecución y efecto sus atropellados deseos. Finalmente, él me prometió de ser mi esposo, y yo le di la palabra de ser suya, sin que en obras pasásemos adelante. Supe ayer que, olvidado de lo que me debía, se casaba con otra, y que esta mañana iba a desposarse, nueva que me turbó el sentido y acabó la paciencia; y, por no estar mi padre en el lugar, le tuve yo de ponerme en el traje que vees, y apresurando el paso a este caballo, alcancé a don Vicente obra de una legua de aquí; y, sin ponerme a dar quejas ni a oír disculpas, le disparé estas escopetas, y, por añadidura, estas dos pistolas; y, a lo que creo, le debí de encerrar más de dos balas en el cuerpo, abriéndole puertas por donde envuelta en su sangre saliese mi honra. Allí le dejo entre sus criados, que no osaron ni pudieron ponerse en su defensa. Vengo a buscarte para que me pases a Francia, donde tengo parientes con quien viva, y asimesmo a rogarte defiendas a mi padre, porque los muchos de don Vicente no se atrevan a tomar en él desaforada venganza. Roque, admirado de la gallardía, bizarría, buen talle y suceso de la hermosa Claudia, le dijo: — Ven, señora, y vamos a ver si es muerto tu enemigo, que después veremos lo que más te importare. Don Quijote, que estaba escuchando atentamente lo que Claudia había dicho y lo que Roque Guinart respondió, dijo: — No tiene nadie para qué tomar trabajo en defender a esta señora, que lo tomo yo a mi cargo: denme mi caballo y mis armas, y espérenme aquí, que yo iré a buscar a ese caballero, y, muerto o vivo, le haré cumplir la palabra prometida a tanta belleza. — Nadie dude de esto —dijo Sancho—, porque mi señor tiene muy buena mano para casamentero, pues no ha muchos días que hizo casar a otro que también negaba a otra doncella su palabra; y si no fuera porque los encantadores que le persiguen le mudaron su verdadera figura en la de un lacayo, ésta fuera la hora que ya la tal doncella no lo fuera. Roque, que atendía más a pensar en el suceso de la hermosa Claudia que en las razones de amo y mozo, no las entendió; y, mandando a sus escuderos que volviesen a Sancho todo cuanto le habían quitado del rucio, mandándoles asimesmo que se retirasen a la parte donde aquella noche habían estado alojados, y luego se partió con Claudia a toda priesa a buscar al herido, o muerto, don Vicente. Llegaron al lugar donde le encontró Claudia, y no hallaron en él sino recién derramada sangre; pero, tendiendo la vista por todas partes, descubrieron por un recuesto arriba alguna gente, y diéronse a entender, como era la verdad, que debía ser don Vicente, a quien sus criados, o muerto o vivo, llevaban, o para curarle, o para enterrarle; diéronse priesa a alcanzarlos, que, como iban de espacio, con facilidad lo hicieron. Hallaron a don Vicente en los brazos de sus criados, a quien con cansada y debilitada voz rogaba que le dejasen allí morir, porque el dolor de las heridas no consentía que más adelante pasase. Arrojáronse de los caballos Claudia y Roque, llegáronse a él, temieron los criados la presencia de Roque, y Claudia se turbó en ver la de don Vicente; y así, entre enternecida y rigurosa, se llegó a él, y asiéndole de las manos, le dijo: — Si tú me dieras éstas, conforme a nuestro concierto, nunca tú te vieras en este paso. Abrió los casi cerrados ojos el herido caballero, y, conociendo a Claudia, le dijo: — Bien veo, hermosa y engañada señora, que tú has sido la que me has muerto: pena no merecida ni debida a mis deseos, con los cuales, ni con mis obras, jamás quise ni supe ofenderte. — Luego, ¿no es verdad —dijo Claudia— que ibas esta mañana a desposarte con Leonora, la hija del rico Balvastro? — No, por cierto —respondió don Vicente—; mi mala fortuna te debió de llevar estas nuevas, para que, celosa, me quitases la vida, la cual, pues la dejo en tus manos y en tus brazos, tengo mi suerte por venturosa. Y, para asegurarte desta verdad, aprieta la mano y recíbeme por esposo, si quisieres, que no tengo otra mayor satisfación que darte del agravio que piensas que de mí has recebido. Apretóle la mano Claudia, y apretósele a ella el corazón, de manera que sobre la sangre y pecho de don Vicente se quedó desmayada, y a él le tomó un mortal parasismo. Confuso estaba Roque, y no sabía qué hacerse. Acudieron los criados a buscar agua que echarles en los rostros, y trujéronla, con que se los bañaron. Volvió de su desmayo Claudia, pero no de su parasismo don Vicente, porque se le acabó la vida. Visto lo cual de Claudia, habiéndose enterado que ya su dulce esposo no vivía, rompió los aires con suspiros, hirió los cielos con quejas, maltrató sus cabellos, entregándolos al viento, afeó su rostro con sus propias manos, con todas las muestras de dolor y sentimiento que de un lastimado pecho pudieran imaginarse. — ¡Oh cruel e inconsiderada mujer —decía—, con qué facilidad te moviste a poner en ejecución tan mal pensamiento! ¡Oh fuerza rabiosa de los celos, a qué desesperado fin conducís a quien os da acogida en su pecho! ¡Oh esposo mío, cuya desdichada suerte, por ser prenda mía, te ha llevado del tálamo a la sepultura! Tales y tan tristes eran las quejas de Claudia, que sacaron las lágrimas de los ojos de Roque, no acostumbrados a verterlas en ninguna ocasión. Lloraban los criados, desmayábase a cada paso Claudia, y todo aquel circuito parecía campo de tristeza y lugar de desgracia. Finalmente, Roque Guinart ordenó a los criados de don Vicente que llevasen su cuerpo al lugar de su padre, que estaba allí cerca, para que le diesen sepultura. Claudia dijo a Roque que querría irse a un monasterio donde era abadesa una tía suya, en el cual pensaba acabar la vida, de otro mejor esposo y más eterno acompañada. Alabóle Roque su buen propósito, ofreciósele de acompañarla hasta donde quisiese, y de defender a su padre de los parientes y de todo el mundo, si ofenderle quisiese. No quiso su compañía Claudia, en ninguna manera, y, agradeciendo sus ofrecimientos con las mejores razones que supo, se despedió dél llorando. Los criados de don Vicente llevaron su cuerpo, y Roque se volvió a los suyos, y este fin tuvieron los amores de Claudia Jerónima. Pero, ¿qué mucho, si tejieron la trama de su lamentable historia las fuerzas invencibles y rigurosas de los celos? Halló Roque Guinart a sus escuderos en la parte donde les había ordenado, y a don Quijote entre ellos, sobre Rocinante, haciéndoles una plática en que les persuadía dejasen aquel modo de vivir tan peligroso, así para el alma como para el cuerpo; pero, como los más eran gascones, gente rústica y desbaratada, no les entraba bien la plática de don Quijote. Llegado que fue Roque, preguntó a Sancho Panza si le habían vuelto y restituido las alhajas y preseas que los suyos del rucio le habían quitado. Sancho respondió que sí, sino que le faltaban tres tocadores, que valían tres ciudades. — ¿Qué es lo que dices, hombre? —dijo uno de los presentes—, que yo los tengo, y no valen tres reales. — Así es —dijo don Quijote—, pero estímalos mi escudero en lo que ha dicho, por habérmelos dado quien me los dio. Mandóselos volver al punto Roque Guinart, y, mandando poner los suyos en ala, mandó traer allí delante todos los vestidos, joyas, y dineros, y todo aquello que desde la última repartición habían robado; y, haciendo brevemente el tanteo, volviendo lo no repartible y reduciéndolo a dineros, lo repartió por toda su compañía, con tanta legalidad y prudencia que no pasó un punto ni defraudó nada de la justicia distributiva. Hecho esto, con lo cual todos quedaron contentos, satisfechos y pagados, dijo Roque a don Quijote: — Si no se guardase esta puntualidad con éstos, no se podría vivir con ellos. A lo que dijo Sancho: — Según lo que aquí he visto, es tan buena la justicia, que es necesaria que se use aun entre los mesmos ladrones. Oyólo un escudero, y enarboló el mocho de un arcabuz, con el cual, sin duda, le abriera la cabeza a Sancho, si Roque Guinart no le diera voces que se detuviese. Pasmóse Sancho, y propuso de no descoser los labios en tanto que entre aquella gente estuviese. Llegó, en esto, uno o algunos de aquellos escuderos que estaban puestos por centinelas por los caminos para ver la gente que por ellos venía y dar aviso a su mayor de lo que pasaba, y éste dijo: — Señor, no lejos de aquí, por el camino que va a Barcelona, viene un gran tropel de gente. A lo que respondió Roque: — ¿Has echado de ver si son de los que nos buscan, o de los que nosotros buscamos? — No, sino de los que buscamos —respondió el escudero. — Pues salid todos —replicó Roque—, y traédmelos aquí luego, sin que se os escape ninguno. Hiciéronlo así, y, quedándose solos don Quijote, Sancho y Roque, aguardaron a ver lo que los escuderos traían; y, en este entretanto, dijo Roque a don Quijote: — Nueva manera de vida le debe de parecer al señor don Quijote la nuestra, nuevas aventuras, nuevos sucesos, y todos peligrosos; y no me maravillo que así le parezca, porque realmente le confieso que no hay modo de vivir más inquieto ni más sobresaltado que el nuestro. A mí me han puesto en él no sé qué deseos de venganza, que tienen fuerza de turbar los más sosegados corazones; yo, de mi natural, soy compasivo y bien intencionado; pero, como tengo dicho, el querer vengarme de un agravio que se me hizo, así da con todas mis buenas inclinaciones en tierra, que persevero en este estado, a despecho y pesar de lo que entiendo; y, como un abismo llama a otro y un pecado a otro pecado, hanse eslabonado las venganzas de manera que no sólo las mías, pero las ajenas tomo a mi cargo; pero Dios es servido de que, aunque me veo en la mitad del laberinto de mis confusiones, no pierdo la esperanza de salir dél a puerto seguro. Admirado quedó don Quijote de oír hablar a Roque tan buenas y concertadas razones, porque él se pensaba que, entre los de oficios semejantes de robar, matar y saltear no podía haber alguno que tuviese buen discurso, y respondióle: — Señor Roque, el principio de la salud está en conocer la enfermedad y en querer tomar el enfermo las medicinas que el médico le ordena: vuestra merced está enfermo, conoce su dolencia, y el cielo, o Dios, por mejor decir, que es nuestro médico, le aplicará medicinas que le sanen, las cuales suelen sanar poco a poco y no de repente y por milagro; y más, que los pecadores discretos están más cerca de enmendarse que los simples; y, pues vuestra merced ha mostrado en sus razones su prudencia, no hay sino tener buen ánimo y esperar mejoría de la enfermedad de su conciencia; y si vuestra merced quiere ahorrar camino y ponerse con facilidad en el de su salvación, véngase conmigo, que yo le enseñaré a ser caballero andante, donde se pasan tantos trabajos y desventuras que, tomándolas por penitencia, en dos paletas le pondrán en el cielo. Rióse Roque del consejo de don Quijote, a quien, mudando plática, contó el trágico suceso de Claudia Jerónima, de que le pesó en estremo a Sancho, que no le había parecido mal la belleza, desenvoltura y brío de la moza. Llegaron, en esto, los escuderos de la presa, trayendo consigo dos caballeros a caballo, y dos peregrinos a pie, y un coche de mujeres con hasta seis criados, que a pie y a caballo las acompañaban, con otros dos mozos de mulas que los caballeros traían. Cogiéronlos los escuderos en medio, guardando vencidos y vencedores gran silencio, esperando a que el gran Roque Guinart hablase, el cual preguntó a los caballeros que quién eran y adónde iban, y qué dinero llevaban. Uno dellos le respondió: — Señor, nosotros somos dos capitanes de infantería española; tenemos nuestras compañías en Nápoles y vamos a embarcarnos en cuatro galeras, que dicen están en Barcelona con orden de pasar a Sicilia; llevamos hasta docientos o trecientos escudos, con que, a nuestro parecer, vamos ricos y contentos, pues la estrecheza ordinaria de los soldados no permite mayores tesoros. Preguntó Roque a los peregrinos lo mesmo que a los capitanes; fuele respondido que iban a embarcarse para pasar a Roma, y que entre entrambos podían llevar hasta sesenta reales. Quiso saber también quién iba en el coche, y adónde, y el dinero que llevaban; y uno de los de a caballo dijo: — Mi señora doña Guiomar de Quiñones, mujer del regente de la Vicaría de Nápoles, con una hija pequeña, una doncella y una dueña, son las que van en el coche; acompañámosla seis criados, y los dineros son seiscientos escudos. — De modo —dijo Roque Guinart—, que ya tenemos aquí novecientos escudos y sesenta reales; mis soldados deben de ser hasta sesenta; mírese a cómo le cabe a cada uno, porque yo soy mal contador. Oyendo decir esto los salteadores, levantaron la voz, diciendo: — ¡Viva Roque Guinart muchos años, a pesar de los lladres que su perdición procuran! Mostraron afligirse los capitanes, entristecióse la señora regenta, y no se holgaron nada los peregrinos, viendo la confiscación de sus bienes. Túvolos así un rato suspensos Roque, pero no quiso que pasase adelante su tristeza, que ya se podía conocer a tiro de arcabuz, y, volviéndose a los capitanes, dijo: — Vuesas mercedes, señores capitanes, por cortesía, sean servidos de prestarme sesenta escudos, y la señora regenta ochenta, para contentar esta escuadra que me acompaña, porque el abad, de lo que canta yanta, y luego puédense ir su camino libre y desembarazadamente, con un salvoconduto que yo les daré, para que, si toparen otras de algunas escuadras mías que tengo divididas por estos contornos, no les hagan daño; que no es mi intención de agraviar a soldados ni a mujer alguna, especialmente a las que son principales. Infinitas y bien dichas fueron las razones con que los capitanes agradecieron a Roque su cortesía y liberalidad, que, por tal la tuvieron, en dejarles su mismo dinero. La señora doña Guiomar de Quiñones se quiso arrojar del coche para besar los pies y las manos del gran Roque, pero él no lo consintió en ninguna manera; antes le pidió perdón del agravio que le hacía, forzado de cumplir con las obligaciones precisas de su mal oficio. Mandó la señora regenta a un criado suyo diese luego los ochenta escudos que le habían repartido, y ya los capitanes habían desembolsado los sesenta. Iban los peregrinos a dar toda su miseria, pero Roque les dijo que se estuviesen quedos, y volviéndose a los suyos, les dijo: — Destos escudos dos tocan a cada uno, y sobran veinte: los diez se den a estos peregrinos, y los otros diez a este buen escudero, porque pueda decir bien de esta aventura. Y, trayéndole aderezo de escribir, de que siempre andaba proveído, Roque les dio por escrito un salvoconduto para los mayorales de sus escuadras, y, despidiéndose dellos, los dejó ir libres, y admirados de su nobleza, de su gallarda disposición y estraño proceder, teniéndole más por un Alejandro Magno que por ladrón conocido. Uno de los escuderos dijo en su lengua gascona y catalana: — Este nuestro capitán más es para frade que para bandolero: si de aquí adelante quisiere mostrarse liberal séalo con su hacienda y no con la nuestra. No lo dijo tan paso el desventurado que dejase de oírlo Roque, el cual, echando mano a la espada, le abrió la cabeza casi en dos partes, diciéndole: — Desta manera castigo yo a los deslenguados y atrevidos. Pasmáronse todos, y ninguno le osó decir palabra: tanta era la obediencia que le tenían. Apartóse Roque a una parte y escribió una carta a un su amigo, a Barcelona, dándole aviso como estaba consigo el famoso don Quijote de la Mancha, aquel caballero andante de quien tantas cosas se decían; y que le hacía saber que era el más gracioso y el más entendido hombre del mundo, y que de allí a cuatro días, que era el de San Juan Bautista, se le pondría en mitad de la playa de la ciudad, armado de todas sus armas, sobre Rocinante, su caballo, y a su escudero Sancho sobre un asno, y que diese noticia desto a sus amigos los Niarros, para que con él se solazasen; que él quisiera que carecieran deste gusto los Cadells, sus contrarios, pero que esto era imposible, a causa que las locuras y discreciones de don Quijote y los donaires de su escudero Sancho Panza no podían dejar de dar gusto general a todo el mundo. Despachó estas cartas con uno de sus escuderos, que, mudando el traje de bandolero en el de un labrador, entró en Barcelona y la dio a quien iba. Capítulo LXI. De lo que le sucedió a don Quijote en la entrada de Barcelona, con otras cosas que tienen más de lo verdadero que de lo discreto Tres días y tres noches estuvo don Quijote con Roque, y si estuviera trecientos años, no le faltara qué mirar y admirar en el modo de su vida: aquí amanecían, acullá comían; unas veces huían, sin saber de quién, y otras esperaban, sin saber a quién. Dormían en pie, interrompiendo el sueño, mudándose de un lugar a otro. Todo era poner espías, escuchar centinelas, soplar las cuerdas de los arcabuces, aunque traían pocos, porque todos se servían de pedreñales. Roque pasaba las noches apartado de los suyos, en partes y lugares donde ellos no pudiesen saber dónde estaba; porque los muchos bandos que el visorrey de Barcelona había echado sobre su vida le traían inquieto y temeroso, y no se osaba fiar de ninguno, temiendo que los mismos suyos, o le habían de matar, o entregar a la justicia: vida, por cierto, miserable y enfadosa. En fin, por caminos desusados, por atajos y sendas encubiertas, partieron Roque, don Quijote y Sancho con otros seis escuderos a Barcelona. Llegaron a su playa la víspera de San Juan en la noche, y, abrazando Roque a don Quijote y a Sancho, a quien dio los diez escudos prometidos, que hasta entonces no se los había dado, los dejó, con mil ofrecimientos que de la una a la otra parte se hicieron. Volvióse Roque; quedóse don Quijote esperando el día, así, a caballo, como estaba, y no tardó mucho cuando comenzó a descubrirse por los balcones del Oriente la faz de la blanca aurora, alegrando las yerbas y las flores, en lugar de alegrar el oído; aunque al mesmo instante alegraron también el oído el son de muchas chirimías y atabales, ruido de cascabeles, ''¡trapa, trapa, aparta, aparta!'' de corredores, que, al parecer, de la ciudad salían. Dio lugar la aurora al sol, que, un rostro mayor que el de una rodela, por el más bajo horizonte, poco a poco, se iba levantando. Tendieron don Quijote y Sancho la vista por todas partes: vieron el mar, hasta entonces dellos no visto; parecióles espaciosísimo y largo, harto más que las lagunas de Ruidera, que en la Mancha habían visto; vieron las galeras que estaban en la playa, las cuales, abatiendo las tiendas, se descubrieron llenas de flámulas y gallardetes, que tremolaban al viento y besaban y barrían el agua; dentro sonaban clarines, trompetas y chirimías, que cerca y lejos llenaban el aire de suaves y belicosos acentos. Comenzaron a moverse y a hacer modo de escaramuza por las sosegadas aguas, correspondiéndoles casi al mismo modo infinitos caballeros que de la ciudad sobre hermosos caballos y con vistosas libreas salían. Los soldados de las galeras disparaban infinita artillería, a quien respondían los que estaban en las murallas y fuertes de la ciudad, y la artillería gruesa con espantoso estruendo rompía los vientos, a quien respondían los cañones de crujía de las galeras. El mar alegre, la tierra jocunda, el aire claro, sólo tal vez turbio del humo de la artillería, parece que iba infundiendo y engendrando gusto súbito en todas las gentes. No podía imaginar Sancho cómo pudiesen tener tantos pies aquellos bultos que por el mar se movían. En esto, llegaron corriendo, con grita, lililíes y algazara, los de las libreas adonde don Quijote suspenso y atónito estaba, y uno dellos, que era el avisado de Roque, dijo en alta voz a don Quijote: — Bien sea venido a nuestra ciudad el espejo, el farol, la estrella y el norte de toda la caballería andante, donde más largamente se contiene. Bien sea venido, digo, el valeroso don Quijote de la Mancha: no el falso, no el ficticio, no el apócrifo que en falsas historias estos días nos han mostrado, sino el verdadero, el legal y el fiel que nos describió Cide Hamete Benengeli, flor de los historiadores. No respondió don Quijote palabra, ni los caballeros esperaron a que la respondiese, sino, volviéndose y revolviéndose con los demás que los seguían, comenzaron a hacer un revuelto caracol al derredor de don Quijote; el cual, volviéndose a Sancho, dijo: — Éstos bien nos han conocido: yo apostaré que han leído nuestra historia y aun la del aragonés recién impresa. Volvió otra vez el caballero que habló a don Quijote, y díjole: — Vuesa merced, señor don Quijote, se venga con nosotros, que todos somos sus servidores y grandes amigos de Roque Guinart. A lo que don Quijote respondió: — Si cortesías engendran cortesías, la vuestra, señor caballero, es hija o parienta muy cercana de las del gran Roque. Llevadme do quisiéredes, que yo no tendré otra voluntad que la vuestra, y más si la queréis ocupar en vuestro servicio. Con palabras no menos comedidas que éstas le respondió el caballero, y, encerrándole todos en medio, al son de las chirimías y de los atabales, se encaminaron con él a la ciudad, al entrar de la cual, el malo, que todo lo malo ordena, y los muchachos, que son más malos que el malo, dos dellos traviesos y atrevidos se entraron por toda la gente, y, alzando el uno de la cola del rucio y el otro la de Rocinante, les pusieron y encajaron sendos manojos de aliagas. Sintieron los pobres animales las nuevas espuelas, y, apretando las colas, aumentaron su disgusto, de manera que, dando mil corcovos, dieron con sus dueños en tierra. Don Quijote, corrido y afrentado, acudió a quitar el plumaje de la cola de su matalote, y Sancho, el de su rucio. Quisieran los que guiaban a don Quijote castigar el atrevimiento de los muchachos, y no fue posible, porque se encerraron entre más de otros mil que los seguían. Volvieron a subir don Quijote y Sancho; con el mismo aplauso y música llegaron a la casa de su guía, que era grande y principal, en fin, como de caballero rico; donde le dejaremos por agora, porque así lo quiere Cide Hamete. Capítulo LXII. Que trata de la aventura de la cabeza encantada, con otras niñerías que no pueden dejar de contarse Don Antonio Moreno se llamaba el huésped de don Quijote, caballero rico y discreto, y amigo de holgarse a lo honesto y afable, el cual, viendo en su casa a don Quijote, andaba buscando modos como, sin su perjuicio, sacase a plaza sus locuras; porque no son burlas las que duelen, ni hay pasatiempos que valgan si son con daño de tercero. Lo primero que hizo fue hacer desarmar a don Quijote y sacarle a vistas con aquel su estrecho y acamuzado vestido —como ya otras veces le hemos descrito y pintado— a un balcón que salía a una calle de las más principales de la ciudad, a vista de las gentes y de los muchachos, que como a mona le miraban. Corrieron de nuevo delante dél los de las libreas, como si para él solo, no para alegrar aquel festivo día, se las hubieran puesto; y Sancho estaba contentísimo, por parecerle que se había hallado, sin saber cómo ni cómo no, otras bodas de Camacho, otra casa como la de don Diego de Miranda y otro castillo como el del duque. Comieron aquel día con don Antonio algunos de sus amigos, honrando todos y tratando a don Quijote como a caballero andante, de lo cual, hueco y pomposo, no cabía en sí de contento. Los donaires de Sancho fueron tantos, que de su boca andaban como colgados todos los criados de casa y todos cuantos le oían. Estando a la mesa, dijo don Antonio a Sancho: — Acá tenemos noticia, buen Sancho, que sois tan amigo de manjar blanco y de albondiguillas, que, si os sobran, las guardáis en el seno para el otro día. — No, señor, no es así —respondió Sancho—, porque tengo más de limpio que de goloso, y mi señor don Quijote, que está delante, sabe bien que con un puño de bellotas, o de nueces, nos solemos pasar entrambos ocho días. Verdad es que si tal vez me sucede que me den la vaquilla, corro con la soguilla; quiero decir que como lo que me dan, y uso de los tiempos como los hallo; y quienquiera que hubiere dicho que yo soy comedor aventajado y no limpio, téngase por dicho que no acierta; y de otra manera dijera esto si no mirara a las barbas honradas que están a la mesa. — Por cierto —dijo don Quijote—, que la parsimonia y limpieza con que Sancho come se puede escribir y grabar en láminas de bronce, para que quede en memoria eterna de los siglos venideros. Verdad es que, cuando él tiene hambre, parece algo tragón, porque come apriesa y masca a dos carrillos; pero la limpieza siempre la tiene en su punto, y en el tiempo que fue gobernador aprendió a comer a lo melindroso: tanto, que comía con tenedor las uvas y aun los granos de la granada. — ¡Cómo! —dijo don Antonio—. ¿Gobernador ha sido Sancho? — Sí —respondió Sancho—, y de una ínsula llamada la Barataria. Diez días la goberné a pedir de boca; en ellos perdí el sosiego, y aprendí a despreciar todos los gobiernos del mundo; salí huyendo della, caí en una cueva, donde me tuve por muerto, de la cual salí vivo por milagro. Contó don Quijote por menudo todo el suceso del gobierno de Sancho, con que dio gran gusto a los oyentes. Levantados los manteles, y tomando don Antonio por la mano a don Quijote, se entró con él en un apartado aposento, en el cual no había otra cosa de adorno que una mesa, al parecer de jaspe, que sobre un pie de lo mesmo se sostenía, sobre la cual estaba puesta, al modo de las cabezas de los emperadores romanos, de los pechos arriba, una que semejaba ser de bronce. Paseóse don Antonio con don Quijote por todo el aposento, rodeando muchas veces la mesa, después de lo cual dijo: — Agora, señor don Quijote, que estoy enterado que no nos oye y escucha alguno, y está cerrada la puerta, quiero contar a vuestra merced una de las más raras aventuras, o, por mejor decir, novedades que imaginarse pueden, con condición que lo que a vuestra merced dijere lo ha de depositar en los últimos retretes del secreto. — Así lo juro —respondió don Quijote—, y aun le echaré una losa encima, para más seguridad; porque quiero que sepa vuestra merced, señor don Antonio — que ya sabía su nombre—, que está hablando con quien, aunque tiene oídos para oír, no tiene lengua para hablar; así que, con seguridad puede vuestra merced trasladar lo que tiene en su pecho en el mío y hacer cuenta que lo ha arrojado en los abismos del silencio. — En fee de esa promesa —respondió don Antonio—, quiero poner a vuestra merced en admiración con lo que viere y oyere, y darme a mí algún alivio de la pena que me causa no tener con quien comunicar mis secretos, que no son para fiarse de todos. Suspenso estaba don Quijote, esperando en qué habían de parar tantas prevenciones. En esto, tomándole la mano don Antonio, se la paseó por la cabeza de bronce y por toda la mesa, y por el pie de jaspe sobre que se sostenía, y luego dijo: — Esta cabeza, señor don Quijote, ha sido hecha y fabricada por uno de los mayores encantadores y hechiceros que ha tenido el mundo, que creo era polaco de nación y dicípulo del famoso Escotillo, de quien tantas maravillas se cuentan; el cual estuvo aquí en mi casa, y por precio de mil escudos que le di, labró esta cabeza, que tiene propiedad y virtud de responder a cuantas cosas al oído le preguntaren. Guardó rumbos, pintó carácteres, observó astros, miró puntos, y, finalmente, la sacó con la perfeción que veremos mañana, porque los viernes está muda, y hoy, que lo es, nos ha de hacer esperar hasta mañana. En este tiempo podrá vuestra merced prevenirse de lo que querrá preguntar, que por esperiencia sé que dice verdad en cuanto responde. Admirado quedó don Quijote de la virtud y propiedad de la cabeza, y estuvo por no creer a don Antonio; pero, por ver cuán poco tiempo había para hacer la experiencia, no quiso decirle otra cosa sino que le agradecía el haberle descubierto tan gran secreto. Salieron del aposento, cerró la puerta don Antonio con llave, y fuéronse a la sala, donde los demás caballeros estaban. En este tiempo les había contado Sancho muchas de las aventuras y sucesos que a su amo habían acontecido. Aquella tarde sacaron a pasear a don Quijote, no armado, sino de rúa, vestido un balandrán de paño leonado, que pudiera hacer sudar en aquel tiempo al mismo yelo. Ordenaron con sus criados que entretuviesen a Sancho de modo que no le dejasen salir de casa. Iba don Quijote, no sobre Rocinante, sino sobre un gran macho de paso llano, y muy bien aderezado. Pusiéronle el balandrán, y en las espaldas, sin que lo viese, le cosieron un pargamino, donde le escribieron con letras grandes: Éste es don Quijote de la Mancha. En comenzando el paseo, llevaba el rétulo los ojos de cuantos venían a verle, y como leían: Éste es don Quijote de la Mancha, admirábase don Quijote de ver que cuantos le miraban le nombraban y conocían; y, volviéndose a don Antonio, que iba a su lado, le dijo: — Grande es la prerrogativa que encierra en sí la andante caballería, pues hace conocido y famoso al que la profesa por todos los términos de la tierra; si no, mire vuestra merced, señor don Antonio, que hasta los muchachos desta ciudad, sin nunca haberme visto, me conocen. — Así es, señor don Quijote —respondió don Antonio—, que, así como el fuego no puede estar escondido y encerrado, la virtud no puede dejar de ser conocida, y la que se alcanza por la profesión de las armas resplandece y campea sobre todas las otras. Acaeció, pues, que, yendo don Quijote con el aplauso que se ha dicho, un castellano que leyó el rétulo de las espaldas, alzó la voz, diciendo: — ¡Válgate el diablo por don Quijote de la Mancha! ¿Cómo que hasta aquí has llegado, sin haberte muerto los infinitos palos que tienes a cuestas? Tu eres loco, y si lo fueras a solas y dentro de las puertas de tu locura, fuera menos mal; pero tienes propiedad de volver locos y mentecatos a cuantos te tratan y comunican; si no, mírenlo por estos señores que te acompañan. Vuélvete, mentecato, a tu casa, y mira por tu hacienda, por tu mujer y tus hijos, y déjate destas vaciedades que te carcomen el seso y te desnatan el entendimiento. — Hermano —dijo don Antonio—, seguid vuestro camino, y no deis consejos a quien no os los pide. El señor don Quijote de la Mancha es muy cuerdo, y nosotros, que le acompañamos, no somos necios; la virtud se ha de honrar dondequiera que se hallare, y andad en hora mala, y no os metáis donde no os llaman. — Pardiez, vuesa merced tiene razón —respondió el castellano—, que aconsejar a este buen hombre es dar coces contra el aguijón; pero, con todo eso, me da muy gran lástima que el buen ingenio que dicen que tiene en todas las cosas este mentecato se le desagüe por la canal de su andante caballería; y la enhoramala que vuesa merced dijo, sea para mí y para todos mis descendientes si de hoy más, aunque viviese más años que Matusalén, diere consejo a nadie, aunque me lo pida. Apartóse el consejero; siguió adelante el paseo; pero fue tanta la priesa que los muchachos y toda la gente tenía leyendo el rétulo, que se le hubo de quitar don Antonio, como que le quitaba otra cosa. Llegó la noche, volviéronse a casa; hubo sarao de damas, porque la mujer de don Antonio, que era una señora principal y alegre, hermosa y discreta, convidó a otras sus amigas a que viniesen a honrar a su huésped y a gustar de sus nunca vistas locuras. Vinieron algunas, cenóse espléndidamente y comenzóse el sarao casi a las diez de la noche. Entre las damas había dos de gusto pícaro y burlonas, y, con ser muy honestas, eran algo descompuestas, por dar lugar que las burlas alegrasen sin enfado. Éstas dieron tanta priesa en sacar a danzar a don Quijote, que le molieron, no sólo el cuerpo, pero el ánima. Era cosa de ver la figura de don Quijote, largo, tendido, flaco, amarillo, estrecho en el vestido, desairado, y, sobre todo, no nada ligero. Requebrábanle como a hurto las damiselas, y él, también como a hurto, las desdeñaba; pero, viéndose apretar de requiebros, alzó la voz y dijo: — Fugite, partes adversae!: dejadme en mi sosiego, pensamientos mal venidos. Allá os avenid, señoras, con vuestros deseos, que la que es reina de los míos, la sin par Dulcinea del Toboso, no consiente que ningunos otros que los suyos me avasallen y rindan. Y, diciendo esto, se sentó en mitad de la sala, en el suelo, molido y quebrantado de tan bailador ejercicio. Hizo don Antonio que le llevasen en peso a su lecho, y el primero que asió dél fue Sancho, diciéndole: — ¡Nora en tal, señor nuestro amo, lo habéis bailado! ¿Pensáis que todos los valientes son danzadores y todos los andantes caballeros bailarines? Digo que si lo pensáis, que estáis engañado; hombre hay que se atreverá a matar a un gigante antes que hacer una cabriola. Si hubiérades de zapatear, yo supliera vuestra falta, que zapateo como un girifalte; pero en lo del danzar, no doy puntada. Con estas y otras razones dio que reír Sancho a los del sarao, y dio con su amo en la cama, arropándole para que sudase la frialdad de su baile. Otro día le pareció a don Antonio ser bien hacer la experiencia de la cabeza encantada, y con don Quijote, Sancho y otros dos amigos, con las dos señoras que habían molido a don Quijote en el baile, que aquella propia noche se habían quedado con la mujer de don Antonio, se encerró en la estancia donde estaba la cabeza. Contóles la propiedad que tenía, encargóles el secreto y díjoles que aquél era el primero día donde se había de probar la virtud de la tal cabeza encantada; y si no eran los dos amigos de don Antonio, ninguna otra persona sabía el busilis del encanto, y aun si don Antonio no se le hubiera descubierto primero a sus amigos, también ellos cayeran en la admiración en que los demás cayeron, sin ser posible otra cosa: con tal traza y tal orden estaba fabricada. El primero que se llegó al oído de la cabeza fue el mismo don Antonio, y díjole en voz sumisa, pero no tanto que de todos no fuese entendida: — Dime, cabeza, por la virtud que en ti se encierra: ¿qué pensamientos tengo yo agora? Y la cabeza le respondió, sin mover los labios, con voz clara y distinta, de modo que fue de todos entendida, esta razón: — Yo no juzgo de pensamientos. Oyendo lo cual, todos quedaron atónitos, y más viendo que en todo el aposento ni al derredor de la mesa no había persona humana que responder pudiese. — ¿Cuántos estamos aquí? —tornó a preguntar don Antonio. Y fuele respondido por el propio tenor, paso: — Estáis tú y tu mujer, con dos amigos tuyos, y dos amigas della, y un caballero famoso llamado don Quijote de la Mancha, y un su escudero que Sancho Panza tiene por nombre. ¡Aquí sí que fue el admirarse de nuevo, aquí sí que fue el erizarse los cabellos a todos de puro espanto! Y, apartándose don Antonio de la cabeza, dijo: — Esto me basta para darme a entender que no fui engañado del que te me vendió, ¡cabeza sabia, cabeza habladora, cabeza respondona y admirable cabeza! Llegue otro y pregúntele lo que quisiere. Y, como las mujeres de ordinario son presurosas y amigas de saber, la primera que se llegó fue una de las dos amigas de la mujer de don Antonio, y lo que le preguntó fue: — Dime, cabeza, ¿qué haré yo para ser muy hermosa? Y fuele respondido: — Sé muy honesta. — No te pregunto más —dijo la preguntanta. Llegó luego la compañera, y dijo: — Querría saber, cabeza, si mi marido me quiere bien, o no. Y respondiéronle: — Mira las obras que te hace, y echarlo has de ver. Apartóse la casada diciendo: — Esta respuesta no tenía necesidad de pregunta, porque, en efecto, las obras que se hacen declaran la voluntad que tiene el que las hace. Luego llegó uno de los dos amigos de don Antonio, y preguntóle: — ¿Quién soy yo? Y fuele respondido: — Tú lo sabes. — No te pregunto eso —respondió el caballero—, sino que me digas si me conoces tú. — Sí conozco —le respondieron—, que eres don Pedro Noriz. — No quiero saber más, pues esto basta para entender, ¡oh cabeza!, que lo sabes todo. Y, apartándose, llegó el otro amigo y preguntóle: — Dime, cabeza, ¿qué deseos tiene mi hijo el mayorazgo? — Ya yo he dicho —le respondieron— que yo no juzgo de deseos, pero, con todo eso, te sé decir que los que tu hijo tiene son de enterrarte. — Eso es —dijo el caballero—: lo que veo por los ojos, con el dedo lo señalo. Y no preguntó más. Llegóse la mujer de don Antonio, y dijo: — Yo no sé, cabeza, qué preguntarte; sólo querría saber de ti si gozaré muchos años de buen marido. Y respondiéronle: — Sí gozarás, porque su salud y su templanza en el vivir prometen muchos años de vida, la cual muchos suelen acortar por su destemplanza. Llegóse luego don Quijote, y dijo: — Dime tú, el que respondes: ¿fue verdad o fue sueño lo que yo cuento que me pasó en la cueva de Montesinos? ¿Serán ciertos los azotes de Sancho mi escudero? ¿Tendrá efeto el desencanto de Dulcinea? — A lo de la cueva —respondieron— hay mucho que decir: de todo tiene; los azotes de Sancho irán de espacio, el desencanto de Dulcinea llegará a debida ejecución. — No quiero saber más —dijo don Quijote—; que como yo vea a Dulcinea desencantada, haré cuenta que vienen de golpe todas las venturas que acertare a desear. El último preguntante fue Sancho, y lo que preguntó fue: — ¿Por ventura, cabeza, tendré otro gobierno? ¿Saldré de la estrecheza de escudero? ¿Volveré a ver a mi mujer y a mis hijos? A lo que le respondieron: — Gobernarás en tu casa; y si vuelves a ella, verás a tu mujer y a tus hijos; y, dejando de servir, dejarás de ser escudero. — ¡Bueno, par Dios! —dijo Sancho Panza—. Esto yo me lo dijera: no dijera más el profeta Perogrullo. — Bestia —dijo don Quijote—, ¿qué quieres que te respondan? ¿No basta que las respuestas que esta cabeza ha dado correspondan a lo que se le pregunta? — Sí basta —respondió Sancho—, pero quisiera yo que se declarara más y me dijera más. Con esto se acabaron las preguntas y las respuestas, pero no se acabó la admiración en que todos quedaron, excepto los dos amigos de don Antonio, que el caso sabían. El cual quiso Cide Hamete Benengeli declarar luego, por no tener suspenso al mundo, creyendo que algún hechicero y extraordinario misterio en la tal cabeza se encerraba; y así, dice que don Antonio Moreno, a imitación de otra cabeza que vio en Madrid, fabricada por un estampero, hizo ésta en su casa, para entretenerse y suspender a los ignorantes; y la fábrica era de esta suerte: la tabla de la mesa era de palo, pintada y barnizada como jaspe, y el pie sobre que se sostenía era de lo mesmo, con cuatro garras de águila que dél salían, para mayor firmeza del peso. La cabeza, que parecía medalla y figura de emperador romano, y de color de bronce, estaba toda hueca, y ni más ni menos la tabla de la mesa, en que se encajaba tan justamente, que ninguna señal de juntura se parecía. El pie de la tabla era ansimesmo hueco, que respondía a la garganta y pechos de la cabeza, y todo esto venía a responder a otro aposento que debajo de la estancia de la cabeza estaba. Por todo este hueco de pie, mesa, garganta y pechos de la medalla y figura referida se encaminaba un cañón de hoja de lata, muy justo, que de nadie podía ser visto. En el aposento de abajo correspondiente al de arriba se ponía el que había de responder, pegada la boca con el mesmo cañón, de modo que, a modo de cerbatana, iba la voz de arriba abajo y de abajo arriba, en palabras articuladas y claras; y de esta manera no era posible conocer el embuste. Un sobrino de don Antonio, estudiante agudo y discreto, fue el respondiente; el cual, estando avisado de su señor tío de los que habían de entrar con él en aquel día en el aposento de la cabeza, le fue fácil responder con presteza y puntualidad a la primera pregunta; a las demás respondió por conjeturas, y, como discreto, discretamente. Y dice más Cide Hamete: que hasta diez o doce días duró esta maravillosa máquina; pero que, divulgándose por la ciudad que don Antonio tenía en su casa una cabeza encantada, que a cuantos le preguntaban respondía, temiendo no llegase a los oídos de las despiertas centinelas de nuestra Fe, habiendo declarado el caso a los señores inquisidores, le mandaron que lo deshiciese y no pasase más adelante, porque el vulgo ignorante no se escandalizase; pero en la opinión de don Quijote y de Sancho Panza, la cabeza quedó por encantada y por respondona, más a satisfación de don Quijote que de Sancho. Los caballeros de la ciudad, por complacer a don Antonio y por agasajar a don Quijote y dar lugar a que descubriese sus sandeces, ordenaron de correr sortija de allí a seis días; que no tuvo efecto por la ocasión que se dirá adelante. Diole gana a don Quijote de pasear la ciudad a la llana y a pie, temiendo que, si iba a caballo, le habían de perseguir los mochachos, y así, él y Sancho, con otros dos criados que don Antonio le dio, salieron a pasearse. Sucedió, pues, que, yendo por una calle, alzó los ojos don Quijote, y vio escrito sobre una puerta, con letras muy grandes: Aquí se imprimen libros; de lo que se contentó mucho, porque hasta entonces no había visto emprenta alguna, y deseaba saber cómo fuese. Entró dentro, con todo su acompañamiento, y vio tirar en una parte, corregir en otra, componer en ésta, enmendar en aquélla, y, finalmente, toda aquella máquina que en las emprentas grandes se muestra. Llegábase don Quijote a un cajón y preguntaba qué era aquéllo que allí se hacía; dábanle cuenta los oficiales, admirábase y pasaba adelante. Llegó en otras a uno, y preguntóle qué era lo que hacía. El oficial le respondió: — Señor, este caballero que aquí está —y enseñóle a un hombre de muy buen talle y parecer y de alguna gravedad— ha traducido un libro toscano en nuestra lengua castellana, y estoyle yo componiendo, para darle a la estampa. — ¿Qué título tiene el libro? —preguntó don Quijote. — A lo que el autor respondió: — Señor, el libro, en toscano, se llama Le bagatele. — Y ¿qué responde le bagatele en nuestro castellano? —preguntó don Quijote. — Le bagatele —dijo el autor— es como si en castellano dijésemos los juguetes; y, aunque este libro es en el nombre humilde, contiene y encierra en sí cosas muy buenas y sustanciales. — Yo —dijo don Quijote— sé algún tanto de el toscano, y me precio de cantar algunas estancias del Ariosto. Pero dígame vuesa merced, señor mío, y no digo esto porque quiero examinar el ingenio de vuestra merced, sino por curiosidad no más: ¿ha hallado en su escritura alguna vez nombrar piñata? — Sí, muchas veces —respondió el autor. — Y ¿cómo la traduce vuestra merced en castellano? —preguntó don Quijote. — ¿Cómo la había de traducir —replicó el autor—, sino diciendo olla? — ¡Cuerpo de tal —dijo don Quijote—, y qué adelante está vuesa merced en el toscano idioma! Yo apostaré una buena apuesta que adonde diga en el toscano piache, dice vuesa merced en el castellano place; y adonde diga più, dice más, y el su declara con arriba, y el giù con abajo. — Sí declaro, por cierto —dijo el autor—, porque ésas son sus propias correspondencias. — Osaré yo jurar —dijo don Quijote— que no es vuesa merced conocido en el mundo, enemigo siempre de premiar los floridos ingenios ni los loables trabajos. ¡Qué de habilidades hay perdidas por ahí! ¡Qué de ingenios arrinconados! ¡Qué de virtudes menospreciadas! Pero, con todo esto, me parece que el traducir de una lengua en otra, como no sea de las reinas de las lenguas, griega y latina, es como quien mira los tapices flamencos por el revés, que, aunque se veen las figuras, son llenas de hilos que las escurecen, y no se veen con la lisura y tez de la haz; y el traducir de lenguas fáciles, ni arguye ingenio ni elocución, como no le arguye el que traslada ni el que copia un papel de otro papel. Y no por esto quiero inferir que no sea loable este ejercicio del traducir; porque en otras cosas peores se podría ocupar el hombre, y que menos provecho le trujesen. Fuera desta cuenta van los dos famosos traductores: el uno, el doctor Cristóbal de Figueroa, en su Pastor Fido, y el otro, don Juan de Jáurigui, en su Aminta, donde felizmente ponen en duda cuál es la tradución o cuál el original. Pero dígame vuestra merced: este libro, ¿imprímese por su cuenta, o tiene ya vendido el privilegio a algún librero? — Por mi cuenta lo imprimo —respondió el autor—, y pienso ganar mil ducados, por lo menos, con esta primera impresión, que ha de ser de dos mil cuerpos, y se han de despachar a seis reales cada uno, en daca las pajas. — ¡Bien está vuesa merced en la cuenta! —respondió don Quijote—. Bien parece que no sabe las entradas y salidas de los impresores, y las correspondencias que hay de unos a otros; yo le prometo que, cuando se vea cargado de dos mil cuerpos de libros, vea tan molido su cuerpo, que se espante, y más si el libro es un poco avieso y no nada picante. — Pues, ¿qué? —dijo el autor—. ¿Quiere vuesa merced que se lo dé a un librero, que me dé por el privilegio tres maravedís, y aún piensa que me hace merced en dármelos? Yo no imprimo mis libros para alcanzar fama en el mundo, que ya en él soy conocido por mis obras: provecho quiero, que sin él no vale un cuatrín la buena fama. — Dios le dé a vuesa merced buena manderecha —respondió don Quijote. Y pasó adelante a otro cajón, donde vio que estaban corrigiendo un pliego de un libro que se intitulaba Luz del alma; y,en viéndole, dijo: — Estos tales libros, aunque hay muchos deste género, son los que se deben imprimir, porque son muchos los pecadores que se usan, y son menester infinitas luces para tantos desalumbrados. Pasó adelante y vio que asimesmo estaban corrigiendo otro libro; y, preguntando su título, le respondieron que se llamaba la Segunda parte del Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha, compuesta por un tal vecino de Tordesillas. — Ya yo tengo noticia deste libro —dijo don Quijote—, y en verdad y en mi conciencia que pensé que ya estaba quemado y hecho polvos, por impertinente; pero su San Martín se le llegará, como a cada puerco, que las historias fingidas tanto tienen de buenas y de deleitables cuanto se llegan a la verdad o la semejanza della, y las verdaderas tanto son mejores cuanto son más verdaderas. Y, diciendo esto, con muestras de algún despecho, se salió de la emprenta. Y aquel mesmo día ordenó don Antonio de llevarle a ver las galeras que en la playa estaban, de que Sancho se regocijó mucho, a causa que en su vida las había visto. Avisó don Antonio al cuatralbo de las galeras como aquella tarde había de llevar a verlas a su huésped el famoso don Quijote de la Mancha, de quien ya el cuatralbo y todos los vecinos de la ciudad tenían noticia; y lo que le sucedió en ellas se dirá en el siguiente capítulo. Capítulo LXIII. De lo mal que le avino a Sancho Panza con la visita de las galeras, y la nueva aventura de la hermosa morisca Grandes eran los discursos que don Quijote hacía sobre la respuesta de la encantada cabeza, sin que ninguno dellos diese en el embuste, y todos paraban con la promesa, que él tuvo por cierto, del desencanto de Dulcinea. Allí iba y venía, y se alegraba entre sí mismo, creyendo que había de ver presto su cumplimiento; y Sancho, aunque aborrecía el ser gobernador, como queda dicho, todavía deseaba volver a mandar y a ser obedecido; que esta mala ventura trae consigo el mando, aunque sea de burlas. En resolución, aquella tarde don Antonio Moreno, su huésped, y sus dos amigos, con don Quijote y Sancho, fueron a las galeras. El cuatralbo, que estaba avisado de su buena venida, por ver a los dos tan famosos Quijote y Sancho, apenas llegaron a la marina, cuando todas las galeras abatieron tienda, y sonaron las chirimías; arrojaron luego el esquife al agua, cubierto de ricos tapetes y de almohadas de terciopelo carmesí, y, en poniendo que puso los pies en él don Quijote, disparó la capitana el cañón de crujía, y las otras galeras hicieron lo mesmo, y, al subir don Quijote por la escala derecha, toda la chusma le saludó como es usanza cuando una persona principal entra en la galera, diciendo: ''¡Hu, hu, hu!'' tres veces. Diole la mano el general, que con este nombre le llamaremos, que era un principal caballero valenciano; abrazó a don Quijote, diciéndole: — Este día señalaré yo con piedra blanca, por ser uno de los mejores que pienso llevar en mi vida, habiendo visto al señor don Quijote de la Mancha: tiempo y señal que nos muestra que en él se encierra y cifra todo el valor del andante caballería. Con otras no menos corteses razones le respondió don Quijote, alegre sobremanera de verse tratar tan a lo señor. Entraron todos en la popa, que estaba muy bien aderezada, y sentáronse por los bandines, pasóse el cómitre en crujía, y dio señal con el pito que la chusma hiciese fuera ropa, que se hizo en un instante. Sancho, que vio tanta gente en cueros, quedó pasmado, y más cuando vio hacer tienda con tanta priesa, que a él le pareció que todos los diablos andaban allí trabajando; pero esto todo fueron tortas y pan pintado para lo que ahora diré. Estaba Sancho sentado sobre el estanterol, junto al espalder de la mano derecha, el cual ya avisado de lo que había de hacer, asió de Sancho, y, levantándole en los brazos, toda la chusma puesta en pie y alerta, comenzando de la derecha banda, le fue dando y volteando sobre los brazos de la chusma de banco en banco, con tanta priesa, que el pobre Sancho perdió la vista de los ojos, y sin duda pensó que los mismos demonios le llevaban, y no pararon con él hasta volverle por la siniestra banda y ponerle en la popa. Quedó el pobre molido, y jadeando, y trasudando, sin poder imaginar qué fue lo que sucedido le había. Don Quijote, que vio el vuelo sin alas de Sancho, preguntó al general si eran ceremonias aquéllas que se usaban con los primeros que entraban en las galeras; porque si acaso lo fuese, él, que no tenía intención de profesar en ellas, no quería hacer semejantes ejercicios, y que votaba a Dios que, si alguno llegaba a asirle para voltearle, que le había de sacar el alma a puntillazos; y, diciendo esto, se levantó en pie y empuñó la espada. A este instante abatieron tienda, y con grandísimo ruido dejaron caer la entena de alto abajo. Pensó Sancho que el cielo se desencajaba de sus quicios y venía a dar sobre su cabeza; y, agobiándola, lleno de miedo, la puso entre las piernas. No las tuvo todas consigo don Quijote; que también se estremeció y encogió de hombros y perdió la color del rostro. La chusma izó la entena con la misma priesa y ruido que la habían amainado, y todo esto, callando, como si no tuvieran voz ni aliento. Hizo señal el cómitre que zarpasen el ferro, y, saltando en mitad de la crujía con el corbacho o rebenque, comenzó a mosquear las espaldas de la chusma, y a largarse poco a poco a la mar. Cuando Sancho vio a una moverse tantos pies colorados, que tales pensó él que eran los remos, dijo entre sí: — Éstas sí son verdaderamente cosas encantadas, y no las que mi amo dice. ¿Qué han hecho estos desdichados, que ansí los azotan, y cómo este hombre solo, que anda por aquí silbando, tiene atrevimiento para azotar a tanta gente? Ahora yo digo que éste es infierno, o, por lo menos, el purgatorio. Don Quijote, que vio la atención con que Sancho miraba lo que pasaba, le dijo: — ¡Ah Sancho amigo, y con qué brevedad y cuán a poca costa os podíades vos, si quisiésedes, desnudar de medio cuerpo arriba, y poneros entre estos señores, y acabar con el desencanto de Dulcinea! Pues con la miseria y pena de tantos, no sentiríades vos mucho la vuestra; y más, que podría ser que el sabio Merlín tomase en cuenta cada azote déstos, por ser dados de buena mano, por diez de los que vos finalmente os habéis de dar. Preguntar quería el general qué azotes eran aquéllos, o qué desencanto de Dulcinea, cuando dijo el marinero: — Señal hace Monjuí de que hay bajel de remos en la costa por la banda del poniente. Esto oído, saltó el general en la crujía, y dijo: — ¡Ea hijos, no se nos vaya! Algún bergantín de cosarios de Argel debe de ser éste que la atalaya nos señala. Llegáronse luego las otras tres galeras a la capitana, a saber lo que se les ordenaba. Mandó el general que las dos saliesen a la mar, y él con la otra iría tierra a tierra, porque ansí el bajel no se les escaparía. Apretó la chusma los remos, impeliendo las galeras con tanta furia, que parecía que volaban. Las que salieron a la mar, a obra de dos millas descubrieron un bajel, que con la vista le marcaron por de hasta catorce o quince bancos, y así era la verdad; el cual bajel, cuando descubrió las galeras, se puso en caza, con intención y esperanza de escaparse por su ligereza; pero avínole mal, porque la galera capitana era de los más ligeros bajeles que en la mar navegaban, y así le fue entrando, que claramente los del bergantín conocieron que no podían escaparse; y así, el arráez quisiera que dejaran los remos y se entregaran, por no irritar a enojo al capitán que nuestras galeras regía. Pero la suerte, que de otra manera lo guiaba, ordenó que, ya que la capitana llegaba tan cerca que podían los del bajel oír las voces que desde ella les decían que se rindiesen, dos toraquís, que es como decir dos turcos borrachos, que en el bergantín venían con estos doce, dispararon dos escopetas, con que dieron muerte a dos soldados que sobre nuestras arrumbadas venían. Viendo lo cual, juró el general de no dejar con vida a todos cuantos en el bajel tomase, y, llegando a embestir con toda furia, se le escapó por debajo de la palamenta. Pasó la galera adelante un buen trecho; los del bajel se vieron perdidos, hicieron vela en tanto que la galera volvía, y de nuevo, a vela y a remo, se pusieron en caza; pero no les aprovechó su diligencia tanto como les dañó su atrevimiento, porque, alcanzándoles la capitana a poco más de media milla, les echó la palamenta encima y los cogió vivos a todos. Llegaron en esto las otras dos galeras, y todas cuatro con la presa volvieron a la playa, donde infinita gente los estaba esperando, deseosos de ver lo que traían. Dio fondo el general cerca de tierra, y conoció que estaba en la marina el virrey de la ciudad. Mandó echar el esquife para traerle, y mandó amainar la entena para ahorcar luego luego al arráez y a los demás turcos que en el bajel había cogido, que serían hasta treinta y seis personas, todos gallardos, y los más, escopeteros turcos. Preguntó el general quién era el arráez del bergantín y fuele respondido por uno de los cautivos, en lengua castellana, que después pareció ser renegado español: — Este mancebo, señor, que aquí vees es nuestro arráez. Y mostróle uno de los más bellos y gallardos mozos que pudiera pintar la humana imaginación. La edad, al parecer, no llegaba a veinte años. Preguntóle el general: — Dime, mal aconsejado perro, ¿quién te movió a matarme mis soldados, pues veías ser imposible el escaparte? ¿Ese respeto se guarda a las capitanas? ¿No sabes tú que no es valentía la temeridad? Las esperanzas dudosas han de hacer a los hombres atrevidos, pero no temerarios. Responder quería el arráez; pero no pudo el general, por entonces, oír la respuesta, por acudir a recebir al virrey, que ya entraba en la galera, con el cual entraron algunos de sus criados y algunas personas del pueblo. — ¡Buena ha estado la caza, señor general! —dijo el virrey. — Y tan buena —respondió el general— cual la verá Vuestra Excelencia agora colgada de esta entena. — ¿Cómo ansí? —replicó el virrey. — Porque me han muerto —respondió el general—, contra toda ley y contra toda razón y usanza de guerra, dos soldados de los mejores que en estas galeras venían, y yo he jurado de ahorcar a cuantos he cautivado, principalmente a este mozo, que es el arráez del bergantín. Y enseñóle al que ya tenía atadas las manos y echado el cordel a la garganta, esperando la muerte. Miróle el virrey, y, viéndole tan hermoso, y tan gallardo, y tan humilde, dándole en aquel instante una carta de recomendación su hermosura, le vino deseo de escusar su muerte; y así, le preguntó: — Dime, arráez, ¿eres turco de nación, o moro, o renegado? A lo cual el mozo respondió, en lengua asimesmo castellana: — Ni soy turco de nación, ni moro, ni renegado. — Pues, ¿qué eres? —replicó el virrey. — Mujer cristiana —respondió el mancebo. — ¿Mujer y cristiana, y en tal traje y en tales pasos? Más es cosa para admirarla que para creerla. — Suspended —dijo el mozo—, ¡oh señores!, la ejecución de mi muerte, que no se perderá mucho en que se dilate vuestra venganza en tanto que yo os cuente mi vida. ¿Quién fuera el de corazón tan duro que con estas razones no se ablandara, o, a lo menos, hasta oír las que el triste y lastimado mancebo decir quería? El general le dijo que dijese lo que quisiese, pero que no esperase alcanzar perdón de su conocida culpa. Con esta licencia, el mozo comenzó a decir desta manera: — «De aquella nación más desdichada que prudente, sobre quien ha llovido estos días un mar de desgracias, nací yo, de moriscos padres engendrada. En la corriente de su desventura fui yo por dos tíos míos llevada a Berbería, sin que me aprovechase decir que era cristiana, como, en efecto, lo soy, y no de las fingidas ni aparentes, sino de las verdaderas y católicas. No me valió, con los que tenían a cargo nuestro miserable destierro, decir esta verdad, ni mis tíos quisieron creerla; antes la tuvieron por mentira y por invención para quedarme en la tierra donde había nacido, y así, por fuerza más que por grado, me trujeron consigo. Tuve una madre cristiana y un padre discreto y cristiano, ni más ni menos; mamé la fe católica en la leche; criéme con buenas costumbres; ni en la lengua ni en ellas jamás, a mi parecer, di señales de ser morisca. Al par y al paso destas virtudes, que yo creo que lo son, creció mi hermosura, si es que tengo alguna; y, aunque mi recato y mi encerramiento fue mucho, no debió de ser tanto que no tuviese lugar de verme un mancebo caballero, llamado don Gaspar Gregorio, hijo mayorazgo de un caballero que junto a nuestro lugar otro suyo tiene. Cómo me vio, cómo nos hablamos, cómo se vio perdido por mí y cómo yo no muy ganada por él, sería largo de contar, y más en tiempo que estoy temiendo que, entre la lengua y la garganta, se ha de atravesar el riguroso cordel que me amenaza; y así, sólo diré cómo en nuestro destierro quiso acompañarme don Gregorio. Mezclóse con los moriscos que de otros lugares salieron, porque sabía muy bien la lengua, y en el viaje se hizo amigo de dos tíos míos que consigo me traían; porque mi padre, prudente y prevenido, así como oyó el primer bando de nuestro destierro, se salió del lugar y se fue a buscar alguno en los reinos estraños que nos acogiese. Dejó encerradas y enterradas, en una parte de quien yo sola tengo noticia, muchas perlas y piedras de gran valor, con algunos dineros en cruzados y doblones de oro. Mandóme que no tocase al tesoro que dejaba en ninguna manera, si acaso antes que él volviese nos desterraban. Hícelo así, y con mis tíos, como tengo dicho, y otros parientes y allegados pasamos a Berbería; y el lugar donde hicimos asiento fue en Argel, como si le hiciéramos en el mismo infierno. Tuvo noticia el rey de mi hermosura, y la fama se la dio de mis riquezas, que, en parte, fue ventura mía. Llamóme ante sí, preguntóme de qué parte de España era y qué dineros y qué joyas traía. Díjele el lugar, y que las joyas y dineros quedaban en él enterrados, pero que con facilidad se podrían cobrar si yo misma volviese por ellos. Todo esto le dije, temerosa de que no le cegase mi hermosura, sino su codicia. Estando conmigo en estas pláticas, le llegaron a decir cómo venía conmigo uno de los más gallardos y hermosos mancebos que se podía imaginar. Luego entendí que lo decían por don Gaspar Gregorio, cuya belleza se deja atrás las mayores que encarecer se pueden. Turbéme, considerando el peligro que don Gregorio corría, porque entre aquellos bárbaros turcos en más se tiene y estima un mochacho o mancebo hermoso que una mujer, por bellísima que sea. Mandó luego el rey que se le trujesen allí delante para verle, y preguntóme si era verdad lo que de aquel mozo le decían. Entonces yo, casi como prevenida del cielo, le dije que sí era; pero que le hacía saber que no era varón, sino mujer como yo, y que le suplicaba me la dejase ir a vestir en su natural traje, para que de todo en todo mostrase su belleza y con menos empacho pareciese ante su presencia. Díjome que fuese en buena hora, y que otro día hablaríamos en el modo que se podía tener para que yo volviese a España a sacar el escondido tesoro. Hablé con don Gaspar, contéle el peligro que corría el mostrar ser hombre; vestíle de mora, y aquella mesma tarde le truje a la presencia del rey, el cual, en viéndole, quedó admirado y hizo disignio de guardarla para hacer presente della al Gran Señor; y, por huir del peligro que en el serrallo de sus mujeres podía tener y temer de sí mismo, la mandó poner en casa de unas principales moras que la guardasen y la sirviesen, adonde le llevaron luego. Lo que los dos sentimos (que no puedo negar que no le quiero) se deje a la consideración de los que se apartan si bien se quieren. Dio luego traza el rey de que yo volviese a España en este bergantín y que me acompañasen dos turcos de nación, que fueron los que mataron vuestros soldados. Vino también conmigo este renegado español —señalando al que había hablado primero—, del cual sé yo bien que es cristiano encubierto y que viene con más deseo de quedarse en España que de volver a Berbería; la demás chusma del bergantín son moros y turcos, que no sirven de más que de bogar al remo. Los dos turcos, codiciosos e insolentes, sin guardar el orden que traíamos de que a mí y a este renegado en la primer parte de España, en hábito de cristianos, de que venimos proveídos, nos echasen en tierra, primero quisieron barrer esta costa y hacer alguna presa, si pudiesen, temiendo que si primero nos echaban en tierra, por algún acidente que a los dos nos sucediese, podríamos descubrir que quedaba el bergantín en la mar, y si acaso hubiese galeras por esta costa, los tomasen. Anoche descubrimos esta playa, y, sin tener noticia destas cuatro galeras, fuimos descubiertos, y nos ha sucedido lo que habéis visto. En resolución: don Gregorio queda en hábito de mujer entre mujeres, con manifiesto peligro de perderse, y yo me veo atadas las manos, esperando, o, por mejor decir, temiendo perder la vida, que ya me cansa.» Éste es, señores, el fin de mi lamentable historia, tan verdadera como desdichada; lo que os ruego es que me dejéis morir como cristiana, pues, como ya he dicho, en ninguna cosa he sido culpante de la culpa en que los de mi nación han caído. Y luego calló, preñados los ojos de tiernas lágrimas, a quien acompañaron muchas de los que presentes estaban. El virrey, tierno y compasivo, sin hablarle palabra, se llegó a ella y le quitó con sus manos el cordel que las hermosas de la mora ligaba. En tanto, pues, que la morisca cristiana su peregrina historia trataba, tuvo clavados los ojos en ella un anciano peregrino que entró en la galera cuando entró el virrey; y, apenas dio fin a su plática la morisca, cuando él se arrojó a sus pies, y, abrazado dellos, con interrumpidas palabras de mil sollozos y suspiros, le dijo: — ¡Oh Ana Félix, desdichada hija mía! Yo soy tu padre Ricote, que volvía a buscarte por no poder vivir sin ti, que eres mi alma. A cuyas palabras abrió los ojos Sancho, y alzó la cabeza (que inclinada tenía, pensando en la desgracia de su paseo), y, mirando al peregrino, conoció ser el mismo Ricote que topó el día que salió de su gobierno, y confirmóse que aquélla era su hija, la cual, ya desatada, abrazó a su padre, mezclando sus lágrimas con las suyas; el cual dijo al general y al virrey: — Ésta, señores, es mi hija, más desdichada en sus sucesos que en su nombre. Ana Félix se llama, con el sobrenombre de Ricote, famosa tanto por su hermosura como por mi riqueza. Yo salí de mi patria a buscar en reinos estraños quien nos albergase y recogiese, y, habiéndole hallado en Alemania, volví en este hábito de peregrino, en compañía de otros alemanes, a buscar mi hija y a desenterrar muchas riquezas que dejé escondidas. No hallé a mi hija; hallé el tesoro, que conmigo traigo, y agora, por el estraño rodeo que habéis visto, he hallado el tesoro que más me enriquece, que es a mi querida hija. Si nuestra poca culpa y sus lágrimas y las mías, por la integridad de vuestra justicia, pueden abrir puertas a la misericordia, usadla con nosotros, que jamás tuvimos pensamiento de ofenderos, ni convenimos en ningún modo con la intención de los nuestros, que justamente han sido desterrados. Entonces dijo Sancho: — Bien conozco a Ricote, y sé que es verdad lo que dice en cuanto a ser Ana Félix su hija; que en esotras zarandajas de ir y venir, tener buena o mala intención, no me entremeto. Admirados del estraño caso todos los presentes, el general dijo: — Una por una vuestras lágrimas no me dejarán cumplir mi juramento: vivid, hermosa Ana Félix, los años de vida que os tiene determinados el cielo, y lleven la pena de su culpa los insolentes y atrevidos que la cometieron. Y mandó luego ahorcar de la entena a los dos turcos que a sus dos soldados habían muerto; pero el virrey le pidió encarecidamente no los ahorcase, pues más locura que valentía había sido la suya. Hizo el general lo que el virrey le pedía, porque no se ejecutan bien las venganzas a sangre helada. Procuraron luego dar traza de sacar a don Gaspar Gregorio del peligro en que quedaba. Ofreció Ricote para ello más de dos mil ducados que en perlas y en joyas tenía. Diéronse muchos medios, pero ninguno fue tal como el que dio el renegado español que se ha dicho, el cual se ofreció de volver a Argel en algún barco pequeño, de hasta seis bancos, armado de remeros cristianos, porque él sabía dónde, cómo y cuándo podía y debía desembarcar, y asimismo no ignoraba la casa donde don Gaspar quedaba. Dudaron el general y el virrey el fiarse del renegado, ni confiar de los cristianos que habían de bogar el remo; fióle Ana Félix, y Ricote, su padre, dijo que salía a dar el rescate de los cristianos, si acaso se perdiesen. Firmados, pues, en este parecer, se desembarcó el virrey, y don Antonio Moreno se llevó consigo a la morisca y a su padre, encargándole el virrey que los regalase y acariciase cuanto le fuese posible; que de su parte le ofrecía lo que en su casa hubiese para su regalo. Tanta fue la benevolencia y caridad que la hermosura de Ana Félix infundió en su pecho. Capítulo LXIV. Que trata de la aventura que más pesadumbre dio a don Quijote de cuantas hasta entonces le habían sucedido La mujer de don Antonio Moreno cuenta la historia que recibió grandísimo contento de ver a Ana Félix en su casa. Recibióla con mucho agrado, así enamorada de su belleza como de su discreción, porque en lo uno y en lo otro era estremada la morisca, y toda la gente de la ciudad, como a campana tañida, venían a verla. Dijo don Quijote a don Antonio que el parecer que habían tomado en la libertad de don Gregorio no era bueno, porque tenía más de peligroso que de conveniente, y que sería mejor que le pusiesen a él en Berbería con sus armas y caballo; que él le sacaría a pesar de toda la morisma, como había hecho don Gaiferos a su esposa Melisendra. — Advierta vuesa merced —dijo Sancho, oyendo esto— que el señor don Gaiferos sacó a sus esposa de tierra firme y la llevó a Francia por tierra firme; pero aquí, si acaso sacamos a don Gregorio, no tenemos por dónde traerle a España, pues está la mar en medio. — Para todo hay remedio, si no es para la muerte —respondió don Quijote—; pues, llegando el barco a la marina, nos podremos embarcar en él, aunque todo el mundo lo impida. — Muy bien lo pinta y facilita vuestra merced —dijo Sancho—, pero del dicho al hecho hay gran trecho, y yo me atengo al renegado, que me parece muy hombre de bien y de muy buenas entrañas. Don Antonio dijo que si el renegado no saliese bien del caso, se tomaría el espediente de que el gran don Quijote pasase en Berbería. De allí a dos días partió el renegado en un ligero barco de seis remos por banda, armado de valentísima chusma; y de allí a otros dos se partieron las galeras a Levante, habiendo pedido el general al visorrey fuese servido de avisarle de lo que sucediese en la libertad de don Gregorio y en el caso de Ana Félix; quedó el visorrey de hacerlo así como se lo pedía. Y una mañana, saliendo don Quijote a pasearse por la playa armado de todas sus armas, porque, como muchas veces decía, ellas eran sus arreos, y su descanso el pelear, y no se hallaba sin ellas un punto, vio venir hacía él un caballero, armado asimismo de punta en blanco, que en el escudo traía pintada una luna resplandeciente; el cual, llegándose a trecho que podía ser oído, en altas voces, encaminando sus razones a don Quijote, dijo: — Insigne caballero y jamás como se debe alabado don Quijote de la Mancha, yo soy el Caballero de la Blanca Luna, cuyas inauditas hazañas quizá te le habrán traído a la memoria. Vengo a contender contigo y a probar la fuerza de tus brazos, en razón de hacerte conocer y confesar que mi dama, sea quien fuere, es sin comparación más hermosa que tu Dulcinea del Toboso; la cual verdad si tú la confiesas de llano en llano, escusarás tu muerte y el trabajo que yo he de tomar en dártela; y si tú peleares y yo te venciere, no quiero otra satisfación sino que, dejando las armas y absteniéndote de buscar aventuras, te recojas y retires a tu lugar por tiempo de un año, donde has de vivir sin echar mano a la espada, en paz tranquila y en provechoso sosiego, porque así conviene al aumento de tu hacienda y a la salvación de tu alma; y si tú me vencieres, quedará a tu discreción mi cabeza, y serán tuyos los despojos de mis armas y caballo, y pasará a la tuya la fama de mis hazañas. Mira lo que te está mejor, y respóndeme luego, porque hoy todo el día traigo de término para despachar este negocio. Don Quijote quedó suspenso y atónito, así de la arrogancia del Caballero de la Blanca Luna como de la causa por que le desafiaba; y con reposo y ademán severo le respondió: — Caballero de la Blanca Luna, cuyas hazañas hasta agora no han llegado a mi noticia, yo osaré jurar que jamás habéis visto a la ilustre Dulcinea; que si visto la hubiérades, yo sé que procurárades no poneros en esta demanda, porque su vista os desengañara de que no ha habido ni puede haber belleza que con la suya comparar se pueda; y así, no diciéndoos que mentís, sino que no acertáis en lo propuesto, con las condiciones que habéis referido, aceto vuestro desafío, y luego, porque no se pase el día que traéis determinado; y sólo exceto de las condiciones la de que se pase a mí la fama de vuestras hazañas, porque no sé cuáles ni qué tales sean: con las mías me contento, tales cuales ellas son. Tomad, pues, la parte del campo que quisiéredes, que yo haré lo mesmo, y a quien Dios se la diere, San Pedro se la bendiga. Habían descubierto de la ciudad al Caballero de la Blanca Luna, y díchoselo al visorrey que estaba hablando con don Quijote de la Mancha. El visorrey, creyendo sería alguna nueva aventura fabricada por don Antonio Moreno, o por otro algún caballero de la ciudad, salió luego a la playa con don Antonio y con otros muchos caballeros que le acompañaban, a tiempo cuando don Quijote volvía las riendas a Rocinante para tomar del campo lo necesario. Viendo, pues, el visorrey que daban los dos señales de volverse a encontrar, se puso en medio, preguntándoles qué era la causa que les movía a hacer tan de improviso batalla. El Caballero de la Blanca Luna respondió que era precedencia de hermosura, y en breves razones le dijo las mismas que había dicho a don Quijote, con la acetación de las condiciones del desafío hechas por entrambas partes. Llegóse el visorrey a don Antonio, y preguntóle paso si sabía quién era el tal Caballero de la Blanca Luna, o si era alguna burla que querían hacer a don Quijote. Don Antonio le respondió que ni sabía quién era, ni si era de burlas ni de veras el tal desafío. Esta respuesta tuvo perplejo al visorrey en si les dejaría o no pasar adelante en la batalla; pero, no pudiéndose persuadir a que fuese sino burla, se apartó diciendo: — Señores caballeros, si aquí no hay otro remedio sino confesar o morir, y el señor don Quijote está en sus trece y vuestra merced el de la Blanca Luna en sus catorce, a la mano de Dios, y dense. Agradeció el de la Blanca Luna con corteses y discretas razones al visorrey la licencia que se les daba, y don Quijote hizo lo mesmo; el cual, encomendándose al cielo de todo corazón y a su Dulcinea —como tenía de costumbre al comenzar de las batallas que se le ofrecían—, tornó a tomar otro poco más del campo, porque vio que su contrario hacía lo mesmo, y, sin tocar trompeta ni otro instrumento bélico que les diese señal de arremeter, volvieron entrambos a un mesmo punto las riendas a sus caballos; y, como era más ligero el de la Blanca Luna, llegó a don Quijote a dos tercios andados de la carrera, y allí le encontró con tan poderosa fuerza, sin tocarle con la lanza (que la levantó, al parecer, de propósito), que dio con Rocinante y con don Quijote por el suelo una peligrosa caída. Fue luego sobre él, y, poniéndole la lanza sobre la visera, le dijo: — Vencido sois, caballero, y aun muerto, si no confesáis las condiciones de nuestro desafío. Don Quijote, molido y aturdido, sin alzarse la visera, como si hablara dentro de una tumba, con voz debilitada y enferma, dijo: — Dulcinea del Toboso es la más hermosa mujer del mundo, y yo el más desdichado caballero de la tierra, y no es bien que mi flaqueza defraude esta verdad. Aprieta, caballero, la lanza, y quítame la vida, pues me has quitado la honra. — Eso no haré yo, por cierto —dijo el de la Blanca Luna—: viva, viva en su entereza la fama de la hermosura de la señora Dulcinea del Toboso, que sólo me contento con que el gran don Quijote se retire a su lugar un año, o hasta el tiempo que por mí le fuere mandado, como concertamos antes de entrar en esta batalla. Todo esto oyeron el visorrey y don Antonio, con otros muchos que allí estaban, y oyeron asimismo que don Quijote respondió que como no le pidiese cosa que fuese en perjuicio de Dulcinea, todo lo demás cumpliría como caballero puntual y verdadero. Hecha esta confesión, volvió las riendas el de la Blanca Luna, y, haciendo mesura con la cabeza al visorrey, a medio galope se entró en la ciudad. Mandó el visorrey a don Antonio que fuese tras él, y que en todas maneras supiese quién era. Levantaron a don Quijote, descubriéronle el rostro y halláronle sin color y trasudando. Rocinante, de puro malparado, no se pudo mover por entonces. Sancho, todo triste, todo apesarado, no sabía qué decirse ni qué hacerse: parecíale que todo aquel suceso pasaba en sueños y que toda aquella máquina era cosa de encantamento. Veía a su señor rendido y obligado a no tomar armas en un año; imaginaba la luz de la gloria de sus hazañas escurecida, las esperanzas de sus nuevas promesas deshechas, como se deshace el humo con el viento. Temía si quedaría o no contrecho Rocinante, o deslocado su amo; que no fuera poca ventura si deslocado quedara. Finalmente, con una silla de manos, que mandó traer el visorrey, le llevaron a la ciudad, y el visorrey se volvió también a ella, con deseo de saber quién fuese el Caballero de la Blanca Luna, que de tan mal talante había dejado a don Quijote. Capítulo LXV. Donde se da noticia quién era el de la Blanca Luna, con la libertad de Don Gregorio, y de otros sucesos Siguió don Antonio Moreno al Caballero de la Blanca Luna, y siguiéronle también, y aun persiguiéronle, muchos muchachos, hasta que le cerraron en un mesón dentro de la ciudad. Entró el don Antonio con deseo de conocerle; salió un escudero a recebirle y a desarmarle; encerróse en una sala baja, y con él don Antonio, que no se le cocía el pan hasta saber quién fuese. Viendo, pues, el de la Blanca Luna que aquel caballero no le dejaba, le dijo: — Bien sé, señor, a lo que venís, que es a saber quién soy; y, porque no hay para qué negároslo, en tanto que este mi criado me desarma os lo diré, sin faltar un punto a la verdad del caso. Sabed, señor, que a mí me llaman el bachiller Sansón Carrasco; soy del mesmo lugar de don Quijote de la Mancha, cuya locura y sandez mueve a que le tengamos lástima todos cuantos le conocemos, y entre los que más se la han tenido he sido yo; y, creyendo que está su salud en su reposo y en que se esté en su tierra y en su casa, di traza para hacerle estar en ella; y así, habrá tres meses que le salí al camino como caballero andante, llamándome el Caballero de los Espejos, con intención de pelear con él y vencerle, sin hacerle daño, poniendo por condición de nuestra pelea que el vencido quedase a discreción del vencedor; y lo que yo pensaba pedirle, porque ya le juzgaba por vencido, era que se volviese a su lugar y que no saliese dél en todo un año, en el cual tiempo podría ser curado; pero la suerte lo ordenó de otra manera, porque él me venció a mí y me derribó del caballo, y así, no tuvo efecto mi pensamiento: él prosiguió su camino, y yo me volví, vencido, corrido y molido de la caída, que fue además peligrosa; pero no por esto se me quitó el deseo de volver a buscarle y a vencerle, como hoy se ha visto. Y como él es tan puntual en guardar las órdenes de la andante caballería, sin duda alguna guardará la que le he dado, en cumplimiento de su palabra. Esto es, señor, lo que pasa, sin que tenga que deciros otra cosa alguna; suplícoos no me descubráis ni le digáis a don Quijote quién soy, porque tengan efecto los buenos pensamientos míos y vuelva a cobrar su juicio un hombre que le tiene bonísimo, como le dejen las sandeces de la caballería. — ¡Oh señor —dijo don Antonio—, Dios os perdone el agravio que habéis hecho a todo el mundo en querer volver cuerdo al más gracioso loco que hay en él! ¿No veis, señor, que no podrá llegar el provecho que cause la cordura de don Quijote a lo que llega el gusto que da con sus desvaríos? Pero yo imagino que toda la industria del señor bachiller no ha de ser parte para volver cuerdo a un hombre tan rematadamente loco; y si no fuese contra caridad, diría que nunca sane don Quijote, porque con su salud, no solamente perdemos sus gracias, sino las de Sancho Panza, su escudero, que cualquiera dellas puede volver a alegrar a la misma melancolía. Con todo esto, callaré, y no le diré nada, por ver si salgo verdadero en sospechar que no ha de tener efecto la diligencia hecha por el señor Carrasco. El cual respondió que ya una por una estaba en buen punto aquel negocio, de quien esperaba feliz suceso. Y, habiéndose ofrecido don Antonio de hacer lo que más le mandase, se despidió dél; y, hecho liar sus armas sobre un macho, luego al mismo punto, sobre el caballo con que entró en la batalla, se salió de la ciudad aquel mismo día y se volvió a su patria, sin sucederle cosa que obligue a contarla en esta verdadera historia. Contó don Antonio al visorrey todo lo que Carrasco le había contado, de lo que el visorrey no recibió mucho gusto, porque en el recogimiento de don Quijote se perdía el que podían tener todos aquellos que de sus locuras tuviesen noticia. Seis días estuvo don Quijote en el lecho, marrido, triste, pensativo y mal acondicionado, yendo y viniendo con la imaginación en el desdichado suceso de su vencimiento. Consolábale Sancho, y, entre otras razones, le dijo: — Señor mío, alce vuestra merced la cabeza y alégrese, si puede, y dé gracias al cielo que, ya que le derribó en la tierra, no salió con alguna costilla quebrada; y, pues sabe que donde las dan las toman, y que no siempre hay tocinos donde hay estacas, dé una higa al médico, pues no le ha menester para que le cure en esta enfermedad: volvámonos a nuestra casa y dejémonos de andar buscando aventuras por tierras y lugares que no sabemos; y, si bien se considera, yo soy aquí el más perdidoso, aunque es vuestra merced el más mal parado. Yo, que dejé con el gobierno los deseos de ser más gobernador, no dejé la gana de ser conde, que jamás tendrá efecto si vuesa merced deja de ser rey, dejando el ejercicio de su caballería; y así, vienen a volverse en humo mis esperanzas. — Calla, Sancho, pues ves que mi reclusión y retirada no ha de pasar de un año; que luego volveré a mis honrados ejercicios, y no me ha de faltar reino que gane y algún condado que darte. — Dios lo oiga —dijo Sancho—, y el pecado sea sordo, que siempre he oído decir que más vale buena esperanza que ruin posesión. En esto estaban cuando entró don Antonio, diciendo con muestras de grandísimo contento: — ¡Albricias, señor don Quijote, que don Gregorio y el renegado que fue por él está en la playa! ¿Qué digo en la playa? Ya está en casa del visorrey, y será aquí al momento. Alegróse algún tanto don Quijote, y dijo: — En verdad que estoy por decir que me holgara que hubiera sucedido todo al revés, porque me obligara a pasar en Berbería, donde con la fuerza de mi brazo diera libertad no sólo a don Gregorio, sino a cuantos cristianos cautivos hay en Berbería. Pero, ¿qué digo, miserable? ¿No soy yo el vencido? ¿No soy yo el derribado? ¿No soy yo el que no puede tomar arma en un año? Pues, ¿qué prometo? ¿De qué me alabo, si antes me conviene usar de la rueca que de la espada? — Déjese deso, señor —dijo Sancho—: viva la gallina, aunque con su pepita, que hoy por ti y mañana por mí; y en estas cosas de encuentros y porrazos no hay tomarles tiento alguno, pues el que hoy cae puede levantarse mañana, si no es que se quiere estar en la cama; quiero decir que se deje desmayar, sin cobrar nuevos bríos para nuevas pendencias. Y levántese vuestra merced agora para recebir a don Gregorio, que me parece que anda la gente alborotada, y ya debe de estar en casa. Y así era la verdad; porque, habiendo ya dado cuenta don Gregorio y el renegado al visorrey de su ida y vuelta, deseoso don Gregorio de ver a Ana Félix, vino con el renegado a casa de don Antonio; y, aunque don Gregorio, cuando le sacaron de Argel, fue con hábitos de mujer, en el barco los trocó por los de un cautivo que salió consigo; pero en cualquiera que viniera, mostrara ser persona para ser codiciada, servida y estimada, porque era hermoso sobremanera, y la edad, al parecer, de diez y siete o diez y ocho años. Ricote y su hija salieron a recebirle: el padre con lágrimas y la hija con honestidad. No se abrazaron unos a otros, porque donde hay mucho amor no suele haber demasiada desenvoltura. Las dos bellezas juntas de don Gregorio y Ana Félix admiraron en particular a todos juntos los que presentes estaban. El silencio fue allí el que habló por los dos amantes, y los ojos fueron las lenguas que descubrieron sus alegres y honestos pensamientos. Contó el renegado la industria y medio que tuvo para sacar a don Gregorio; contó don Gregorio los peligros y aprietos en que se había visto con las mujeres con quien había quedado, no con largo razonamiento, sino con breves palabras, donde mostró que su discreción se adelantaba a sus años. Finalmente, Ricote pagó y satisfizo liberalmente así al renegado como a los que habían bogado al remo. Reincorporóse y redújose el renegado con la Iglesia, y, de miembro podrido, volvió limpio y sano con la penitencia y el arrepentimiento. De allí a dos días trató el visorrey con don Antonio qué modo tendrían para que Ana Félix y su padre quedasen en España, pareciéndoles no ser de inconveniente alguno que quedasen en ella hija tan cristiana y padre, al parecer, tan bien intencionado. Don Antonio se ofreció venir a la corte a negociarlo, donde había de venir forzosamente a otros negocios, dando a entender que en ella, por medio del favor y de las dádivas, muchas cosas dificultosas se acaban. — No —dijo Ricote, que se halló presente a esta plática— hay que esperar en favores ni en dádivas, porque con el gran don Bernardino de Velasco, conde de Salazar, a quien dio Su Majestad cargo de nuestra expulsión, no valen ruegos, no promesas, no dádivas, no lástimas; porque, aunque es verdad que él mezcla la misericordia con la justicia, como él vee que todo el cuerpo de nuestra nación está contaminado y podrido, usa con él antes del cauterio que abrasa que del ungüento que molifica; y así, con prudencia, con sagacidad, con diligencia y con miedos que pone, ha llevado sobre sus fuertes hombros a debida ejecución el peso desta gran máquina, sin que nuestras industrias, estratagemas, solicitudes y fraudes hayan podido deslumbrar sus ojos de Argos, que contino tiene alerta, porque no se le quede ni encubra ninguno de los nuestros, que, como raíz escondida, que con el tiempo venga después a brotar, y a echar frutos venenosos en España, ya limpia, ya desembarazada de los temores en que nuestra muchedumbre la tenía. ¡Heroica resolución del gran Filipo Tercero, y inaudita prudencia en haberla encargado al tal don Bernardino de Velasco! — Una por una, yo haré, puesto allá, las diligencias posibles, y haga el cielo lo que más fuere servido —dijo don Antonio—. Don Gregorio se irá conmigo a consolar la pena que sus padres deben tener por su ausencia; Ana Félix se quedará con mi mujer en mi casa, o en un monasterio, y yo sé que el señor visorrey gustará se quede en la suya el buen Ricote, hasta ver cómo yo negocio. El visorrey consintió en todo lo propuesto, pero don Gregorio, sabiendo lo que pasaba, dijo que en ninguna manera podía ni quería dejar a doña Ana Félix; pero, teniendo intención de ver a sus padres, y de dar traza de volver por ella, vino en el decretado concierto. Quedóse Ana Félix con la mujer de don Antonio, y Ricote en casa del visorrey. Llegóse el día de la partida de don Antonio, y el de don Quijote y Sancho, que fue de allí a otros dos; que la caída no le concedió que más presto se pusiese en camino. Hubo lágrimas, hubo suspiros, desmayos y sollozos al despedirse don Gregorio de Ana Félix. Ofrecióle Ricote a don Gregorio mil escudos, si los quería; pero él no tomó ninguno, sino solos cinco que le prestó don Antonio, prometiendo la paga dellos en la corte. Con esto, se partieron los dos, y don Quijote y Sancho después, como se ha dicho: don Quijote desarmado y de camino, Sancho a pie, por ir el rucio cargado con las armas. Capítulo LXVI. Que trata de lo que verá el que lo leyere, o lo oirá el que lo escuchare leer Al salir de Barcelona, volvió don Quijote a mirar el sitio donde había caído, y dijo: — ¡Aquí fue Troya! ¡Aquí mi desdicha, y no mi cobardía, se llevó mis alcanzadas glorias; aquí usó la fortuna conmigo de sus vueltas y revueltas; aquí se escurecieron mis hazañas; aquí, finalmente, cayó mi ventura para jamás levantarse! Oyendo lo cual Sancho, dijo: — Tan de valientes corazones es, señor mío, tener sufrimiento en las desgracias como alegría en las prosperidades; y esto lo juzgo por mí mismo, que si cuando era gobernador estaba alegre, agora que soy escudero de a pie, no estoy triste; porque he oído decir que esta que llaman por ahí Fortuna es una mujer borracha y antojadiza, y, sobre todo, ciega, y así, no vee lo que hace, ni sabe a quién derriba, ni a quién ensalza. — Muy filósofo estás, Sancho —respondió don Quijote—, muy a lo discreto hablas: no sé quién te lo enseña. Lo que te sé decir es que no hay fortuna en el mundo, ni las cosas que en él suceden, buenas o malas que sean, vienen acaso, sino por particular providencia de los cielos, y de aquí viene lo que suele decirse: que cada uno es artífice de su ventura. Yo lo he sido de la mía, pero no con la prudencia necesaria, y así, me han salido al gallarín mis presunciones; pues debiera pensar que al poderoso grandor del caballo del de la Blanca Luna no podía resistir la flaqueza de Rocinante. Atrevíme en fin, hice lo que puede, derribáronme, y, aunque perdí la honra, no perdí, ni puedo perder, la virtud de cumplir mi palabra. Cuando era caballero andante, atrevido y valiente, con mis obras y con mis manos acreditaba mis hechos; y agora, cuando soy escudero pedestre, acreditaré mis palabras cumpliendo la que di de mi promesa. Camina, pues, amigo Sancho, y vamos a tener en nuestra tierra el año del noviciado, con cuyo encerramiento cobraremos virtud nueva para volver al nunca de mí olvidado ejercicio de las armas. — Señor —respondió Sancho—, no es cosa tan gustosa el caminar a pie, que me mueva e incite a hacer grandes jornadas. Dejemos estas armas colgadas de algún árbol, en lugar de un ahorcado, y, ocupando yo las espaldas del rucio, levantados los pies del suelo, haremos las jornadas como vuestra merced las pidiere y midiere; que pensar que tengo de caminar a pie y hacerlas grandes es pensar en lo escusado. — Bien has dicho, Sancho —respondió don Quijote—: cuélguense mis armas por trofeo, y al pie dellas, o alrededor dellas, grabaremos en los árboles lo que en el trofeo de las armas de Roldán estaba escrito: Nadie las mueva que estar no pueda con Roldán a prueba. — Todo eso me parece de perlas —respondió Sancho—; y, si no fuera por la falta que para el camino nos había de hacer Rocinante, también fuera bien dejarle colgado. — ¡Pues ni él ni las armas —replicó don Quijote— quiero que se ahorquen, porque no se diga que a buen servicio, mal galardón! — Muy bien dice vuestra merced —respondió Sancho—, porque, según opinión de discretos, la culpa del asno no se ha de echar a la albarda; y, pues deste suceso vuestra merced tiene la culpa, castíguese a sí mesmo, y no revienten sus iras por las ya rotas y sangrientas armas, ni por las mansedumbres de Rocinante, ni por la blandura de mis pies, queriendo que caminen más de lo justo. En estas razones y pláticas se les pasó todo aquel día, y aun otros cuatro, sin sucederles cosa que estorbase su camino; y al quinto día, a la entrada de un lugar, hallaron a la puerta de un mesón mucha gente, que, por ser fiesta, se estaba allí solazando. Cuando llegaba a ellos don Quijote, un labrador alzó la voz diciendo: — Alguno destos dos señores que aquí vienen, que no conocen las partes, dirá lo que se ha de hacer en nuestra apuesta. — Sí diré, por cierto —respondió don Quijote—, con toda rectitud, si es que alcanzo a entenderla. — «Es, pues, el caso —dijo el labrador—, señor bueno, que un vecino deste lugar, tan gordo que pesa once arrobas, desafió a correr a otro su vecino, que no pesa más que cinco. Fue la condición que habían de correr una carrera de cien pasos con pesos iguales; y, habiéndole preguntado al desafiador cómo se había de igualar el peso, dijo que el desafiado, que pesa cinco arrobas, se pusiese seis de hierro a cuestas, y así se igualarían las once arrobas del flaco con las once del gordo.» — Eso no —dijo a esta sazón Sancho, antes que don Quijote respondiese—. Y a mí, que ha pocos días que salí de ser gobernador y juez, como todo el mundo sabe, toca averiguar estas dudas y dar parecer en todo pleito. — Responde en buen hora —dijo don Quijote—, Sancho amigo, que yo no estoy para dar migas a un gato, según traigo alborotado y trastornado el juicio. Con esta licencia, dijo Sancho a los labradores, que estaban muchos alrededor dél la boca abierta, esperando la sentencia de la suya: — Hermanos, lo que el gordo pide no lleva camino, ni tiene sombra de justicia alguna; porque si es verdad lo que se dice, que el desafiado puede escoger las armas, no es bien que éste las escoja tales que le impidan ni estorben el salir vencedor; y así, es mi parecer que el gordo desafiador se escamonde, monde, entresaque, pula y atilde, y saque seis arrobas de sus carnes, de aquí o de allí de su cuerpo, como mejor le pareciere y estuviere; y desta manera, quedando en cinco arrobas de peso, se igualará y ajustará con las cinco de su contrario, y así podrán correr igualmente. — ¡Voto a tal —dijo un labrador que escuchó la sentencia de Sancho— que este señor ha hablado como un bendito y sentenciado como un canónigo! Pero a buen seguro que no ha de querer quitarse el gordo una onza de sus carnes, cuanto más seis arrobas. — Lo mejor es que no corran —respondió otro—, porque el flaco no se muela con el peso, ni el gordo se descarne; y échese la mitad de la apuesta en vino, y llevemos estos señores a la taberna de lo caro, y sobre mí la capa cuando llueva. — Yo, señores —respondió don Quijote—, os lo agradezco, pero no puedo detenerme un punto, porque pensamientos y sucesos tristes me hacen parecer descortés y caminar más que de paso. Y así, dando de las espuelas a Rocinante, pasó adelante, dejándolos admirados de haber visto y notado así su estraña figura como la discreción de su criado, que por tal juzgaron a Sancho. Y otro de los labradores dijo: — Si el criado es tan discreto, ¡cuál debe de ser el amo! Yo apostaré que si van a estudiar a Salamanca, que a un tris han de venir a ser alcaldes de corte; que todo es burla, sino estudiar y más estudiar, y tener favor y ventura; y cuando menos se piensa el hombre, se halla con una vara en la mano o con una mitra en la cabeza. Aquella noche la pasaron amo y mozo en mitad del campo, al cielo raso y descubierto; y otro día, siguiendo su camino, vieron que hacia ellos venía un hombre de a pie, con unas alforjas al cuello y una azcona o chuzo en la mano, propio talle de correo de a pie; el cual, como llegó junto a don Quijote, adelantó el paso, y medio corriendo llegó a él, y, abrazándole por el muslo derecho, que no alcanzaba a más, le dijo, con muestras de mucha alegría: — ¡Oh mi señor don Quijote de la Mancha, y qué gran contento ha de llegar al corazón de mi señor el duque cuando sepa que vuestra merced vuelve a su castillo, que todavía se está en él con mi señora la duquesa! — No os conozco, amigo —respondió don Quijote—, ni sé quién sois, si vos no me lo decís. — Yo, señor don Quijote —respondió el correo—, soy Tosilos, el lacayo del duque mi señor, que no quise pelear con vuestra merced sobre el casamiento de la hija de doña Rodríguez. — ¡Válame Dios! —dijo don Quijote—. ¿Es posible que sois vos el que los encantadores mis enemigos transformaron en ese lacayo que decís, por defraudarme de la honra de aquella batalla? — Calle, señor bueno —replicó el cartero—, que no hubo encanto alguno ni mudanza de rostro ninguna: tan lacayo Tosilos entré en la estacada como Tosilos lacayo salí della. Yo pensé casarme sin pelear, por haberme parecido bien la moza, pero sucedióme al revés mi pensamiento, pues, así como vuestra merced se partió de nuestro castillo, el duque mi señor me hizo dar cien palos por haber contravenido a las ordenanzas que me tenía dadas antes de entrar en la batalla, y todo ha parado en que la muchacha es ya monja, y doña Rodríguez se ha vuelto a Castilla, y yo voy ahora a Barcelona, a llevar un pliego de cartas al virrey, que le envía mi amo. Si vuestra merced quiere un traguito, aunque caliente, puro, aquí llevo una calabaza llena de lo caro, con no sé cuántas rajitas de queso de Tronchón, que servirán de llamativo y despertador de la sed, si acaso está durmiendo. — Quiero el envite —dijo Sancho—, y échese el resto de la cortesía, y escancie el buen Tosilos, a despecho y pesar de cuantos encantadores hay en las Indias. — En fin —dijo don Quijote—, tú eres, Sancho, el mayor glotón del mundo y el mayor ignorante de la tierra, pues no te persuades que este correo es encantado, y este Tosilos contrahecho. Quédate con él y hártate, que yo me iré adelante poco a poco, esperándote a que vengas. Rióse el lacayo, desenvainó su calabaza, desalforjó sus rajas, y, sacando un panecillo, él y Sancho se sentaron sobre la yerba verde, y en buena paz compaña despabilaron y dieron fondo con todo el repuesto de las alforjas, con tan buenos alientos, que lamieron el pliego de las cartas, sólo porque olía a queso. Dijo Tosilos a Sancho: — Sin duda este tu amo, Sancho amigo, debe de ser un loco. — ¿Cómo debe? —respondió Sancho—. No debe nada a nadie, que todo lo paga, y más cuando la moneda es locura. Bien lo veo yo, y bien se lo digo a él; pero, ¿qué aprovecha? Y más agora que va rematado, porque va vencido del Caballero de la Blanca Luna. Rogóle Tosilos le contase lo que le había sucedido, pero Sancho le respondió que era descortesía dejar que su amo le esperase; que otro día, si se encontrasen, habría lugar par ello. Y, levantándose, después de haberse sacudido el sayo y las migajas de las barbas, antecogió al rucio, y, diciendo ''a Dios'', dejó a Tosilos y alcanzó a su amo, que a la sombra de un árbol le estaba esperando. Capítulo LXVII. De la resolución que tomó don Quijote de hacerse pastor y seguir la vida del campo, en tanto que se pasaba el año de su promesa, con otros sucesos en verdad gustosos y buenos Si muchos pensamientos fatigaban a don Quijote antes de ser derribado, muchos más le fatigaron después de caído. A la sombra del árbol estaba, como se ha dicho, y allí, como moscas a la miel, le acudían y picaban pensamientos: unos iban al desencanto de Dulcinea y otros a la vida que había de hacer en su forzosa retirada. Llegó Sancho y alabóle la liberal condición del lacayo Tosilos. — ¿Es posible —le dijo don Quijote— que todavía, ¡oh Sancho!, pienses que aquél sea verdadero lacayo? Parece que se te ha ido de las mientes haber visto a Dulcinea convertida y transformada en labradora, y al Caballero de los Espejos en el bachiller Carrasco, obras todas de los encantadores que me persiguen. Pero dime agora: ¿preguntaste a ese Tosilos que dices qué ha hecho Dios de Altisidora: si ha llorado mi ausencia, o si ha dejado ya en las manos del olvido los enamorados pensamientos que en mi presencia la fatigaban? — No eran —respondió Sancho— los que yo tenía tales que me diesen lugar a preguntar boberías. ¡Cuerpo de mí!, señor, ¿está vuestra merced ahora en términos de inquirir pensamientos ajenos, especialmente amorosos? — Mira, Sancho —dijo don Quijote—, mucha diferencia hay de las obras que se hacen por amor a las que se hacen por agradecimiento. Bien puede ser que un caballero sea desamorado, pero no puede ser, hablando en todo rigor, que sea desagradecido. Quísome bien, al parecer, Altisidora; diome los tres tocadores que sabes, lloró en mi partida, maldíjome, vituperóme, quejóse, a despecho de la vergüenza, públicamente: señales todas de que me adoraba, que las iras de los amantes suelen parar en maldiciones. Yo no tuve esperanzas que darle, ni tesoros que ofrecerle, porque las mías las tengo entregadas a Dulcinea, y los tesoros de los caballeros andantes son, como los de los duendes, aparentes y falsos, y sólo puedo darle estos acuerdos que della tengo, sin perjuicio, pero, de los que tengo de Dulcinea, a quien tú agravias con la remisión que tienes en azotarte y en castigar esas carnes, que vea yo comidas de lobos, que quieren guardarse antes para los gusanos que para el remedio de aquella pobre señora. — Señor —respondió Sancho—, si va a decir la verdad, yo no me puedo persuadir que los azotes de mis posaderas tengan que ver con los desencantos de los encantados, que es como si dijésemos: "Si os duele la cabeza, untaos las rodillas". A lo menos, yo osaré jurar que en cuantas historias vuesa merced ha leído que tratan de la andante caballería no ha visto algún desencantado por azotes; pero, por sí o por no, yo me los daré, cuando tenga gana y el tiempo me dé comodidad para castigarme. — Dios lo haga —respondió don Quijote—, y los cielos te den gracia para que caigas en la cuenta y en la obligación que te corre de ayudar a mi señora, que lo es tuya, pues tú eres mío. En estas pláticas iban siguiendo su camino, cuando llegaron al mesmo sitio y lugar donde fueron atropellados de los toros. Reconocióle don Quijote; dijo a Sancho: — Éste es el prado donde topamos a las bizarras pastoras y gallardos pastores que en él querían renovar e imitar a la pastoral Arcadia, pensamiento tan nuevo como discreto, a cuya imitación, si es que a ti te parece bien, querría, ¡oh Sancho!, que nos convirtiésemos en pastores, siquiera el tiempo que tengo de estar recogido. Yo compraré algunas ovejas, y todas las demás cosas que al pastoral ejercicio son necesarias, y llamándome yo el pastor Quijotiz, y tú el pastor Pancino, nos andaremos por los montes, por las selvas y por los prados, cantando aquí, endechando allí, bebiendo de los líquidos cristales de las fuentes, o ya de los limpios arroyuelos, o de los caudalosos ríos. Daránnos con abundantísima mano de su dulcísimo fruto las encinas, asiento los troncos de los durísimos alcornoques, sombra los sauces, olor las rosas, alfombras de mil colores matizadas los estendidos prados, aliento el aire claro y puro, luz la luna y las estrellas, a pesar de la escuridad de la noche, gusto el canto, alegría el lloro, Apolo versos, el amor conceptos, con que podremos hacernos eternos y famosos, no sólo en los presentes, sino en los venideros siglos. — Pardiez —dijo Sancho—, que me ha cuadrado, y aun esquinado, tal género de vida; y más, que no la ha de haber aún bien visto el bachiller Sansón Carrasco y maese Nicolás el barbero, cuando la han de querer seguir, y hacerse pastores con nosotros; y aun quiera Dios no le venga en voluntad al cura de entrar también en el aprisco, según es de alegre y amigo de holgarse. — Tú has dicho muy bien —dijo don Quijote—; y podrá llamarse el bachiller Sansón Carrasco, si entra en el pastoral gremio, como entrará sin duda, el pastor Sansonino, o ya el pastor Carrascón; el barbero Nicolás se podrá llamar Miculoso, como ya el antiguo Boscán se llamó Nemoroso; al cura no sé qué nombre le pongamos, si no es algún derivativo de su nombre, llamándole el pastor Curiambro. Las pastoras de quien hemos de ser amantes, como entre peras podremos escoger sus nombres; y, pues el de mi señora cuadra así al de pastora como al de princesa, no hay para qué cansarme en buscar otro que mejor le venga; tú, Sancho, pondrás a la tuya el que quisieres. — No pienso —respondió Sancho— ponerle otro alguno sino el de Teresona, que le vendrá bien con su gordura y con el propio que tiene, pues se llama Teresa; y más, que, celebrándola yo en mis versos, vengo a descubrir mis castos deseos, pues no ando a buscar pan de trastrigo por las casas ajenas. El cura no será bien que tenga pastora, por dar buen ejemplo; y si quisiere el bachiller tenerla, su alma en su palma. — ¡Válame Dios —dijo don Quijote—, y qué vida nos hemos de dar, Sancho amigo! ¡Qué de churumbelas han de llegar a nuestros oídos, qué de gaitas zamoranas, qué tamborines, y qué de sonajas, y qué de rabeles! Pues, ¡qué si destas diferencias de músicas resuena la de los albogues! Allí se verá casi todos los instrumentos pastorales. — ¿Qué son albogues —preguntó Sancho—, que ni los he oído nombrar, ni los he visto en toda mi vida? — Albogues son —respondió don Quijote— unas chapas a modo de candeleros de azófar, que, dando una con otra por lo vacío y hueco, hace un son, si no muy agradable ni armónico, no descontenta, y viene bien con la rusticidad de la gaita y del tamborín; y este nombre albogues es morisco, como lo son todos aquellos que en nuestra lengua castellana comienzan en al, conviene a saber: almohaza, almorzar, alhombra, alguacil, alhucema, almacén, alcancía, y otros semejantes, que deben ser pocos más; y solos tres tiene nuestra lengua que son moriscos y acaban en i, y son: borceguí, zaquizamí y maravedí. Alhelí y alfaquí, tanto por el al primero como por el i en que acaban, son conocidos por arábigos. Esto te he dicho, de paso, por habérmelo reducido a la memoria la ocasión de haber nombrado albogues; y hanos de ayudar mucho al parecer en perfeción este ejercicio el ser yo algún tanto poeta, como tú sabes, y el serlo también en estremo el bachiller Sansón Carrasco. Del cura no digo nada; pero yo apostaré que debe de tener sus puntas y collares de poeta; y que las tenga también maese Nicolás, no dudo en ello, porque todos, o los más, son guitarristas y copleros. Yo me quejaré de ausencia; tú te alabarás de firme enamorado; el pastor Carrascón, de desdeñado; y el cura Curiambro, de lo que él más puede servirse, y así, andará la cosa que no haya más que desear. A lo que respondió Sancho: — Yo soy, señor, tan desgraciado que temo no ha de llegar el día en que en tal ejercicio me vea. ¡Oh, qué polidas cuchares tengo de hacer cuando pastor me vea! ¡Qué de migas, qué de natas, qué de guirnaldas y qué de zarandajas pastoriles, que, puesto que no me granjeen fama de discreto, no dejarán de granjearme la de ingenioso! Sanchica mi hija nos llevará la comida al hato. Pero, ¡guarda!, que es de buen parecer, y hay pastores más maliciosos que simples, y no querría que fuese por lana y volviese trasquilada; y también suelen andar los amores y los no buenos deseos por los campos como por las ciudades, y por las pastorales chozas como por los reales palacios, y, quitada la causa se quita el pecado; y ojos que no veen, corazón que no quiebra; y más vale salto de mata que ruego de hombres buenos. — No más refranes, Sancho —dijo don Quijote—, pues cualquiera de los que has dicho basta para dar a entender tu pensamiento; y muchas veces te he aconsejado que no seas tan pródigo en refranes y que te vayas a la mano en decirlos; pero paréceme que es predicar en desierto, y "castígame mi madre, y yo trómpogelas". — Paréceme —respondió Sancho— que vuesa merced es como lo que dicen: "Dijo la sartén a la caldera: Quítate allá ojinegra". Estáme reprehendiendo que no diga yo refranes, y ensártalos vuesa merced de dos en dos. — Mira, Sancho —respondió don Quijote—: yo traigo los refranes a propósito, y vienen cuando los digo como anillo en el dedo; pero tráeslos tan por los cabellos, que los arrastras, y no los guías; y si no me acuerdo mal, otra vez te he dicho que los refranes son sentencias breves, sacadas de la experiencia y especulación de nuestros antiguos sabios; y el refrán que no viene a propósito, antes es disparate que sentencia. Pero dejémonos desto, y, pues ya viene la noche, retirémonos del camino real algún trecho, donde pasaremos esta noche, y Dios sabe lo que será mañana. Retiráronse, cenaron tarde y mal, bien contra la voluntad de Sancho, a quien se le representaban las estrechezas de la andante caballería usadas en las selvas y en los montes, si bien tal vez la abundancia se mostraba en los castillos y casas, así de don Diego de Miranda como en las bodas del rico Camacho, y de don Antonio Moreno; pero consideraba no ser posible ser siempre de día ni siempre de noche, y así, pasó aquélla durmiendo, y su amo velando. Capítulo LXVIII. De la cerdosa aventura que le aconteció a don Quijote Era la noche algo escura, puesto que la luna estaba en el cielo, pero no en parte que pudiese ser vista: que tal vez la señora Diana se va a pasear a los antípodas, y deja los montes negros y los valles escuros. Cumplió don Quijote con la naturaleza durmiendo el primer sueño, sin dar lugar al segundo; bien al revés de Sancho, que nunca tuvo segundo, porque le duraba el sueño desde la noche hasta la mañana, en que se mostraba su buena complexión y pocos cuidados. Los de don Quijote le desvelaron de manera que despertó a Sancho y le dijo: — Maravillado estoy, Sancho, de la libertad de tu condición: yo imagino que eres hecho de mármol, o de duro bronce, en quien no cabe movimiento ni sentimiento alguno. Yo velo cuando tú duermes, yo lloro cuando cantas, yo me desmayo de ayuno cuanto tú estás perezoso y desalentado de puro harto. De buenos criados es conllevar las penas de sus señores y sentir sus sentimientos, por el bien parecer siquiera. Mira la serenidad desta noche, la soledad en que estamos, que nos convida a entremeter alguna vigilia entre nuestro sueño. Levántate, por tu vida, y desvíate algún trecho de aquí, y con buen ánimo y denuedo agradecido date trecientos o cuatrocientos azotes a buena cuenta de los del desencanto de Dulcinea; y esto rogando te lo suplico, que no quiero venir contigo a los brazos, como la otra vez, porque sé que los tienes pesados. Después que te hayas dado, pasaremos lo que resta de la noche cantando, yo mi ausencia y tú tu firmeza, dando desde agora principio al ejercicio pastoral que hemos de tener en nuestra aldea. — Señor —respondió Sancho—, no soy yo religioso para que desde la mitad de mi sueño me levante y me dicipline, ni menos me parece que del estremo del dolor de los azotes se pueda pasar al de la música. Vuesa merced me deje dormir y no me apriete en lo del azotarme; que me hará hacer juramento de no tocarme jamás al pelo del sayo, no que al de mis carnes. — ¡Oh alma endurecida! ¡Oh escudero sin piedad! ¡Oh pan mal empleado y mercedes mal consideradas las que te he hecho y pienso de hacerte! Por mí te has visto gobernador, y por mí te vees con esperanzas propincuas de ser conde, o tener otro título equivalente, y no tardará el cumplimiento de ellas más de cuanto tarde en pasar este año; que yo post tenebras spero lucem. — No entiendo eso —replico Sancho—; sólo entiendo que, en tanto que duermo, ni tengo temor, ni esperanza, ni trabajo ni gloria; y bien haya el que inventó el sueño, capa que cubre todos los humanos pensamientos, manjar que quita la hambre, agua que ahuyenta la sed, fuego que calienta el frío, frío que templa el ardor, y, finalmente, moneda general con que todas las cosas se compran, balanza y peso que iguala al pastor con el rey y al simple con el discreto. Sola una cosa tiene mala el sueño, según he oído decir, y es que se parece a la muerte, pues de un dormido a un muerto hay muy poca diferencia. — Nunca te he oído hablar, Sancho —dijo don Quijote—, tan elegantemente como ahora, por donde vengo a conocer ser verdad el refrán que tú algunas veces sueles decir: "No con quien naces, sino con quien paces". — ¡Ah, pesia tal —replicó Sancho—, señor nuestro amo! No soy yo ahora el que ensarta refranes, que también a vuestra merced se le caen de la boca de dos en dos mejor que a mí, sino que debe de haber entre los míos y los suyos esta diferencia: que los de vuestra merced vendrán a tiempo y los míos a deshora; pero, en efecto, todos son refranes. En esto estaban, cuando sintieron un sordo estruendo y un áspero ruido, que por todos aquellos valles se estendía. Levantóse en pie don Quijote y puso mano a la espada, y Sancho se agazapó debajo del rucio, poniéndose a los lados el lío de las armas, y la albarda de su jumento, tan temblando de miedo como alborotado don Quijote. De punto en punto iba creciendo el ruido, y, llegándose cerca a los dos temerosos; a lo menos, al uno, que al otro, ya se sabe su valentía. Es, pues, el caso que llevaban unos hombres a vender a una feria más de seiscientos puercos, con los cuales caminaban a aquellas horas, y era tanto el ruido que llevaban y el gruñir y el bufar, que ensordecieron los oídos de don Quijote y de Sancho, que no advirtieron lo que ser podía. Llegó de tropel la estendida y gruñidora piara, y, sin tener respeto a la autoridad de don Quijote, ni a la de Sancho, pasaron por cima de los dos, deshaciendo las trincheas de Sancho, y derribando no sólo a don Quijote, sino llevando por añadidura a Rocinante. El tropel, el gruñir, la presteza con que llegaron los animales inmundos, puso en confusión y por el suelo a la albarda, a las armas, al rucio, a Rocinante, a Sancho y a don Quijote. Levantóse Sancho como mejor pudo, y pidió a su amo la espada, diciéndole que quería matar media docena de aquellos señores y descomedidos puercos, que ya había conocido que lo eran. Don Quijote le dijo: — Déjalos estar, amigo, que esta afrenta es pena de mi pecado, y justo castigo del cielo es que a un caballero andante vencido le coman adivas, y le piquen avispas y le hollen puercos. — También debe de ser castigo del cielo —respondió Sancho— que a los escuderos de los caballeros vencidos los puncen moscas, los coman piojos y les embista la hambre. Si los escuderos fuéramos hijos de los caballeros a quien servimos, o parientes suyos muy cercanos, no fuera mucho que nos alcanzara la pena de sus culpas hasta la cuarta generación; pero, ¿qué tienen que ver los Panzas con los Quijotes? Ahora bien: tornémonos a acomodar y durmamos lo poco que queda de la noche, y amanecerá Dios y medraremos. — Duerme tú, Sancho —respondió don Quijote—, que naciste para dormir; que yo, que nací para velar, en el tiempo que falta de aquí al día, daré rienda a mis pensamientos, y los desfogaré en un madrigalete, que, sin que tú lo sepas, anoche compuse en la memoria. — A mí me parece —respondió Sancho— que los pensamientos que dan lugar a hacer coplas no deben de ser muchos. Vuesa merced coplee cuanto quisiere, que yo dormiré cuanto pudiere. Y luego, tomando en el suelo cuanto quiso, se acurrucó y durmió a sueño suelto, sin que fianzas, ni deudas, ni dolor alguno se lo estorbase. Don Quijote, arrimado a un tronco de una haya o de un alcornoque —que Cide Hamete Benengeli no distingue el árbol que era—, al son de sus mesmos suspiros, cantó de esta suerte: -Amor, cuando yo pienso en el mal que me das, terrible y fuerte, voy corriendo a la muerte, pensando así acabar mi mal inmenso; mas, en llegando al paso que es puerto en este mar de mi tormento, tanta alegría siento, que la vida se esfuerza y no le paso. Así el vivir me mata, que la muerte me torna a dar la vida. ¡Oh condición no oída, la que conmigo muerte y vida trata! Cada verso déstos acompañaba con muchos suspiros y no pocas lágrimas, bien como aquél cuyo corazón tenía traspasado con el dolor del vencimiento y con la ausencia de Dulcinea. Llegóse en esto el día, dio el sol con sus rayos en los ojos a Sancho, despertó y esperezóse, sacudiéndose y estirándose los perezosos miembros; miró el destrozo que habían hecho los puercos en su repostería, y maldijo la piara y aun más adelante. Finalmente, volvieron los dos a su comenzado camino, y al declinar de la tarde vieron que hacia ellos venían hasta diez hombres de a caballo y cuatro o cinco de a pie. Sobresaltóse el corazón de don Quijote y azoróse el de Sancho, porque la gente que se les llegaba traía lanzas y adargas y venía muy a punto de guerra. Volvióse don Quijote a Sancho, y díjole: — Si yo pudiera, Sancho, ejercitar mis armas, y mi promesa no me hubiera atado los brazos, esta máquina que sobre nosotros viene la tuviera yo por tortas y pan pintado, pero podría ser fuese otra cosa de la que tememos. Llegaron, en esto, los de a caballo, y arbolando las lanzas, sin hablar palabra alguna rodearon a don Quijote y se las pusieron a las espaldas y pechos, amenazándole de muerte. Uno de los de a pie, puesto un dedo en la boca, en señal de que callase, asió del freno de Rocinante y le sacó del camino; y los demás de a pie, antecogiendo a Sancho y al rucio, guardando todos maravilloso silencio, siguieron los pasos del que llevaba a don Quijote, el cual dos o tres veces quiso preguntar adónde le llevaban o qué querían; pero, apenas comenzaba a mover los labios, cuando se los iban a cerrar con los hierros de las lanzas; y a Sancho le acontecía lo mismo, porque, apenas daba muestras de hablar, cuando uno de los de a pie, con un aguijón, le punzaba, y al rucio ni más ni menos como si hablar quisiera. Cerró la noche, apresuraron el paso, creció en los dos presos el miedo, y más cuando oyeron que de cuando en cuando les decían: — ¡Caminad, trogloditas! — ¡Callad, bárbaros! — ¡Pagad, antropófagos! — ¡No os quejéis, scitas, ni abráis los ojos, Polifemos matadores, leones carniceros! Y otros nombres semejantes a éstos, con que atormentaban los oídos de los miserables amo y mozo. Sancho iba diciendo entre sí: — ¿Nosotros tortolitas? ¿Nosotros barberos ni estropajos? ¿Nosotros perritas, a quien dicen cita, cita? No me contentan nada estos nombres: a mal viento va esta parva; todo el mal nos viene junto, como al perro los palos, y ¡ojalá parase en ellos lo que amenaza esta aventura tan desventurada! Iba don Quijote embelesado, sin poder atinar con cuantos discursos hacía qué serían aquellos nombres llenos de vituperios que les ponían, de los cuales sacaba en limpio no esperar ningún bien y temer mucho mal. Llegaron, en esto, un hora casi de la noche, a un castillo, que bien conoció don Quijote que era el del duque, donde había poco que habían estado. — ¡Váleme Dios! —dijo, así como conoció la estancia— y ¿qué será esto? Sí que en esta casa todo es cortesía y buen comedimiento, pero para los vencidos el bien se vuelve en mal y el mal en peor. Entraron al patio principal del castillo, y viéronle aderezado y puesto de manera que les acrecentó la admiración y les dobló el miedo, como se verá en el siguiente capítulo. Capítulo LXIX. Del más raro y más nuevo suceso que en todo el discurso desta grande historia avino a don Quijote Apeáronse los de a caballo, y, junto con los de a pie, tomando en peso y arrebatadamente a Sancho y a don Quijote, los entraron en el patio, alrededor del cual ardían casi cien hachas, puestas en sus blandones, y, por los corredores del patio, más de quinientas luminarias; de modo que, a pesar de la noche, que se mostraba algo escura, no se echaba de ver la falta del día. En medio del patio se levantaba un túmulo como dos varas del suelo, cubierto todo con un grandísimo dosel de terciopelo negro, alrededor del cual, por sus gradas, ardían velas de cera blanca sobre más de cien candeleros de plata; encima del cual túmulo se mostraba un cuerpo muerto de una tan hermosa doncella, que hacía parecer con su hermosura hermosa a la misma muerte. Tenía la cabeza sobre una almohada de brocado, coronada con una guirnalda de diversas y odoríferas flores tejida, las manos cruzadas sobre el pecho, y, entre ellas, un ramo de amarilla y vencedora palma. A un lado del patio estaba puesto un teatro, y en dos sillas sentados dos personajes, que, por tener coronas en la cabeza y ceptros en las manos, daban señales de ser algunos reyes, ya verdaderos o ya fingidos. Al lado deste teatro, adonde se subía por algunas gradas, estaban otras dos sillas, sobre las cuales los que trujeron los presos sentaron a don Quijote y a Sancho, todo esto callando y dándoles a entender con señales a los dos que asimismo callasen; pero, sin que se lo señalaran, callaron ellos, porque la admiración de lo que estaban mirando les tenía atadas las lenguas. Subieron, en esto, al teatro, con mucho acompañamiento, dos principales personajes, que luego fueron conocidos de don Quijote ser el duque y la duquesa, sus huéspedes, los cuales se sentaron en dos riquísimas sillas, junto a los dos que parecían reyes. ¿Quién no se había de admirar con esto, añadiéndose a ello haber conocido don Quijote que el cuerpo muerto que estaba sobre el túmulo era el de la hermosa Altisidora? Al subir el duque y la duquesa en el teatro, se levantaron don Quijote y Sancho y les hicieron una profunda humillación, y los duques hicieron lo mesmo, inclinando algún tanto las cabezas. Salió, en esto, de través un ministro, y, llegándose a Sancho, le echó una ropa de bocací negro encima, toda pintada con llamas de fuego, y, quitándole la caperuza, le puso en la cabeza una coroza, al modo de las que sacan los penitenciados por el Santo Oficio; y díjole al oído que no descosiese los labios, porque le echarían una mordaza, o le quitarían la vida. Mirábase Sancho de arriba abajo, veíase ardiendo en llamas, pero como no le quemaban, no las estimaba en dos ardites. Quitóse la coroza, viola pintada de diablos, volviósela a poner, diciendo entre sí: — Aún bien, que ni ellas me abrasan ni ellos me llevan. Mirábale también don Quijote, y, aunque el temor le tenía suspensos los sentidos, no dejó de reírse de ver la figura de Sancho. Comenzó, en esto, a salir, al parecer, debajo del túmulo un son sumiso y agradable de flautas, que, por no ser impedido de alguna humana voz, porque en aquel sitio el mesmo silencio guardaba silencio a sí mismo, se mostraba blando y amoroso. Luego hizo de sí improvisa muestra, junto a la almohada del, al parecer, cadáver, un hermoso mancebo vestido a lo romano, que, al son de una arpa, que él mismo tocaba, cantó con suavísima y clara voz estas dos estancias: -En tanto que en sí vuelve Altisidora, muerta por la crueldad de don Quijote, y en tanto que en la corte encantadora se vistieren las damas de picote, y en tanto que a sus dueñas mi señora vistiere de bayeta y de anascote, cantaré su belleza y su desgracia, con mejor plectro que el cantor de Tracia. Y aun no se me figura que me toca aqueste oficio solamente en vida; mas, con la lengua muerta y fría en la boca, pienso mover la voz a ti debida. Libre mi alma de su estrecha roca, por el estigio lago conducida, celebrándote irá, y aquel sonido hará parar las aguas del olvido. — No más —dijo a esta sazón uno de los dos que parecían reyes—: no más, cantor divino; que sería proceder en infinito representarnos ahora la muerte y las gracias de la sin par Altisidora, no muerta, como el mundo ignorante piensa, sino viva en las lenguas de la Fama, y en la pena que para volverla a la perdida luz ha de pasar Sancho Panza, que está presente; y así, ¡oh tú, Radamanto, que conmigo juzgas en las cavernas lóbregas de Lite!, pues sabes todo aquello que en los inescrutables hados está determinado acerca de volver en sí esta doncella, dilo y decláralo luego, porque no se nos dilate el bien que con su nueva vuelta esperamos. Apenas hubo dicho esto Minos, juez y compañero de Radamanto, cuando, levantándose en pie Radamanto, dijo: — ¡Ea, ministros de esta casa, altos y bajos, grandes y chicos, acudid unos tras otros y sellad el rostro de Sancho con veinte y cuatro mamonas, y doce pellizcos y seis alfilerazos en brazos y lomos, que en esta ceremonia consiste la salud de Altisidora! Oyendo lo cual Sancho Panza, rompió el silencio, y dijo: — ¡Voto a tal, así me deje yo sellar el rostro ni manosearme la cara como volverme moro! ¡Cuerpo de mí! ¿Qué tiene que ver manosearme el rostro con la resurreción desta doncella? Regostóse la vieja a los bledos. Encantan a Dulcinea, y azótanme para que se desencante; muérese Altisidora de males que Dios quiso darle, y hanla de resucitar hacerme a mí veinte y cuatro mamonas, y acribarme el cuerpo a alfilerazos y acardenalarme los brazos a pellizcos. ¡Esas burlas, a un cuñado, que yo soy perro viejo, y no hay conmigo tus, tus! — ¡Morirás! —dijo en alta voz Radamanto—. Ablándate, tigre; humíllate, Nembrot soberbio, y sufre y calla, pues no te piden imposibles. Y no te metas en averiguar las dificultades deste negocio: mamonado has de ser, acrebillado te has de ver, pellizcado has de gemir. ¡Ea, digo, ministros, cumplid mi mandamiento; si no, por la fe de hombre de bien, que habéis de ver para lo que nacistes! Parecieron, en esto, que por el patio venían, hasta seis dueñas en procesión, una tras otra, las cuatro con antojos, y todas levantadas las manos derechas en alto, con cuatro dedos de muñecas de fuera, para hacer las manos más largas, como ahora se usa. No las hubo visto Sancho, cuando, bramando como un toro, dijo: — Bien podré yo dejarme manosear de todo el mundo, pero consentir que me toquen dueñas, ¡eso no! Gatéenme el rostro, como hicieron a mi amo en este mesmo castillo; traspásenme el cuerpo con puntas de dagas buidas; atenácenme los brazos con tenazas de fuego, que yo lo llevaré en paciencia, o serviré a estos señores; pero que me toquen dueñas no lo consentiré, si me llevase el diablo. Rompió también el silencio don Quijote, diciendo a Sancho: — Ten paciencia, hijo, y da gusto a estos señores, y muchas gracias al cielo por haber puesto tal virtud en tu persona, que con el martirio della desencantes los encantados y resucites los muertos. Ya estaban las dueñas cerca de Sancho, cuando él, más blando y más persuadido, poniéndose bien en la silla, dio rostro y barba a la primera, la cual la hizo una mamona muy bien sellada, y luego una gran reverencia. — ¡Menos cortesía; menos mudas, señora dueña —dijo Sancho—; que por Dios que traéis las manos oliendo a vinagrillo! Finalmente, todas las dueñas le sellaron, y otra mucha gente de casa le pellizcaron; pero lo que él no pudo sufrir fue el punzamiento de los alfileres; y así, se levantó de la silla, al parecer mohíno, y, asiendo de una hacha encendida que junto a él estaba, dio tras las dueñas, y tras todos su verdugos, diciendo: — ¡Afuera, ministros infernales, que no soy yo de bronce, para no sentir tan extraordinarios martirios! En esto, Altisidora, que debía de estar cansada por haber estado tanto tiempo supina, se volvió de un lado; visto lo cual por los circunstantes, casi todos a una voz dijeron: — ¡Viva es Altisidora! ¡Altisidora vive! Mandó Radamanto a Sancho que depusiese la ira, pues ya se había alcanzado el intento que se procuraba. Así como don Quijote vio rebullir a Altisidora, se fue a poner de rodillas delante de Sancho, diciéndole: — Agora es tiempo, hijo de mis entrañas, no que escudero mío, que te des algunos de los azotes que estás obligado a dar por el desencanto de Dulcinea. Ahora, digo, que es el tiempo donde tienes sazonada la virtud, y con eficacia de obrar el bien que de ti se espera. A lo que respondió Sancho: — Esto me parece argado sobre argado, y no miel sobre hojuelas. Bueno sería que tras pellizcos, mamonas y alfilerazos viniesen ahora los azotes. No tienen más que hacer sino tomar una gran piedra, y atármela al cuello, y dar conmigo en un pozo, de lo que a mí no pesaría mucho, si es que para curar los males ajenos tengo yo de ser la vaca de la boda. Déjenme; si no, por Dios que lo arroje y lo eche todo a trece, aunque no se venda. Ya en esto, se había sentado en el túmulo Altisidora, y al mismo instante sonaron las chirimías, a quien acompañaron las flautas y las voces de todos, que aclamaban: — ¡Viva Altisidora! ¡Altisidora viva! Levantáronse los duques y los reyes Minos y Radamanto, y todos juntos, con don Quijote y Sancho, fueron a recebir a Altisidora y a bajarla del túmulo; la cual, haciendo de la desmayada, se inclinó a los duques y a los reyes, y, mirando de través a don Quijote, le dijo: — Dios te lo perdone, desamorado caballero, pues por tu crueldad he estado en el otro mundo, a mi parecer, más de mil años; y a ti, ¡oh el más compasivo escudero que contiene el orbe!, te agradezco la vida que poseo. Dispón desde hoy más, amigo Sancho, de seis camisas mías que te mando para que hagas otras seis para ti; y, si no son todas sanas, a lo menos son todas limpias. Besóle por ello las manos Sancho, con la coroza en la mano y las rodillas en el suelo. Mandó el duque que se la quitasen, y le volviesen su caperuza, y le pusiesen el sayo, y le quitasen la ropa de las llamas. Suplicó Sancho al duque que le dejasen la ropa y mitra, que las quería llevar a su tierra, por señal y memoria de aquel nunca visto suceso. La duquesa respondió que sí dejarían, que ya sabía él cuán grande amiga suya era. Mandó el duque despejar el patio, y que todos se recogiesen a sus estancias, y que a don Quijote y a Sancho los llevasen a las que ellos ya se sabían. Capítulo LXX. Que sigue al de sesenta y nueve, y trata de cosas no escusadas para la claridad desta historia Durmió Sancho aquella noche en una carriola, en el mesmo aposento de don Quijote, cosa que él quisiera escusarla, si pudiera, porque bien sabía que su amo no le había de dejar dormir a preguntas y a respuestas, y no se hallaba en disposición de hablar mucho, porque los dolores de los martirios pasados los tenía presentes, y no le dejaban libre la lengua, y viniérale más a cuento dormir en una choza solo, que no en aquella rica estancia acompañado. Salióle su temor tan verdadero y su sospecha tan cierta, que, apenas hubo entrado su señor en el lecho, cuando dijo: — ¿Qué te parece, Sancho, del suceso desta noche? Grande y poderosa es la fuerza del desdén desamorado, como por tus mismos ojos has visto muerta a Altisidora, no con otras saetas, ni con otra espada, ni con otro instrumento bélico, ni con venenos mortíferos, sino con la consideración del rigor y el desdén con que yo siempre la he tratado. — Muriérase ella en hora buena cuanto quisiera y como quisiera —respondió Sancho—, y dejárame a mí en mi casa, pues ni yo la enamoré ni la desdeñé en mi vida. Yo no sé ni puedo pensar cómo sea que la salud de Altisidora, doncella más antojadiza que discreta, tenga que ver, como otra vez he dicho, con los martirios de Sancho Panza. Agora sí que vengo a conocer clara y distintamente que hay encantadores y encantos en el mundo, de quien Dios me libre, pues yo no me sé librar; con todo esto, suplico a vuestra merced me deje dormir y no me pregunte más, si no quiere que me arroje por una ventana abajo. — Duerme, Sancho amigo —respondió don Quijote—, si es que te dan lugar los alfilerazos y pellizcos recebidos, y las mamonas hechas. — Ningún dolor —replicó Sancho— llegó a la afrenta de las mamonas, no por otra cosa que por habérmelas hecho dueña, que confundidas sean; y torno a suplicar a vuesa merced me deje dormir, porque el sueño es alivio de las miserias de los que las tienen despiertas. Sea así —dijo don Quijote—, y Dios te acompañe. Durmiéronse los dos, y en este tiempo quiso escribir y dar cuenta Cide Hamete, autor desta grande historia, qué les movió a los duques a levantar el edificio de la máquina referida. Y dice que, no habiéndosele olvidado al bachiller Sansón Carrasco cuando el Caballero de los Espejos fue vencido y derribado por don Quijote, cuyo vencimiento y caída borró y deshizo todos sus designios, quiso volver a probar la mano, esperando mejor suceso que el pasado; y así, informándose del paje que llevó la carta y presente a Teresa Panza, mujer de Sancho, adónde don Quijote quedaba, buscó nuevas armas y caballo, y puso en el escudo la blanca luna, llevándolo todo sobre un macho, a quien guiaba un labrador, y no Tomé Cecial, su antiguo escudero, porque no fuese conocido de Sancho ni de don Quijote. Llegó, pues, al castillo del duque, que le informó el camino y derrota que don Quijote llevaba, con intento de hallarse en las justas de Zaragoza. Díjole asimismo las burlas que le había hecho con la traza del desencanto de Dulcinea, que había de ser a costa de las posaderas de Sancho. En fin, dio cuenta de la burla que Sancho había hecho a su amo, dándole a entender que Dulcinea estaba encantada y transformada en labradora, y cómo la duquesa su mujer había dado a entender a Sancho que él era el que se engañaba, porque verdaderamente estaba encantada Dulcinea; de que no poco se rió y admiró el bachiller, considerando la agudeza y simplicidad de Sancho, como del estremo de la locura de don Quijote. Pidióle el duque que si le hallase, y le venciese o no, se volviese por allí a darle cuenta del suceso. Hízolo así el bachiller; partióse en su busca, no le halló en Zaragoza, pasó adelante y sucedióle lo que queda referido. Volvióse por el castillo del duque y contóselo todo, con las condiciones de la batalla, y que ya don Quijote volvía a cumplir, como buen caballero andante, la palabra de retirarse un año en su aldea, en el cual tiempo podía ser, dijo el bachiller, que sanase de su locura; que ésta era la intención que le había movido a hacer aquellas transformaciones, por ser cosa de lástima que un hidalgo tan bien entendido como don Quijote fuese loco. Con esto, se despidió del duque, y se volvió a su lugar, esperando en él a don Quijote, que tras él venía. De aquí tomó ocasión el duque de hacerle aquella burla: tanto era lo que gustaba de las cosas de Sancho y de don Quijote; y haciendo tomar los caminos cerca y lejos del castillo por todas las partes que imaginó que podría volver don Quijote, con muchos criados suyos de a pie y de a caballo, para que por fuerza o de grado le trujesen al castillo, si le hallasen. Halláronle, dieron aviso al duque, el cual, ya prevenido de todo lo que había de hacer, así como tuvo noticia de su llegada, mandó encender las hachas y las luminarias del patio y poner a Altisidora sobre el túmulo, con todos los aparatos que se han contado, tan al vivo, y tan bien hechos, que de la verdad a ellos había bien poca diferencia. Y dice más Cide Hamete: que tiene para sí ser tan locos los burladores como los burlados, y que no estaban los duques dos dedos de parecer tontos, pues tanto ahínco ponían en burlarse de dos tontos. Los cuales, el uno durmiendo a sueño suelto, y el otro velando a pensamientos desatados, les tomó el día y la gana de levantarse; que las ociosas plumas, ni vencido ni vencedor, jamás dieron gusto a don Quijote. Altisidora —en la opinión de don Quijote, vuelta de muerte a vida—, siguiendo el humor de sus señores, coronada con la misma guirnalda que en el túmulo tenía, y vestida una tunicela de tafetán blanco, sembrada de flores de oro, y sueltos los cabellos por las espaldas, arrimada a un báculo de negro y finísimo ébano, entró en el aposento de don Quijote, con cuya presencia turbado y confuso, se encogió y cubrió casi todo con las sábanas y colchas de la cama, muda la lengua, sin que acertase a hacerle cortesía ninguna. Sentóse Altisidora en una silla, junto a su cabecera, y, después de haber dado un gran suspiro, con voz tierna y debilitada le dijo: — Cuando las mujeres principales y las recatadas doncellas atropellan por la honra, y dan licencia a la lengua que rompa por todo inconveniente, dando noticia en público de los secretos que su corazón encierra, en estrecho término se hallan. Yo, señor don Quijote de la Mancha, soy una déstas, apretada, vencida y enamorada; pero, con todo esto, sufrida y honesta; tanto que, por serlo tanto, reventó mi alma por mi silencio y perdí la vida. Dos días ha que con la consideración del rigor con que me has tratado, ¡Oh más duro que mármol a mis quejas, empedernido caballero!, he estado muerta, o, a lo menos, juzgada por tal de los que me han visto; y si no fuera porque el Amor, condoliéndose de mí, depositó mi remedio en los martirios deste buen escudero, allá me quedara en el otro mundo. — Bien pudiera el Amor —dijo Sancho— depositarlos en los de mi asno, que yo se lo agradeciera. Pero dígame, señora, así el cielo la acomode con otro más blando amante que mi amo: ¿qué es lo que vio en el otro mundo? ¿Qué hay en el infierno? Porque quien muere desesperado, por fuerza ha de tener aquel paradero. — La verdad que os diga —respondió Altisidora—, yo no debí de morir del todo, pues no entré en el infierno; que, si allá entrara, una por una no pudiera salir dél, aunque quisiera. La verdad es que llegué a la puerta, adonde estaban jugando hasta una docena de diablos a la pelota, todos en calzas y en jubón, con valonas guarnecidas con puntas de randas flamencas, y con unas vueltas de lo mismo, que les servían de puños, con cuatro dedos de brazo de fuera, porque pareciesen las manos más largas, en las cuales tenían unas palas de fuego; y lo que más me admiró fue que les servían, en lugar de pelotas, libros, al parecer, llenos de viento y de borra, cosa maravillosa y nueva; pero esto no me admiró tanto como el ver que, siendo natural de los jugadores el alegrarse los gananciosos y entristecerse los que pierden, allí en aquel juego todos gruñían, todos regañaban y todos se maldecían. — Eso no es maravilla —respondió Sancho—, porque los diablos, jueguen o no jueguen, nunca pueden estar contentos, ganen o no ganen. — Así debe de ser —respondió Altisidora—; mas hay otra cosa que también me admira, quiero decir me admiró entonces, y fue que al primer voleo no quedaba pelota en pie, ni de provecho para servir otra vez; y así, menudeaban libros nuevos y viejos, que era una maravilla. A uno dellos, nuevo, flamante y bien encuadernado, le dieron un papirotazo que le sacaron las tripas y le esparcieron las hojas. Dijo un diablo a otro: ''Mirad qué libro es ése''. Y el diablo le respondió: ''Ésta es la Segunda parte de la historia de don Quijote de la Mancha, no compuesta por Cide Hamete, su primer autor, sino por un aragonés, que él dice ser natural de Tordesillas''. ''Quitádmele de ahí —respondió el otro diablo—, y metedle en los abismos del infierno: no le vean más mis ojos''. ''¿Tan malo es?'', respondió el otro. ''Tan malo —replicó el primero—, que si de propósito yo mismo me pusiera a hacerle peor, no acertara''. Prosiguieron su juego, peloteando otros libros, y yo, por haber oído nombrar a don Quijote, a quien tanto adamo y quiero, procuré que se me quedase en la memoria esta visión. — Visión debió de ser, sin duda —dijo don Quijote—, porque no hay otro yo en el mundo, y ya esa historia anda por acá de mano en mano, pero no para en ninguna, porque todos la dan del pie. Yo no me he alterado en oír que ando como cuerpo fantástico por las tinieblas del abismo, ni por la claridad de la tierra, porque no soy aquel de quien esa historia trata. Si ella fuere buena, fiel y verdadera, tendrá siglos de vida; pero si fuere mala, de su parto a la sepultura no será muy largo el camino. Iba Altisidora a proseguir en quejarse de don Quijote, cuando le dijo don Quijote: — Muchas veces os he dicho, señora, que a mí me pesa de que hayáis colocado en mí vuestros pensamientos, pues de los míos antes pueden ser agradecidos que remediados; yo nací para ser de Dulcinea del Toboso, y los hados, si los hubiera, me dedicaron para ella; y pensar que otra alguna hermosura ha de ocupar el lugar que en mi alma tiene es pensar lo imposible. Suficiente desengaño es éste para que os retiréis en los límites de vuestra honestidad, pues nadie se puede obligar a lo imposible. Oyendo lo cual Altisidora, mostrando enojarse y alterarse, le dijo: — ¡Vive el Señor, don bacallao, alma de almirez, cuesco de dátil, más terco y duro que villano rogado cuando tiene la suya sobre el hito, que si arremeto a vos, que os tengo de sacar los ojos! ¿Pensáis por ventura, don vencido y don molido a palos, que yo me he muerto por vos? Todo lo que habéis visto esta noche ha sido fingido; que no soy yo mujer que por semejantes camellos había de dejar que me doliese un negro de la uña, cuanto más morirme. — Eso creo yo muy bien —dijo Sancho—, que esto del morirse los enamorados es cosa de risa: bien lo pueden ellos decir, pero hacer, créalo Judas. Estando en estas pláticas, entró el músico, cantor y poeta que había cantado las dos ya referidas estancias, el cual, haciendo una gran reverencia a don Quijote, dijo: — Vuestra merced, señor caballero, me cuente y tenga en el número de sus mayores servidores, porque ha muchos días que le soy muy aficionado, así por su fama como por sus hazañas. Don Quijote le respondió: — Vuestra merced me diga quién es, porque mi cortesía responda a sus merecimientos. El mozo respondió que era el músico y panegírico de la noche antes. — Por cierto —replicó don Quijote—, que vuestra merced tiene estremada voz, pero lo que cantó no me parece que fue muy a propósito; porque, ¿qué tienen que ver las estancias de Garcilaso con la muerte desta señora? — No se maraville vuestra merced deso —respondió el músico—, que ya entre los intonsos poetas de nuestra edad se usa que cada uno escriba como quisiere, y hurte de quien quisiere, venga o no venga a pelo de su intento, y ya no hay necedad que canten o escriban que no se atribuya a licencia poética. Responder quisiera don Quijote, pero estorbáronlo el duque y la duquesa, que entraron a verle, entre los cuales pasaron una larga y dulce plática, en la cual dijo Sancho tantos donaires y tantas malicias, que dejaron de nuevo admirados a los duques, así con su simplicidad como con su agudeza. Don Quijote les suplicó le diesen licencia para partirse aquel mismo día, pues a los vencidos caballeros, como él, más les convenía habitar una zahúrda que no reales palacios. Diéronsela de muy buena gana, y la duquesa le preguntó si quedaba en su gracia Altisidora. Él le respondió: — Señora mía, sepa Vuestra Señoría que todo el mal desta doncella nace de ociosidad, cuyo remedio es la ocupación honesta y continua. Ella me ha dicho aquí que se usan randas en el infierno; y, pues ella las debe de saber hacer, no las deje de la mano, que, ocupada en menear los palillos, no se menearán en su imaginación la imagen o imágines de lo que bien quiere; y ésta es la verdad, éste mi parecer y éste es mi consejo. — Y el mío —añadió Sancho—, pues no he visto en toda mi vida randera que por amor se haya muerto; que las doncellas ocupadas más ponen sus pensamientos en acabar sus tareas que en pensar en sus amores. Por mí lo digo, pues, mientras estoy cavando, no me acuerdo de mi oíslo; digo, de mi Teresa Panza, a quien quiero más que a las pestañas de mis ojos. — Vos decís muy bien, Sancho —dijo la duquesa—, y yo haré que mi Altisidora se ocupe de aquí adelante en hacer alguna labor blanca, que la sabe hacer por estremo. — No hay para qué, señora —respondió Altisidora—, usar dese remedio, pues la consideración de las crueldades que conmigo ha usado este malandrín mostrenco me le borrarán de la memoria sin otro artificio alguno. Y, con licencia de vuestra grandeza, me quiero quitar de aquí, por no ver delante de mis ojos ya no su triste figura, sino su fea y abominable catadura. — Eso me parece —dijo el duque— a lo que suele decirse: Porque aquel que dice injurias, cerca está de perdonar. Hizo Altisidora muestra de limpiarse las lágrimas con un pañuelo, y, haciendo reverencia a sus señores, se salió del aposento. — Mándote yo —dijo Sancho—, pobre doncella, mándote, digo, mala ventura, pues las has habido con una alma de esparto y con un corazón de encina. ¡A fee que si las hubieras conmigo, que otro gallo te cantara! Acabóse la plática, vistióse don Quijote, comió con los duques, y partióse aquella tarde. Capítulo LXXI. De lo que a don Quijote le sucedió con su escudero Sancho yendo a su aldea Iba el vencido y asendereado don Quijote pensativo además por una parte, y muy alegre por otra. Causaba su tristeza el vencimiento; y la alegría, el considerar en la virtud de Sancho, como lo había mostrado en la resurreción de Altisidora, aunque con algún escrúpulo se persuadía a que la enamorada doncella fuese muerta de veras. No iba nada Sancho alegre, porque le entristecía ver que Altisidora no le había cumplido la palabra de darle las camisas; y, yendo y viniendo en esto, dijo a su amo: — En verdad, señor, que soy el más desgraciado médico que se debe de hallar en el mundo, en el cual hay físicos que, con matar al enfermo que curan, quieren ser pagados de su trabajo, que no es otro sino firmar una cedulilla de algunas medicinas, que no las hace él, sino el boticario, y cátalo cantusado; y a mí, que la salud ajena me cuesta gotas de sangre, mamonas, pellizcos, alfilerazos y azotes, no me dan un ardite. Pues yo les voto a tal que si me traen a las manos otro algún enfermo, que, antes que le cure, me han de untar las mías; que el abad de donde canta yanta, y no quiero creer que me haya dado el cielo la virtud que tengo para que yo la comunique con otros de bóbilis, bóbilis. — Tú tienes razón, Sancho amigo —respondió don Quijote—, y halo hecho muy mal Altisidora en no haberte dado las prometidas camisas; y, puesto que tu virtud es gratis data, que no te ha costado estudio alguno, más que estudio es recebir martirios en tu persona. De mí te sé decir que si quisieras paga por los azotes del desencanto de Dulcinea, ya te la hubiera dado tal como buena; pero no sé si vendrá bien con la cura la paga, y no querría que impidiese el premio a la medicina. Con todo eso, me parece que no se perderá nada en probarlo: mira, Sancho, el que quieres, y azótate luego, y págate de contado y de tu propia mano, pues tienes dineros míos. A cuyos ofrecimientos abrió Sancho los ojos y las orejas de un palmo, y dio consentimiento en su corazón a azotarse de buena gana; y dijo a su amo: — Agora bien, señor, yo quiero disponerme a dar gusto a vuestra merced en lo que desea, con provecho mío; que el amor de mis hijos y de mi mujer me hace que me muestre interesado. Dígame vuestra merced: ¿cuánto me dará por cada azote que me diere? — Si yo te hubiera de pagar, Sancho —respondió don Quijote—, conforme lo que merece la grandeza y calidad deste remedio, el tesoro de Venecia, las minas del Potosí fueran poco para pagarte; toma tú el tiento a lo que llevas mío, y pon el precio a cada azote. — Ellos —respondió Sancho— son tres mil y trecientos y tantos; de ellos me he dado hasta cinco: quedan los demás; entren entre los tantos estos cinco, y vengamos a los tres mil y trecientos, que a cuartillo cada uno, que no llevaré menos si todo el mundo me lo mandase, montan tres mil y trecientos cuartillos, que son los tres mil, mil y quinientos medios reales, que hacen setecientos y cincuenta reales; y los trecientos hacen ciento y cincuenta medios reales, que vienen a hacer setenta y cinco reales, que, juntándose a los setecientos y cincuenta, son por todos ochocientos y veinte y cinco reales. Éstos desfalcaré yo de los que tengo de vuestra merced, y entraré en mi casa rico y contento, aunque bien azotado; porque no se toman truchas..., y no digo más. — ¡Oh Sancho bendito! ¡Oh Sancho amable —respondió don Quijote—, y cuán obligados hemos de quedar Dulcinea y yo a servirte todos los días que el cielo nos diere de vida! Si ella vuelve al ser perdido, que no es posible sino que vuelva, su desdicha habrá sido dicha, y mi vencimiento, felicísimo triunfo. Y mira, Sancho, cuándo quieres comenzar la diciplina, que porque la abrevies te añado cien reales. — ¿Cuándo? —replicó Sancho—. Esta noche, sin falta. Procure vuestra merced que la tengamos en el campo, al cielo abierto, que yo me abriré mis carnes. Llegó la noche, esperada de don Quijote con la mayor ansia del mundo, pareciéndole que las ruedas del carro de Apolo se habían quebrado, y que el día se alargaba más de lo acostumbrado, bien así como acontece a los enamorados, que jamás ajustan la cuenta de sus deseos. Finalmente, se entraron entre unos amenos árboles que poco desviados del camino estaban, donde, dejando vacías la silla y albarda de Rocinante y el rucio, se tendieron sobre la verde yerba y cenaron del repuesto de Sancho; el cual, haciendo del cabestro y de la jáquima del rucio un poderoso y flexible azote, se retiró hasta veinte pasos de su amo, entre unas hayas. Don Quijote, que le vio ir con denuedo y con brío, le dijo: — Mira, amigo, que no te hagas pedazos; da lugar que unos azotes aguarden a otros; no quieras apresurarte tanto en la carrera, que en la mitad della te falte el aliento; quiero decir que no te des tan recio que te falte la vida antes de llegar al número deseado. Y, porque no pierdas por carta de más ni de menos, yo estaré desde aparte contando por este mi rosario los azotes que te dieres. Favorézcate el cielo conforme tu buena intención merece. — Al buen pagador no le duelen prendas —respondió Sancho—: yo pienso darme de manera que, sin matarme, me duela; que en esto debe de consistir la sustancia deste milagro. Desnudóse luego de medio cuerpo arriba, y, arrebatando el cordel, comenzó a darse, y comenzó don Quijote a contar los azotes. Hasta seis o ocho se habría dado Sancho, cuando le pareció ser pesada la burla y muy barato el precio della, y, deteniéndose un poco, dijo a su amo que se llamaba a engaño, porque merecía cada azote de aquéllos ser pagado a medio real, no que a cuartillo. — Prosigue, Sancho amigo, y no desmayes —le dijo don Quijote—, que yo doblo la parada del precio. — Dese modo —dijo Sancho—, ¡a la mano de Dios, y lluevan azotes! Pero el socarrón dejó de dárselos en las espaldas, y daba en los árboles, con unos suspiros de cuando en cuando, que parecía que con cada uno dellos se le arrancaba el alma. Tierna la de don Quijote, temeroso de que no se le acabase la vida, y no consiguiese su deseo por la imprudencia de Sancho, le dijo: — Por tu vida, amigo, que se quede en este punto este negocio, que me parece muy áspera esta medicina, y será bien dar tiempo al tiempo; que no se ganó Zamora en un hora. Más de mil azotes, si yo no he contado mal, te has dado: bastan por agora; que el asno, hablando a lo grosero, sufre la carga, mas no la sobrecarga. — No, no, señor —respondió Sancho—, no se ha de decir por mí: "a dineros pagados, brazos quebrados". Apártese vuestra merced otro poco y déjeme dar otros mil azotes siquiera, que a dos levadas déstas habremos cumplido con esta partida, y aún nos sobrará ropa. — Pues tú te hallas con tan buena disposición —dijo don Quijote—, el cielo te ayude, y pégate, que yo me aparto. Volvió Sancho a su tarea con tanto denuedo, que ya había quitado las cortezas a muchos árboles: tal era la riguridad con que se azotaba; y, alzando una vez la voz, y dando un desaforado azote en una haya, dijo: — ¡Aquí morirás, Sansón, y cuantos con él son! Acudió don Quijote luego al son de la lastimada voz y del golpe del riguroso azote, y, asiendo del torcido cabestro que le servía de corbacho a Sancho, le dijo: — No permita la suerte, Sancho amigo, que por el gusto mío pierdas tú la vida, que ha de servir para sustentar a tu mujer y a tus hijos: espere Dulcinea mejor coyuntura, que yo me contendré en los límites de la esperanza propincua, y esperaré que cobres fuerzas nuevas, para que se concluya este negocio a gusto de todos. — Pues vuestra merced, señor mío, lo quiere así —respondió Sancho—, sea en buena hora, y écheme su ferreruelo sobre estas espaldas, que estoy sudando y no querría resfriarme; que los nuevos diciplinantes corren este peligro. Hízolo así don Quijote, y, quedándose en pelota, abrigó a Sancho, el cual se durmió hasta que le despertó el sol, y luego volvieron a proseguir su camino, a quien dieron fin, por entonces, en un lugar que tres leguas de allí estaba. Apeáronse en un mesón, que por tal le reconoció don Quijote, y no por castillo de cava honda, torres, rastrillos y puente levadiza; que, después que le vencieron, con más juicio en todas las cosas discurría, como agora se dirá. Alojáronle en una sala baja, a quien servían de guadameciles unas sargas viejas pintadas, como se usan en las aldeas. En una dellas estaba pintada de malísima mano el robo de Elena, cuando el atrevido huésped se la llevó a Menalao, y en otra estaba la historia de Dido y de Eneas, ella sobre una alta torre, como que hacía señas con una media sábana al fugitivo huésped, que por el mar, sobre una fragata o bergantín, se iba huyendo. Notó en las dos historias que Elena no iba de muy mala gana, porque se reía a socapa y a lo socarrón; pero la hermosa Dido mostraba verter lágrimas del tamaño de nueces por los ojos. Viendo lo cual don Quijote, dijo: — Estas dos señoras fueron desdichadísimas, por no haber nacido en esta edad, y yo sobre todos desdichado en no haber nacido en la suya: encontrara a aquestos señores, ni fuera abrasada Troya, ni Cartago destruida, pues con sólo que yo matara a Paris se escusaran tantas desgracias. — Yo apostaré —dijo Sancho— que antes de mucho tiempo no ha de haber bodegón, venta ni mesón, o tienda de barbero, donde no ande pintada la historia de nuestras hazañas. Pero querría yo que la pintasen manos de otro mejor pintor que el que ha pintado a éstas. — Tienes razón, Sancho —dijo don Quijote—, porque este pintor es como Orbaneja, un pintor que estaba en Úbeda; que, cuando le preguntaban qué pintaba, respondía: ''Lo que saliere''; y si por ventura pintaba un gallo, escribía debajo: "Éste es gallo", porque no pensasen que era zorra. Desta manera me parece a mí, Sancho, que debe de ser el pintor o escritor, que todo es uno, que sacó a luz la historia deste nuevo don Quijote que ha salido: que pintó o escribió lo que saliere; o habrá sido como un poeta que andaba los años pasados en la corte, llamado Mauleón, el cual respondía de repente a cuanto le preguntaban; y, preguntándole uno que qué quería decir Deum de Deo, respondió: ''Dé donde diere''. Pero, dejando esto aparte, dime si piensas, Sancho, darte otra tanda esta noche, y si quieres que sea debajo de techado, o al cielo abierto. — Pardiez, señor —respondió Sancho—, que para lo que yo pienso darme, eso se me da en casa que en el campo; pero, con todo eso, querría que fuese entre árboles, que parece que me acompañan y me ayudan a llevar mi trabajo maravillosamente. — Pues no ha de ser así, Sancho amigo —respondió don Quijote—, sino que para que tomes fuerzas, lo hemos de guardar para nuestra aldea, que, a lo más tarde, llegaremos allá después de mañana. Sancho respondió que hiciese su gusto, pero que él quisiera concluir con brevedad aquel negocio a sangre caliente y cuando estaba picado el molino, porque en la tardanza suele estar muchas veces el peligro; y a Dios rogando y con el mazo dando, y que más valía un "toma" que dos "te daré", y el pájaro en la mano que el buitre volando. — No más refranes, Sancho, por un solo Dios —dijo don Quijote—, que parece que te vuelves al sicut erat; habla a lo llano, a lo liso, a lo no intricado, como muchas veces te he dicho, y verás como te vale un pan por ciento. — No sé qué mala ventura es esta mía —respondió Sancho—, que no sé decir razón sin refrán, ni refrán que no me parezca razón; pero yo me enmendaré, si pudiere. Y, con esto, cesó por entonces su plática. Capítulo LXXII. De cómo don Quijote y Sancho llegaron a su aldea Todo aquel día, esperando la noche, estuvieron en aquel lugar y mesón don Quijote y Sancho: el uno, para acabar en la campaña rasa la tanda de su diciplina, y el otro, para ver el fin della, en el cual consistía el de su deseo. Llegó en esto al mesón un caminante a caballo, con tres o cuatro criados, uno de los cuales dijo al que el señor dellos parecía: — Aquí puede vuestra merced, señor don Álvaro Tarfe, pasar hoy la siesta: la posada parece limpia y fresca. Oyendo esto don Quijote, le dijo a Sancho: — Mira, Sancho: cuando yo hojeé aquel libro de la segunda parte de mi historia, me parece que de pasada topé allí este nombre de don Álvaro Tarfe. — Bien podrá ser —respondió Sancho—. Dejémosle apear, que después se lo preguntaremos. El caballero se apeó, y, frontero del aposento de don Quijote, la huéspeda le dio una sala baja, enjaezada con otras pintadas sargas, como las que tenía la estancia de don Quijote. Púsose el recién venido caballero a lo de verano, y, saliéndose al portal del mesón, que era espacioso y fresco, por el cual se paseaba don Quijote, le preguntó: — ¿Adónde bueno camina vuestra merced, señor gentilhombre? Y don Quijote le respondió: — A una aldea que está aquí cerca, de donde soy natural. Y vuestra merced, ¿dónde camina? — Yo, señor —respondió el caballero—, voy a Granada, que es mi patria. — ¡Y buena patria! —replicó don Quijote—. Pero, dígame vuestra merced, por cortesía, su nombre, porque me parece que me ha de importar saberlo más de lo que buenamente podré decir. — Mi nombre es don Álvaro Tarfe —respondió el huésped. A lo que replicó don Quijote: — Sin duda alguna pienso que vuestra merced debe de ser aquel don Álvaro Tarfe que anda impreso en la Segunda parte de la historia de don Quijote de la Mancha, recién impresa y dada a la luz del mundo por un autor moderno. — El mismo soy —respondió el caballero—, y el tal don Quijote, sujeto principal de la tal historia, fue grandísimo amigo mío, y yo fui el que le sacó de su tierra, o, a lo menos, le moví a que viniese a unas justas que se hacían en Zaragoza, adonde yo iba; y, en verdad en verdad que le hice muchas amistades, y que le quité de que no le palmease las espaldas el verdugo, por ser demasiadamente atrevido. — Y, dígame vuestra merced, señor don Álvaro, ¿parezco yo en algo a ese tal don Quijote que vuestra merced dice? — No, por cierto —respondió el huésped—: en ninguna manera. — Y ese don Quijote —dijo el nuestro—, ¿traía consigo a un escudero llamado Sancho Panza? — Sí traía —respondió don Álvaro—; y, aunque tenía fama de muy gracioso, nunca le oí decir gracia que la tuviese. — Eso creo yo muy bien —dijo a esta sazón Sancho—, porque el decir gracias no es para todos, y ese Sancho que vuestra merced dice, señor gentilhombre, debe de ser algún grandísimo bellaco, frión y ladrón juntamente, que el verdadero Sancho Panza soy yo, que tengo más gracias que llovidas; y si no, haga vuestra merced la experiencia, y ándese tras de mí, por los menos un año, y verá que se me caen a cada paso, y tales y tantas que, sin saber yo las más veces lo que me digo, hago reír a cuantos me escuchan; y el verdadero don Quijote de la Mancha, el famoso, el valiente y el discreto, el enamorado, el desfacedor de agravios, el tutor de pupilos y huérfanos, el amparo de las viudas, el matador de las doncellas, el que tiene por única señora a la sin par Dulcinea del Toboso, es este señor que está presente, que es mi amo; todo cualquier otro don Quijote y cualquier otro Sancho Panza es burlería y cosa de sueño. — ¡Por Dios que lo creo! —respondió don Álvaro—, porque más gracias habéis dicho vos, amigo, en cuatro razones que habéis hablado, que el otro Sancho Panza en cuantas yo le oí hablar, que fueron muchas. Más tenía de comilón que de bien hablado, y más de tonto que de gracioso, y tengo por sin duda que los encantadores que persiguen a don Quijote el bueno han querido perseguirme a mí con don Quijote el malo. Pero no sé qué me diga; que osaré yo jurar que le dejo metido en la casa del Nuncio, en Toledo, para que le curen, y agora remanece aquí otro don Quijote, aunque bien diferente del mío. — Yo —dijo don Quijote— no sé si soy bueno, pero sé decir que no soy el malo; para prueba de lo cual quiero que sepa vuesa merced, mi señor don Álvaro Tarfe, que en todos los días de mi vida no he estado en Zaragoza; antes, por haberme dicho que ese don Quijote fantástico se había hallado en las justas desa ciudad, no quise yo entrar en ella, por sacar a las barbas del mundo su mentira; y así, me pasé de claro a Barcelona, archivo de la cortesía, albergue de los estranjeros, hospital de los pobres, patria de los valientes, venganza de los ofendidos y correspondencia grata de firmes amistades, y, en sitio y en belleza, única. Y, aunque los sucesos que en ella me han sucedido no son de mucho gusto, sino de mucha pesadumbre, los llevo sin ella, sólo por haberla visto. Finalmente, señor don Álvaro Tarfe, yo soy don Quijote de la Mancha, el mismo que dice la fama, y no ese desventurado que ha querido usurpar mi nombre y honrarse con mis pensamientos. A vuestra merced suplico, por lo que debe a ser caballero, sea servido de hacer una declaración ante el alcalde deste lugar, de que vuestra merced no me ha visto en todos los días de su vida hasta agora, y de que yo no soy el don Quijote impreso en la segunda parte, ni este Sancho Panza mi escudero es aquél que vuestra merced conoció. — Eso haré yo de muy buena gana —respondió don Álvaro—, puesto que cause admiración ver dos don Quijotes y dos Sanchos a un mismo tiempo, tan conformes en los nombres como diferentes en las acciones; y vuelvo a decir y me afirmo que no he visto lo que he visto, ni ha pasado por mí lo que ha pasado. — Sin duda —dijo Sancho— que vuestra merced debe de estar encantado, como mi señora Dulcinea del Toboso, y pluguiera al cielo que estuviera su desencanto de vuestra merced en darme otros tres mil y tantos azotes como me doy por ella, que yo me los diera sin interés alguno. — No entiendo eso de azotes —dijo don Álvaro. Y Sancho le respondió que era largo de contar, pero que él se lo contaría si acaso iban un mesmo camino. Llegóse en esto la hora de comer; comieron juntos don Quijote y don Álvaro. Entró acaso el alcalde del pueblo en el mesón, con un escribano, ante el cual alcalde pidió don Quijote, por una petición, de que a su derecho convenía de que don Álvaro Tarfe, aquel caballero que allí estaba presente, declarase ante su merced como no conocía a don Quijote de la Mancha, que asimismo estaba allí presente, y que no era aquél que andaba impreso en una historia intitulada: Segunda parte de don Quijote de la Mancha, compuesta por un tal de Avellaneda, natural de Tordesillas. Finalmente, el alcalde proveyó jurídicamente; la declaración se hizo con todas las fuerzas que en tales casos debían hacerse, con lo que quedaron don Quijote y Sancho muy alegres, como si les importara mucho semejante declaración y no mostrara claro la diferencia de los dos don Quijotes y la de los dos Sanchos sus obras y sus palabras. Muchas de cortesías y ofrecimientos pasaron entre don Álvaro y don Quijote, en las cuales mostró el gran manchego su discreción, de modo que desengañó a don Álvaro Tarfe del error en que estaba; el cual se dio a entender que debía de estar encantado, pues tocaba con la mano dos tan contrarios don Quijotes. Llegó la tarde, partiéronse de aquel lugar, y a obra de media legua se apartaban dos caminos diferentes, el uno que guiaba a la aldea de don Quijote, y el otro el que había de llevar don Álvaro. En este poco espacio le contó don Quijote la desgracia de su vencimiento y el encanto y el remedio de Dulcinea, que todo puso en nueva admiración a don Álvaro, el cual, abrazando a don Quijote y a Sancho, siguió su camino, y don Quijote el suyo, que aquella noche la pasó entre otros árboles, por dar lugar a Sancho de cumplir su penitencia, que la cumplió del mismo modo que la pasada noche, a costa de las cortezas de las hayas, harto más que de sus espaldas, que las guardó tanto, que no pudieran quitar los azotes una mosca, aunque la tuviera encima. No perdió el engañado don Quijote un solo golpe de la cuenta, y halló que con los de la noche pasada era tres mil y veinte y nueve. Parece que había madrugado el sol a ver el sacrificio, con cuya luz volvieron a proseguir su camino, tratando entre los dos del engaño de don Álvaro y de cuán bien acordado había sido tomar su declaración ante la justicia, y tan auténticamente. Aquel día y aquella noche caminaron sin sucederles cosa digna de contarse, si no fue que en ella acabó Sancho su tarea, de que quedó don Quijote contento sobremodo, y esperaba el día, por ver si en el camino topaba ya desencantada a Dulcinea su señora; y, siguiendo su camino, no topaba mujer ninguna que no iba a reconocer si era Dulcinea del Toboso, teniendo por infalible no poder mentir las promesas de Merlín. Con estos pensamientos y deseos subieron una cuesta arriba, desde la cual descubrieron su aldea, la cual, vista de Sancho, se hincó de rodillas y dijo: — Abre los ojos, deseada patria, y mira que vuelve a ti Sancho Panza, tu hijo, si no muy rico, muy bien azotado. Abre los brazos y recibe también tu hijo don Quijote, que si viene vencido de los brazos ajenos, viene vencedor de sí mismo; que, según él me ha dicho, es el mayor vencimiento que desearse puede. Dineros llevo, porque si buenos azotes me daban, bien caballero me iba. — Déjate desas sandeces —dijo don Quijote—, y vamos con pie derecho a entrar en nuestro lugar, donde daremos vado a nuestras imaginaciones, y la traza que en la pastoral vida pensamos ejercitar. Con esto, bajaron de la cuesta y se fueron a su pueblo. Capítulo LXXIII. De los agüeros que tuvo don Quijote al entrar de su aldea, con otros sucesos que adornan y acreditan esta grande historia A la entrada del cual, según dice Cide Hamete, vio don Quijote que en las eras del lugar estaban riñendo dos mochachos, y el uno dijo al otro: — No te canses Periquillo, que no la has de ver en todos los días de tu vida. Oyólo don Quijote, y dijo a Sancho: — ¿No adviertes, amigo, lo que aquel mochacho ha dicho: ''no la has de ver en todos los días de tu vida''? — Pues bien, ¿qué importa —respondió Sancho— que haya dicho eso el mochacho? — ¿Qué? —replicó don Quijote—. ¿No vees tú que, aplicando aquella palabra a mi intención, quiere significar que no tengo de ver más a Dulcinea? Queríale responder Sancho, cuando se lo estorbó ver que por aquella campaña venía huyendo una liebre, seguida de muchos galgos y cazadores, la cual, temerosa, se vino a recoger y a agazapar debajo de los pies del rucio. Cogióla Sancho a mano salva y presentósela a don Quijote, el cual estaba diciendo: — Malum signum! Malum signum! Liebre huye, galgos la siguen: ¡Dulcinea no parece! — Estraño es vuesa merced —dijo Sancho—. Presupongamos que esta liebre es Dulcinea del Toboso y estos galgos que la persiguen son los malandrines encantadores que la transformaron en labradora: ella huye, yo la cojo y la pongo en poder de vuesa merced, que la tiene en sus brazos y la regala: ¿qué mala señal es ésta, ni qué mal agüero se puede tomar de aquí? Los dos mochachos de la pendencia se llegaron a ver la liebre, y al uno dellos preguntó Sancho que por qué reñían. Y fuele respondido por el que había dicho ''no la verás más en toda tu vida'', que él había tomado al otro mochacho una jaula de grillos, la cual no pensaba volvérsela en toda su vida. Sacó Sancho cuatro cuartos de la faltriquera y dióselos al mochacho por la jaula, y púsosela en las manos a don Quijote, diciendo: — He aquí, señor, rompidos y desbaratados estos agüeros, que no tienen que ver más con nuestros sucesos, según que yo imagino, aunque tonto, que con las nubes de antaño. Y si no me acuerdo mal, he oído decir al cura de nuestro pueblo que no es de personas cristianas ni discretas mirar en estas niñerías; y aun vuesa merced mismo me lo dijo los días pasados, dándome a entender que eran tontos todos aquellos cristianos que miraban en agüeros. Y no es menester hacer hincapié en esto, sino pasemos adelante y entremos en nuestra aldea. Llegaron los cazadores, pidieron su liebre, y diósela don Quijote; pasaron adelante, y, a la entrada del pueblo, toparon en un pradecillo rezando al cura y al bachiller Carrasco. Y es de saber que Sancho Panza había echado sobre el rucio y sobre el lío de las armas, para que sirviese de repostero, la túnica de bocací, pintada de llamas de fuego que le vistieron en el castillo del duque la noche que volvió en sí Altisidora. Acomodóle también la coroza en la cabeza, que fue la más nueva transformación y adorno con que se vio jamás jumento en el mundo. Fueron luego conocidos los dos del cura y del bachiller, que se vinieron a ellos con los brazos abiertos. Apeóse don Quijote y abrazólos estrechamente; y los mochachos, que son linces no escusados, divisaron la coroza del jumento y acudieron a verle, y decían unos a otros: — Venid, mochachos, y veréis el asno de Sancho Panza más galán que Mingo, y la bestia de don Quijote más flaca hoy que el primer día. Finalmente, rodeados de mochachos y acompañados del cura y del bachiller, entraron en el pueblo, y se fueron a casa de don Quijote, y hallaron a la puerta della al ama y a su sobrina, a quien ya habían llegado las nuevas de su venida. Ni más ni menos se las habían dado a Teresa Panza, mujer de Sancho, la cual, desgreñada y medio desnuda, trayendo de la mano a Sanchica, su hija, acudió a ver a su marido; y, viéndole no tan bien adeliñado como ella se pensaba que había de estar un gobernador, le dijo: — ¿Cómo venís así, marido mío, que me parece que venís a pie y despeado, y más traéis semejanza de desgobernado que de gobernador? — Calla, Teresa —respondió Sancho—, que muchas veces donde hay estacas no hay tocinos, y vámonos a nuestra casa, que allá oirás maravillas. Dineros traigo, que es lo que importa, ganados por mi industria y sin daño de nadie. — Traed vos dinero, mi buen marido —dijo Teresa—, y sean ganados por aquí o por allí, que, comoquiera que los hayáis ganado, no habréis hecho usanza nueva en el mundo. Abrazó Sanchica a su padre, y preguntóle si traía algo, que le estaba esperando como el agua de mayo; y, asiéndole de un lado del cinto, y su mujer de la mano, tirando su hija al rucio, se fueron a su casa, dejando a don Quijote en la suya, en poder de su sobrina y de su ama, y en compañía del cura y del bachiller. Don Quijote, sin guardar términos ni horas, en aquel mismo punto se apartó a solas con el bachiller y el cura, y en breves razones les contó su vencimiento, y la obligación en que había quedado de no salir de su aldea en un año, la cual pensaba guardar al pie de la letra, sin traspasarla en un átomo, bien así como caballero andante, obligado por la puntualidad y orden de la andante caballería, y que tenía pensado de hacerse aquel año pastor, y entretenerse en la soledad de los campos, donde a rienda suelta podía dar vado a sus amorosos pensamientos, ejercitándose en el pastoral y virtuoso ejercicio; y que les suplicaba, si no tenían mucho que hacer y no estaban impedidos en negocios más importantes, quisiesen ser sus compañeros; que él compraría ovejas y ganado suficiente que les diese nombre de pastores; y que les hacía saber que lo más principal de aquel negocio estaba hecho, porque les tenía puestos los nombres, que les vendrían como de molde. Díjole el cura que los dijese. Respondió don Quijote que él se había de llamar el pastor Quijotiz; y el bachiller, el pastor Carrascón; y el cura, el pastor Curambro; y Sancho Panza, el pastor Pancino. Pasmáronse todos de ver la nueva locura de don Quijote; pero, porque no se les fuese otra vez del pueblo a sus caballerías, esperando que en aquel año podría ser curado, concedieron con su nueva intención, y aprobaron por discreta su locura, ofreciéndosele por compañeros en su ejercicio. — Y más —dijo Sansón Carrasco—, que, como ya todo el mundo sabe, yo soy celebérrimo poeta y a cada paso compondré versos pastoriles, o cortesanos, o como más me viniere a cuento, para que nos entretengamos por esos andurriales donde habemos de andar; y lo que más es menester, señores míos, es que cada uno escoja el nombre de la pastora que piensa celebrar en sus versos, y que no dejemos árbol, por duro que sea, donde no la retule y grabe su nombre, como es uso y costumbre de los enamorados pastores. — Eso está de molde —respondió don Quijote—, puesto que yo estoy libre de buscar nombre de pastora fingida, pues está ahí la sin par Dulcinea del Toboso, gloria de estas riberas, adorno de estos prados, sustento de la hermosura, nata de los donaires, y, finalmente, sujeto sobre quien puede asentar bien toda alabanza, por hipérbole que sea. — Así es verdad —dijo el cura—, pero nosotros buscaremos por ahí pastoras mañeruelas, que si no nos cuadraren, nos esquinen. A lo que añadió Sansón Carrasco: — Y cuando faltaren, darémosles los nombres de las estampadas e impresas, de quien está lleno el mundo: Fílidas, Amarilis, Dianas, Fléridas, Galateas y Belisardas; que, pues las venden en las plazas, bien las podemos comprar nosotros y tenerlas por nuestras. Si mi dama, o, por mejor decir, mi pastora, por ventura se llamare Ana, la celebraré debajo del nombre de Anarda; y si Francisca, la llamaré yo Francenia; y si Lucía, Lucinda, que todo se sale allá; y Sancho Panza, si es que ha de entrar en esta cofadría, podrá celebrar a su mujer Teresa Panza con nombre de Teresaina. Rióse don Quijote de la aplicación del nombre, y el cura le alabó infinito su honesta y honrada resolución, y se ofreció de nuevo a hacerle compañía todo el tiempo que le vacase de atender a sus forzosas obligaciones. Con esto, se despidieron dél, y le rogaron y aconsejaron tuviese cuenta con su salud, con regalarse lo que fuese bueno. Quiso la suerte que su sobrina y el ama oyeron la plática de los tres; y, así como se fueron, se entraron entrambas con don Quijote, y la sobrina le dijo: — ¿Qué es esto, señor tío? ¿Ahora que pensábamos nosotras que vuestra merced volvía a reducirse en su casa, y pasar en ella una vida quieta y honrada, se quiere meter en nuevos laberintos, haciéndose Pastorcillo, tú que vienes, pastorcico, tú que vas? Pues en verdad que está ya duro el alcacel para zampoñas. A lo que añadió el ama: Y ¿podrá vuestra merced pasar en el campo las siestas del verano, los serenos del invierno, el aullido de los lobos? No, por cierto, que éste es ejercicio y oficio de hombres robustos, curtidos y criados para tal ministerio casi desde las fajas y mantillas. Aun, mal por mal, mejor es ser caballero andante que pastor. Mire, señor, tome mi consejo, que no se le doy sobre estar harta de pan y vino, sino en ayunas, y sobre cincuenta años que tengo de edad: estése en su casa, atienda a su hacienda, confiese a menudo, favorezca a los pobres, y sobre mi ánima si mal le fuere. — Callad, hijas —les respondió don Quijote—, que yo sé bien lo que me cumple. Llevadme al lecho, que me parece que no estoy muy bueno, y tened por cierto que, ahora sea caballero andante o pastor por andar, no dejaré siempre de acudir a lo que hubiéredes menester, como lo veréis por la obra. Y las buenas hijas —que lo eran sin duda ama y sobrina— le llevaron a la cama, donde le dieron de comer y regalaron lo posible. Capítulo LXXIV. De cómo don Quijote cayó malo, y del testamento que hizo, y su muerte Como las cosas humanas no sean eternas, yendo siempre en declinación de sus principios hasta llegar a su último fin, especialmente las vidas de los hombres, y como la de don Quijote no tuviese privilegio del cielo para detener el curso de la suya, llegó su fin y acabamiento cuando él menos lo pensaba; porque, o ya fuese de la melancolía que le causaba el verse vencido, o ya por la disposición del cielo, que así lo ordenaba, se le arraigó una calentura que le tuvo seis días en la cama, en los cuales fue visitado muchas veces del cura, del bachiller y del barbero, sus amigos, sin quitársele de la cabecera Sancho Panza, su buen escudero. Éstos, creyendo que la pesadumbre de verse vencido y de no ver cumplido su deseo en la libertad y desencanto de Dulcinea le tenía de aquella suerte, por todas las vías posibles procuraban alegrarle, diciéndole el bachiller que se animase y levantase, para comenzar su pastoral ejercicio, para el cual tenía ya compuesta una écloga, que mal año para cuantas Sanazaro había compuesto, y que ya tenía comprados de su propio dinero dos famosos perros para guardar el ganado: el uno llamado Barcino, y el otro Butrón, que se los había vendido un ganadero del Quintanar. Pero no por esto dejaba don Quijote sus tristezas. Llamaron sus amigos al médico, tomóle el pulso, y no le contentó mucho, y dijo que, por sí o por no, atendiese a la salud de su alma, porque la del cuerpo corría peligro. Oyólo don Quijote con ánimo sosegado, pero no lo oyeron así su ama, su sobrina y su escudero, los cuales comenzaron a llorar tiernamente, como si ya le tuvieran muerto delante. Fue el parecer del médico que melancolías y desabrimientos le acababan. Rogó don Quijote que le dejasen solo, porque quería dormir un poco. Hiciéronlo así y durmió de un tirón, como dicen, más de seis horas; tanto, que pensaron el ama y la sobrina que se había de quedar en el sueño. Despertó al cabo del tiempo dicho, y, dando una gran voz, dijo: — ¡Bendito sea el poderoso Dios, que tanto bien me ha hecho! En fin, sus misericordias no tienen límite, ni las abrevian ni impiden los pecados de los hombres. Estuvo atenta la sobrina a las razones del tío, y pareciéronle más concertadas que él solía decirlas, a lo menos, en aquella enfermedad, y preguntóle: — ¿Qué es lo que vuestra merced dice, señor? ¿Tenemos algo de nuevo? ¿Qué misericordias son éstas, o qué pecados de los hombres? — Las misericordias —respondió don Quijote—, sobrina, son las que en este instante ha usado Dios conmigo, a quien, como dije, no las impiden mis pecados. Yo tengo juicio ya, libre y claro, sin las sombras caliginosas de la ignorancia, que sobre él me pusieron mi amarga y continua leyenda de los detestables libros de las caballerías. Ya conozco sus disparates y sus embelecos, y no me pesa sino que este desengaño ha llegado tan tarde, que no me deja tiempo para hacer alguna recompensa, leyendo otros que sean luz del alma. Yo me siento, sobrina, a punto de muerte; querría hacerla de tal modo, que diese a entender que no había sido mi vida tan mala que dejase renombre de loco, que, puesto que lo he sido, no querría confirmar esta verdad en mi muerte. Llámame, amiga, a mis buenos amigos: el cura, al bachiller Sansón Carrasco y a maese Nicolás, el barbero, que quiero confesarme y hacer mi testamento. Pero de este trabajo se escusó la sobrina con la entrada de los tres. Apenas los vio don Quijote, cuando dijo: — Dadme albricias, buenos señores, de que ya yo no soy don Quijote de la Mancha, sino Alonso Quijano, a quien mis costumbres me dieron renombre de Bueno. Ya soy enemigo de Amadís de Gaula y de toda la infinita caterva de su linaje, ya me son odiosas todas las historias profanas del andante caballería, ya conozco mi necedad y el peligro en que me pusieron haberlas leído, ya, por misericordia de Dios, escarmentando en cabeza propia, las abomino. Cuando esto le oyeron decir los tres, creyeron, sin duda, que alguna nueva locura le había tomado. Y Sansón le dijo: — ¿Ahora, señor don Quijote, que tenemos nueva que está desencantada la señora Dulcinea, sale vuestra merced con eso? Y ¿agora que estamos tan a pique de ser pastores, para pasar cantando la vida, como unos príncipes, quiere vuesa merced hacerse ermitaño? Calle, por su vida, vuelva en sí, y déjese de cuentos. — Los de hasta aquí —replicó don Quijote—, que han sido verdaderos en mi daño, los ha de volver mi muerte, con ayuda del cielo, en mi provecho. Yo, señores, siento que me voy muriendo a toda priesa; déjense burlas aparte, y traíganme un confesor que me confiese y un escribano que haga mi testamento, que en tales trances como éste no se ha de burlar el hombre con el alma; y así, suplico que, en tanto que el señor cura me confiesa, vayan por el escribano. Miráronse unos a otros, admirados de las razones de don Quijote, y, aunque en duda, le quisieron creer; y una de las señales por donde conjeturaron se moría fue el haber vuelto con tanta facilidad de loco a cuerdo, porque a las ya dichas razones añadió otras muchas tan bien dichas, tan cristianas y con tanto concierto, que del todo les vino a quitar la duda, y a creer que estaba cuerdo. Hizo salir la gente el cura, y quedóse solo con él, y confesóle. El bachiller fue por el escribano, y de allí a poco volvió con él y con Sancho Panza; el cual Sancho, que ya sabía por nuevas del bachiller en qué estado estaba su señor, hallando a la ama y a la sobrina llorosas, comenzó a hacer pucheros y a derramar lágrimas. Acabóse la confesión, y salió el cura, diciendo: — Verdaderamente se muere, y verdaderamente está cuerdo Alonso Quijano el Bueno; bien podemos entrar para que haga su testamento. Estas nuevas dieron un terrible empujón a los ojos preñados de ama, sobrina y de Sancho Panza, su buen escudero, de tal manera, que los hizo reventar las lágrimas de los ojos y mil profundos suspiros del pecho; porque, verdaderamente, como alguna vez se ha dicho, en tanto que don Quijote fue Alonso Quijano el Bueno, a secas, y en tanto que fue don Quijote de la Mancha, fue siempre de apacible condición y de agradable trato, y por esto no sólo era bien querido de los de su casa, sino de todos cuantos le conocían. Entró el escribano con los demás, y, después de haber hecho la cabeza del testamento y ordenado su alma don Quijote, con todas aquellas circunstancias cristianas que se requieren, llegando a las mandas, dijo: — Ítem, es mi voluntad que de ciertos dineros que Sancho Panza, a quien en mi locura hice mi escudero, tiene, que, porque ha habido entre él y mí ciertas cuentas, y dares y tomares, quiero que no se le haga cargo dellos, ni se le pida cuenta alguna, sino que si sobrare alguno, después de haberse pagado de lo que le debo, el restante sea suyo, que será bien poco, y buen provecho le haga; y, si como estando yo loco fui parte para darle el gobierno de la ínsula, pudiera agora, estando cuerdo, darle el de un reino, se le diera, porque la sencillez de su condición y fidelidad de su trato lo merece. Y, volviéndose a Sancho, le dijo: — Perdóname, amigo, de la ocasión que te he dado de parecer loco como yo, haciéndote caer en el error en que yo he caído, de que hubo y hay caballeros andantes en el mundo. — ¡Ay! —respondió Sancho, llorando—: no se muera vuestra merced, señor mío, sino tome mi consejo y viva muchos años, porque la mayor locura que puede hacer un hombre en esta vida es dejarse morir, sin más ni más, sin que nadie le mate, ni otras manos le acaben que las de la melancolía. Mire no sea perezoso, sino levántese desa cama, y vámonos al campo vestidos de pastores, como tenemos concertado: quizá tras de alguna mata hallaremos a la señora doña Dulcinea desencantada, que no haya más que ver. Si es que se muere de pesar de verse vencido, écheme a mí la culpa, diciendo que por haber yo cinchado mal a Rocinante le derribaron; cuanto más, que vuestra merced habrá visto en sus libros de caballerías ser cosa ordinaria derribarse unos caballeros a otros, y el que es vencido hoy ser vencedor mañana. — Así es —dijo Sansón—, y el buen Sancho Panza está muy en la verdad destos casos. — Señores —dijo don Quijote—, vámonos poco a poco, pues ya en los nidos de antaño no hay pájaros hogaño: yo fui loco, y ya soy cuerdo; fui don Quijote de la Mancha, y soy agora, como he dicho, Alonso Quijano el Bueno. Pueda con vuestras mercedes mi arrepentimiento y mi verdad volverme a la estimación que de mí se tenía, y prosiga adelante el señor escribano. »Ítem, mando toda mi hacienda, a puerta cerrada, a Antonia Quijana, mi sobrina, que está presente, habiendo sacado primero de lo más bien parado della lo que fuere menester para cumplir las mandas que dejo hechas; y la primera satisfación que se haga quiero que sea pagar el salario que debo del tiempo que mi ama me ha servido, y más veinte ducados para un vestido. Dejo por mis albaceas al señor cura y al señor bachiller Sansón Carrasco, que están presentes. »Ítem, es mi voluntad que si Antonia Quijana, mi sobrina, quisiere casarse, se case con hombre de quien primero se haya hecho información que no sabe qué cosas sean libros de caballerías; y, en caso que se averiguare que lo sabe, y, con todo eso, mi sobrina quisiere casarse con él, y se casare, pierda todo lo que le he mandado, lo cual puedan mis albaceas distribuir en obras pías a su voluntad. »Ítem, suplico a los dichos señores mis albaceas que si la buena suerte les trujere a conocer al autor que dicen que compuso una historia que anda por ahí con el título de Segunda parte de las hazañas de don Quijote de la Mancha, de mi parte le pidan, cuan encarecidamente ser pueda, perdone la ocasión que sin yo pensarlo le di de haber escrito tantos y tan grandes disparates como en ella escribe, porque parto desta vida con escrúpulo de haberle dado motivo para escribirlos. Cerró con esto el testamento, y, tomándole un desmayo, se tendió de largo a largo en la cama. Alborotáronse todos y acudieron a su remedio, y en tres días que vivió después deste donde hizo el testamento, se desmayaba muy a menudo. Andaba la casa alborotada; pero, con todo, comía la sobrina, brindaba el ama, y se regocijaba Sancho Panza; que esto del heredar algo borra o templa en el heredero la memoria de la pena que es razón que deje el muerto. En fin, llegó el último de don Quijote, después de recebidos todos los sacramentos, y después de haber abominado con muchas y eficaces razones de los libros de caballerías. Hallóse el escribano presente, y dijo que nunca había leído en ningún libro de caballerías que algún caballero andante hubiese muerto en su lecho tan sosegadamente y tan cristiano como don Quijote; el cual, entre compasiones y lágrimas de los que allí se hallaron, dio su espíritu: quiero decir que se murió. Viendo lo cual el cura, pidió al escribano le diese por testimonio como Alonso Quijano el Bueno, llamado comúnmente don Quijote de la Mancha, había pasado desta presente vida y muerto naturalmente; y que el tal testimonio pedía para quitar la ocasión de algún otro autor que Cide Hamete Benengeli le resucitase falsamente, y hiciese inacabables historias de sus hazañas. Este fin tuvo el Ingenioso Hidalgo de la Mancha, cuyo lugar no quiso poner Cide Hamete puntualmente, por dejar que todas las villas y lugares de la Mancha contendiesen entre sí por ahijársele y tenérsele por suyo, como contendieron las siete ciudades de Grecia por Homero. Déjanse de poner aquí los llantos de Sancho, sobrina y ama de don Quijote, los nuevos epitafios de su sepultura, aunque Sansón Carrasco le puso éste: Yace aquí el Hidalgo fuerte que a tanto estremo llegó de valiente, que se advierte que la muerte no triunfó de su vida con su muerte. Tuvo a todo el mundo en poco; fue el espantajo y el coco del mundo, en tal coyuntura, que acreditó su ventura morir cuerdo y vivir loco. Y el prudentísimo Cide Hamete dijo a su pluma: — Aquí quedarás, colgada desta espetera y deste hilo de alambre, ni sé si bien cortada o mal tajada péñola mía, adonde vivirás luengos siglos, si presuntuosos y malandrines historiadores no te descuelgan para profanarte. Pero, antes que a ti lleguen, les puedes advertir, y decirles en el mejor modo que pudieres: ''¡Tate, tate, folloncicos! De ninguno sea tocada; porque esta impresa, buen rey, para mí estaba guardada. Para mí sola nació don Quijote, y yo para él; él supo obrar y yo escribir; solos los dos somos para en uno, a despecho y pesar del escritor fingido y tordesillesco que se atrevió, o se ha de atrever, a escribir con pluma de avestruz grosera y mal deliñada las hazañas de mi valeroso caballero, porque no es carga de sus hombros ni asunto de su resfriado ingenio; a quien advertirás, si acaso llegas a conocerle, que deje reposar en la sepultura los cansados y ya podridos huesos de don Quijote, y no le quiera llevar, contra todos los fueros de la muerte, a Castilla la Vieja, haciéndole salir de la fuesa donde real y verdaderamente yace tendido de largo a largo, imposibilitado de hacer tercera jornada y salida nueva; que, para hacer burla de tantas como hicieron tantos andantes caballeros, bastan las dos que él hizo, tan a gusto y beneplácito de las gentes a cuya noticia llegaron, así en éstos como en los estraños reinos''. Y con esto cumplirás con tu cristiana profesión, aconsejando bien a quien mal te quiere, y yo quedaré satisfecho y ufano de haber sido el primero que gozó el fruto de sus escritos enteramente, como deseaba, pues no ha sido otro mi deseo que poner en aborrecimiento de los hombres las fingidas y disparatadas historias de los libros de caballerías, que, por las de mi verdadero don Quijote, van ya tropezando, y han de caer del todo, sin duda alguna. Vale. Fin *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DON QUIJOTE *** ***** This file should be named 2000-0.txt or 2000-0.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/2/0/0/2000/ Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. 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